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Délibérations du comité sénatorial permanent des
Droits de la personne

Fascicule 1 - Témoignages du 12 avril 2010


OTTAWA, le lundi 12 avril 2010

Le Comité sénatorial permanent des droits de la personne se réunit aujourd'hui, à 16 h 2, pour surveiller l'évolution de diverses questions ayant trait aux droits de la personne et examiner, entre autres choses, les mécanismes du gouvernement pour que le Canada respecte ses obligations nationales et internationales en matière de droits de la personne (sujet : résolution 1325 du Conseil de sécurité des Nations Unies sur les femmes, la paix et la sécurité).

Le sénateur Janis G. Johnson (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente : Honorables sénateurs, nous surveillons l'évolution de diverses questions ayant trait aux droits de la personne et examinons, entre autres choses, les mécanismes par lesquels le gouvernement s'acquitte des obligations nationales et internationales du Canada en matière de droits de la personne. Nous avons le plaisir de recevoir aujourd'hui Henri-Paul Normandin, représentant permanent adjoint du Canada auprès des Nations Unies, à New York. Bienvenue à notre séance de cet après-midi. Je suis heureuse que vous ayez pu vous joindre à nous. Nous sommes prêts à entendre votre exposé.

[Français]

Ambassadeur Henri-Paul Normandin, représentant permanent adjoint, Mission permanente du Canada auprès des Nations Unies, Affaires étrangères et Commerce international Canada : Merci, madame la présidente. Il me fait grand plaisir de me joindre à vous aujourd'hui afin de contribuer aux travaux du comité sur un dossier qui nous tient tous et toutes à cœur.

Un certain nombre de mes collègues du ministère des Affaires étrangères ont comparu devant vous en septembre dernier. À ce moment-là, ils ont expliqué que le Canada intervient essentiellement en fonction de quatre axes d'intervention dans le dossier des femmes, de la paix et de la sécurité. Tout d'abord, l'élaboration d'un cadre normatif international; deuxièmement, des programmes de sensibilisation et de promotion; troisièmement, le suivi de la mise en œuvre des résolutions; et quatrièmement, le renforcement des capacités. Le travail que nous effectuons ici, à New York, au sein de la Mission permanente du Canada, en étroite collaboration avec les Nations Unies, s'articule autour de ces quatre grands axes.

Essentiellement, je me propose de partager avec vous l'information sur le travail de la Mission permanente du Canada. Suite à ma présentation, il me fera plaisir d'engager la conversation avec vous, de répondre à vos questions ainsi que d'entendre vos observations, vos commentaires et vos suggestions.

Dans un premier temps, pour bien comprendre le travail que nous faisons, le Canada à New York, je vais simplement vous donner un aperçu de la façon dont les Nations Unies sont organisées sur cette question. Vous avez d'abord rencontré — au sein de votre comité — déjà trois des acteurs importants, c'est-à-dire du Département des opérations de maintien de la paix, M. David Haeri, de l'UNIFEM, Mme Anne-Marie Goetz, et Mme Rachel Mayanja, qui est la conseillère du secrétaire général sur les questions de genre. Ce sont évidemment trois acteurs clés, mais il y a aussi d'autres acteurs, et je vais en identifier quelques-uns.

Tout d'abord, pour tout ce qui touche les questions de médiation et de processus de paix, il y a le Département des affaires politiques, qui est un joueur important et avec qui nous sommes en contact. Également, les Nations Unies, c'est une grande famille qui a beaucoup de différentes unités. Or, il existe un groupe qui s'appelle le Groupe d'action de l'ONU contre la violence sexuelle. Ce groupe réunit 12 entités, agences, programmes des Nations Unies, et vise à coordonner l'action des Nations Unies pour faciliter la mise en œuvre des résolutions. Ce groupe est un interlocuteur important pour nous.

Il y a beaucoup de travail de formation qui se fait par différentes agences onusiennes, entre autres le Département des opérations de maintien de la paix et aussi le Bureau des affaires humanitaires.

Il existe aussi au sein de l'assemblée générale, un comité sur les opérations de maintien de la paix, qui est connu sous son acronyme, le C34. J'ai le privilège de présider le groupe de travail de ce comité. On se réunit pour quelques semaines chaque année. Nous venons de terminer notre session annuelle et l'un des thèmes que nous abordons dans le cadre de ce groupe, c'est justement les questions des femmes, de la paix et de la sécurité.

Finalement, et non le moindre, il y a le secrétaire général lui-même qui est actif dans ce dossier, en matière d'exploitation et d'abus sexuel par les employés des Nations Unies. Le secrétaire général a déjà émis une directive de politique de tolérance zéro, et il fait le suivi là-dessus.

Cependant, je voudrais surtout attirer votre attention sur un développement plus récent. Le Conseil de sécurité, par sa résolution 1888 adoptée récemment, a demandé au secrétaire général de créer un nouveau poste au sein des Nations Unies, le poste de représentant spécial du secrétaire général sur les questions de violence sexuelle dans les conflits. Ce poste vient tout juste d'être créé et le secrétaire général vient tout juste de nommer une personne pour occuper ce poste. Il s'agit de Mme Margot Wallström, de la Suède. Elle vient tout juste d'entrer en fonction, le 1er avril dernier. Au moment où l'on se parle, elle est déjà en voyage en République démocratique du Congo.

Voilà donc un aperçu des différents joueurs au sein des Nations Unies.

[Traduction]

En ne perdant pas de vue tous ces divers acteurs, que fait le Canada dans ce contexte aux Nations Unies? Tout d'abord, le Canada contribue au cadre normatif. À présent, vous connaissez non seulement la résolution 1325 sur les femmes, la paix et la sécurité, mais aussi la résolution 1880 sur la situation en Côte d'Ivoire, adoptée l'an dernier. Il y a également les résolutions 1820, adoptée en 2009, et 1888, adoptée plus récemment, qui portent sur la violence sexuelle. Dans l'ensemble, ces résolutions fournissent un cadre normatif respectable aux Nations Unies, si je peux m'exprimer ainsi.

Le Canada a contribué au cadre normatif depuis le début. Le Canada faisait partie du Conseil de sécurité en 2000, année où a été adoptée la résolution 1325, et il continue à contribuer au cadre depuis ce temps. La résolution 1820 sur la violence sexuelle est l'exemple le plus récent.

Par ailleurs, il faut beaucoup de travail — de sensibilisation, de consultation, et cetera — pour promouvoir une nouvelle idée aux Nations Unies. Le Canada et quelques autres pays ont organisé une conférence de première importance l'an dernier, à Wilson Park, au Royaume-Uni. L'objectif était de déterminer ce que l'armée et la police peuvent faire pour aider à résoudre les problèmes de violence sexuelle et, plus largement, les questions relatives aux femmes, à la paix et à la sécurité. La conférence a servi à mobiliser la volonté politique pour poursuivre les travaux sur le plan normatif. De plus, elle a grandement contribué à l'adoption de la résolution 1820, qui a fait date. Pourquoi cette résolution était-elle si importante? Pour la première fois, le Conseil de sécurité a reconnu que la violence sexuelle dans les conflits pouvait constituer une menace à la paix et à la sécurité internationale. Ce type de violence peut amener le Conseil de sécurité à intervenir d'une foule de façons.

Je mentionne cela pour indiquer que le Canada a toujours contribué au processus normatif. Bien des choses ont été accomplies, ce qui nous place dans une situation respectable.

Toutefois, il ne suffit pas d'avoir un cadre normatif. Il y a du travail à faire à plusieurs égards. À New York, le deuxième domaine d'intervention du Canada est celui de la sensibilisation, qui peut être accomplie de plusieurs manières. Tout d'abord, le Canada a créé, il y a fort longtemps, le Groupe des amis du Programme « Femmes, paix et sécurité », ou le Groupe des amis de la résolution 1325. Ce groupe comprend des représentants d'environ 30 pays déterminés à trouver des réponses aux questions relatives aux femmes, à la paix et à la sécurité. Nous invitons également les ONG et des organismes des Nations Unies à se joindre au groupe, qui est, à New York, le principal organisme de promotion du cadre normatif.

Nous nous rencontrons régulièrement. Par exemple, quelques semaines avant une séance de délibération du Conseil de sécurité sur des questions ayant trait aux femmes, à la paix et à la sécurité, le groupe se réunit pour, premièrement, communiquer de l'information et, deuxièmement, coordonner les positions des membres de manière à ce qu'ils tiennent le même discours devant le conseil.

C'est un exemple du travail que nous faisons. Également, en marge de la Commission de la condition de la femme, nous avons tenu une réunion avec le Global Network of Women Peacebuilders, il y a quelques semaines. Ce réseau mondial mène actuellement une étude sur le financement de la résolution 1325 sur les femmes, la paix et la sécurité pour voir quelles sont les sources de financement disponibles, quelles sont les difficultés et ainsi de suite. Nous étions heureux, pour la réunion que la mission a tenue dans la salle où je me trouve, de pouvoir compter sur la présence des sénateurs Ruth et Losier-Cool et de trois députés, qui ont contribué à la discussion. C'est un exemple récent.

Dernièrement, fait notable, l'ONU a commencé à élaborer un ensemble d'indicateurs pour voir comment les résolutions ayant trait aux femmes, à la paix et à la sécurité sont mises en œuvre sur le terrain. Lundi prochain, nous tiendrons dans cette salle une réunion du Groupe des amis du programme « Femmes, paix et sécurité ». Notre invitée principale sera Rachel Mayanja, que vous avez rencontrée. Elle nous dira comment aller de l'avant avec les indicateurs.

Comme vous le savez, cette année marque le dixième anniversaire de la résolution 1325. Le Groupe des amis prend une part active aux discussions sur les activités qui se dérouleront à l'automne pour souligner l'occasion. En plus de participer à ces activités, le groupe doit effectuer des démarches précises dans des cas particuliers. Je vais donner quelques exemples.

L'an dernier, concernant la République démocratique du Congo, ou la RDC, nous nous sommes déplacés et avons rencontré l'équipe de médiation de l'ONU pour que les femmes soient mieux intégrées au processus de paix. Pour le dire sans détour, nous avons aussi averti l'équipe que, dans le cadre des accords du processus de paix, il ne devait y avoir absolument aucune amnistie pour ceux qui ont commis des crimes de violence sexuelle. Nous avons mis en garde les gens de l'équipe et nous leur avons dit que nous allions surveiller la situation pour qu'il n'y ait plus de violence sexuelle comme il y en a eu, malheureusement, dans le passé.

Enfin, il y a seulement deux semaines, nous avons rencontré le nouvel envoyé des Nations Unies et de l'Union africaine pour le Soudan, qui était ici, à New York. Je l'ai encouragé à prendre des mesures pour inclure les femmes dans le processus de paix. Ensuite, dans un entretien privé après la réunion, j'ai dit à l'envoyé, dans des termes plus diplomatiques, bien sûr : « Monsieur Gambari, soyez assuré que la prochaine fois que vous viendrez à New York, je vous demanderai ce que vous avez accompli et quels sont les progrès concernant la participation des femmes au processus de paix au Darfour. Je surveillerai votre travail. Apportez-nous de bonnes nouvelles, s'il vous plaît ».

Voilà le genre de sensibilisation que nous faisons. À quoi sert la sensibilisation? En fin de compte, elle sert à la mise en œuvre du cadre normatif.

Ce qui nous amène au troisième grand aspect de notre travail ici, la mise en œuvre. Je vous ai dit plus tôt que le cadre normatif que nous avons est respectable, malgré tout, sa mise en œuvre est le grand défi que nous devons affronter concernant les femmes, la paix et la sécurité.

Je vais commencer en vous donnant une statistique dont vous avez peut-être entendu parler, mais je crois qu'il vaut la peine de la mentionner de façon explicite. Le Fonds de développement des Nations Unies pour la femme, l'UNIFEM, a mené récemment une étude sur la participation des femmes aux processus de paix. L'UNIFEM a constaté que seulement 7 p. 100 des participants aux processus de paix sont des femmes. Cette statistique est préoccupante et elle nous montre que nous avons beaucoup de chemin à faire pour ce qui est de la mise en œuvre.

Cela dit, un certain nombre de choses sont faites. Tout d'abord, la plupart des missions de maintien de la paix sur le terrain ont maintenant des conseillers en matière d'égalité des sexes qui s'occupent de ces questions. C'est le cas, par exemple, au Timor-Leste, au Tchad, et cetera. Pour ce qui est de la RDC, où les défis sont énormes concernant la violence sexuelle et les femmes, la paix et la sécurité, l'équipe des Nations Unies travaille étroitement avec le comité de direction national pour favoriser une meilleure mise en œuvre. L'équipe examine les données et les indicateurs pour voir comment les choses sont mises en pratique sur le terrain.

Enfin, à propos du respect des règles et de la mise en œuvre, les responsables de la mise en œuvre sur le terrain, ou ceux qui ont un rôle à jouer à cet égard, sont des civils, des militaires, des policiers et ainsi de suite. Par conséquent, lorsque le Conseil de la sécurité a tenu une discussion sur la question de la violence sexuelle, l'an dernier, le Canada a parrainé un groupe de policières qui sont venues à New York. Ces femmes ont fait part au conseil de ce qu'elles accomplissent dans les domaines de l'égalité des femmes, de la paix, de la sécurité et de la lutte contre la violence sexuelle. Elles ont parlé des possibilités, des défis et de ce qui pourra être reproduit ailleurs. Cette discussion était une première pour le Conseil de sécurité.

Nous nous sommes aussi réunis avec ces policières, qui ont servi en RDC, au Libéria, à Haïti et au Soudan, et un certain nombre d'acteurs pour discuter des mêmes choses et favoriser une meilleure mise en œuvre de la résolution.

Ce qui m'amène à parler de notre dernier grand secteur d'intervention, le développement des capacités. Pour mettre en œuvre la résolution, l'ONU et les gouvernements nationaux doivent avoir les capacités, les connaissances, les moyens, et cetera. requis à ces fins. Ces dernières années, nous avons réalisé des initiatives de développement des capacités. Par exemple, nous avons financé — entre autres — un certain nombre d'organismes de l'ONU qui forment leur propre personnel. Je vais vous donner un exemple récent. Vous savez peut-être que le Canada est membre de la Commission de consolidation de la paix. Plus particulièrement, nous présidons le groupe qui s'occupe de la configuration de la Sierra Leone.

Dernièrement, en marge de la Commission de la condition de la femme, nous avons organisé une activité pour aider le gouvernement de la Sierra Leone à lancer son plan d'action national relatif à la résolution 1325. Évidemment, la résolution est pertinente dans le contexte de la Sierra Leone. Aussi, nous voulons que les questions qui ont trait aux femmes, à la paix et à la sécurité fassent partie de l'ensemble des efforts de consolidation de la paix actuellement déployés au pays.

[Français]

Madame la présidente, voilà un aperçu du travail que nous faisons à New York. Certainement, au cours des années, je crois que collectivement nous avons réussi à développer un cadre normatif qui se tient, mais le défi auquel nous faisons face, c'est la mise en œuvre de tout cela.

Comme je l'ai mentionné, la Canada a fait du développement du cadre normatif et de nos jours, nous concentrons surtout nos efforts à la mise en œuvre des résolutions. Tout cela se fait évidemment dans un cadre plus large du travail du Canada ici aux Nations Unies, et notamment l'agenda du gouvernement sur les questions de liberté, de démocratie, de droits de la personne et de règles de droit.

Voilà. Il me fera plaisir d'engager la conversation, de répondre à vos questions et surtout d'entendre vos observations et vos suggestions.

La présidente : Merci, monsieur Normandin.

[Traduction]

Mes collègues vont vous poser des questions. Cela dit, je veux avant tout vous remercier de votre exposé. Vous nous avez beaucoup éclairés sur bon nombre des aspects qui nous intéressent.

Pouvez-vous me dire quels sont les mécanismes supplémentaires que les Nations Unies peuvent appliquer pour assurer la mise en œuvre de la résolution 1325? Par exemple, les représentants du Canada ont-ils déjà envisagé de promouvoir la création d'une force opérationnelle spéciale, ou la nomination d'un rapporteur ou d'un représentant du Secrétaire général? Sinon, ont-ils considéré l'idée d'appliquer un autre mécanisme qui permettrait à la fois de donner un aperçu plus indépendant de la mise en œuvre de la résolution et de faire rapport aux États membres des Nations Unies? Un mécanisme existe peut-être déjà.

M. Normandin : Oui, on met en place actuellement certains des mécanismes dont vous avez parlé. Il y a peu de temps, une représentante du Secrétaire général a été nommée pour se pencher sur ces questions. Elle se concentrera sur le problème de la violence sexuelle, mais elle examinera aussi, nous l'espérons, des volets plus larges du programme relatif aux femmes, à la paix et à la sécurité. Après tout ce temps, nous avons enfin, aux Nations Unies, quelqu'un qui est chargé de défendre ces causes.

Jusqu'à maintenant, les rapports produits ne sont pas à la hauteur des attentes. C'est pourquoi, à l'heure actuelle, on travaille entre autres sur les indicateurs. Nous avons pris la résolution 1889 pour demander au Secrétaire général d'élaborer un ensemble d'indicateurs concernant les femmes, la paix et la sécurité; le travail d'élaboration ne fait toutefois que commencer. Ces indicateurs nous aideront à avoir une meilleure idée de la façon dont la résolution est mise en œuvre.

Également, la résolution 1889 renforce les mécanismes de production de rapports. Elle demande que le Secrétaire général fasse régulièrement rapport au Conseil de sécurité sur les questions relatives aux femmes, à la paix et à la sécurité.

Pour ce qui est des autres mécanismes des Nations Unies, le Groupe d'action contre la violence sexuelle, dont j'ai parlé, est en activité, mais il pourrait être beaucoup plus efficace. Il y a toujours du travail à faire à cet égard.

Le dernier mécanisme, mais non le moindre, est la formation — le Canada y contribue. Cependant, les besoins en formation ne sont pas tous comblés.

S'il est un domaine qui présente des problèmes considérables, c'est celui de la participation des femmes aux processus de paix et aux efforts de médiation. J'ai mentionné des statistiques, un peu plus tôt. L'ONU est en partie à blâmer. Les équipes de médiation des Nations Unies n'ont pas ce qu'il faut; elles n'ont pas l'information, les connaissances et tout le reste pour savoir comment faire participer les femmes aux processus de paix. On a beaucoup de pain sur la planche à cet égard.

Tout cela pour dire que certains mécanismes sont en place, mais ils doivent encore être améliorés et, en fin de compte, ils doivent être plus efficaces sur le terrain, là où les choses comptent.

La présidente : J'ai une autre question. Je sais que les choses changent et que la nomination de Margot Wallström est un excellent choix. Mais, quand s'attend-on, de votre côté ou de celui du Conseil de sécurité, à recevoir le rapport de cette personne?

Seulement 7 p. 100 des participants aux négociations ou aux pourparlers de paix sont des femmes, comme vous l'avez relevé dans le rapport de l'UNIFEM. Je sais que Margot Wallström produira un rapport, mais je me demande s'il y a d'autres femmes qui, avec elle, prennent part aux discussions, à l'heure actuelle.

M. Normandin : Mme Wallström occupe un poste nouvellement créé; elle vient tout juste de commencer à travailler. Elle doit directement rendre compte au Secrétaire général, cela est clairement établi. De ce fait, elle a accès à tous les autres organes des Nations Unies — le Département des opérations de maintien de la paix et les autres. Il n'y a pas de doute là-dessus.

Pour l'instant, on est incertain de la façon dont Mme Wallström fera rapport au Conseil de sécurité — la fréquence et tous ces détails restent à déterminer.

Mme Wallström comparaîtra pour la première fois devant le Conseil de sécurité le 27 avril. Elle sera revenue de son voyage en RDC. Ce sera la toute première fois que Mme Wallström s'adressera à nous en personne. Mais là encore, on ne sait pas clairement comment elle fera rapport au conseil, à quelle fréquence elle devra le faire et ainsi de suite.

Soyez assurés que les représentants du Canada travailleront avec elle et surveilleront étroitement ce qui aura été fait, en plus de plaider en faveur de rapports efficaces et réguliers. Cela dit, le travail est toujours en cours.

Le sénateur Jaffer : Monsieur l'ambassadeur, je vous remercie tout d'abord de vos commentaires. Je veux que mes collègues sachent que vous avez été un chef de file dans le domaine, lorsque vous étiez au Canada, et que tout ce que je sais sur le sujet, je l'ai appris en travaillant pour vous. Je suis heureuse que vous soyez ici aujourd'hui.

J'ai beaucoup de questions à poser, mais je dois en choisir un nombre limité. Avec la permission de la présidence, je vous enverrai des questions écrites.

Je suis contente de savoir que nous avons joué un rôle de premier plan concernant la résolution 1820. Récemment, je suis allée dans différents endroits du monde et j'ai constaté l'angoisse des femmes. Je suis sûre qu'il en a été question lorsque vous avez discuté de la résolution. Ces femmes estiment que la résolution 1325 confère des pouvoirs. À tout le moins, nous pouvons nous référer à cette résolution pour entamer des processus de paix et de décision et pour indiquer qu'il faut envoyer une délégation accrue.

Pour les résolutions 1820, 1888 et 1889, on a repris l'approche traditionnelle qui consiste à traiter les femmes en victimes. On estime que, dans leur ensemble, la résolution 1325 et les autres résolutions dont j'ai fait mention amènent encore les gens à voir les femmes comme des victimes, au lieu de les voir comme des personnes indispensables aux négociations. Je suis sûre que vous avez eu des discussions à ce propos. Pouvez-vous nous éclairer là-dessus?

M. Normandin : Merci, sénateur Jaffer, de votre question. Je suis content de vous voir ici.

Oui, nous discutons aussi de ces questions. Jusqu'à un certain point, on peut dire que les résolutions 1888 et 1889, adoptées récemment, ont l'avantage d'avoir du mordant, car un représentant spécial a été nommé, des indicateurs ont été élaborés, des rapports plus consistants seront produits et ainsi de suite.

Par contre, vous avez tout à fait raison de dire que les femmes ne devraient pas être vues comme des victimes ou comme des personnes passives dans les conflits, mais comme des contributrices potentielles à tout ce qui peut ressortir des processus de paix. Les femmes doivent faire partie des processus de paix. Elles doivent participer aux négociations et avoir leur mot à dire.

La participation des femmes au processus de paix est un élément essentiel du programme relatif aux femmes, à la paix et à la sécurité. Jusqu'ici, je crois que c'est le volet dans lequel nous avons été les moins efficaces. Il faut améliorer la participation des femmes, qui, en effet, se plaignent de ne pas pouvoir prendre part aux discussions.

Nous avons rencontré des représentants des ONG dont des membres travaillent en RDC. On mène des expériences intéressantes pour faire participer les femmes, là-bas. Malgré tout, cette participation n'est pas encore assez importante. Malheureusement, c'est plus facile à dire qu'à faire. Dans les factions belligérantes, qui sont ceux qui ont les fusils, le pouvoir et tout le reste? Souvent, ce sont les hommes.

Quelles femmes chercherons-nous à inclure dans le processus de paix? À quelles femmes accorde-t-on un certain degré de légitimité et d'influence? C'est ambigu. Il est difficile pour les gens sur le terrain de définir et d'organiser la participation des femmes. Vous avez pris part au processus concernant le Darfour, il y a quelques années, je crois. Quelles femmes devaient représenter les femmes du Darfour? Il est difficile de savoir quelles femmes pourront contribuer aux discussions.

Cette difficulté fait sans aucun doute partie du problème à résoudre. Il reste beaucoup de travail à faire. Nous n'avons pas encore été capables de bien définir le profil des femmes recherchées. Comme je disais, c'est plus facile à dire qu'à faire. Malgré tout, il faut poursuivre les efforts dans ce sens. Il est essentiel de sensibiliser davantage les équipes de l'ONU chargées de la médiation et du processus de paix et de leur donner de meilleurs moyens pour repérer les femmes dotées des qualités voulues et organiser leur participation.

C'est bien malheureux, mais je n'ai pas de réponse claire, étant donné que le domaine est complexe. Il n'en demeure pas moins que vous avez raison de mentionner ce volet du programme.

Le sénateur Jaffer : C'est exactement ce qu'on affirmait lorsque nous avons fait participer des femmes au processus de paix d'Abuja concernant le Darfour. Vous et moi n'avions pas de difficulté à trouver des femmes. Mais il y a un manque de volonté.

Vous dites que vous avez rencontré des représentants de forces armées à Wilton Park. Quand je travaillais sur la question, les principes directeurs et tout le reste relevaient des Nations Unies. Nous avons consulté bien des livres qui énoncent les directives que doivent suivre les forces armées. Cependant, ces directives n'étaient pas mises en œuvre. Je me réjouis que la conférence de Wilton Park ait eu lieu.

Qu'est-ce qui est différent depuis cette conférence? Certaines des politiques de l'ONU sont-elles en train d'être mises en œuvre? Qu'est-ce qui a changé pour les femmes depuis l'adoption de la résolution 1325?

M. Normandin : Depuis la conférence de Wilton Park et l'adoption de la résolution 1820, il y a deux ans, les acteurs principaux sont, non pas beaucoup, mais quelque peu plus au fait des enjeux. En particulier, les militaires et les policiers sont plus nombreux à comprendre que cette résolution s'applique à leur travail. Même s'ils n'en sont pas tous conscients, ils sont plus nombreux à l'être qu'avant.

On a continué d'améliorer la formation avec les années. On donne davantage de formation, et elle est de meilleure qualité.

Vous avez parlé de tous ces livres de directives. On est en train de les améliorer. Il faut voir la question dans un contexte plus large. Il ne s'agit pas seulement des femmes, de la paix et de la sécurité, mais aussi de la protection des civils dans les conflits.

Il y a quelques semaines, nous avons fait certains progrès dans le cadre du Comité spécial des opérations de maintien de la paix. La protection des civils demeure une question délicate. Tandis que des militaires et des policiers croient qu'elle est une partie intégrante de leur mandat, d'autres, qui veulent bien admettre qu'ils sont responsables de la protection des civils, n'ont pas la volonté de s'en occuper.

En un mot, le comité a tenu une discussion sur le sujet. Il y a deux ans, les mots « protection des civils » étaient tabous pour le comité. Cette année, nous avons décidé de donner le mandat au Secrétariat d'élaborer des directives, qui porteront un autre nom, mais qui néanmoins seront des directives sur la protection des civils. Ces directives porteront notamment sur la façon de mieux s'occuper de la question des femmes.

Vous avez mis le doigt sur l'élément important. Dans quelle mesure la situation a-t-elle changé pour les femmes sur place? Il va de soi que ce n'est pas encore suffisant. Certaines bases sont jetées, et les répercussions se font sentir sur le terrain.

L'augmentation du nombre d'agentes de police est un point encourageant. Les agentes auxquelles nous avons parlé au Liberia et ailleurs nous ont indiqué que les femmes étaient plus nombreuses à venir parler de leur situation et se plaindre. C'est bon signe. Plus il y aura de femmes qui porteront plainte, plus on prendra des mesures concrètes. Les agentes de police commencent à jouer un rôle plus actif en formant en quelque sorte une force de protection.

Certains progrès sont réalisés, mais ce n'est pas encore suffisant pour améliorer vraiment le sort de ces femmes. C'est pourquoi nous devons poursuivre nos efforts en ce sens.

Le sénateur Baker : Monsieur l'ambassadeur, notre comité a été saisi d'un ordre de renvoi portant sur l'étude de la résolution 1325 du Conseil de sécurité des Nations Unies et l'examen du rôle joué par le Canada dans la mise en œuvre de cette résolution.

Vous accomplissez de l'excellent travail. On m'a dit que vous n'avez pas manqué d'utiliser toutes les tribunes officielles pour critiquer sur le Conseil de sécurité relativement à son manque de mordant. C'est peut-être à nous de critiquer maintenant le gouvernement canadien concernant la mise en œuvre de cette résolution.

Je voudrais justement vous parler de mise en œuvre. Ma propre mémoire institutionnelle remonte au début des années 1970. Nous avions alors adopté une loi visant la mise en œuvre de toutes les résolutions du Conseil de sécurité — mais pas nécessairement des autres résolutions adoptées par les Nations Unies. Quoi qu'il en soit, tous les pays membres reconnus par la Charte des Nations Unies se doivent de donner suite aux résolutions du Conseil de sécurité, n'est-ce pas?

M. Normandin : Oui, c'est ce qui est prévu.

Le sénateur Baker : Vous êtes avocat. Théoriquement, une résolution du Conseil de sécurité doit être mise en œuvre par les pays membres. C'est ce que prévoit l'article 25 de la Charte.

La résolution que nous examinons actuellement émane du Conseil de sécurité. La Loi sur les Nations Unies adoptée par le Parlement canadien en 1985 fournit le mécanisme requis pour la mise en œuvre de toutes les résolutions du Conseil de sécurité. Cette loi ne compte que quatre articles. On procède pour ce faire au moyen de décrets du gouverneur en conseil. Depuis lors, le Parlement canadien a adopté deux autres lois habilitantes relativement au Conseil de sécurité. La résolution dont nous parlons aujourd'hui est visée par la Loi sur les Nations Unies, telle qu'adoptée par le Parlement canadien.

La résolution 1325 pourrait être promulguée dans sa totalité au moyen d'un décret. C'est une possibilité qui s'offre au gouvernement. Êtes-vous d'accord?

M. Normandin : Merci pour votre question et votre observation.

J'hésite à m'engager dans des discussions d'ordre juridique au sujet de la mise en œuvre des résolutions du Conseil de sécurité. Cela ne fait pas partie de mon champ d'expertise.

Le sénateur Baker : Je comprends bien. Dans le contexte de la résolution 1325 et des paramètres à respecter pour les ONG et la totalité des États membres, on en est venu à considérer que la mise en œuvre passe par l'établissement d'un plan d'action. Est-ce que je me trompe?

M. Normandin : Il est effectivement question de plans d'action dans la résolution du Conseil de sécurité.

Le sénateur Baker : Nous avons deux modes de mise en œuvre possibles. Vous avez parlé des Amis de la résolution 1325. Si je ne m'abuse, ce groupe réunissait au départ trois pays nordiques : le Royaume-Uni, l'Irlande du Nord et le Canada. Tous ces amis s'attendent à ce que le Canada ait un plan d'action ou qu'il ait eu recours à son mécanisme de décrets pour mettre en œuvre certaines portions de la résolution 1325. Le Canada ne l'a pas fait.

Je ne sais pas si vous souhaitez répondre à cette question. Nous approchons du dixième anniversaire. Ce sera en octobre 2010. Comme vous le disiez, le Canada se distingue comme grand défenseur de la cause, mais on nous voit également comme un pays qui parle beaucoup, mais qui n'a pas encore mis en œuvre quoi que ce soit dans le contexte de cette résolution.

Avez-vous un commentaire à ce sujet?

M. Normandin : Merci, sénateur, pour votre question et vos observations.

La mise en œuvre de la résolution 1325 doit s'appuyer sur un minimum d'éléments; il faut notamment que les pays prennent un certain nombre de mesures et entreprennent différentes actions. Parallèlement à l'élaboration d'un plan d'action national, je crois que nous devons nous demander à quoi cela va servir exactement. Nous avons besoin d'un plan d'action national pour être en mesure de fournir des ressources et du soutien, de renforcer les capacités, d'offrir de la formation et de l'aide en la matière, et bien d'autres choses encore : nous devons pouvoir appliquer tous ces éléments de solution et nous y sommes parvenus dans une large mesure.

Je prends donc bonne note de votre commentaire, mais je crois qu'il faut souligner que nous nous sommes employés activement à mettre en œuvre les différentes mesures exigées. À ce titre, nous en avons probablement fait davantage que bien d'autres.

Par ailleurs, la résolution nous encourage à élaborer des stratégies. Nous l'avons fait d'une certaine manière en dégageant un certain nombre d'activités que nous réalisons et qui appuient l'action des autres. Toutes ces activités s'inscrivent de façon significative dans une démarche qui est sans doute beaucoup plus dynamique que celles de bien d'autres pays.

J'ajouterais qu'il n'y a à l'heure actuelle qu'une minorité de pays qui se sont donné un plan d'action national. Plan d'action ou pas, le Canada a une stratégie en place et est concrètement beaucoup plus actif que plusieurs autres nations.

Le sénateur Nancy Ruth : Merci, monsieur l'ambassadeur. Pour poursuivre dans le sens de la question du sénateur Baker, lorsque vous mettez en œuvre ces portions du plan d'action dans l'environnement des Nations Unies, est-ce que certains intervenants font valoir que le Canada n'a pas de plan d'action? Est-ce que cette lacune mine la crédibilité du Canada quand vient le temps de formuler des commentaires?

M. Normandin : En toute franchise, je vous dirais que ce n'est pas vraiment le cas. Il y a bien eu quelques mentions à cet effet, mais cela n'a pas nui à notre efficacité. Je crois que tous sont bien conscients du rôle de chef de file que nous jouons.

Je vous dirais donc que ce n'est pas vraiment le cas; pas de façon significative. Je rappelle aux sénateurs que la résolution 1325 nous demande d'élaborer des stratégies et/ou des plans d'action nationaux. Je répète que nous assumons toutes nos responsabilités découlant de cette résolution.

En définitive, les gens ont tendance à considérer ce que nous faisons dans la pratique, bien davantage que de chercher à savoir si nous avons un document intitulé « plan d'action national ».

Le sénateur Nancy Ruth : Est-ce la même chose pour les pays qui font partie des Amis de la résolution 1325?

M. Normandin : Oui, même au sein du Groupe des amis, plusieurs pays n'ont pas de plan d'action national.

Le sénateur Nancy Ruth : Je voudrais mieux comprendre le processus de mise en œuvre de cette résolution. Le Conseil de sécurité adopte la résolution. Elle est ensuite soumise au ministère des Affaires étrangères et du Commerce international. Comment celui-ci établit-il le lien avec d'autres ministères du gouvernement, comme celui de la Défense nationale ou la GRC? À quel mécanisme avons-nous eu recours, de quelle manière, à quel moment et quels ont été les résultats?

M. Normandin : Merci pour votre question.

Quant à la manière dont le travail est coordonné au Canada, mes collègues d'Ottawa seraient mieux placés pour vous décrire le processus en détail. Je peux toutefois vous confirmer que le MAECI est la plaque tournante de tout ce travail, en liaison étroite avec le MDN et l'Agence canadienne de développement international. Pour ce qui est de la GRC, je ne suis pas trop certain. Cette coordination se fait à partir d'Ottawa.

Ici à New York, nous comptons au sein de notre mission sur des employés de l'ACDI, du MDN et de la GRC. Ils contribuent à notre travail relativement aux femmes, à la paix et à la sécurité de même que dans le dossier de la violence sexuelle. Ils sont tous membres du Comité spécial des opérations de maintien de la paix au sein duquel on examine les questions touchant la paix, les femmes et la sécurité. Ils participent donc à ces débats. Nous avons d'ailleurs discuté récemment, non seulement de ces questions, mais aussi de la protection des civils. Tous ces gens contribuent activement à ces discussions. Dans le cadre de la mission à New York, nous travaillons en équipe avec les représentants de toutes ces organisations.

Pour en revenir à Ottawa, je sais qu'il y a des mécanismes de coordination, mais je dois laisser à mes collègues d'Ottawa le soin de vous fournir de plus amples détails. Il y a déjà un bon moment que je ne suis plus là-bas.

Le sénateur Nancy Ruth : Je le sais bien. Nos préoccupations, de même que la justification de la présente étude, émanent notamment de notre difficulté à bien comprendre le fonctionnement de ces liens : qui les met en œuvre; comment ces liens fonctionnent-ils à New York avec la GRC, le MDN ou peu importe; et quels en sont les impacts, le cas échéant, au Canada?

J'ai personnellement bien de la difficulté à m'y retrouver dans ce labyrinthe. Même quand des représentants du MAECI viennent comparaître devant nous, leurs réponses ne sont pas aussi précises que je le souhaiterais. Je me demande donc s'il ne serait pas préférable que le Canada désigne une personne responsable de la mise en œuvre, plutôt que de partager la tâche entre différents ministères. Je ne sais toutefois pas s'il serait bon qu'une seule personne prenne en charge cette responsabilité de mise en œuvre tant au Canada qu'à l'étranger.

Qu'en pensez-vous?

M. Normandin : Ici à New York, nos modes de collaboration sont plutôt simples. Nous faisons tous partie de la même équipe chargée d'une mission de taille raisonnable. Nous sommes constamment en interaction. Il n'y a pas de mécanisme officiel au sein de la mission.

Le sénateur Nancy Ruth : Comment la population peut-elle être au courant? Comment les gens peuvent-ils savoir ce qui se passe?

M. Normandin : Je vais laisser mes collègues canadiens vous répondre au sujet de la population du Canada. Je peux toutefois vous dire qu'ici à New York, la communauté des ONG — tous les intervenants clés présents ici — connaît bien le travail que nous accomplissons dans le cadre de notre mission. Ces gens viennent nous voir à nos réunions pour discuter avec nous, ce qui fait que le rôle et la structure de la mission canadienne ne soulèvent pas vraiment pas de préoccupations au sein de cette communauté à New York. On nous voit travailler; on nous entend; et, d'une certaine manière, on peut dire que ça fonctionne ici.

Pour ce qui est de représenter le Canada à New York dans le dossier des femmes, de la paix et de la sécurité, la tâche incombe essentiellement à deux ambassadeurs, dont moi-même. Nous avons une équipe très active qui peut compter sur la contribution de Chantale Walker. Tous les employés doivent rendre des comptes aux ambassadeurs et nous sommes, au niveau supérieur, les représentants du Canada pour les questions de paix et de sécurité.

Le sénateur Nancy Ruth : Si le Canada devient sous peu membre du Conseil de sécurité des Nations Unies, croyez- vous qu'il jouera un plus grand rôle dans la mise en œuvre de la résolution 1325?

M. Normandin : Je suis heureux que vous parliez du Conseil de sécurité. Vous apercevez peut-être derrière moi notre belle petite banderole de propagande pour notre adhésion à ce conseil. J'entrevois des possibilités. Le Canada a toujours contribué au travail du Conseil de sécurité tant pour la gestion de crises et de situations problématiques dans différents pays que pour le développement de grands dossiers thématiques. Nous avons la possibilité de continuer à jouer un rôle en ce sens.

La présidente : Il ne nous reste que 10 minutes et il y a encore deux questions. Pouvez-vous rester pour le second tour?

Le sénateur Andreychuk : Je vous remercie, monsieur Normandin, pour votre présence et pour l'information que vous nous transmettez.

Mes collègues ont parlé de la mise en œuvre de la résolution 1325 par le Canada dans le contexte de la réalité nationale de notre pays. J'ai des questions à vous poser au sujet du rôle que peut jouer le Canada pour amener les Nations Unies à aller de l'avant avec cette résolution.

J'ai l'impression que cette résolution a été soumise pour que les Nations Unies puissent faire progresser le plan d'action international pour les femmes en situation de conflit. Dans votre stratégie de mise en œuvre, il est question d'inciter les femmes à accepter des rôles au sein du gouvernement une fois le conflit réglé. À la lumière de mes discussions avec de nombreux dirigeants, j'ai toutefois l'impression qu'il est peut-être trop tard pour agir lorsque les agressions sexuelles ou les situations comme celles de la République démocratique du Congo se sont déjà produites.

Comment pourrons-nous aller plus loin que cette stratégie? Comme une femme me l'a déjà dit, ce n'est pas la guerre qui est à l'origine du viol. Le phénomène existait auparavant; il est enraciné dans la culture. C'était déjà considéré comme un comportement acceptable avant le conflit armé, et on n'a pas pris toutes les mesures qui s'imposaient.

Quelles mesures préventives prenons-nous dans des pays qui se dirigent vers un conflit, ou dans ceux où ces questions ne sont pas au cœur des préoccupations comme ici au Canada?

M. Normandin : Cette question s'inscrit bien évidemment dans une plus vaste problématique, celle de la violence contre les femmes dans une perspective générale, en situation de conflit ou non. Dans ce dossier plus global de la violence contre les femmes, il y a intervention active des Nations Unies dans leur ensemble — et du Canada dans le cadre de cet ensemble. Les Nations Unies comptent ainsi sur une gamme variée de programmes mis en œuvre par les différentes agences pour travailler notamment à la sensibilisation et au renforcement des capacités.

Les Nations Unies disposent de programmes, notamment le Programme des Nations Unies pour le développement et l'UNIFEM, qui sont mis en œuvre dans différents pays — pas seulement ceux qui sont en guerre — pour apporter des solutions via la formation des juges, le renforcement des ONG, entre autres. Les Nations Unies jouent un rôle très actif sur ce front et, du point de vue bilatéral, le Canada apporte aussi une importante contribution.

Le Secrétaire général s'intéresse tout particulièrement à cette question. La violence contre les femmes fait l'objet d'une vaste campagne au sein des Nations Unies.

Cette campagne a-t-elle un impact? Je dirais que oui, mais modérément. Le problème de la violence à l'encontre des femmes est très important à l'échelle internationale; même au Canada, nous avons des questions à régler. Cependant, toutes ces mesures de sensibilisation, de renforcement de capacité et de prévention n'ont qu'un impact modéré dans un certain nombre de pays.

Pour ce qui est des conflits armés, je crois que vous avez tout à fait raison. Nous devrions nous pencher sur ce problème non seulement dans les étapes précédant ou suivant un conflit, mais aussi lorsqu'il fait rage. C'est la raison pour laquelle il existe différents mécanismes s'efforçant de protéger les femmes durant un conflit. C'est aussi pour cela que nous enseignons à nos militaires et à nos policiers des techniques plus efficaces pour protéger les femmes.

Un exemple classique, dans le cas du Darfour, est celui de la violence contre les femmes qui doivent quitter un camp pour personnes déplacées afin d'aller chercher du bois. Si les militaires de la mission de maintien de la paix organisaient des convois ou des points de contrôle au bon moment dans la journée, ils seraient peut-être mieux en mesure de protéger ces femmes. Des outils et des techniques semblables sont élaborés, mis à l'essai et implantés, mais il y a encore beaucoup de pain sur la planche.

On en revient encore à l'essentiel, soit à la participation des femmes au processus de paix. Je ne crois pas que cela doive se faire uniquement lorsque la paix est déclarée et qu'une entente a été signée. Des processus de paix ont cours durant un conflit pour créer les conditions favorables, établir des ententes de cessez-le-feu et des choses semblables. Les femmes doivent être mises à contribution dès ces premières étapes; on n'en fait pas suffisamment en ce sens à l'heure actuelle.

Le sénateur Andreychuk : Je crois que le Kofi Annan International Peacekeeping Training Centre en Afrique prévoit créer une division dirigée par des femmes ayant vécu une situation de conflit armé, afin notamment que ces femmes puissent prendre directement en charge la conception des programmes de formation. J'avais cru comprendre que le Canada devait jouer un rôle au sein de cette nouvelle division. Avez-vous des renseignements à ce sujet? Sinon, peut- être pourriez-vous nous les transmettre à une date ultérieure.

M. Normandin : Je ne sais pas à quoi vous faites référence au juste. Il y a seulement deux choses qui me viennent à l'esprit à ce sujet. Je pense entre autres à Mme Wallström, la représentante spéciale qui vient d'être nommée. Il y a aussi la question plus générale de la création d'une nouvelle entité qui regrouperait les différentes instances des Nations Unies qui traitent des questions relatives aux sexes. Ce projet est en cours. Il y a encore du chemin à faire, mais le travail est enclenché. Je ne sais pas si cela s'inscrit dans l'initiative à laquelle vous faites référence.

Le sénateur Andreychuk : J'ai entendu dire que l'on menait actuellement en Afrique une initiative mettant à contribution des femmes ayant vécu elles-mêmes une situation de conflit et ayant été victimes de violence. Ces femmes s'en sont sorties et souhaitent maintenant participer au processus de formation pour la zone africaine. Si vous avez des renseignements au sujet de cette initiative, je vous serais reconnaissante de bien vouloir nous les transmettre.

M. Normandin : Je vais voir ce que je peux faire.

Le sénateur Mitchell : Je me joins à tous mes collègues pour vous remercier de votre contribution. De toute évidence, vous accomplissez un boulot considérable et je vous en félicite. Sans vouloir être trop négatif, je vais porter mon attention sur le travail qui reste à faire, car le problème est loin d'être réglé.

Vous avez dit que les militaires et la police sont davantage au courant de la résolution 1325. Ce n'est pas l'expérience que j'en ai. J'ai siégé au Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense et j'ai interrogé pratiquement chaque haut gradé ayant comparu devant le comité. Dans presque tous les cas, ils ne connaissent pas la résolution 1325 ou n'en ont que vaguement entendu parler.

Je peux me tromper, mais je suis certain qu'aucun officier n'a mis l'accent sur cette résolution dans la formation des forces appelées à être déployées. Cela démontre qu'il n'y a pas de motivation réelle, de la part du gouvernement, pour changer les choses. Cela semble facile de préparer un plan d'action, mais on ne l'a pas fait. Pourriez-vous nous expliquer pourquoi?

M. Normandin : Pour ce qui est de la sensibilisation et de l'engagement des militaires, je vous rappelle que je vous parle de mon expérience new-yorkaise à l'égard de la police militaire canadienne et des forces onusiennes. Je peux vous assurer qu'ici, à New York, les militaires et les policiers qui travaillent à l'ambassade sont au fait de ces questions. Sinon, ils ne pourraient pas travailler pour moi. Ils sont très engagés. Mon ancien conseiller militaire a participé activement à la réunion de Wilton Park. Ici, à New York, les militaires et les policiers canadiens sont sensibilisés à ces questions.

Je parlais aussi, de manière plus générale, des militaires et policiers onusiens. Par exemple, nous avons tenu une série de rencontres, à New York, auxquelles ont participé des commandants des forces militaires d'autres pays représentés ici; ils ont abordé les problèmes liés aux femmes, à la paix, à la sécurité et à la violence sexuelle.

Nous n'aurions probablement pas eu ce genre de discussion il y a cinq ans. Cela n'était pas à leur ordre du jour; ils n'étaient pas bien informés. Maintenant, il y a des gens ici, à New York, qui non seulement comprennent la situation, mais qui en plus prennent position.

Ces gens participent à différentes réunions pour dire que l'engagement des femmes ne concerne pas que les civils, mais touche aussi les forces militaires et la police. On remarque des progrès, à ce chapitre, depuis quelques années. Néanmoins, je ne prétends pas que tous les militaires et les policiers du système des Nations Unies sont à ce point sensibilisés et engagés, mais il y en a beaucoup plus que par le passé.

Par ailleurs, pour ce qui est du plan d'action national, j'aimerais préciser que la résolution 1325 appelle un certain nombre de mesures, mais que l'idée d'établir des plans d'action nationaux est venue après l'adoption de la résolution 1325. C'est le Secrétaire général qui l'a évoquée lorsqu'il a présenté un de ses rapports devant le Conseil de sécurité. C'est de lui que vient l'idée d'élaborer des plans d'action nationaux.

Encore une fois, quoi qu'il en soit, la résolution 1325 ne doit pas se limiter à l'adoption de plans d'action nationaux. Ces plans d'action font partie d'une initiative plus vaste et ont été proposés plus tard par le Secrétaire général des Nations Unies.

Je vais laisser le soin à mes collègues se trouvant à Ottawa d'expliquer ce qui se passe là-bas.

Le sénateur Mitchell : Vous avez dit qu'à défaut de plan d'action national, il y a une stratégie. Jusqu'à quel point est- elle officielle? Existe-t-elle par écrit? Est-elle assortie de mécanismes de reddition de comptes? Est-ce quelque chose que l'on peut soumettre au comité sénatorial?

M. Normandin : Cette stratégie représente l'ensemble des initiatives que nous menons. Nous n'allons pas élaborer une stratégie propre à la mission à New York. Tout cela fait partie de l'approche, des exigences et de l'orientation fixées à Ottawa en matière de formation et autre, par exemple. Voilà à quoi ressemble la stratégie.

Le sénateur Mitchell : Combien de temps votre personnel et vous-même consacrez-vous à la résolution 1325 dans le cadre de vos activités?

M. Normandin : C'est difficile à dire parce qu'aux Nations Unies, nous nous occupons de toute une série de dossiers allant de la gestion de l'espace intersidéral à la pêche en eaux profondes, en passant par toutes les crises que l'on peut connaître. Mais grosso modo, je consacre à peu près 10 p. 100 de mon temps aux questions concernant les femmes, la paix et la sécurité ainsi que l'exploitation et la violence sexuelles. C'est difficile à dire.

Pour répondre à votre précédente question concernant notre stratégie, sachez que nous avons présenté au Secrétaire général, en 2008, un document relatif à la mise en œuvre par le Canada de la résolution 1325. Celui-ci contient les principaux éléments de notre approche ou stratégie en la matière.

La présidente : Merci, monsieur l'ambassadeur. C'était merveilleux d'avoir pu compter sur votre participation. Je vous remercie d'avoir témoigné devant notre comité cet après-midi; vos réponses étaient excellentes.

Peut-être pourriez-vous consacrer 11 p. 100 de plus de votre temps à tenter d'inclure davantage de femmes dans le processus de paix, particulièrement en période de conflit.

M. Normandin : Merci, madame la présidente, et merci aussi à vous tous. C'était un plaisir.

La présidente : Nous accueillons maintenant Jill Sinclair. Elle est sous-ministre adjointe à la Défense nationale. En tant que sous-ministre adjointe (Politiques), elle est la principale conseillère en matière de politiques de la Défense.

Nous sommes prêts à entendre votre témoignage. Allez-y.

Jill Sinclair, sous-ministre adjointe (Politiques), Défense nationale : Je vous remercie, chers sénateurs. Je suis ravie d'être ici. Je sais que vous avez une copie de mon mémoire. Je vais le parcourir rapidement parce que j'ai l'impression, si je me fie à la séance précédente, que vous avez surtout envie de discuter des enjeux. Il n'est donc pas nécessaire que je vous lise ma déclaration; je vais me contenter de la passer en revue rapidement.

[Français]

Vous m'excuserez tout d'abord de ne pas avoir acquiescé à votre demande dès sa réception, en novembre dernier. Malheureusement, j'ai été malade pendant plusieurs semaines. Je vous sais gré de votre patience et de votre compréhension.

[Traduction]

Je me réjouis d'être ici aujourd'hui, date du dixième anniversaire de la résolution 1325. Cela va sans dire, mais fidèle à ses valeurs fondamentales que sont la liberté, la démocratie, les droits de la personne et la primauté du droit, le Canada prend au sérieux son engagement en faveur de la résolution 1325. Permettez-moi de vous expliquer, dans les grandes lignes, le rôle que joue le MDN à ce chapitre. Comme je l'ai dit, je ne vais pas suivre mes notes assidûment.

Bien sûr, la résolution 1325 constitue un instrument clé permettant de mettre en œuvre nos résolutions du Conseil de sécurité des Nations Unies. Cette résolution entre dans le cadre plus large de la protection des civils dans les conflits armés, dans la Déclaration et le Programme d'action de Beijing adopté en 1995, ainsi que dans notre engagement dans beaucoup de causes visant les femmes, la paix et la sécurité.

Comme l'ont expliqué précédemment mes collègues des Affaires étrangères et du Commerce international et, un peu plus tôt aujourd'hui, Henri-Paul Normandin, la stratégie nationale du Canada de mise en œuvre de la résolution 1325 repose sur quatre grands thèmes qu'a exposés M. Normandin : l'élaboration de normes et leur promotion, leur respect et leur application ainsi que le renforcement des capacités.

Sous la direction du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, on est parvenu à bâtir une communauté d'engagement à l'égard de la résolution 1325, grâce à l'adoption d'une approche pangouvernementale. J'ai écouté attentivement les questions du sénateur Nancy Ruth et d'autres à propos de cette approche, et j'aimerais vous présenter le point de vue du MDN.

Permettez-moi de vous expliquer où nous nous situons au ministère de la Défense nationale. En tant que sous- ministre adjointe (Politiques), je représente une organisation qui est la principale source de conseils stratégiques prodigués au ministère de la Défense, une organisation qui est à la fois un point de transit et un centre de coordination par lequel passent les approches pangouvernementales qui entrent et sortent du MDN.

Le groupe des politiques assume diverses responsabilités, dont celles consistant à déterminer les fondements analytiques et les possibilités d'action; à fournir conseils et appui pour la formulation et l'application de la politique de défense; à donner conseils et appui en matière de relations internationales de défense au MDN, comme il se doit; et aussi à gérer le Programme d'aide à l'instruction militaire offert aux pays du Partenariat pour la paix et à certains pays en développement dans le but de renforcer les capacités.

En outre, une des principales responsabilités du groupe, à l'appui des objectifs définis du gouvernement, consiste à gérer les relations bilatérales et multilatérales du ministère en matière de défense et de sécurité internationale, et notamment à représenter le Canada dans des forums multilatéraux. Comme l'a expliqué M. Normandin, nous avons quelqu'un qui siège à la mission permanente à New York. Nous avons une mission à l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord, l'OTAN. Nous représentons également notre pays à l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, à l'Association des Nations de l'Asie du Sud-Est, l'ANASE, au Forum régional et à l'Organisation des États américains, pour y discuter des questions de Défense.

Que ce soit au sein de comités et de groupes de travail interministériels officiels ou dans ses rapports quotidiens professionnels, notre groupe, au MDN, entretient des relations régulières et étroites avec ses entités homologues du MAECI. Nous nous ressemblons. Nous travaillons également en étroite collaboration avec d'autres partenaires ministériels, comme l'ACDI, Sécurité publique Canada et le Bureau du Conseil privé, pour n'en citer que quelques-uns. Cela nous permet de faire connaître nos points de vue au MAECI et à l'ensemble du gouvernement, en plus de nous assurer que le MDN est bien aligné sur les priorités et les objectifs pangouvernementaux et qu'il soutient leur mise en œuvre.

Nous nous tenons au fait de toutes les décisions et résolutions importantes adoptées aux Nations Unies grâce aux relations de travail que nous entretenons ici, à Ottawa, mais aussi aux contacts que nous avons avec nos missions directement à l'étranger.

Par exemple, pendant les négociations sur la résolution 1325, en 2000, j'étais au MAECI. Je peux vous dire que le MDN et les Forces canadiennes ont été souvent consultés au sujet de cette résolution, et qu'ils ont fourni des opinions constructives, fondées sur l'expérience opérationnelle du personnel des FC dans des conflits complexes et difficiles, comme ceux des Balkans, opinions qui ont fait partie intégrante de la position du Canada dans le cadre de l'approche mise en œuvre face à la résolution 1325.

Pour nous entendre sur une réponse intégrée, au sein du ministère de la Défense nationale et des Forces canadiennes, nous tenons également de nombreuses consultations interministérielles. D'ailleurs, la plupart du temps, c'est nous qui dirigeons ce processus de consultations interministérielles. Cet exercice fait intervenir différentes organisations au sein du MDN et des FC, tant au niveau des politiques que des opérations, civiles et militaires. De cette façon, toutes les entités concernées du MDN et des FC sont au courant de l'évolution des dossiers, comme ceux se rapportant aux résolutions de l'ONU relatives aux femmes, à la paix et à la sécurité.

Mes collègues ou moi-même pouvons assister à une réunion interministérielle à laquelle pourront aussi participer le juge-avocat général, l'État-major interarmées stratégique, le chef d'État-major de l'Armée de terre, et cetera. Par exemple, le chef d'État-major de l'Armée donne des directives stratégiques au Système de la doctrine et de l'instruction de la force terrestre et au Centre de formation pour le soutien de la paix. Je crois que vous avez entendu des représentants de ces deux organisations en octobre dernier : le colonel Horn et le lieutenant-colonel Poirier. Dans leurs témoignages, ils ont insisté sur certaines formations et approches utilisées par les FC pour préparer les soldats au déploiement et aussi pour compléter leur instruction régulière comme membres des Forces.

J'aurais aimé être accompagnée aujourd'hui d'un collègue de l'État-major interarmées stratégique, mais il est malade. Je peux répondre à toutes sortes de questions, mais peut-être pas directement à certaines questions opérationnelles. Toutefois, je vous assure que je prendrai bonne note de vos questions et que je vous fournirai plus tard les réponses appropriées.

Même si ces résolutions particulières, je veux parler de la résolution 1325 ou de la résolution 1820, ne sont pas toujours mises en lumière individuellement pendant l'instruction, leurs thèmes sont bien connus et font partie intégrante de la formation. Les soldats apprennent à agir selon les règles de déontologie, comme vous l'ont expliqué les représentants des FC. Je crois que l'esprit de ces résolutions est au cœur de l'instruction globale que reçoivent les FC en ce qui a trait aux lois régissant les conflits armés et au droit humanitaire international.

Quand les FC exécutent des opérations internationales, elles suivent les dispositions de toutes les lois internationales. Être partie à ces lois suppose respecter et protéger les femmes et les enfants dans les zones de conflit. Encore une fois, comme l'a souligné le sénateur, la Loi sur les Nations Unies régit les règles entourant les résolutions du Conseil de sécurité des Nations Unies. Il n'y a aucune discussion là-dessus.

Le MDN et les FC reconnaissent, aussi bien dans le cadre de la formation théorique que des exercices pratiques — et ily en a beaucoup avant le déploiement — que les civils, particulièrement les femmes et les enfants, sont affectés de manière disproportionnée et brutale par les conflits armés. Cette reconnaissance a une incidence sur la paix et la réconciliation que nous essayons de construire et de promouvoir dans nos missions. Nous savons également que les femmes ont un rôle à jouer dans le maintien et la promotion de la paix et de la sécurité dans le processus de consolidation de la paix postérieur à un conflit.

Je vais maintenant conclure cette brève allocution. Veuillez me pardonner d'avoir pris quelques raccourcis. Le groupe que je dirige continuera de travailler à fournir l'appui stratégique dont le Canada, le ministère de la Défense nationale et les Forces canadiennes ont besoin pour respecter pleinement la résolution 1325. En outre, le groupe des politiques continuera d'œuvrer, dans le cadre des Nations Unies, mais aussi de l'OTAN, qui est notre alliance militaire, et auprès d'autres forums, pour s'assurer que les meilleures pratiques des FC et nos propres expériences influencent le travail de ces organisations.

L'objectif du cadre stratégique — initiative que nous avons lancée à la fin de l'année 2009 — consiste à établir une approche globale en ce qui a trait aux résolutions 1325, 1820 et autres.

Je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de témoigner devant votre comité aujourd'hui.

[Français]

Je serai heureuse de répondre à vos questions et commentaires.

[Traduction]

La présidente : Merci. Nous allons vous poser des questions à tour de rôle, et c'est moi qui vais commencer. Comment s'y prend le Canada pour appliquer les résolutions 1325 et 1820 au sein de ses ministères et organismes et par les voies de sa politique étrangère, de la diplomatie, du développement, de la défense et de la justice internationale? Jusqu'à quel point ses efforts sont-ils fructueux?

Mme Sinclair : Je ne peux répondre que pour le ministère de la Défense nationale. Pour ce qui est des principes fondamentaux de la résolution 1325, je crois que nous avons davantage conscience du rôle des femmes dans la paix et les conflits ainsi que dans la violence sexuelle et les conflits, qu'il y a 10 ans, au moment où la résolution a été adoptée.

En ce qui concerne les modules de formation, vous avez entendu ce qu'avaient à dire là-dessus mes collègues du ministère des Affaires étrangères. Nous faisons la promotion de la formation, que ce soit au chapitre du maintien de la paix à l'échelle internationale ou des opérations de soutien de la paix.

Pour ce qui est de l'inculcation de la culture et des valeurs entourant la résolution 1325, sachez que les problèmes concernant l'impact d'un conflit sur les femmes, les différences entre les sexes dans un conflit, la violence sexuelle et la question des enfants soldats sont traités dans le cadre de la formation régulière et de l'instruction que les membres des FC reçoivent avant un déploiement.

Je ne sais pas si j'ai fait le tour de la question. Mes réponses se limitent au ministère de la Défense nationale.

La présidente : Bien sûr; lorsque l'ambassadeur s'est exprimé, il a parlé de l'engagement des femmes dans le processus de paix, et mes collègues lui ont posé des questions semblables. Toutefois, l'ambassadeur a insisté sur le fait que les femmes doivent être intégrées dans le processus de paix mais, plus important encore, qu'elles doivent aussi prendre part au travail qui se fait pendant un conflit. Pourriez-vous nous dire quelque chose à ce sujet, à l'égard des initiatives dans lesquelles vous êtes engagés?

Mme Sinclair : Il ne fait aucun doute que les femmes doivent être parties prenantes de ces processus. Dans quelle mesure réussissons-nous à intégrer les femmes? Pensons à quelques-uns des conflits contemporains que nous avons connus. Celui qui me vient à l'esprit, c'est celui de l'Afghanistan. Dans ce cas précis, nous avons affaire à des cultures où le rôle des femmes et leurs droits sont différents des nôtres. En 2010, nous comptons environ 400 femmes dans les Forces canadiennes qui servent en Afghanistan. Des dizaines et des dizaines de femmes civiles prennent part à nos missions dans les opérations de maintien de la paix, de développement et de reconstruction. Ces femmes participent pleinement et de façon intégrée aux équipes et elles font un travail rude dans des conditions difficiles en agissant comme interlocutrices auprès des femmes afghanes. Je crois que l'incidence de leur travail est extrêmement importante.

Si vous me le permettez, je vais parler brièvement maintenant du travail accompli pour former la police afghane. Il y a des photos célèbres de femmes policières en Afghanistan. Il s'agit d'un travail sans précédent, mais je ne peux m'imaginer le temps que cela prendra pour changer les modèles comportementaux.

Si je puis me permettre d'ajouter un dernier mot sur la question, je dirais que dans mon ancien travail — et je ne tiens pas particulièrement à évoquer mon passé —, nous faisions travailler des femmes. Au Moyen-Orient et au Darfour, nous avons trouvé le moyen de faire participer les femmes; nous pouvons voir que dans les conflits en Amérique centrale et dans le processus de paix au Cambodge, il y a toujours des femmes prêtes à s'engager si on leur laisse l'espace nécessaire.

Le sénateur Mitchell : J'aimerais revenir un petit peu en arrière pour dire que d'après mon expérience, comme je l'ai indiqué au témoin précédent, les militaires ne connaissent pas bien la résolution 1325. Selon vous — et je pense que les témoins précédents ont répondu la même chose —, on leur enseigne à agir selon les principes de déontologie. J'aimerais vous poser quelques questions à ce sujet.

Premièrement, jusqu'à quel point est-il difficile d'être explicite au sujet des résolutions 1325, 1820 et 1888 dans l'instruction des militaires, et de ne pas se limiter à quelque chose de vague? Est-ce que la résolution 1325 aura beaucoup plus de portée, dans la formation des militaires à tous les niveaux, si elle est moins floue, et si les militaires comprennent qu'elle vient des Nations Unies et en saisissent toute l'importance?

Mme Sinclair : Je pense qu'on peut être plus explicite. Ceci dit, pendant que je me préparais à cette comparution, j'ai mené un sondage informel auprès de différentes personnes à divers niveaux. Fait intéressant, même si elles n'ont jamais cité nommément la résolution 1325, elles savaient qu'il existe de nouvelles dispositions, qu'il y a de nouvelles normes entourant les femmes et les questions de paix et de sécurité. En ce sens, je crois que la résolution imprègne la pensée.

J'ai parlé brièvement — et ce n'est pas dans mon mémoire, alors veuillez m'excuser pour cette omission — du fait que nous avons lancé l'initiative de mettre en place un cadre stratégique pour le MDN qui, entre autres choses, visera à être plus explicite à l'égard de ces résolutions — pas tant pour que les gens connaissent les chiffres que pour qu'ils comprennent que la protection des civils et des femmes dans les conflits armés est une condition incontournable.

Je crois que cette notion est inculquée aux Forces canadiennes, tout comme l'est le rôle spécial des femmes et des enfants. La résolution 1325 nous a permis de faire de nombreux pas en avant. Elle a été conçue pour séparer délibérément les femmes dans les conflits et dans les zones de conflit. Alors oui, absolument, je crois que nous pouvons être plus explicites et plus forts. Je pense que nous allons pousser une porte ouverte chez les Forces canadiennes, parmi les instructeurs.

Il y a une référence explicite, dans les modules relatifs aux droits de la personne et enseignés au personnel des Forces canadiennes, qui parle expressément de la résolution 1325. Pour ce qui est de l'instruction préalable au déploiement, tout le personnel appelé à être déployé dans des missions reçoit plusieurs formations sur les problèmes de différences entre les sexes et de violence contre les femmes. Dans le cadre de nos opérations de soutien de la paix, nous avons ce que nous appelons un cours pour les observateurs militaires. Dans le cadre de ce cours, en plus de voir la Déclaration universelle des droits de l'homme, nous abordons la question du désarmement, de la démobilisation et de la réintégration, ainsi que du rôle des femmes, notamment dans le processus de consolidation de la paix. Je crois que la résolution est un début, mais effectivement, nous nous efforcerons de la rendre plus explicite.

Le sénateur Mitchell : Pouvons-nous voir des copies de ces modules?

Mme Sinclair : Absolument.

Le sénateur Mitchell : Vous avez parlé des femmes dans les forces — policières et militaires en Afghanistan. Je suis allé là-bas et je les ai vues, mais j'aimerais savoir s'il existe quelque chose d'explicite dans l'instruction destinée aux militaires et aux policiers dans un pays comme l'Afghanistan à propos de la résolution 1325. Leur demandez-vous aussi de respecter les règles de déontologie?

Mme Sinclair : D'après l'information que je possède, il n'y a rien d'explicite actuellement au sujet de la résolution 1325. Toutefois, en ce qui concerne les normes relatives au droit humanitaire international, sans vouloir excuser qui que ce soit, je vous demanderais de réfléchir à ce que nous voulons faire faire à ces formateurs. Il y a un sérieux problème d'illettrisme. Nous pouvons apporter énormément de choses, mais introduire l'idée de la dignité et du respect dévolus aux femmes est quelque chose de radical dans ce pays.

Beaucoup d'entre vous connaissent le travail que nous faisons en Afghanistan. Nous avons des équipes de liaison et de mentorat. Nous travaillons en partenariat avec les forces de sécurité nationales afghanes. Les droits de la personne, les normes en matière de droit humanitaire international font partie du travail de notre personnel masculin et féminin sur le terrain.

Le sénateur Mitchell : Vous avez indiqué que vous entretenez de bonnes relations avec le MAECI; je comprends cela. Selon moi, il faut que la responsabilité d'élaborer le plan d'action sur la résolution 1325 soit laissée entre les mains de deux ou trois personnes compétentes du MAECI. Dans votre ministère, y a-t-il un agent qui agit à titre de contact du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international pour le plan d'action sur la résolution 1325?

Mme Sinclair : Oui, mon officier responsable qui est ici, et l'un de mes directeurs, celui de la division des opérations de paix. J'ai également un directeur général, qui a des liens de travail en la matière avec le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international. Ce sont leurs opérations de paix — je crois qu'il s'agit de la division des États en déroute; j'ai oublié ce que signifie l'acronyme.

Le sénateur Mitchell : Ce groupe travaille-t-il avec Elissa Golberg?

Mme Sinclair : Oui, il le fait presque tous les jours pour une question ou une autre.

Le sénateur Jaffer : Je sais que dans le cadre de votre autre emploi, vous connaissiez bien la résolution 1325. Je suis déconcertée. Nous étions des chefs de file dans l'appui à la résolution 1325, mais aujourd'hui, vous me dites — et je ne vous reproche rien, sauf en ce qui a trait au point où nous en sommes en tant que pays — que nous ne mentionnons même pas la résolution 1325 dans la plupart de nos formations et que, en règle générale, les hommes agissent correctement. Si c'était le cas, alors pourquoi avons-nous la résolution 1325?

Ce que vous avez dit m'a rendue très nerveuse. Nous allons célébrer le dixième anniversaire. Nous n'avons même pas de formation. Je suis nerveuse, car depuis l'adoption de la résolution 1325, il y a eu celle des résolutions 1820, 1888, 1890 et 1825. Qu'advient-il de toutes ces dernières si la résolution 1325 ne figure toujours pas dans le manuel de formation?

Comment la résolution 1325 se concrétise-t-elle chez nos soldats sur le terrain en Afghanistan, à part le fait qu'ils savent ce qui est correct? Reçoivent-ils une formation séparée sur l'égalité des sexes?

Mme Sinclair : J'espère que je n'ai pas donné l'impression que les membres des Forces canadiennes ne reçoivent pas de formation sur les questions soulevées dans la résolution 1325. Lorsque j'ai dit que la résolution 1325 en tant que terme technique, ne fait pas partie de leur vocabulaire, je voulais dire qu'il se peut qu'ils ne connaissent pas la résolution. Toutefois, on a intégré pleinement dans la formation les aspects que couvre la résolution 1325 — l'intention, l'esprit et le but de la résolution, ainsi que le rôle des femmes dans les conflits armés. Cette formation porte sur le droit international humanitaire, le droit des conflits armés, les conventions de Genève et la Convention relative aux droits de l'enfant, de même que sur le rôle des femmes, la paix et la sécurité. Ces questions font incontestablement partie intégrante de la formation.

J'aurais aimé qu'un de mes collègues militaires soit présent et qu'il vous explique comment les commandants transmettent le contenu de la résolution aux soldats sur le terrain. Toutefois, tous ces manuels sont accessibles, y compris les codes de conduite établis pour le personnel des Forces canadiennes. Pour ceux d'entre vous qui ont déjà été dans des opérations, les petites cartes que les soldats ont sur eux servent à les renseigner sur ce que signifie agir correctement. Ce n'est pas inutile. La formation est tout à fait précise.

J'espère que je ne vous ai pas donné la mauvaise impression que les soldats ignorent ces questions et leurs responsabilités, ou qu'ils ignorent comment ils doivent agir s'ils sont témoins d'actes de violation des droits des femmes ou de discrimination sur le terrain. Les soldats reçoivent de la formation dans ces domaines, mais la résolution 1325, en tant que résolution du Conseil de sécurité de l'ONU, n'est pas omniprésente dans leur esprit. Je ne veux pas induire le comité en erreur en disant le contraire. Le juge-avocat général, le chef d'état major de l'Armée de terre et toutes les personnes aux échelons supérieurs savent que cette résolution existe — sont-ils sensibilisés? Oui, ils le sont. J'ai fait mon propre sondage maison avant de me présenter ici.

Le sénateur Nancy Ruth : Cette sensibilisation constitue une grande amélioration par rapport à il y a deux ans, car ils n'étaient pas au courant lorsqu'ils ont comparu devant le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense.

Mme Sinclair : Il se peut que cette comparution les ait aidés à se concentrer là-dessus. Je crois que la résolution 1325 a pris son essor, tout comme les résolutions 1888 et 1889. La situation n'est pas immuable. La situation évolue dans la communauté internationale. Les normes se développent et on exige de plus en plus des services de sécurité qu'ils soient sensibilisés à ces questions.

Le sénateur Jaffer : D'après ce que je comprends, la résolution 1325 n'est pas utilisée, mais vous dites qu'on offre de la formation. Des manuels sont-ils conçus pour la formation? Combien d'heures de formation offre-t-on? S'agit-il d'une formation donnée sur une base régulière ou une seule fois durant une heure?

Mme Sinclair : Je vais laisser aux personnes qui assurent la formation le soin de donner ces renseignements. Les deux colonels qui ont comparu précédemment ont indiqué que la formation est l'activité d'une vie pour les membres du personnel des Forces canadiennes et ce, à partir de l'étape d'initiation, peu importe qu'ils aillent au Collège d'état- major en tant qu'officier ou qu'ils fassent partie du personnel non-officier.

Je ne sais pas combien d'heures de formation ils reçoivent. L'instruction préalable au déploiement et la formation de base comprennent le droit international humanitaire, la Charte des Nations Unies et la Déclaration universelle des droits de l'homme.

Le sénateur Jaffer : Êtes-vous responsable des politiques?

Mme Sinclair : Oui.

Le sénateur Jaffer : En tant que responsable des politiques — toute politique qui est établie — comment vérifiez- vous qu'elles sont mises en œuvre?

Mme Sinclair : Cela se fait au moyen de processus interministériel et intraministériel. Une partie du travail auquel j'ai fait allusion, l'élaboration d'un cadre stratégique pour sensibiliser les gens davantage et garantir la mise en œuvre complète de la résolution 1325 au MDN, est un aspect que nous favorisons. Nous réalisons cela en réunissant des supérieurs clés et en discutant avec eux de la façon de mettre cela en œuvre.

Une bonne partie de la résolution 1325, et même des résolutions 1888 et 1889, ne s'est pas faite à sens unique, de la délégation à New York à nous, ou des Affaires étrangères au MDN. Le processus est répétitif. Nous avons contribué à l'élaboration des deux résolutions. L'expérience des Forces canadiennes et du ministère de la Défense nationale, en général, constitue une partie du processus qui a mené à la création de ces résolutions. Ce ne sont pas des processus abstraits séparés l'un de l'autre.

Une fois qu'une résolution est adoptée par le Conseil de sécurité, notre groupe doit entre autres décider de la façon de la mettre en œuvre et de mettre en valeur ce dont a parlé le sénateur Mitchell concernant l'étape suivante de la mise en œuvre. C'est ce que nous nous employons à faire.

Le sénateur Jaffer : Que mettez-vous en place pour garantir la mise en œuvre de la résolution?

Mme Sinclair : Un cadre stratégique.

La présidente : Cinq autres personnes doivent poser des questions. Les réponses à certaines des questions du sénateur Jaffer pourraient être fournies au moyen d'un suivi par écrit.

Mme Sinclair : Oui.

Le sénateur Zimmer : Madame Sinclair, vous avez tout à fait raison en ce qui a trait à l'importance de toutes ces questions. Toutefois, le besoin d'une infrastructure prime. L'une des difficultés est de veiller à ce que les femmes soient intégrées au processus décisionnel officiel. Avoir les politiques et les positions qui conviennent n'est qu'une chose.

Je suis allé en Afghanistan l'an dernier avec le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense et j'ai observé beaucoup de choses. Les femmes ne sont pas nécessairement des membres haut placés des forces armées, des partis politiques et des gouvernements. Les femmes n'ont ni le pouvoir, ni les fonctions qu'il faut pour influencer la politique. Leur rôle est presque superflu.

Comment pouvons-nous accélérer le processus pour que les femmes aient une influence sur le processus décisionnel dans ces domaines?

Mme Sinclair : Comme cette question ne relève pas de moi, je ne peux donner mon avis qu'à titre d'observatrice intéressée. En Afghanistan — plusieurs personnes ici y sont allées — nous revenons de loin quand il est question de donner aux femmes un espace où elles peuvent légitimement avoir une voix. Par exemple, pensez à la Commission indépendante des droits de la personne en Afghanistan et au rôle que les femmes y jouent en mettant de l'avant des préoccupations de femmes dont on ne discutait jamais auparavant. Je ne sais pas si cet exemple a de l'influence selon vous, mais la commission commence à hausser le ton, ce qui constitue une première étape importante.

L'intégration des femmes dans les processus décisionnels est un sujet que vous devriez discuter avec mes collègues du ministère des Affaires étrangères. Ils valorisent la consolidation de la paix et la reconstruction à la suite d'un conflit. Dans bien des cas, l'intégration est liée à des changements sociétaux. Obtenir que des pays signent et mettent en œuvre les résolutions du Conseil de sécurité constitue une première étape importante.

Je ne crois pas avoir répondu à votre question.

Le sénateur Zimmer : Non, la question est presque hypothétique. Lorsque nous nous trouvions là-bas, nous avons observé des édifices en construction. On construisait une boulangerie pour les hommes et un atelier de tissage pour les femmes. C'était comme si on séparait encore les rôles. On interdisait aux femmes de travailler à la boulangerie, mais elles peuvent tisser. Le changement est d'ordre culturel. Adopter de bonnes politiques et de bonnes positions est une chose, mais les femmes ont également besoin du pouvoir nécessaire pour influencer ces politiques. C'est une période d'apprentissage.

La présidente : N'oubliez pas en quoi consistent les responsabilités de notre témoin. Le greffier me dit que des militaires ont répondu à certaines de vos questions, lors d'un témoignage antérieur évidemment. Une fois de plus, Mme Sinclair veillera à ce que nous recevions les réponses.

Le sénateur Jaffer : Pour les fins du compte rendu, lorsque les militaires ont comparu, ils ont dit que Mme Sinclair répondrait à ces questions.

La présidente : Comme je n'étais pas présidente à ce moment-là, je ne peux pas vous répondre. Toutefois, nous pouvons faire des vérifications.

Le sénateur Ruth : L'expression « agir correctement » me vexe. Je l'ai entendue toute ma vie. C'est le genre de choses que mon père me disait lorsqu'il me trouvait désobéissante.

Je ne peux pas croire qu'un groupe de soldats, des hommes pour la plupart, comprendront « agir correctement » de la même façon que moi. Je suis vexée par le fait qu'on ne mentionne pas les résolutions du Conseil de sécurité, qu'on ne donne pas de précisions à leur sujet et qu'on n'en parle pas, alors qu'on a des discussions générales inutiles sur les droits de la personne, sur la façon dont nous traitons les femmes et les enfants, et cetera.

J'aimerais qu'en tant que responsable des politiques, vous changiez cette politique. Je crois que le Canada a l'obligation internationale de faire prendre conscience à nos soldats que nous faisons partie d'un monde dans lequel des personnes s'occupent de la résolution. Si nos soldats ne la connaissent pas parce qu'on ne la mentionne pas, comment vont-ils la connaître? Si on ne la mentionne pas, on ne peut en exiger le respect. S'il vous plaît, faites ce que vous pouvez.

Le Mali est un pays où le Canada offre une formation militaire aux Africains, n'est-ce pas? Mentionne-t-on les résolutions 1825, 1820 et toutes les autres? Parle-t-on uniquement d'agir correctement? Je suis certaine que les soldats de la Saskatchewan et les soldats du Mali ont une définition différente de ce qui est correct.

C'est le problème que me pose cette expression. C'est un exemple du problème.

Mme Sinclair : Merci, madame le sénateur.

Le sénateur Ruth : Ce n'est pas ma vraie question.

Mme Sinclair : Encore une fois, je suis désolée qu'au cours de leur comparution, les officiers n'aient pas pu répondre à vos questions sur les heures de formation et tous les détails.

Le sénateur Ruth : Nous ne croyons pas qu'ils le savaient. C'est notre problème.

Mme Sinclair : Il y a des programmes et des modules que le comité peut obtenir. Vous pouvez voir par vous-mêmes ce qu'ils comportent. La formation du personnel des Forces canadiennes est très rigoureuse. « Agir correctement » n'est pas une expression éloquente. Je crois que moi et d'autres avons résumé les choses de façon trop simpliste.

On leur a inculqué le respect du droit international en matière de droits de la personne et les normes, et de la Charte des Nations Unies. Comme bon nombre des meilleures pratiques de nos forces ont été prises en compte pour ce qui a mené à l'adoption de la résolution 1325, la formation n'est pas du tout une notion abstraite.

J'ai pris en note la question sur le Centre international Kofi Annan de formation au maintien de la paix. Nous allons vous fournir la réponse. Pour répondre à votre question sur le Mali, le centre de maintien de la paix au Mali offre une séance de formation sur l'égalité des sexes, la violence, les femmes, la paix et la sécurité, et on y traite de la résolution 1325. Le centre de maintien de la paix du Mali a profité du savoir-faire du Centre Pearson pour le maintien de la paix. Je crois que vous avez eu des gens du CPMP comme témoins. Dans la formation internationale, la formation que notre ministère finance, on fait référence à la résolution 1325 dans le programme sur les droits de la personne qui est enseigné. On mentionne clairement la résolution 1325.

Je ne voulais pas vous donner l'impression que tout le monde parle constamment de la résolution 1325. Sont-ils sensibles aux questions des femmes, de la paix et de la sécurité, et des situations dans les zones de conflit? Je crois que oui, mais je pense que vous voulez entendre le témoignage de personnes qui sont sur le terrain et qui font le travail.

Notre responsabilité est de contribuer à l'élaboration de la politique et de nous assurer qu'elle est mise en œuvre par le MDN et les membres des Forces canadiennes.

Le sénateur Ruth : Revenons à la résolution 1325. Ma question porte maintenant sur la façon dont on informe une personne chargée des politiques dans votre ministère. Pouvez-vous décrire la façon dont le gouvernement du Canada procède pour aviser les ministères des obligations contractées envers les Nations Unies et de la mise en œuvre des responsabilités ministérielles relativement à ces obligations? Comment vous met-on au courant des obligations et que faites-vous?

Mme Sinclair : Le processus est répétitif. Par exemple, lorsque nous avons élaboré la résolution 1325, ou lorsque nous prenons une nouvelle initiative, le MAECI réunit tous les ministères intéressés et nous dit qu'il envisage de prendre une initiative sur le fait, pour vous donner un exemple extrême, que le monde devrait avoir des rideaux verts. Tout le monde contribue au débat. Il ne s'agit pas simplement d'un transfert d'informations.

Le sénateur Ruth : Entendez-vous parler de l'initiative du Bureau du Conseil privé? Qui vous renseigne sur cette initiative?

Mme Sinclair : S'il s'agit d'une initiative en matière de politique étrangère, c'est le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international. Les représentants du ministère réunissent tout le monde et nous disent qu'ils se préparent pour le G8 et discutent d'initiatives. Ils nous présentent leurs idées et nous demandent nos réactions et notre point de vue.

Tous les ministères, y compris celui de la Défense nationale, se retirent et reviennent ensuite pour faire part de ce que cela implique pour eux; par exemple, ils disent que l'idée est bonne, ou que des choses pourraient être ajoutées.

Chacun contribue à l'élaboration d'une politique; aucun ministère ne fait ce travail seul. Un ministère peut prendre l'initiative et agir comme chef de file. Le MAECI s'occupe des questions liées au Canada à l'étranger. Dès le début, l'élaboration d'une politique est un processus interministériel.

Concernant les obligations et les responsabilités ministérielles, à mesure que nous développons des positions politiques, nous réfléchissons aux obligations et aux responsabilités. Une fois que la résolution est adoptée par le Conseil de sécurité des Nations Unies, par exemple, les ministères concernés ne sont pas surpris de l'apprendre, car ils ont participé tout au long du processus. Ils ont toujours eu la mise en œuvre en tête, ou si un ministère croit qu'elle est impossible, il réfléchit à la façon de faire en sorte qu'elle n'ait pas lieu. C'est de cette façon que fonctionne le processus d'élaboration des politiques.

Un ministère agit comme chef de file et le BCP joue le rôle d'analyste critique et de responsable. Toutefois, le BCP laisse le soin à ce ministère de prendre l'initiative, d'orienter les choses et d'amalgamer les travaux pangouvernementaux.

[Français]

Le sénateur Brazeau : Vous avez indiqué que nos hommes et femmes qui font partie des Forces armées ont une bonne compréhension de la résolution 1325 et la formation reçue à cet effet. Pourriez-vous élaborer sur cette compréhension de nos hommes et femmes? Quelle formation reçoivent-ils, par exemple, avant un déploiement lors d'un conflit?

Mme Sinclair : Si vous me le permettez, sénateur, je répondrai en anglais.

[Traduction]

Je vais lire des notes sur l'instruction préalable au déploiement. Vous m'avez demandé ce que les gens font avant leur déploiement. Tous les membres qui sont déployés pour des missions à l'étranger reçoivent une formation sur la Déclaration universelle des droits de l'homme, peu importe qu'ils soient déployés à long terme, comme pour une période de six mois en Afghanistan, ou à court terme, comme dans une mission visant à aider les Israéliens et les Palestiniens dans leur processus de paix. Cette formation englobe les lois sur les conflits armés, l'éthique, les règles d'engagement, les répercussions de tous les types de violations des droits de la personne, y compris les répercussions sur les femmes et les enfants, le genre dans les conflits, la violence sexuelle et les enfants soldats.

Si des membres sont déployés dans une région où le désarmement, la démobilisation et la réintégration constituent la majeure partie de leur travail, ils reçoivent une formation précise sur la question des enfants soldats, sur la façon de traiter les enfants soldats s'ils en rencontrent. L'instruction préalable au déploiement est circonscrite.

Le sénateur Jaffer : Vous étiez présente lorsque l'ambassadeur Normandin a parlé du processus de Wilton Park. C'est un groupe de réflexion en matière de politique au Royaume-Uni. Il a dit qu'il y avait vraiment beaucoup d'enthousiasme là-bas et que c'était un processus d'apprentissage. Connaissez-vous le processus de Wilton Park et les politiques qui ont été mises en œuvre au sein du MDN?

Mme Sinclair : Je ne peux pas vous parler des causes et des effets, mais je peux trouver les renseignements. Comme M. Normandin l'a mentionné, le MDN était représenté à Wilton Park et nous avons contribué à l'élaboration de ce programme.

Le sénateur Jaffer : Nous serions heureux d'obtenir ces renseignements.

Je ne comprends toujours pas et j'ai besoin de votre aide, madame la sous-ministre adjointe. Vous êtes la principale conseillère en matière de politiques de défense au ministère de la Défense nationale. En tant que responsable des politiques, quelles politiques mettez-vous en place pour les résolutions 1325, 1820, 1888, 1889 et 1825 en particulier? Je ne fais pas votre travail. Qu'est-ce qu'un cadre et comment est-il mis en œuvre?

Mme Sinclair : Le travail que nous faisons consiste précisément à mettre l'accent sur ces résolutions. C'est un plan d'action, le processus de discussion et d'élaboration d'un cadre stratégique; cela conscientise les gens, les amène à faire bouger les choses et leur donne la possibilité de soulever des questions et d'en discuter. Le processus s'inscrit dans l'évolution de la pensée en matière de politique, la mise en œuvre de politiques.

Le cadre comprendra des recommandations et nous travaillons à ce processus en consultation avec nos collègues chargés des opérations. Que peut-on faire en ce qui concerne la formation? Que pouvons-nous faire de plus à tout point de vue pour informer davantage les membres du personnel de la défense, les civils comme les militaires, sur les résolutions 1325, 188 et 1889? Voilà ce qu'est le cadre.

Le sénateur Jaffer : Vous avez entendu M. Normandin parler du plan stratégique que nous avons. Le MDN a-t-il un plan stratégique pour l'étude de ces résolutions?

Mme Sinclair : Les résolutions sont déjà bien décrites dans la formation offerte, de façon explicite ou implicite. Le cadre stratégique est conçu pour approfondir, élargir et spécifier les choses. Voilà.

J'ai entendu M. Normandin parler de son plan stratégique. Nous n'avons pas utilisé ce terme; nous avons un cadre stratégique. La différence tient à une question de vocabulaire et non d'intention.

Le sénateur Jaffer : Selon une rumeur qui circule, si nos militaires quittent l'Afghanistan, ils seront déployés en République démocratique du Congo. Étant donné la situation terrible des femmes en République démocratique du Congo, comme vous êtes une personne tournée vers l'avenir, examinez-vous présentement la situation ou avez-vous commencé à envisager de quelle façon vous formerez nos hommes et nos femmes pour qu'ils puissent faire face à la situation horrible dans laquelle ils s'engageront, surtout pour ce qui concerne les agressions sexuelles et la mutilation sexuelle? A-t-on déjà mis en place des politiques pour préparer nos hommes et nos femmes à se rendre là-bas, ou pas encore?

Mme Sinclair : Pour cette question, je ne peux pas faire d'hypothèses. Je n'aime pas vous donner cette réponse, mais je ne peux pas.

La présidente : Madame Sinclair, puis-je vous poser une question avant que notre soirée se termine? On vous a demandé à plusieurs reprises en quoi consistent exactement les priorités du ministère de la Défense nationale sur la résolution. Vous avez mentionné le cadre au sénateur Jaffer. Quand ce cadre sera-t-il prêt, et quel type d'analyse les fonctionnaires du ministère préparent-ils quand ils se penchent sur l'évolution de la sécurité internationale en fonction des enjeux liés aux femmes, à la paix et à la sécurité?

Mme Sinclair : Nous établissons le cadre présentement. Je ne veux pas vous donner un échéancier que je ne pourrai pas respecter ultérieurement, mais il faudra plusieurs mois; ce n'est pas un long processus, car il est déjà en cours. Nous ne partons pas de rien; nous avons beaucoup de connaissances, d'informations et une grande conscience, et nous nous appuyons sur le travail déjà effectué.

Concernant l'analyse de l'évolution de la sécurité internationale, nous préparons une bonne partie de cette analyse, mais nous faisons également appel au ministère des Affaires étrangères et du Commerce international. Le ministère de la Défense ne fournit pas d'analyses abstraites. Nous nous sommes entendus, en tant que gouvernement du Canada, sur les questions que le Canada doit examiner et les meilleures politiques qu'il doit mettre de l'avant. Nous contribuons à cela et agissons à titre de chefs de file à certains égards, mais nous le faisons également en collaboration étroite avec le ministère des Affaires étrangères.

La présidente : Merci d'avoir comparu devant nous ce soir. J'espère que vous avez aimé les questions. Vous avez ajouté des observations à notre répertoire sur le sujet. Nous comptons sur vous pour veiller à ce que tous les membres des Forces canadiennes connaissent la résolution 1325.

Maintenant, nous allons entendre Carolyn McAskie, professionnelle en résidence à l'École supérieure d'affaires publiques et internationales de l'Université d'Ottawa. Nous sommes heureux que vous ayez pu venir comparaître aujourd'hui.

Carolyn McAskie, professionnelle en résidence, École supérieure d'affaires publiques et internationales, Université d'Ottawa, à titre personnel : Merci, madame la présidente. Je vais faire quelques observations et c'est avec plaisir que je répondrai ensuite à vos questions.

Honorables sénateurs, l'adoption de la résolution 1325 du Conseil de sécurité de l'ONU a été une révolution à l'époque, mais c'était il y a 10 ans. Je considère que la résolution s'insère dans le contexte de la prise de conscience que la guerre et les solutions à celle-ci dépassent les domaines politique et militaire. On doit les étudier sous l'angle du développement humanitaire — économique et social — et des interventions pour les droits de la personne. Le fait que la prise de conscience ne se traduise pas dans la réalité est l'un des obstacles à la mise en œuvre de la résolution. On se base encore trop sur les aspects politique et militaire pour fait face à la guerre et aux situations dangereuses alors qu'on devrait se baser sur l'aspect humain.

Cela étant dit, de vrais progrès ont été réalisés en 10 ans, mais il y a eu de vrais problèmes de mise en œuvre. Comme je n'interviens plus directement dans ces dossiers, je suis un peu dépassée. J'ai été représentante spéciale du secrétaire général responsable des opérations au Burundi et l'une des premières personnes à alerter le Conseil de sécurité sur la question du viol dans l'est du Congo en 2002-2003. Donc, j'ai des idées très arrêtées sur ce que l'on doit régler pour surmonter les obstacles à la mise en œuvre.

Je crois que les solutions se divisent en deux volets. Le premier est le contexte social dans lequel les événements ont lieu. Le deuxième est la volonté politique de régler la question fondée sur la volonté de comprendre tous les problèmes et de fournir le soutien et les ressources nécessaires. Mes observations portent sur un certain nombre de sujets. Je peux également tenter de couvrir d'autres domaines lorsque vous me poserez des questions.

La résolution 1325 porte sur la participation des femmes dans les processus de paix. Nous apprenons que les femmes adoptent une attitude différente des hommes face aux questions de paix et de sécurité. La question n'est pas nécessairement totalement acceptée. Dernièrement, j'ai participé à un certain nombre de discussions et de séminaires; les recherches existent. L'argument contre cela a toujours été oui, mais il y a davantage de guerrières et de femmes recrutées qui participent de plein gré à la guerre et même à des activités terroristes.

Toutefois, nous sommes tous conscients qu'un grand nombre de femmes plaident en faveur de la paix dans beaucoup de conflits au monde, des cas très médiatisés, par exemple en Irlande du Nord et au Moyen-Orient, jusqu'aux crises oubliées, comme celles de l'Angola, du Mozambique, du Libéria et du Burundi dans le passé.

Les femmes ont prouvé à maintes occasions qu'à la table, elles tendent davantage à concentrer leurs efforts sur des problèmes que sur la dynamique de pouvoir vers laquelle leurs homologues masculins dirigent leur attention. Elles bâtissent des liens entre les factions et établissent des structures de réconciliation. Les cas de l'Ouganda, du Burundi et d'autres pays illustrent cela. Les femmes sont moins corrompues en ce qui a trait aux questions de consolidation de la paix et sont plus transparentes. Elles sont engagées envers leur collectivité à travailler au maintien de la paix. Souvent, du fait de leur absence des processus de paix, non seulement on ignore leurs problèmes, ce qui entraîne des conséquences désastreuses, mais également les processus de paix sont incomplets et moins efficaces sans leur participation et leur contribution.

Le Centre pour le dialogue humanitaire à Genève s'associe au gouvernement norvégien pour le forum d'Oslo destiné aux médiateurs internationaux. Le centre a mené une série d'études et de séminaires en Afrique et en Asie. Une rencontre à laquelle je participerai se tiendra à Oslo, et j'ai participé au forum de Nairobi en novembre. Ils ont fait beaucoup de travail dans le domaine. Je serais heureuse de vous transmettre une partie de leur travail.

Je mentionne la nécessité de prendre en considération le contexte culturel global dans lequel ces problèmes surviennent. L'une des difficultés qui embrouillent les discussions concernant les femmes, la paix et la sécurité est la dualité qui règne dans l'esprit des auteurs de résolutions comme les résolutions 1325 et 1820 qui traitent de la violence faite aux femmes en temps de guerre. Les gouvernements qui signent ces appels à l'action commettent souvent eux-mêmes les injustices qu'ils demandent de régler. Par exemple, ces résolutions et les appels à l'action connexes qui visent à prévenir les agressions sexuelles perpétrées par les soldats du maintien de la paix et qui condamnent les viols en temps de guerre ne tiennent pas compte du contexte culturel qui permet à ces comportements de se manifester.

Non seulement la guerre exacerbe ces comportements mais, comme on s'en rend compte maintenant, elle les planifie et les encourage en tant qu'actes de guerre. On ne peut nier que ces comportements découlent du fait que de nombreuses sociétés acceptent que les femmes soient soumises et jouent un rôle inférieur, ou insistent pour qu'elles le soient et qu'elles le fassent. Elles musèlent les femmes et refusent de les laisser agir. Elles ne parviennent pas à reconnaître leur contribution, les empêchent de faire des études, les vendent comme des biens — afin de les marier ou de les exploiter — et les privent de leurs enfants ou leur interdisent d'avoir une quelconque autorité sur eux.

On ne peut pas régler les problèmes touchant les femmes, la paix et la sécurité sans tenir compte de ce contexte culturel. La société civile continue de préconiser que ce contexte plus général soit mentionné dans les résolutions des Nations Unies, mais les États membres en contrôlent la rédaction. Je pense que c'est l'une des principales raisons pour lesquelles la mise en œuvre de la résolution 1325 du Conseil de sécurité ne progresse pas. Bien qu'il y ait bon nombre d'exemples de mesures prises par des pays, la plupart du temps sous l'impulsion de femmes préoccupées, les échelons les plus élevés de la gouvernance mondiale gardent le silence quant à la vraie nature de la discrimination à l'égard des femmes.

Permettez-moi de m'interrompre pendant un moment. Vous remarquerez que je ne suis plus fonctionnaire. Je n'aurais pas tenu ce discours il y a deux ans. Une fois qu'on a pris sa retraite, on peut écouter son cœur.

Malheureusement, bon nombre d'hommes considèrent ces questions comme des plaisanteries, des plaisanteries dont ils n'ont pas besoin de rendre compte. Dans le meilleur des cas, ces questions sont simplement mal comprises. J'ai vu des hommes que je croyais plus éclairés, des hommes qui adoptent le comportement le plus direct qui soit lorsqu'il est nécessaire de convaincre toutes les parties prenantes de s'assoir à la table des négociations, devenir très réticents lorsqu'il était question d'appuyer des femmes qui s'efforçaient d'apporter des changements sociaux. La participation des femmes est toujours considérée comme une question délicate sur le plan culturel. Bizarrement, bon nombre d'entre nous constatent que ce sont les hommes qui se plaignent le plus souvent de cet état de choses, et non les femmes.

L'une des façons de s'attaquer à ce problème consiste à rapprocher les discussions du Conseil de sécurité à propos des femmes, de la paix et de la sécurité de celles qui portent sur les droits des femmes en tant que droits de la personne, lesquelles se déroulent dans une autre tribune. Ce problème est avant tout une question d'égalité. Il est impératif que les décisionnaires le considèrent comme tel.

Mon point suivant parle de la nécessité d'habiliter les résolutions des Nations Unies. Lorsque le Conseil de sécurité adopte une résolution pour autoriser des opérations de maintien de la paix, il a le pouvoir d'évaluer tous les États membres des Nations Unies et de fixer le montant de leur contribution au budget que nécessitera la mission. C'est ainsi que le Conseil de sécurité collecte à l'heure actuelle 8 milliards de dollars pour ces opérations et qu'il dépêche annuellement plus de 100 000 personnes sur le terrain, dont des troupes et des civils. En outre, lorsque le Conseil de sécurité adopte des résolutions qui condamnent les actes de certains États, celles-ci comportent des sanctions qui seront imposées si les États et les parties concernées refusent de se plier aux conditions stipulées dans les résolutions.

Pourquoi, alors, dans ses résolutions sur les femmes, la paix et la sécurité, le Conseil de sécurité lance-t-il un appel à l'action sans allouer des fonds pour la mise en œuvre des résolutions ou sans indiquer des conséquences au cas où elles ne seraient pas respectées?

Dire aux organisations de l'ONU d'en faire davantage ne sert à rien si l'on omet de leur accorder les outils, les ressources et le soutien des gouvernements dont elles ont besoin. Il convient, toutefois, de reconnaître que certains des appels à l'action relatifs aux femmes, à la paix et à la sécurité sont de portée générale et que, par conséquent, il est difficile d'y trouver des enjeux qui pourraient être financés ou faire l'objet de sanctions. Cependant, les résolutions indiquent des mesures précises comme demander au Secrétaire général de mettre en œuvre les plans d'action et, dans le cas de la résolution 1820 sur la violence, lui demander d'élaborer des mécanismes de protection. Aucune source de financement n'est mentionnée dans aucun de ces cas.

Le huitième paragraphe de la résolution 1325 demande aux négociateurs des Nations Unies de veiller à intégrer une démarche soucieuse d'équité entre les sexes dans toutes les négociations de paix mais, au moment de la signature des accords de paix, les négociateurs insistent-ils pour que cette disposition soit pleinement mise en œuvre? Les négociateurs des Nations Unies ne sont pas autorisés à signer des accords de paix qui amnistient des actes qui déplaisent aux Nations Unies — tous les actes horribles. Ils n'ont pas le droit de parafer de tels accords. Pourquoi les négociateurs des Nations Unies ne pourraient-ils pas refuser de signer ceux qui ne tiennent pas compte des éléments de la résolution 1325? Voilà un enjeu clair sur lequel on pourrait insister davantage et dont le non-respect pourrait entraîner des sanctions.

Un de mes collègues, un ancien doyen du Département d'État américain sous l'administration de Bill Clinton qui est maintenant vice-président de l'International Crisis Group qui, soit dit en passant, est dirigé par Louise Arbour, m'a raconté à quel point il était satisfait de constater le caractère non sexiste du premier accord de paix de l'Angola conclu au début des années 1990, jusqu'à ce que lui, en tant qu'ambassadeur sur le terrain, et ses collègues découvrent sur place que l'accord non sexiste ne tenait, en fait, aucun compte des sexes. Il n'y avait aucune femme à la table des négociations, et les actes de violence à caractère sexuel n'étaient pas exclus des amnisties générales, ce qui signifie que la souffrance des femmes n'était pas prise en considération. En outre, les problèmes qui tenaient à cœur aux femmes pendant la reconstruction n'avaient pas été réglés. Par exemple, on avait déminé les routes, mais pas les champs où les femmes travaillaient. Par conséquent, bon nombre de gens ont été tués ou blessés lorsqu'ils sont retournés au travail.

J'ai toujours recommandé que nous veillions à ce que les discussions futures à ce sujet ainsi qu'au sujet du conseil mènent à des résolutions qui ont plus de mordant, des résolutions dont la mise en œuvre est financée et qui stipulent des sanctions en cas de non-respect.

La nomination d'un représentant spécial dans le cadre de la résolution 1888 montre comment on peut donner plus de mordant à une résolution, mais si l'on compare cela aux ressources et aux pouvoirs accordés au conseiller spécial pour les enfants et les conflits armés, on constate qu'il y a encore beaucoup de chemin à parcourir.

L'ambassadeur Normandin a fait allusion aux discussions liées au genre qui avaient lieu en ce moment aux Nations Unies en vue de créer une nouvelle organisation chargée d'étudier les questions relatives au genre. Eh bien, ces discussions ne sont pas en cours; elles se déroulent depuis cinq ans sans résultat. Cette idée a été lancée en 2005 par le Groupe de haut niveau sur la cohérence du système des Nations Unies, sur l'insistance de certains États membres comme le Canada. Nous pouvons être fiers que le Canada ait joué un rôle important dans la formulation de recommandations visant à améliorer les structures des Nations Unies et à regrouper toutes les unités des Nations Unies qui s'occupent de questions féminines sous l'égide d'une grande organisation financée convenablement. Cinq ans plus tard, nous n'y sommes toujours pas parvenus. Il ne fait pas de doute que l'existence au sein des Nations Unies d'une structure cohérente qui gèrerait et financerait les questions féminines nous fournirait un moyen pratique de faire progresser précisément des recommandations et des résolutions telles que la résolution 1325. Je recommande fortement que la responsabilité de la résolution 1325 soit confiée à cette organisation, une fois qu'elle aura été créée.

En ce qui concerne les autres solutions à l'échelle régionale, je dirais qu'au cours de mes deux dernières années aux Nations Unies, soit de 2006 à 2008, j'ai contribué à la mise sur pied de la nouvelle Commission de consolidation de la paix et une structure de consolidation de la paix a été mise en place dans le but d'élaborer des approches précises et stratégiques pour aider les pays qui mettent fin à des conflits à maintenir le cap vers la paix. Je n'entrerai pas dans les détails de l'organisation en question, mais c'est avec plaisir que je répondrai à des questions à ce sujet. C'est un peu hors du sujet.

Nous savons que les conflits peuvent changer carrément les relations entre les sexes, souvent pour le pire, mais il arrive que ces situations présentent des avantages ou, du moins, des occasions qui doivent être saisies. Bien que nous sachions que les femmes peuvent devenir des proies faciles pendant les périodes de conflit parce que leur protection se relâche et que les normes sociales ne s'appliquent plus, celles-ci peuvent également être confrontées à des situations qui les poussent à assumer de nouveaux rôles dans le but de se protéger et de protéger leur famille et leur gagne-pain. Nous pouvons tirer parti de ces occasions; en fait, nous devons le faire. Souvent à la fin d'une guerre, les femmes découvrent qu'on cherche à les confiner dans leurs anciens rôles et qu'on ignore ou met en doute leurs expériences.

J'ai toujours pensé qu'il fallait concilier les mesures prises par la société civile en vue de recommander et de provoquer des changements au sein de la population, avec la nécessité d'appuyer les gens à l'intérieur du système qui s'efforcent d'y opérer des réformes, et de forger des alliances stratégiques entre les deux groupes. J'ai acquis mon expérience au sein du système, et je trouve très frustrant de constater que la communauté des activistes nous considère souvent comme des bureaucrates anonymes. Nous devons adopter une approche en deux volets qui marie plus efficacement la contribution de la société civile à celle de la structure officielle.

Nous devons déployer des efforts à l'échelle nationale et internationale afin de nous assurer que les choses changent. Nous devons commencer à examiner d'où viennent bon nombre des dirigeantes du système. J'ai souvent cité l'exemple du Canada qui, il y a 40 ans, a volontairement recruté plus de diplômés universitaires de sexe féminin que de sexe masculin pour pourvoir des postes de premier échelon au sein du gouvernement, et cette décision a porté fruit. Aujourd'hui, beaucoup plus de femmes au Canada occupent des postes de cadres supérieurs qu'ailleurs, et c'est pourquoi je suis une championne convaincue de l'action positive.

Peut-on appliquer ces principes à l'échelle internationale? Pour mettre fin à l'impasse, nous devons trouver des cadres supérieurs — hommes et femmes — au sein du système qui sont prêts à défendre cette cause. Le présent Secrétaire général des Nations Unies a affirmé à de nombreuses reprises qu'il était résolu à placer davantage de femmes dans des postes de cadre supérieur, mais il ne fait aucun doute que ses efforts sont entravés par l'intense politisation de ces processus. En outre, bon nombre de gouvernements présentent uniquement des candidats de sexe masculin.

En ce qui concerne la question de nommer davantage de femmes à des postes supérieurs de maintien de la paix, vers la fin de mon affectation aux Nations Unies, il y avait toute une équipe de femmes à l'échelon du Sous-Secrétaire général, et bon nombre d'entre elles ne pouvaient pas travailler à l'étranger parce que les lieux d'affectation n'étaient pas appropriés pour des familles et qu'elles avaient de jeunes enfants, et cetera.

Sur le terrain, nous avons besoin qu'un plus grand nombre de femmes occupent des postes ayant une autorité politique. Je n'ai pas besoin d'expliquer ces problèmes à votre groupe, et je ne vous présenterai pas mes arguments à leur sujet.

Dans les pays les plus pauvres, nous devons trouver des moyens d'aider les femmes à accéder à des postes d'autorité. Au Burundi, la nouvelle constitution et l'accord de paix comportaient des clauses à cet effet et, par conséquent, il y avait deux fois plus de femmes parlementaires au Burundi que nous en avons au Canada. Le gouvernement a accordé à ces femmes des postes ministériels, et pas simplement pour la forme. La ministre de la Justice était une avocate d'expérience, et la situation était identique dans le domaine de la santé et d'autres domaines. Ce genre d'action positive est important.

Cependant, aux Nations Unies, les progrès accomplis en ce qui concerne la participation des femmes à la haute direction sont insignifiants. Avant de venir ici, j'ai consulté les noms des chefs de mission. Il y a 31 missions, et si l'on inclut les représentants spéciaux du Secrétaire général et les délégués, on compte à peu près 100 personnes, dont trois chefs de mission, deux déléguées politiques et deux déléguées pour le développement de sexe féminin — ce n'est pas un très bon résultat.

J'ai également examiné les résolutions du Conseil de sécurité pour 2009, et j'ai consulté, sur le site Web des Nations Unies, les résolutions d'à peu près 20 pays — le Libéria, la Somalie, le Soudan, le Timor, l'Afghanistan, et cetera. À peu près une demi-douzaine d'entre eux faisaient allusion à la résolution 1325 dans ce qu'on appelle les « paragraphes de préambule ». Dans les paragraphes de fond consacrés aux mesures, un ou deux pays mentionnaient la protection des femmes. Un seul, soit la résolution 1880 concernant la Côte d'Ivoire, traitait en détail de la participation des femmes au processus de paix. Donc, si le Canada devient membre du Conseil de sécurité, il faut au moins que nous commencions à rédiger de meilleures résolutions.

Je vais conclure en disant quelques mots à propos de la question de la protection des civils dans le cadre de laquelle la communauté internationale s'efforce de régler la question de la protection des femmes.

Samedi dernier, j'assistais à un colloque sur le maintien de la paix et sa consolidation à l'Université de Montréal. L'un des participants au colloque était le brigadier-général Thompson, le chef d'état-major des opérations terrestres de nos Forces canadiennes. Il a décrit les efforts qu'il déployait pour accroître le rapport entre les responsables de la sécurité et les civils de Kandahar; il a dit qu'idéalement, il devrait y avoir un responsable de la sécurité par 20 habitants. Le personnel de sécurité ne comprend pas que les forces externes, il englobe également les membres de la police locale.

D'après ce critère, les forces des Nations Unies dans la province de l'Ituri, dans l'Est de la République démocratique du Congo, devraient compter 500 000 personnes. Ils ne sont que 18 000 dans tout le pays, et l'on reproche ensuite aux Nations Unies de ne pas offrir une protection suffisante. Nous ne leur accordons pas les ressources dont ils ont besoin pour le faire. Nous n'avons aucune idée de ce qu'il faut faire pour régler ces questions.

Permettez-moi également de vous dire que je suis attristée de constater que les Canadiens ne participent pas aux missions de maintien de la paix. Nous nous occupons des femmes, de la paix et de la sécurité, et que fait le Canada? Il ne contribue pas à ces missions en fournissant des troupes. Voilà une question que nous pourrions examiner.

En ce qui concerne le Canada, oui, je crois que nous devrions avoir un plan d'action. Je suis d'accord avec M. Normandin. Même en l'absence d'un plan, nous accomplissons beaucoup de choses. Les gens à New York travaillent dur; nous sommes visibles et actifs.

Toutefois, en ayant un plan, nous aurions l'air aussi intègre que la femme de César : nous devons être vertueux et nous devons être perçus comme tels. Un plan d'action nous aiderait à paraître vertueux. Je crois au symbolisme de ces choses; c'est mon point de vue personnel.

Il faut qu'il existe à New York un centre de responsabilité manifeste et, à mon avis, c'est là qu'entre en jeu la nouvelle organisation chargée d'étudier les questions liées au genre. Nous avons besoin de fonds et d'un cadre de soutien pour les questions féminines. Nous avons réduit le financement que nous accordions à toutes les organisations féminines en même temps? Allons-nous maintenant appuyer les questions féminines à l'échelle internationale? Il faut rééquilibrer les choses.

Permettez-moi de m'arrêter ici. Nous devons être réalistes, mais je pense que nous pouvons faire beaucoup plus. Si j'ai pris trop de temps, je m'en excuse.

La présidente : Merci, vous avez fait un excellent exposé. Votre curriculum vitae comporte tellement de réalisations. Que pourrais-je vous demander que vous ne sachiez déjà?

J'aimerais revenir sur ce que vous avez dit au sujet du nombre de femmes qui occupent des postes supérieurs aux Nations Unies, du nombre de femmes qui, comme l'ambassadeur l'a également mentionné, participent en général à la résolution des conflits. Pouvez-vous évaluer la mesure dans laquelle l'ONU réussit à intégrer les questions et les perspectives liées au genre dans ses travaux? Pourriez-vous nous donner votre opinion à ce sujet?

Mme McAskie : Cela varie en fonction des enjeux. L'ONU est une organisation complexe. Le Secrétariat des Nations Unies s'occupe surtout des questions liées à la politique et à la sécurité. Pour être honnête, je pense qu'il y a encore beaucoup à faire avant que la notion de genre soit intégrée au Secrétariat. L'initiative doit être prise à l'échelon supérieur.

Dans l'ensemble, l'échelon supérieur est un univers très masculin et les gens haut placés qui entourent le Secrétaire général sont des hommes. Les chefs de division sont également des hommes, à l'exception d'un ou deux d'entre eux, et peu de femmes occupent des postes supérieurs.

À cet égard, les organismes de développement, comme le Programme des Nations Unies pour le développement, l'UNICEF, le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés et le Programme alimentaire mondial, ont un bien meilleur bilan.

La présidente : Pas à l'échelon supérieur?

Mme McAskie : Oui, à l'échelon supérieur. Les personnes à la tête du Programme alimentaire mondial, du Programme des Nations Unies pour le développement et de l'UNICEF sont des femmes et, bien entendu, le chef du Fonds de développement des Nations Unies pour la femme, l'UNIFEM, est une femme — c'est obligatoire. Désolée, les gars, vous ne pouvez pas postuler pour cet emploi.

La présidente : Si l'on exclut de notre propos les organismes de développement dont vous avez parlé, y a-t-il des politiques et des pratiques qui pourraient être améliorées dans les autres divisions de façon à mieux intégrer la notion de genre?

Mme McAskie : C'est en grande partie une question d'attitude, madame la présidente. Le Secrétaire général envoie le bon message — je nommerai davantage de femmes. Au cours de la première ou de la deuxième année de son mandat, il en a nommé une au Libéria. J'ai découvert qu'il l'avait fait parce que la présidente du Libéria est une femme et qu'elle avait exigé qu'il lui envoie une femme. Il y en a quelques-unes de plus maintenant.

C'est difficile pour lui. Manifestement, aucune femme ne participe au processus. Ce sont des hommes qui s'assoient à la table. Dans le passé, c'était le réseau des anciens qui primait.

En tant que chef de mission, j'étais l'une des seules cinq ou six femmes à avoir accédé à ce poste. Cependant, lorsque j'ai assisté à la réunion des médiatrices, tenue à Nairobi et organisée par le Centre pour le dialogue humanitaire dans le cadre du forum d'Oslo — je me suis intéressée de près à ces enjeux —, j'ai été stupéfiée de constater le genre de femmes qu'on pouvait trouver quand on fouillait un peu. Ces femmes incroyablement braves avaient œuvré des deux côtés du conflit en Ouganda; elles avaient franchi le fossé qui séparait les deux groupes pour traiter avec Joseph Kony et l'amener à la table des négociations. Ces femmes existent.

Il faut les trouver, mais il faut ensuite les former. Ce ne sont pas nécessairement des diplomates des Nations Unies. Elles n'ont pas nécessairement fait des études universitaires et n'ont pas nécessairement de l'expérience à l'échelle internationale, mais elles ont les compétences, le jugement et l'expérience nécessaires pour travailler dans les tranchées.

La présidente : Savez-vous si l'ONU planifie d'offrir à l'Union africaine de la formation sur les résolutions 1325 et 1820 pour l'aider dans ses opérations de maintien de la paix?

Mme McAskie : Je crois comprendre que ces résolutions font partie de la formation. L'ONU envoie beaucoup d'organisations à la rescousse, dont des organisations canadiennes comme le Centre canadien international Lester B. Pearson pour la formation en maintien de la paix. Elles participent à la formation des troupes africaines, et elles sont financées par le Canada, les Nations Unies, l'Allemagne, et cetera. Beaucoup d'efforts sont déployés, mais je n'irais pas jusqu'à dire que tout le monde brandit la bannière de la résolution 1325.

La présidente : Êtes-vous surprise de constater que le Canada n'a pas de plan d'action, et qu'il n'a pas entrepris d'en élaborer un?

Mme McAskie : Peu de gens en ont un. À mon avis, il ne reste plus qu'à recommander fortement — ce que vous allez faire, j'en suis sûre — que nous en élaborions un maintenant, peu importe les raisons qui nous ont empêchés de le faire avant.

Je crois que ces choses sont symboliques. Je ne suis pas une bureaucrate pour rien. Je pense que, si nous élaborons les bons processus et mettons en place les bonnes structures stratégiques qui nous permettent d'exercer de manière continue des pressions sur les gens, et que nous utilisons ces outils de façon appropriée, ils peuvent nous aider à réaliser des progrès. Ils sont utiles. Ce ne sont pas les seuls outils à notre disposition, mais ils sont utiles.

Le sénateur Jaffer : Je veux vous remercier d'être venue; c'est un véritable privilège de vous avoir parmi nous. Je sais que je parle au nom de tous mes collègues quand je vous dis que nous sommes fiers du travail que vous avez accompli pour nous lorsque vous travailliez comme représentante des Nations Unies.

Je vais me faire un peu l'avocate du diable. Vous avez dit qu'une des choses qui vous dérangeaient beaucoup, c'était le fait que nous ne participions pas aux opérations de maintien de la paix de l'ONU. Nous fournissons des ressources, comme nous l'avons fait, par exemple, au Darfour, mais ces ressources sont limitées.

L'argument qu'on avançait à l'époque où j'étais là, c'est que l'Organisation du traité de l'Atlantique Nord nous permettait d'intervenir plus efficacement. Nous étions donc en mesure de jouer un rôle. J'aimerais savoir ce que vous en pensez, si vous pouvez vous permettre de nous le dire.

Mme McAskie : Je suis ravie de vous donner mon opinion. Cette question a été abordée le vendredi et le samedi du colloque de Montréal. L'un des auteurs du rapport Brahimi, William Durch, était là, de même que Jean-Marie Guéhenno, ancien dirigeant des opérations de maintien de la paix, Paul Heinbecker, ancien ambassadeur du Canada à l'ONU et le brigadier-général Thompson. La question a été discutée à fond.

Je vous recommande de lire un rapport publié récemment par le Canadian Defence and Foreign Affairs Institute, le CDFAI. Il est intitulé Qu'est-il advenu du maintien de la paix? et a été rédigé par Jocelyn Coulon de l'Université de Montréal. Si vous utilisez le moteur de recherche Google pour trouver les termes « Jocelyn Coulon » et « rapport » et « maintien de la paix », il s'affichera. C'est un excellent rapport; il donne un aperçu des opérations de maintien de la paix de l'ONU, de la contribution du Canada au maintien de la paix et des raisons pour lesquelles le Canada devrait recommencer à maintenir la paix. J'appuie complètement le rapport.

Dans le rapport, il explique que les Nations Unies ont mené de nombreuses missions. Des études publiées par le Human Security Centre de l'Université Simon Fraser à Vancouver montrent que plusieurs facteurs, dont la médiation internationale, mais aussi les opérations de maintien de la paix des Nations Unies, ont contribué à réduire le nombre de guerres à l'échelle mondiale.

Les militaires canadiens ont une mauvaise opinion des missions de maintien de la paix des Nations Unies en raison de ce qui s'est passé au Rwanda, en Somalie et en Bosnie. Il s'agit de trois exemples sur 50 ou 60. On se souvient des opérations qui ont mal tourné, mais non de celles qui ont eu des effets bénéfiques.

Nous faisons affaire avec l'OTAN parce que nous connaissons des gens au sein de cette organisation. Nous aimons travailler avec nos amis. Les Américains soutiennent l'OTAN et nous aimons collaborer avec eux. Il n'y a pas de mal à cela. Toutefois, notre participation aux missions de l'OTAN a coïncidé avec notre retrait de celles des Nations Unies.

La plupart des pays occidentaux ont arrêté de participer aux opérations de maintien de la paix de l'ONU. Ils les critiquent ensuite en disant qu'elles sont menées par des gens incompétents. Je ne crois pas qu'ils ont le droit de les critiquer ainsi sans y participer.

Après avoir lu les journaux et avoir entendu récemment des déclarations politiques, j'ai l'impression que trop de gens à Ottawa considèrent l'ONU comme une entité étrangère. Nous faisons partie de l'ONU. Nous avons créé cette organisation et nous l'ignorons à nos risques et périls. C'est le seul mécanisme véritablement international qui vise à assurer la paix et la sécurité. Soit nous voulons qu'il fonctionne, soit nous ne le voulons pas. Si nous ne le voulons pas, cette situation pourrait avoir de graves conséquences pour le Canada et les puissances occidentales.

L'OTAN n'est pas nécessairement plus efficace. Elle est mieux équipée et mieux préparée à frapper sur le plan militaire. Cela ne fait pas de doute. Un jour, j'ai déjeuné avec des ambassadeurs de l'OTAN à Bruxelles, et ils m'ont demandé pourquoi on ne les appréciait pas à New York. Je leur ai répondu qu'ils avaient quitté l'ONU pour la critiquer ensuite. Selon moi, on peut seulement la critiquer si l'on en fait partie.

Il n'y a aucune raison pour que l'OTAN ne forme pas de coalitions au sein de l'ONU et ne lui vienne pas en aide. En passant, cette situation est en train d'évoluer. Le président Obama a parlé aux pays qui fournissent des troupes à l'ONU, et leur a dit que les États-Unis seraient bientôt de retour. Toutefois, il n'a pas mentionné de quelle manière ou ce que cela signifiait exactement. Les militaires canadiens aiment imiter leurs homologues américains.

J'ai entendu de nouveau la rumeur selon laquelle le prochain conflit aurait lieu au Congo. C'est intéressant. Durant le cours que j'ai donné jeudi, les étudiants de l'Université d'Ottawa m'ont demandé si c'était vrai. Je leur ai dit que je l'ignorais. Je suis revenue récemment du Mexique où j'ai passé deux mois, alors qu'est-ce que j'en sais?

Il est important que les Canadiens réintègrent l'ONU et contribuent à la soutenir. Depuis 1995, la notion de maintien de la paix à l'ONU a beaucoup changé; elle n'a plus rien en commun avec celle de 2005. À mon sens, lorsque les militaires canadiens s'obstinent à envisager l'ONU telle qu'elle était en 1995, ils font preuve d'aveuglement volontaire. Compte tenu de l'expérience que les militaires canadiens ont acquise au cours des dernières années, je pense qu'ils représenteront un extraordinaire atout pour les Nations Unies.

Toutefois, sénateur, vous soutenez que nous payons notre part à l'ONU et le reste. Bien sûr, nous la payons; oui, nous aidons un peu. Cependant, où étaient les membres de l'OTAN lorsque le Conseil de sécurité a adopté une résolution pour une mission au Darfour? La presse a passé des années à décrire le lieu infernal que représentait le Darfour. Le Conseil de sécurité a fini par adopter une résolution à cet égard, et le chef des opérations de maintien de la paix n'a même pas réussi à obtenir un seul hélicoptère d'attaque auprès des gouvernements occidentaux. Il n'avait pas suffisamment de troupes, et il ne pouvait même pas transporter celles qu'il avait là-bas.

Les pays occidentaux disent qu'ils préfèrent travailler avec l'OTAN et, pourtant, ils sont prêts à critiquer l'intervention des Nations Unies au Darfour. Il y a quelque chose qui cloche là-dedans.

Le sénateur Jaffer : Je pourrais en dire long à ce sujet parce que je me suis occupée de cette question. Toutefois, je veux parler de quelque chose que j'ai du mal à comprendre et dont vous avez parlé. Je pense que nous pourrions formuler des recommandations à cet égard. Vous avez mentionné Joseph Kony et les femmes, et nous sommes tous au courant du travail accompli par Betty Bigombe.

À mon avis, les femmes veulent habituellement que les changements soient effectués à l'extérieur du système. Vous avez dit à plusieurs reprises que vous n'apparteniez plus à la bureaucratie et que, par conséquent, vous étiez en mesure d'exprimer vos opinions. Habituellement, les femmes ne font pas partie de la bureaucratie. C'est pourquoi elles ne sont pas nommées au sein des Nations Unies. Il nous faut créer à l'ONU un groupe où les activistes seraient les bienvenues.

Vous avez collaboré avec ces femmes dans le cadre de votre travail. Pouvez-vous nous indiquer comment, selon vous, nous pourrions les faire participer au processus en dépit du fait que leur pays ne les nommera pas à des postes?

Mme McAskie : Nous devons être très méthodiques lorsque nous faisons enquête sur ces femmes et nous devons les aider à combler leurs lacunes en matière d'expérience, d'études et de formation. Ensuite, nous devons exercer des pressions sur l'ONU; nous devons solliciter l'aide de quelques pays pour forcer le Secrétaire général à intégrer ces femmes. Ce dernier est le secrétaire des États membres des Nations Unies, et certains États ont plus de pouvoir que les autres. S'ils lui demandent de faire quelque chose, il obtempérera.

Je ne dis pas cela de manière négative. C'est son travail d'être à l'écoute des besoins et des désirs des États membres. C'est ainsi que les organisations fonctionnent.

Comme je l'ai dit, il y aura un processus de suivi. J'irai à Oslo en juin pour assister au forum annuel des médiateurs que le gouvernement norvégien organise. Au cours du forum, nous examinerons les résultats des études portant sur les administratrices et les médiatrices de la paix en Asie, en Afrique et à d'autres endroits partout dans le monde. Les participants au forum formuleront de sérieuses recommandations. Je suggère que vous suiviez ce processus. L'adresse du site Web à consulter est la suivante : www.osloforum.org.

Je recommande au Canada d'observer les mesures que prend la Norvège. On vous a déjà fait cette recommandation auparavant. Un pays de trois millions d'habitants a réussi à investir, de manière stratégique, des fonds dans la paix et la sécurité qui ont un effet extrêmement bénéfique.

La présidente : Merci beaucoup. Je suis d'accord avec vous à propos de la Norvège.

Le sénateur Nancy Ruth : Madame McAskie, je vous remercie de votre présence. En plus de proposer que nous recommandions l'élaboration d'un plan d'action relatif à la résolution 1325, que suggéreriez-vous que nous ajoutions à nos recommandations? Bien, vous avez préparé une liste!

Mme McAskie : Lorsque j'ai terminé, j'ai mentionné quelques points abrégés. Je vais vous donner de plus amples renseignements à leur sujet. À la fin, j'ai inscrit les mots « Canada » et « plan d'action ». En passant, je suis ravie d'être arrivée à 16 heures. Ainsi, j'ai été en mesure de voir M. Normandin et Mme Sinclair. Ce sont mes amis et j'admire leur travail, mais cela m'a également permis de réfléchir à certaines choses.

C'est une excellente question, sénateur. J'ai remarqué que les fonctionnaires étaient beaucoup plus respectueux envers vous que je ne le suis, mais je vous prie de ne pas en conclure que j'ai moins de respect pour vous.

J'estime que nous avons besoin d'un centre de responsabilité manifeste tant aux Nations Unies qu'au Canada. Je pense que c'est important. Ces questions ne peuvent pas être laissées à la merci de diverses parties du système. Au cours des années où j'ai travaillé pour le gouvernement du Canada, j'ai constaté que toute la question de la responsabilité des femmes à l'égard des questions féminines était soulevée, puis oubliée ensuite, et cela représente un problème.

Ce problème nous ramène à ce que j'ai dit au début à propos du contexte social dans lequel les questions féminines sont abordées. Celles-ci sont secondaires. Elles ne sont pas seulement considérées comme telles, elles sont traitées comme telles. Nous ne saisissons toujours pas le problème. La résolution 1325 n'a rien à voir avec le fait qu'il faut davantage de femmes à la table des négociations et que les femmes sont violées en temps de guerre.

Il est impossible de mettre en œuvre la résolution 1325 à moins de comprendre que les femmes et les hommes ne sont pas des partenaires égaux dans la société, où que ce soit dans le monde. Au Canada, nous avons fait des avancées considérables. Par conséquent, nous oublions que c'est toujours un problème. Nos réalisations dans ce domaine pourraient faire du Canada un chef de file mondial. Cependant, nous écoutons plutôt des entités comme REAL Women of Canada qui disent que les hommes englobent les femmes. Pourquoi ne s'appellent-ils pas REAL Men, alors? Je cite quelqu'un d'autre; cette idée n'est pas de moi.

Je crois que nous avons toujours besoin d'un chien de garde, et un qui soit haut placé au cabinet, mesdames et messieurs les sénateurs. Nous avons besoin d'un chien de garde fort, avec de l'argent et du mordant, et nous en avons besoin à l'ONU.

Pour en revenir à ce que j'ai dit au sujet de la résolution, les missions de maintien de la paix et les résolutions sont assorties de centaines de milliers, voire de milliards, de dollars, tandis que les femmes, la paix et la sécurité n'obtiennent aucun financement. Les demandes aux gouvernements sont assorties de sanctions, mais pas les femmes, la paix et la sécurité. L'autre chose que nous pouvons faire est d'exercer des pressions pour que cette entité chargée de la question de l'égalité des sexes soit mise sur pied à New York.

La Commission de consolidation de la paix est ressortie du même document du sommet, en 2005, et on nous a critiqués parce qu'il a fallu six mois pour qu'elle soit fonctionnelle après la résolution. Avec cette entité chargée de la question de l'égalité des sexes, ils n'ont même pas de résolution adéquate en cinq ans. C'est consternant.

Le Canada peut certainement déléguer plus de femmes à la table des négociations sur la paix; nous pouvons faire un effort pour trouver des femmes, tant des Canadiennes que des femmes du monde entier, et nous pouvons appuyer les femmes qui sont là.

Je vais terminer avec une petite plainte. Lorsque j'étais à la tête de la mission au Burundi, j'étais la seule femme dans le système investie d'un mandat du chapitre VII de la Charte des Nations Unies. J'étais la seule chargée de mission canadienne dans le système. À l'époque, le Canada coprésidait la conférence sur la région des Grands Lacs en Afrique avec les Pays-Bas. Le Burundi devait être le premier exemple de réussite à découler de ce processus. Je croyais avoir des amis à Ottawa. Je suis venue ici et j'ai rencontré Bill Graham, que j'avais connu lorsqu'il présidait le Comité parlementaire permanent des affaires étrangères et qui était alors ministre de la Défense nationale. Je suis allée voir Pierre Pettigrew et des amis au ministère des Affaires étrangères et au Bureau du Conseil privé. Je leur ai dit que ça ne paraissait pas bien à l'ONU qu'ils ne me donnent rien, ni développement, ni appui politique ou militaire. Je leur ai demandé de m'envoyer deux ou trois personnes. J'ai cinq bataillons. Aucun d'entre eux ne parle français, encore moins le kiroundi. J'ai toute une série de postes d'observateurs militaires; vous pourriez en pourvoir deux, trois, quatre ou cinq, ou vous pourriez m'offrir un appui politique ou une aide au développement.

Je n'ai rien reçu — rien du tout. J'ai même redemandé. Nous n'avons pas l'habitude d'appuyer les nôtres dans le système international, mais peut-être que nous pouvons commencer en appuyant une partie des femmes qui s'y trouvent.

Le sénateur Mitchell : Cette discussion a été intéressante.

Sans vouloir m'acharner, je suis intéressée à savoir, si nous avions un plan, comment nous pourrions structurer la responsabilité de la mise en œuvre et de l'administration de la résolution 1325 au Canada. Vous avez mentionné le besoin d'avoir des unités intensives au Canada et à l'ONU.

Placeriez-vous les unités dans un ministère donné? En feriez-vous un secrétariat? En feriez-vous un agent spécial unique au Parlement? Quels ministères vous aimeriez qui soient représentés, et comment vous y prendriez-vous pour faire participer les organisations non gouvernementales et les experts du secteur privé?

Mme McAskie : Ce n'est pas une question à laquelle j'ai beaucoup pensé. Idéalement, j'aimerais qu'elle soit gérée par un type d'opération sur la condition féminine, mais je suis suffisamment réaliste pour savoir que cette position n'a jamais eu beaucoup d'influence. Par ailleurs, si leurs responsabilités sont diffuses, elles n'en ont aucune.

Je confierais plutôt la responsabilité au ministère des Affaires étrangères et du Commerce international qu'au ministère de la Défense nationale, car il s'agit d'une question politique, elle concerne la volonté politique. Il serait nécessaire de prendre au préalable des décisions auxquelles nous serions prêts à consacrer du financement. Si nous avons une résolution du Conseil de sécurité de l'ONU qui ne mandate ni n'évalue la contribution budgétaire des États membres, alors l'on dépend des contributions volontaires des gouvernements. Peut-être que vous pouvez encourager les Néerlandais et les Norvégiens, et maintenant peut-être aussi les Américains, compte tenu de leur plus grand intérêt dans l'ONU, et deux ou trois autres pays pour créer un fonds de mise en œuvre de la résolution 1325. Vous pouvez faire bien des choses avec de petites sommes d'argent.

Si vous créez un centre de responsabilités au sein du gouvernement, vous devez lui verser du financement qu'il pourra ensuite faire passer par les coffres de l'ONU. Il vous faut aussi penser à la façon dont ces résolutions sont rédigées. Si le Canada remporte l'élection au Conseil de sécurité, vous pourriez en faire l'un des objectifs du gouvernement.

Je me souviens d'avoir été à l'Agence canadienne de développement international, l'ACDI, la dernière fois que le Canada était sur le point d'être élu au Conseil de sécurité. Il y avait un processus interministériel qui déterminait nos grands objectifs, et c'est à ce moment-là que nous avons lancé toute la question de notre objectif au plan de la sécurité humaine. Ce processus a obtenu un succès retentissant et a donné une visibilité au Canada.

Quel sera notre grand objectif lorsque nous adhérerons au Conseil de sécurité? Je l'ignore puisque je ne participe pas aux discussions gouvernementales. Il n'est pas nécessaire que ce ne soit qu'un seul objectif; il peut y en avoir toute une série. Vous pouvez ajouter les femmes, la paix et la sécurité à la liste pour notre mandat au sein du Conseil de sécurité.

Le sénateur Mitchell : Je m'intéresse aux changements climatiques. Nous disposons de preuves selon lesquelles les changements climatiques sont à l'origine de guerres, et les guerres n'ont pas la même incidence sur les femmes que sur les hommes. Savez-vous s'il y a des documents qui s'intéressent à la question des répercussions différentes sur les femmes en raison des changements climatiques, même sans conflit?

Mme McAskie : Il ne me vient aucun titre évident, mais l'on peut penser à ce qui se produit en Afrique au plan agricole, par exemple; la hausse du nombre de sécheresses et l'utilisation des terres et de l'eau, et cetera. Il y a tant de choses.

Je suis un peu cynique à ce sujet maintenant — je ne suis pas cynique, car je suis optimiste et je crois qu'il y a de l'espoir dans le monde, ou nous ne serions pas là où nous sommes. Par contre, il ne faudrait pas beaucoup plus que le coût d'une semaine de guerre en Irak pour régler ces problèmes.

Les gens disent que lorsque nos militaires auront quitté l'Afghanistan, nous consacrerons notre argent à la gouvernance. Nous n'injecterons pas 11 milliards de dollars dans le développement de l'Afghanistan. Les dividendes de la paix n'existent pas. Quand j'œuvrais dans le secteur de la consolidation de la paix à l'ONU, une de mes citations préférées était la suivante : « 8 milliards de dollars pour le maintien de la paix? » En relation avec tout l'argent que le monde consacre à la guerre, 8 milliards de dollars ne représentent pas une somme colossale, mais par rapport à ce qu'il consacre à la consolidation de la paix, il s'agit d'une somme considérable. Comment pouvons-nous créer une commission de la consolidation de la paix sans lui donner la possibilité d'investir les centaines de millions de dollars nécessaires pour maintenir la paix et faire en sorte que nous n'ayons pas à revenir dans cinq ans?

Nous ne disposons pas du financement. Louise Arbour a prononcé une brillante allocution sur les droits économiques et sociaux en tant que droits de la personne. Elle a soutenu que tant que nous ne verrons pas ces points comme des droits au même titre que nous voyons les questions de sécurité politique comme des droits, ils n'auront pas la même importance, et la question des femmes est au bas de cette liste.

Le sénateur Jaffer : Ma question s'intéresse précisément à la question de l'égalité des sexes. Vous avez déjà parlé de l'aide que vous avez reçue d'Ottawa, alors vous avez répondu à ma question au sujet du montant d'argent consacré à la consolidation de la paix, mais nous vous demandons s'il y a des choses précises que nous pouvons faire. Vous avez dit que le Canada peut étudier la possibilité d'aider les femmes. Qu'est-ce que vous proposez exactement? Vous étiez sur le terrain. À part fournir les ressources — je comprends cela — quelles mesures précises pouvons-nous prendre?

Mme McAskie : Vous devez trouver un juste équilibre entre offrir une aide et appuyer les efforts locaux. Je crois que l'une des choses les plus importantes est de soutenir les efforts locaux continus, et de ne pas être le fier chevalier qui vient après coup. Parallèlement, nous ne devrions pas être modestes pour ce qui est de la mesure dans laquelle nous pouvons aider. Quant à ceux qui disent qu'il s'agit d'une question de libération des occidentales, ce n'est pas ce que les femmes nous disent quand nous sommes sur le terrain. Elles recherchent désespérément le type d'aide que nous pouvons leur donner.

Nous pouvons diviser les types d'aide en deux catégories. La première est celle du changement social extraordinaire issu de l'investissement dans la santé et l'éducation des femmes, et nous sommes loin d'investir suffisamment dans ce secteur. Si nous investissons dans la santé et l'éducation des femmes, alors le changement vient de leur participation, et ensuite l'aide particulière que vous pouvez offrir est au plan de la protection des femmes et de leurs enfants, pour les aider à créer leurs propres groupes de défense et à changer leurs lois locales. Toutefois, dans certains pays, ces choses sont profondément culturelles, et il est difficile pour des acteurs de l'extérieur de le faire.

Il existe toujours des pays où les gens n'essaient même pas de commencer, mais en Afrique, il y a plein de mouvements des femmes qui ont réalisé des changements de taille. La Mauritanie a récemment voté à l'unanimité pour abolir la mutilation génitale des femmes grâce à des groupes de femmes en Afrique de l'Ouest qui ont balayé le Sahara. Il a fallu beaucoup de temps, mais elles ont apporté ce changement elles-mêmes. Cependant, elles auraient peut-être pu le faire plus rapidement avec le bon type d'appui et de financement, mais des changements surviennent et nous pouvons les cerner.

Je suis l'une de ces personnes qui deviennent furieuses lorsqu'elles voient des grands titres énoncer : « Le développement a échoué », « Abolissez les agences d'aide internationale » et « L'aide internationale est en vain ». C'est le manque de développement qui a échoué.

J'ignore si l'un d'entre vous a lu le livre de Paul Collier, The Bottom Billion. Il dit qu'au lieu du monde développé et en développement, la question actuelle est que des cinq milliards de personnes qui vivent dans le monde en développement, quatre milliards d'entre elles, soit 80 p. 100, se trouvent dans des pays où des progrès sont réalisés. Certaines d'entre elles sont toujours pauvres, mais elles vivent dans des pays comme l'Inde et la Chine, où l'on enregistre des progrès. Cependant, un milliard d'entre elles, c'est-à-dire 20 p. 100, vivent dans des parties du monde en déclin — loin de progresser, elles régressent — et 75 p. 100 de ces personnes se trouvent en situation de guerre.

Dans les années 1980 et 1990, avec les débats sur les ajustements structurels, nous avons commencé à accorder notre aide au développement aux pays disposés à respecter les normes de gouvernance et de rendement, et personne ne parlait de la façon de faire en sorte que certains pays atteignent un niveau de rendement. Il s'agissait des pays ruinés par la crise de l'endettement. Parle-t-on toujours de la crise de l'endettement du tiers monde? On parle de risque moral. Il n'y a plus de renflouement, merci bien. Cependant, lorsqu'il a été question de Wall Street, l'aide financière était au rendez-vous. Quand est venu le tour du tiers monde, on a parlé d'intérêts composés et de compressions dans la santé et l'éducation. Nous avons mis ces pays à genoux et nous pourrions les relever.

On a consacré 35 milliards de dollars par année pour venir en aide à l'Afrique, et son développement a échoué. On a affecté 600 milliards de dollars à General Motors, ou autre, et des billions à Wall Street en une semaine. Pour les gens de mon domaine, c'est de la folie. Je n'arrive pas à comprendre cette situation, et ensuite les gens parlent de l'échec du développement. Quel développement? Désolée, je vais arrêter.

La présidente : J'ai une question supplémentaire au sujet du commentaire du sénateur Jaffer et de vos remarques lorsque vous avez parlé d'offrir un appui aux femmes dans ces pays et que vous avez mentionné l'éducation et la santé. Selon vous, quelle est la situation du point de vue des viols et de la violence sexuelle tant répandus dans les régions de conflits armés? D'après ce que vous avez pu voir, comment les femmes s'en sortent-elles? Reçoivent-elles plus d'appui? Vous dites qu'elles s'appuient l'une l'autre et qu'elles jouissent de l'appui d'autres pays et d'autres femmes. La situation s'améliore-t-elle?

Mme McAskie : Nombre d'organisations sur le terrain tentent de composer avec les cas de viols et de violence sexuelle, mais encore une fois, elles manquent de financement et de ressources. Mon commentaire antérieur au sujet de la protection des civils et le rapport agent de sécurité-population en est un bel exemple. Ce qui complique les choses dans l'Est de la RDC sont les nombreuses personnes armées qui mènent toutes des combats différents. En 1999, le conflit au Congo a été qualifié de Troisième Guerre mondiale en Afrique. Maintenant, le conflit est confiné jusqu'à un certain point, et le reste du Congo a commencé à s'orienter dans la bonne direction.

Si vous voulez connaître la part de responsabilité de l'Occident pour la situation infernale en Afrique, un autre livre que vous devriez lire est Le fantôme du roi Léopold.

La présidente : Que peuvent faire les pays pour contrer cette violence? Ont-ils besoin de forces spéciales pour faire face à cette situation?

Mme McAskie : Stephen Tremblay, membre des Forces canadiennes qui participe à la Mission de l'Organisation des Nations Unies en République démocratique du Congo, MONUC, gère un projet dans l'Est du Congo pour offrir des téléphones cellulaires aux villages afin que les gens puissent appeler au secours. Bien des projets comme celui-ci ont été entrepris. Une étude a révélé que l'un des problèmes est qu'il y a tant de projets en cours que le financement va au personnel de projet. Je suis sceptique lorsque je lis ces rapports parce qu'on ne peut pénétrer dans ces régions et les infiltrer sans avoir beaucoup de personnel et sans agent de sécurité, alors c'est difficile. Vous n'avez qu'à demander à MONUC — un certain nombre de projets existent. Si vous consultez le site Web humanitaire appelé ReliefWeb, il y a un appel pour le Congo, notamment pour du financement afin d'appuyer des projets qui s'intéressent à des questions comme l'exploitation sexuelle, alors on dispose d'information, et le bureau de New York peut certainement vous la donner.

Le sénateur Brazeau : Merci d'être avec nous ce soir. Votre exposé a été très instructif. Premièrement, vous avez mentionné des compressions aux subventions offertes aux groupes de femmes. Je me considère un ardent défenseur du droit des femmes et, en particulier, des femmes autochtones. Je dois apporter une correction à l'affirmation selon laquelle le gouvernement a réduit le financement accordé aux groupes de femmes; par rapport à 2006, le gouvernement a accordé du financement à 69 p. 100 d'organisations féminines de plus, et 41 p. 100 des bénéficiaires de financement en recevaient pour la première fois.

Par ailleurs, en 2006, Condition féminine Canada a reçu 24 millions de dollars de financement, et pour l'exercice 2009- 2010, l'organisme bénéficie de 31 millions de dollars, montant le plus élevé qu'il ait jamais reçu. Un dernier exemple : depuis 2008, 117 groupes de femmes ont reçu 2 millions de dollars ou plus de financement pour contrer la violence faite aux femmes. J'ai jugé bon de transmettre ces renseignements pour le compte rendu.

Ma question se rapporte au plan d'action national, auquel certaines personnes sont favorables, d'autres pas. Certains des membres d'en face l'appuient. Permettez-moi de laisser de côté ma partisannerie pour un instant, car je me souviens, il y a un certain nombre d'années, d'un plan d'action appelé le Livre rouge du Parti libéral, qui mettait en lumière un certain nombre de promesses et qui visait à faire avancer le pays. Malheureusement, ce plan d'action national n'a mené nulle part et n'a pas été entièrement mis en œuvre. Vous avez mentionné vous-mêmes qu'à bien des occasions — et je ne veux pas vous faire dire ce que vous n'avez pas dit — vous voyez les plans d'action comme symboliques.

Je n'ai rien contre les plans d'action, mais on doit les mettre en œuvre, prendre des mesures à leur égard et les exécuter, alors je ne suis pas du même avis que vous sur le symbolisme des plans d'action, car nous savons où ce point de vue peut mener.

Si vous vous fiez à votre expérience de travail, avez-vous une idée de la raison pour laquelle on a omis d'élaborer un plan d'action pour la moitié de décennie qui s'est écoulée depuis l'adoption, par exemple, de la résolution 1325 en 2000?

Nous avons beaucoup parlé des plans d'action au cours des dernières années, mais nous n'avons pas parlé de plans d'action nationaux de 2000 à 2006. Avez-vous des commentaires au sujet de cette période?

Mme McAskie : Non, je travaillais à l'ONU à l'époque, pas au gouvernement du Canada. Je n'en ai pas la moindre idée. Par contre, je sais qu'il n'en était pas souvent question à New York. Je ne sais pas quand les plans d'action ont été rédigés par d'autres États membres, mais, honnêtement, je n'en ai entendu parler qu'au cours des deux ou trois dernières années.

J'ai l'impression que la question était probablement oubliée, et maintenant, tout le monde tente de lui redonner de l'importance. Il y a toujours quelques États plus actifs qui sont les premiers à se manifester. Il se trouve que nous ne faisions pas partie du nombre. Je crois qu'il y a beaucoup de place au rattrapage.

Lorsque je dis que ces choses ont une importance symbolique, je ne veux pas dire qu'ils ne sont que des symboles. Je veux dire que nous ne devrions pas seulement nous trouver sur le terrain pour faire le bien, mais nous devrions aussi dire ce que nous faisons. C'est comme prononcer une allocution; vous parlez du sujet que vous allez aborder, vous prononcez votre allocution et ensuite, vous récapitulez. Le plan d'action soulève la question. Cela signifie que dans deux ans, les gens pourront leur demander des comptes. S'ils n'ont pas de plan d'action, ils peuvent toujours faire le travail humanitaire ou pas. S'ils en ont un, ils doivent donc se dépêcher pour s'assurer de le mener à bien.

Le sénateur Brazeau : Si nous nous concentrons sur la mise œuvre, par le gouvernement canadien, de la résolution 1325, par exemple, il n'y a aucun plan d'action — de plan d'action écrit comme tel — mais nous avons entendu des témoins dire que des progrès ont été réalisés. Encore une fois, les progrès réalisés sont subjectifs, mais si nous entendons dire qu'on a enregistré des progrès au cours des dernières années sans plan d'action, alors pourquoi en avoir un?

Mme McAskie : Je crois qu'il est possible de réaliser davantage de progrès si nous en avons un. C'est un point de vue personnel. Je ne peux pas le prouver. C'est un point de vue strictement personnel.

La présidente : Merci, sénateur Brazeau, et merci beaucoup, encore une fois, madame McAskie, de comparaître devant nous aujourd'hui. Je suis ravie que vous soyez venue et que vous ayez exprimé votre opinion, surtout que vous êtes à la retraite, et je suis heureuse que vous ayez mentionné, par-dessus tout, le rôle de l'ONU dans nos vies, au Canada et dans le monde. Je suis d'accord avec vous, il est primordial que nous appuyions les activités de maintien de la paix de l'ONU ainsi, bien sûr, que la promotion des femmes, encore une fois, au poste de Secrétaire général. N'est-ce pas notre but?

Mme McAskie : Ce serait bien.

La présidente : Mesdames et messieurs, cela met fin à nos audiences d'aujourd'hui. Merci à tout le monde d'être comparu.

(Le comité poursuit ses travaux à huis clos.)


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