Aller au contenu
 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
Droits de la personne

Fascicule 2 - Témoignages du 10 mai 2010


OTTAWA, le lundi 10 mai 2010

Le Comité sénatorial permanent des droits de la personne, auquel a été renvoyé le projet de loi S-4, Loi concernant les foyers familiaux situés dans les réserves des premières nations et les droits ou intérêts matrimoniaux sur les constructions et terres situées dans ces réserves, se réunit aujourd'hui, à 16 heures, pour étudier le projet de loi.

Le sénateur Mobina S. B. Jaffer (vice-présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La vice-présidente : Honorables sénateurs, cet après-midi, nous entamons notre étude du projet de loi S-4, Loi concernant les foyers familiaux situés dans les réserves des premières nations et les droits ou intérêts matrimoniaux sur les constructions et terres situées dans ces réserves.

Le Comité des droits de la personne se soucie depuis longtemps de la question du partage des biens immobiliers matrimoniaux dans les réserves. Le 4 novembre 2003, il a déposé à ce sujet un rapport intitulé Un toit précaire : Les biens matrimoniaux situés dans les réserves.

Aujourd'hui, nous sommes heureux d'accueillir John Duncan, député de l'île de Vancouver-Nord et secrétaire parlementaire du ministre des Affaires indiennes et du Nord. Il est accompagné de Line Paré, directrice générale, Direction générale des relations extérieures et problématiques hommes-femmes, Affaires indiennes et du Nord Canada et de Karl Jacques, avocat-conseil, ministère de la Justice Canada.

Monsieur Duncan, je vous invite à présenter une déclaration liminaire, après quoi je ne sais si M. Jacques ou Mme Paré prendront la parole. Ensuite, il y aura des questions.

John Duncan, député, secrétaire parlementaire du ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien : Merci de la présentation. C'est ma 15e année sur la Colline, mais je n'avais jamais encore vu la belle salle où nous nous retrouvons en ce moment. Merci de l'occasion que vous m'offrez.

Je remercie le comité du travail qu'il a pu accomplir durant les années passées. Vous avez mentionné son rapport de 2003, Un toit précaire. Ce rapport a été déterminant pour le travail de recherche et de consultation à l'origine du projet de loi S-4. En juin 2005, votre comité a produit un autre rapport, intitulé, celui-là, Biens immobiliers matrimoniaux dans les réserves : Toujours en attente. Il convient tout à fait que le projet de loi S-4 se retrouve devant le Comité sénatorial permanent des droits de la personne, vu l'intérêt que ce dernier porte depuis longtemps à la question.

Les membres du comité sont mieux placés que bien des Canadiens pour comprendre la question en jeu. Par exemple, vous savez que la question des biens immobiliers matrimoniaux, ou BIM, englobe l'absence de protection des droits de propriété dans les réserves. Le projet de loi S-4 propose une solution à ce problème.

Comment régler les questions inhérentes au problème? Adopter le projet de loi est la bonne décision à prendre pour trois raisons. D'abord, le projet de loi offre aux résidents des communautés des Premières nations un niveau de protection semblable à celui qui est offert au reste de la population canadienne. Ensuite, il permet aux communautés des Premières nations de concevoir et de mettre en œuvre des lois sur les biens immobiliers matrimoniaux qui sont adaptées à leurs cultures et à leurs traditions. Enfin, la solution immédiate et concrète offerte par le projet de loi S-4 s'appuie sur les travaux de recherche et les efforts de consultation considérables de groupes indépendants, dont des organisations autochtones nationales. J'expliquerai plus en détail les trois points évoqués pendant mon exposé.

Je pense que nous convenons tous du fait que le statu quo est inacceptable, et ce, depuis des années. Il y a deux décennies de cela, la Cour suprême du Canada a d'abord signalé un vide juridique concernant les droits et les intérêts relatifs aux biens immobiliers matrimoniaux dans les réserves. Depuis lors, ce vide législatif a fait de très nombreuses victimes. Bon nombre d'entre elles sont des femmes et des enfants, souvent parmi les citoyens les plus pauvres et vulnérables. Les membres du comité connaissent bien les histoires déchirantes de mères et d'enfants forcés de quitter le foyer et leur communauté à cause de la violence familiale. L'impuissance du système judiciaire canadien dans cette situation ne fait qu'ajouter à cette détresse.

Parenthèse personnelle : j'ai rencontré Emily et Joanne ce matin. Ce sont des travailleuses de première ligne d'AINC qui reçoivent les courriels et appels téléphoniques provenant, d'abord et avant tout, de femmes aux prises avec les effets négatifs d'une séparation d'avec leur conjoint ou encore de sa mort. Le gouvernement fédéral a reconnu il y a longtemps de sa responsabilité fiduciaire en la matière, mais il ne disposait d'aucun instrument pour s'attaquer à ces questions à l'époque. C'est un vide qui se répercute de façon bien réelle sur la vie des êtres humains. Je suis heureux de savoir que le comité souhaite combler ce vide.

Nous savons que, là où la situation se produit en dehors des réserves, les résultats sont bien différents. C'est que les lois provinciales sur la famille protègent les intérêts des deux conjoints en cas de différends, à condition qu'ils ne vivent pas dans une réserve. Le projet de loi S-4 mettrait un terme à cette injustice. Il éliminerait une forme d'iniquité sanctionnée en droit à l'endroit des résidents des communautés des Premières nations — iniquité qui a causé l'aliénation de bien des Autochtones.

Je citerais la chef nationale du Congrès des peuples autochtones, Betty Ann Lavallée, pour illustrer cette aliénation. À la mi-avril, lors de l'examen d'autres projets de loi, le Comité permanent des affaires autochtones et du développement du Grand Nord de la Chambre des communes, elle a déclaré ce qui suit au sujet du projet de loi S-4 :

Le projet de loi sur les biens immobiliers et matrimoniaux est plus important qu'on pourrait le croire à première vue. Le projet de loi s'attache à la dimension véritablement humaine d'une personne autochtone, notion que tous les autres Canadiens et les gouvernements provinciaux tiennent pour acquise. L'échec d'un mariage ne devrait pas avoir pour résultat qu'une épouse au sein de notre relation autochtone se retrouve à la rue, seule, sans le moindre recours. Le projet de loi sur les biens immobiliers matrimoniaux est très important.

Voilà une citation qui souligne l'injustice qui est au cœur de ce débat. Le projet de loi comprend deux éléments principaux.

Le premier confère aux communautés des Premières nations le pouvoir de concevoir et d'appliquer des lois régissant les droits et les intérêts relatifs aux BIM sur leurs terres de réserve. Le projet de loi S-4 requiert que ces lois obtiennent l'aval de la majorité des membres des Premières nations, exprimé par un scrutin démocratique. Les lois approuvées par une communauté des Premières nations ne sont pas soumises à mon approbation ni à celle d'un autre fonctionnaire du gouvernement du Canada.

Le projet de loi S-4 est une réponse directe à une préoccupation exprimée maintes et maintes fois par des groupes autochtones au cours de nombreuses séances de participation et de consultation. Ces groupes insistent sur le fait que les Premières nations doivent pouvoir intervenir directement en matière de droit relatif aux biens immobiliers matrimoniaux dans les réserves. Aux termes du projet de loi S-4, une Première nation pourrait choisir un régime de BIM adapté aux besoins, aux coutumes et aux traditions de la communauté.

Le second élément principal du projet de loi établit un régime fédéral provisoire en matière de biens immobiliers matrimoniaux. Ce régime demeure en vigueur jusqu'à ce qu'une Première nation adopte ses propres lois. Ainsi, le projet de loi S-4 garantirait que les lois offrent une protection similaire à tous les Canadiens, où qu'ils vivent. Mais le plus important est que, grâce au régime provisoire, les résidents des communautés des Premières nations disposeraient de recours judiciaires en cas de besoin.

J'encourage les membres du comité à examiner attentivement la question de l'accès à la justice. En ce moment, les résidents des communautés des Premières nations ont toutes les raisons de croire que la loi les abandonne et que notre système de justice ne défend pas leurs intérêts. Du point de vue des Autochtones comme des autres personnes, c'est là un abandon qui a des répercussions négatives importantes pour tous les Canadiens. Combler ce vide juridique répondra à l'appel à l'action lancé par le comité et d'autres instances en vue de corriger l'iniquité relevée.

Une troisième raison de soutenir le projet de loi S-4 est qu'il s'appuie sur de nombreuses études et séances de participation et de consultation. Une grande partie de ce travail a été accomplie par des groupes indépendants, dont des organisations autochtones et des organismes des Nations Unies. Des rapports produits par trois comités du Parlement, dont le vôtre, ont conclu à la nécessité d'une solution législative. De nombreux rapports ont recommandé que les organisations autochtones participent directement à l'élaboration et à la mise en œuvre des projets de solution.

À la suite de cette recommandation, Wendy Grant-John a été nommée représentante du ministre dans la recherche d'une solution satisfaisante pour toutes les parties. Le gouvernement du Canada a fourni des fonds à diverses organisations autochtones, dont l'Association des femmes autochtones du Canada et l'Assemblée des Premières Nations, pour mener des séances de consultation. En tout, plus de 100 séances ont été organisées. Les résultats de ce processus ont éclairé le texte de loi à l'étude, et d'autres activités de rétroaction ont permis d'y apporter des améliorations importantes.

En 2003, un rapport de votre comité invitait le gouvernement du Canada à élaborer et à appliquer une solution pour combler le vide législatif concernant les BIM. Après plusieurs tentatives de notre gouvernement pour régler la question, le projet de loi S-4 est une occasion d'achever le travail. Il offre une solution rapide, appropriée et efficace à un problème de longue date. Il vise à éliminer une cause d'injustice qui touche de très nombreux Canadiens. Je le conçois comme un élément d'une série de mesures législatives : la modification de la Loi canadienne sur les droits de la personne; la prise en considération de l'affaire McIvor en matière d'inscription; et, maintenant, les biens immobiliers matrimoniaux. Ce sont là trois éléments essentiels de l'équation des droits de la personne.

Je suis heureux d'avoir l'occasion de souligner la valeur de ce projet de loi et la solution qu'il apporte à la question qui est au cœur de votre rapport Un toit précaire. J'espère que le comité appuiera ce texte de loi important et la solution qu'il propose pour assurer une distribution équitable des biens immobiliers en cas de décès, de divorce ou de séparation.

La vice-présidente : Merci. L'un ou l'autre d'entre vous souhaite-t-il ajouter quelque chose à cela? Très bien, nous allons passer aux questions.

Le sénateur Brazeau : Merci de l'exposé que vous nous avez présenté, monsieur Duncan. J'ai deux questions rapides à poser.

J'ai eu l'occasion de participer à une des séances de consultation organisées en 2006, avec les soins du ministère, Wendy Grant-John étant la responsable. Dans mes fonctions antérieures, je devais communiquer à mes commettants et aux membres les informations sur les répercussions du projet de loi à l'époque; le pour et le contre; et permettre aux membres d'arrêter ou de formuler une position qui faisait que j'allais pouvoir dire si j'appuyais le projet de loi, à titre de chef de l'organisation.

Êtes-vous en mesure d'affirmer que les autres organisations autochtones nationales ont bien été consultées?

M. Duncan : Oui, je peux l'affirmer. Je sais qu'un financement important a été accordé à l'Assemblée des Premières Nations et à l'Association des femmes autochtones du Canada à l'étape de la consultation. Je ne sais pas si c'est bien le cas du Congrès des peuples autochtones. On me dit que cela s'est fait.

La démarche n'était ni frivole ni malavisée. Elle s'est échelonnée sur un temps considérable; je crois que cela a duré plusieurs mois; les séances ont été nombreuses. Toute cette consultation a permis d'en arriver au texte de loi que nous voyons aujourd'hui, qui a fait l'objet de modifications importantes.

Le projet présenté au Sénat prend la même forme que celui qui a été présenté à la Chambre. Toutefois, pour parler de la rétroaction des organisations à son sujet, dans l'état actuel des choses, il s'agit de reconnaître que nous devons faire avancer le dossier d'une façon ou d'une autre, étant donné que le vide relevé cause tant de difficultés à de nombreuses personnes.

Je sais que Mme Paré a hâte de pouvoir parler. Tout de même, avant qu'elle prenne la parole, je voudrais traiter d'un point que je n'ai pas encore abordé. Je crois comprendre que le ministre s'est dit prêt à comparaître le 31 mai. Je ne sais pas si vous êtes tous au courant de la chose.

Il y a donc cela aussi.

Line Paré, directrice générale, Direction générale des relations extérieures et problématiques hommes-femmes, Affaires indiennes et du Nord Canada : Je veux donner des précisions. La consultation nationale a été lancée en septembre 2006. Le ministère des Affaires indiennes et du Nord Canada a versé une aide financière à l'Assemblée des Premières Nations et à l'Association des femmes autochtones du Canada, qui ont reçu chacune 2,7 millions de dollars. Nous avons aussi versé une aide financière à d'autres organismes, par exemple le Congrès des peuples autochtones et l'Association nationale des centres d'amitié.

La représentante du ministre a parcouru le pays à la rencontre des gens. À l'occasion de séances régionales, l'Assemblée des Premières Nations et l'Association des femmes autochtones du Canada ont sondé les femmes autochtones. En mars 2007, la représentante du ministre a produit un rapport faisant état de tous les propos recueillis dans le cadre de la consultation.

C'est plus d'une centaine de séances de consultation qui ont eu lieu, à 76 endroits, partout au Canada. Le processus de consultation a coûté plus de 8 millions de dollars. Il s'ajoutait aux recherches faites au fil des ans : rapports de comités permanents, recommandations internationales, documents de travail et séances d'éducation du public organisées par les responsables ministériels.

L'occasion était excellente pour les gens de faire valoir leurs préoccupations et de proposer des solutions possibles au problème. Après la consultation nationale, le ministère a produit des options législatives, a rencontré l'Assemblée des Premières Nations, l'Association des femmes autochtones du Canada et le conseil de gestion des terres des Premières nations à l'occasion de séances visant à dégager un consensus. La représentante du ministre participait aussi aux séances en question.

Tout au long de cette démarche, les organismes ont fourni beaucoup de bons conseils, qui ont débouché sur des modifications du projet de loi que vous avez devant les yeux en ce moment.

Le sénateur Brazeau : Il y a longtemps que ce texte de loi est attendu dans les communautés des Premières nations, étant donné le vide qui existe. Je suis d'accord avec ce que vous aviez dit au sujet du train de mesures législatives qui ont été adoptées, particulièrement pour protéger les intérêts des femmes et de leurs enfants. Ayant participé à ces consultations auparavant, j'ai entendu directement le témoignage de femmes des Premières nations qui, du fait d'un mariage qui s'effondrait, n'avaient absolument nulle part où aller ni rien d'autre. Évidemment, ce projet de loi comblera le vide en question. Les diverses organisations autochtones ont appelé une mesure de cette nature de leurs vœux dans le passé.

Dans vos termes à vous, pouvez-vous décrire quel est le prix à payer sur le plan humain, pour les femmes des Premières nations et leurs enfants, si ce projet de loi ne va pas de l'avant comme prévu?

M. Duncan : Je ne suis probablement pas le mieux placé qui soit pour décrire le prix de la chose sur le plan humain, bien que j'aie lu un article de Doug Cuthand paru dans le Star Phoenix de Saskatoon vendredi dernier, je crois. Il citait des statistiques tirées du Report of the Aboriginal Justice Inquiry of Manitoba, qui donnent à croire que la violence conjugale et l'éclatement des familles sont nettement plus fréquents dans les réserves qu'ailleurs.

Nous ne sommes pas membres des Premières nations ici autour de la table, pour la plupart. Nous nous faisons notre propre idée de ce à quoi ressemblerait l'absence de loi en matière de biens immobiliers matrimoniaux chez les gens et dans le segment de la société que nous connaissons, mais, évidemment, c'est amplifié de façon extraordinaire.

Comme je le disais pendant mon exposé, après avoir rencontré ce matin Joanne et Emily, qui traitent avec les gens vivant une telle situation et sont habituées d'aborder AINC en cas de problème, il est tragique que les gens se fassent dire qu'on ne peut rien pour eux.

Il est difficile de croire qu'une telle situation ait pu durer si longtemps dans un pays avancé, comme nous aimons concevoir notre pays. Ce n'est pas parce que nous n'arrivons pas à nous entendre à 100 p. 100 que nous ne devons pas progresser. Nous avons l'obligation d'aller de l'avant, à mon avis.

Peut-être que Mme Paré ajouterait quelque chose à cela. Je sais que c'est pour elle une source de motivation professionnelle, mais aussi personnelle.

Mme Paré : Je suis membre des Premières nations moi aussi. Je fais partie de la Première nation de Gesgapegiag, mais, du point de vue d'un fonctionnaire, je dois dire qu'il y a longtemps que ce projet de loi important se fait attendre. Il sert à combler un vide législatif. La protection juridique qu'il offre est une chose que les gens tiennent pour acquise en dehors des réserves, mais pour qui vit dans une réserve, ça n'existe pas.

Il est intéressant de parler du prix qui est payé sur le plan humain; nous n'avons pas de statistiques sur le plan humain, mais je vais vous donner un exemple. Si la femme vit actuellement dans la maison avec les enfants et que les enfants fréquentent toujours l'école, qu'est-ce qui arrive si tous doivent quitter la communauté? La femme n'a nulle part où aller. Elle sort les enfants de la réserve, et tous perdent l'attachement qu'ils ont à la famille étendue — les grands-parents, les tantes, les oncles, les cousins et les amis à l'école. Ils sont déplacés; ils n'ont pas d'endroit où habiter. C'est un des éléments du prix humain à payer.

Quant au prix à payer humainement pour la violence conjugale, si un membre du ménage a besoin d'une protection d'urgence dès maintenant, le prix à payer sur le plan humain est énorme si nous ne garantissons pas une protection juridique aux gens qui vivent dans les communautés.

Si un couple a une maison dans laquelle il a investi et où il a vécu, au sein de la communauté, pendant de nombreuses années et que la relation s'effondre, un des deux conjoints ayant investi dans la maison ne peut accéder à la moitié de la valeur qui résulte de l'investissement des deux. L'absence de protection juridique entraîne un coût sur le plan économique.

Le sénateur Lovelace Nicholas : En parlant des biens, vous dites qu'en cas de décès, de divorce ou de séparation — je n'ai pas d'exemplaire du projet de loi devant moi —, qu'advient-il des femmes non autochtones qui habitent dans ces communautés ou encore des hommes non autochtones?

M. Duncan : Ils prennent possession des biens provisoirement, mais pas de façon définitive. Cela ne fait aucun doute, nous ne voulons pas rompre avec la tradition que présuppose la Loi sur les Indiens, soit que les terres des Premières nations sont la propriété des membres des Premières nations.

Le sénateur Lovelace Nicholas : Appartient-il à la communauté des Premières nations en question de régler la situation?

M. Duncan : Non, c'est ce que prévoit la mesure législative provisoire. Je suppose que si une Première nation décidait d'agir autrement, après le projet de loi S-4, cela conviendrait, mais il n'y a personne qui agit en ce sens autant que je sache. Je ne sais pas si M. Jacques a quelque à ajouter à cela.

Karl Jacques, avocat-conseil, ministère de la Justice Canada : Pour revenir à la question de la protection des non- membres ou des non-Indiens, disons qu'ils disposent des mêmes recours. Ils peuvent demander au tribunal de pouvoir demeurer dans la maison ou d'en avoir la possession pendant un certain temps.

Le sénateur Lovelace Nicholas : Si on parle de toute l'injustice dont les femmes autochtones ont été les victimes depuis un grand nombre d'années, je jetterais la pierre à la Loi sur les Indiens. Cette loi-là est une injustice pour tous les Autochtones. Pouvez-vous proposer quelque chose — que nous nous en débarrassions ou je ne sais quoi encore?

M. Duncan : Certaines Premières nations l'ont fait, et nous avons négocié; nous ne sommes pas de grands défenseurs de la Loi sur les Indiens, mais en surveiller l'application fait partie de notre mandat.

Oui, c'est un document archaïque qui finira par être remplacé par des accords en matière d'autonomie gouvernementale, dont bon nombre existent déjà, et les Premières nations peuvent recourir à des dispositions d'adhésion facultatives de plus en plus nombreuses en ce qui concerne la gestion des terres, les codes d'élection et d'autres mesures encore. De nombreuses Premières nations en arrivent au point où elles prennent certaines de leurs décisions elles-mêmes, sinon pratiquement toutes les décisions en question.

J'ai eu affaire de très près à l'accord d'autonomie gouvernementale de Westbank. J'étais porte-parole de mon parti en la matière au moment où le projet de loi a été adopté en 2005. J'ai parlé à de nombreux intervenants — pas dans les réserves en tant que telles, mais autour d'elles —, y compris les administrations municipales et régionales, qui étaient complémentaires. Les responsables sont même allés jusqu'à dire qu'ils fournissent des services locaux d'une façon meilleure, de façon plus efficiente que nous. Ces choses-là peuvent arriver, et elles arrivent.

Mme Paré : Ajoutez à cela la Loi sur la gestion des terres des Premières nations et la politique et les négociations en matière d'autonomie gouvernementale. Tout de même, un élément important du projet de loi S-4 consiste à offrir aux Premières nations l'occasion de se donner un régime de biens matrimoniaux adaptés qui respecte leur culture, leurs valeurs et leurs traditions. Cet élément-là est important.

C'est un élément important du projet de loi. C'est une façon d'établir l'obligation redditionnelle du conseil des Premières nations par rapport aux membres des Premières nations.

Le sénateur Lovelace Nicholas : Je crois que ces femmes devraient avoir accès à une forme de protection ou de recours en s'adressant à un certain comité — pas le nôtre, mais le comité responsable des recours — là où elles sont traitées de manière injuste; il s'agit d'une société qui est dominée par les hommes, surtout dans les communautés dans mon coin de pays à moi.

Cela m'est arrivé : je me suis fait expulser et je n'avais nulle part où aller. Comme le gouvernement a éliminé les fonds destinés aux femmes, les femmes n'ont nulle part où aller.

M. Duncan : Je vais réagir à cela. Le gouvernement s'est engagé fermement à financer les refuges pour femmes et autres programmes pour femmes, mais, quoi qu'il en soit, ce que vous dites est juste. Il y a de l'iniquité, de l'injustice, et les options sont plus limitées. Je crois que le projet de loi S-4 sera très utile de tous ces points de vue là.

Il y a une idée qui plane au-dessus de ce projet de loi, bien entendu. C'est le fait que les dispositions du projet de loi C-21 — les modifications de la Loi canadienne sur les droits de la personne, qui, jusqu'à maintenant, excluaient les membres des Premières nations vivant dans une réserve — permettront, à compter de juillet 2011, à quiconque s'estime l'objet de discrimination d'évoquer la Loi canadienne sur les droits de la personne. C'est une raison de plus pour nous de ne pas avoir de vide législatif concernant les biens immobiliers matrimoniaux.

Le sénateur Lovelace Nicholas : Il faut une loi. Les femmes commencent à sortir de leur coquille et à retourner à l'école. Bon nombre d'entre elles ne sont jamais sorties de leur communauté et n'ont pas d'ordinateur ni les autres trucs que nous avons. Je suis membre d'une Première nation et je crois que cela les aiderait à améliorer leur sort.

M. Duncan : Une histoire à succès qui est souvent évoquée c'est le fait que nous ayons tant de femmes parmi les chefs et les conseillers autochtones. Elles se lancent beaucoup en politique ces jours-ci. Leur réputation les précède. Elles abattent du bon travail partout où elles se trouvent.

Le sénateur Lovelace Nicholas : Il y a deux femmes chefs dans mon coin de pays.

Le sénateur Nancy Ruth : Monsieur Duncan, je ne sais pas très bien quel terme il faudrait employer, mais il est si bon de voir ce projet de loi aboutir aujourd'hui. C'est merveilleux.

M. Duncan : Merci de parrainer le projet de loi.

Le sénateur Nancy Ruth : Je vous en prie.

Je vais donner suite aux questions du sénateur Lovelace Nicholas. Je crois comprendre que, dans certains cas, les mesures provisoires figurant dans le projet de loi ne s'appliquent pas aux Premières nations ayant conclu un accord d'autonomie gouvernementale ou aux Premières nations visées par la Loi sur la gestion des terres des premières nations. Comment le principe de l'égalité entre les sexes l'emportera-t-il au moment du partage des biens matrimoniaux dans les réserves assujetties à ces deux accords-là?

M. Jacques : Je peux répondre à cette question. Selon la Loi sur la gestion des terres des premières nations, les Premières nations devront adopter un code sur les biens immobiliers matrimoniaux. La même chose vaut pour les accords d'autonomie gouvernementale. Selon les lignes directrices applicables, il faut discuter des BIM et négocier à ce sujet pour prévoir la chose dans les accords d'autonomie gouvernementale. Ces accords traiteraient des BIM.

Le sénateur Nancy Ruth : Il est bien d'entendre dire que les BIM sont pris en considération

Je crois comprendre aussi que, en plus d'établir des règles fédérales provisoires, le projet de loi a pour objet l'adoption de textes législatifs par les Premières nations en ce qui touche les droits et intérêts matrimoniaux. En quoi cela se répercute-t-il sur le droit à l'autonomie gouvernementale? Comment le principe de l'égalité entre les sexes est-il respecté dans le cadre de l'autonomie gouvernementale? Je ne sais pas si la réponse ne serait pas la même.

M. Duncan : Non, ce n'est pas la même réponse. Vous avez donné une tournure à laquelle je ne m'attendais pas à la fin.

En ce moment, dans une Première nation qui n'a pas signé d'accord d'autonomie gouvernementale ou qui n'est pas visée par la Loi sur la gestion des terres des premières nations, l'adoption d'un régime en matière de biens immobiliers matrimoniaux exige une résolution du conseil de bande et une approbation ministérielle. Lorsque le projet de loi S-4 entrera en vigueur, le ministère ou le ministre s'attachera uniquement à la marche suivie pour en arriver là. C'est-à-dire qu'il faudra que ce soit fait de manière démocratique. Autrement, on peut prévoir ce qu'on veut dans le régime, et le projet de loi S-4 permettra d'y donner effet. La Première nation qui souhaite adopter son propre régime en matière de biens immobiliers matrimoniaux n'a pas à pratiquer l'autonomie gouvernementale. Dans l'intervalle, elle tombera sous la coupe du régime fédéral de biens immobiliers matrimoniaux provisoires prévu dans le projet de loi S-4.

Le sénateur Nancy Ruth : Ai-je raison de penser que des modèles de droits en matière de biens immobiliers matrimoniaux seront fournis pour qu'on voie à quoi cela ressemble? À quoi ressembleront ces droits tels que formulés? Combien y en aura-t-il?

Mme Paré : C'est un élément du plan de mise en œuvre. La mise en œuvre du projet de loi comportera trois volets : d'abord, une campagne d'information pour sensibiliser le public à la loi; ensuite, la formation des policiers et des juges; et, troisièmement, le soutien d'un centre d'excellence. Par centre d'excellence, il faut entendre un organisme national indépendant du gouvernement qui fournit des renseignements, des conseils et des exemples de modèles de régime en matière de biens immobiliers matrimoniaux. Par l'entremise du centre d'excellence, les Premières nations peuvent obtenir des exemples de textes législatifs des Premières nations en ce qui concerne les biens matrimoniaux.

Le sénateur Nancy Ruth : Le gouvernement fédéral financera-t-il les trois volets?

Mme Paré : Oui.

Le sénateur Nancy Ruth : Nous allons recevoir le témoignage de groupes demandant pourquoi le gouvernement adopte une telle loi sans prévoir d'autres mesures en ce qui concerne les logements, l'éclatement de la famille, les refuges, les juges, un counselling ou un budget pour ceci ou cela et tout le reste. Pouvez-vous me dire pourquoi ce projet de loi ne prévoit pas de budget pour ce genre de choses? Comment la décision a-t-elle été prise?

M. Duncan : Je ne peux probablement pas vous dire ce qui aurait motivé cela, mais, logiquement, certains des coûts en question sont inférieurs à ce qu'il sont aujourd'hui, étant donné que nous composons avec des ruptures qui entraînent d'horribles conséquences financières.

Le sénateur Nancy Ruth : Pouvez-vous expliquer encore un peu comment cela se ferait ou nous donner un exemple?

M. Duncan : En cas de rupture familiale, présumons que la femme et les enfants sont expulsés du foyer et qu'ils ne disposent pas des moyens financiers pour subvenir à leurs besoins. Ils demandent au gouvernement de les soutenir pendant un certain temps, à moins qu'un régime de biens immobiliers matrimoniaux ne soit en place.

Le sénateur Nancy Ruth : C'est en dehors des réserves?

M. Duncan : Oui.

Le sénateur Nancy Ruth : Cela relève de la responsabilité des provinces.

M. Duncan : Dans de nombreux cas, ce sont encore des Indiens inscrits qui peuvent compter sur un important soutien financier du gouvernement fédéral. Peut-être que Mme Paré peut vous en dire davantage sur cette situation-là, car il y a d'autres conséquences à cela, j'en suis sûr.

Mme Paré : Voilà une question intéressante. Vous avez parlé des logements. Le projet de loi a pour objet de combler un vide législatif, juridique, qui est là depuis de nombreuses années. C'est l'objet du projet de loi S-4.

Quant au problème socioéconomique et aux défis que doivent relever un grand nombre de membres et de communautés des Premières nations, c'est en dehors de la portée du projet de loi. Le gouvernement du Canada travaille avec des communautés et des organisations autochtones à trouver des façons d'améliorer la situation, par exemple dans le domaine du logement. Permettez-moi de vous donner un exemple. Dans le budget de 2010, le gouvernement du Canada a annoncé qu'il débloquait des fonds pour que les communautés puissent bâtir d'autres unités de logement et rénover les unités existantes. Le financement additionnel s'élève à 400 millions de dollars sur deux ans. Le gouvernement du Canada travaille avec des organisations autochtones de même qu'avec les provinces et les territoires à améliorer la situation dans le domaine de l'éducation. Le gouvernement du Canada dispose d'un cadre de développement économique pour les Autochtones. Grâce à ce cadre, AINC, qui en est le principal responsable, mobilisera bon nombre de personnes et d'organismes pour étudier des façons d'améliorer les possibilités de développement économique auxquelles les gens ont accès, y compris les modifications à apporter au programme de développement économique d'AINC.

Le projet de loi S-4 a pour objet de combler un vide législatif.

M. Duncan : Votre observation est juste. Nous allons probablement entendre tous ces commentaires-là à propos de pratiquement tous les projets de loi relatifs aux Premières nations qui iront de l'avant. Il ne peut pas toujours s'agir d'un projet de loi omnibus, ce que l'on demande ici. Nous avons pris de nombreuses mesures en rapport avec toutes ces questions économiques là. Nous avons beaucoup investi dans les dossiers les plus importants, depuis l'infrastructure jusqu'au logement.

Par exemple, notre stratégie à propos de l'eau potable a permis de régler dans presque tous les cas le problème d'un approvisionnement en eau entraînant des risques élevés. Nous avons réglé les deux tiers environ des éléments prioritaires en ce qui concerne les systèmes d'approvisionnement en eau. Nous allons continuer à progresser dans ce dossier au cours des deux prochaines années grâce à un budget de 330 millions de dollars. Je suis sûr qu'il y aura un projet de loi sur l'eau à l'avenir.

L'ampleur des problèmes va en s'intensifiant tandis qu'on se déplace vers le nord. Le Comité sénatorial permanent des affaires autochtones et du développement du Grand Nord de la Chambre des communes a consacré beaucoup de temps à l'étude des questions intéressant le Nord. C'est le sujet de notre étude en ce moment. Nous avons parlé de logement aux gens à Iqaluit et à Yellowknife. L'argent investi dans le logement commence à produire des effets positifs.

Le sénateur Baker : J'ai beaucoup de respect pour le secrétaire parlementaire qui est venu témoigner devant le comité. J'ai siégé avec lui à la Chambre des communes. Il a accompli un boulot extraordinaire pour les pêcheurs de la côte Ouest du Canada durant la période en question.

Madame Paré, à la fin de votre résumé de l'historique du projet de loi, vous nous dites qu'il y a eu consultation et que des modifications ont été apportées au projet de loi que nous avons devant les yeux.

Dites-vous que des modifications ont été apportées à la présente version du projet de loi, par rapport à la version antérieure qui a circulé à la Chambre des communes l'an dernier?

Mme Paré : L'étape de concertation a eu lieu au printemps et à l'été de 2007. Après les consultations, le ministère a retenu certaines options en vue d'en arriver à une solution législative. Il a rencontré l'Assemblée des Premières Nations, l'Association des femmes autochtones du Canada, les représentants ministériels et le conseil de gestion des terres des Premières nations. Les gens ont discuté des diverses options possibles. Après les discussions, les représentants ont transmis au ministère de bonnes propositions en vue de la production d'un avant-projet de loi présenté comme étant le projet de loi C-47, qui est devenu le projet de loi C-8 et qui, maintenant, s'appelle projet de loi S-4.

Le sénateur Baker : C'est la troisième version du même projet de loi que nous avons devant les yeux.

Mme Paré : C'est le même projet de loi, sauf que le numéro a changé.

Le sénateur Baker : Le fait que le chiffre ait changé n'est pas très utile ici. Est-ce la première fois qu'un comité au Parlement examine le projet de loi et convoque des témoins à son sujet?

Mme Paré : Oui.

Le sénateur Baker : C'est la première fois que tous ces groupes d'intérêt et que toutes ces personnes qui s'intéressent au projet de loi témoignent devant un comité parlementaire pour donner leur point de vue et répondre aux questions des sénateurs. J'ai cru que cela s'était fait avec le projet de loi de l'an dernier.

Monsieur Duncan, le projet de loi a bien semblé progresser à la Chambre des communes. Le NPD et le Bloc québécois semblaient en appuyer l'étude au comité. Puis, il y a eu un amendement de renvoi — corrigez-moi si je me trompe.

M. Duncan : Il y a eu un renvoi.

Le sénateur Baker : Un renvoi de six mois pour qu'on se débarrasse du projet de loi.

M. Duncan : Oui.

Le sénateur Baker : C'était l'œuvre des libéraux.

M. Duncan : Oui; Todd Russell.

Le sénateur Baker : Pour une raison ou une autre, le Bloc québécois et le NPD ont changé leur fusil d'épaule, puis le projet de loi est mort.

Si on regarde ce projet de loi objectivement, s'il s'agit bien du même projet de loi, à moins que les partis politiques n'aient changé d'idée, le projet de loi n'aura peut-être pas la sanction de la Chambre des communes. Les partis politiques ont-ils changé d'idée?

M. Duncan : L'amendement de renvoi a été défait à l'occasion d'un vote serré de 125 voix contre 120 à la Chambre des communes. Je crois que les libéraux ont beaucoup fondé leur position sur la rétroaction obtenue d'organisations autochtones nationales. Les deux organisations autochtones nationales qui critiquaient le plus le projet de loi à l'époque étaient l'Association des femmes autochtones du Canada et l'Assemblée des Premières Nations.

Je crois qu'elles souhaitent maintenant travailler avec le gouvernement à faire cheminer le projet de loi. Cela ne se fera pas avec un amendement de renvoi.

Votre prochaine question est probablement la suivante : pourquoi déposer le projet de loi au Sénat plutôt qu'à l'autre endroit?

Le sénateur Baker : Nous portons un regard plus avisé sur les projets de loi; ça, je le sais.

M. Duncan : Nous allons devoir traiter de nombreux projets de loi. Nous nous penchons sur un projet de loi en ce moment même, un travail que nous allons continuer à faire. Nous nous penchons sur le projet de loi C-3, le projet de loi découlant de l'affaire McIvor, qui est controversé. C'est un projet de loi qui fait partie de nos travaux.

Tout de même, si on veut voir ces travaux dans un contexte plus large, c'est votre comité sénatorial qui a lancé le débat sur la question. Il convient tout à fait que le projet de loi se retrouve entre les mains de votre comité sénatorial. Je m'attends à ce que cela donne quelque chose d'excellent.

Le sénateur Baker : Autrement dit, vous vous attendez à ce que nous l'adoptions rapidement.

Le ministre ayant proposé le projet de loi C-3, celui-ci doit se retrouver devant le Sénat après avoir été adopté à la Chambre des communes. La Cour d'appel de la Colombie-Britannique a donné au gouvernement fédéral jusqu'au 1er avril pour adopter sa loi. La loi n'a pas été adoptée, et le tribunal a porté le délai au 15 juillet.

M. Duncan : Ça ressemble à ça.

Le sénateur Baker : Espérez-vous adopter le projet de loi C-3 pour qu'il se retrouve devant le Sénat avant la pause estivale?

M. Duncan : Je l'espère.

Le sénateur Baker : Sinon, vous contrevenez à une ordonnance du tribunal.

Monsieur Jacques, je veux vous poser une question. Pour une grande part, ce projet de loi est une affaire de protection d'urgence. C'est ce qui permet d'obtenir une ordonnance de protection d'urgence, ce à quoi Mme Paré a fait allusion il y a un instant. Je comprends bien que certaines personnes puissent regarder le projet de loi et affirmer que c'est complexe d'un point de vue juridique.

Quant aux ordonnances de protection d'urgence, il s'agit d'ordonnances ex parte que cherche à obtenir une des deux parties, que ce soit la femme ou l'homme. L'ordonnance est rendue confidentiellement; ce n'est pas inter partes. L'ordonnance est ex parte, elle est confidentielle. Elle est transmise à la police pour l'exécution, dans le cas qui nous occupe. Ensuite, il y a habituellement révision de l'ordonnance en question, selon la province dont il s'agit. Quoi qu'il en soit, elles ont leur propre code et leur propre système. Je ne sais pas quelles sont les règles de procédure que le tribunal va appliquer, mais je présume que ce sont les règles usuelles.

Croyez-vous que l'exécution des ordonnances posera problème dans certaines situations; il ne s'agit pas ici d'une situation normale. On obtient que le tribunal rende une ordonnance ex parte qu'il s'agit de transmettre et de faire exécuter immédiatement, par exemple prendre possession d'un foyer et faire sortir une personne du foyer en question.

Me comprenez-vous? Ce sera difficile. Ça peut mener à des complications qui n'existent pas en dehors de cette situation.

M. Jacques : Dans l'état actuel des choses, vous avez raison. L'ordonnance est rendue ex parte; c'est-à-dire en l'absence de l'autre partie. La décision rendue est aussi soumise à un mécanisme de révision. Selon le projet de loi, si l'ordonnance est rendue par un juge de paix, elle doit être révisée par un juge dans les trois jours.

Oui, l'ordonnance sera exécutée, par exemple, même si la personne demande une révision de la décision. Cela est vrai. Comme vous l'avez dit, dans certains cas, l'ordonnance sera exécutée même si la personne qui se fait évincer la conteste.

Le sénateur Baker : C'est le problème que posent les ordonnances de protection d'urgence. Elles sont nécessaires, bien entendu. Par contre, une seule partie fait valoir son point de vue, et l'ordonnance est exécutée.

Disons qu'elle est exécutée dans une réserve. Quelles procédures envisagez-vous? L'exécution de ces ordonnances suppose-t-elle des procédures supplémentaires? Avez-vous réfléchi à cette question-là?

M. Jacques : L'ordonnance sera exécutée comme toute autre ordonnance. Un policier se rendra dans la réserve pour exécuter l'ordonnance. Cela ne se distinguera en rien de tout autre cas où un policier doit exécuter une ordonnance dans une réserve.

Le sénateur Baker : Quelles sont les règles de procédure auxquelles la personne qui conteste l'ordonnance devra se plier? Il lui faudra un avocat pour contester, mais les règles applicables sont les règles du tribunal à l'origine de l'ordonnance, n'est-ce pas?

M. Jacques : Ça dépend de la province. C'est la province qui détermine quel tribunal se charge de la question. Elle produira des règles de procédure à propos des appels ou des demandes de révision en question.

Le sénateur Baker : L'ordonnance rendue par un juge de paix est transmise au tribunal. Plus tard, c'est un juge de la Cour supérieure ou un juge de la cour provinciale qui s'occupera de la demande de révision.

M. Jacques : Oui.

Le sénateur Stratton : Bienvenue. Je vais continuer à creuser le même sillon que le sénateur Baker, étant donné que je m'intéresse à la procédure moi aussi. Si je lis bien le projet de loi, l'article 21 à la page 12 précise le délai à cet égard. Lorsque quelqu'un est évincé de son domicile, c'est pour une période de 90 jours.

Le sénateur Baker : Oui, c'est pour 90 jours. Cette période-là peut être prolongée.

Le sénateur Stratton : Oui. Est-ce que la période est automatiquement prolongée ou encore faut-il faire une demande à cet égard? Qu'arrive-t-il après 90 jours?

M. Jacques : La personne demande que la période soit prolongée, et la période peut seulement être prolongée pour 90 jours encore.

Le sénateur Stratton : Et ensuite?

Le sénateur Baker : Voilà une bonne question.

M. Jacques : Selon ce qui...

Le sénateur Stratton : La personne visée est encore violente après 180 jours. Qu'est-ce qui arrive alors?

M. Jacques : Une personne peut toujours présenter une demande.

Le sénateur Stratton : Vous avez dit que ça peut seulement être prolongé pour 90 jours encore.

M. Jacques : Oui, sur la même base ou en rapport avec la même cause : si la personne retourne à la maison après cette période et demeure violente, l'autre personne peut présenter une demande à nouveau.

Le sénateur Stratton : La personne visée par l'ordonnance a le droit de rentrer à la maison après 180 jours, c'est ce que vous dites?

M. Jacques : Oui.

Le sénateur Stratton : Voilà une belle perspective pour la femme. Je serais nerveux en pareil cas.

Ma prochaine question porte sur l'occupation du foyer familial. Encore une fois, à la page 11, article 19, la période établie est de 180 jours. Voici un exemple : je suis Autochtone et je meurs. Ma conjointe n'est pas Autochtone. Elle dispose de six mois pour évacuer les lieux, n'est-ce pas?

M. Jacques : Elle peut demeurer là pendant 180 jours, cela est garanti. Durant la période en question, elle peut toujours demander au tribunal de pouvoir garder possession des lieux par la suite.

Le sénateur Stratton : Qu'entendez-vous par « possession »?

M. Jacques : L'occupation du foyer familial.

Le sénateur Stratton : Elle peut prendre possession du foyer en permanence?

M. Jacques : Non. Elle peut demander de pouvoir demeurer là pendant une période limitée.

Le sénateur Stratton : Ça me trouble toujours lorsque vous dites « limitée ». Il faut lire cela pour savoir que c'est 180 jours. Après, qu'est-ce qui arrive à la femme? Est-ce qu'elle doit partir?

M. Jacques : Non. Cent quatre-vingts jours, c'est le minimum garanti.

Le sénateur Stratton : D'accord.

M. Jacques : Dans l'intervalle, la personne peut demander au tribunal la permission de demeurer dans la maison plus longtemps.

Le sénateur Stratton : La période ainsi prolongée n'est pas définie, n'est-ce pas?

M. Jacques : Non. C'est le juge chargé d'entendre l'affaire qui décide. Pour cela, il se fonde sur une série de critères qui sont énoncés dans la loi.

Le sénateur Stratton : En fin de compte, la femme peut se retrouver à la rue avec ses enfants, n'est-ce pas?

M. Jacques : C'est possible, mais l'intérêt de l'enfant figure parmi les critères importants que le tribunal doit prendre en considération.

Le sénateur Stratton : C'est là que je veux en venir. Après le délai donné, 180 jours, après la prolongation, s'il est établi que la femme n'a pas le droit de demeurer là, comment obtient-elle l'aide nécessaire pour trouver un logement correct pour elle et ses enfants? Qu'est-ce qui arrive à ce moment-là? C'est nul et non avenu? La province prend-elle la situation en main? Qu'est- ce qui arrive?

Mme Paré : Ce sera comme si les gens vivaient en dehors de la réserve, à mon avis. Par exemple, il y a là une femme et ses enfants. Une fois qu'ils ont passé neuf mois dans la maison, le tribunal examine toutes les considérations applicables, et notamment l'intérêt pour l'enfant de demeurer au sein de la collectivité et d'être lié à la collectivité. Disons que le juge décide que la femme doit partir. Les enfants appartiennent à la collectivité.

Elle peut alors faire appel aux services sociaux, à des services externes de soutien des Autochtones, par exemple, pour trouver aux enfants un endroit où habiter et s'occuper de l'inscription des enfants à l'école pour l'année suivante, entre autres.

Le sénateur Stratton : Au bout du compte, j'en comprends qu'elle peut demeurer dans la réserve si les services peuvent trouver un endroit où elle peut habiter, étant donné que c'est là que les enfants se trouvent. C'est là que les enfants sont élevés. C'est là que se trouve l'école et c'est là que se trouvent les amis. La collectivité ne veut pas mettre fin à cela; elle fera donc tous les efforts possibles pour leur permettre de demeurer dans la réserve.

Mme Paré : La collectivité, la famille étendue et les services sociaux peuvent examiner toutes les façons possibles d'aider la mère et les enfants à demeurer au sein de la collectivité ou près de celle-ci.

Le sénateur Mitchell : Je veux donner suite à la question du sénateur Stratton. La disposition en question — les 180 jours où il peut y avoir prolongation — s'applique-t-elle tout autant à une veuve qu'à une personne qui divorce?

M. Jacques : C'est seulement dans le cas de la veuve ou du veuf; quand le conjoint meurt.

Le sénateur Mitchell : Si cette femme-là habitait une maison dont elle et son conjoint étaient propriétaires en dehors de la réserve, cela ne fait aucun doute : elle peut y demeurer; par contre, s'il est question de cette disposition de votre projet de loi, il y aura un problème. La disposition n'élimine pas le problème, n'est-ce pas? Elle reporte seulement le problème dans la mesure où il faut s'adresser au tribunal pour savoir si on peut continuer d'occuper les lieux. Les gens n'ont pas à faire cela s'ils habitent une maison en dehors de la réserve dans toute autre situation du genre, n'est-ce pas?

M. Duncan : D'une certaine façon, vous avez raison : le projet de loi respecte le fait qu'il faut être propriétaire du foyer dans la réserve. On peut présumer que la personne ne satisfera pas à cette exigence dans bon nombre de cas.

N'oubliez pas : ce sont des dispositions provisoires que la collectivité peut modifier si elle le souhaite. Au point où nous en sommes, il y aura de nombreuses collectivités ou, tout au moins, certaines collectivités à ce que je sache qui choisiront probablement une voie différente dans la mesure où leur réserve compte déjà un grand nombre de personnes qui ne sont pas membres de la Première nation. Le chef et le conseil reconnaissent déjà qu'ils doivent défendre l'intérêt de ces gens-là aussi bien que l'intérêt de leurs membres, étant donné qu'ils forment une grande famille, d'une certaine façon. Il se peut donc qu'ils prennent une décision différente.

Le sénateur Mitchell : En sachant qu'ils pourraient prendre une décision différente, comme vous l'avez signalé — je présume qu'ils fonderont cette décision-là sur le processus de consultation —, pourquoi avez-vous choisi cette voie-ci, de votre côté? Pourquoi n'avoir pas opté pour la voie que voudrait un si grand nombre de groupes selon votre analyse?

M. Duncan : Le projet de loi habilite la Première nation à se donner son propre régime localement.

Le sénateur Mitchell : C'est provisoire. Nous devons alors nous demander : combien de temps dure la mesure provisoire au juste? Ce qui m'amène à ma prochaine série de questions.

D'abord, je crois que Mme Paré a souligné les trois étapes distinctes du processus qui sera financé par le gouvernement fédéral — le centre d'excellence et les deux autres. Qu'en est-il de la prise en charge des coûts assumés par les groupes autochtones pour concevoir leurs propres mesures législatives? Allez-vous soutenir les groupes qui ne disposent pas de ressources pour concevoir leurs propres textes législatifs?

Mme Paré : Il n'y a pas de financement direct prévu pour soutenir directement la Première nation concernant la conception et l'édiction d'une loi d'une Première nation. Le centre d'excellence représente une manière optimale de s'assurer d'établir des informations, des pratiques exemplaires ou des recherches sur des exemples fructueux dont les Premières nations sont mises au fait.

Je voudrais aussi faire valoir une chose. Vous avez parlé de...

Le sénateur Mitchell : Elles ne reçoivent pas d'aide, c'est bien cela? Elles vont devoir trouver une façon de concevoir leur propre loi.

Mme Paré : Elles auront droit au soutien du centre d'excellence en ce qui concerne les conseils, les informations, les modèles de recherche, et cetera.

Vous avez parlé des 180 jours. Il faut se rappeler le fait que, en ce moment, il n'y a pas de protection juridique à cet égard. Si un membre de la collectivité a besoin de posséder le foyer familial en exclusivité pendant un certain temps, il n'a pas de protection juridique en ce moment. Quant au projet de loi S-4, il donne à la Première nation la marche à suivre pour édicter sa propre loi; dans l'intervalle, il existe des règles fédérales qui s'appliquent provisoirement, et qui font qu'une personne ayant besoin d'une protection juridique y a accès.

Le sénateur Mitchell : Le projet de loi donne une marche à suivre; il prévoit des recherches et des modèles centraux qui seront appliqués, et qui seront mis à la disposition des groupes autochtones. Cependant, si les groupes autochtones n'ont pas l'argent nécessaire pour engager des avocats et d'autres personnes aptes à prendre en charge ce processus — c'est tout un processus —, je parierais sur le fait que, dans cinq ou 10 ans, il n'y aura pratiquement aucune loi du genre en place, à moins que vous ne trouviez une façon de proposer à ces groupes de s'attaquer à ce projet complexe. Le gouvernement du Canada a mis combien d'années au juste à se donner ce texte de loi et puis, subitement, les Premières nations doivent le faire elles-mêmes sans disposer de quelque ressource?

M. Duncan : Ce n'est pas comme si les bandes n'avaient rien fait à propos des BIM. Il y a probablement quelques dizaines de Premières nations au pays qui se sont déjà donné leurs propres règles. Elles ont offert d'aider toutes Premières nations qui se penchent sur la question des BIM, c'est-à-dire de leur proposer des modèles et des exemples de règles qui fonctionnent chez eux. Le centre d'excellence s'appuie sur cette idée-là, mais ce n'est pas comme si rien n'existait encore.

Je sais que le chef Robert Louie, de la Première nation de Westbank, constitue déjà bénévolement une banque de données à cet égard. La bande a fait preuve de leadership en matière de gouvernance des Premières nations sous de nombreux aspects et est prête à faire part de son expertise.

Vous abordez là une question qui est plus vaste, soit celle de la gouvernance et de la capacité. C'est un champ d'action où le ministère et le gouvernement ont travaillé en vue de s'assurer de fournir les ressources voulues pour appuyer les projets d'amélioration de la gouvernance et de la capacité. Donner à croire qu'on ne saura concevoir de lois par manque de capacité, à mon avis, c'est faire erreur.

Le sénateur Mitchell : Vous avez mentionné le centre d'excellence. Votre budget de cette année comporte-t-il des fonds pour le centre d'excellence? Est-ce que c'est commencé?

Mme Paré : Pour la mise en œuvre et tous les détails de l'affaire, je crois qu'il s'agit d'entamer d'abord le processus législatif. Il y a eu une annonce au sujet des biens matrimoniaux dans le budget de 2006. Cela a été annoncé à ce moment-là.

Le sénateur Mitchell : Est-ce que c'est prévu dans le budget? Est-ce qu'il y a de l'argent qui a été mis de côté pour le centre d'excellence dans le budget de cette année?

Mme Paré : Des fonds échelonnés sur six ans ont été prévus dans le budget de 2006 pour soutenir la mise en œuvre de la solution législative à adopter en ce qui concerne les biens immobiliers matrimoniaux.

Le sénateur Mitchell : À quel endroit pensez-vous que le centre d'excellence sera établi?

Mme Paré : Ça dépend du temps qu'il faudra pour que le processus législatif poursuive son cours. Je ne suis peut- être pas très claire.

M. Duncan : Ce ne sera pas avant que la loi soit en place.

Le sénateur Mitchell : Enfin, j'ai deux questions à propos du référendum. La première a été soulevée par des groupes autochtones; pourquoi leur faut-il un référendum pour entériner une loi, essentiellement, alors que personne d'autre n'a à faire cela? Ensuite, en outre, les gens qui ne sont pas Autochtones — les gens qui habitent une réserve et qui seront touchés par une telle loi — pourront-ils participer au référendum?

Mme Paré : À la première question au sujet des personnes qui ne sont pas des Indiens ou qui ne sont pas membres de la Première nation, je répondrai qu'elles n'auront pas le droit de vote. À propos du scrutin, disons que ce sont les membres de la Première nation ayant 18 ans ou plus, qu'ils habitent sur la réserve ou en dehors de celle-ci, qui ont le droit de participer au scrutin en vue d'approuver ou de rejeter le régime de biens matrimoniaux de la Première nation.

Quant au processus d'approbation, il s'agit de s'assurer de trouver le juste équilibre entre l'intérêt individuel et l'intérêt collectif des Premières nations. Tout au long des consultations, le ministère — la représentante ministérielle — a entendu un message on ne peut plus clair : les membres des Premières nations tiennent à savoir ce que le conseil concevra en fait de régime de biens matrimoniaux. Ils souhaitent avoir leur mot à dire et espèrent avoir la possibilité d'entériner la loi de la Première nation en matière de biens immobiliers. Voilà le processus d'approbation.

La vice-présidente : Le projet de loi me plaît. J'ai siégé au comité de direction en 2003. Je suis heureuse de constater que le dossier avance, mais il y a toujours du travail à faire. Il y a une chose qui me préoccupe, par contre. Si j'ai bien saisi ce que vous disiez, monsieur Jacques, vous dites que la femme séparée pourra s'adresser à un tribunal provincial pour régler les questions telles qu'énoncées dans le projet de loi. Je crains que les différents tribunaux provinciaux n'adoptent des interprétations différentes du projet de loi. Comme il n'y a pas de précédent pour l'instant, ce sera difficile pour les gens qui s'adresseront aux tribunaux. La grande difficulté résidera dans le fait que les avocats ne peuvent conseiller les clients à propos de l'interprétation éventuelle du texte de loi. Qu'en pensez-vous?

M. Jacques : Je ne peux faire de commentaires particuliers sur la question, mais je ne crois pas que ce soit différent de tout autre projet de loi. Mme Paré peut répondre à la question concernant la formation des juges, qui constitue un élément de la mise en œuvre. La plupart des juges seront formés en ce qui concerne le but du projet de loi et le contexte dans lequel il s'inscrit.

La vice-présidente : Y a-t-il un budget pour la formation des juges? Quelle forme prendra cette formation? Combien d'heures prendra-t-elle?

Mme Paré : Comme je l'ai dit, les détails du plan de mise en œuvre restent à établir. Le secrétaire parlementaire a souligné le fait que le centre d'excellence ne sera pas créé avant que le projet de loi ne soit adopté. Je ne connais pas les détails concernant la formation des juges. Nous envisageons de financer l'information des juges pour qu'ils puissent bien saisir le texte de loi et que, grâce aux règles fédérales provisoires, les Premières nations puissent présenter des observations. Si le juge entend la cause d'une Première nation, la Première nation peut témoigner pour faire valoir des observations à propos de la culture, des valeurs et des traditions de la collectivité, pour que le juge comprenne la réalité de la collectivité avant de rendre sa décision finale.

M. Duncan : Par ailleurs, le comité ferait bien de s'assurer que l'Association du Barreau canadien, la Commission canadienne des droits de la personne et d'autres organismes sont invités non seulement à témoigner devant lui, mais aussi à participer aux audiences de façon générale. La Commission canadienne des droits de la personne a suivi nos audiences à propos du projet de loi C-3, puis y a délégué des témoins; cela m'a ouvert les yeux. Comme elle avait suivi l'affaire, elle était bien au fait des enjeux. La question présuppose le fait qu'il y aura peut-être de nombreux changements; ces groupes-là devraient donc être avisés de la chose dès que possible.

La vice-présidente : Je suis heureuse de vous dire qu'ils ont été avisés et qu'ils viendront témoigner devant le comité.

J'ai une question complémentaire à poser. Par exemple, la femme qui se fait évincer de son foyer dans une réserve aura-t-elle accès à l'aide juridique? Y a-t-il une disposition à cet égard? Comment pourrait-elle accéder à la justice pour défendre ses droits dans le cadre du projet de loi?

Mme Paré : À propos d'accès à la justice, en particulier dans les collectivités éloignées, les limites constatées ne s'appliquent pas seulement au projet de loi dont il est question ici. Il faudrait débattre plus largement de la question de l'accès à la justice. L'aide juridique relève de la compétence des provinces et des territoires, qui l'administrent pour le compte des résidentes qui en ont besoin.

La vice-présidente : Nous savons tous que l'aide juridique a fait l'objet d'importantes coupes, surtout en ce qui concerne le droit de la famille. Le projet de loi ne pourra être appliqué, ce qui représente un problème. En tant que comité, nous allons nous pencher là-dessus.

Vous nous avez accordé plus de temps que ce qui était prévu au départ. Comme je vous l'ai dit plus tôt, si nous avons d'autres questions à poser, nous vous les transmettrons par écrit en vous demandant de répondre par écrit d'ici le 31 mai, pour que nous puissions aller de l'avant avec nos travaux. Je vous remercie d'être venus aujourd'hui et j'espère pouvoir travailler avec vous de nouveau. Comme vous pouvez le voir, la réunion d'aujourd'hui n'est que le début d'une démarche. Nous avons de nombreuses questions à poser à propos de la mise en œuvre du projet de loi, mais nous sommes heureux du fait qu'il existe.

(La séance est levée.)


Haut de page