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Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Affaires juridiques et constitutionnelles

Fascicule 1 - Témoignages du 17 mars 2010


OTTAWA, le mercredi 17 mars 2010

Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles se réunit ce jour à 16 h 39 pour étudier les dispositions et l'application de la Loi sur l'identification par les empreintes génétiques (S.C. 1998, c. 37).

Le sénateur Joan Fraser (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente : Honorables sénateurs, bienvenue à cette séance du Comité des affaires juridiques et constitutionnelles.

Avant d'aborder la partie intéressante de cette réunion, nous avons quelques questions d'ordre pratique à régler. Si vous voulez bien prendre les documents qui vous ont été remis, vous verrez que nous avons besoin de plusieurs motions pour adopter les diverses propositions qui vous sont présentées et dont vous pourrez bien sûr débattre si vous le souhaitez.

Le comité directeur a examiné et approuvé tous les budgets ainsi que l'ébauche de rapport au titre de l'article 104 du Règlement. Les propositions du comité directeur n'engagent aucunement les membres du comité, mais nous espérons que vous les approuverez.

Le premier sujet est le budget bleu, c'est-à-dire le budget de l'étude spéciale. Il s'agit de l'étude relative à la Loi sur l'identification par les empreintes génétiques. Nous allons reprendre cette étude dans quelques instants, mais, pour le moment, nous vous demandons d'approuver son énorme budget de 2 575 dollars.

Le sénateur Angus : C'est bien la définition d'un budget : de la petite caisse.

La présidente : Si vous examinez l'un des rapports de l'an dernier, vous verrez que nous avons alors dépensé quelque 900 $.

Le sénateur Angus : Nous dépensons plus pour produire les documents en couleurs. Que se passe-t-il?

Le sénateur Joyal : Je pense que nous devrions geler le budget.

La présidente : L'élément le plus important de ce budget concerne la participation à une conférence sur l'ADN à Toronto dans une dizaine de jours. On y parlera notamment des examens parlementaires et de certaines nouvelles informations concernant l'ADN. Nous avons donc demandé à notre recherchiste principale, Jennifer Bird, d'y assister en notre nom. Il se peut que la Bibliothèque du Parlement assume ses dépenses, mais, au cas où elle ne le ferait pas, nous aimerions faire approuver ce budget. Avez-vous des questions à ce sujet?

Le sénateur Carignan souhaite y assister également, mais il préfère utiliser ses points, et les organisateurs de la conférence nous ont généreusement offert deux places gratuites. Nous n'aurons donc à assumer que les dépenses de voyage et d'hébergement. Si d'autres sénateurs souhaitent également y participer, nous les encourageons vivement à le faire.

Le sénateur Angus : Y serez-vous, madame la présidente?

La présidente : Malheureusement non parce que j'ai déjà accepté autre chose. Sinon, vous pouvez être certain que j'y serais allée. Ça semble très intéressant.

Le sénateur Angus : Avez-vous besoin d'une motion? Je la présenterai avec plaisir.

La présidente : Le sénateur Angus propose que le budget de l'étude spéciale soit adopté et que la présidente ou son représentant le présente au Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration.

Qui est pour? Contre? Abstentions? Adopté.

Passons maintenant aux pages jaunes, concernant le budget législatif du prochain exercice budgétaire. La somme est un peu plus élevée puisqu'il s'agit de 23 750 $. C'est ce que nous prévoyons dépenser pour l'étude des projets de loi.

Le sénateur Angus : En deux semaines?

La présidente : Non, durant l'année prochaine, le prochain exercice budgétaire. Nous sommes peut-être très dépensiers mais nous ne pouvons pas dépenser une telle somme en deux semaines.

Pour l'information des sénateurs, je rappelle que les repas ne font plus partie des budgets des comités. Ils font partie du budget des services généraux du Sénat, ce qui veut dire que nous n'avons plus à prévoir de budget pour les repas qui sont servis lorsque nous siégeons pendant les heures de repas. Y a-t-il d'autres questions? Quelqu'un peut-il proposer une motion d'adoption de ce budget? La motion est proposée par le sénateur Baker. Qui est pour? Qui est contre? Adopté.

Nous arrivons aux pages vertes qui concernent l'étude spéciale de la Loi sur l'identification par les empreintes génétiques durant le prochain exercice budgétaire. La somme totale demandée s'élève à 21 260 $ et il faudra préciser dans la motion que la présidente ou son représentant présente ce budget au Comité de la régie interne.

Ce budget relève plus d'un souci de prudence que d'autre chose. En réalité, nous n'avons pas l'intention de continuer à étudier ce projet de loi jusqu'à ce que nous ayons tous pris notre retraite du Sénat. Nous espérons terminer cette étude très rapidement, mais il nous a semblé prudent de prévoir un budget au cas où.

Questions? Discussion? Motion?

Le sénateur Lang : J'en fais la proposition.

La présidente : Merci, sénateur Lang. Tout le monde est d'accord? Qui est contre? Adopté.

Les pages blanches contiennent notre premier rapport. Il s'agit du rapport de l'article 104 relatant ce que nous avons fait l'an dernier, pas seulement ce que nous avons dépensé, et c'était en tout bien moins de 50 000 $, si je ne me trompe.

Les honorables sénateurs qui sont nouveaux au sein de ce comité y trouveront des informations utiles. C'est le résumé de ce que nous avons fait l'an dernier et c'est parfois très intéressant. À mon avis, nous avons fait beaucoup de choses. Y a-t-il des questions sur ce rapport? Sinon, quelqu'un peut-il proposer une motion?

La présidente : Le sénateur Boisvenu. Qui est pour? Qui est contre? Y a-t-il des abstentions? C'est adopté.

Le sénateur Joyal : Nous venons d'approuver ce rapport, mais nous avons-vous autorisée à le déposer au Sénat?

La présidente : Probablement pas. Je ne l'ai pas dit, mais cela fait partie de la motion générale. Voulez-vous proposer une motion à ce sujet?

Le sénateur Joyal : Je propose que vous déposiez le rapport devant le Sénat, pour qu'il soit bien clair qu'il le sera.

La présidente : Tout le monde est d'accord? Adopté.

[Français]

Bienvenue à tous au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles qui, au début de cette nouvelle session du Parlement, reprend son étude sur les dispositions et l'application de la Loi sur l'identification par les empreintes génétiques.

[Traduction]

Vous vous souviendrez que nous avons déjà entamé notre examen de ce projet de loi très important. Nous avons dû interrompre notre travail lors de la dernière session parlementaire parce que nous avions été saisis d'un certain nombre de projets de loi du gouvernement, lesquels sont toujours prioritaires dans un comité sénatorial. Nous pouvons maintenant reprendre notre étude.

Le projet de loi a reçu la sanction royale en décembre 1998 et est entré en vigueur en 2000. Depuis, il a été modifié à trois reprises. Le 16 mars 2010, nous avons été autorisés à poursuivre notre étude.

[Français]

Aujourd'hui, nous avons le privilège d'accueillir M. Ronald M. Fourney, directeur, Services nationaux et recherche à la Gendarmerie royale du Canada.

[Traduction]

Je vous souhaite à nouveau la bienvenue. Vous devenez l'un de nos témoins réguliers, monsieur Fourney. Nous accueillons également Peter Henschel, commissaire adjoint, directeur général des Sciences judiciaires et de l'identité, de la GRC. Nous sommes très heureux de vous accueillir tous les deux, car cela va nous permettre de repartir du bon pied.

Peter Henschel, commissaire adjoint, directeur général, Service des sciences judiciaires et de l'identité, Gendarmerie royale du Canada : Merci, madame la présidente. Honorables sénateurs, c'est un plaisir de comparaître devant vous aujourd'hui.

[Français]

Les services des sciences judiciaires et de l'identité de la GRC offrent toute une gamme de services comprenant l'analyse des éléments de preuve venant des lieux de crime et la gestion et l'entretien de la Banque nationale des données génétiques.

Comme vous le savez, ces dernières années ont vu l'analyse génétique des pièces à conviction et la Banque nationale des données génétiques devenir des outils inestimables pour le système judiciaire qui aide à élucider des crimes et à disculper les innocents.

[Traduction]

J'aimerais profiter de cette occasion pour parler des améliorations que le laboratoire judiciaire de la GRC a apporté à ses services d'analyse criminalistique de l'ADN, que nous appelons des services d'analyse biologique, à la suite des recommandations formulées dans le rapport de 2007 de la vérificatrice générale.

Ron Fourney, qui m'accompagne aujourd'hui, parlera des aspects scientifiques des analyses d'ADN et de la banque nationale de données génétiques, qui est une entité distincte des services d'analyse biologique.

La relation entre les services d'analyse biologiques, ou le laboratoire judiciaire de la GRC, et la banque nationale de données génétiques est similaire à celle qui existe entre le Centre des sciences judiciaires de l'Ontario ou le Laboratoire de sciences judiciaires et de médecine légale du Québec et la banque nationale de données génétiques. Ces trois laboratoires judiciaires fournissent à la banque nationale de données génétiques des profils génétiques prélevés sur les lieux d'actes criminels afin de les comparer à ceux d'autres lieux d'actes criminels qui se trouvent dans le fichier de criminalistique ainsi qu'à ceux du fichier des condamnés.

Après ma nomination au poste de commissaire adjoint responsable du Service des sciences judiciaires et de l'identité, en novembre 2008, nous avons fait le point sur nos principaux services et sur les progrès réalisés à l'égard des recommandations du rapport de 2007 de la vérificatrice générale. Malgré les efforts déployés pour mettre en œuvre les recommandations, les progrès avaient été limités et bon nombre des résultats souhaités n'avaient pas été atteints.

Nous avons donc entrepris une refonte complète du Service des sciences judiciaires et de l'identité afin d'améliorer la prestation de services en adoptant une approche globale des investigations judiciaires et une démarche axée sur les besoins des clients.

[Français]

La transformation des services des sciences judiciaires et de l'identité comporte deux grands volets; d'une part, la création d'un nouveau processus d'enquête judiciaire et, d'autre part, un changement de culture qui suit de très près le programme de gestion de changements de la GRC. Nous avons créé les processus d'enquête judiciaire en collaboration avec nos clients, partenaires et intervenants.

Il s'agit d'un outil simplifié et interactif grâce auquel nous pouvons repérer et analyser les éléments de preuve pertinente en temps utile, selon les besoins de nos clients.

[Traduction]

Nous avons formulé une stratégie pour mettre à l'essai et évaluer ce nouveau processus d'enquêtes judiciaires dans le cadre d'un projet pilote par étapes, ce qui allait nous permettre de tirer les leçons de chaque étape afin d'apporter des ajustements nécessaires pour les étapes suivantes.

Le projet avait été conçu pour être mis en œuvre en trois étapes, en ajoutant des clients supplémentaires et des méthodes plus complexes à chaque étape, le tout devant déboucher sur un lancement national en 2011. Ce projet pilote devait aussi être réalisé parallèlement à la continuation des opérations de laboratoire, mais dans un environnement contrôlé avec des ressources réservées et une clientèle définie.

La première étape du projet pilote a été lancée dans la région de l'Atlantique le 22 septembre 2009 puis a été étendue au Manitoba et au Nunavut en janvier 2010. De nombreux signes positifs nous permettent de penser que le projet est couronné de succès. Les clients sont heureux d'avoir facilement accès à un expert judiciaire pour discuter de leurs dossiers, de pouvoir négocier des dates de livraison et d'obtention de résultats préliminaires, et d'avoir un point de contact unique pour faire le suivi des dossiers et obtenir des mises à jour. Les améliorations apportées à la prestation de services comprennent également des processus rationalisés d'acceptation des cas et de déroulement des opérations, ce qui a contribué à réduire sensiblement les délais d'exécution.

Bien que le projet pilote ne concerne actuellement qu'un tiers environ de nos clients, puisque nous n'en sommes qu'à la première étape, nous savons déjà, après six mois de mise en œuvre, que les demandes d'analyse d'ADN sont exécutées dans un délai moyen de 15 jours pour les cas prioritaires et de 30 jours pour les autres, ce qui représente une nette amélioration par rapport à l'ancien système.

Malgré ces résultats préliminaires encourageants, nous savons qu'il y a encore beaucoup de défis à relever et de risques à surmonter pour assurer le succès des étapes suivantes du processus d'enquêtes criminalistiques. Il s'agira notamment d'assurer l'efficacité de ce nouveau modèle lorsque la charge de travail et la complexité des cas augmenteront après l'extension du programme aux provinces de l'Ouest. Nous sommes cependant déterminés à réussir grâce au dévouement et au courage de nos employés et en continuant à collaborer étroitement avec nos clients.

Entre-temps, nous avons également apporté des améliorations au rendement de nos opérations d'analyse biologique en y appliquant certaines des méthodes de travail rationalisées du nouveau processus d'enquêtes criminalistiques.

[Français]

Pour conclure, j'ajouterai que les améliorations que nous avons faites durant cette année s'inscrivent dans un contexte de tension budgétaire et de réduction des dépenses.

Cela dit, il reste beaucoup à faire et plusieurs défis à relever devant nous.

[Traduction]

Je vous remercie à nouveau de m'avoir invité à m'adresser au comité et je répondrai avec plaisir à vos questions. Si certains membres du comité n'ont pas encore eu l'occasion de visiter nos services d'analyse biologique et la nouvelle banque nationale de données génétiques, je les invite à le faire, pour autant que cela puisse être utile au comité.

Ronald M. Fourney, directeur, Services nationaux et recherche, Gendarmerie royale du Canada : C'est certainement un privilège pour moi d'être convoqué à nouveau devant le comité pour parler de la banque nationale de données génétiques. Pour ceux qui n'étaient pas ici lors de ma dernière comparution, il y a environ un an, permettez-moi de donner un bref aperçu de ce qu'est la banque nationale de données génétiques.

La banque nationale de données génétiques est un programme relevant de la direction générale des Services nationaux et de recherche, des Services de sciences judiciaires et d'identité, de la GRC. Elle comprend deux fichiers, le fichier des condamnés, qui contient des profils d'ADN résultant d'échantillons biologiques prélevés sur les condamnés, et le fichier de criminalistique, qui contient des profils d'ADN résultant d'échantillons biologiques prélevés sur les lieux des crimes.

Les laboratoires de la GRC, ainsi que nos partenaires provinciaux de l'Ontario et du Québec, collaborent pour fournir des informations d'ADN au fichier de criminalistique. Les vérifications faites avec ces deux fichiers sont utiles pour les crimes sans suspects, pour identifier ou exonérer des suspects, et pour identifier les multirécidivistes.

L'an prochain, la banque nationale de données génétiques atteindra sa 10e année d'existence. Alors que nous avions démarré avec un petit indicateur de succès, c'est-à-dire 18 délinquants identifiés pendant les 11 premiers mois d'activité, nous en sommes maintenant à plus de 1 000 délinquants identifiés tous les quatre mois.

Les services de police se fient maintenant à cet outil important pour mener leurs enquêtes, car il ne les aide pas seulement à identifier des coupables, il leur permet aussi de protéger des innocents lorsque les empreintes génétiques du lieu d'un crime ne concordent pas avec celles de délinquants connus.

Les dernières statistiques de la banque nationale de données génétiques montrent que nous avons obtenu plus de 2 153 concordances de lieux de crimes et 14 435 concordances entre des lieux de crimes et des profils de criminels. Cela a permis d'élucider plus de 989 meurtres et plus de 1 892 agressions sexuelles. Certaines nouvelles infractions, comme celles relevant de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, suite à la proclamation de la Loi sur l'identification par les empreintes génétiques en janvier 2008, ont produit 95 identifications de délinquants grâce à la banque nationale de données génétiques. Dans bien des cas, il s'agissait d'actes criminels graves, comme 24 assassinats, 21 agressions sexuelles et 13 tentatives d'assassinat.

Véritable machine à remonter le temps, la banque nationale de données génétiques nous a également permis d'élucider des crimes anciens. À titre d'exemple, je mentionne une affaire d'agression sexuelle et d'assassinat d'une personne âgée de 83 ans qui s'était produite dans une grande ville de l'Alberta en 1987. En 2000, un profil d'ADN issu du lieu de ce crime avait été introduit dans le fichier de criminalistique de la banque nationale de données génétiques. Fin août 2009, l'analyse du profil d'ADN d'un nouveau condamné grâce à la banque nationale de données génétiques, ici même, à Ottawa, a permis de résoudre ce crime horrible vieux de plus de 22 ans. Cela témoigne bien de l'efficacité de cette technologie, de l'intégrité des empreintes génétiques dans le temps, et de l'efficacité et de la détermination de bons enquêteurs de police.

Je ne veux pas prendre trop de temps, car je sais que vous avez beaucoup de questions à poser. Ce que je peux vous dire, c'est que la science n'est jamais statique et qu'il y a eu beaucoup de changements passionnants dans la technologie depuis ma dernière comparution. Bon nombre des nouvelles technologies ont des applications directes en sciences judiciaires. Nous avons optimisé notre nouvelle technologie de manière à pouvoir extraire des profils génétiques sérieusement compromis issus de plus petits échantillons et, plus récemment, pour contribuer à l'identification et au rapatriement de victimes du tremblement de terre d'Haïti.

Cette année, la banque nationale de données génétiques commencera à valider et à remplacer ses séquenceurs d'ADN vieillissants par de nouveaux appareils d'analyse d'ADN à grand volume, tout à fait modernes, qui permettront de détecter des plus petites quantités d'ADN et de traiter 960 échantillons en 24 heures sans intervention humaine.

En ce qui concerne l'avenir immédiat, nous collaborons à la conception et à l'évaluation d'une unité mobile d'analyse d'échantillons d'ADN qui serait complètement autonome et pourrait être utilisée aussi bien au laboratoire que sur le lieu d'un crime. Bien que nous n'en soyons qu'aux premières étapes de cette nouvelle technologie prometteuse, nous espérons devenir l'un des deux seuls laboratoires au monde appelés à la mettre à l'essai à la fin de cet automne.

De manière générale, l'analyse judiciaire des échantillons d'ADN est un domaine aussi passionnant aujourd'hui qu'il y a 20 ans, lorsque nous avions défendu notre première cause devant un tribunal ici même, à Ottawa, le 10 avril 1989. Je répondrai maintenant avec plaisir à vos questions.

Le sénateur Wallace : Monsieur Henschel, j'aimerais en savoir un peu plus sur le nouveau processus d'enquêtes judiciaires. Comme vous l'avez dit, votre travail à ce sujet constituait au moins en partie une réponse au rapport de mai 2007 de la vérificatrice générale. Dans ce rapport, elle soulevait plusieurs questions concernant le nouveau processus d'enquêtes judiciaires. Avez-vous réglé toutes ces questions ou, peut-être même, êtes-vous allé au-delà?

La vérificatrice générale avait parlé notamment de délais d'exécution des demandes et de problèmes de qualité. Comme ce nouveau processus résulte de ses critiques, règle-t-il toutes les questions de délai et de qualité?

M. Henschel : En ce qui concerne votre première question, le nouveau processus d'enquêtes judiciaires est fondé sur les recommandations de la vérificatrice générale, mais il va également plus loin. Quand nous avons examiné pourquoi nous ne faisions pas les progrès que nous souhaitions, nous avons constaté qu'appliquer les recommandations l'une après l'autre ou les ajouter au système existant n'aurait pas nécessairement permis de régler certaines questions fondamentales.

Nous avons examiné les recommandations de la vérificatrice générale ainsi que d'autres formulées dans d'autres études et nous avons conçu un nouveau processus en partant de la question suivante : à quoi ressemblerait le système si nous décidions de repartir à zéro et de concevoir le système le plus cohérent et le plus rationnel possible pour répondre aux besoins de nos clients?

J'ai dit tout à l'heure que nous avons adopté une démarche globale, ce qui veut dire que nous nous sommes penchés sur le système dans son ensemble plutôt que sur la recherche de solutions ponctuelles. Le processus de laboratoire est en soi extrêmement complexe, sans même y ajouter les analyses judiciaires et policières et tous les autres éléments qui interviennent. Nous avons donc décidé d'aborder la réforme du point de vue de l'ensemble du système. Aborder la question de ce point de vue revenait quasiment à démanteler l'ancien système afin d'en bâtir un nouveau.

En ce qui concerne les délais d'exécution et les problèmes de qualité, on en a tenu compte lors de la conception du nouveau système. Comme je l'ai dit, les premiers résultats ont révélé un succès phénoménal pour ce qui est des délais d'exécution, soit 15 jours pour les cas prioritaires et 30 jours pour les autres. Pour ces derniers, nous avons fixé une norme de 40 jours. Nous la dépassons déjà largement et elle est déjà considérablement supérieure à ce que permettait le processus examiné par la vérificatrice générale. Dans certains cas, c'est un progrès de plusieurs centaines de jours et c'est donc une très nette amélioration. Cela restera notre objectif à l'avenir et devrait régler certaines des questions soulevées par la vérificatrice générale au sujet des délais d'exécution.

En ce qui concerne les problèmes de qualité, nous avions déjà pris certaines mesures avant de lancer ce nouveau processus. L'un des fondements du nouveau processus est que la qualité ne sera jamais sacrifiée par souci de rapidité ou de quoi que ce soit d'autre. Ce critère fondamental de qualité garantit que ce que nous faisons pourra être défendu devant les tribunaux, sera exact et ne pourra être compromis. Nous avons mis en place certains processus pour corriger certaines des faiblesses qui existaient avant le rapport de 2007 de la vérificatrice générale et nous avons maintenant un directeur général de la qualité qui supervise tout cet aspect de notre travail. Il relève directement de mon autorité, ce qui me permet d'être immédiatement informé si certains problèmes de qualité ont besoin d'être corrigés. Ces problèmes sont surveillés et suivis au moyen d'un processus garantissant qu'ils ne restent pas en plan. Si des correctifs sont nécessaires, ils sont appliqués.

Le sénateur Baker : Je tiens à féliciter les témoins de la GRC de leur excellent travail au sujet de la banque nationale de données génétiques. Toutefois, il y a quelques mois, le Comité de la justice de la Chambre des communes a adressé un rapport au ministre de la Justice et procureur général du Canada. Dans ce rapport, le président du comité, Garry Breitkreuz, affirmait que votre budget est insuffisant, ce qui entraîne des retards importants dans l'analyse des échantillons d'ADN. Je parle d'un rapport de juin 2009.

Dans la réponse qu'il a déposée devant la Chambre des communes, le ministre, monsieur Nicholson, disait que le gouvernement acceptait les recommandations du comité.

Vous a-t-on indiqué que votre budget serait accru? Je suppose que vous savez de quoi je parle, c'est-à-dire des recommandations du comité de la Chambre des communes et de la réponse du ministre.

M. Henschel : Je suis au courant des recommandations du comité. Je sais également que le gouvernement a indiqué dans son dernier budget qu'il augmenterait les fonds consacrés à l'analyse des échantillons d'ADN. Nous attendons d'avoir confirmation de l'objectif précis de ce financement.

Le sénateur Baker : Les conseillers assis derrière vous — notamment M. Yost, un expert en questions juridiques — vous ont-ils recommandé de ne rien dire devant notre comité au sujet des récentes déclarations de tribunaux de l'Ontario portant à croire que vous n'avez pas respecté les dispositions de la loi en ne détruisant pas certains échantillons? Vous a-t-on recommandé de ne pas parler de cette question devant le comité?

Le sénateur Angus : Cela soulève des questions relevant de la confidentialité des relations entre les avocats et leurs clients.

Le sénateur Baker : Nous dit maître Angus.

Pouvez-vous donc me dire — si vous êtes prêt à donner une réponse — ce que vous pouvez répondre à la juge de l'Ontario qui a déclaré que les chiffres qu'elle a examinés prouvent que la banque de données ne respecte pas les exigences de la Loi sur l'identification des empreintes génétiques? La juge a constaté que vous ne détruisez pas les échantillons que vous êtes censés détruire, selon la loi. Que répondez-vous?

M. Henschel : D'accord. Je commence cependant par une mise en garde : cette affaire n'a pas encore été jugée et nous ne pouvons donc faire aucun commentaire à son sujet. Cela dit, nous avons fait certaines recherches pour déterminer si nous respectons ou non les exigences de la loi et je demande à M. Fourney de vous répondre.

M. Fourney : D'accord. Je pense que cette question avait déjà été soulevée en mars dernier, lors de ma dernière comparution. L'affaire dont vous parlez...

Le sénateur Baker : Qui a été portée en appel, n'est-ce pas?

M. Fourney : C'est exact. C'est l'affaire R. vs. S. (C) qui a été portée en appel par le procureur général de l'Ontario.

Vous vous souvenez peut-être, sénateurs, que j'avais donné des informations à ce sujet le 18 juin, notamment une liste du nombre d'échantillons que nous avions reçus au sujet de jeunes délinquants jusqu'à cette période-là. J'avais donné beaucoup de détails à ce sujet en indiquant ceux qui avaient été éliminés et ceux qui restaient. En fin de compte, la conclusion est que nous respectons complètement les dispositions des articles 9, 9.1, 10 et 10.1 de la Loi sur l'identification par les empreintes génétiques.

Le sénateur Baker : C'est ce que vous dites, mais la juge a dit le contraire. Je suppose que nous devrons attendre la décision d'appel. Vous affirmez officiellement que vous respectez les exigences de la loi?

M. Fourney : C'est exact.

Le sénateur Baker : Toutefois, vous ne voulez pas faire de commentaires sur les questions de droit relatives à une affaire qui n'a pas encore été jugée, n'est-ce pas?

M. Fourney : C'est cela.

Le sénateur Baker : Les services de police provinciaux demandent parfois à la banque d'effectuer des analyses d'ADN aux fins de leurs enquêtes criminelles. Parfois, vous leur envoyez une lettre leur disant que vous ne pouvez pas faire ces analyses parce qu'ils n'ont droit qu'à un certain nombre d'analyses par exercice budgétaire et qu'ils ont déjà atteint leur quota, mais que vous allez conserver leurs échantillons pendant 10 mois pour voir si vous avez assez d'argent pour faire le travail plus tard.

Que pouvez-vous nous dire à ce sujet?

M. Henschel : Je dois d'abord apporter une petite correction. Ce n'est pas la banque nationale des empreintes génétiques qui fait ce travail, c'est le laboratoire judiciaire.

Le sénateur Baker : La GRC?

M. Henschel : Oui, le laboratoire judiciaire, pas la banque nationale des empreintes génétiques.

Le sénateur Baker : Mais vous êtes bien le directeur général, non?

M. Henschel : Oui, je le suis. Je tenais à apporter cette correction pour éviter tout malentendu. Ce n'est pas le service de M. Fourney qui fait l'analyse des échantillons prélevés sur les lieux des crimes. Tout cela est fait par le laboratoire judiciaire.

Oui, il y a des quotas pour les infractions secondaires, en vertu des ententes d'exécution des analyses biologiques. Les quotas sont fixés en fonction de la capacité de travail du laboratoire.

Je dois dire que nous avons éliminé ces quotas dans le nouveau processus d'enquêtes judiciaires.

Le sénateur Baker : Depuis quand?

M. Henschel : Depuis le 22 septembre pour la région de l'Atlantique et le 22 janvier pour le Manitoba et le Nunavut. Actuellement, il n'y a plus de quotas pour tout l'Est du Canada à partir du Manitoba. Quand nous passerons à l'étape suivante du nouveau processus d'enquêtes judiciaires, les autres quotas disparaîtront aussi.

Le sénateur Baker : C'est une bonne nouvelle.

Je me suis laissé dire qu'on va élargir le champ d'application des analyses d'ADN de façon à permettre aux accusés de demander à la GRC d'analyser leurs échantillons afin de prouver leur innocence. Si j'ai bien compris, cela n'est pas autorisé par la loi actuelle. Il y a eu une recommandation de la Chambre des communes à ce sujet.

Qu'en pensez-vous?

M. Henschel : Je ne suis pas sûr de bien comprendre la question. Si vous me demandez si nous serions prêts à prendre un échantillon d'un accusé pour faire cette vérification, je vous réponds que nous le faisons constamment. Les enquêteurs prélèvent des échantillons auprès des accusés et nous les envoient pour que nous les analysions.

Le sénateur Baker : Connaissez-vous la recommandation dont je veux parler, qui a été formulée il y a environ quatre mois par le comité permanent de la Chambre des communes?

M. Henschel : Je ne me souviens pas de celle-là en particulier, mais M. Fourney l'a sous les yeux.

Le sénateur Baker : Combien cela vous coûterait-il en plus?

Cela fait partie de la liste de recommandations que le comité a envoyées en juin. C'est au deuxième paragraphe de la quatrième recommandation, et je cite : « Modifier le Code criminel de manière à permettre à une personne soupçonnée d'avoir commis une infraction désignée de fournir volontairement un échantillon d'ADN aux fins d'un test de disculpation ».

Je sais que vous n'avez pas encore eu le temps d'y réfléchir sérieusement, mais combien cela coûterait-il en plus à vos services?

M. Henschel : Je veux la relire pour m'assurer de bien la comprendre.

Je ne pense pas que cela aurait une incidence importante sur notre capacité actuelle. Dans une procédure d'enquête normale, les enquêteurs tiennent à prélever un échantillon d'ADN de l'accusé ou du suspect, mais ils n'ont peut-être pas de raison valable pour ce faire d'un point de vue juridique. Dans ce cas, si la personne propose elle-même de donner un échantillon, ils le prennent et l'analysent. C'est une technique d'enquête standard. Je ne vois donc pas en quoi la recommandation aurait une incidence notable sur nos activités.

M. Fourney : Cette recommandation m'avait également surpris à la première lecture, mais je crois me souvenir que le comité avait soulevé diverses questions qui y sont reliées. L'une d'entre elles était de permettre à une victime de proposer un échantillon d'ADN à la banque nationale pour plusieurs raisons concernant des comparaisons et le fichier de criminalistique.

Cette proposition résultait peut-être d'une discussion antérieure concernant d'autres pays où l'on avait effectué une rafle d'un certain nombre d'individus susceptibles d'avoir contribué à un acte criminel, afin de prélever des échantillons sur plusieurs d'entre eux.

Cela ne se fait pas au Canada, mais je crois que cela se fait au Royaume-Uni, par exemple, où l'on prélève et conserve des échantillons de personnes ayant pu être présentes sur le lieu d'un crime. Dans ce cas, les enquêteurs obtiennent souvent beaucoup de volontaires qui jugent préférable de fournir un échantillon pour être immédiatement disculpés plutôt que de faire l'objet d'une enquête approfondie. C'est peut-être l'origine de cette recommandation.

Le sénateur Baker : Madame la présidente, la Chambre des communes a formulé cette recommandation. Il serait utile de bien la comprendre. Il s'agit d'autoriser un suspect, ou un accusé, à fournir volontairement un échantillon d'ADN pour être disculpé d'avoir commis une infraction désignée. Autrement dit, un suspect n'ayant pas été invité à fournir un échantillon pourrait demander à la GRC d'en prélever un afin d'être immédiatement disculpé.

M. Fourney : Je pense que ça se fait constamment.

Le sénateur Baker : Le faites-vous volontairement?

M. Fourney : Ça fait partie de l'enquête.

M. Henschel : Je ne vois rien qui puisse légalement nous empêcher de le faire. Je suis d'accord avec M. Fourney. Je ne saisis pas bien la raison de cette recommandation.

Le sénateur John D. Wallace (vice-président) occupe le fauteuil.

Le sénateur Angus : Je vous souhaite la bienvenue, messieurs. Je tiens d'abord à vous offrir mes condoléances, à vous et à vos collègues. Vous avez parlé du travail effectué à Haïti à la suite du tragique tremblement de terre, et je sais que vous avez perdu au moins l'un de vos collègues dans cette catastrophe.

M. Henschel : Merci.

Le sénateur Angus : Nous avons reçu copie d'un article du Globe and Mail du samedi 13 mars consacré à la science criminalistique. L'auteur y parle de la possibilité que des échantillons soient contaminés et de l'injustice qui peut en résulter, et il en donne quelques exemples graphiques.

Je sais bien que des accidents peuvent arriver, mais il s'agissait là d'un problème grave où la technicienne avait transféré non seulement une partie de son propre ADN sur la bague, mais aussi l'ADN de quelqu'un d'autre. L'accusé a fini par passer 27 mois en prison à cause des constatations de la technicienne.

Je ne veux pas en faire tout un plat, mais je pense que, quand vous recevez ce genre de mauvaise publicité, vous auriez intérêt à avoir une bonne explication.

M. Henschel : Je pense qu'il y a plusieurs choses dans cet article. Je ne suis pas un scientifique, et M. Fourney est mieux placé que moi pour vous répondre. Si j'ai quelque chose à ajouter à sa réponse, je le ferai.

M. Fourney : Ces choses-là sont évidemment regrettables. Nous essayons toujours d'éviter le risque de contamination des échantillons.

Si je me souviens bien — je ne connais pas tous les détails de cette affaire —, c'est arrivé il y a bien longtemps et, je crois bien, avec une vieille technologie. C'était à l'époque du RFLP, c'est-à-dire avant le processus actuel.

Il n'y a évidemment aucune excuse quand un échantillon est contaminé, mais cet incident s'est produit avant l'accréditation. Aujourd'hui, nous sommes un laboratoire accrédité au niveau international selon la norme ISO 17025. Nous avons apporté beaucoup de changements à nos procédures de réception, de séparation et de traitement des preuves.

Nous avons des systèmes de contrôle beaucoup plus rigoureux, non seulement pour prévenir le risque de contamination, mais aussi parce que nos technologies sont tellement plus sensibles que le moindre élément de contamination peut causer des problèmes dans l'analyse de l'ADN. Je dirais que nous avons une réponse rehaussée à tout ce processus et que nous avons un très bon système d'accréditation qui est accepté mondialement.

Le sénateur Angus : Je suis heureux de vous l'entendre dire. Il y avait dans cet article un certain nombre d'illustrations particulièrement frappantes qui ne pouvaient qu'entamer la confiance du public. Je pense que votre explication est satisfaisante, mais je voudrais également avoir votre assurance que ce genre de contamination, avec les systèmes modernes que vous utilisez, ne peut plus se produire.

M. Fourney : Certes, l'erreur humaine est toujours possible, mais nous faisons tout ce que nous pouvons pour l'éviter. En plus d'être accrédités, la compétence de nos gens est vérifiée deux fois par an. Ils doivent satisfaire à une norme élevée. Il y a par exemple une double révision de chaque type de cas passant par le processus. Si l'on a un doute quelconque au sujet d'un échantillon ou du résultat d'une analyse, on vérifie tout et, bien souvent, on refait l'analyse.

Je dois dire que, comme la plupart des laboratoires étrangers, nous sommes assujettis à un niveau élevé d'assurance de la qualité, associé à la technologie, tout simplement à cause de la sensibilité des procédures.

Le sénateur Angus : Comme vous le savez, mais je le précise pour les nouveaux membres de ce comité, cette étude procède d'un examen prévu par la loi, ce qui est particulièrement approprié pour un domaine comme celui-ci qui est relativement nouveau et en pleine évolution. Nous avons déjà abordé la plupart de ces questions dans le passé, mais, en vertu de la loi et pour le rapport que nous produirons pour formuler des recommandations, quelles seraient les trois choses les plus importantes qu'il faudrait changer, à votre avis?

M. Henschel : Je pense que ces questions relèvent des politiques gouvernementales et il nous serait donc difficile de vous répondre. Notre rôle est simplement d'appliquer la loi.

Le sénateur Angus : L'un des objectifs de cet examen, si je comprends bien — et j'en ai déjà fait beaucoup —, est de voir si la loi fonctionne correctement et si les personnes qui sont chargées de l'appliquer rencontrent des problèmes quelconques à cause de ses dispositions. Je dis simplement que vous êtes les personnes chargées d'appliquer cette loi.

Vous nous avez parlé de toutes les bonnes choses qui sont faites, de l'évolution de la science, mais je pourrais peut-être formuler la question autrement : y a-t-il quelque chose qui ne marche pas, quelque chose dans cette loi qui vous pose un problème quelconque sur le plan pratique? Je ne pense pas qu'il serait politiquement incorrect pour vous de répondre à cette question.

M. Henschel : Je pense qu'elle a déjà été posée lors de discussions antérieures, ici ou à la Chambre. Je parle de questions telles que savoir si des personnes condamnées qui auraient peut-être dû se trouver dans la banque de données se retrouvent là à cause du processus administratif et comment ça marche quand on veut obtenir l'ordre de prélever un échantillon d'ADN de quelqu'un. C'est là une chose qui a été soulevée et qui constitue certainement, du point de vue de l'activité policière, un fardeau administratif supplémentaire, et aussi une chose qui passe parfois à travers les mailles du filet. Cette question-là vaudrait la peine d'être examinée.

Le sénateur Angus : Et ce serait utile?

M. Henschel : Oui, ce serait utile du point de vue opérationnel pour la police.

Le sénateur Angus : Vous avez entendu le témoignage de cette femme de la Colombie-Britannique. Elle parlait de conserver dans le registre les échantillons d'ADN des personnes disparues. Y aurait-il quelque chose à faire à ce sujet?

M. Fourney : C'est une sorte de liste de vœux.

Le sénateur Angus : Vous pouvez la présenter une fois tous les cinq ans.

M. Fourney : D'un point de vue strictement scientifique, ainsi que d'un point de vue pratique, je conviens certainement avec le commissaire adjoint Henschel que le processus actuel de prélèvement des échantillons est très lourd. Il avait été conçu de cette manière pour de nombreuses raisons — de protection des renseignements personnels et de sécurité — afin de pouvoir le mettre à l'essai avant de l'adopter. Comment fonctionne cette banque de données? Quelles sont les mesures de sauvegarde? Sont-elles adéquates?

Nous avons maintenant près de 10 ans d'expérience et nous savons donc que les procédures suivies sont adéquates. Si vous prenez le cas d'un enquêteur typique qui a beaucoup d'autres choses à faire, le fait de devoir aller prélever un échantillon et de suivre toutes les procédures et tous les processus judiciaires est très lourd. Je crois qu'il y a 13 formulaires différents. Il y a beaucoup de mécanismes de vérification et de contrôle à respecter. Cela finit par prendre beaucoup de temps et cause des difficultés lorsqu'ils essayent de faire autre chose. Je pense qu'alléger le processus de prélèvement serait important.

La remarque que vous avez faite au sujet des échantillons, par exemple, en faisant allusion aux victimes, a été soulevée par plusieurs groupes différents, notamment notre propre comité consultatif de la banque nationale de données génétiques, qui a témoigné devant vous, je crois, ou peut-être dans l'autre Chambre. Il a dit à plusieurs reprises que, si une personne a été victime d'un crime et qu'il y a peut-être eu des preuves associées à cette victime qui pourraient être utilisées pour aider à focaliser l'enquête ou même à exclure ou à disculper quelqu'un d'autre, nous ne pouvons pas mettre l'échantillon d'ADN d'une victime dans le fichier de criminalistique pour faire un filtrage.

Je vous donne en exemple une série d'agressions sexuelles dans l'Ouest canadien. La première a été commise contre une jeune femme. L'accusé lui avait mis un chandail sur la tête pour qu'elle ne puisse pas le reconnaître puis il l'avait agressée et avait repris le chandail. Plus tard, il a choisi une autre victime, a utilisé le même chandail que pour la première et l'a aussi agressée. Elle non plus n'a pas pu voir son agresseur. La troisième fois, il a utilisé le même chandail. Le chandail était présent sur les trois lieux du crime.

Lorsque nous avons analysé le chandail, nous avons trouvé des cheveux, mais ils ne correspondaient pas à la troisième victime, ils correspondaient à la première. Nous ne pouvions pas mettre l'ADN dans le fichier de criminalistique, et il a fallu beaucoup de bonne technologie d'enquête pour découvrir qu'il y avait un lien entre les trois agressions. Toutefois, si cet échantillon du lieu du crime nous avait permis de mettre l'échantillon de la victime immédiatement dans le système, et si nous avions eu toutes les autres victimes dedans, cela aurait établi un lien entre ces trois crimes.

La victime aurait probablement proposé volontairement un échantillon. Songez qu'une personne, même aujourd'hui, peut fournir volontairement un échantillon d'ADN pour qu'il soit analysé, mais qu'on est ensuite obligé de le détruire. C'est une exigence de la loi. Dans ce cas particulier, nous aimerions qu'il y ait une disposition autorisant la victime à donner cet échantillon, dans le cadre d'une procédure de consentement adéquate.

Il y a également d'autres exemples. Supposons qu'on ait l'indication qu'une personne a été assassinée et qu'on découvre un corps décapité — essentiellement, un torse sans bras, sans jambes, sans tête. C'est la victime et il y a aussi un échantillon biologique crucial établissant le lien avec le lieu du crime. Nous ne pouvons pas faire le lien avec le lieu du crime parce que nous ne pouvons pas utiliser l'échantillon de la victime.

L'autre chose est qu'on doit être réceptif aux nouvelles technologies. La science n'est pas statique. J'espère que les sénateurs et ceux qui travaillent avec nous au sujet de cette législation en tiendront compte, car nous pourrions avoir la possibilité d'utiliser différentes technologies d'ADN à l'avenir — plus de marqueurs, par exemple, et des choses comme ça. Je ne veux pas dire que nous ferions ça sans faire preuve de responsabilité et au mépris de la protection des renseignements personnels et de la sécurité. En réalité, la banque de données génétiques est une banque de données comme toutes les autres. C'est quand elle contient des échantillons permettant de faire des comparaisons qu'elle est le plus utile, et le seul échantillon que vous ne pourrez pas comparer sera celui qui ne s'y trouve pas.

Le sénateur Angus : Vous pourrez peut-être continuer sur le même sujet, monsieur le président, car je dois vous quitter pour quelques instants. J'essaierai de revenir.

Le sénateur Lang : Je suis l'un des nouveaux membres du comité et ce domaine est tout nouveau pour moi.

J'aimerais accepter l'offre des témoins de nous faire visiter le laboratoire, ce qui pourrait probablement se faire dans quelques semaines. Ce serait très intéressant.

Je reviens sur ce que disait le sénateur Angus. Je comprends que cette séance est pour vous l'occasion d'indiquer quelles modifications pourraient être apportées à la loi pour faciliter votre tâche et peut-être aussi vous donner plus d'outils pour faire le travail qu'on vous demande de faire.

Permettez-moi de vous poser une question d'ordre général : que faudrait-il éliminer de ce processus en 13 étapes mentionné par M. Fourney afin de le rendre plus compatible avec la technologie moderne tout en veillant à respecter nos obligations en matière de protection des renseignements personnels et de tout ce qui va avec?

Pourrions-nous obtenir une réponse de chaque témoin? À mon avis, cette question ne revêt aucun caractère politique, mais elle est importante. C'est un domaine dans lequel nous devons continuer à nous moderniser, à moins que vous ne disiez que vous n'en savez rien.

M. Fourney : En même temps que la science, c'est la permission de l'utiliser de manière respectueuse. La seule chose sur laquelle je souhaite attirer l'attention du Sénat est qu'il y a actuellement des discussions en cours avec nos partenaires de la Sécurité publique et de la Justice pour voir quelles modifications pourraient être apportées à la loi. Il y a des consultations en ce moment même. L'un de mes collègues a beaucoup participé à ce processus.

Le sénateur Lang : Combien de temps cela prendra-t-il? Six mois? Certaines consultations peuvent durer 10 ans.

M. Fourney : Tout ce que je puis vous dire, c'est que j'ai participé à une série de ces discussions, et je pense qu'elles continuent.

M. Henschel : Certaines des questions dont vous parlez sont des questions de politique gouvernementale, dans une certaine mesure, puisqu'elles soulèvent les questions de protection des renseignements personnels, par exemple. Du point de vue de l'action policière, nous devons faire très attention à ne pas entrer dans ce genre de débat. Toutefois, je pense que nos collègues de la Justice et de la Sécurité publique pourraient peut-être vous donner plus d'informations à ce sujet.

Nous pouvons certainement donner notre avis sur les mécanismes et sur les domaines dans lesquels nous rencontrons des difficultés, notamment en ce qui concerne le prélèvement des échantillons et ce qu'on peut introduire dans la banque de données, par exemple. Cela dit, je pense que nos collègues sont probablement mieux à même de répondre à votre question de portée générale.

Le sénateur Lang : Monsieur le président, je ne suis pas sûr d'avoir obtenu une réponse bien claire. Je ne sais pas qui devrait répondre, mais nous devrions peut-être convoquer les représentants de ces autres ministères pour avoir une idée de ce qu'il faudrait faire. Nous pouvons formuler des recommandations et peut-être amener les rouages du gouvernement à se mettre en branle, même si c'est très lentement. Je pense que nous sommes ici pour faciliter les choses.

J'aimerais aborder un autre domaine. Le sénateur Baker, que j'espère avoir l'occasion de mieux connaître, a parlé d'argent en vous demandant si vous avez les ressources nécessaires pour faire le travail que nous vous demandons de faire. Il était très intéressé par ce que vous avez dit d'emblée au sujet de la nouvelle technologie :

Cette année, la banque nationale de données génétiques commencera à valider et à remplacer ses séquenceurs d'ADN vieillissants par de nouveaux appareils d'analyse d'ADN à grand volume tout à fait modernes [...]

Aujourd'hui, vous pouvez traiter 960 échantillons en 24 heures sans intervention humaine.

Cela doit être un progrès très important. Peut-être avez-vous trop d'argent en ce moment? Pourriez-vous cependant nous donner plus de détails à ce sujet? En outre, vous avez parlé d'une unité mobile. L'objectif est-il qu'il y ait à terme une unité mobile dans chaque juridiction?

M. Fourney : Je suppose qu'on peut toujours prendre sa boule de cristal et formuler des vœux. Je travaille dans le domaine de la criminalistique et de l'ADN depuis plus de 22 ans, et je me suis occupé auparavant pendant plusieurs années de la génétique du cancer et de l'évolution moléculaire. Chaque année, nous voyons apparaître de nouvelles technologies et nous avons de nouvelles expériences. C'est un peu comme les enfants avec leur jeu Nintendo favori. L'année suivante, ils en veulent un nouveau.

Les séquenceurs sont les instruments qui nous permettent de détecter l'ADN et d'analyser les échantillons pour la banque nationale de données génétiques. Les laboratoires qui analysent les échantillons des lieux des crimes emploient la même technologie. Il y a toujours un flux coordonné.

La nouvelle technologie que j'évalue en ce moment constituerait un progrès par rapport à celle que nous utilisons actuellement. Permettez-moi de préciser qu'adopter cette nouvelle technologie ne signifie aucunement que celle que nous employons maintenant ne fonctionne pas. Il s'agit simplement de tirer parti des avantages offerts par la nouvelle technologie.

Il y a eu beaucoup de progrès en robotique. Il y a eu de grosses améliorations du point de vue de la sensibilité et du point de vue de la détection au laser qui stimule les molécules. Quand j'ai débuté, je dois vous dire que tout ça se faisait à la main. Aujourd'hui, ça se fait à la machine. Cette nouvelle machine sera beaucoup plus productive puisqu'elle permettra de traiter 48 échantillons en 22 minutes. Elle sera aussi autonettoyante. Elle aura un réceptacle automatique capable de traiter 10 plateaux de 96 échantillons à la fois. Elle aura assez de matériel, de réactifs et de tout ce qui est nécessaire.

Je l'ai vue à l'œuvre en juin dernier et j'ai participé à l'évaluation du programme aux laboratoires du FBI à Quantico. Ils avaient encore plus de difficultés, du point de vue du nombre d'échantillons. Ils se préparaient à passer de 30 000 à 1,3 million par an. Ils étaient donc vraiment obligés de chercher une technologie robotisée de pointe et, comme nous nous intéressons aux mêmes procédures et à la technologie, c'était une bonne occasion pour nous de voir comment ça marchait.

Nous avons maintenant reçu cette instrumentation. Elle sera branchée dans le laboratoire en avril, j'espère. C'est comme si nous avions reçu un nouveau jouet : tout le monde est incroyablement excité. Cela dit, il faudra procéder à un nombre considérable d'opérations de mise au point concernant l'assurance de la qualité, la validation, la préparation du site et la formation du personnel. Il y a beaucoup de choses à faire quand on change une technologie comme celle-là pour qu'elle devienne opérationnelle. Avec suffisamment de travail et une équipe de professionnels très bien formés, je pense qu'elle pourra être opérationnelle à l'automne.

Nous utilisons actuellement 13 types différents de tests pour comparer les profils génétiques. Nous allons passer à 16 tests, avec plus de 15 procédures de détermination du sexe. Ces tests supplémentaires différents nous donneront un degré encore plus élevé de différenciation. Cette machine a été spécialement conçue pour permettre de repérer les changements de couleur avec des agents fluorescents.

Je le répète, il s'agit de rehausser une procédure que nous utilisons déjà, pas d'en changer complètement. Nous sommes trop prudents et trop conscients du risque pour effectuer un changement complet, mais vous assisterez à la validation d'une nouvelle machine très intéressante. Nous l'avons vue à l'œuvre dans plusieurs laboratoires du FBI en Floride. Elle nous permettra de traiter bon nombre d'échantillons de manière automatisée et de conserver la quantité de matériel utilisée au départ.

La première étape est la banque de données où se trouvent les échantillons d'ADN contrôlés. Ils seront recueillis au moyen d'une trousse de prélèvement prescrite. Ensuite, ils seront acheminés dans les services opérationnels où ces types d'échantillons posent beaucoup plus de défis. Nous sommes gâtés avec la banque de données. Les échantillons sont prélevés de manière définie avec une trousse de contrôle par des personnes extrêmement bien formées. Ce qui arrive au laboratoire opérationnel, c'est la zone crépusculaire des échantillons de lieux du crime. Il y a encore du travail de validation à faire.

L'autre changement concerne l'unité d'analyse mobile, une chose que j'attends depuis 10 ans. J'ai travaillé avec des groupes s'occupant de puces biologiques, de micromachines et d'autres choses de cette nature. Vous avez sûrement entendu parler de la nanotechnologie utilisée pour dépister le cancer. La science criminalistique est l'orpheline de la science dans la mesure où la majeure partie de la recherche est consacrée au diagnostic clinique, mais on peut penser que certaines de ces nouvelles technologies magnifiques finiront par trouver des applications en criminalistique. Cette unité sera l'une des premières.

Des entreprises et des groupes concurrents travaillent là-dessus depuis plus d'une décennie. Nous avons examiné des prototypes dans le passé, mais, cette fois, nous avons travaillé avec une entreprise dès le départ pour orienter son travail de conception. En intervenant dès le départ, je pense que nous nous retrouvons avec une machine qui répondra bien à nos objectifs. Je continue de croiser les doigts en espérant l'avoir à notre disposition cet automne. Pour le moment, c'est ce qui est prévu.

Cette unité pourrait servir à analyser un échantillon très rapidement. On pourrait obtenir le résultat en une quinzaine de minutes. Elle ne pourra traiter qu'un échantillon à la fois, après quoi on se débarrassera de la cartouche et on pourra passer à un autre échantillon. L'étape suivante sera évidemment de concevoir une cartouche à usages multiples pour pouvoir traiter plusieurs échantillons en même temps, mais on verra ça plus tard. L'unité pourra être transportée sur le lieu d'un crime, par exemple, si c'est ce qu'on souhaite.

Lorsque le lieu du crime est très vaste, comme dans l'affaire de Vancouver, il y a peut-être un avantage à cela. C'est peut-être plus un avantage dans la plupart des cas d'avoir ce genre d'équipement dans le laboratoire simplement parce que cela permet de maintenir un niveau élevé de qualité, de sécurité, et cetera. Dès que l'on déplace quelque chose vers un centre de traitement, on est presque obligé d'avoir un centre de commandement et un laboratoire séparé. Le Royaume-Uni a des laboratoires mobiles et d'autres groupes examinent également cette possibilité.

Pour la mise au point de cet équipement, nous travaillons en collaboration avec nos collègues de la Nouvelle-Galles-du-Sud, en Australie, qui sont également très enthousiastes. Je suis allé les voir il y a quelques années pour examiner avec eux des technologies de transformation et celle-ci est l'une des deux que nous avons partagées. La prochaine fois que j'y vais, je pourrai peut-être vous montrer cela.

Le sénateur Lang : Avec cette nouvelle technologie, quel est le délai d'exécution? Est-ce que cet équipement permettra de le raccourcir?

M. Fourney : C'est ce que nous pensons, car nous pourrons analyser plus d'échantillons en un plus court laps de temps. Voir comment ça marche avec des échantillons de contrôle pris dans la collection de la banque nationale de données génétiques est une chose, mais voir comment ça marche sur le lieu d'un crime avec des échantillons posant plus de problèmes, c'est autre chose. Le fait qu'on puisse traiter beaucoup plus d'échantillons en moins de temps devrait nous donner un avantage non négligeable.

Le vice-président : Sénateur Lang, Mme Bird vient de me rappeler que nous avons accueilli des témoins du ministère de la Justice, David Bird et Greg Yost, le 26 mars 2009. Bon nombre des questions qui leur avaient été posées et pour lesquelles nous avons obtenu des réponses par écrit portaient sur les sujets que vous venez d'aborder. Malheureusement, cela n'avait pas été distribué aux nouveaux membres du comité avant cette réunion. Ce sera fait dès que possible et je pense que vous y trouverez des informations très utiles en réponse à vos questions.

Le sénateur Joyal : Monsieur Fourney, j'aimerais revenir au cas de Gregory Turner dont parlait le sénateur Angus. Malgré le respect que je vous dois, je pense que vous avez relativement esquivé la question.

Je vous cite un extrait d'un article du Globe and Mail :

M. Turner craignait de ne pouvoir échapper à la prison lorsqu'un laboratoire de la GRC a dit qu'il n'y avait qu'une chance sur 163 billions qu'une quantité minuscule d'ADN sur sa bague en or ait pu provenir d'une autre personne qu'une femme de 56 ans assassinée à Terre-Neuve.

Seule preuve concrète d'une accusation de meurtre au premier degré contre M. Turner, le lustre doré d'ADN semblait devoir devenir une preuve irréfutable aux mains de la Couronne...

[...] M. Kennedy — aujourd'hui ministre de la Santé de Terre-Neuve — a évité à M. Turner de passer le reste de ses jours derrière les barreaux. Il a recherché le nom et le profil d'ADN de chaque technicien ayant travaillé au laboratoire de la GRC et il s'est avéré que la technicienne ayant analysé la bague avait également travaillé sur les ongles de la victime, à quelques pouces de distance, engendrant ainsi une forte possibilité de contamination.

Lors du procès de M. Turner, en 2001, elle a admis avoir également contaminé la preuve dans deux autres affaires. De plus, autre détail troublant, il est apparu qu'elle avait contaminé par erreur les bagues de M. Turner avec son propre ADN, amenant ainsi que la police à perdre un temps considérable dans la recherche futile d'un hypothétique complice.

Et, un peu plus loin :

[...] le travail bâclé semble malheureusement fréquent au laboratoire [...]

Je suis effaré. Je connais l'existence de votre service depuis 10 ans. J'étais ici en 1998 quand on a adopté la première loi sur les empreintes génétiques. Quand je vous regarde, j'ai toujours l'impression de regarder mon médecin en qui j'ai une confiance absolue. Toutefois, il y a dans cet article d'autres exemples de travail saboté et on y mentionne aussi que le projet Innocence aux États-Unis a révélé que, dans trois cas sur 156 de personnes disculpées de crimes graves, les personnes avaient été condamnées par erreur à cause d'erreurs dans l'analyse génétique. J'ai l'impression que les résultats ou conclusions des analyses d'ADN ne sont donc pas aussi irréfutables qu'on voudrait le croire.

Que pouvez-vous donc me dire aujourd'hui pour me convaincre que je devrais continuer de croire que les problèmes de contrôle de la qualité soulevés dans le rapport de 2007 de la vérificatrice générale ont été réglés? Comment puis-je être certain que ces erreurs disparaîtront? Vous dites que la nouvelle technologie — vos nouveaux joujoux — éliminera ce que j'appelle les « facteurs humains » qui ont apparemment causé ces erreurs.

M. Fourney : Je regrette que vous ayez ce sentiment et je m'excuse si vous avez l'impression que j'ai induit le comité ou le Sénat en erreur.

J'ai beaucoup confiance dans cette technologie de l'ADN. J'ai beaucoup confiance dans la science et j'ai certainement confiance dans cet équipement. Il ne faut cependant jamais oublier qu'il est crucial que l'équipement soit utilisé correctement et que les procédures soient très bien validées et acceptées. Nous avons démontré la validité de notre technologie, et je peux certainement vous donner des détails à ce sujet si vous le voulez. Je ne connais pas les détails précis du travail opérationnel qui a été fait dans ce cas particulier. Il arrive souvent qu'on me demande d'examiner quelque chose parce qu'il y a eu un problème ou une préoccupation et qu'on se demande s'il conviendrait de revoir les résultats scientifiques ou la procédure. Cela fait partie du travail de mon équipe de recherche et de développement.

Je ne connais pas les détails précis de cette affaire, mais je crois qu'il s'agissait d'une combinaison complexe de facteurs touchant deux personnes différentes. Il est évident qu'il y a eu contamination, comme vous l'avez dit, par l'une des personnes du laboratoire. Nous avons élaboré une base de données d'élimination des techniciens de laboratoire ou des employés. Dans le cadre de notre processus d'assurance de la qualité, quiconque travaille au laboratoire doit avoir fourni un échantillon. Si nous découvrons quelque chose concernant un échantillon inconnu, nous vérifions avec la base de données d'élimination.

Dans ce cas, par exemple, si la base de données d'élimination avait existé, on aurait découvert que l'ADN provenait de cette personne. C'est l'un des changements que nous avons apportés. Comme je l'ai dit, je ne me souviens pas de la date, mais je pense que c'était avant l'accréditation. Maintenant, nous avons une accréditation ISO ICE 17025 pour les laboratoires de test et de calibrage. Nous répondons à ce que nous appelons la norme CAN-P-1578, qui est la norme canadienne d'accréditation des laboratoires de criminalistique. L'accréditation est faite par un organisme international indépendant qui envoie des experts étrangers examiner notre processus. Nous venons tout juste de recevoir notre accréditation nationale pour tous les laboratoires de la banque nationale de données génétiques, en 2008. Nous avons obtenu cette accréditation globale.

C'est le même type d'accréditation qu'emploient nos collègues de l'Ontario et du Québec, qui viennent témoigner demain devant votre comité, si je ne me trompe. Ils pourront peut-être vous parler de l'importance de l'accréditation et de la norme de qualité.

Nos procédures d'examen des preuves ont changé. Nous avons changé la manière dont nous séparons l'accès aux échantillons des connus et des inconnus. Tout problème de non-conformité concernant quelque chose qui ne semble pas correct ou cohérent est signalé. Ces problèmes sont enregistrés dans un registre d'assurance de la qualité que nous sommes tenus d'examiner. Nous analysons toute cette information. Si c'est nécessaire, les contrôles et les échantillons sont réanalysés. Nous pensons que ces étapes sont très importantes non seulement pour veiller à ce que tout le monde comprenne bien pourquoi nous faisons ce que nous faisons, mais aussi pour nous assurer que les résultats que nous fournissons sont valides et fiables.

Certes, nous espérons qu'il n'y aura plus d'erreurs ou de problèmes à l'avenir, mais personne n'est infaillible. Le rôle de l'assurance de la qualité est de garantir qu'il y a des systèmes de contrôle et de vérification pour éviter les problèmes. Nous avons tiré les leçons de ce cas particulier. Nous avons adopté un programme d'accréditation différent et avons mis en place des systèmes de contrôle et de vérification nous assurant que tout fonctionne bien. Les employés doivent faire l'objet d'une vérification de leurs compétences, et cetera. C'est très important. J'espère que vous pourrez faire confiance aux technologies et aux méthodes scientifiques que nous employons. Il y a beaucoup de laboratoires.

Je pense que vous faisiez référence à un article de journal concernant les laboratoires américains et d'autres centres du Canada. L'affaire de la Virginie-Occidentale remonte à plusieurs décennies. Ce qui est arrivé était terrible, mais c'était à une époque précédant l'accréditation et l'amélioration de la qualité dans beaucoup de laboratoires judiciaires.

Le sénateur Joyal : J'ai confiance dans la science, mais j'ai moins confiance dans les gens qui l'utilisent. C'est le maillon faible de la chaîne. Il est crucial que nous puissions avoir la conviction que les résultats de l'application de la science sont fiables. Si j'étais juge et que j'avais devant moi une preuve d'ADN, je m'interrogerais sur sa solidité et sa validité si l'avocat de la défense soulevait un doute raisonnable.

M. Henschel : Permettez-moi d'ajouter une remarque à la réponse de M. Fourney. L'affaire dont vous avez parlé remonte à 1997, c'est-à-dire au tout début.

Le sénateur Joyal : Non, c'était en 2001.

M. Henschel : Elle a été jugée en 2001, mais les faits remontaient à 1997. Beaucoup de choses ont changé depuis, comme l'a dit M. Fourney. L'autre question qui ne ressortait pas nécessairement de l'article était le potentiel de contamination sur le lieu du crime, lors de la collecte de l'échantillon et avant son acheminement au laboratoire. Il est certain que les spécialistes de l'identité judiciaire ont amélioré leurs méthodes de collecte des preuves depuis 15 ans, lorsque cette technologie était relativement nouvelle.

En criminalistique, les enquêteurs doivent se souvenir qu'ils ne peuvent se contenter d'un seul élément de preuve ni déclarer avec certitude qu'il sera suffisant. Nous disons la même chose en ce qui concerne les analyses ADN. Quand vous menez une enquête, vous examinez tous les aspects différents de l'affaire. Vous cherchez toujours des preuves corroborantes, pas seulement de criminalistique, comme des déclarations de témoins. Durant le procès, le procureur de la Couronne présentera tous les éléments de preuve ensemble.

Il faut bien comprendre que les données criminalistiques ne sont que l'un des éléments du dossier présenté au tribunal. D'autres mesures doivent être prises durant l'enquête pour pouvoir présenter un dossier exhaustif et cela constitue une sorte de mécanisme de contrôle et de vérification du processus.

Certes, tout notre travail de laboratoire dépend de la qualité des pièces à conviction. Nous faisons tout notre possible pour éliminer ce genre de problèmes au laboratoire. Toutefois, comme toujours lorsqu'il y a une intervention humaine, le risque d'erreur humaine existe. Nos systèmes de qualité sont conçus pour repérer ce genre d'erreur afin d'éviter qu'elle entache tout le système sans être repérée.

Le sénateur Joyal : Ce problème était mentionné dans le rapport de la vérificatrice générale, comme le montre cet extrait des constatations résumées à la page 2 :

Qui plus est, le système national de gestion de la qualité n'est pas parvenu à cerner les problèmes que présentait le nouveau processus automatisé servant aux analyses génétiques.

Il est troublant de lire une telle constatation en 2007, ce qui est plus récent que ce que vous avez indiqué en disant que vous ne saviez pas il y a 10 ans ce que vous savez aujourd'hui et que le système de l'époque n'était pas aussi pointu. La science a une réponse à tout.

La vérificatrice générale disait que le système de gestion de la qualité n'était pas satisfaisant. Elle disait aussi que la GRC ne respecte pas son engagement de faire rapport au Parlement au sujet de son rendement. À qui peut-on se fier si l'on ne peut pas se fier à sa mère ou à Dieu? À qui peut-on s'adresser?

Je sais que vous faites votre possible et je ne vous mets pas personnellement sur la sellette. Comprenez cependant la réaction du public. Les Canadiens s'attendent à ce que le système fonctionne parfaitement parce qu'il y va de la liberté d'un individu.

Ce citoyen de Terre-Neuve a passé 27 mois en prison. Je n'aimerais pas passer 27 mois en prison à cause d'une erreur. Quelqu'un doit assumer cette responsabilité.

M. Henschel : Nous ne contestons pas cela. Comme je l'ai dit, nous faisons tout notre possible pour veiller à ce que ces systèmes de qualité soient en place et à ce que ce genre d'erreur ne se reproduise plus. C'est ce que nous allons continuer de faire. À mesure que change la technologie, nous continuerons de nous concentrer sur ces questions. Le principe fondamental de notre action, du processus que nous utilisons et de la manière dont nous envisageons les choses, est qu'on ne doit jamais sacrifier la qualité.

Le sénateur Joyal : Permettez-moi d'être franc. Est-ce une question d'argent? Quand je lisais votre déclaration, je pensais que vous étiez franc. Vous avez tenu à préciser que les améliorations apportées au cours de l'année passée l'ont été durant une période de compressions budgétaires et de réduction des dépenses.

Les compressions budgétaires sont sur le point d'arriver; elles n'étaient pas imposées l'an dernier. Vous avez ajouté qu'il y encore beaucoup de travail à faire et beaucoup de défis à relever.

Voulez-vous dire que vous avez besoin d'un peu plus d'argent pour pouvoir améliorer le système de gestion de la qualité que vous mettez actuellement sur pied?

M. Henschel : Évidemment, quiconque gère un laboratoire judiciaire ou œuvre dans la police vous dira qu'une rallonge budgétaire serait utile. Il y a plusieurs choses à prendre en considération. Tout d'abord, il y a une certaine demande à satisfaire, que ce soit pour des analyses d'ADN ou d'autres analyses de criminalistique. En outre, la capacité d'un laboratoire, quel qu'il soit, est nécessairement limitée. C'est en partie ce qui a causé le problème des délais d'exécution.

Avant de pouvoir dire que j'ai besoin d'une rallonge budgétaire, je dois m'assurer que nous sommes aussi efficaces que possible avec les fonds dont nous disposons. C'est exactement le processus dans lequel nous sommes engagés actuellement avec ce nouveau processus d'enquêtes judiciaires et de rationalisation des opérations. Il s'agit d'être aussi efficace que possible. C'est notre priorité en ce moment. Si nous constatons ensuite que nous n'avons pas les ressources nécessaires pour répondre à la demande, la question sera de savoir si nous devons limiter nos activités et décider de ne plus ou pas faire certaines choses. Quoi qu'il en soit, ce ne sera pas aux dépens de la qualité.

Le sénateur Joyal : Dans son rapport, la vérificatrice générale a dit qu'il manquait dans votre rapport de rendement au Parlement certaines informations essentielles pour pouvoir juger si le système de gestion de la qualité fonctionne bien. À moins que ce ne soit pas le bon rapport, pouvez-vous nous dire quels aspects ont été ajoutés pour nous permettre de mesurer votre rendement?

M. Henschel : Nous faisons rapport au Parlement par le truchement du rapport de rendement du ministère. L'an dernier, nous avons ajouté en annexe une analyse complète du rendement du laboratoire. Nous avons donné diverses statistiques indiquant si nous faisons bien notre travail ou non selon diverses catégories d'infractions et diverses disciplines. C'est probablement la première fois que le rapport complet était inclus en annexe mais nous suivons ce dont nous disposons dans le processus de rapport du rendement ministériel pour faire rapport à ce sujet.

Le sénateur Joyal : Ne pensez-vous pas qu'il serait utile ou prudent, trois ans après la recommandation de la vérificatrice générale, de l'inviter à venir voir si les changements que vous vous êtes engagés à apporter l'ont bien été?

M. Henschel : C'est une question tout à fait opportune puisqu'elle est chez nous au moment où nous parlons. Elle vient d'entamer un examen de suivi, et nous avons eu des réunions fin décembre et début janvier. Ce processus débouchera sur un rapport qu'elle entend déposer début 2011, si j'ai bien compris.

Permettez-moi d'ajouter que nous sommes heureux qu'elle ait entrepris cet examen, car cela constituera une validation externe supplémentaire que nous sommes dans la bonne voie.

Le sénateur Joyal : Une autre chose qui ne laisse pas d'inquiéter le néophyte que je suis dans ce domaine est l'affirmation, dans un article de Law Times, que des chercheurs ont récemment découvert qu'il est facile de fabriquer de l'ADN.

Que pouvez-vous répondre à cela?

M. Henschel : Je laisse la parole à M. Fourney.

M. Fourney : J'ai lu l'article du Law Times et j'ai aussi pris la peine de lire le rapport de l'étude originelle. Il s'agit d'une étude scientifique publiée dans Forensic Science International : Genetics. Elle a été réalisée par un bon groupe de chercheurs d'Israël. Leur conclusion est valide au sens où l'on peut effectivement fabriquer de l'ADN. Toutefois, si vous analysez ce protocole... j'aimerais bien avoir un laboratoire comme le leur, car je ne pense pas que je pourrais faire comme eux. Je ne veux pas aller trop dans les détails, mais ils en ont fabriqué de trois manières différentes. Cela faisait appel à des technologies très pointues.

Je vous ai parlé des différents marqueurs. Vous avez 23 éléments d'ADN différents dans votre chromosome. Les variations de ces éléments pourraient expliquer les différences entre les êtres humains. Si vous faites le calcul, ça donne toutes sortes de variations. Au minimum, on obtient entre 400 et 500 variations différentes, ce qui veut dire qu'ils doivent obtenir votre ADN, qu'ils doivent le cloner, probablement le séquencer, et ensuite couper les fragments reliés à cet individu, les amplifier puis les réinsérer quelque part.

La personne responsable de ce processus a été invitée à présenter ses conclusions à une réunion aux États-Unis. La plupart des enquêteurs vous diront qu'il y a des moyens plus faciles pour introduire de fausses preuves sur le lieu d'un crime. Il suffit d'obtenir un peu de sang ou de tissu organique d'une autre personne et de le déposer sur place. Le processus qu'ils ont employé est extrêmement complexe et exige un matériel très pointu, à mon avis.

L'autre solution est ce qu'on appelle l'amplification du génome complet ou, en anglais, WGA. Très franchement, je ne connais pas beaucoup de laboratoires capables de faire cela régulièrement et efficacement. J'ai des collègues qui travaillent sur la génétique du cancer et d'autres types d'études évolutionnaires. C'est faisable mais c'est très pointu.

Est-ce possible? En science, tout est probablement possible. Est-ce que ça peut être fait par votre criminel typique ou quelqu'un ayant accès à quelque chose? Je ne le crois pas. Finalement, comme l'a dit le commissaire adjoint Henschel, l'ADN n'est que l'un des outils d'enquête. Il y en a d'autres. Je sais qu'il y a eu des cas aux États-Unis où l'on a essayé de faire sortir en secret de l'ADN d'une prison dans le but de le déposer sur le lieu d'un crime pour faire croire que le coupable était quelqu'un d'autre ayant le même profil génétique. Ceux-là se sont fait prendre. C'est probablement une méthode plus raisonnable — je ne dirais pas plus facile — et beaucoup moins complexe. Je tire mon chapeau à ce groupe de chercheurs qui avait manifestement cet équipement et beaucoup de technologie à sa disposition.

Si j'étais encore étudiant, j'aimerais bien essayer de faire la même chose, mais, aujourd'hui, je n'ai ni le temps ni l'argent nécessaires.

Le vice-président : Comme la séance du Sénat s'est terminée avec un peu de retard, je vous rappelle que nous avons commencé avec 20 minutes de retard. Normalement, nous devrions terminer à 18 h 15, mais, si tout le monde est d'accord, nous allons prolonger un peu la séance. Il y a encore trois sénateurs qui souhaitent intervenir. Tout le monde est-il d'accord?

Des voix : D'accord.

Le sénateur Runciman : Vous avez parlé de contrôle de la qualité et de certification. La certification est-elle un processus annuel?

M. Fourney : Il s'agit en fait d'accréditation. L'accréditation est accordée au système dans son ensemble. Elle consiste à vérifier la qualité de toutes ces composantes. La certification est accordée à des personnes.

En ce qui concerne l'accréditation, plusieurs vérifications sont faites chaque année sur le plan interne. C'est ce que nous appelons des vérifications et examens techniques, qui font partie du processus d'accréditation. Nous devons les réaliser et présenter les résultats au bout de deux ans, je crois.

Le sénateur Runciman : Personne ne vient visiter vos laboratoires pour cette accréditation?

M. Fourney : Si.

Le sénateur Runciman : Une fois tous les deux ans?

M. Fourney : Nous faisons souvent venir des gens pour des raisons spéciales, par exemple lorsqu'il y a une nouvelle technologie.

Le sénateur Runciman : Quand avez-vous obtenu votre première accréditation?

M. Fourney : En 2000, je crois.

Le sénateur Runciman : Après les incidents dont on a parlé aujourd'hui?

M. Fourney : Oui.

Le sénateur Runciman : Je voudrais maintenant parler de questions d'ordre financier. Je sais que le sénateur Baker et d'autres en ont déjà parlé.

J'essaye de comprendre votre rôle étant donné qu'il existe deux laboratoires provinciaux, au Québec et en Ontario. Quand vous dispensez des services aux autres provinces, est-ce selon le principe du recouvrement des coûts? Cela fait-il partie des ententes passées avec les autres provinces sur la prestation de services de police ou est-ce payé totalement par le contribuable fédéral?

M. Henschel : Pour les analyses d'ADN, il y a des ententes sur les analyses biologiques en vertu desquelles les provinces paient un certain montant au Trésor public. Je crois que le total s'élève à 3,9 millions de dollars pour les provinces autres que l'Ontario et le Québec.

Le sénateur Runciman : Donc, chacune des provinces de l'Atlantique, par exemple, doit payer 3,9 millions de dollars?

M. Henschel : Non, c'est le total que payent toutes les provinces.

Le sénateur Runciman : Toutes les provinces paient en tout 3,9 millions de dollars?

M. Henschel : C'est ça.

Le sénateur Runciman : Et combien coûte la prestation de ce service?

M. Henschel : Vous voulez parler des analyses d'ADN?

Le sénateur Runciman : C'est pour ça qu'elles payent en tout 3,9 millions de dollars, n'est-ce pas? Y a-t-il autre chose?

M. Henschel : Les 3,9 millions de dollars concernent précisément les ententes sur les analyses biologiques, lesquelles nous coûtent quelque chose comme 15 millions de dollars. Je ne sais pas si le coût a été aussi élevé cette année.

M. Fourney : Je crois que c'est 15 millions de dollars. Cela ne comprend pas la banque nationale de données génétiques. Dans mon rapport annuel, par exemple, on indique 3,6 millions de dollars.

Le sénateur Runciman : C'est environ 20 millions de dollars, dont vous recouvrez environ 3,9 millions. C'est ce que vous voulez dire?

M. Henschel : Oui, le gouvernement fédéral recouvre 3,9 millions.

Le sénateur Runciman : Comment se comparent vos coûts par rapport à ceux des provinces qui ont leur propre système?

M. Fourney : Les nôtres sont un peu plus élevés parce que nous avons plus de personnel, par exemple. En réalité, pour ce qui est des analyses biologiques, elles utilisent le même équipement, les mêmes réactifs et le même matériel. Certains de leurs robots sont peut-être plus modernes que les nôtres, mais, dans l'ensemble, les coûts par demande sont comparables. La différence vient probablement du nombre d'analyses effectuées et du personnel que cela exige.

Le sénateur Runciman : Les deux autres provinces, l'Ontario et le Québec, ont-elles déjà critiqué le fait que vous assumez tous ces coûts? Y a-t-il déjà eu des discussions à ce sujet?

M. Henschel : En vertu des ententes sur les analyses biologiques, elles reçoivent également chaque année de l'argent du gouvernement fédéral. Les autres provinces payent une partie des coûts. L'Ontario et le Québec reçoivent de l'argent du gouvernement fédéral. Je connais le système, mais, si vous voulez des détails, il serait préférable d'interroger nos collègues de la Sécurité publique, car ce sont eux qui négocient ces ententes au nom du ministre.

Le sénateur Runciman : Quand la dernière a-t-elle été négociée?

M. Henschel : L'entente actuelle arrive à expiration cette année, je crois.

Le sénateur Runciman : La négociation a peut-être déjà commencé?

M. Henschel : Oui. Il faudrait le demander à nos collègues de la Sécurité publique.

Le sénateur Runciman : Puisque vous parliez de problèmes de financement avec le sénateur Joyal, entre autres, vous devriez peut-être envisager un système de recouvrement complet des coûts. Je ne vous demande pas de répondre.

Quelles relations avez-vous avec les deux systèmes provinciaux? Est-ce que vous vous entraidez?

M. Henschel : Nous avons de bonnes relations de travail. Nous discutons actuellement avec le groupe de l'Ontario pour voir s'il y a des domaines dans lesquels nous pourrions collaborer plus étant donné que certains des autres laboratoires judiciaires reçoivent moins de demandes ou ont une charge de travail moins élevée. Ce n'est pas la même chose que pour l'ADN. Pour maintenir la masse critique nécessaire à la préservation d'une certaine discipline, il faut un minimum de demandes qui n'est peut-être pas là. Nous examinons ce genre de possibilités.

De plus, en ce qui concerne l'ADN, nous avons un groupe de travail scientifique qui collabore avec les laboratoires de l'Ontario et du Québec afin d'assurer le respect de normes communes au Canada et de veiller à ce que tout le monde s'entend sur la manière dont le travail doit se faire. M. Fourney s'occupe de ça.

M. Fourney : Je me permets de préciser que nous avons de la chance au Canada, car nous avons d'excellents partenaires en Ontario et au Québec, d'excellents scientifiques et de très belles installations pour ce qui est des analyses d'ADN que je connais. Comparez cela avec les États-Unis où il y a environ 250 laboratoires à des niveaux bien différents comme les municipalités, les comtés, et cetera. Nous avons vraiment beaucoup de chance. N'oubliez pas que la banque nationale de données génétiques applique une norme en ce qui concerne le type de résultat qu'il faut obtenir, du point de vue de la qualité, ainsi que le type de technologie à employer. L'accès à cette banque de données pour faire les enquêtes criminelles ne servirait pas à grand-chose s'il n'y avait pas des protocoles similaires et exactement la même technologie pour l'ADN. Je pense que ça marche très bien.

Le sénateur Runciman : Vous parliez tout à l'heure du délai d'exécution dans deux domaines pilotes. Vous avez parlé de 15 pour les priorités et de 30 pour le reste. Quels sont les délais dans les autres régions?

M. Henschel : Le système est très différent, car nous avons une catégorie d'urgence, avec un délai de 15 jours ou moins, mais ça ne représente qu'une petite partie de ce que nous faisons. Nous avons une catégorie prioritaire pour différentes infractions. Pour les homicides et les agressions sexuelles, c'est 25 jours. C'est l'objectif que nous avons fixé et nous l'atteignons.

Le sénateur Runciman : Je veux comparer des choses comparables.

M. Henschel : Il est difficile de comparer. En ce qui concerne les autres 80 ou 90 p. 100 d'homicides ou d'agressions sexuelles, si nous parlons des crimes graves qui ne font pas partie du tout-venant ou ne sont pas considérés comme des priorités, c'est surtout une question de capacité. L'objectif visé à ce sujet est de 75 jours pour les homicides et de 90 jours pour les agressions sexuelles. Cet objectif n'était pas atteint dans le passé, mais, avec le processus d'amélioration que nous avons appliqué à l'ancien système au cours de l'année passée, nous sommes maintenant dans cette fourchette.

Le sénateur Runciman : Avez-vous dit 75 jours pour les agressions sexuelles et 90 pour les homicides ou le contraire?

M. Henschel : C'est 75 jours pour les homicides et 90 jours pour les agressions sexuelles.

Nous sommes généralement dans ces eaux-là. Si vous examinez tout ce que nous faisons pour les homicides... j'ai pris une note à ce sujet plus tôt aujourd'hui. Nous avons vérifié pour les trois derniers mois. Je pense que nous sommes descendus à 60 jours pour les homicides et à 62 jours pour les agressions sexuelles.

Le sénateur Runciman : Je vais bientôt laisser la parole à quelqu'un d'autre.

Monsieur le président, je discutais pendant le week-end avec des agents de police de première ligne qui m'ont dit la même chose. Ils voudraient que les échantillons soient pris immédiatement à la condamnation. Ils voudraient aussi un changement simple qui éliminerait l'obligation d'aller à la prison de comté si quelqu'un est libéré et aller ensuite devant un autre tribunal. Selon eux, ce simple changement leur faciliterait beaucoup la vie.

Le vice-président : Nous en prenons note.

[Français]

Le sénateur Carignan : Vous avez parlé de l'amélioration des technologies, avec l'acquisition d'un nouveau séquenceur. Vous avez également parlé de nouvelles procédures internes qui augmentent l'efficacité.

Dans un échange avec les sénateurs Lang et Runciman, il fut question d'une amélioration de la productivité. Avez-vous un estimé, en pourcentage, de l'augmentation réelle de la capacité de production du laboratoire? Va-t-on doubler ou même quadrupler cette production?

Dans certains laboratoires privés de recherche en biogénétique, j'ai vu des séquenceurs assez puissants pouvant multiplier de façon importante les échantillons. Quel est le pourcentage estimé de l'augmentation de la productivité?

[Traduction]

M. Henschel : Je vais répondre en anglais.

Pour ce qui est d'accroître la productivité, je crois que le nouveau processus que nous avons mis en place nous a permis de faire beaucoup de gains d'efficience, et je ne parle même pas de l'amélioration du processus technologique qui interviendra pendant la deuxième étape de ce nouveau processus.

Je ne pense pas que nous soyons en mesure de prédire ce qui se passera du côté du laboratoire judiciaire ou du côté opérationnel. Je ne suis pas sûr que nous puissions prédire, car beaucoup d'autres facteurs entrent en jeu. Ce n'est pas seulement la partie analytique des séquenceurs qui prend du temps. C'est tout ce qui se passe en première ligne, c'est-à-dire la recherche et la découverte de l'ADN à partir de l'échantillon. Cela prend beaucoup de temps. Ensuite, à la fin du processus, il faut rédiger un rapport sur l'interprétation des profils identifiés au moyen de la composante analytique. C'est probablement ce qui exige le plus d'effort.

Du côté du laboratoire judiciaire, il y a une certaine amélioration qui résulte de l'automatisation de la composante analytique, mais il y a aussi les autres composantes dont il faut tenir compte. Comme l'a dit M. Fourney, la situation est très différente avec la base nationale de données génétiques, car on a alors des échantillons immaculés.

Il serait très difficile pour nous de prédire ce que serait cette amélioration. Nous pouvons en juger à mesure que nous utilisons le processus et que nous constatons des améliorations, mais il y a beaucoup de facteurs qui entrent en jeu. Pour nous, c'est difficile à prédire.

Je pense qu'on peut peut-être en avoir une meilleure idée du côté de la banque nationale de données génétiques.

M. Fourney : Pour ce qui est de la banque nationale de données génétiques, par exemple, les unités que nous utilisons actuellement peuvent traiter 16 échantillons en 20 minutes. Avec les autres unités, ça prend environ 40 minutes. Les nouvelles unités atteindront 48 échantillons en 21 minutes à peu près. Il faut recharger pour chaque cycle, ce qui prend plus de temps et d'effort. Pensez qu'on installe un plateau de 96 échantillons à la fois, et il y en a 10 qui fonctionnent en permanence. Vous pouvez imaginer le volume de production. Toutefois, comme l'a dit mon collègue, il y a aussi les systèmes de contrôle et de vérification de l'interprétation, et il y aura aussi d'autres étapes limitant le rythme. Le simple fait que nous ayons un délai d'exécution plus rapide pour obtenir des résultats plus sensibles est une bonne première étape.

Nous envisageons d'autres technologies. Quand je parle d'intelligence artificielle, les gens me regardent d'un air bizarre. Il y a certains types de logiciels qui vous permettent d'appliquer un processus d'interprétation beaucoup plus rapide et d'avoir un protocole prescrit plus rapide. C'est comme demander à un être humain de faire l'interprétation à l'œil et à la main, mais en étant guidé par un équipement automatisé, ce qui est un progrès. Cela devrait aussi nous permettre de déterminer des mélanges complexes. Par conséquent, je pense qu'il y aura un progrès du point de vue de l'interprétation. Certaines des autres technologies que nous examinons du côté opérationnel, et pas nécessairement pour aller plus vite, pourraient nous être utiles pour nous aider à mieux organiser le travail du point de vue de la sélection des échantillons. Par exemple, nous passons beaucoup de temps à essayer de trouver comment traiter nos échantillons d'agression sexuelle beaucoup plus vite du point de vue d'une détection plus précoce ou d'un équipement plus sensible.

Nous cherchons de nouvelles manières de détecter les spermatozoïdes, par exemple, notamment par enrichissement fluorescent. Nous cherchons aussi des méthodes pour quantifier la quantité d'ADN que nous pouvons extraire d'un échantillon. À une époque, nous pouvions seulement quantifier l'ADN humain total. Avec cette nouvelle technologie, nous allons quantifier l'ADN masculin et l'ADN humain. La raison en est qu'on peut souvent examiner le ratio entre la quantité d'ADN humain et la quantité d'ADN masculin. C'est important quand il s'agit d'une affaire d'agression sexuelle où l'échantillon de la victime peut avoir été contaminé. Cela fera gagner du temps et ce sera également plus sensible. Ensuite, à plus longue échéance, nous aurons un délai d'exécution plus court.

Je suis allé visiter les laboratoires dont vous parlez et ils utilisent une technologie toute nouvelle, la technologie PNS, c'est-à-dire de polymorphisme d'un nucléotide simple. Nous ne sommes pas encore là, mais c'est pour bientôt. Essentiellement, si vous prenez un plateau de 96 échantillons, chaque échantillon a un point de différentiation particulier et c'est comme une réponse oui ou non, et vous pouvez les faire simultanément. Ça viendra, mais nous n'en sommes pas encore là.

[Français]

Le sénateur Carignan : En termes d'augmentation de productivité, je parlais de rapidité d'analyse pour les correspondances. Avec le même budget, et dans le but d'augmenter le nombre d'échantillons à analyser, quel apport supplémentaire serait le plus efficient? S'agirait-il d'un apport provenant de personnes automatiquement reconnues coupables, dès leur mise en accusation, ou opterait-on pour une bonification dans l'analyse des échantillons dont on dispose, de façon plus étendue sur les scènes de crimes? En d'autres mots, lorsqu'on parle d'une augmentation de la capacité d'analyse, on parle d'augmenter le nombre de sources. Quelle serait donc la source la plus efficiente pour les laboratoires et les enquêtes? Devrait-on augmenter le nombre d'apports nouveaux provenant des victimes ou des criminels, ou analyser les échantillons dont on dispose sur les scènes de crime de façon plus approfondie? Je ne sais pas si ma question est claire.

[Traduction]

M. Fourney : C'est une très bonne question et ma réponse va vous surprendre, car je suis sûr qu'après m'avoir entendu témoigner plusieurs fois, vous pensez que je suis quelqu'un qui aime toujours la nouvelle technologie et les nouveaux équipements. Certes, ce n'est pas tout à fait faux, mais il convient surtout d'en faire un bon usage, et il faut poser la bonne question pour trouver la bonne réponse.

L'une des choses dont parlait M. Henschel est que nous sommes très interactifs avec les enquêteurs dès le début du processus d'enquête judiciaire. C'est en cours d'application dans les Maritimes et maintenant au Manitoba. L'une des choses que nous avons constatées est qu'en collaborant étroitement avec les enquêteurs dès le début de l'enquête, ils nous téléphonent et discutent avec nous des différents types d'analyse. Ils sont à même de sélectionner l'élément de preuve le plus probant dont ils ont besoin pour un cas donné à un moment donné. L'une des choses que nous faisons, et vous penserez peut-être que c'est du simple bon sens, mais c'est assez révolutionnaire pour certains laboratoires judiciaires, c'est que nous fournissons ces réponses clés plus tôt dans le processus sans attendre que tout le dossier ait été traité. Or, cela peut changer l'orientation d'une enquête. Par exemple, s'ils découvrent du sang sur le lieu du crime, et si l'on détermine qu'il contient de l'ADN masculin, ils n'auront peut-être pas besoin de connaître l'identité du donneur. Ils pourront peut-être obtenir cette information plus tard grâce à la technologie plus pointue d'analyse génétique. Le simple fait qu'on ait trouvé de l'ADN masculin, dans des conditions bien définies, lors de l'examen à l'hôpital d'une victime d'agression sexuelle est extrêmement important pour l'enquête. On a donc souvent ce genre de discussions.

Mes collègues du Georgia Bureau of Investigation qui ont fait un investissement technologique similaire qui leur permet de dire simplement qu'il s'agit d'ADN masculin dans le cas d'une agression sexuelle et de communiquer cette information à l'enquêteur et au procureur dès le début de l'enquête ont ainsi réussi à éponger sérieusement leur arriéré. Cela peut aussi changer le cours de l'enquête en ce qui concerne un agresseur inconnu. La question du consentement et toutes sortes d'autres choses entrent en jeu.

Le rôle que nous jouons maintenant nous permet de fournir de la manière la plus opportune possible les meilleures informations possible pour répondre à la question de manière à faciliter l'enquête. Dans le passé, nous arrivions toujours après coup. Nous essayons maintenant de fournir notre aide au début du processus d'enquête en collaborant avec les enquêteurs.

Je crois personnellement — ne me tirez pas dessus, et sachez que je ne réclame pas de nouveaux séquenceurs — que si nous changeons le processus au début en faisant ça avec l'enquêteur, l'impact sur l'enquête et la valeur de la science judiciaire récolteront des gains incommensurables sans nouvelles technologies. C'est ce que nous voulons dire quand nous parlons de changer de processus en plus de faire avancer la technologie.

[Français]

Le sénateur Carignan : Quel lien existe-t-il avec le Québec et comment le laboratoire québécois fonctionne-t'il? Une analyse séquentielle faite au laboratoire du Québec est-elle transférée dans la banque? Faites-vous aussi une partie de l'analyse?

[Traduction]

M. Fourney : Dans ce cas particulier, ils ont peut-être un lieu du crime à Montréal et nos collègues du groupe d'analyses biologiques du Québec travaillent tout le week-end parce que c'est une affaire très importante. Ils auront téléchargé un échantillon d'ADN au CODIS, du fichier criminalistique. CODIS est le logiciel que nous utilisons pour relier nos laboratoires et la banque nationale de données génétiques.

Lorsque cet échantillon du lieu du crime est téléchargé dans CODIS, tout comme nous le faisons pour nos propres lieux de crimes, il arrive directement à Ottawa — dans la banque nationale de données génétiques — et il est comparé à tous les échantillons du Canada ainsi que de Montréal qui se trouvent dans le fichier de criminalistique, et au fichier des condamnés. Si nous obtenons une réponse positive concernant un lieu de crime — c'est-à-dire établissant un lien avec un autre échantillon d'Halifax, par exemple, ou de Toronto, ou de Montréal — l'information est immédiatement communiquée.

C'est un message électronique qui repart automatiquement. Il s'agit d'un réseau sécurisé et ils auront donc une réponse immédiatement, souvent dans les 20 minutes, indiquant un lien avec leur lieu du crime. Dans ce cas, ils téléphoneront à Toronto, par exemple, pour dire qu'ils ont un dossier portant tel ou tel numéro, parce que la banque nationale de données génétiques n'a pas d'informations sur la nature du dossier, sur les pièces ou sur tout le reste. Elle a simplement des informations génétiques pour établir les liens.

Si c'est l'échantillon d'un condamné, il y a d'autres choses qui entrent en jeu. Nous sommes les seuls à posséder des informations sur les échantillons de condamnés. Ce qui se passe, c'est que l'ADN de la banque nationale de données génétiques est contrôlé pour assurer la protection des renseignements personnels et la sécurité. Nous ne savons rien de l'individu relié à l'échantillon de condamné. L'identité est contrôlée par les Services canadiens d'identification criminelle en temps réel, ou SCICTR. Ce sont eux qui détiennent toutes ces informations, mais, en revanche, ils ne détiennent pas les informations génétiques.

Lorsque nous établissons le lien avec un condamné, c'est avec un numéro de code. Nous communiquons ce numéro de code à nos collègues du groupe des archives criminelles. S'ils obtiennent un nom, grâce à d'autres informations policières, ce nom est communiqué au laboratoire. Ensuite, le laboratoire de Montréal, par exemple, téléphone à l'enquêteur et ils commencent à discuter. C'est comme cela que se font les recherches avec la banque nationale de données génétiques et le lieu du crime.

Je peux vous donner un exemple concret. Je pense que le laboratoire de Montréal est celui qui a le plus grand nombre de liens par échantillon. Nous avons eu un cas concernant un grand nombre de vols par effraction. Il y avait à chaque fois un individu qui faisait le guet à l'extérieur en fumant une cigarette. Un enquêteur subtil a réalisé que ces cigarettes provenaient de lieux de crimes différents. Il les a toutes envoyées au laboratoire. Après l'enregistrement, elles sont arrivées à notre laboratoire et nous avons réussi à établir 47 liens avec la même personne, ce qui a permis de résoudre 47 crimes.

Le sénateur Angus : Quand vous parlez de lien entre Montréal et Ottawa, voulez-vous parler de la GRC dans les deux cas, ou de la GRC et de la Sûreté du Québec?

M. Fourney : Au niveau des laboratoires, c'est homogène. Autrement dit, nous sommes tous des scientifiques et nous travaillons ensemble. Les laboratoires provinciaux de l'Ontario et du Québec et tous les laboratoires judiciaires de la GRC ont la même possibilité de faire des recherches dans la banque nationale de données génétiques.

[Français]

Le sénateur Carignan : L'information génétique est d'une importance capitale. Cela me dérange toujours qu'on puisse détruire des échantillons malgré le fait que nous ayons une banque de données importante. Ne serait-ce que pour des fins médicales, n'y aurait-il pas intérêt à conserver les échantillons d'ADN au lieu de les détruire, pour fins de recherche, tout en respectant l'anonymat des individus, bien sûr? C'est d'une valeur inestimable pour les chercheurs et, en ce sens, cela m'apparaît scandaleux.

[Traduction]

M. Fourney : Ils ne détruisent pas mais conservent les échantillons recueillis pour le fichier des condamnés. Une fois que le profil génétique est produit, ça va dans la banque nationale de données génétiques, mais nous conservons la fiche de prélèvement d'origine.

La raison en est que, si la technologie change plus tard et que nous obtenons l'autorisation de faire une nouvelle analyse pour examiner une série de marqueurs différents, nous le pourrons. En outre, et c'est encore plus important, c'est une mesure d'assurance de la qualité. Si l'on constate plus tard que quelque chose ne concorde pas à cause du mauvais échantillon, nous pouvons retourner à l'échantillon d'origine. C'est une mesure d'assurance de la qualité, basée sur notre accréditation.

En ce qui concerne l'utilisation, il est clairement indiqué dans la Loi sur l'identification par les empreintes génétiques que c'est pour l'application des lois. Les personnes qui travaillent à la banque nationale de données génétiques ne sont pas autorisées à divulguer des informations, quelles qu'elles soient, sur les profils génétiques pour d'autres raisons. C'est clairement indiqué.

Cela procède en partie des responsabilités qui nous sont attribuées pour la protection des renseignements personnels et la sécurité. Je pense qu'il est raisonnable d'exiger que nous respections la protection des renseignements personnels et la sécurité en contrepartie du fait que nous pouvons fournir cette information importante à l'enquêteur.

Il est vrai qu'il existe d'autres pays, notamment les États-Unis, où la loi autorise l'utilisation des échantillons de condamnés à d'autres fins, généralement pour l'évaluation statistique de nouveaux marqueurs judiciaires ou des choses de cette nature, mais c'est interdit au Canada.

[Français]

Le sénateur Carignan : La loi l'interdit, mais nous cherchons une façon de la bonifier. Lorsqu'une personne est acquittée ou libérée, on doit détruire l'échantillon après un certain temps. Mais n'y aurait-il pas intérêt à maintenir les données dans une banque anonyme, avec une multitude d'autres informations, pour la recherche médicale ou scientifique?

[Traduction]

M. Fourney : Je dois vous répondre du point de vue des politiques publiques. Du point de vue scientifique, il est toujours avantageux d'en apprendre plus. Notre commissaire à la protection de la vie privée serait très intéressée par cette question.

N'oubliez pas qu'il y a un représentant de la commissaire à la protection de la vie privée au sein du comité consultatif de la banque nationale de données génétiques. Nous contrôlons toujours nos opérations deux fois plutôt qu'une lorsqu'il y va de la sécurité et de la protection des renseignements personnels.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Un dossier en particulier m'intéresse, celui des victimes d'actes criminels et surtout les cas de disparitions.

Depuis 15 ans, au Québec, on compte 15 p. 100 moins de meurtres, mais 40 p. 100 plus de disparitions criminelles. Cette donnée est d'autant plus inquiétante qu'une seule disparition sur sept, au Québec, est résolue. J'en conclus que les criminels sont de plus en plus habiles. Le processus judiciaire est tel que sans preuve hors de tout doute raisonnable, notamment la découverte du corps, il est très difficile d'entreprendre des poursuites légales, à moins d'une dénonciation.

En Alberta, une dame se bat depuis une quinzaine d'années pour obtenir justice après que sa fille ait été enlevée alors qu'on n'a jamais retrouvé son corps — vous êtes sans doute au courant de la fameuse « Lindsay Law ».

Vous avez dit tout à l'heure qu'on a retrouvé de l'ADN du criminel sur la troisième ou quatrième victime dans des cas de viol en série. Lorsque j'étais à l'Association des familles de personnes assassinées, on a défendu un dossier pendant des années visant la création d'une banque des victimes d'actes criminels disparues. Dès qu'une personne disparaît, on prendrait un échantillon de l'ADN des parents et le placerait dans une banque.

On retrouve au Canada une centaine de corps où il est impossible d'identifier les ossements faute d'ADN. Plusieurs de ces corps sont ceux de sans-abri, mais certains pourraient être ceux de gens qui furent enlevés et assassinés. Malheureusement, on ne peut pas les identifier.

À votre avis, serait-il intéressant d'avoir une telle banque au Canada? Il semble que dans quelques États américains on retrouvera d'ici peu de telles banques. On a réussi à établir des corrélations entre l'ADN de victimes et de criminels. À Détroit, on a trouvé un criminel qui avait assassiné huit femmes au cours des 15 dernières années. C'est grâce à cette banque d'ADN des victimes et des criminels qu'on a réussi à effectuer cette arrestation.

En tant que professionnel et scientifique, croyez-vous que ce type de banque puisse aider les policiers à compléter leurs enquêtes? Les statistiques me semblent inquiétantes et révèlent une augmentation des disparitions. On peut penser aux Autochtones dans l'Ouest canadien qui disparaissent des dizaines à la fois et on ne retrouve jamais les corps.

[Traduction]

M. Fourney : C'est une question très importante qui fait l'objet de débats depuis plus d'une décennie. Depuis que je fais des analyses d'ADN, on a toujours eu cette possibilité de constituer ce que j'appellerai un fichier des personnes disparues. Dans un certain sens, nous avons utilisé ou employé un tel fichier. Par exemple, nous l'avons fait pour le vol Swissair 111 à l'occasion duquel j'ai fait des analyses d'ADN. Nous avons contribué à l'identification des victimes tragiquement disparues au large de la Nouvelle-Écosse.

La seule différence entre une catastrophe de ce genre et un fichier de personnes disparues est une question de temps. Une catastrophe comme l'écrasement d'un avion est un phénomène limité dans le temps, alors qu'un fichier de personnes disparues aurait une existence plus longue. Je peux vous dire que plusieurs projets de loi ont été déposés au Parlement pour constituer un tel fichier. Il y a eu une consultation fédérale à ce sujet en 2005, organisée par nos collègues de la Sécurité publique, et le résultat a été d'examiner l'établissement d'ententes fédérales-provinciales-territoriales sur la possibilité de créer un fichier de personnes disparues.

Cette question a fait l'objet de nombreuses discussions ces dernières années et je crois comprendre que divers groupes réfléchissent encore à la meilleure solution possible. Cela soulève un certain nombre de préoccupations, comme savoir comment on définit une personne disparue. Si un jeune enfant disparaît, une alerte orange est rapidement diffusée, ce qui déclenche un certain nombre de mesures.

Certains pays ont établi une règle fondée sur un certain nombre de mois ou sur une année, par exemple. Il faut cependant convenir qu'il n'est pas si facile de dire quand on doit considérer qu'une personne est disparue.

Il y a d'autres problèmes. Si vous créez un tel fichier, quelles seront les mesures de sauvegarde en ce qui concerne la comparaison? Allez-vous faire des comparaisons avec des restes humains non identifiés qu'on va trouver, par exemple, ou avec les échantillons des lieux du crime qui se trouvent dans la banque nationale de données génétiques? Chacun espère bien sûr que la personne disparue ne figurera pas dans la banque nationale de données génétiques, mais il pourrait y avoir des circonstances de nature inconnue où le lieu d'un crime, sans que nous le sachions, concerne une victime et que celle-ci soit une personne disparue. Il y a aussi cet aspect-là à prendre en compte.

Finalement, il faudrait déterminer comment nous pourrions travailler avec les provinces et le gouvernement fédéral pour partager les informations, financer les différents systèmes et gérer le fichier.

Cela continue de faire l'objet de discussions et, comme je l'ai dit, c'est le groupe de travail de la Sécurité publique qui est chargé du dossier. J'espère qu'il en sortira quelque chose.

[Français]

Le sénateur Carignan : Prenons l'exemple des pieds qui furent retrouvés à l'île de Vancouver. On n'a jamais prélevé d'échantillons d'ADN de ces pieds. Ces échantillons auraient pu être placés dans la Banque nationale des données génétiques pour essayer de voir à qui ils pouvaient appartenir.

[Traduction]

M. Fourney : C'est juste. Du point de vue de la banque nationale de données génétiques, cela ne se produirait pas. En ce qui concerne le niveau local d'une enquête en cours, on a peut-être lancé une enquête dans la région de Vancouver, pas très différente de celle de l'affaire Pickton, par exemple, parce qu'il y avait un certain nombre de personnes disparues. Dans cette triste situation, on a créé un répertoire malheureusement assez grand de personnes pour pouvoir comparer des échantillons.

Toutefois, cela s'est fait en vue d'un objectif bien précis relié à une enquête particulière. Tous les échantillons produits volontairement ou tous les éléments de cette nature sont détruits à la clôture de l'enquête.

Vous avez raison, du point de vue d'une banque de données, quelque chose comme ça ne pourrait jamais être établi au niveau national dans une unité unique ou dans une banque de données consolidées tant qu'on n'aura pas modifié la loi.

Le vice-président : J'ai une question et une demande. La réponse à la question sera brève. J'examinais le rapport annuel de 2008-2009 du comité consultatif de la banque nationale de données génétiques. On y dit à la page 8 que la banque de données serait capable de traiter entre 50 000 et 60 000 échantillons par année du fichier des condamnés en n'augmentant que modérément les coûts.

Le comité permanent de la Chambre des communes a formulé certaines recommandations qui entraîneraient une augmentation du nombre d'échantillons pouvant être prélevés. Je n'irai pas dans les détails. Toutefois, on dit dans le rapport que le nombre d'échantillons pourrait passer à 113 000, mais que cela exigerait une augmentation importante des ressources.

Qu'est-ce que cela veut dire? Pouvez-vous me dire quelle serait l'augmentation, en pourcentage ou en budget annuel, en gros?

M. Fourney : Je pense que la première conséquence serait que je tomberais en mode panique.

Sérieusement, la banque nationale de données génétiques a été dotée dès le départ d'une structure très saine et a été fondée sur le fait que nous pourrions traiter entre 30 000 et 60 000 échantillons avec un effectif complet. Nous n'avons cependant jamais eu un effectif complet. Je pense que nous avons actuellement 24 personnes et qu'on en avait prévu à l'origine 31 ou 33.

Si nous pouvions avoir un effectif complet et si l'équipement que nous avons actuellement était exploité de manière optimale, nous pourrions probablement traiter 60 000 échantillons, étant bien entendu que le budget prévu pour les réactifs et le matériel correspond normalement au traitement de 30 000 à 34 000 échantillons. Nous devrions donc obtenir une rallonge pour passer de 30 000 à 60 000. C'est comme quand vous utilisez votre voiture : si vous voulez aller plus loin, vous devez acheter plus d'essence, mais vous n'êtes pas obligé d'acheter une nouvelle voiture.

Une fois qu'on dépasse 60 000 échantillons, on change complètement de situation du point de vue de la conservation, du traitement et de la logistique. On change même d'ordre de grandeur pour les locaux. Ce qui est plus important, c'est que nous voudrions maintenir le même niveau de qualité. J'attire l'attention des sénateurs sur le fait qu'il n'y a pas de délai pour le traitement d'échantillons du fichier des condamnés. Ils sont régulièrement traités dans un délai de cinq jours. Nous avons réussi à maintenir cette norme. Avec la modification de la loi, nous sommes passés de 18 000 échantillons il y a un an à 34 000 aujourd'hui. C'est un grand changement auquel nous nous sommes adaptés sans changement de personnel ou d'équipement.

Au-delà de 60 000 échantillons, nous serions obligés d'envisager de nouveaux types d'équipements et, éventuellement, d'engager du personnel. Certes, l'automatisation et la robotisation du chargement des machines devraient permettre de réduire dans une certaine mesure l'accroissement de personnel nécessaire. Nous consultons actuellement des collègues du ministère de la Justice en considérant que, si les choses changent, nous devrons prévoir des coûts supplémentaires. Nous travaillons là-dessus en ce moment même.

Le vice-président : D'aucuns semblent vouloir élargir l'utilisation et la disponibilité des informations de la banque de données, comme l'a dit le sénateur Boisvenu. Vous serait-il possible de nous donner une idée de la rallonge budgétaire qu'exigerait l'adoption de la recommandation du comité permanent de la Chambre? Ce serait de quel ordre pour votre budget annuel?

M. Fourney : Ce n'est pas tellement une question de budget annuel. Supposons qu'on passe à 100 000 échantillons. L'an dernier, nous en avons traité 34 000. Dans notre rapport annuel, nous disons que le traitement d'un échantillon coûte 107 $.

Le vice-président : Dans le rapport annuel de 2008-2009 du comité consultatif de la banque nationale de données génétiques, à la page 9, on évoque une étude d'efficacité de la banque réalisée en 2006. Un rapport avait été préparé par le ministère de la Justice, intitulé Étude nationale sur l'utilisation des ordonnances de prélèvement des empreintes génétiques rendues par les tribunaux de juridiction criminelle pour adultes. Nous n'avons pas réussi à mettre la main dessus. Pourriez-vous nous en fournir un exemplaire?

Merci beaucoup d'avoir comparu devant le comité. La séance a été extrêmement intéressante, surtout pour les nouveaux membres du comité. Pour ceux d'entre nous qui étions là l'an dernier, cela nous a fort utilement rafraîchi la mémoire.

Je rappelle aux membres du comité que nous accueillerons demain à 9 h 30 des représentants des laboratoires du Québec et de l'Ontario. Quelqu'un peut-il présenter une motion d'ajournement?

Le sénateur Joyal : Je propose l'ajournement.

Le vice-président : Merci.

(La séance est levée.)


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