Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Affaires juridiques et constitutionnelles
Fascicule 1 - Témoignages du 18 mars 2010
OTTAWA, le jeudi 18 mars 2010
Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles se réunit aujourd'hui, à 10 h 36, pour étudier les dispositions et l'application de la Loi sur l'identification par les empreintes génétiques (L.C. 1998, ch. 37).
Le sénateur Joan Fraser (présidente) occupe le fauteuil.
[Traduction]
La présidente : Je vous souhaite la bienvenue à cette séance du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles.
[Français]
Nous poursuivons notre étude de la Loi sur l'identification par les empreintes génétiques, qui est en vigueur depuis l'an 2000. Nous avons commencé notre étude et notre révision de ce projet de loi l'année dernière. Nous poursuivons cette année, suite à un ordre du Sénat adopté le 16 mars dernier.
[Traduction]
Ce matin, nous avons le grand privilège d'entendre des experts du ministère de la Sécurité communautaire et des Services correctionnels du gouvernement de l'Ontario, soit M. Anthony Tessarolo, directeur du Centre des sciences judiciaires, et M. Jonathan Newman, directeur adjoint du même organisme.
[Français]
Du Québec, nous recevons, du Laboratoire de sciences judiciaires et de médecine légale, M. Bob Dufour, directeur général et M. Frédérik Laberge, directeur de la biologie et de l'administration.
Si j'ai bien compris, vous vous êtes entendus pour que M. Dufour commence et ensuite, nous allons entendre M. Tessarolo. Monsieur Dufour, bienvenue au Sénat.
Bob Dufour, directeur général, Laboratoire de sciences judiciaires et de médecine légale : Merci beaucoup. Madame la présidente, le document que je vais vous lire a été rédigé par le Laboratoire de sciences judiciaires et de médecine légale. Il donne de l'information sur des questions qui, selon les représentants québécois dans le domaine des sciences judiciaires, pourraient intéresser le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles.
À Montréal, en 1914, le gouvernement du Québec créait le premier laboratoire d'expertise judiciaire en Amérique du Nord. Aujourd'hui, le Laboratoire de sciences judiciaires et de médecine légale, sous la responsabilité du ministère de la Sécurité publique du Québec, est à l'image des laboratoires judiciaires modernes d'expertise scientifique. Nos domaines d'activités sont la toxicologie, la biologie et l'ADN, les documents et les écritures, la chimie, les incendies et les explosions, la balistique, le génie électronique et informatique, la médecine légale et la certification et la vérification des appareils de jeu.
La mission de notre laboratoire est de réaliser des expertises objectives pour soutenir et éclairer l'administration de la justice au point de vue scientifique. Il s'agit de procéder à des expertises en science judiciaire et en médecine légale pour l'administration de la justice et le soutien aux enquêtes policières et judiciaires.
Au Canada, seuls le Québec et l'Ontario ont des laboratoires de science judiciaire qui font leurs propres analyses d'ADN. Les autres provinces et territoires font effectuer leurs analyses par le Laboratoire de sciences judiciaires de la Gendarmerie Royale du Canada.
Le Laboratoire de sciences judiciaires et de médecine légale a pour responsabilité d'effectuer les analyses biologiques des échantillons biologiques recueillis sur les lieux de crime par la police sur le territoire québécois.
Les profils génétiques obtenus suite à ces analyses sont versés au fichier criminalistiques de la Banque nationale de données génétiques aux fins de comparaison avec le fichier des condamnés et avec les autres profils génétiques versés dans le fichier criminalistique.
Le Laboratoire de sciences judiciaires et de médecine légale est la seule organisation autorisée à alimenter le fichier criminalistique pour les profils génétiques recueillis sur les lieux de crime au Québec.
Les ordonnances de prélèvement ADN d'un condamné par les cours de justice du Québec sont exécutées par la police québécoise et sont ensuite envoyées directement à la Banque nationale de données génétiques pour la réalisation des analyses biologiques et la consignation du profil génétique au fichier des condamnés.
Le Laboratoire de sciences judiciaires et de médecine légale n'intervient pas concernant la mise à jour du fichier des condamnés.
Le Laboratoire de sciences judiciaires et de médecine légale consacre 5,7 millions de dollars par année incluant les frais fixes et dispose de 50 employés à temps complet pour réaliser son mandat concernant les analyses biologiques en ADN.
Malgré ces ressources extrêmement limitées, au 30 mars 2009, le Laboratoire de sciences judiciaires et de médecine légale a versé au fichier criminalistique plus de 15 674 profils génétiques, soit une contribution représentant plus de 32,6 p. 100 de la contribution totale de 48 227 profils génétiques.
L'Ontario a contribué, à cette date, à plus de 18 898 profils génétiques pour une contribution de 39,1 p. 100 et les laboratoires de la Gendarmerie royale du Canada ont contribué pour 13 655 profils génétiques pour un pourcentage de contribution de 28,3.
Lors des négociations concernant la création de la Banque nationale de données génétiques et la participation du Québec à ce programme national, il avait été entendu que le gouvernement fédéral participerait au financement des coûts générés par l'administration des nouvelles activités reliées au fonctionnement de la Banque nationale de données génétiques.
Depuis août 1999, le Québec a conclu deux ententes de financement des analyses biologiques afin de contribuer au fichier criminalistique de la Banque nationale de données génétiques.
Une première entente, signée le 12 août 1999, d'une durée de trois ans, soit du 1er avril 1999 au 31 mars 2002, prévoyait une reconduction automatique aux mêmes conditions pour une période supplémentaire d'un an ou jusqu'à ce qu'une nouvelle entente soit négociée entre les parties, conformément à cette clause. L'échéance de l'entente a été reconduite au 31 mars 2003.
Selon les termes de cette entente, le gouvernement fédéral remboursait au Québec 20 p. 100 du coût moyen des dossiers d'analyses biologiques complétés par le Laboratoire de sciences judiciaires et de médecine légale. Ce coût moyen a été établi par une firme comptable, en septembre 1999, à 2 645 $. La contribution fédérale par dossier était donc de 529 $, c'est-à-dire 20 p. 100 de 2 645 $.
Une deuxième entente d'une durée de trois ans, du 1er avril 2003 au 31 mars 2006, comprenant un prolongement automatique pour une année supplémentaire, 2006-2007, a été conclue en 2004.
En vertu de cette entente, le Canada remboursait au Québec la somme de 771,76 $ pour chaque dossier d'analyse biologique complété par le Laboratoire de sciences judiciaires et de médecine légale pour une infraction désignée au sens de l'article 487.04 du Code criminel, jusqu'à concurrence de 11 311 dossiers d'analyses biologiques.
Ce montant de 771,76 $ représentait 23,3 p. 100 du coût moyen admissible pour le traitement d'un dossier d'analyses biologiques.
Au 31 mars 2007, le Laboratoire de sciences judiciaires et de médecine légale a réalisé toutes ses obligations concernant ces ententes.
Depuis le 31 mars 2007, le gouvernement du Québec essaie, par la négociation, d'obtenir un financement adéquat et à long terme concernant sa participation importante au programme de la Banque nationale de données génétiques.
Afin de prolonger le financement des activités biologiques jusqu'à la conclusion des négociations sur une nouvelle entente à long terme, le gouvernement du Canada et le gouvernement du Québec concluaient, en juillet 2008, une entente intérimaire de partage des coûts de la réalisation des analyses biologiques. Cette entente prévoit le versement au Québec d'une contribution fédérale de 2,3 millions de dollars pour chacune des années financières 2007-2008 et 2008-2009.
La négociation de l'entente à long terme est particulièrement ardue puisque le gouvernement fédéral a refusé jusqu'à maintenant de bonifier la contribution financière qu'il octroyait dans le cadre de l'entente intérieure, alors que l'adoption de nouvelles lois fédérales, C-13 et C-17, le 1er janvier 2008, vient s'ajouter à la charge de travail du Laboratoire de sciences judiciaires et de médecine légale. Le Québec devrait ainsi recevoir plus de 1 500 dossiers d'ADN de plus par année sans aucune compensation financière additionnelle. À ce titre, une nouvelle infrastructure, l'ajout d'équipements spécifiques, ainsi que des ressources additionnelles s'avèrent indispensables afin de se conformer à cette nouvelle législation. Cette problématique fait l'objet de représentations constantes auprès des autorités fédérales.
Le gouvernement fédéral a relancé les travaux du Groupe de travail fédéral-provincial-territorial sur l'ADN, en avril 2008, afin d'élaborer un plan de travail pour le renouvellement des ententes sur les analyses biologiques avec les provinces et territoires.
Une proposition de plan de travail a été présentée aux sous-ministres fédéraux-provinciaux-territoriaux responsables de la justice et de la sécurité publique en juin 2008.
Selon l'approche proposée, les étapes du plan de travail sont les suivantes : un plan de travail à court terme de 6 à 12 mois visant à déterminer les coûts réels des analyses ainsi que la capacité actuelle des laboratoires et, également, à évaluer l'augmentation de la charge de travail découlant de l'entrée en vigueur des lois C-13 et C-18.
Également un plan de travail à long terme de 18 à 24 mois visant à examiner la manière dont les analyses génétiques sont utilisées par les partenaires internationaux, la possibilité d'utiliser de manière plus efficiente cette technologie dans le système judiciaire et les coûts qui y sont liés et divers modèles de prestation de service et de partage des coûts.
Le Québec s'est objecté à cette approche, indiquant qu'il avait accepté l'entente intérimaire 2007-2009 sur la base qu'il devait y avoir des négociations sérieuses d'amorcées dès 2008-2009 et qu'il ne pouvait se permettre d'attendre deux ans de plus au même niveau de financement. Le Québec a également insisté sur le caractère national du programme et sur la contribution essentielle du Québec et de l'Ontario à la Banque nationale des données génétiques, compte tenu de leur contribution de plus de 72 p. 100 des profils génétiques versés au fichier criminalistique de la Banque nationale des données génétiques.
En août 2008, le gouvernement fédéral a mandaté Service Conseil Canada pour réaliser une étude des coûts et de la capacité des trois laboratoires canadiens. Le Laboratoire des sciences judiciaires et de médecine légale, le Centre of Forensic Sciences de l'Ontario et le Laboratoire de la Gendarmerie royale du Canada.
Cette étude devait servir de base de négociations pour la nouvelle entente de financement des analyses biologiques. Le dépôt du rapport était prévu à la fin de décembre 2008 et il a été déposé le 30 novembre 2009. Vous en avez des copies que nous avons laissées à la greffière pour que vous puissiez en prendre connaissance.
Ce document fait état de la capacité des coûts et de la capacité liée aux services d'analyses biologiques des laboratoires médicaux légaux au Canada.
À ce jour, aucune autre négociation n'a été entreprise entre les parties et pour arriver à une entente sur le financement des analyses biologiques.
Le gouvernement fédéral a conclu, au même moment, des ententes sur les analyses biologiques avec les autres provinces et territoires qui utilisent les services des laboratoires judiciaires de la Gendarmerie royale du Canada.
La position du Québec vis-à-vis la Banque nationale de données génétiques; depuis la création de la Banque nationale de données génétiques, plus de 11 500 concordances ont été réalisées et ainsi aidé les enquêtes policières à la résolution de crimes.
Le succès de ce programme dépend essentiellement de l'alimentation et de la mise à jour du fichier criminalistique et du fichier des condamnés.
Le Québec, par la voie du Laboratoire de sciences judiciaires et de médecine légale, contribue activement au développement de la Banque nationale des données génétiques. À ce jour, 32 p. 100 des profils génétiques, qui ont été versés au fichier criminalistique de la Banque nationale de données génétiques, proviennent du Laboratoire de sciences judiciaires et de médecine légale.
Cette contribution pourrait être encore plus importante si le financement fédéral permettait de réaliser l'ensemble des analyses biologiques demandées par les corps de police du Québec lors des enquêtes criminelles.
Faute de financement adéquat, le Laboratoire de sciences judiciaires et de médecine légale n'est pas en mesure actuellement de réaliser les analyses biologiques des infractions identifiées en vertu des lois C-13 et C-18. Cette situation a pour conséquence de diminuer considérablement les effets positifs du programme de la Banque nationale de données génétiques au Canada.
Afin de régulariser cette situation et ainsi permettre d'obtenir des résultats optimaux de la Banque nationale de données génétiques, le gouvernement fédéral doit assumer une plus grande responsabilité concernant le financement de ce programme national; et ce en octroyant le financement nécessaire pour effectuer la totalité des analyses des dossiers d'infractions désignées, tout en tenant compte de l'impact des lois C-13 et C-18 et également de la demande réelle des analyses biologiques à réaliser par les laboratoires canadiens.
Hier, nous avons reçu une copie d'un décret qui a été adopté par le conseil des ministres au Québec. Je vais vous le lire parce que ce n'est qu'une page :
Décret concernant l'approbation de l'Entente entre les analyses biologiques entre le gouvernement du Canada et le gouvernement du Québec
Il y est dit :
Depuis l'entrée en vigueur, en 2000, des dispositions de la Loi sur l'identification par les empreintes génétiques (L.C. 1998, c. 37), les corps de police au Canada peuvent bénéficier des services de la Banque nationale de données génétiques. La Gendarmerie Royale du Canada est responsable de la financer et de l'administrer.
La Banque nationale de données génétiques est constituée de deux fichiers, le fichier des condamnés et le fichier de criminalistique. Le fichier des condamnés contient les profils génétiques des contrevenants, profils susceptibles d'aider les organismes chargés de l'application de la loi à identifier les auteurs présumés de diverses infractions et de leur fournir des pistes d'enquête. Le fichier de criminalistique contient des renseignements à caractère génétique provenant de scènes de crimes non résolus. Les échantillons de ce fichier proviennent des huit laboratoires de sciences judiciaires du Canada, à savoir les six de la GRC, celui de l'Ontario et le Laboratoire de sciences judiciaires et de médecine légale du Québec.
Les corps de police du Canada utilisent la Banque nationale de données génétiques, notamment afin d'améliorer l'administration de la justice en contribuant à l'identification des auteurs de crimes graves et en permettant de disculper toute personne innocente.
Afin d'assurer le financement des dossiers d'analyses biologiques, une entente approuvée par le décret no 702-2008 du 25 juin 2008 est intervenue entre le gouvernement du Canada et le gouvernement du Québec pour la période du 1er avril 2007 au 31 mars 2009.
Le gouvernement du Canada et le gouvernement du Québec se sont entendus pour conclure une nouvelle entente pour la période du 1er avril 2009 au 31 mars 2010 qui comporte les mêmes modalités financières que la précédente.
En vertu de cette entente, le Canada versera au Québec un montant forfaitaire annuel de 2 277 953 $ en 2009-2010 pour les coûts des analyses biologiques.
En échange de la contribution financière du Canada, le Québec s'engage notamment à soumettre au fichier de criminalistique de la Banque nationale de données génétiques, tous les profils d'identification génétique complétés concernant les infractions désignées définies dans le Code criminel, pour l'exercice financier 2009-2010, qui répondront aux critères du fichier de criminalistique, tels que définis dans la Loi sur l'identification par les empreintes génétiques.
Au cours des négociations, le Québec a fait valoir que la contribution fédérale en vertu de la présente entente est insuffisante puisqu'elle est demeurée au même niveau depuis 2006 et qu'elle ne reflète pas l'augmentation du nombre de dossiers d'analyses biologiques devant être traités par le Laboratoire de sciences judiciaires et de médecine légale à la suite de la création de nouvelles infractions désignées en vertu des nouvelles lois fédérales.
En 2008, Sécurité publique Canada a demandé à un comité d'évaluer l'impact de ces nouvelles dispositions législatives. Les résultats dévoilés au Québec au terme de cet examen révèlent que le Laboratoire de sciences judiciaires et de médecine légale a une capacité nettement insuffisante pour répondre aux impératifs des nouvelles dispositions législatives et confirment, par conséquent, la nécessité d'accroître significativement les ressources destinées à cette fin. Le Québec est donc disposé à reconduire les termes de l'entente 2007-2009 pour l'exercice financier 2009-2010, mais demandera au gouvernement fédéral d'amorcer rapidement les négociations d'une nouvelle entente à long terme qui reflétera l'augmentation du nombre de dossiers d'analyses biologiques du Laboratoire de sciences judiciaires et de médecine légale, et ce, rétroactivement à l'exercice financier 2008-2009.
Et la recommandation ministérielle :
En conséquence, nous recommandons au Conseil des ministres de prendre le projet de décret ci-joint relatif à l'approbation de l'Entente concernant les analyses biologiques entre le gouvernement du Canada et le gouvernement du Québec, dont le texte sera substantiellement conforme à celui joint à la présente recommandation.
La présidente : Merci beaucoup, monsieur Dufour. Je vais vous demander de remettre ce document à la greffière pour qu'on ait des copies.
[Traduction]
Anthony Tessarolo, directeur, Centre des sciences judiciaires, ministère de la Sécurité communautaire et des Services correctionnels, gouvernement de l'Ontario : Bonjour, honorables sénateurs. Je m'appelle Anthony Tessarolo, et je suis directeur du Centre des sciences judiciaires, à Toronto. J'aimerais vous présenter M. Jonathan Newman, à ma gauche. Il est directeur adjoint du Centre des sciences judiciaires, responsable des services scientifiques.
Nous vous remercions de nous donner l'occasion aujourd'hui de comparaître devant le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles pour discuter des dispositions et de l'application de la Loi sur l'identification par les empreintes génétiques.
En Ontario, le Centre des sciences judiciaires, ou CSJ, offre ses services aux agents de la paix, aux procureurs de la Couronne, aux coroners, aux pathologistes et à d'autres organismes d'enquête. Dans certaines circonstances, nous acceptons même des requêtes des avocats de la défense, et nous sommes d'ailleurs l'un des rares laboratoires gouvernementaux en Amérique du Nord à le faire.
Le CSJ est un ardent défenseur de la Banque nationale de données génétiques. Les dispositions de la Loi sur l'identification par les empreintes génétiques qui portent sur les analyses génétiques à des fins médico-légales ont permis, grâce à notre travail, d'aider à résoudre des crimes, à disculper des innocents et à protéger les Ontariens contre des crimes graves. Toutefois, le Centre des sciences judiciaires pourrait en faire bien davantage.
Une étude récemment effectuée par les services de consultation du gouvernement a confirmé que notre laboratoire fonctionne actuellement à pleine capacité. Ainsi, nous sommes incapables de traiter un grand nombre de dossiers où l'ADN et la Banque nationale de données génétiques pourraient servir à résoudre des crimes.
Permettez-moi de vous expliquer un peu les services que nous offrons. Les services de police de l'Ontario recueillent des éléments de preuve sur les scènes de crime et les envoient à notre laboratoire. Il peut s'agir de prélèvements de fluides corporels, de meubles ou de véhicules. Avant même de procéder à des analyses génétiques, l'expert en criminalistique doit tout d'abord repérer l'échantillon biologique. Il s'agit d'un processus laborieux qui ralentit nos activités et limite notre capacité à effectuer des analyses. Une fois les échantillons adéquats localisés, on élabore des profils d'identification génétique qui sont par la suite téléchargés dans la Banque nationale de données génétiques.
Je tiens à signaler que, bien que nous interagissions, il existe une claire distinction entre ce que nous faisons et les travaux qu'effectuent les responsables de la Banque nationale de données génétiques à Ottawa. Les laboratoires opérationnels de l'Ontario, du Québec et de la GRC utilisent la banque de données génétiques et contribuent à son fichier de criminalistique. Nous sommes des partenaires essentiels puisque, sans nous, il n'y aurait pas de points de comparaison pour les profils des contrevenants.
J'aimerais répondre à trois questions sur la Loi sur l'identification par les empreintes génétiques et sur la banque de données elle-même. Tout d'abord, est-ce que la banque de données fonctionne? Ensuite, que pouvons-nous faire de plus? Finalement, comment peut-on améliorer les choses?
La banque de données fonctionne-t-elle? La réponse est oui, sans équivoque. L'élément clé de sa réussite, c'est le nombre de correspondances entre le fichier des condamnés et le fichier de criminalistique qui peuvent fournir des pistes d'enquête. Rappelons toutefois que lorsqu'un profil est saisi dans le fichier de criminalistique, il fait automatiquement l'objet d'une recherche, pour établir des correspondances avec tous les profils de la base de données. Cette recherche se fait en permanence, pour tous les nouveaux profils. La banque de données fait ce qu'aucune personne ne peut humainement faire : examiner continuellement les profils de criminalistique et ceux des contrevenants pour l'ensemble du pays. Ainsi, l'enquête se poursuit, indépendamment des enquêtes menées par les services de police avec leurs ressources traditionnelles.
Prenons deux exemples qui illustrent bien comment la banque de données génétiques a contribué à faire progresser les enquêtes en Ontario. Le premier exemple montre comment l'élimination de suspects grâce à la banque de données génétiques peut permettre de mieux cibler une enquête.
Une fillette de 10 ans, Holly Jones, est disparue de son quartier, à Toronto. Sa dépouille a été retrouvée quelques jours plus tard, dans le lac Ontario. Pendant l'enquête, les Torontois craignaient pour la sécurité de leurs enfants, et la police a reçu plus de 1 600 appels de citoyens qui avaient des indices à fournir aux enquêteurs. On a obtenu un profil d'ADN à partir de substances trouvées sous les ongles de l'enfant et on l'a comparé aux données du fichier des condamnés, sans succès.
On oublie trop souvent que la banque de données génétiques peut en un instant écarter des milliers de suspects potentiels. Cela permet de mieux cibler les ressources policières et d'éviter que des innocents soient détenus indûment.
On a fini par trouver un suspect, qui a été inculpé. Il a décidé de plaider coupable, et son identification par profil génétique n'est certainement pas étrangère à sa décision. Voilà un exemple de l'effet des analyses d'ADN sur le système judiciaire. Dans de nombreux cas, l'accusé, confronté à la preuve par ADN, choisit de plaider coupable. On épargne ainsi beaucoup en éliminant un procès, et on évite aussi de traumatiser ceux qui participeraient à la procédure.
En 2008, les projets de loi C-13 et C-18 ont apporté des changements, permettant notamment le recours à la banque de données génétiques pour des enquêtes sur de nouvelles infractions. Mon deuxième exemple montre la façon dont ces changements touchent les laboratoires opérationnels et créent pour nous des exigences supplémentaires.
La police régionale de York a saisi 49 kilogrammes d'ecstasy et des articles connexes, dont la valeur totale était de quelques millions de dollars. Des 11 articles envoyés au laboratoire pour examen, quatre profils d'ADN ont été versés dans le fichier de criminalistique. L'enquête a suivi son cours et a donné lieu à un plaidoyer de culpabilité, assorti d'une peine assez lourde de neuf ans et demi. En outre, l'un des profils génétiques correspondait à celui d'un échantillon recueilli sur les lieux d'une tentative de meurtre non résolue, remontant à 2005. Cette enquête se poursuit. Le laboratoire de drogues était directement associé au crime organisé et à ses diverses ramifications internationales.
Grâce aux changements apportés par les projets de loi C-13 et C-18, les policiers peuvent songer à se servir de preuves d'ADN pour d'autres infractions. Malheureusement, en raison de nos ressources limitées, nous ne pouvons pas fournir systématiquement des analyses d'ADN dans les affaires de drogue, même si cela était rentable.
Pourrions-nous en faire davantage? Notre capacité de fournir des analyses d'ADN dans le cadre d'enquêtes policières n'est limitée que par les ressources dont nous disposons. Si nous voulons tirer pleinement parti des dispositions de la Loi sur l'identification par les empreintes génétiques, nous devons avoir accès à des ressources supplémentaires, parce que nous fonctionnons à pleine capacité. L'analyse et la recherche des services de consultation du gouvernement montrent que pour répondre à la demande additionnelle créée par les projets de loi C-13 et C-18, l'Ontario devra accroître sa capacité d'environ les deux tiers.
Avant la banque de données génétiques, il y avait peu d'espoir de résoudre des crimes comme les introductions par effraction. Ces crimes fréquents comptent beaucoup aux yeux des citoyens et contribuent grandement au nombre de données et à l'efficacité de la banque. Ainsi, sachez que lorsqu'un policier nous donne un échantillon tiré d'une introduction par effraction, un profil sur trois correspond à un dossier de contrevenant ou de criminalistique.
Peut-on améliorer le système? Encore une fois, la réponse est oui. Vous savez peut-être que d'autres pays versent dans leurs bases de données le profil de toutes les personnes arrêtées, et vous connaissez les enjeux que cela représente. On vous a aussi dit que le système canadien exige qu'il y ait une intervention judiciaire pour que le profil d'un condamné soit versé à la banque de données, ce qui fait baisser le nombre de profils enregistrés.
Ce ne sont pas des questions sur lesquelles des scientifiques comme nous se prononceront. Disons toutefois cette évidence : plus il y a d'échantillons dans la banque de données, plus elle sera utile. Disons aussi que d'après notre expérience, il serait utile de verser dans la banque de données génétiques le profil des victimes. Nous savons aussi que dans certains cas, les suspects qui font l'objet d'échantillonnages réguliers et qui sont écartés des enquêtes sur les agressions sexuelles sont prêts à fournir d'eux-mêmes des échantillons à la banque de données génétiques.
Nous savons qu'on a envisagé la création d'un fichier des personnes disparues et que cela pourrait être utile, si c'était un fichier national, pour les enquêtes des policiers et des coroners. Ce fichier pourrait être très vaste, très coûteux et d'une valeur probablement limitée à quelques cas. On pourrait toutefois envisager une solution plus limitée, en songeant qu'il est possible de trouver de l'ADN nucléaire à partir d'échantillons tirés de restes humains non identifiés.
En conclusion, l'importance des analyses d'ADN a été reconnue par le gouvernement fédéral et par les provinces, et une loi a été adoptée pour créer la Banque nationale de données génétiques. Cette alliance entre la science et la loi a été utile pour les sciences judiciaires et a permis à notre centre de mieux s'acquitter de son mandat d'appui scientifique à l'administration de la justice et à la promotion de la sécurité publique pour les citoyens de l'Ontario.
La présidente : Voilà deux exposés tout à fait fascinants.
Le sénateur Wallace : J'aimerais mieux comprendre le partenariat entre les laboratoires de l'Ontario, du Québec et de la GRC, ainsi que leurs relations avec la Banque nationale de données génétiques. J'imagine que tous ces laboratoires doivent avoir recours à des pratiques et à des technologies normalisées. Respecte-t-on une norme qui fait l'objet d'une surveillance et d'une vérification de temps à autre? Ai-je raison de le supposer?
M. Tessarolo : Oui, vous avez raison. La réponse à votre question comporte de nombreux volets.
Tout d'abord, chaque laboratoire opérationnel applique un processus interne d'assurance de la qualité. Il faut respecter les normes, et des vérifications internes et externes sont menées pour s'assurer de la conformité.
En outre, il existe bien un partenariat entre les laboratoires opérationnels et la GRC en ce qui concerne les analyses génétiques. La collaboration s'effectue grâce à un groupe de travail scientifique sur l'analyse de l'ADN et ses méthodes, duquel font partie des représentants de la GRC, du laboratoire du Québec et de notre Centre des sciences judiciaires. Ce groupe tient des discussions techniques et scientifiques en vue d'établir des normes et d'optimiser le processus, afin d'interpréter les profils de la même manière et de transmettre à la Banque nationale de données des caractéristiques de ces profils qui soient semblables et bien fondées.
Le sénateur Wallace : Monsieur Dufour, est-ce la même chose au Québec? Vos pratiques sont-elles différentes de celles qui prévalent en Ontario, comme vient de le décrire M. Tessarolo?
[Français]
M. Dufour : Non, pas du tout. Ce sont sensiblement les mêmes normes, les mêmes techniques que nous appliquons. De plus, au Québec, nous sommes en processus pour obtenir notre accréditation d'assurance-qualité ISO 17025 ainsi que l'accréditation comme laboratoire scientifique, et on a fait une démarche supplémentaire afin d'être accrédité comme laboratoire de sciences judiciaires.
C'est donc une norme qui a été mise sur pied par la GRC qui s'appelle CAN-P-1578.
Alors on fait a des vérifications externes durant l'été et l'automne derniers. Ça s'est très bien passé. On attend les accréditations au début de cette année. Il y a aussi beaucoup d'échanges avec le laboratoire de l'Ontario et de la GRC quant aux techniques et aux façons de travailler.
[Traduction]
Le sénateur Wallace : De toute évidence, il est primordial que les analyses génétiques soient fiables, puisqu'elles peuvent bouleverser des vies. Je suis certain que vous vous tenez au courant des pratiques adoptées dans les laboratoires semblables aux vôtres ailleurs dans le monde. J'imagine que vous êtes toujours à l'affût, sur la scène internationale, des meilleures pratiques et des nouvelles technologies.
Compte tenu de ce qui se passe dans d'autres pays, si vous vouliez apporter des améliorations dans votre province, le feriez-vous unilatéralement, ou devriez-vous en arriver à un consensus entre les responsables des trois laboratoires partenaires et de la banque de données avant de troquer vos pratiques et vos technologies pour celles glanées sur la scène internationale?
M. Tessarolo : C'est une excellente question. En ce qui concerne les pratiques, la comparaison et la communication avec d'autres pays permettent amplement de cerner des améliorations éventuelles aux processus. Celles-ci ne supposent pas nécessairement le remplacement de la technologie. Il peut s'agir uniquement de la façon d'effectuer les analyses, ou de l'ordre dans lequel les éléments de preuves sont examinés.
Chaque laboratoire applique son propre processus pour évaluer et valider les nouvelles techniques. Il faut être pleinement conscient des limites des nouvelles techniques pour en comprendre les répercussions et pour garantir l'exactitude et la précision. Ce processus est appelé « validation ».
C'est exactement de ce genre de chose dont discute le groupe de travail scientifique. Ainsi, on peut en faire part à d'autres laboratoires, dans l'espoir de trouver une pratique exemplaire.
Quant à la technologie elle-même, nous avons convenu d'une norme concernant le type et le nombre de sites d'ADN, par exemple, pour lesquels nous effectuons des analyses dont les résultats seront ajoutés à la Banque nationale de données génétiques. C'est plus ou moins établi. On ne peut y apporter des changements qu'après consultation des partenaires et avec leur pleine et entière collaboration.
Quant à l'amélioration des processus internes de chacun des laboratoires, on est maître chez soi, mais on incite les laboratoires à mettre leurs pratiques en commun.
Le sénateur Wallace : Monsieur Dufour, pourriez-vous nous donner le point de vue du Québec?
[Français]
Frédérick Laberge, directeur, Biologie et administration, Laboratoire de sciences judiciaires et de médecine légale : Si l'on veut transmettre l'information de la Banque nationale des données génétiques, il faut respecter un minimum de standards. Les trois laboratoires canadiens ont les mêmes standards et utilisent les mêmes technologies. Au Québec, on crée de nouvelles technologies et on suit les avancées technologiques à l'échelle internationale, notamment en Europe, pour demeurer à jour. La Banque nationale des données génétiques amène un effet d'encrage au plan des technologies puisqu'on a mis plus de 150 000 profils génétiques dans ces fichiers. Vouloir changer de technologie deviendrait peut-être compliqué, car il faudrait convertir les informations.
[Traduction]
Le sénateur Wallace : Dans vos laboratoires, parmi les vérifications qui ont été effectuées, certaines ont-elles critiqué les pratiques que vous suiviez ou laissé entendre qu'elles devaient être améliorées?
Par exemple, j'ai constaté que le vérificateur général de l'Ontario avait formulé une série de recommandations en 2007 concernant le laboratoire de cette même province. Il semble que la plupart de ces recommandations portaient sur le temps de traitement. Rien ne semble miner la fiabilité des pratiques en cours. A-t-on suggéré ou recommandé de modifier certaines pratiques afin de garantir la fiabilité des résultats des laboratoires?
[Français]
M. Laberge : Au plan technologique, on contribue à un programme d'assurance-qualité, et c'est plus à l'interne que ce programme est structuré. Il est soumis à l'accréditation. On a une accréditation reconnue internationalement ISO-1025 et, en plus, le CAN-P-1578, qui est une norme canadienne au niveau des sciences judiciaires. Alors on doit respecter ces normes, ce qui assure la qualité de nos techniques et de notre technologie du point de vue scientifique. Du point de vue administratif, en ce qui concerne les délais ou la performance, on n'a pas eu de vérification externe au laboratoire, mais on travaille très fort à minimiser les délais et à améliorer les processus. Malheureusement, cela demande des efforts et des ressources additionnelles pour aller encore plus loin.
[Traduction]
M. Tessarolo : Sénateur, comme vous l'avez dit, le vérificateur général de l'Ontario a effectué une vérification du Centre des sciences judiciaires et il a publié son rapport en 2007. Il a formulé cinq recommandations à l'égard des processus au sein de l'organisation.
L'un des points sur lesquels il nous a félicités, sans fournir de recommandation, était la qualité. Il s'est dit convaincu que de bonnes pratiques étaient en place pour garantir une grande qualité, et il a ajouté que les clients du centre avaient tout aussi confiance dans la qualité de notre travail. Il a considéré qu'aucune recommandation n'était justifiée à cet égard.
Le sénateur Runciman : Le laboratoire de l'Ontario a-t-il maintenant la certification ISO?
M. Tessarolo : Oui.
Le sénateur Runciman : J'ai remarqué dans un rapport — je pense que c'était l'un de ceux du vérificateur — que lorsqu'il était question du temps de traitement, les introductions par effraction étaient exclues. J'imagine que c'est parce que dans ces cas, le temps d'attente est considérable avant qu'une analyse soit effectuée. Est-ce le cas?
M. Tessarolo : Non, les introductions par effraction sont exclues, parce qu'il s'agit d'affaires relativement simples ne présentant qu'un ou deux éléments en général. On peut les traiter rapidement. Par contre, si on les intégrait à d'autres données, elles pourraient les fausser.
Le sénateur Runciman : Vous avez parlé de l'autre demande qui vous a été imposée par les deux provinces en ce qui a trait aux projets de loi C-13 et C-18, qui vous obligerait à accroître votre capacité d'environ deux tiers. Étant donné que la loi a élargi la portée, y a-t-il une obligation de la part des provinces à cet égard?
M. Tessarolo : C'est une question intéressante. La loi vise l'ajout de 172 infractions admissibles dont les éléments de preuve recueillis dans le cadre de l'enquête liée à ces affaires pourraient être examinés, et les profils d'ADN générés à partir de ces éléments pourraient être ajoutés à la banque de données. Toutefois, à savoir si nous avons le mandat de réaliser les travaux dans ce domaine relève plus d'une question de politique que d'une question scientifique, et je ne suis pas certain de pouvoir y répondre.
Le sénateur Runciman : Hier, des représentants de la GRC ont comparu devant le comité. J'étais curieux de savoir, dans les provinces desservies par la GRC, quels sont les types de services que vous assurez dans l'ensemble du Canada. Je pense qu'on a dit que les provinces et territoires versaient 3,9 millions de dollars. Cette somme m'a semblé satisfaisante. La GRC a répondu : « Eh bien, nous avons une entente avec le Québec et l'Ontario dans le cadre de laquelle nous leur payons une partie des frais pour compenser les coûts ». Vous avez dit tous les deux que la compensation ne suffit pas à répondre à vos besoins.
J'aimerais avoir votre avis à tous les deux sur ce point. Comparons des pommes avec des pommes. Si nous examinons les 3,9 millions de dollars facturés, si vous voulez bien, par rapport à d'autres autorités, et que nous comparons ce montant avec les fonds qui vous sont remis en guise de compensation en quelque sorte, qu'en pensez-vous? Quels sont les contrastes? En outre, il y a la question d'équité envers les contribuables de vos provinces.
M. Tessarolo : Je vais apporter une distinction relativement au financement. Les fonds que vous avez évoqués, c'est-à-dire la portion décrite par M. Dufour, les 20 p. 100 de ces coûts qui sont attribués à la province, c'était pour les travaux réalisés avant les changements à la loi. La demande de fonds supplémentaires découlant du contrat de services de consultation du gouvernement porte sur du travail supplémentaire lié à l'ajout récent de 172 infractions. J'estime qu'il s'agit de deux éléments distincts.
Le sénateur Runciman : Je parlais de l'application de la facturation à l'utilisateur pour des services aux autres provinces comparativement au type de rémunération que vous recevez. Est-ce suffisant si vous examinez la situation dans son ensemble?
[Français]
M. Dufour : Ce n'est pas la même chose. Le financement n'est pas du même type. Par rapport au financement dont je vous ai parlé plus tôt, l'entente de trois ans plus la reconduction d'un an où on devait livrer 11 231 dossiers pour 8,3 millions de dollars, cela donnait l'équivalent de 3 500 dossiers par année qu'on livrait à autour de 771 $ le dossier. Quand les projets de loi C-13 et C-18 ont été adoptés, cela a représenté un accroissement de dossiers pour nous, l'Ontario et la GRC qu'on évaluait à environ 1 000 à 1 500 dossiers supplémentaires. Sécurité publique Canada a fait une évaluation des coûts, du personnel supplémentaire et du budget nécessaire pour mettre en application les projets de loi C-13 et C-18 parce qu'on élargissait la fourchette et plus de dossiers rentraient. Selon cette évaluation, nous aurions besoin de 35 personnes de plus, de l'équipement supplémentaire et de plus d'argent, le tout représentant une somme de 3,9 millions de dollars.
Le financement des laboratoires de la GRC, des autres provinces, du Québec et de l'Ontario est différent. Les provinces paient l'Ontario pour les analyses biologiques.
Alors que la GRC paie les laboratoires de l'Ontario et du Québec, car nous en avons un alors que les autres provinces n'en ont pas. Elles utilisent celui de la GRC. Le financement ne se fait pas de la même façon. Nous avons l'équipement, un laboratoire et du personnel et tout ce qu'il faut pour faire des analyses. L'entente conclue à raison de 771 $ le dossier était que plus on mettait de dossiers dans la banque de données, plus il revenait de l'argent. L'Ontario et le Québec fournissent 72 p. 100 des dossiers pour la Banque nationale des données génétiques. Le financement des provinces et celui du Québec et de l'Ontario sont deux choses séparées.
[Traduction]
Le sénateur Runciman : Je pense que c'est la vérificatrice générale fédérale qui a parlé de temps de traitement et qui a évoqué les laboratoires privés en Grande-Bretagne. J'imagine que la Grande-Bretagne fait appel à un fournisseur du secteur privé. Leurs temps de traitement, il y a quelques années, étaient considérablement mieux que les nôtres. Vos différentes organisations ont-elles déjà fait une analyse pour trouver la source du problème?
M. Tessarolo : Cela a déjà été évoqué par le vérificateur général de l'Ontario dans son rapport sur le Centre des sciences judiciaires. En fait, il avait utilisé les mêmes données.
Il y a des différences de marché sur la façon dont on fait la criminalistique au Canada et au Royaume-Uni. Ce dernier fait affaire avec un système totalement privé à l'heure actuelle, ce qui présente certains avantages ainsi que des préoccupations.
Afin de vous donner davantage de détails, je vais céder la parole à M. Newman, qui a de l'expérience directe avec le système britannique.
Jonathan Newman, directeur adjoint, Centre des sciences judiciaires, ministère de la Sécurité communautaire et des Services correctionnels, gouvernement de l'Ontario : Vous pouvez probablement dire en raison de mon accent que j'ai de l'expérience préalable. En fait, j'ai commencé ma carrière en sciences judiciaires dans un laboratoire de Scotland Yard à Londres, en Angleterre, et je suis venu au Canada juste avant que ce laboratoire ne soit absorbé dans un système privé appelé Forensic Science Service.
Après avoir discuté avec nos collègues et essayé de comparer les opérations judiciaires d'analyse de l'ADN au Canada et au Royaume-Uni, pour être le plus simple possible, je dirais que le Royaume-Uni a de plus vastes opérations. Les fonds disponibles pour des tests d'analyse génétique au Royaume-Uni sont beaucoup plus importants qu'ici. Le nombre de scientifiques affectés aux analyses génétiques est également beaucoup plus important au Royaume-Uni qu'ici.
En fin de compte, même si on paie le système de laboratoires privés pour qu'il génère des profils d'ADN, les fonds proviennent du Home Office, du gouvernement, par l'entremise des fonds affectés aux services de police, qui paient pour l'analyse génétique. Essentiellement, la raison pour laquelle ils peuvent traiter les échantillons plus rapidement qu'on ne peut le faire au Canada, c'est qu'on investit davantage dans les tests d'analyse génétique là-bas qu'on ne le fait ici au Canada.
[Français]
M. Laberge : On a visité le FSS en 2007. Leur capacité à cette époque représentait un million d'analyses possibles alors qu'ils en sortaient à peu près 600 000 par année. Ils ont une surcapacité. Effectivement, ils ont beaucoup de ressources pour faire les analyses, ce qui permet d'amoindrir les délais de façon considérable.
Pour notre part, par rapport à l'étude de Service Canada, la capacité n'est pas là au Québec, ni en Ontario; elle n'est même pas là à la GRC.
M. Dufour : Il faut savoir qu'en Angleterre les lois ne sont pas pareilles. Comme le dit la littérature, les gens fichés dans les banques de données représentent 5,7 p. 100 de la population. C'est peut-être le pays où on compte le plus de gens fichés dans les banques de données. Au Canada, c'est 0,7 ou 0,8 p. 100. Il s'agit d'une approche très différente qui est acceptée par la population.
Prenons l'exemple d'une personne exonérée d'une accusation. Ici, son dossier serait retiré de la banque de données en vertu des chartes. Là-bas, il serait conservé. Ils ont une tarification et le client qui paie veut obtenir des résultats rapidement.
Le sénateur Carignan : Bienvenu au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles. J'ai pu voir la qualité et les installations du laboratoire du Québec. Je vois dans l'examen des coûts et de la capacité des analyses faits par le gouvernement du Canada, des études comparatives pour chacun des échantillons entre chacun des laboratoires.
On réalise qu'au Québec le coût est le plus bas par échantillon, mais que le délai de traitement est aussi le plus long. J'ai vu une conclusion où le Québec a atteint son caractère optimal par rapport à sa capacité efficiente de rendre un service. Vous parliez de sous-financement. Quelle serait l'importance des sommes qui devraient être versées par le gouvernement du Canada au Québec pour compenser ce sous-financement? Quels sont les principaux investissements que vous feriez pour optimiser les services du laboratoire?
Hier on a entendu des gens de la GRC qui étaient sur le point d'installer de nouveaux séquenceurs qui devaient augmenter la productivité de façon importante. Est-ce le genre d'équipement que le laboratoire songe à installer?
M. Laberge : Dans l'examen des coûts et des capacités, tout cela est détaillé. Cela a été fait en 2008, on avait alors évalué, pour les budgets d'opération, 3,9 millions supplémentaires. Actuellement, au Québec, on dépense environ 6 millions de dollars pour l'ADN. Avec 3,9 millions de plus, on serait en mesure de diminuer de façon significative nos délais, ainsi que de répondre aux exigences des projets de loi C-13 et C-18 qui sont entrés en vigueur le 1er janvier 2008.
En ce qui concerne les équipements — les séquenceurs et la robotique —, il y aurait quand même un budget en capital additionnel de près de 870 000 dollars. On a beaucoup développé sur le plan de la robotique. Toutes nos opérations sont robotisées, ce qui a amené une optimisation au niveau de notre performance de façon significative. On est rendu à pleine capacité sur le plan de ces technologies, il faudrait les doubler pour avoir une meilleure performance. Donc pour le Québec, avec environ 10 millions de dollars, on serait en mesure de rattraper notre retard.
Comme M. Dufour l'a dit tout à l'heure, cela implique des personnes additionnelles. Sur le plan technique, on est capable de faire les choses, on rajoute quelques techniciens. Cependant, on a besoin d'experts pour faire l'analyse des résultats. Il faut une intervention humaine car on ne peut pas robotiser cela. C'est là où il faut investir pour pouvoir traiter davantage de dossiers.
Le sénateur Carignan : Selon vous, quels sont les montants provenant du gouvernement fédéral qui seraient une juste compensation? Je comprends que c'est le budget global du laboratoire que vous déposez à la présidente du Conseil du Trésor.
M. Laberge : Les projets de loi C-13 et C-18 vont amener à peu près 11 000 nouvelles analyses pour le Québec, c'est un minimum. La position du Québec est de dire que cela devrait être financé à 100 p. 100.
Le sénateur Carignan : Pour les nouvelles demandes?
M. Laberge : Oui.
M. Dufour : En plus des coûts dont on vient de parler, il y a la question des pieds carrés, il est certain que cela va nécessiter plus d'espace. Il y a une expression qu'on entend souvent dans les administrations publiques, soit « agrandir par en dedans ». De notre côté, nous en sommes maintenant à la limite. S'il y a 35 personnes de plus qui viennent travailler en biologie, cela va nous prendre de l'espace supplémentaire. Nous avons déjà entrepris des démarches pour ce faire. On a élaboré un plan d'affaires pour le laboratoire, basé sur trois, cinq ou 10 ans, pour faire connaître nos perspectives. Il s'agit d'un plan d'affaires élaboré avec des enquêteurs, des gens des services d'identité judiciaires, des procureurs de la Couronne et des coroners. Sur trois ans, si on veut rendre les services pour lesquels on est mandaté, cela prendrait au moins 60 personnes de plus afin d'arriver dans les délais, tout cela à l'intérieur de 90 jours. Évidemment, il y a la question de pieds carrés. On parle de 2 100 mètres carrés pour être capable d'accueillir tout ce monde. On a entrepris des démarches auprès du ministère de la Sécurité publique pour aller chercher ces pieds carrés.
Le sénateur Carignan : Ma dernière question s'adresse aux deux parties. Si vous aviez à cibler des modifications au niveau de la loi en tant que telle, quelle devrait être la priorité? Par exemple, l'échange d'échantillons, l'élargissement de l'éventail d'échantillons pris, l'ajout des victimes ou des parties de corps humain ou la réduction des éléments de bureaucratie ou d'ordonnance de juge. Quels seraient les principaux éléments à cibler pour améliorer l'efficience, non pas du laboratoire nécessairement, mais de la recherche de coupables?
M. Laberge : Présentement, on a élargi les infractions désignées par les projets de loi C-13 et C-18. Ce qui, possiblement, pourrait améliorer les choses, serait de ne pas faire de distinction. Tous les crimes en vertu du Code criminel pourraient être assujettis. Ne pas essayer de faire une distinction entre une infraction dite primaire, où on ordonne automatiquement le prélèvement, et une infraction dite secondaire, où le juge va décider si on ordonne le prélèvement ou non. Déjà, cela viendrait augmenter le nombre de personnes qui sont reconnues coupables de ces crimes. Ce serait versé dans le fichier des condamnés.
Si vous augmentez le nombre dans le fichier des condamnés, la performance de la banque devrait suivre. Naturellement, pour le fichier criminalistique, il faudrait pouvoir verser tous les profils que les enquêteurs nous amènent et traiter tous ces dossiers, même les dossiers mineurs et les introductions par effraction. Selon nous, il est important de le faire parce que, éventuellement, on peut, à partir d'une introduction par effraction, régler un crime grave, soit un meurtre. D'ailleurs, on a des exemples très concrets avec les meurtres de Denise Morelle et de Natasha Cournoyer où l'identification du meurtrier a été faite à partir de données qu'on avait à notre laboratoire et aussi dans la Banque nationale de données génétiques. C'est donc performant. Essayer d'alimenter ces banques au maximum devrait être un objectif visé.
[Traduction]
M. Tessarolo : Bon nombre des initiatives dont nous avons parlé sont utiles pour les enquêtes. D'un point de vue scientifique, elles offrent davantage d'occasions d'être profitables aux enquêtes.
Je peux penser à deux exemples, où du point de vue scientifique, cela pourrait être des plus avantageux. D'abord, un fichier des personnes disparues qui, d'un point de vue scientifique, est un outil dont nous ne disposons pas pour nous aider dans nos enquêtes. Toutefois, on nous en fait souvent la demande. Nous pouvons examiner les éléments de preuve et générer des profils, mais nous ne disposons pas de mécanismes pour établir cette association de façon électronique.
Dans une certaine mesure, nous devenons des victimes de notre propre succès relativement à l'utilisation d'une banque de données génétiques. Plus nous téléchargeons de profils, plus nous obtenons d'occurrences. La gestion de l'information qui est générée par cette occurrence peut être passablement encombrante. Le fait d'informer toutes les parties visées de communiquer avec la Banque nationale de données génétiques afin d'obtenir l'information appropriée qui doit par la suite être transmise aux enquêteurs crée d'importantes répercussions administratives sur les laboratoires opérationnels.
Plus nous ajoutons de profils et plus nous effectuons de travaux, plus nous générons d'occurrences, ce qui se traduit par une charge de travail plus importante. Il s'agit plutôt d'une question administrative, mais c'est une autre possibilité d'amélioration.
M. Newman : Je parle en tant que scientifique et d'un point de vue scientifique. Je sais que M. Ron Fourney a déjà témoigné devant vous. Nous avons contribué au volet scientifique du développement de la banque de données depuis de nombreuses années. En tant que scientifique, c'est décevant de ne pas avoir pu, à l'aide de lois et de fonds, surmonter ces obstacles pour permettre aux scientifiques de fournir à la population canadienne la capacité d'identifier des restes humains non identifiés qui sont trouvés. C'est décevant parce que, c'est certainement faisable du point de vue scientifique. C'est une technologie qui existe depuis de nombreuses années. Il est malheureux que les législateurs et les bailleurs de fonds n'aient pas pu mener un tel projet à bien.
La présidente : Si je me souviens bien des témoignages qui ont déjà été présentés devant le comité, la capacité juridique d'effectuer des profils sur des restes humains non identifiés ne constituerait pas un énorme fardeau pour ce qui est des ressources et du nombre de cas à examiner. Toutefois, on parle peut-être d'une capacité considérable en ce qui a trait à un fichier des personnes disparues.
Je suppose que lorsque vous parlez d'un monde idéal et de ce que vous voudriez être en mesure de faire, vous supposez que les fonds seraient disponibles. Vous ne nous dites pas que nous pourrions faire davantage, comme par magie, avec l'argent qui est disponible à l'heure actuelle, même si nous ne sommes pas en mesure de faire tout ce que nous devrions faire à l'heure actuelle. Est-ce que j'interprète bien vos propos?
M. Tessarolo : Absolument.
[Français]
La présidente : Et vous, monsieur Laberge?
M. Laberge : Nous sommes au maximum de nos capacités. Nous ne pouvons pas aller au-delà. Au Québec, nous recevons à peu près 6 000 dossiers d'analyse et nous pouvons en sortir 3 000 à 3 500. Pour le reste, nous ne sommes pas en mesure des les traiter à cause de nos ressources actuelles.
M. Dufour : On traite les urgences, et pendant ce temps les autres dossiers restent en arrière, mais les enquêteurs en auraient peut-être besoin pour d'autres types d'enquêtes qu'ils mènent. Peut-être que cela pourrait permettre de résoudre des crimes; mais pour le moment, nous ne sommes pas en mesure de les traiter.
La présidente : Sénateur Carignan, aviez-vous terminé?
Le sénateur Carignan : Oui.
[Traduction]
Le sénateur Baker : Avant de passer à ma question, je dois vous féliciter tous, parce qu'il semble que vous soyez constamment devant les tribunaux pour témoigner relativement à votre travail et participer à des contre-interrogatoires assez longs. C'est intéressant de lire toutes ces affaires. Force est de constater que l'augmentation du nombre d'infractions admissibles fait en sorte que vous devez davantage être disponibles pour des procédures judiciaires. Cela doit vous demander beaucoup de temps parce que vous devez être disponibles pour l'examen initial et que vous devez ensuite rester sur les lieux en cas de rappel ou de contre-interrogatoire.
Je ne sais pas si vous avez des observations là-dessus, mais c'est tout à fait remarquable. Bien sûr, votre propre savoir-faire est constamment scruté à la loupe.
Nous avons adopté les projets de loi C-13 et C-18 il y a plusieurs années. En vertu de ces lois, si je me souviens bien, il y avait un nombre supplémentaire d'infractions désignées. La loi comporte toute une liste d'infractions, et on en ajoute constamment. Ai-je bien entendu qu'une loi que nous avons adoptée et qui est entrée en vigueur il y a plusieurs années n'est toujours pas mise en œuvre en raison d'un manque de ressources financières? Ai-je bien compris?
M. Newman : Oui.
Le sénateur Baker : Bien.
M. Tessarolo : Nous avons dû prendre une décision très difficile. C'est une décision difficile à prendre, sénateur, mais nous avons adopté une approche stratégique où nous mettons l'accent sur la prestation de services de la meilleure qualité possible, et ce, le plus rapidement possible, pour les dossiers que nous avons déjà, essentiellement pour des homicides, des tentatives de meurtre et des agressions sexuelles. Ce qui nous effraie dans l'ajout d'autres infractions et d'autres causes sans l'obtention du financement approprié pour les soutenir, c'est que notre rendement relatif aux autres infractions très sérieuses soit moins bon. Nous ne pouvons pas permettre que cela se produise. Je ne pense pas que les Ontariens veuillent que cela se produise. Je sais que les enquêteurs ne le veulent pas, de sorte que nous avons été très stratégiques dans la façon dont nous sommes allés de l'avant.
Nous n'avons pas dit que nous n'accepterons aucune nouvelle cause liée aux nouvelles infractions. Nous avons dit, « Veuillez nous les présenter et nous les évaluerons ». Lorsqu'il s'agit clairement de la sécurité du public, nous accepterons le dossier. En fait, nous avons examiné le nombre de requêtes que nous avons reçues pour ces affaires supplémentaires. En moyenne, nous continuons d'en accepter environ 50 p. 100. Toutefois, nous les examinons de très près parce que nous savons très bien l'incidence qu'elles peuvent avoir sur les autres dossiers que nous sommes obligés de terminer également.
Le sénateur Baker : Bon, une minute. La loi a été adoptée. Lorsqu'un juge prononce une peine au terme d'un procès pour vol ou agression armée, il doit se fonder sur les exigences de tel ou tel autre article du Code criminel. Nous pouvons tous les décliner, parce que nous nous sommes réunis et que nous avons adopté la loi. Si un juge à l'heure actuelle dit, « J'ordonne qu'une analyse de l'ADN soit faite, » me dites-vous que vous ne la faites pas? Est-ce ce que vous dites?
[Français]
M. Laberge : Lorsqu'une cour de justice nous ordonne de traiter le dossier, nous allons le traiter; nous sommes tenus de le faire. Mais il arrive assez régulièrement, au laboratoire, que les dossiers attendent tellement longtemps que, au moment où les procédures judiciaires sont en cours, nous sommes obligés de prioriser ces dossiers, parce que nous ne les avons pas traités avant la présentation aux cours de justice. Cela cause des problèmes effectivement. Nos délais moyens actuellement sont de 11 mois pour un dossier normal. Ceci dit, nous priorisons les dossiers importants comme les meurtres et les agressions sexuelles; nous essayons d'avoir des délais beaucoup plus courts.
Par contre, comme je vous l'ai dit, nous recevons tellement de dossiers qu'il y a des dossiers mineurs que nous ne traitons pas et, de ce fait, il manque cette information qu'on ne verse pas dans les fichiers et qui permettrait éventuellement de résoudre d'autres crimes. Donc la performance de la banque est extrêmement diminuée à cause de cette situation, à mon avis.
[Traduction]
Le sénateur Baker : Êtes-vous en train de dire que vous accordez la priorité aux infractions désignées dans la liste? Vous opinez du chef. Nous avons adopté une loi qui dit qu'il y a des infractions désignées; il n'y a aucune priorité dans les infractions de la liste que nous vous avons donnée et qui a été adoptée avec cette loi. Comment établissez-vous les priorités?
[Français]
M. Laberge : Il existe plusieurs critères. Naturellement l'importance du crime est un critère essentiel; également ce qu'on nous apporte au laboratoire. On peut avoir un dossier qui est très fragmentaire : on n'a pas de suspect potentiel, on n'a pas de référence à laquelle se relier; on a des échantillons qui sont, à première vue, difficiles à analyser, des choses de ce genre.
Il y a une évaluation du dossier qui se fait pour pouvoir prioriser les choses. Le principal critère est l'importance du crime.
[Traduction]
Le sénateur Baker : Qu'en est-il du trafic de stupéfiants? Est-ce que cette infraction se trouve plus bas dans la liste? Oui? C'est ce que je pensais.
Je n'ai pas d'autre question. Cette information est fascinante.
[Français]
Le sénateur Carignan : Je crois comprendre que le laboratoire donne des services privés d'analyse. Est-ce que cela entre en conflit avec cela? Où trouvez-vous le temps de faire les mandats privés?
M. Laberge : En fait, le laboratoire est une unité autonome de services depuis 1996. Dans son entente, il était prévu qu'on puisse vendre des services accessoires — je dis bien accessoires — au privé. Mais dans le cas de l'ADN chez nous, on ne fait pas de privé parce qu'on est surchargé. Oubliez ça, on ne fait pas ça. On n'a pas de surcapacité à revendre.
La présidente : C'est tout le contraire, n'est-ce pas?
M. Laberge : Absolument.
Le sénateur Joyal : Merci et bienvenus à vous, messieurs Tessarolo et Dufour.
[Traduction]
Ce qui est encore plus troublant relativement aux projets de loi C-13 et C-18, c'est le rapport final sur les coûts des services et l'examen de la capacité du laboratoire judiciaire pour les analyses d'ADN. Vous connaissez probablement ce rapport qui a été publié par Travaux publics et des Services gouvernementaux Canada. Il date du 30 novembre 2009, de sorte que c'est un rapport récent. En résumé, on y trouve ce qui suit :
L'examen avait pour objet de déterminer le niveau de la capacité future et les coûts connexes requis pour répondre à la demande projetée en mettant l'accent sur les augmentations prévues liées aux analyses génétiques découlant du nouveau projet de loi C-13 [...] et du projet de loi C-18 [...] qui ont été complètement mis en œuvre en janvier 2008. Il est à noter que, ni l'examen des ententes de financement ni l'examen de la formule de financement actuel ne faisait partie de la portée de cet examen.
À partir de ce rapport, j'en conclus qu'il n'y a aucune solution au problème que chacun d'entre vous a soulevé relativement à la capacité future de répondre aux objectifs des projets de loi C-13 et C-18. Même le gouvernement ne semble pas préoccupé par l'objectif visant à résoudre les problèmes de capacité liés aux projets de loi C-13 et C-18, parce que cela dépassait la portée de son examen.
[Français]
M. Laberge : J'aimerais rappeler qu'il y a quand même des rencontres sur l'ADN qui se font entre le fédéral, le provincial et les territoires. En 2008, il y avait une préoccupation de savoir comment on allait financer ce programme. Le comité de travail a examiné la possibilité d'un plan piloté par Sécurité publique Canada. Une des étapes de ce plan était l'examen des coûts et de la capacité reliée aux analyses biologiques — étape terminée depuis novembre 2009. Cette étape vient déterminer le niveau de ressources additionnelles pour chacun des trois laboratoires afin de remplir les obligations des projets de loi C-13 et C-18.
Je sais aussi que le gouvernement du Canada vient de débloquer de son budget 14 millions de dollars sur deux ans pour l'ADN. Je ne sais pas si ce montant est disponible pour ce programme.
Le sénateur Joyal : Comme vous le savez, le processus législatif est un processus plutôt lent, surtout dans le contexte d'un gouvernement minoritaire. Ce qui est préoccupant c'est que le gouvernement met de l'avant un projet de loi qui a un impact immédiat sur le fonctionnement de vos deux services, mais qu'en pratique, on attend que le projet de loi soit adopté avant de voir quelles seront les implications des modifications à faire pour donner effet au projet de loi. On a l'impression que la main gauche ne sait pas ce que la main droite va faire.
M. Laberge : Je peux vous dire que le gouvernement du Canada prévoit faire des changements administratifs au niveau de l'ADN pour inclure encore plus d'infractions désignées. Il y a une consultation préalable qui est en train de se faire suite aux recommandations du comité permanent de la Chambre des communes.
Il y a donc une volonté d'aller encore plus loin mais la dimension des ressources financières n'est jamais soulevée.
M. Dufour : Une autre des questions qui fait référence à ce que dit le sénateur Joyal, c'est que même si les budgets sont au rendez-vous, lorsqu'on engage quelqu'un pour faire des analyses biologiques chez nous, la personne peut avoir un baccalauréat — et je pense que la situation est la même au laboratoire de Toronto qu'à celui de la GRC —, une maîtrise ou un doctorat, cela prendra quand même environ un an et demi de formation avant que ce que nous on appelle « signer au dossier », c'est-à-dire aller en faire la défense devant la cour de justice...
Le sénateur Joyal : Certifier le dossier?
M. Dufour : Plus que le certifier, sénateur Joyal, c'est aussi aller devant les cours de justice pour faire un témoignage...
Le sénateur Joyal : Comme expert?
M. Dufour : ... comme expert et se faire défier par les avocats de la défense. Donc si le gouvernement décidait d'investir un certain montant d'argent dans l'ADN et qu'il nous disait que l'Ontario reçoit tel montant, le Québec la même chose, de notre côté, il faut procéder à l'embauche. On parle d'un service gouvernemental, c'est donc plus long, c'est différent du privé. Quand on a notre personnel, il faut le former. On parle donc d'un délai d'un an et demi à deux ans avant que cette personne soit réellement autonome, efficace et prête à travailler.
Il y a une réelle anticipation. Il ne faut pas que les personnes se trompent. Nous, on n'a pas le droit à l'erreur lorsqu'on va devant des cours de justice, parce qu'on peut faire inculper quelqu'un, et on peut aussi le faire disculper. On ne peut pas se tromper.
Les gens sont souvent formés sur le tas, dans les laboratoires. Durant la formation de ces personnes, nos employés font moins de dossiers. Il y a comme un jeu de dominos qui se forme quand la décision n'est pas encore prise. Donc pour nous, c'est du long terme.
Le sénateur Joyal : Puisque c'est l'objectif de notre réunion ici, au cours des heures qui suivent, qu'est-ce qu'on devrait recommander dans notre rapport pour faire face à ces délais qui, finalement, sont presque hors de contrôle, à la limite à la fin, pour qu'on soit plus efficace dans la mise en application des projets de loi adoptés et qui ont un impact sur le fonctionnement de vos services?
M. Dufour : Ce serait de donner les sommes d'argent que nous demandons. Il y a des négociations avec les gouvernements du Québec et du Canada, ça se passe au niveau des sous-ministres actuellement. Et que l'accord qu'on demande puisse se réaliser le plus rapidement possible.
Parce qu'au fond, ce qu'on veut, c'est avoir des outils pour travailler. Nous ne gérons pas de politique, nous ne faisons pas de programme, nous ne gérons pas de loi. Nous on rend des services, on fait des expertises judiciaires. L'Ontario en fait, nous en faisons, la GRC en fait. Puis on dit souvent, dans des organisations, que les ressources humaines et les ressources financières peuvent être importantes mais pas toujours. Il peut parfois y avoir des avancées scientifiques qui peuvent être importantes. Il y en a et on s'en sert. On a informatisé et robotisé nos services chez nous, mais en bout de ligne, il faudra toujours des humains, des analystes pour pouvoir les faire, ces analyses.
Dans le cas qui nous préoccupe, dans le genre de travail qu'on fait, pour nous, les ressources budgétaires et humaines ont un impact réel.
Je crois donc que la priorité serait de faire débloquer ces ententes, et à long terme, pas seulement sur deux ou trois ans et être obligés de renégocier.
Le sénateur Joyal : C'est ce qui me frappe dans les chiffres que vous nous avez donnés, les ententes sont valides pour deux ans et reconduites pour un an. Et là, actuellement, vous êtes devant une entente presque caduque.
M. Dufour : Ce sera terminé au 31 mars.
Le sénateur Joyal : D'après vos chiffres...
M. Laberge : Présentement, on n'a aucun financement.
M. Dufour : On n'a aucun financement pour l'année prochaine. Rien n'est prévu. On parle donc d'une entente sur une base de cinq ans, où on pourrait avoir la tête tranquille, embaucher des personnes, des spécialistes, commencer à travailler, organiser notre laboratoire, acheter de l'équipement, acheter des pieds carrés. Vous voyez, il y a encore beaucoup de travail à faire pour donner plus d'efficacité et d'efficience à notre travail.
M. Laberge : Pour conclure, nous sommes victimes du succès. Le programme d'ADN est un bon programme. Les laboratoires de l'Ontario l'ont dit et la GRC vous l'a certainement dit hier. C'est un excellent programme, c'est une réforme majeure en sciences judiciaires aussi. Et du point de vue international, tout le monde utilise cela. De plus en plus, les policiers veulent avoir ce type de preuve dans leur dossier, même les dossiers mineurs.
C'est un programme très efficace. Au Canada, faute de ressources, on n'alimente pas très bien nos fichiers. Le fichier criminalistique est sous-alimenté, le fichier des condamnés aussi. En tout cas, au Québec, je peux vous dire que le nombre de condamnés dans le fichier des condamnés n'est pas énorme. Et puis on n'a pas tout mis les gens qui ont fait des crimes désignés ou des infractions désignées dans ces fichiers. Si c'était le cas, on aurait une meilleure performance au niveau de la Banque nationale de données génétiques ou les résultats de la Banque nationale de données génétiques.
Tout cela pourrait se faire avec des coûts relativement minimes. On ne demande pas de milliards. On parle, ici, pour le Québec et l'Ontario, de sept ou huit millions de dollars annuellement pour pouvoir régulariser une situation.
[Traduction]
Le sénateur Joyal : Monsieur Tessarolo, souscrivez-vous aux réponses données par vos collègues du Québec?
M. Tessarolo : Oui, sénateur, et je vais me faire l'écho de certains des commentaires présentés par MM. Laberge et Dufour. Le programme est excellent. Nous en profitons complètement et il nous permet de bien soutenir nos clients. Toutefois, comme je l'ai dit dans ma déclaration liminaire, nous pouvons faire plus.
Pour ce qui est de nos propres responsabilités en tant que gestionnaires et en tant que laboratoire, il nous incombe de garantir aux contribuables que nous utilisons les fonds de façon appropriée et que nous cherchons continuellement à améliorer nos processus pour assurer leur efficacité et leur efficience dans la mesure du possible. Dans le rapport des services de consultation du gouvernement, on soutient clairement la nécessité d'accroître les fonds. La rapidité avec laquelle nous pouvons obtenir ces fonds est aussi importante pour nous au laboratoire que la rapidité avec laquelle nous préparons nos rapports pour nos clients.
[Français]
Le sénateur Joyal : Monsieur Dufour, vous avez entendu M. Tessarolo qui nous a mentionné que le vérificateur général de l'Ontario est en train de faire une évaluation du fonctionnement de la banque ontarienne.
Hier, M. Henschel de la Gendarmerie royale nous a dit que le vérificateur général, après son rapport préliminaire de 2007, est revenu mettre à jour son rapport cette année. Avez-vous déjà fait l'objet d'une vérification ou d'un audit par le vérificateur général du Québec?
M. Dufour : Oui, on a déjà eu des contacts avec le vérificateur général du Québec, mais je pense qu'on visait des éléments mineurs comme les questions de délais, de services à la clientèle. Des sondages ont été effectués à quelques reprises. On formait des groupes de discussion. C'est plutôt à ce niveau que nous avons travaillé, il n'y avait pas d'intervention de la part du vérificateur général sur les techniques et la science comme tels.
Le sénateur Joyal : La gestion de la qualité était l'élément fondamental du rapport du vérificateur général en 2007.
[Traduction]
Monsieur Tessarolo, je ne sais pas si les questions de gestion de la qualité font l'objet d'un examen par le vérificateur général de l'Ontario, mais c'est certainement une des préoccupations du comité, parce que la gestion de la qualité est la clef de la fiabilité de votre travail.
M. Tessarolo : Oui, cela faisait partie d'un des éléments de la vérification initiale faite par le vérificateur général. Toutefois, dans le rapport, il a indiqué qu'il était satisfait de la qualité élevée du travail réalisé dans notre laboratoire. Par conséquent, il n'a formulé aucune recommandation concernant la qualité.
[Français]
M. Dufour : Par rapport à la clientèle que nous desservons, un sondage maison a été effectué en 2004-2005, mais en 2006-2007, les services de la maison Léger Marketing ont été retenus pour faire un sondage scientifique auprès de 707 de nos clients. Il s'agissait de communications par téléphone d'une vingtaine de minutes comprenant plusieurs questions. Il ne s'agissait pas seulement de cocher « oui », cocher « non ».
Selon le technicien de Léger Marketing, le taux de satisfaction de notre clientèle était de plus de 82 ou 83 p. 100. Il estimait que c'était un taux exceptionnellement élevé en termes de qualité de service offert.
On ciblait les discussions avec les professionnels, la vulgarisation des termes, la disponibilité de nos gens, et le seul point négatif rencontré était au niveau des délais. Maintenant, je ne connais pas un laboratoire qui n'a pas de problèmes de délais. Tous les laboratoires ont des problèmes de délais.
Comme vous l'expliquait tantôt M. Laberge, on a vraiment été victimes de notre succès. Au début des années 2000, on parlait de 1 000 dossiers par année et, dix ans plus tard, on parle de 6 000 dossiers. Ce n'est pas la même chose ! Pendant ce temps, le personnel n'a pas été multiplié par six. Il n'est peut-être pas nécessaire non plus de multiplier par six le nombre d'employés, mais il devrait néanmoins être augmenté.
Le sénateur Boisvenu : Je reviens sur le dossier des personnes disparues. C'est une préoccupation importante pour moi, je vous dirai pourquoi tantôt. J'ai d'ailleurs traité du sujet hier, avec les gens de la GRC. Vous savez, pour les familles qui vivent une disparition, ce fichier des personnes disparues ne fait pas de la situation un monde idéal mais bien un monde souhaitable. Je le disais encore hier : au Canada, entre 600 et 1 000 personnes disparaissent chaque année sans laisser de traces. Pour la plupart, il s'agit de disparitions suspectes sinon criminelles. Une disparition sur six est résolue au Canada. Cela veut dire, potentiellement, que cinq meurtres ne sont pas résolus. Pire que cela : cinq criminels courent toujours les rues et risquent de commettre d'autres enlèvements. Donc, un fichier sur les gens disparus m'apparaît une démarche proactive parce qu'on n'enquête pas sur un crime mais sur une disparition et d'autres crimes qui pourraient être commis par la même personne qui coure encore les rues.
Lorsqu'on parle de 600 à 1 000 cas de personnes disparues par année, selon vous, monsieur Tessarolo, si on rajoutait à cette banque 600 à 1 000 ADN — soit des parents, parce que souvent, on va prendre l'ADN des parents pour documenter la banque —, la charge de travail peut-elle apparaître réaliste considérant évidemment un niveau de ressources qui pourraient être éventuellement mises à jour?
M. Laberge : Concernant les personnes disparues, effectivement, l'idéal serait d'avoir un fichier au niveau national. Vous parlez de 1 000 dossiers de disparition par année. On pourrait supposer que la majorité serait de nature criminelle.
Le sénateur Boisvenu : C'est-à-dire que 65 000 personnes par année disparaissent au Canada; 95 p. 100 sont des fugueurs; 5 p. 100 ne seront jamais retrouvés, ce qui représente à peu près 1 000 personnes.
M. Laberge : L'idéal serait quand même d'avoir un fichier de personnes disparues au niveau national pour procéder à nos comparaisons. Je peux vous assurer, sénateur Boisvenu, que chaque fois qu'une nouvelle information nous est fournie, on effectue des comparaisons entre les restes humains et les profils. Pour les personnes disparues, on a le profil des parents. On met beaucoup l'accent sur les mineurs disparus.
D'ailleurs, un comité de travail a été formé afin d'étudier la question de savoir c'est quoi une personne disparue exactement. Parce qu'il arrive aussi que c'est le souhait des gens de disparaître. Parfois, ces personnes sont majeures aussi. Jusqu'où peut-on aller? C'est une grande préoccupation.
Mais effectivement, pour le laboratoire et le gouvernement du Québec, un fichier de personnes disparues serait quand même utile pour les actes criminels, parce que la Banque nationale de données génétiques est de nature criminelle.
M. Dufour : M. Laberge a fait référence à des travaux que nous avons faits avec les autres provinces et le fédéral par rapport au fichier des personnes disparues. C'est un dossier sur lequel nous avons travaillé certainement deux ou trois ans. Il y avait des questions légales et des questions constitutionnelles. Ce fichier devrait-il servir à des fins humanitaires ou criminelles? La position du Québec à l'époque était qu'il devait servir à des fins humanitaires. D'autres provinces ou la GRC disaient qu'il devrait servir à des fins criminelles. Ce type de question se posait. Quelle est la définition d'une personne disparue? Est-ce après 30 jours, 90 jours, six mois, un an?
Effectivement, 95 p. 100 des personnes disparues sont retrouvées rapidement. Certains de ceux-là désiraient disparaître.
Trois sous-comités ont travaillé sur la question légale. Le gouvernement du Québec y travaillait, une avocate de chez nous, Annie-Claude Bergeron, ainsi que des gens du gouvernement fédéral. Une étude a été faite également sur les coûts d'un tel fichier. Je me souviens que vers la fin de nos travaux, une simulation de quatre jours avait été effectuée et Diane Séguin, biologiste au laboratoire chez nous, avait participé à cette simulation. On avait estimé que les coûts d'un fichier uniquement pour les personnes disparues, grosso modo, aurait coûté entre 18 et 20 millions de dollars. Évidemment, la question était de savoir qui devait payer : le fédéral ou les provinces? Ensuite, on n'a plus entendu parler de ce fichier.
Sénateur Boisvenu, je tiens à vous dire que nous avons fait du travail là-dessus. Nous avons de la documentation à ce sujet parce qu'on a participé à toutes les rencontres. On a les rapports de tous les sous-comités qui ont travaillé sur la question et nous pouvons vous documenter sur la question.
Chez nous, une partie de notre fichier loge cela, et le docteur Dorion, odontologiste, aimerait bien avoir un tel fichier qui pourrait inclure tous les dossiers ante mortem des personnes disparues, de façon que lorsqu'on retrouve une personne, on aurait des éléments de comparaison pour l'identification.
La présidente : Le comité serait intéressé à obtenir ces documents, si vous voulez bien, monsieur Dufour.
Quand vous avez parlé d'un coût de 18 à 20 millions de dollars, il s'agissait d'un coût de capitalisation ou annuel ou quoi?
M. Dufour : Oui, le coût de capitalisation, le coût pour bâtir un fichier pour les personnes disparues. Un sous-comité examinait l'incidence au niveau légal, un autre l'impact au niveau des coûts. Ce comité a évalué que si nous faisions un fichier pour les personnes disparues, les coûts tourneraient aux environs de ce montant.
Le sénateur Boisvenu : Vous savez qu'à l'heure actuelle à peine 42 p. 100 des gens condamnés pour des crimes à caractère sexuel sont fichés, mais il est prévu que ce pourcentage atteigne 100 p. 100.
Le sénateur Joyal : Étant donné le problème juridique qui existe quant à la responsabilité d'un adulte de disparaître, n'y aurait-il pas lieu au moins de faire afficher les personnes disparues de moins de 18 ans, qui sont encore sous la tutelle des parents?
M. Laberge : Tout à fait, mais vous n'auriez pas énormément de personnes dans le fichier, néanmoins, le coût de faire un tel fichier ne serait pas énorme.
[Traduction]
Le sénateur Watt : J'aimerais poser mes questions aux témoins du Québec. J'aimerais que l'on parle davantage des empreintes génétiques. Qu'en est-il de votre relation de travail avec le Nunavik, qui se trouve au Québec, et qui est doté d'une force policière régionale en plus d'une force policière provinciale? Est-ce que l'établissement que vous représentez s'occupe de cette partie de la province?
[Français]
M. Laberge : Tout à fait. Les services policiers autochtones nous envoient des expertises comme tout autre corps policier du Québec. La Sûreté du Québec, lorsqu'elle est présente, nous envoie des dossiers en rapport avec l'ADN ou d'autres expertises médico-légales scientifiques.
[Traduction]
Le sénateur Watt : Si j'ai bien compris, cette responsabilité relève toujours de la Sûreté du Québec et non pas de la force policière initiale.
[Français]
M. Laberge : Sur le territoire du Québec, on en reçoit, oui.
[Traduction]
Le sénateur Watt : Vous venez de mettre l'accent sur le fait que vous ne pouvez pas accepter d'autres responsabilités car vous n'avez pas assez de financement pour y parvenir. Le comité vous saura gré de répondre à cette question, si possible. Quels sont les coûts additionnels qui sont attribuables au nord du Québec, en ce qui concerne les régions de la baie James et du Nunavik, pour les Inuits et les Cris?
[Français]
M. Dufour : On s'occupe de ces dossiers. Nos membres doivent souvent aller témoigner au Nunavik ou un peu partout dans le Nord pour des cas de meurtres ou d'agressions sexuelles. Ces dossiers sont traités au même titre que tous les autres dossiers qui concernent les résidents du Québec.
M. Laberge : Avec les mêmes ordres de priorité.
M. Dufour : Exactement.
[Traduction]
Le sénateur Watt : Qu'en est-il des coûts additionnels que cela a engendrés depuis que vous avez accepté cette responsabilité? Il s'agit d'une durée de 30 ans.
[Français]
M. Laberge : Cela a toujours fait partie de nos budgets. On traite tous les dossiers amenés par des policiers québécois sur tout le territoire du Québec. Il n'y a pas d'analyses spécifiques reliées dans votre secteur, mais on priorise ces cas au même type que les autres et avec la même qualité de service. Pour l'ADN, si on voulait compléter la totalité des dossiers, on aurait besoin de quatre millions de dollars supplémentaires pour la province du Québec, non seulement pour les Autochtones.
[Traduction]
Le sénateur Watt : Est-ce qu'il s'agit de 4 millions de dollars de plus pour l'ensemble du Québec?
M. Dufour : Oui.
Le sénateur Watt : Vous n'avez pas la ventilation des coûts en ce moment.
[Français]
M. Dufour : Pas vraiment.
M. Laberge : Il serait toutefois possible de savoir combien de dossiers nous recevons et traitons en provenance de cette région. Nous avons toutes les statistiques.
La présidente : Si vous pouviez nous les envoyer, ce serait utile pour les travaux de notre comité.
M. Laberge : Je le ferai pour l'ADN ainsi que pour les autres expertises.
[Traduction]
Le sénateur Watt : Avez-vous besoin d'avoir des qualifications précises pour pouvoir prélever des échantillons chez des gens? Est-ce que vous devez être formé pour cela? Y a-t-il des fonds qui y sont destinés?
La présidente : Est-ce que vous parlez tout simplement de prélever un échantillon?
Le sénateur Watt : Oui.
[Français]
M. Laberge : Il y a plusieurs types de prélèvements. Ceux que l'on prélève sur une scène de crime sont habituellement faits par les enquêteurs policiers et le soutien du SCJ.
M. Dufour : Pour ce qui est du premier type de prélèvements, les responsables de l'identité judiciaire qui travaillent avec les corps de police reçoivent une formation donnée au laboratoire à raison d'une semaine tous les trois ou quatre mois. De plus, les biologistes offrent une formation d'une semaine aux nouvelles recrues du service de l'identité judiciaire avec obtention d'un diplôme attestant qu'ils sont en mesure de faire les prélèvements destinées à notre travail d'analyse de façon professionnelle.
M. Laberge : Le deuxième type de prélèvement sert de référence suite à un mandat ou une ordonnance émis par la cour dans le but d'effectuer un prélèvement sur un individu. C'est la responsabilité des corps policiers de l'identité judiciaire de faire ces interventions, et ces interventions mineures. Il s'agit simplement de retracer la personne. Ce sont les corps policiers qui ont la responsabilité de faire ce travail.
[Traduction]
Le sénateur Lang : Monsieur Tessarolo, contrairement à votre accord avec le Québec, il n'est pas clair si vous avez une entente à l'heure actuelle avec le gouvernement du Canada.
M. Tessarolo : Nous avons une entente sur l'analyse des cas biologiques qui vient à échéance à la fin du mois.
Le sénateur Lang : Dois-je conclure que, depuis que le système d'ententes est entré en vigueur, l'Ontario s'est satisfait d'accords de deux ou trois ans qu'elle devait renégocier par la suite?
M. Tessarolo : C'est exact.
Le sénateur Lang : Ma deuxième question me préoccupe à titre de contribuable. Tout comme d'autres membres du comité, j'ai été ministre de cabinet et je comprends très bien qu'il y aura toujours des demandes pour obtenir des fonds supplémentaires. C'est toujours facile de demander de recevoir plus d'argent. Au cours de ma courte participation au comité, nous avons entendu dire que l'on créait une nouvelle technologie dans les laboratoires de la GRC qui permettrait d'augmenter de manière considérable son efficacité. Ainsi, le temps et l'effort déployé pour évaluer les échantillons seront moindres. J'imagine que cette technologie sera également disponible dans vos laboratoires.
Si nous arrivons à faire ces analyses bien plus rapidement, cela permettra, dans une certaine mesure, de réduire la charge de travail ailleurs dans le système. Cela engendrera sans doute des économies. En ce qui concerne le Québec ou l'Ontario, avez-vous songé à combien d'économies seraient nécessaires pour contrecarrer le besoin d'examiner d'autres cas?
M. Tessarolo : La nouvelle technologie vise à nous aider à assumer la nouvelle charge de travail et non pas à gérer la charge de travail existante. Nous fonctionnons à pleine capacité. Ainsi, si nous pouvons nous prévaloir de l'automatisation ou d'une nouvelle technologie, cela nous aidera à répondre aux demandes supplémentaires de travail.
En ce qui concerne la biologie, nous recevons une allocation annuelle de 8 millions de dollars. À cela s'ajoute également environ 1 million de dollars par an, afin de remettre à neuf une technologie ou d'en acheter une nouvelle. Ainsi, dans une certaine mesure, on pourrait dire que ce système existe déjà.
Mais nous réclamons plus de fonds. Cet argent nous permettrait de traiter plus de dossiers, d'une part, et d'améliorer les temps de traitement, d'autre part. Nos clients dans les forces policières ne se sont jamais plaints du fait qu'ils recevaient trop rapidement des résultats. C'est plutôt le contraire qui les préoccupe.
Nous souhaitons vraiment recevoir des ressources supplémentaires. Elles serviraient avant tout à pouvoir accepter plus de travail.
Êtes-vous d'accord, monsieur Newman?
M. Newman : Oui. Je suis d'accord avec M. Tessarolo. La technologie permet d'améliorer certaines parties du processus, soit la méthode d'évaluation qui permet d'obtenir un profil d'empreintes génétiques. Nous ne sommes pas encore dotés d'une technologie qui nous permettrait de trouver une tache de la taille d'un millimètre dans une voiture que l'on pourrait ensuite assujettir à une technologie robotique. On a encore besoin d'une personne pour examiner au peigne fin le véhicule.
Par ailleurs, pour ce qui est de préparer et de présenter des renseignements et de comparaître à titre d'expert en cour, nous ne sommes pas du tout dotés d'une technologie qui permettrait de remplacer une personne dans un tribunal. Le sénateur Baker a d'ailleurs plaidé de manière fort éloquente en faveur des personnes. Nous avons besoin de scientifiques pour gérer les cas, pour travailler avec la technologie et, au bout du compte, pour se présenter à titre de témoin expert afin d'expliquer les résultats. Ce sont les gens qui coûtent le plus cher.
[Français]
M. Laberge : Je peux vous assurer que nous avons au Québec le plus petit budget pour opérer au niveau de l'ADN, et ce comparativement aux deux autres laboratoires canadiens. Nous avons dû faire preuve de beaucoup d'imagination et de créativité pour essayer d'optimiser nos opérations. Chaque dollar investi a été optimal et, si vous lisez l'examen des coûts, vous verrez que le laboratoire du Québec a nécessité un coût minimal par rapport aux deux autres laboratoires; pour toutes sortes de raisons, mais particulièrement compte tenu du fait que nous n'avions pas beaucoup de budget. C'est pour cette raison que nous avons dû faire preuve d'imagination pour rendre les services à moindre coût.
Ceci dit, il faut tout de même respecter un certain niveau de qualité; aller sous ce seuil minimum de budget serait risqué. Les besoins supplémentaires sont amplement justifiés et minimaux. Ils ne sont pas du tout exagérés.
M. Dufour : Dans les budgets demandés, il est surtout question d'embaucher des gens qui seront en mesure d'effectuer des expertises et des témoignages, ainsi que de finaliser l'expertise.
Nous avons des robots, mais pas beaucoup; il y en a beaucoup plus en Ontario et à la GRC. Cela nous fait gagner du temps pour accomplir la tâche, mais en bout de ligne, il faut toujours des humains pour effectuer des analyses et des témoignages. Il est vrai que nous avons robotisé ou informatisé les services et que nous pouvons nous donner par ce moyen beaucoup d'avance. Toutefois, il vient un moment où, dans le goulot d'étranglement, il nous faut des professionnels pour finaliser les analyses et rendre des témoignages à la cour. C'est à ce niveau que les budgets seraient affectés.
[Traduction]
Le sénateur Lang : J'aimerais vous poser une autre question. Si le gouvernement décide d'emprunter cette voie, y a-t-il des laboratoires privés dans l'une ou l'autre de vos provinces qui pourraient s'ajuster et accepter une partie du travail de vos organisations?
M. Tessarolo : À l'heure actuelle, je connais trois laboratoires privés en Ontario qui font des tests d'ADN. Un de ces laboratoires vient d'être mis sur pied et n'offre pas encore de services de tests d'ADN. Je ne sais pas précisément dans quelle mesure ils pourront nous aider à alléger notre charge de travail. Un des deux laboratoires a un contrat avec la GRC pour les tests d'ADN. Mais je ne connais pas la portée du contrat.
[Français]
M. Laberge : Au Québec, il existe un laboratoire qui pourrait faire des analyses du même type. Ceci dit, nous ne privilégions pas cette situation. Je suis profondément convaincu que cela coûterait beaucoup plus cher de transiger avec ces gens plutôt que de le faire dans notre organisation, et ce compte tenu des coûts actuels au Québec.
M. Dufour : D'autre part, avec un laboratoire privé, vient toute la question de la chaîne de possession de la preuve, ainsi que celle de la reconnaissance de ce laboratoire par notre organisation. Il faudrait qu'ils aient les mêmes qualités que nous, donc l'accréditation ISO 17025 et l'accréditation CAN-P-1578.
Et même s'ils offraient des services techniques tels des analyses, il n'en résulte toujours pas, en bout de ligne, des analystes en mesure d'analyser les dossiers; et cela nous revient. Alors, quand arrive toute la question de la chaîne de possession de la preuve, cela risque de causer des problèmes juridiques.
[Traduction]
La présidente : Plusieurs sénateurs veulent poser d'autres questions aux témoins lors du deuxième tour de table. Avant de leur céder la parole, j'aimerais que vous me parliez davantage de l'ADN synthétique, ou artificiel, dont on nous parle dernièrement. Est-ce un problème? Est-ce réel? Examinez-vous cette possibilité? S'il s'agit d'un problème éventuel, comment pouvons-nous y faire face? Existe-t-il des techniques qui permettent de faire la distinction entre un ADN réel et une empreinte génétique qui a été créée dans un laboratoire?
M. Tessarolo : Je demanderais à M. Newman, du Centre des sciences judiciaires, de répondre à cette question.
M. Newman : Un journal de criminalistique a publié récemment une recherche effectuée par un laboratoire scientifique privé de tests d'ADN qui se trouvait, si ma mémoire est bonne, en Israël. Les chercheurs avaient eu recours à des techniques avancées de biologie moléculaire afin de synthétiser l'ADN. Lorsqu'ils connaissaient un profil, ils pouvaient le reproduire en créant un échantillon qui pouvait ensuite être utilisé pour imiter l'ADN.
Est-ce que cela nous préoccupe? À titre de scientifiques, nous sommes, bien entendu, au courant du fait que l'on peut créer l'ADN. L'une des prémisses fondamentales de la biologie moléculaire et des technologies de clonage est précisément que l'on peut créer l'ADN. C'est important d'être au courant de cela. Il s'agit d'un potentiel de recherche scientifique intéressant.
D'un autre côté, les scientifiques du laboratoire ont également découvert que l'on pouvait déceler l'ADN artificiel qui avait été créé. J'imagine que leur objectif avait été de percevoir l'ADN artificiel comme un problème et d'avoir voulu créer une solution pour pouvoir y remédier et ensuite vendre le produit à M. Tessarolo, M. Dufour et moi-même.
En ce qui concerne l'incidence sur les crimes, j'aurais du mal à croire qu'il y aurait des criminels sophistiqués qui auraient accès au genre de laboratoire requis pour créer de l'ADN synthétique afin de leurrer les enquêteurs de police. Les criminels ont d'habitude recours à une méthode bien plus simple : ils prélèvent un échantillon d'ADN d'une autre personne et, lorsqu'ils se trouvent sur la scène du crime, ils laissent le mégot de cigarette.
Ainsi, le système de justice criminelle dépend du fait que l'enquêteur de police doit avoir recours à des techniques d'enquête policière systématiques afin d'évaluer tous les renseignements à sa disposition lors d'une enquête. Il doit également évaluer les résultats des empreintes génétiques en tenant compte de toutes les autres données qu'il a recueillies au cours de l'enquête. L'ADN ne constitue après tout qu'une partie du casse-tête.
M. Tessarolo : Nos scientifiques connaissent très bien cet article. Ils sont pleinement au courant de l'existence d'ADN artificiel et ils trouvent également que c'est intéressant. En revanche, ils en comprennent parfaitement les incidences et les limites.
Le sénateur Wallace : J'aimerais revenir à la question qu'a posée le sénateur Lang en ce qui concerne les laboratoires privés qui utilisent l'analyse des empreintes génétiques. J'aimerais que l'on parle davantage des travaux qu'ils effectuent à l'heure actuelle et de comment ces travaux pourraient avoir une incidence sur notre système à l'avenir. Pouvez-vous nous fournir maintenant, ou ultérieurement, les noms des personnes clés dans ces laboratoires? Je pense qu'il y avait au moins un laboratoire en Ontario et au Québec.
J'ai beaucoup aimé les observations qui portaient sur l'importance de préserver l'intégrité du système et de respecter les exigences relatives aux qualifications et aux normes. J'ai trouvé la question du sénateur fort intéressante. Je vous saurais gré de me fournir les renseignements que je vous ai demandés.
M. Tessarolo : Bien entendu.
J'aimerais ajouter que nous ne pouvons pas véritablement poser de jugement en ce qui concerne la qualité des laboratoires privés. J'imagine que, tout comme un laboratoire public, ils devront se faire accréditer. S'ils respectent ces normes établies, alors on pourrait s'attendre à ce qu'ils fournissent des résultats de très bonne qualité.
En ce qui concerne les évaluations dans le secteur privé, il faut également tenir compte d'autres points. Ainsi, il faut non seulement songer aux intérêts d'une organisation privée, mais il faut également se demander ce qui se passerait avec les données génétiques si un laboratoire privé devait fermer parce qu'il fait faillite ou est racheté. Il y a certains facteurs dont nous n'avons pas besoin de nous préoccuper dans le secteur privé, mais il vaudrait peut-être la peine de les examiner aujourd'hui.
Le sénateur Wallace : Il est évident que vous avez songé à comment les laboratoires privés pourraient ou ne pourraient pas fonctionner dans le système. Si nous décidons d'explorer cette possibilité, il nous sera très utile de connaître vos préoccupations afin de déterminer ce à quoi il faudra faire attention. Je vous saurais gré de nous fournir ultérieurement vos observations par écrit.
M. Tessarolo : Nous serons ravis de le faire.
La présidente : Si vous voulez nous fournir ces renseignements, ainsi que les autres documents dont nous avons parlé plus tôt, il faudrait tout envoyer à la greffière du comité afin qu'elle puisse ensuite les distribuer à tous les sénateurs.
[Français]
Le sénateur Carignan : J'ai toujours pensé que certaines dépenses n'en étaient pas et qu'elles pouvaient même créer d'autres réductions ailleurs. L'ADN en est un bel exemple. Vous avez dit tout à l'heure que cela créait aussi des réponses à l'accusation. Avez-vous des études comprenant des statistiques sur le taux d'augmentation de réponses à l'accusation lorsqu'il y a des preuves d'ADN dans les dossiers, de façon à ce qu'on puisse voir l'économie future pour ce qui est de la tenue de procès?
M. Laberge : Malheureusement non, c'est très difficile à obtenir. Par contre, on est presque sûr qu'il y a une efficience, que beaucoup de gens vont éviter le procès et plaider coupable. Ces cas existent et finalement, on évite beaucoup de coûts au système judiciaire. J'aimerais revenir sur les témoignages à la cour. On parle des témoignages à la cour et de nos professionnels.
Depuis qu'on utilise l'ADN de façon régulière, en proportion, le nombre de témoignages a diminué. On reconnaît d'emblée l'expertise sans que l'expert vienne témoigner à la cour qu'il s'agit bien de son analyse et d'en exposer les résultats. C'est très peu contesté. Tout cela présume qu'effectivement, il y a une efficacité sur le plan du système judiciaire.
M. Dufour : Lorsqu'on a fait notre plan d'affaires, il y avait des coroners, des procureurs de la Couronne, des enquêteurs et des gens du SIJ (Service d'identité judiciaire). Dans les commentaires des enquêteurs, pour l'ADN, ils ne peuvent pas donner de chiffres. Mais lorsqu'ils font l'enquête et disent aux gens qu'ils ont une preuve d'ADN, les aveux se font plus rapidement. Les suspects ont vu qu'un travail a été fait et cela devient très probant et aide les enquêtes judiciaires. Nous n'avons pas vraiment de statistique. Toutefois, les témoignages des enquêteurs nous laissent croire qu'il y a quelque chose d'intéressant.
[Traduction]
M. Tessarolo : Vous posez une excellente question. On en a débattu très récemment. Notre comité permanent provincial des comptes publics nous a posé la même question. Qu'en est-il de la valeur de l'ADN? Peut-on y fixer une valeur monétaire? Peut-on déterminer dans quelle mesure l'ADN a permis des économies d'argent dans le système judiciaire en réduisant, par exemple, les frais de justice ou encore les services policiers? Comme l'ont mentionné mes collègues du Québec, il est très difficile d'évaluer tout cela.
Certains exemples permettent de montrer clairement que l'on a économisé de l'argent. J'en ai fourni un exemple dans ma déclaration liminaire. Les chercheurs du National Institute of Justice des États-Unis ont effectué une étude là-dessus. Ils ont examiné les crimes les plus fréquents et ont comparé le résultat dans plusieurs États. Je me rappelle d'un exemple au Colorado, mais M. Newman vient de me rappeler que cela ne s'est pas seulement produit au Colorado. Ils ont pu démontrer que les coûts associés aux services de police et de justice étaient réduits de manière considérable car il y avait beaucoup plus de cas de plaidoyers de culpabilité précoces et l'on avait réduit le besoin d'enquêter davantage sur des dossiers en examinant d'autres suspects potentiels. Malheureusement, je n'ai pas ces études sous la main, mais je sais qu'elles sont assez récentes. Il s'agit d'un sujet brûlant d'actualité.
M. Newman : Je ne suis pas convaincu que vous avez véritablement besoin d'une étude menée à grande échelle. Vous n'avez qu'à comparer le montant d'argent nécessaire pour financer un laboratoire à celui dont on a besoin lors d'une enquête décrite par M. Tessarolo. À Toronto, la première partie de l'enquête sur la disparition de Holly Jones dépendait entièrement de l'ADN. On avait trouvé des empreintes génétiques sous des ongles de la victime. Au cours des étapes préliminaires de l'enquête, plus d'une centaine de policiers travaillaient au dossier. Une fois que l'on a identifié le suspect par l'entremise des empreintes génétiques, il n'y avait plus qu'une demi-douzaine de policiers chargés de l'affaire. Vous pouvez imaginer à quel point cette réduction de l'effectif a engendré des économies.
À cela s'ajoute le fait que les deux enquêteurs et le procureur de la Couronne ont reconnu que M. Briere avait plaidé coupable en grande partie à cause des preuves d'ADN qui avaient été prélevées chez la victime et dans sa maison. Imaginez à quel point on peut économiser de l'argent si l'on n'a pas besoin d'avoir un procès de meurtre au premier degré qui coûte des milliers de dollars par jour. À elle seule, cette affaire pourrait probablement nous fournir la moitié du financement dont nous avons besoin pour une année.
[Français]
Le sénateur Carignan : Est-ce possible de retracer l'étude et nous en expédier une copie?
[Traduction]
M. Tessarolo : Bien entendu, sénateur. J'inclurai cela dans les renseignements que m'a demandés le sénateur Wallace.
La présidente : Il vaut mieux envoyer les renseignements à la greffière du comité, afin que tous les sénateurs puissent les recevoir, et non pas seulement la personne qui a eu la brillante idée de le demander.
Le sénateur Joyal : Conformément à l'entente INTERPOL qu'a signée le Canada, nous sommes maintenant tenus de fournir des résultats d'ADN. Au cours des dernières années, il y aurait eu environ 481 ou 486 demandes. Lorsqu'on fait une telle demande auprès du Canada et que les résultats d'ADN proviennent d'un de vos laboratoires, êtes-vous informé de la nature de la demande effectuée?
[Français]
La même question s'adresse à vous, monsieur Dufour.
M. Dufour : C'est la GRC.
M. Laberge : Si on a un dossier qui doit aller à l'international, c'est la GRC qui va faire la liaison avec l'international. Il y a eu dans le passé des dossiers où on a identifié des suspects de meurtre en Floride, au Québec et en Ontario. C'est le type d'exemple que j'ai vus, il y a quatre, cinq, six ans. Effectivement, des échanges se font régulièrement sur le plan international. Quand on a besoin de tels échanges, on procède ainsi.
Le sénateur Joyal : Mais est-ce que vous êtes informés lorsqu'il y a une demande par un service policier étranger?
M. Laberge : Si cela nous concerne, oui.
Le sénateur Joyal : Vous êtes automatiquement informés?
M. Laberge : Oui.
[Traduction]
Le sénateur Joyal : Donnez-vous la même réponse?
M. Newman : Oui, grâce à l'entente INTERPOL, il existe un processus de partage des données, et cela se fait dans les deux sens.
Par exemple, si en Ontario, un profil d'identification génétique obtenu sur les lieux d'un crime porte les enquêteurs à pressentir que l'auteur du crime pourrait être un ressortissant d'un autre pays que le Canada, ils demanderont à INTERPOL de faire une recherche par l'intermédiaire du laboratoire. L'enquêteur doit présenter un formulaire à cet effet. Quant à nous, nous y insérons les données scientifiques, le profil d'identification génétique, et le tout est transmis à la Banque nationale de données génétiques à Ottawa, qui se charge d'organiser les recherches par l'entremise d'INTERPOL et d'établir un contact avec l'agent enquêteur.
Pour les autres pays, comme le Royaume-Uni, la démarche est inversée et si on nous envoie un échantillon d'empreintes génétiques obtenu sur les lieux d'un crime que l'on souhaite apparier au Canada, nous, en tant que laboratoire, on ne nous avise que si l'échantillon correspond à un échantillon obtenu sur les lieux d'un crime commis en Ontario.
Le sénateur Joyal : Il vous est impossible de refuser d'accéder à une telle requête, n'est-ce pas?
M. Newman : Vous parlez d'une requête provenant d'un enquêteur ontarien?
Le sénateur Joyal : Oui.
M. Newman : Non, nous ne refuserions pas une telle requête. Nous sommes l'interface entre l'enquêteur et la Banque nationale de données génétiques. Nous intervenons parce que nous sommes la source du profil.
Le sénateur Joyal : Vous parlez de l'échantillon, n'est-ce pas?
M. Newman : C'est exact.
[Français]
Le sénateur Joyal : Je suppose que c'est la même chose pour vous?
M. Laberge : C'est tout à fait la même chose.
[Traduction]
La présidente : Messieurs, merci beaucoup. La discussion a été fort intéressante grâce aux renseignements que vous nous avez fournis. Nous vous en sommes très reconnaissants. Vous contribuez énormément à notre travail et nous vous en remercions.
Chers collègues, notre prochaine réunion se tiendra mercredi prochain, dans la même salle, à 16 h 15, ou à l'ajournement du Sénat. Nous vous enverrons la liste des témoins à l'avance.
(La séance est levée.)