Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Affaires juridiques et constitutionnelles
Fascicule 2 - Témoignages du 25 mars 2010
OTTAWA, le jeudi 25 mars 2010
Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles se réunit aujourd'hui à 10 h 35 pour étudier les dispositions et l'application de la Loi sur l'identification par les empreintes génétiques (L.C. 1998, ch. 37).
Le sénateur Joan Fraser (présidente) occupe le fauteuil.
[Traduction]
La présidente : Honorables sénateurs, bienvenue à cette réunion du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles au cours de laquelle nous allons poursuivre l'examen légal des dispositions et de l'application de la Loi sur l'identification par les empreintes génétiques.
Nous avons le privilège d'accueillir ce matin les témoins du ministère de la Justice et de Sécurité publique Canada. Nous avons le plaisir d'avoir Greg Yost, du ministère de la Justice, qui est un visage familier ici. Il est avocat dans la Section de la politique en matière de droit pénal; nous accueillons également Barry MacKillop, directeur général, Direction générale de l'application de la loi et des stratégies frontalières de Sécurité publique Canada.
Merci d'être venus aujourd'hui. Je crois que M. Yost va commencer.
Greg Yost, avocat, Section de la politique en matière de droit pénal, ministère de la Justice Canada : Honorables sénateurs, c'est un plaisir de comparaître devant vous à nouveau. Lorsque j'ai comparu le 25 mars 2009, David Bird et moi avions présenté une étude sur des questions susceptibles d'intéresser le comité, notamment la création d'un fichier génétique des personnes disparues qui pourrait aider les services de police à identifier les restes humains et à retracer les personnes disparues.
Dans mes remarques d'ouverture, j'ai déclaré que la question de la création d'un fichier génétique des personnes disparues avait fait l'objet d'études intensives. Je pense que l'on peut dire que cette idée bénéficie d'un large appui. La préparation du cadre législatif est toutefois la partie la plus facile. Tout le monde demande qu'on utilise davantage les empreintes génétiques pour résoudre les crimes, et il faudra trouver les ressources qu'exigera la mise sur pied d'un fichier génétique des personnes disparues.
Je vois que de nouveaux membres siègent au comité, et je vais donc décrire le rôle qu'a joué le ministère de la Justice dans l'étude de la création d'un fichier des personnes disparues. Cette question a été examinée dans le document de consultation préparé en 1996 par le ministère du Solliciteur général qui a débouché sur l'adoption de la Loi sur l'identification par les empreintes génétiques et la création de la Banque nationale de données génétiques.
[Français]
Le ministère de la Justice a participé à la préparation du document de consultation, notamment en ce qui a trait à l'examen des questions juridiques. Mais le ministère du Solliciteur général était responsable de l'ensemble du projet et gérait toutes les questions opérationnelles et financières.
Essentiellement, cette répartition des responsabilités est demeurée inchangée. La Banque nationale de données génétiques est bien entendu gérée par la GRC et à Loi sur l'identification par les empreintes génétiques relève du ministre de la Sécurité publique.
L'intérêt porté à cette question, manifesté notamment sous forme de projet de loi déposé dans l'autre Chambre, l'a tenue à l'avant-plan. Ainsi, le ministère de la Sécurité publique a préparé un document de consultation dont les passages de nature juridique ont été rédigés par le ministère de la Justice. La consultation a été lancée en mars 2005.
Toutes les observations devaient être transmises au ministère de la Sécurité publique au plus tard le 30 juin 2005.
[Traduction]
Après la consultation, le ministère de la Sécurité publique a mis sur pied un groupe de travail fédéral-provincial- territorial chargé d'élaborer un plan de mise en œuvre d'un fichier génétique des personnes disparues. J'ai coprésidé, avec un avocat du Québec, un sous-comité des questions juridiques, administratives et liées à la protection de la vie privée. Nous avons préparé un document sur les questions juridiques, nous avons rencontré les gouvernements intéressés et, en janvier 2007, nous avons présenté notre rapport final au comité plénier.
J'ai pu me servir de cette analyse juridique lorsque j'ai comparu avec d'autres représentants du gouvernement, devant le Comité permanent de la sécurité publique et nationale qui examinait le projet de loi C-279, un projet de loi d'origine parlementaire qui aurait autorisé la création d'un fichier génétique des personnes disparues. J'ai fait remarquer que si les provinces pouvaient fixer les modalités de leur participation, un tel fichier ne porterait pas atteinte à leurs compétences.
Nous pouvons prendre des mesures législatives fédérales pour faciliter l'échange d'information. Cet échange serait semblable à celui que permet la Banque nationale de données génétiques. Les provinces ne sont pas obligées de verser les profils criminalistiques dans le fichier de criminalistique, mais comme vous le savez, elles le font volontiers, parce que ce service est utile.
Le gouvernement fédéral a le pouvoir de créer un fichier génétique des personnes disparues, mais la Charte et la protection de la vie privée exigent que les mesures législatives, les protocoles et les procédures qu'il faudrait élaborer pour mettre en œuvre ce projet de loi comprennent des dispositions destinées à protéger le caractère confidentiel de l'information génétique se trouvant dans le FGPD et à empêcher l'utilisation irrégulière de cette information.
De plus, le projet de loi doit contenir des dispositions claires au sujet des personnes qui peuvent consentir à ce que le profil des personnes disparues soit versé dans le FGPD, des renseignements qu'il faut communiquer à ces personnes pour qu'elles puissent donner un consentement éclairé, du droit de la personne concernée de préciser si le profil peut être comparé à ceux du fichier de criminalistique, et le fichier des condamnés, et de la question du retrait du consentement. Manifestement, le ministère de la Justice et nos collègues de la GRC, la Banque nationale de données génétiques, le ministère de la Sécurité publique, les laboratoires provinciaux et les organismes d'application de la loi devront collaborer si nous voulons régler toutes ces questions.
Depuis ma dernière comparution, le Comité permanent de la sécurité publique et nationale de la Chambre des communes a présenté son rapport sur l'examen légal de la Loi sur l'identification par les empreintes génétiques, qui recommandait que les ministres fédéral, provinciaux et territoriaux responsables de la justice et de la sécurité publique examinent la meilleure façon de créer deux fichiers supplémentaires d'identification génétique, à savoir un fichier des personnes disparues et un fichier des victimes. Dans sa réponse déposée le 18 octobre, le gouvernement a accepté en principe toutes les recommandations, et s'est engagé à procéder, en priorité, à des consultations dans le but d'en arriver à un consensus sur la meilleure façon de procéder.
Je serai heureux de répondre à vos questions et nous attendons avec intérêt votre rapport et ses recommandations.
Barry MacKillop, directeur général, Direction générale de l'application de la loi et des stratégies frontalières, Sécurité publique Canada : Bonjour. Honorables sénateurs, je vous remercie de m'offrir l'occasion de pouvoir décrire au comité les activités de Sécurité publique dans le domaine de l'analyse génétique au Canada et de me permettre de participer aux discussions entourant la création d'un fichier des personnes disparues, ou FPD. C'est un domaine où, comme M. Yost l'a fait remarquer, beaucoup de travail a déjà été accompli.
On s'entend pour dire que l'analyse génétique est peut-être l'outil le plus important du système de justice pénale depuis la découverte des empreintes digitales. Elle permet d'accroître l'efficacité globale du système en diminuant le temps des enquêtes policières et en les orientant de façon utile, de réduire les coûts associés aux poursuites et aux procès, d'éviter le fardeau financier et social lié à l'incarcération de personnes innocentes et à l'exonération des personnes condamnées à tort, ainsi que d'accroître la sécurité publique en identifiant les délinquants dangereux et en les plaçant en détention.
La Banque nationale de données génétiques, BNDG, est l'instrument principal qui permet au système de justice pénale d'avoir recours aux analyses génétiques au Canada. C'est une base de données qui a été créée en 2000 sous la direction de la GRC et qui comprend deux fichiers : le fichier des condamnés et le fichier de criminalistique. Le 29 janvier 2010, le fichier des condamnés, dont tous les profils proviennent de la Banque nationale de données génétiques comme telle, contenait 183 098 profils génétiques de délinquants condamnés pour une infraction désignée. Le fichier de criminalistique, dont les données sont fournies par les Services des sciences judiciaires et de l'identité de la GRC, le Centre des sciences judiciaires de l'Ontario, situé à Toronto, et le Laboratoire de sciences judiciaires et de médecine légale de Montréal, contenait 53 895 profils de scène de crime de partout au pays. Les services de police ont utilisé les données contenues dans deux fichiers pour effectuer environ 14 000 enquêtes.
[Français]
Mais le succès de l'analyse génétique, depuis la proclamation de la Loi sur l'identification par les empreintes génétiques, en 1999, a entraîné des problèmes de capacité dans les laboratoires. Les lois fédérales promulguées en janvier 2008, au moyen des projets de loi C-13 et C-18 ont fait grandement augmenter le nombre d'infractions désignées pour lesquelles l'analyse génétique peut être utilisée, soit de 59 à plus de 260.
La GRC a entamé un processus de transformation majeur de ses services des sciences judiciaires et de l'identité, à savoir un nouveau processus d'enquête judiciaire destiné à réduire les délais et à améliorer les normes de service à la clientèle. Comme l'a signalé le commissaire adjoint Henschelr lors de son passage devant le présent comité le 17 mars, ce nouveau processus a été bien accueilli par les intervenants et les nouvelles normes des services sont une nette amélioration par rapport aux normes précédentes. En 2009, 2 939 des 7 191 profils du fichier de criminalistique provenaient de la GRC, soit 41 p. 100, comparativement à 34 p. 100 pour l'Ontario et à 25 p. 100 pour le Québec.
[Traduction]
L'idée de créer un fichier des personnes disparues est reliée à l'analyse génétique et à la Banque nationale de données génétiques. Cette idée a été explorée par Sécurité publique Canada et ses partenaires. Malgré les avantages que pourrait offrir la possibilité d'ajouter à la Banque nationale de données un FDP, il convient de commencer par s'occuper des contraintes et des difficultés reliées au régime d'identification par les empreintes génétiques au Canada.
Une étude de la possibilité de créer un FDP a été effectuée. En 2005, Sécurité publique Canada a préparé un document de consultation publique portant sur les défis techniques et juridiques associés à la création de ce fichier. En 2007, une séance de conception du processus a eu lieu. Elle a débouché sur un plan d'établissement des coûts et de mise en oeuvre. Le rapport de conception final décrivait trois scénarios, avec les coûts correspondant à chacun.
La différence entre ces scénarios résidait dans le nombre de jours qui devait s'écouler avant qu'une personne soit considérée comme disparue : 30, 60 ou 90 jours. Le coût de mise en oeuvre du fichier, un montant de 10 millions de dollars, était constant, mais le coût de fonctionnement diminuait si l'on augmentait la période pendant laquelle la période devait être disparue. Dans le scénario de 30 jours, le coût de fonctionnement avait été évalué à l'époque à 3,5 millions de dollars par an; pour celui de 60 jours, les coûts passaient à 2,65 millions de dollars par année et pour celui de 90 jours, à 2 millions de dollars par année, dépendant du nombre d'échantillons à traiter.
Le rapport présente trois scénarios possibles, mais certaines difficultés demeurent. Il nous faut notamment définir clairement ce qu'est une personne disparue, établir un cadre financier convenable basé sur les sphères de compétence en matière d'administration de la justice, et clarifier les droits et les questions de vie privée entourant la collecte et la conservation de l'ADN des membres de la famille de la personne disparue.
Le travail préparatoire a été fait, mais le groupe de travail n'a pas rédigé de rapport final en raison de la difficulté à justifier un coût aussi élevé pour créer un FPD alors qu'on ne répond pas aux besoins des laboratoires judiciaires et qu'on avait prévu que les examens parlementaires recommanderaient que soit augmentée la capacité de la Banque nationale de données. Depuis qu'il a reçu le rapport de la Chambre des communes, Sécurité publique Canada a eu d'autres discussions avec ses partenaires fédéraux, afin de recueillir leurs commentaires sur divers sujets relatifs au FPD, dont l'établissement des coûts, les questions juridiques et de protection de la vie privée, les domaines de compétence et les critères à appliquer pour définir ce qu'est une personne disparue. Le travail sur ces modèles se poursuit et les consultations avec les partenaires provinciaux et territoriaux devraient se poursuivre.
Finalement, le budget de 2010 prévoit un investissement de 10 millions de dollars sur deux ans pour faire face au problème du nombre élevé des femmes autochtones disparues ou assassinées. Des mesures concrètes seront prises pour veiller à ce que les organismes d'application de la loi et le système de justice répondent aux besoins des femmes autochtones et de leur famille. Sécurité publique Canada travaille avec ses collègues du ministère de la Justice pour évaluer et définir les meilleures façons dont les organismes d'application de la loi et le système de justice peuvent intervenir.
Pour terminer, j'aimerais réaffirmer notre engagement à poursuivre la collaboration avec nos partenaires, pour renforcer le régime des analyses génétiques au Canada et continuer à examiner la création d'un fichier des personnes disparues au Canada.
Je serai heureux de répondre à vos questions.
La présidente : Je vous remercie tous les deux. Avant de passer aux questions, je remercie M. Yost de sa lettre concernant les sujets de préoccupation. Cette lettre est pour nous un document utile et succinct.
Le sénateur Wallace : Merci pour vos exposés.
Pour éviter tout malentendu, je préciserai que nous avons tous une idée des données qui devraient être versées dans un fichier des personnes disparues et un fichier des victimes, ainsi que de la façon dont ces fichiers pourraient servir à résoudre des crimes, les crimes commis actuellement. Nous savons que la population souhaite vivement que ces fichiers soient constitués, et comme vous l'avez fait remarquer, il existe un certain nombre de rapports et d'études qui semblent être favorables à cette création.
Pouvez-vous nous décrire, de façon à ce que nous comprenions bien la logistique, le rôle que joueront ces deux fichiers ainsi que leurs relations avec le fichier de criminalistique et le fichier des condamnés actuels? Comment seront pris les échantillons? Comment cela fonctionnera-t-il dans le cadre que constitue la Banque de données génétiques?
M. Yost : Je vais commencer par répondre à cette question, même si c'est M. Ron Fourney qui connaît le mieux comment se font ces choses.
Il faut faire une différence entre deux ou trois choses. Il y a l'analyse des restes humains non identifiés. Cette analyse pose certains problèmes. Plus les restes sont anciens, plus il est difficile d'en tirer un échantillon génétique utilisable. Il faut effectuer une analyse mitochondriale, mais cela pose la question technique de trouver un laboratoire capable d'effectuer cette analyse, étant donné qu'il n'y en a qu'un au Canada.
Ensuite, lorsqu'une personne disparaît, il est possible de prendre un échantillon génétique de cette personne grâce à ses effets personnels — brosse à dents, peigne, et cetera — c'est une opération semblable à celle qui s'effectue sur les lieux d'un crime. Il est prévu que cette analyse génétique serait confiée à un laboratoire judiciaire.
On pense toutefois qu'il serait possible d'obtenir l'empreinte génétique des membres de la famille proche de ces personnes. Cet échantillon génétique est important, parce qu'il permet de vérifier, en faisant des comparaisons parentales que M. Fourney comprend et pas moi, si nous avons bien trouvé l'empreinte génétique de la personne en question grâce à la brosse à dents. Ce processus est très rapide et ressemble beaucoup à ce que fait la Banque nationale de données génétiques avec un échantillon provenant d'un condamné.
La trousse actuelle sera sans doute modifiée. La police obtiendra des échantillons provenant des parents ou des frères et sœurs de la personne disparue, qu'elle placera sur une fiche vierge. Elle demandera ensuite à la Banque nationale de données génétiques de traiter les échantillons dans son système automatisé et d'élaborer un profil génétique.
Il y a ensuite une question plus délicate, à savoir avec quoi ce profil génétique pourra-t-il être comparé. Il existe des modèles. Je crois que l'État de la Floride a élaboré un modèle parfait. Les autorités obtiennent le consentement de la personne concernée au sujet des fichiers avec lesquels la personne souhaite que soit comparé le profil génétique obtenu.
On peut penser que tous les échantillons seront comparés à ceux des restes humains non identifiés. Dans certains cas, on pourra également les comparer avec les profils du fichier des condamnés. Cette information risque de prendre la forme de bonnes nouvelles, mauvaises nouvelles; par exemple, nous avons retrouvé votre enfant, mais il purge, à l'heure actuelle, une peine de prison au pénitencier de Kingston.
Cependant, pour les échantillons de référence en particulier, la personne concernée risque d'hésiter à faire comparer son profil avec celui du fichier de criminalistique car elle risquerait ainsi d'être soupçonnée d'un crime. Il faudra élaborer des protocoles qui préciseront clairement le déroulement du processus et l'utilisation de l'échantillon.
Je crois savoir qu'en Floride, presque tout le monde demande, en pratique, que le profil soit comparé à tous les autres. Si un de mes enfants avait disparu, je suis sûr que j'autoriserais également ces comparaisons. Il faudrait toutefois élaborer ce protocole.
M. MacKillop : Je ne pense pas avoir grand-chose à ajouter; M. Yost a couvert le sujet. Il existe toutefois un aspect sur lequel le consensus est moins général, à savoir la question des comparaisons entre les profils génétiques, celle de la façon d'obtenir l'autorisation de comparer le profil avec le fichier de criminalistique et les autres, en particulier dans le cas d'une personne qui a disparu, parce qu'elle le voulait — il y a parfois des gens qui ne veulent pas être retrouvés. Qui doit autoriser au départ le versement du profil génétique dans la Banque de données et comment obtenir cette autorisation?
Cela soulève également la question des responsabilités provinciales et fédérales. Ces questions font partie de celles que le groupe de travail fédéral-provincial-territorial examine et qu'il faudra régler avant de pouvoir présenter un modèle fonctionnel sur lequel tout le monde s'entendrait.
Le sénateur Wallace : Si l'on remonte à 2004-2005, on constate qu'il y a eu un certain nombre d'études et groupes de travail qui ont examiné cette question. Progressivement, à mesure que la population comprend mieux les possibilités qu'offre l'analyse génétique, il se crée chez elle des attentes. Je suis convaincu que la plupart des choses que vous avez dites aujourd'hui l'ont été il y a cinq ans et pourtant, nous sommes toujours en train d'attendre ces fichiers.
De votre point de vue, cela vient-il du fait que ces fichiers ne sont pas une priorité parce que la banque de données est déjà sollicitée pour d'autres choses — notamment en raison des demandes accrues, avec les projets de loi C-13 et C- 18, par exemple? On a parlé d'un problème de ressources; il faut attribuer à cette banque des ressources supplémentaires pour qu'elle puisse répondre à la demande. Compte tenu de toute cette information, est-ce que cela explique que le fichier des personnes disparues ne soit pas une priorité et n'ait pas l'importance que beaucoup voudrait lui voir accorder et que même si nous pensons qu'il faudrait faire davantage, la demande quotidienne actuelle rend pratiquement impossible la création de ce nouveau fichier? Est-ce bien là que nous en sommes avec le fichier; est-ce bien la raison pour laquelle nous ne progressons pas?
M. MacKillop : Je crois que l'on peut dire que lorsque les groupes fédéral, provinciaux et territoriaux et les autres ont commencé à examiner ces fichiers, les demandes, les attentes et les défis auxquels font face les laboratoires qui effectuent des analyses génétiques pour les fichiers criminels, ils ont constaté qu'il était difficile d'alourdir cette charge de travail et de demander à la banque de données de faire plus que ce qu'elle fait à l'heure actuelle.
Je pense que ces fichiers ont toujours été une priorité dans le sens que tout le monde y pense. Ils ont toujours fait l'objet de discussions et d'études et nous avons essayé, autant que nous le pouvons, de faire progresser cette question. Compte tenu des restrictions, compte tenu des défis auxquels font face les laboratoires, compte tenu de la perception qu'ont les provinces de la façon dont les laboratoires fournissent le service demandé, par exemple, il a semblé difficile d'alourdir à l'époque cette charge de travail.
Avec les examens parlementaires et le processus de transformation qu'a déclenchés la GRC ainsi que les améliorations qu'a déjà apportées ce processus de transformation, je pense que cette information va aiguiser l'appétit de voir élargir la banque de données ainsi que les fichiers.
Le sénateur Wallace : Jusqu'ici, est-ce qu'un service du ministère a été chargé d'établir une liste des choses à faire pour régler toutes les questions préalables à la création de l'un ou de ces deux fichiers — le fichier des personnes disparues et le fichier des restes humains? Quelqu'un a-t-il dressé la liste de ces choses à faire? Quelqu'un a-t-il été chargé de fournir cette information et d'établir un calendrier pour mettre sur pied ces fichiers ou en sommes-nous toujours à l'étape des discussions, des débats et des consultations?
M. MacKillop : Ce travail relève pour l'essentiel de mon secteur; je travaillerais en collaboration avec M. Yost du ministère de la Justice. Nous travaillons avec nos partenaires provinciaux et territoriaux, sous la direction d'un comité de coordination composé de hauts fonctionnaires — et nous faisons rapport aux sous-ministres et ministres.
Il est prévu que nous allons leur présenter ces rapports. Les fichiers en sont encore à l'étape de la consultation parce qu'il reste des problèmes à régler. Le travail qui s'effectue porte sur les problèmes et sur les solutions à leur apporter, mais il n'y a pas de larges consultations sur le principe. Nous n'avons pas fixé de délai pour achever ce travail, mais nous faisons rapport, tous les ans, aux ministres de la Justice FPT.
Le sénateur Wallace : Y a-t-il une date approximative à laquelle les questions devraient être résolues pour ainsi pouvoir aller de l'avant?
M. MacKillop : M. Yost pourrait peut-être vous parler des consultations en cours. Nous espérons conclure ces consultations relativement rapidement.
M. Yost : Comme je l'ai mentionné dans mes remarques, le gouvernement a accepté les recommandations du comité de la Chambre et demandé qu'il soit procédé à ces consultations sur une base prioritaire. Nous avons fait un travail important. J'ai ici la troisième version du document de consultation.
La présidente : Avons-nous ce document?
M. Yost : Je crains que non. D'un côté, nous avons organisé deux tables rondes avec des experts; nous avons invité à la première un représentant du FBI et un autre du Service des sciences médico-légales du Royaume-Uni. Nous avons procédé à un certain nombre de modifications à la suite de ces tables rondes.
J'étais à Montréal et j'ai profité du fait que le gouvernement du Québec était disposé à convoquer ses experts pour examiner ces questions exclusivement en français, ce qui a été très agréable. La deuxième version a été rédigée le lendemain du budget fédéral, ce qui nous a permis d'annoncer qu'on avait affecté à cette opération 14 millions de dollars sur deux ans — et je vous donnerai d'autres détails à ce sujet plus tard — ce qui a beaucoup facilité le déroulement de la réunion.
Il faut toutefois que je modifie ce document à cause des commentaires qui ont été faits à cette réunion. Il doit ensuite être approuvé par mon ministre et par le ministre de la Sécurité publique pour que nous puissions le rendre public, ce qui se fera, je l'espère, bientôt. Le FPD est mentionné dans le document, mais il mentionne également toutes les autres questions que nous devons régler.
Les travaux se poursuivent. J'attendais la semaine dernière une analyse de toutes les propositions à la lumière de la Charte. Nous avons fait beaucoup de travail sur la Charte mais nous devons revoir l'ensemble des propositions et examiner la façon dont elles s'articulent entre elles. Je regarde mon courriel tous les matins en espérant que cette étude arrive, mais je sais qu'en fonction des événements, d'autres priorités apparaissent reliées à des mesures législatives. J'espère obtenir très rapidement cette étude. Je ne peux rien présenter à mon ministre ni au ministre de la Sécurité publique sans cette analyse constitutionnelle, comme vous pouvez le comprendre.
Nous avons fait beaucoup de travail pour évaluer les coûts. Il est facile de calculer le nombre de personnes qui sont déclarées coupables ou accusées d'infractions. Il est difficile de savoir quel est le nombre de ces personnes qui ont déjà leur profil dans la Banque nationale de données génétiques. Nous ne voulons pas prélever deux fois des échantillons sur ces personnes, ce qui se passerait si leur profil se trouve déjà dans la banque de données; cette opération coûte en effet très cher et est fort complexe. Il se fait également du travail sur la révision des modèles de FPD qui ont été élaborés à l'époque.
Les laboratoires judiciaires ont clairement indiqué qu'ils ne possédaient pas la capacité nécessaire pour effectuer ce travail, compte tenu de leur arriéré et la Banque nationale de données génétiques a demandé comment elle pourrait intégrer ce nouveau rôle si elle était obligée, d'un seul coup, de devenir trois fois plus importante pour pouvoir répondre aux recommandations. Nous avons commencé à effectuer une analyse des coûts essentiels, si je peux m'exprimer ainsi, comme cela doit être fait à un moment ou à un autre pour chaque recommandation présentée au gouvernement.
Nous en sommes maintenant au fichier. Il y a eu effectivement un temps d'arrêt. Je ne sais pas si le mot « amusé » convient vraiment, mais quand j'ai examiné tous les documents produits, y compris le rapport de mon sous-comité sur les questions juridiques soulevées par le FPD, j'ai vu cette phrase : « Le sous-comité note également que l'examen parlementaire de la LIEG qui doit certainement commencer cette année va probablement contenir [...] ».
Ce n'est pas ce qui est arrivé. Les choses auraient été beaucoup plus faciles si toutes ces recommandations avaient été présentées à un moment où le gouvernement avait un excédent au lieu d'un déficit, de sorte que ce projet se heurte effectivement des défis financiers.
Le sénateur Wallace : Merci.
[Français]
Le sénateur Carignan : J'aimerais avoir plus de détails sur le montant de 14 millions de dollars sur deux ans prévu dans le budget de 2010. Le ministère de la Sécurité publique a parlé de 10 millions de dollars sur deux ans pour l'aide aux femmes autochtones disparues ou assassinées.
Premièrement, est-ce que ce montant de 10 millions de dollars s'ajoute aux 14 millions de dollars? Deuxièmement, avec la somme de 14 millions de dollars, est-ce qu'il est prévu de travailler au rattrapage du laboratoire ou s'il est prévu de faire du nouveau développement? Et si c'est pour du nouveau développement, quelle en est la nature?
M. MacKillop : Premièrement, le montant de 14 millions de dollars servait à l'analyse de l'ADN au Canada. C'est ce qui était inscrit au budget. Mais on est en train de développer des options pour savoir quoi faire exactement avec cette somme.
Comme vous allez sûrement le reconnaître, ce ne sont que des recommandations que je formulerais au ministre. C'est pourquoi en ce moment je ne suis pas en mesure de dire ce qu'on ferait avec les 14 millions de dollars. Pour ce qui est du montant de 10 millions de dollars, ce n'est pas exactement la même chose.
Il s'agit de deux programmes distincts et on est en train de développer des options avec le ministère de la Justice pour définir l'accès à ces fonds.
Le sénateur Carignan : Je comprends que vous avez eu 14 millions de dollars au budget sans faire de représentations détaillées sur ce que vous feriez avec cette somme. Je suis impressionné du résultat que vous avez obtenu.
M. MacKillop : Je suis certain que vous savez comment cela fonctionne sur le plan du budget et de l'argent alloué au budget. Les options demeurent tout de même des opinions, des options qu'on donne au ministre.
Le sénateur Carignan : Quand prévoyez-vous faire des recommandations au ministre? Compte tenu du fait qu'on va produire un rapport accompagné de recommandations, il serait intéressant que nos recommandations fassent partie des options que vous pourriez soumettre au ministre.
M. MacKillop : On essaye toujours de le faire le plus rapidement possible quand il s'agit de sommes allouées dans le budget. On ne dispose jamais de beaucoup d'argent dans le budget. C'est pourquoi on tente de présenter des options le plus rapidement possible. Ensuite, il y a un processus gouvernemental qui décide d'approuver ou non les recommandations.
La présidente : Est-ce qu'une partie de la somme de 14 millions de dollars serait allouée aux deux laboratoires en Ontario et au Québec, ou si elle irait juste à la Banque nationale de données génétiques?
M. MacKillop : Encore une fois, pour l'instant je ne peux que vous citer ce qui est mentionné dans le budget. Toutes ces options pourraient faire partie de celles qu'on pourrait mettre de l'avant.
La présidente : Si j'ai bien compris, monsieur Yost, c'est une option qui a plu aux interlocuteurs de Montréal?
M. MacKillop : Je n'étais pas présent. Je ne peux donc pas dire ce que M. Yost a dit aux représentants de Montréal.
M. Yost : La seule chose que nous avons dite aux représentants du laboratoire et aux fonctionnaires du ministère de la Sécurité publique, c'est que nous étions très conscients des pressions qui s'exerçaient sur tous les laboratoires et que tôt ou tard, il y aurait des nouvelles au sujet de ces 14 millions de dollars, et on ne pouvait évidemment rien leur promettre.
Le sénateur Boisvenu : Le fait que vous n'ayez pas de réponse à propos des 14 millions de dollars me surprend. Qu'ils fassent partie du budget fédéral ou du budget provincial, les chiffres sont toujours préparés par les fonctionnaires. Ce n'est pas le ministre qui injecte les 14 millions de dollars. Quelqu'un de votre ministère a dû faire des calculs.
M. MacKillop : Il incombe toujours au gouvernement de décider comment le gouvernement veut dépenser cet argent.
Le sénateur Boisvenu : Ce n'est pas ma question. Je vous donne un exemple. Dans la Loi sur l'assurance-emploi, le gouvernement prévoit l'ajout de 6,6 millions de dollars pour rendre admissibles les victimes d'acte criminel à l'assurance-emploi.
Au Québec, c'est le calcul que nous avons fait pour le coût et nos chiffres ont été pris en compte. Sans vouloir être agressif par rapport à votre réponse de tantôt, je crois que vous devriez savoir comment les 14 millions de dollars seront dépensés parce qu'il doit provenir de vos ministères.
[Traduction]
M. MacKillop : Il ne s'agit encore pour le moment que d'opinions présentées à mon ministre sur la façon de dépenser cette somme.
La présidente : J'aimerais poser une question au sujet du processus. Je conclus de ce que vous avez dit que ce montant de 14 millions de dollars ne résulte pas d'une demande détaillée transmise au ministre des Finances qui mentionnait que vous aviez besoin de 375 000 $ pour ceci et de 5 millions de dollars pour cela. Cette somme est la réponse qu'a apportée le gouvernement à des observations et à des recommandations provenant de diverses sources, y compris le comité de la Chambre des communes, selon lesquelles il fallait affecter davantage de fonds à ce domaine. Le gouvernement a admis avoir trouvé 14 millions de dollars et vous a demandé d'en faire le meilleur usage possible. Est-ce que cela décrit assez bien ce qui est arrivé?
M. MacKillop : Pour l'essentiel.
[Français]
La présidente : J'imagine que cela ne vous satisfait pas.
Le sénateur Boisvenu : Les trois laboratoires sont venus nous expliquer qu'ils avaient tous le même problème. Ils ont dit qu'ils ne savaient pas si la somme de 14 millions de dollars allait répondre aux besoins. J'aimerais maintenant revenir sur le dossier des disparitions.
Le sénateur Joyal : Sénateur Boisvenu, avez-vous le texte du budget avec vous?
Le sénateur Boisvenu : Oui.
Le sénateur Joyal : Lisez le texte du budget pour voir ce que les mots veulent dire.
Je lis en français :
Le budget de 2010 prévoit 14 millions de dollars sur deux ans pour accroître la capacité de traiter les échantillons d'ADN afin que les résultats puissent être intégrés dans la Banque nationale de données génétiques.
Comme il s'agit du résultat de la Banque nationale, j'imagine que les trois laboratoires contribuent à mettre des données dans la Banque nationale et devraient avoir accès à ces 14 millions de dollars. C'est la façon dont je l'interprète.
Le sénateur Boisvenu : Vous avez employé le bon mot « devrait ».
Le sénateur Joyal : Raisonnablement.
La présidente : C'est une clarification.
Le sénateur Boisvenu : C'est une clarification grammaticale. Je reviendrais avec les cas de disparition. Les statistiques de disparition au Canada ne font pas partie des statistiques sur la criminalité. Cela veut dire que pour avoir des bons chiffres sur les disparitions dites suspectes, donc criminelles, il est très difficile via même les statistiques du ministère de la Justice que les corps policiers puissent avoir des données justes sur les cas de disparition. On sait une chose par contre, c'est que le taux de résolution des disparitions est d'environ 15 p. 100 au Canada.
Le corps policier qui fonctionne le mieux est celui de l'Ontario, avec 30 p. 100 de taux de résolution, parce qu'il a mis en place depuis 2001 une escouade spécialisée dans les cas de disparitions. Cette escouade vient en aide aux policiers municipaux pour régler des problèmes de disparition. Le fichier des disparus est essentiel. Le fichier d'ADN sur les criminels répertorie des gens qui ont commis un crime. Le fichier des disparitions va répertorier des victimes et on pourra ensuite faire le lien avec des criminels potentiels qui continueront de récidiver.
Vous êtes au courant du dossier qui a été élucidé à Détroit, l'été dernier. C'est un criminel qui a assassiné huit femmes depuis 1981. C'est grâce au fichier d'ADN des victimes et des criminels qu'on a peu faire le lien entre les deux et qu'on a pu intercepter l'individu après huit assassinats.
Un fichier des disparus a une valeur encore plus grande sur le plan de la prévention que le fichier d'ADN des criminels qui ont déjà commis un acte, car les disparitions non résolues sont dues à des criminels qui continuent à récidiver. Comment admettre que 500 femmes autochtones de l'Ouest canadien aient disparu depuis une quinzaine d'années sans qu'on n'ait jamais pu retrouver leurs traces? Est-ce dû à leurs origines?
M. MacKillop : Je crois qu'il s'agit d'un manque de coordination, de données et d'information dans le système. Ce sont les enjeux sur lesquels nous travaillons.
Le sénateur Boisvenu : Comment on peut comprendre qu'au Québec, par exemple, il n'y ait pas encore de fichiers centralisés des cas de disparition? Chaque corps policier a son fichier de disparu.
La présidente : Nos témoins ne peuvent pas en parler.
Le sénateur Boisvenu : Je reviens à la banque. En 2006, on a rédigé le projet de loi C-279. Monsieur Yost, vous aviez participé à cette rédaction.
M. Yost : C'était un projet de loi d'initiative parlementaire, on n'a donc pas participé à son élaboration. J'étais devant le comité avec M. Bird de la Gendarmerie royale du Canada. Nous avons fait mention de plusieurs problèmes quant à la rédaction de la législation qui devraient être corrigés advenant son adoption. Comme vous le savez, le projet de loi n'a pas été adopté donc il n'y avait aucune raison de présenter des modifications. Cela nous a aidés énormément dans notre analyse juridique. On a utilisé ce projet de loi comme base pour notre analyse juridique afin de savoir qu'est-ce qu'il y aurait lieu de changer pour qu'il respecte la Charte des droits et libertés, le respect de la vie privée et autres. Mais on n'a pas participé à la rédaction.
Le sénateur Boisvenu : Vous êtes au courant de la Lindsay's Law?
M. Yost : Oui.
Le sénateur Boisvenu : Il s'agit du nom d'une dame dont l'enfant a disparu il y a plusieurs années. Elle milite depuis une quinzaine d'années pour l'adoption d'un tel fichier de disparus. Je comprends que ce n'est pas de votre autorité de conclure à la nécessité ou pas d'un fichier de disparus, mais vu de mon angle de citoyen, dont un enfant a été assassiné, ancien président d'une association dont 20 p. 100 des membres sont de familles dont un proche a disparu et dont on n'a jamais retrouvé les traces, je pense que le fichier des disparus est un outil essentiel pour le travail des policiers.
La présidente : Je pense que ce n'était pas tellement une question. C'était un très beau commentaire. Il reste cinq sénateurs sur la liste, alors si on pouvait terminer d'ici une demi-heure ou 40 minutes, ce serait utile.
[Traduction]
Le sénateur Patterson : J'ai deux questions. Premièrement, lorsque des membres du Comité consultatif de la Banque nationale de données génétiques ont comparu devant le comité au cours d'une session antérieure du Parlement, ils ont affirmé qu'il serait utile pour les enquêtes criminelles que les organismes d'application de la loi puissent verser le profil génétique de la victime dans la base de données, et que cette information aiderait la police à résoudre les crimes plus rapidement.
Les témoins ont-ils des opinions au sujet de la création d'un fichier des victimes? Un tel fichier pose-t-il des problèmes?
M. Yost : Lorsque nous parlons de verser le profil génétique des victimes dans une banque de données, cela touche deux situations. La première qui, d'après moi, ne devrait pas soulever de difficultés ni de problèmes juridiques est le cas où nous avons retrouvé la victime du crime — le torse sans tête que M. Fourney a utilisé dans un exemple. Il serait utile pour l'enquête que le profil génétique de cette personne soit versé dans la banque et comparé aux profils contenus dans les autres fichiers. Le profil pourrait être comparé avec ceux du fichier de criminalistique — il est possible que l'on ait retrouvé d'autres parties du corps ailleurs — mais le fichier des condamnés serait également très utile pour le service de police qui a identifié ce torse comme étant peut-être celui d'une personne qui faisait le commerce de la drogue et qui avait déjà été condamnée.
L'autre cas est celui de la victime d'une agression sexuelle. L'exemple qu'avait donné M. Bird, si ce n'est pas devant le comité, c'était sans doute devant le comité de la Chambre des communes, était un cas réel dans lequel l'agresseur avait placé un chandail sur la tête de la victime pour que celle-ci ne puisse pas le voir. La police a éventuellement réussi à obtenir ce chandail; lorsqu'elle a effectué une analyse sur le chandail, elle a obtenu non seulement l'empreinte génétique de la victime de ce crime, mais celle d'autres femmes qui semblaient avoir été agressées de la même façon.
Cependant, même si ces femmes avaient accepté de verser leur profil génétique dans ces fichiers pour que la police puisse obtenir ce genre de correspondance, les dispositions législatives en vigueur actuellement ne nous auraient pas permis de le faire. Dans ce genre d'affaire, lorsqu'il s'agit d'un être humain vivant, il faut obtenir le consentement éclairé de la personne concernée pour pouvoir utiliser son profil génétique.
Encore une fois, il peut arriver qu'une personne hésite à ce que son profil génétique soit versé dans le fichier de criminalistique, parce qu'il sera automatiquement comparé à tous les autres profils obtenus dans tous les autres lieux de crime.
Ces problèmes peuvent être résolus. Un fichier des victimes serait une chose utile. Il a été recommandé par le Comité permanent de la Chambre des communes.
Le sénateur Patterson : Sur un autre sujet, je crois savoir que le Royaume-Uni, et certainement certains États américains, autorisent ce qu'on appelle les recherches familiales, l'analyse de la parenté. La Loi sur l'identification par les empreintes génétiques n'a pas envisagé cette technologie, parce qu'elle n'était pas vraiment au point à l'époque. Il semble toutefois que cette technique puisse faciliter les enquêtes. Encore une fois, que pensent les témoins des recherches familiales et cette technique pose-t-elle des problèmes qu'il conviendrait de résoudre?
M. Yost : Je vais commencer à vous répondre. Lorsque nous avons comparu en mars 2009, nous avons eu notre séance d'information pour l'examen du Sénat, qui était pratiquement identique à la séance d'information que nous avons donnée à la Chambre des communes. La Chambre des communes n'a pas abordé la question des recherches familiales. J'invite les nouveaux membres du comité à lire ces documents. Je les aimais bien.
Il est vrai qu'il ne contient pas de disposition prévoyant l'analyse de la parenté. Ce genre d'analyse ne peut être effectuée aux termes de la loi actuelle. Dès qu'il est certain qu'une personne donnée n'est pas un suspect, la Banque nationale de données génétiques ne peut transmettre aucun renseignement signalétique; même si selon les lois de la génétique ou d'autres domaines, il existe une probabilité de 99 p. 100 que cette personne soit un membre de la famille proche d'une personne qui figure dans le fichier des condamnés, nous ne pouvons pas transmettre cette information.
J'aimerais avoir l'opinion du comité sur la question de l'utilisation des recherches familiales. À mon avis, ce serait une technique utile pour la police dans certains cas limités, principalement à cause des coûts. Nous en revenons aux priorités et aux coûts. Ces coûts ne sont peut-être pas très élevés pour la Banque nationale de données génétiques, mais ils le sont davantage pour les services de police, en particulier si la banque de données envoie une liste de suspects, en se fondant sur différents critères. Dans une affaire célèbre, la banque du R.-U. qui est beaucoup plus importante que celle du Canada a dressé une liste contenant 40 suspects. Une telle liste veut dire que le service de police doit consacrer beaucoup de temps et d'énergie à cette enquête alors que le taux de succès n'est que de 15 p. 100, si je me souviens bien.
Dans le cas des travailleuses du sexe qui ont disparu à Edmonton ou dans la région, il s'agirait plutôt d'un outil de dernier ressort, mais avec ce genre de tueur en série en liberté, il serait bon de pouvoir utiliser la Banque nationale de données génétiques. L'élaboration des protocoles, des procédures va exiger pas mal de travail, tout comme la définition des niveaux scientifiques à partir desquels les probabilités sont très fortes, mais il est possible d'adopter un projet de loi qui autorise l'utilisation de cette technique. Quant à savoir si une telle loi serait utilisée fréquemment, c'est une autre question.
Le sénateur Baker : J'aimerais vous interroger au sujet des questions posées par le sénateur Boisvenu.
L'exposé que vous avez présenté au comité contenait un bon nombre de commentaires concernant le fichier des personnes disparues. Vous avez examiné l'histoire des projets de loi précédents présentés à la Chambre des communes, et vous avez mentionné le fait que le Comité permanent de la sécurité publique et nationale de la Chambre des communes avait présenté un rapport spécial à la Chambre des communes et recommandait des changements.
Vous nous avez également informés du fait que M. Yost avait comparu devant le comité, et que le gouvernement, ou le ministère de la Justice, pensait à cette époque qu'il fallait modifier et adapter les projets de loi précédents. Vous avez parlé des réunions fédérales-provinciales-territoriales qui ont eu lieu sur cette question ces dernières années.
Si nous tenons pour acquis que le sénateur Boisvenu ou le sénateur Carignan voudront peut-être présenter dans un proche avenir un projet de loi visant à créer un fichier des restes humains et un fichier génétique des personnes disparues...
La présidente : Vous ne devriez peut-être pas mettre des noms sur vos hypothèses.
Le sénateur Baker : Je me fie aux questions qui ont été posées par les membres du comité, madame la présidente. Je pars d'une hypothèse, c'est exact, mais je peux vous dire qu'elle suscitera un intérêt considérable. Cette question attend une solution depuis des années et nous en sommes arrivés à un point où des projets de loi ont été présentés et où le ministère de la Justice a déclaré avoir préparé certains amendements.
Accepteriez-vous de remettre au comité les principaux amendements concernant le dernier projet de loi au sujet duquel vous avez témoigné devant la Chambre des communes? C'est ma première question. Et la deuxième est la suivante, seriez-vous favorable à ce qu'un tel projet de loi soit présenté?
Vous avez expliqué que vous n'avez pas suffisamment de fonds pour mettre en œuvre ce genre de projet de loi, mais celui-ci pourrait contenir une disposition précisant qu'il ne sera mis en œuvre que lorsque le gouvernement aura les moyens de le faire.
Il y a deux questions. Premièrement, pouvez-vous nous fournir le texte des modifications et reconnaissez-vous que, même si vous ne nous fournissez pas les amendements relatifs aux préoccupations liées à la Charte que soulève le projet de loi dont vous avez parlé il y a un moment, ces modifications n'empêcheront pas la présentation de ce projet de loi ni sa modification avant qu'il soit définitivement adopté par la Chambre des communes?
M. Yost : Premièrement, il n'y a pas eu en fait d'amendements de préparés. Si le gouvernement au pouvoir était favorable à l'adoption du projet de loi, il serait normal de demander alors au ministère de la Justice ce qu'il faut faire pour l'améliorer. Je n'ai pas relu mon témoignage au sujet du projet de loi C-279, mais je crois me souvenir que j'avais souligné que la rédaction de ce projet de loi soulevait un certain nombre de problèmes. J'ai retrouvé une note d'information que j'avais préparée et elle mentionne six ou sept problèmes de ce genre. Je pense qu'ils se trouvent dans un compte rendu public, de sorte qu'il est possible d'en prendre connaissance.
À mon avis, le projet de loi C-279 aurait dû être complètement refondu pour qu'il puisse être applicable. Un des principaux problèmes était, par exemple, qu'il obligeait le Commissaire de la GRC à obtenir les consentements, alors que la GRC n'est pas le service de police qui s'occupe de l'immense majorité des Canadiens; on peut donc se demander comment le Commissaire aurait pu obtenir ces consentements?
Il n'y avait pas non plus d'articles précisant la nature des consentements exigés ni d'articles sur la possibilité de retirer un consentement concernant un profil versé dans un fichier. Il faudrait que ces problèmes soient réglés.
Enfin, le problème essentiel que posait le projet de loi C-279 à l'époque où il a été présenté — et la raison pour laquelle il a été mis de côté — était que c'était un projet de loi de finances. Il ne pouvait être mis en œuvre sans qu'on y affecte des fonds; par conséquent, même si le comité de la Chambre l'a examiné et que nous avons parlé des problèmes qu'il soulevait, il a été mis de côté pour les problèmes qu'a mentionnés M. MacKillop : le montant des fonds nécessaires à sa mise en œuvre à une époque où tout le monde se préoccupait, en particulier la GRC, des délais dans lesquels s'effectuait l'analyse des échantillons criminalistiques.
L'établissement de priorités est un rôle fondamental du gouvernement et du budget, et même si nous travaillons sur un fichier des personnes disparues — et nous allons certainement revoir une fois de plus les chiffres et les coûts — en fin de compte, c'est le gouvernement qui décide d'accorder ou non une priorité à un tel fichier des personnes disparues et de l'intégrer dans un cadre plus général.
Il est possible d'élaborer un projet de loi qui préciserait le cadre dans lequel le fichier pourrait être élargi à l'avenir, à mesure que la capacité s'accroît. Cependant, même avec la meilleure volonté du monde, il manque de tout. Pour que les gens soient capables de faire ce genre de travail, il faut qu'ils aient suivi une longue formation. Je suis à peu près certain que tous les laboratoires judiciaires voudront utiliser les fonds supplémentaires qu'ils peuvent obtenir sur ce montant de 14 millions de dollars, pour faire davantage et plus rapidement.
Le sénateur Baker : Enfin, madame la présidente, le rapport de ce comité sera bientôt communiqué à M. Yost, M. MacKillop et à leurs ministres. Depuis que le comité a commencé à étudier cette question, j'ai entendu tellement de fois les mots « Nous allons attendre le rapport du Parlement » — de ce comité et ce celui de la Chambre des communes — pour mettre en route cette initiative.
Monsieur Yost, je présume que, lorsque nous allons présenter le rapport du comité, vous allez l'examiner immédiatement et qu'il va être ensuite approuvé par le ministre — tout comme il l'a fait pour le rapport de la Chambre des communes — et que vous procéderez à la mise en oeuvre des recommandations.
M. Yost : Je pense que vous surestimez mes pouvoirs, monsieur le sénateur. À moins que je sois dessaisi de ce dossier, j'espère que le rapport sera présenté bientôt, parce que, comme je l'ai déclaré, nous sommes en train de mettre au point un document de consultation, et cetera. Franchement, je ne sais pas exactement de combien de temps le gouvernement dispose pour y répondre; mais, il est certain qu'il m'appartiendra d'effectuer la première analyse de ce rapport pour savoir quelles sont ses répercussions et sa portée; M. MacKillop sera également invité à donner au gouvernement une idée des coûts possibles et ensuite, il présentera au gouvernement des recommandations sur ce qu'il devrait accepter et les aspects sur lesquels il entretient des réserves.
Ai-je été suffisamment vague?
Le sénateur Baker : Oui.
La présidente : Monsieur Yost, si vous n'aviez pas autant d'expérience comme témoin, j'aurais signalé au sénateur Baker qu'il allait au-delà de votre domaine de responsabilité.
Je crois que le gouvernement a trois mois pour répondre à un rapport. Si nous demandons une réponse au ministre, il a trois mois pour nous la transmettre, je crois que c'est 150 jours.
Le sénateur Joyal : Seulement si nous avons présenté une motion en ce sens au Sénat.
La présidente : Il faut demander une réponse, mais lorsque cela est fait, le ministre dispose de 150 jours.
Le sénateur Watt : Pour en revenir à ces femmes disparues, et pour compléter ce que mon collègue de l'autre côté a demandé, pourriez-vous nous montrer comment cela fonctionne sur le plan pratique? Si le policier a été informé — quelle que puisse être cette personne et l'organisme dont elle relève — du fait que ces personnes avaient disparu, j'imagine qu'il existe des renseignements généraux à leur sujet. Il ne s'agit pas nécessairement de données génétiques, mais l'information existe.
Si vous êtes obligé d'obtenir des échantillons génétiques d'un membre de la famille de ces personnes disparues, j'aimerais avoir une idée plus précise de la façon dont vous obtenez le consentement des membres de cette famille. J'imagine qu'ils veulent retrouver les membres de la famille qui ont disparu; ils n'hésiteront sans doute pas à fournir un échantillon génétique là où on leur demande de le faire. Pourriez-vous nous expliquer le processus, le processus habituel?
La deuxième question porte sur le même sujet. Est-il possible que cette information puisse être uniquement utilisée pour cette fin et pas nécessairement à des fins générales? Autrement dit, si vous obtenez le consentement du membre de la famille pour qu'on utilise son profil génétique, est-il possible de restreindre l'utilisation de ce profil à une seule fin et à aucune autre? Pouvez-vous nous donner une idée de la façon dont ce processus se déroule?
M. MacKillop : Je vais laisser le côté législatif à M. Yost. Je crois qu'il est possible de rédiger un projet de loi qui interdit ou autorise pratiquement ce que l'on veut.
Pour ce qui est d'expliquer les modalités du consentement, je dois dire que je regrette de ne pas être un policier. Je crois toutefois savoir que chaque organisme d'application de la loi a adopté ses propres politiques et procédures, lorsqu'il s'agit de personnes disparues. Ces organismes obtiennent des renseignements auprès d'un membre de la famille, d'un ami ou d'une personne qui déclare que quelqu'un a disparu et elles vont remplir les formulaires et insérer les renseignements qu'elles possèdent. Ensuite, au moment fixé — et je crois savoir que les organismes d'application de la loi utilisent chacun des délais différents — ils communiquent ces renseignements au Centre d'information de la police canadienne, le CIPC, et ils peuvent ensuite utiliser ces renseignements pour effectuer leur enquête.
Le fait que tous les services policiers ont tendance à avoir leurs propres politiques et procédures, et que celles-ci ne sont donc pas normalisées constitue une difficulté. La quantité et le type de renseignements qui sont transmis au CIPC ne sont donc pas nécessairement les mêmes dans l'ensemble du pays.
Pour ce qui est de coordonner les enquêtes, ou de coordonner la communication des renseignements qui pourraient être utiles aux enquêtes sur les personnes disparues, il y a une lacune. C'est une lacune que nous examinons également, qui ne consiste pas à inclure les données génétiques, mais les renseignements et ce qui doit être communiqué au CIPC.
C'est une difficulté qui est examinée et qui a été soulevée par certaines de nos provinces de l'Ouest, par rapport au travail qu'elles ont effectué en Saskatchewan et en C.-B. L'Association canadienne des chefs de police a également examiné cette question pour ce qui est des renseignements qui devraient être communiqués au CIPC à l'égard des personnes disparues et de la façon dont nous communiquons ces renseignements.
Le sénateur Watt : C'est un domaine sur lequel vous aimeriez que le comité se penche.
M. MacKillop : Le comité pourrait se pencher sur cette question, s'il le souhaite, mais il ne m'appartient pas de dire au comité de s'occuper de quoi que ce soit.
Le sénateur Watt : Avez-vous d'autres choses à dire sur cette question?
M. Yost : Il se fait beaucoup de choses pour essayer de coordonner les enquêtes sur les personnes disparues. Je ne m'intéresse à ce dossier dans ma section de la politique en matière de droit pénal que de façon accessoire, et c'est une avocate qui s'occupe de ce dossier. Cette avocate m'avertit s'il se passe quelque chose qui touche les empreintes génétiques.
Je crois toutefois savoir qu'elle travaille à partir du modèle adopté par la Police provinciale de l'Ontario, pour voir s'il serait possible d'en faire un modèle national pour que tout le monde communique les mêmes renseignements. Lorsque l'on recherche quelqu'un, une des premières choses utilisées est une photo. Cette photo sera envoyée à tous les services de police canadiens, au début tout au moins, sur un réseau sécurisé. Avant que qui que ce soit puisse regarder la photo, il faut d'abord élaborer des protocoles et des règles; mais ce n'est pas mon dossier.
On estime que les données génétiques représentent le dernier espoir et le pire, si je peux m'exprimer ainsi. Il s'agit d'obtenir les renseignements de façon uniforme le plus rapidement possible et de retrouver la personne disparue plutôt que d'essayer d'identifier par la suite des restes humains.
Le sénateur Watt : Je pense qu'il est également possible de synthétiser les données génétiques. On nous a dit que c'était un aspect qui préoccupait également les policiers, la possibilité qu'un échantillon génétique soit déposé sur les lieux d'un crime pour impliquer certaines personnes. C'est une possibilité.
L'analyse permet-elle de faire une distinction entre les échantillons génétiques naturels et artificiels?
M. MacKillop : Cela dépasse mes compétences.
La présidente : Sénateur Watt, si vous examinez les témoignages que nous avons entendus hier après-midi, après votre départ, vous trouverez peut-être des renseignements sur cette question.
Le sénateur Watt : A-t-on fourni une réponse?
La présidente : À peu près; M. Fourney a également abordé cette question rapidement la dernière fois qu'il a comparu devant nous.
Le sénateur Watt : Sommes-nous satisfaits des recommandations qui ont été présentées au comité?
La présidente : Nous n'avons pas reçu de recommandations; nous avons reçu des renseignements. Cependant, vous posez une question scientifique et c'est la raison pour laquelle j'interviens.
Je pense qu'aucun d'entre vous deux n'est en mesure de répondre à des questions scientifiques, n'est-ce pas?
M. Yost : M. Fourney a une piètre opinion de ma capacité à comprendre la biologie.
M. MacKillop : La biologie que j'ai apprise avec le secondaire et pendant mes premières années d'université ne me permet pas de répondre à une question de cette ampleur.
La présidente : Cela vous convient-il comme réponse, sénateur Watt?
Le sénateur Watt : Pour le moment, oui.
Le sénateur Joyal : Pourriez-vous nous faire savoir si vous faites une prévision approximative de ce que coûterait au gouvernement la création d'un fichier des personnes disparues?
M. MacKillop : Je pense que le groupe de travail a évalué ce coût à plus 10 millions de dollars en 2007; je pense que le coût sur cinq ans se situait entre 23 et 25 millions de dollars.
Le sénateur Joyal : Cela comprend-il le fichier des victimes ou faudrait-il établir ces coûts séparément?
M. MacKillop : Ces coûts devraient être établis séparément.
Le sénateur Joyal : Avez-vous un prix pour ce fichier?
M. MacKillop : Non.
Le sénateur Joyal : D'après votre expérience, pouvez-vous nous donner une idée du nombre de millions qu'il faudrait?
M. MacKillop : Non, c'est un sujet dont je devrais parler à M. Fourney, parce que le fichier des victimes est légèrement différent, étant donné que les échantillons sont, de toute façon, prélevés sur les lieux du crime. Je ne sais toutefois pas très bien quel est le montant des ressources supplémentaires qu'il faudrait prévoir pour inclure les données génétiques des victimes prélevées sur les lieux d'un crime et les verser dans la Banque nationale de données génétiques.
Le sénateur Joyal : Monsieur Yost, vous avez parlé d'une évaluation de la constitutionnalité du projet de loi concernant les personnes manquantes. Avez-vous reçu à l'époque des commentaires sur cette question de la part du Commissaire à la protection de la vie privée?
M. Yost : Non, pas du Commissaire à la protection de la vie privée. Nous avons reçu une analyse provenant de la Direction de la protection de la vie privée du ministère de la Justice. Nous avons bien sûr consulté les spécialistes de la protection de la vie privée et de la Charte. Nous avons obtenu leurs commentaires. Ces conseils nous aideront à rédiger le projet de loi, si le gouvernement décide d'en présenter un.
Le sénateur Joyal : Les questions de protection de la vie privée que soulève un fichier des personnes disparues jouent un rôle essentiel dans le fonctionnement d'un tel fichier, et je crois même que cet aspect est plus important pour ce fichier que pour la Banque nationale de données génétiques.
M. Yost : Oui, je suis d'accord. M. MacKillop a parlé des personnes qui ne voulaient pas être retrouvées. Nous pouvons tous comprendre la volonté de Judy Peterson de vouloir mettre sur pied ce fichier des personnes disparues. Nous avons toujours tendance à penser à l'adolescent qui vient de disparaître et à ses parents, mais une personne disparue peut être un adulte qui a d'excellentes raisons de disparaître. Nous devons élaborer des protocoles pour préciser quelles sont les personnes qui peuvent demander que l'on recherche quelqu'un, et si ce quelqu'un est retrouvé, que devons nous faire? Permettons-nous à ces deux personnes de communiquer, si l'une d'entre elles ne veut pas être retrouvée, pour une raison ou pour une autre, et que nous découvrons cette situation. Ce travail détaillé n'est pas encore terminé. Il a été signalé que c'était un problème important qu'il fallait étudier. J'espère que nous arriverons éventuellement à le résoudre.
Le sénateur Joyal : La question suivante concerne la décision du gouvernement d'accepter la recommandation du comité de la Chambre des communes datée du 18 octobre, comme vous ou quelqu'un autour de cette table l'a mentionné ce matin. Je crois savoir que le montant de 14 millions de dollars qui figure dans le budget concerne uniquement la recommandation 2 et ne comprend pas la mise en œuvre de l'autre recommandation, pour ce qui est des fonds.
Ai-je raison d'interpréter le budget de cette façon?
M. Yost : Je ne voudrais surtout pas interpréter le budget, mais le budget concerne également la recommandation 2, puisqu'elle prévoit des fonds destinés aux gouvernements provinciaux de l'Ontario et du Québec qui vont attribuer chacun un financement supplémentaire à leurs laboratoires judiciaires.
La Banque nationale de données génétiques n'est pas un laboratoire judiciaire. Les laboratoires judiciaires effectuent les analyses des échantillons prélevés sur les lieux du crime. Lorsque j'ai lu ce crédit, j'ai cru qu'il visait la recommandation 3 concernant le laboratoire judiciaire, le prélèvement systématique d'échantillons génétiques au moment de la condamnation. Le rapport mentionne clairement qu'avant d'introduire cette modification, le gouvernement devra fournir les ressources nécessaires à la BNDG. Cela est évident. Ce travail ne correspond pas du tout à sa capacité et il faudrait lui accorder des ressources, mais je ne pense pas que ce montant de 14 millions de dollars est destiné à la BNDG, parce que je pense qu'on visait davantage les autres laboratoires. Il est possible que je me trompe et je crois que M. Fourney espère que ce soit le cas.
Le sénateur Joyal : Autrement dit, il n'y a pas d'argent dans le budget. Le gouvernement a-t-il eu le temps d'évaluer les répercussions de ces recommandations sur le budget, avant de les accepter? Le gouvernement a-t-il précisé dans le budget la façon de répartir certains montants entre ces diverses recommandations?
M. Yost : La recommandation 2 n'exige pas de modifications législatives. Elle touche des questions opérationnelles. La recommandation 3 et les recommandations proposant un fichier des victimes et un fichier des personnes disparues exigent des changements législatifs importants et vous connaissez le processus qui consiste à élaborer des options pour le cabinet, à rédiger un projet de loi, à le faire adopter par la Chambre des communes et par le Sénat. Nous ne parlons pas de fonds qui vont être versés immédiatement. Il va falloir calculer les coûts et trouver une source de financement ou constater qu'il n'existe pas de source de financement et laisser alors le gouvernement tirer ses propres conclusions à ce sujet et décider des initiatives qu'il appuiera. Cependant, avec la meilleure volonté du monde, je serais très surpris que nous puissions avoir quoi que ce soit de fonctionnel avant 2012.
Le sénateur Joyal : En d'autres mots, si j'ai bien compris vos commentaires, compte tenu du fait que la création d'un fichier des personnes disparues implique l'affectation de crédits, un projet de loi présenté au Parlement sans être appuyé par une recommandation royale prévoyant des fonds pour sa mise en œuvre ne permettrait pas de régler le problème, étant donné que l'adoption d'un tel projet de loi exige l'affectation de crédits?
M. Yost : C'est la décision qu'a prise la Chambre des communes au sujet du projet de loi C-279; le projet de loi devait être accompagné d'une recommandation royale puisqu'il prévoyait la dépense de fonds. Je pense que cette décision sera la même si un projet de loi comparable est présenté à la Chambre. Je ne sais pas très bien comment le Sénat règle ce genre de questions.
Le sénateur Joyal : La Constitution du Canada prévoit que tout projet de loi ayant pour effet l'affectation de crédits doit prendre naissance à la Chambre des communes.
Monsieur Yost, j'aimerais revenir à la lettre que vous avez envoyée à la greffière. Lorsque vous avez comparu le 26 mars, vous avez été invité à fournir une liste des différents problèmes que posait d'après vous ce projet de loi et à signaler les aspects qui faisaient problème. Je pense qu'à ce moment-là, David Bird a également comparu avec vous.
Je sais que vous avez donné suite à cette demande et que votre réponse a été distribuée aux membres du comité. Pouvez-vous signaler dans cette liste de demandes quels sont les points qui exigeaient que soit modifiée la Loi sur les empreintes génétiques?
M. Yost : Croyez-le ou non, je n'ai pas imprimé cette lettre pour l'apporter ici, parce que je pensais que nous allions parler du fichier des personnes disparues. Donnez-m'en un exemplaire et si vous m'accorder un moment, je vais voir ce que je pourrais faire pour vous.
Je vais faire la remarque générale suivante : cette lettre concernait les problèmes que soulevait le système actuel. Certains changements, certaines choses qu'il faut faire ne constitueraient pas un problème si le projet de loi était rédigé de façon complètement différente au lieu d'être fondé sur l'obligation d'obtenir une autorisation judiciaire dans tous les cas.
Le premier aspect, à savoir si la condamnation concerne une infraction désignée, va exiger que soit changée la loi. Si nous travaillons sur le système actuel, nous pourrions choisir un critère précis, voulant que tout acte criminel soit une infraction désignée ou presque. Ce critère pourrait être appliqué à toutes les infractions; les tribunaux n'auront aucune difficulté à juger si l'infraction doit donner lieu au prélèvement de données génétiques.
Le sénateur Baker : Et que faites-vous des infractions mixtes?
Le sénateur Joyal : Le problème concerne les infractions mixtes.
M. Yost : On pourrait préciser qu'une infraction mixte ayant donné lieu à des poursuites selon la procédure sommaire pourrait également faire l'objet d'une analyse génétique. Si ce type d'infraction était compris, cette catégorie ne ferait pas problème.
L'exécution des ordonnances de la Banque nationale de données génétiques soulève par contre des problèmes. Nous savons que les policiers n'aiment pas être obligés d'agir sur-le-champ. Les mandats posent souvent de nombreuses difficultés. Les policiers préféreraient une situation où les prélèvements seraient obligatoires dès qu'il y a condamnation ou arrestation, comme le mentionnait le sénateur Runciman. Je ne pense pas que je vous livre là des secrets; au cours de nos consultations, il a toujours été clair que la préférence des services de police était le prélèvement d'un échantillon au moment de l'arrestation — nous avons la personne, nous prélevons un échantillon d'ADN immédiatement. Cela supprimerait bien évidemment tout ce problème. Je ne sais pas s'il existe une solution rapide. Il faudrait modifier la loi pour trouver d'autres façons de prélever des échantillons.
Le CIPC — la question de savoir si le profil se trouve déjà dans la BNDG — je ne pense pas que le projet de loi puisse régler cette question. Pour ce qui est des profils génétiques des victimes et des personnes décédées, je crois qu'il a été question que ces profils soient versés dans la banque. Il a également été fait mention d'une base de données d'élimination des suspects. Il faudrait modifier la loi pour régler cette question.
Pour ce qui est du fichier de criminalistique, ce ne sont pas toutes les scènes de crime qui concernent des infractions désignées; les modifications éventuellement apportées à la catégorie des infractions désignées vont avoir des répercussions sur cet aspect, qui est relié au précédent.
La communication des correspondances suffisantes touche aux recherches familiales et aux analyses de parenté. Il est évident qu'il faudrait modifier la loi sur ce point.
La lettre fait référence aux échanges internationaux. Je ne sais pas très bien ce que nous pouvons faire dans ce domaine avec le projet de loi. Cela découle probablement de ce que nous communiquons à l'échelle nationale. À l'heure actuelle, il y a un parallélisme des échanges de renseignements, mais cette méthode pourrait susciter quelques hésitations si nous commencions à prélever des échantillons génétiques au moment de l'arrestation de personnes qui n'ont pas été déclarées coupables de quoi que ce soit. Sommes-nous prêts à communiquer ces renseignements à d'autres pays? C'est un aspect que nous devons examiner.
Voilà qui termine la lettre, et j'en suis heureux.
Le sénateur Joyal : Enfin, je vais revenir au fichier des personnes disparues, parce que c'est le sujet sur lequel vous avez été invité à témoigner ce matin. Dans vos consultations, y avait-il une province ou un territoire qui était réticent à la création de ce fichier?
M. Yost : Plusieurs provinces se sont inquiétées des coûts. Les provinces qui avaient leurs propres laboratoires judiciaires — pour ne pas les nommer — ont fait savoir qu'elles n'avaient pas la capacité de mettre en œuvre un tel fichier et qu'elles étaient prêtes à s'opposer à tout projet de loi qui viserait à les obliger à le mettre en œuvre.
Mon coprésident du comité des questions juridiques venait de la province de Québec, une province qui tend à protéger ses domaines de compétence. Tant que nous respectons la notion de consentement pour ce fichier, et que nous n'essayons pas d'obliger les coroners à faire quoi que ce soit, parce qu'ils relèvent des provinces, et que nous agissons comme pour le fichier de criminalistique — voici un service qui est fourni au palier national; si vous voulez verser des données, vous pouvez le faire — il n'y a pas d'objections. Par contre, toute tentative d'imposer quoi que ce soit dans des domaines relevant des provinces va susciter une résistance.
[Français]
Le sénateur Boisvenu : Il y a deux philosophies sur le plan du fichier des disparus : l'une qui prône dix fichiers provinciaux réunis dans une même banque, et l'autre un fichier centralisé. Votre orientation irait dans quel sens?
M. Yost : Je crois qu'un fichier centralisé serait préférable. La législation prévue lors de la création de la Banque nationale de données génétiques prévoyait que les provinces feraient toutes les analyses, même des condamnés, et que les comparaisons se feraient à Ottawa, sur un seul ordinateur. Ce projet de loi C-13 n'a pas connu un grand succès. Nous avons dû modifier la législation et tout centraliser à Ottawa.
Ceci est très avantageux, à mon avis, étant donné que l'on peut établir des normes à travers le pays et que les mêmes renseignements se trouveront dans un format uniforme. Évidemment, cette méthode implique beaucoup de consultations et de collaboration avec les provinces et les juridictions, mais je suis convaincu que la volonté de coopérer est là et que les problèmes opérationnels peuvent être surmontés.
Le sénateur Boisvenu : Dans votre document, vous parlez de travaux relatifs à la mise en œuvre d'un fichier de personnes disparues; en 2005, une version préliminaire, en 2007, une séance de conception. Ces documents sont-ils disponibles?
M. Yost : Je sais que je n'ai pas l'autorisation de distribuer le document qui a été préparé par mon sous-comité sur les questions légales. Nous n'avons jamais demandé aux provinces si elles avaient des objections ou non. C'était pour nos travaux internes. Je suppose que c'est la même chose avec les autres documents qui ont été préparés.
M. MacKillop : Essentiellement oui, c'est la même chose. On n'a pas demandé l'autorisation de divulguer les documents de travail qu'on utilise et qu'on continue à utiliser tant qu'on avance avec les consultations et qu'on arrive, j'espère, un moment donné, avec un document final.
Le sénateur Boisvenu : Madame la présidente, il serait important que le comité ait ces documents.
La présidente : Si on n'a pas le droit de les avoir, on n'a pas le droit, mais je vais demander aux témoins de se renseigner, aussi vite que possible. Si un individu veut exploiter du côté de la Loi sur l'accès à l'information, c'est autre chose, moi, je vous fais une demande selon les règles régissant les comités et les relations entre les comités, les fonctionnaires et les ministères.
[Traduction]
Le sénateur Runciman : M. Yost a parlé du budget, du montant de 14 millions de dollars qu'a mentionné le sénateur Joyal. Le rapport qu'a préparé Services conseils du gouvernement pour le gouvernement indique que l'Ontario et le Québec vont devoir augmenter leur capacité d'environ 65 p. 100 s'ils veulent répondre aux obligations qu'imposent les projets de loi C-13 et C-18, d'après les conclusions de cet organisme. Il utilise un chiffre d'environ 7 millions de dollars par an pour les deux provinces, si l'on veut qu'elles répondent aux obligations prévues par ces deux projets de loi.
Vous avez raison. Le rapport montre qu'il n'y a pas de ressources supplémentaires au palier fédéral pour ce qui est des défis. Le rapport contient un commentaire qui est accablant sur certains points, parce qu'il mentionne que la GRC dispose d'une excellente technologie — de deux ou trois fois le personnel des autres laboratoires — et a moins d'échantillons à traiter que les deux autres laboratoires.
Je ne sais pas si quelqu'un veut répondre à ce commentaire, mais le rapport conclut que la GRC possède la capacité, mais n'a pas démontré qu'elle était en mesure de traiter une quantité supplémentaire d'échantillons. Cette situation a-t- elle changé ou est-ce qu'elle explique la formulation utilisée dans le budget qui parle d'explorer différents modèles de prestation, notamment la possibilité de privatiser cette opération?
M. MacKillop : À l'époque où a été préparé le rapport de SCG, les laboratoires de la GRC connaissaient quelques difficultés. La GRC était également en train d'ouvrir un nouveau laboratoire et une partie importante de ses ressources étaient consacrées à l'embauche et à la formation du nouveau personnel.
La situation a été corrigée grâce au processus de transformation qu'a mis en œuvre la GRC. Le rapport date et l'information remonte à 2005 ou 2007. La situation a beaucoup changé. Le commissaire adjoint Henschel et Ronald Fourney ont parlé du processus de transformation qu'avait subie récemment la GRC et des progrès qui en étaient découlés. La capacité mentionnée dans ce rapport a changé, et l'efficacité des laboratoires s'est grandement améliorée.
Le sénateur Runciman : Pour ce qui est de la formulation utilisée dans le budget et d'examiner différents modèles de prestation, pourriez-vous nous mentionner les différentes possibilités examinées en matière de prestation?
M. MacKillop : Pour le moment, je ne peux que reprendre ce qui se trouve dans le budget. Nous avons été invités à examiner d'autres modèles de prestation. Il n'est pas acquis qu'il soit nécessaire de choisir un autre modèle de prestation. Jusqu'ici, nous avons simplement été invités à examiner différents modèles et la façon dont nous fournissons ce service.
Le sénateur Runciman : Est-ce que ce sont uniquement des fonctionnaires du ministère qui effectuent cet examen? Je n'aime pas beaucoup que l'on examine différents modèles, du seul point de vue interne. Il est souhaitable de demander à des personnes de l'extérieur qu'elle est la meilleure façon de procéder.
M. MacKillop : Lorsque nous élaborons des recommandations ou préparons une étude, nous essayons d'être aussi objectifs que possible. Je conseille le ministre sur la façon dont nous fournissons ce service à ce moment-ci.
Le sénateur Runciman : Cela empêche le comité d'offrir des conseils comparables.
M. MacKillop : Le comité est libre d'offrir tout ce qu'il veut.
Le sénateur Runciman : Merci.
La présidente : Il est intéressant de mentionner que le gouvernement a déclaré qu'il acceptait en principe toutes les recommandations du comité de la Chambre des communes. Si je me souviens bien, une des recommandations était défavorable à la privatisation. Cette recommandation m'a frappée.
J'aimerais toutefois poser des questions au sujet des différents modèles. J'aimerais également savoir si vous avez envisagé les avantages et les désavantages possibles d'un partenariat public-privé ou si vous avez réfléchi à cette question. En particulier, est-ce qu'une telle approche pourrait être intéressante pour la création de nouveaux services, comme un fichier des personnes disparues?
M. Yost : Je ne suis pas un spécialiste des partenariats publics-privés, mais essentiellement, si nous voulons utiliser ces renseignements comme je le comprends, il serait possible de verser les données dans le Combined DNA Index System, le CODIS. Je crois également savoir que le FBI exige que toutes les données qui sont versées dans le CODIS proviennent d'un laboratoire du gouvernement. Les États-Unis possèdent quelques centaines de laboratoires, parce qu'il y a un certain nombre de services de police qui possèdent leur propre laboratoire. Heureusement, nous n'en avons que trois. Même si le travail était effectué à l'extérieur, il incomberait finalement à la GRC de le vérifier et finalement, de verser les données dans le CODIS.
Je ne m'occupe pas des détails financiers. J'ai beaucoup de respect pour M. MacKillop, parce que je crois que c'est son travail. Cet aspect soulève des questions précises.
La première recommandation est de conserver toutes les données dans la Banque nationale de données génétiques, sauf en cas d'urgences, si je peux m'exprimer ainsi. Il serait peut-être approprié d'établir un partenariat pour répondre à l'augmentation considérable que risque de connaître le nombre des échantillons envoyés à la Banque nationale de données génétiques, que les prélèvements soient effectués au moment de l'arrestation ou de la condamnation. Nous prévoyons que ces chiffres vont diminuer rapidement, compte tenu de l'ampleur de la récidive. Faut-il posséder la capacité nécessaire dès le début, ou acquérir la capacité prévue en trois ou quatre ans et conclure des ententes avec le secteur privé pour lui confier le surcroît de travail initial? Cela soulève des questions financières complexes sur lesquelles je n'ai pas besoin de réfléchir, parce qu'étant dans la section de la politique en matière de droit pénal, ce ne sont pas mes problèmes.
M. MacKillop : Je vous remercie du respect que vous me témoignez. Si nous regardons les partenariats publics- privés, il faudra nécessairement examiner les questions juridiques, de sorte que vous serez bien obligé de vous intéresser à cette question.
Nous n'avons pas effectué d'études sur ces questions. Vous avez raison de dire que le gouvernement a accepté, en principe, toutes les recommandations. La déclaration qui figure dans le budget nous invite à examiner d'autres modèles de prestation de service. Il n'est pas acquis que nous allons proposer un autre modèle de prestation de service. Je me base sur la situation du Royaume-Uni où de nombreux laboratoires sont devenus des laboratoires privés. La raison initiale de ce changement était peut-être financière. Je crois comprendre que l'expérience qu'a connue le Royaume-Uni n'a pas été aussi réussie dernièrement qu'elle semblait l'être au moment où cette voie a été choisie. Nous allons tenir compte de l'expérience acquise par d'autres pays lorsque nous allons examiner les autres modèles de prestation de service.
La présidente : Savez-vous si le Royaume-Uni peut verser des données dans le CODIS?
M. Yost : Je ne sais pas si le R.-U. fonctionne selon le modèle CODIS du FBI. Nous l'utilisons, mais je ne suis pas sûr que ce soit le cas en Europe et au R.-U.
Le sénateur Joyal : À titre d'information, j'invite M. MacKillop à examiner le témoignage qu'a rendu devant le comité Anthony Tessarolo du Ministère ontarien de la sécurité communautaire et des services correctionnels, sur la question de la prestation publique ou privée des services de laboratoire judiciaire.
La présidente : Si les témoins n'ont pas vu ces témoignages, nous serons heureux de les leur fournir. Nous serions ravis de recevoir vos commentaires.
[Français]
Le sénateur Carignan : C'est une question que j'ai déjà posée à d'autres personnes avant, mais elles sont censées nous envoyer l'information. Avez-vous le résultat d'études faites sur les économies engendrées par l'impact de l'ADN dans les enquêtes et lors des procès?
On nous a donné l'exemple d'une enquête à Toronto sur le décès d'une jeune fille. L'enquête révélait que dès qu'on avait trouvé des traces d'ADN, on était passé de 100 enquêteurs à six enquêteurs. Il s'agit d'une économie phénoménale. En matière de justice, les preuves d'ADN influencent le nombre de plaidoyers de culpabilité.
On nous dit qu'en pratique, les preuves d'ADN incitent beaucoup les plaidoyers de culpabilité, donc je voulais savoir si vous aviez des études à ce niveau chiffrant les économies du système.
M. MacKillop : Au niveau de notre ministère, nous n'avons jamais fait d'étude à ce niveau. Nous avons entendu parler de diverses anecdotes, mais aucune étude n'a été produite au niveau des coûts épargnés en utilisant l'ADN versus une autre façon d'enquêter.
M. Yost : Je dois dire qu'au ministère de la Justice, aucune recherche n'a été faite sur cette question. Comme on dit, il y a deux côtés à une médaille. L'ADN, souvent — ce qu'on appelle un « cold case » en anglais —, il ne s'est rien passé depuis dix ans, puis on reçoit une correspondance et toute une enquête commence une fois de plus.
Ce qui est évident, c'est que la certitude d'identification fournie par l'ADN a eu un impact majeur sur toutes sortes de procès. Je crois savoir qu'aux États-Unis, quelques études ont été faites sur cet impact. Je vais voir si je peux les trouver. Dans le système en entier, il a des coûts qui sont élevés et d'autres qui sont réduits.
La présidente : Nous avons reçu un document hier : Effectiveness and Cost efficiency of DNA evidence and volume crime — Denver, Colorado Site Summary.
J'imagine que si le sénateur Joyal l'a, vous l'avez. Ce document a été distribué.
Le sénateur Carignan : Vu la quantité de documents qu'il y a dans votre bureau, je suis certain qu'on ne partage pas les mêmes!
La présidente : Il sait trouver chaque document, voilà le miracle!
[Traduction]
Messieurs, je vous remercie énormément. Comme d'habitude, cette séance a été extrêmement instructive et utile.
(Le comité poursuit ses travaux à huis clos.)