Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Affaires juridiques et constitutionnelles
Fascicule 3 - Témoignages du 14 avril 2010
OTTAWA, le mercredi 14 avril 2010
Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, auquel a été renvoyé le projet de loi S-2, Loi modifiant le Code criminel et d'autres lois, se réunit aujourd'hui à 16 h 16 pour examiner le projet de loi.
Le sénateur Joan Fraser (présidente) occupe le fauteuil.
[Traduction]
La présidente : Honorables sénateurs, il y a quorum. Je vous souhaite la bienvenue à cette séance du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles. Nous entamons l'étude du projet de loi S-2, Loi modifiant le Code criminel et d'autres lois
Notre premier témoin est le promoteur de ce projet de loi, l'honorable Vic Toews, ministre de la Sécurité publique. Monsieur le ministre, c'est la première fois depuis longtemps que nous vous accueillons au comité, et la première fois depuis que vous êtes chargé de ce portefeuille.
L'honorable Vic Toews, député, C.P., ministre de la Sécurité publique : Je vous remercie et vous demande d'excuser mes quelques minutes de retard. Le temps nous est en effet compté, car à 17 h 15, la Chambre des communes est appelée à se prononcer. Je suis accompagné aujourd'hui de Mme Mary Campbell, directrice générale des Affaires correctionnelles au ministère de la Sécurité publique et Protection civile Canada, et de M. Doug Hoover, avocat à la Section de la politique en matière de droit pénal, du ministère de la Justice Canada. Je crois que vous avez déjà eu l'occasion de le rencontrer. Je suis heureux d'être ainsi accompagné par quelqu'un de mon ministère ainsi que par un représentant du ministère de la Justice.
M. Toews : Le projet de loi S-2, Loi modifiant le Code criminel et d'autres lois (Loi protégeant les victimes des délinquants sexuels), vise un signalement adéquat des délinquants sexuels pour que la police dispose des outils dont elle a besoin pour faire son travail, de sorte que les Canadiens et les Canadiennes se sentent en sécurité chez eux. Il s'agit d'augmenter la protection de nos enfants et de tous les Canadiens et Canadiennes.
Ce projet de loi répond également aux préoccupations et aux recommandations des gouvernements provinciaux et territoriaux, qui ont été longuement consultés à propos du Registre national des délinquants sexuels et des améliorations que l'on pourrait y apporter.
Ce projet de loi tient compte des préoccupations et des recommandations des responsables de l'application de la loi ainsi que des divers groupes de victimes. Le projet de loi comprend bien entendu les modifications proposées par le gouvernement et l'opposition aux audiences du comité. J'ai bon espoir que nous pourrons travailler ensemble afin d'assurer l'adoption rapide de ce texte.
Ainsi que les honorables membres du comité le savent déjà, le projet de loi S-2 propose plusieurs modifications fondamentales à la Loi sur l'enregistrement de renseignements sur les délinquants sexuels dans le but de la renforcer. Tout d'abord, les modifications proposées par le gouvernement feront en sorte qu'à l'avenir, tous les individus condamnés pour un crime sexuel au Canada seront automatiquement inscrits au Registre national des délinquants sexuels.
Par ailleurs, les contrevenants reconnus coupables d'une infraction sexuelle et devant être inscrits au registre feront aussi l'objet d'un prélèvement automatique d'empreintes génétiques. À l'heure actuelle, les personnes ayant été reconnues coupables d'un crime sexuel ne sont pas toutes inscrites au registre, car la Couronne doit d'abord soumettre une demande ne ce sens, demande qu'un juge peut refuser.
Je crois savoir que, dans l'état actuel de la législation, 42 p. 100 environ des personnes reconnues coupables de ce genre de crime ne sont pas inscrites au registre. Il faut en effet pour cela que la Couronne soumette d'abord une demande en ce sens et le juge peut l'accueillir ou la rejeter.
Cela veut dire que dans certains cas, les policiers n'ont pas accès à toute l'information dont ils pourraient avoir besoin dans le cadre de leurs enquêtes. Ils ne peuvent tenir compte de ces délinquants comme suspects possibles. L'absence d'une inscription automatique au registre de tous les délinquants condamnés pour les crimes sexuels graves a également mené à un manque d'uniformité dans l'application de la loi au pays. En effet, on pourrait ordonner dans une province qu'une personne déclarée coupable d'agression sexuelle contre un enfant soit inscrite au registre alors qu'elle pourrait ne pas l'être dans une autre province.
Comme l'ont souligné les représentants de la GRC pendant les audiences du comité permanent dans l'autre chambre, certains récidivistes échappent au système actuel en raison de la difficulté qu'on a à déterminer quels délinquants sexuels sont susceptibles de récidiver et lesquels ne récidivent pas. L'inscription systématique permettrait aux policiers de disposer de l'information nécessaire pour accomplir un travail plus efficacement, ce qui rendrait nos rues et nos terrains de jeu plus sûrs pour tout le monde.
Les réformes que propose le gouvernement permettraient à la police d'utiliser le Registre national des délinquants sexuels non seulement pour enquêter après les crimes, mais aussi pour les prévenir.
Selon le système actuel, la police peut accéder au registre seulement après qu'un crime a été commis, afin de dresser une liste des suspects potentiels. Elle ne peut pas l'utiliser de façon préventive pour mieux garder en sécurité nos enfants et les autres membres vulnérables de la société. Les policiers pourraient être témoins d'une situation suspecte près d'un terrain de jeu, par exemple, mais le fonctionnement actuel du système ne leur permet pas de déterminer si la personne impliquée est un délinquant sexuel inscrit au registre.
Je me souviens que lors de la présentation du projet de loi, auquel j'assistais, avec le sénateur Boisvenu, les représentants de la presse ont demandé qu'on leur cite un exemple. L'exemple qui leur a été donné est celui des terrains de jeux. Ils ont demandé après cela un autre exemple. Mais, justement, les activités suspectes aux alentours des terrains de jeux et des écoles sont le principal exemple de ce que nous cherchons à prévenir. Aux yeux de la police, c'est essentiellement cela qu'il s'agit de prévenir.
À quoi bon attendre qu'un crime soit commis pour chercher à savoir si la personne en cause était inscrite au registre des délinquants sexuels. Nous devons procéder à des changements, et c'est bien ce qu'entend faire notre gouvernement. Les modifications proposées par le projet de loi S-2 sont cruciales. Elles sont justes et nécessaires et permettent d'établir un équilibre adéquat. Les services de police et les groupes de protection des victimes ont été très clairs : il faut renforcer le Registre national des délinquants sexuels pour mieux protéger nos enfants et nos collectivités contre les délinquants sexuels.
Grâce aux changements que propose notre gouvernement au moyen du projet de loi S-2, les organismes correctionnels fédéraux et provinciaux pourront aviser les responsables du registre de la libération ou de la réincarcération des délinquants sexuels. Les délinquants sexuels seront en outre tenus de donner un préavis lorsqu'ils prévoient s'absenter de leur adresse résidentielle durant sept jours ou plus, plutôt que pendant 15 jours comme c'est le cas actuellement. Les modifications proposées par le gouvernement permettront aussi au service de police d'une région du Canada d'avertir leurs homologues d'une autre région ou d'un pays étranger lorsque les délinquants sexuels inscrits au registre se rendent sur leur territoire.
Les Canadiens qui rentrent au pays après avoir été reconnus coupables d'un crime sexuel à l'étranger devront eux aussi s'inscrire au Registre national des délinquants sexuels. D'autres changements législatifs proposés aideront la police à enquêter sur les crimes sexuels et à protéger les Canadiens et les Canadiennes, notamment en augmentant la quantité de renseignements que les délinquants doivent consigner au registre, comme le nom de leur employeur ou de leur donneur d'ouvrage sur une base volontaire.
Le présent projet de loi envoie à tous les Canadiens et Canadiennes un message clair signalant que le gouvernement prend des mesures pour assurer la sécurité des collectivités. Les gens veulent être assurés que les délinquants qui commettent des crimes sexuels graves sont identifiés comme tels. Ils veulent se sentir en sécurité chez eux, dans la rue et dans leur milieu et ils veulent que nous agissions maintenant.
Depuis 2006, notre gouvernement a pris des mesures pour lutter contre les crimes violents et pour contribuer à accroître la sécurité de nos collectivités. Nous avons sévi contre les gangs et le crime organisé en imposant de nouvelles règles sévères de détermination des peines. Nous avons donné à la police les outils et les ressources dont elle a besoin pour faire son travail. Nous avons pris des mesures pour lutter contre les trafiquants de stupéfiants et pour aider nos jeunes à éviter les démêlés avec la justice. Nous avons aussi agi pour veiller à ce que nos jeunes soient en sécurité dans le monde virtuel.
Je sais que les honorables sénateurs appuient ces efforts pour assurer la sécurité des Canadiens et des Canadiennes, et je crois sincèrement que vous appuierez les dispositions du projet de loi S-2. De toute évidence, rien n'est plus important que la protection de nos enfants. Dans un tel contexte, il me tarde de travailler avec tous les honorables sénateurs à l'adoption rapide nécessaire du projet de loi S-2.
Si je ne m'abuse, lors de l'examen de ce projet de loi en comité dans l'autre chambre, les partis de l'opposition ont œuvré dans un esprit de collaboration et cela a permis d'ajouter au texte un certain nombre d'amendements. Je leur en suis reconnaissant et j'espère que les travaux de votre comité seront marqués par une même absence d'esprit partisan.
La présidente : Les délibérations de notre comité se déroulent traditionnellement de manière non partisane et je suis certaine que nous ne nous écarterons pas de cette ligne en l'occurrence.
Je tiens à rappeler aux sénateurs que, comme le ministre vient de nous le dire, un vote doit avoir lieu dans l'autre chambre à 17 h 15 et si mes calculs sont justes, cela veut dire que le ministre va devoir quitter la séance à 17 h 8.
Le sénateur Wallace : Merci, monsieur le ministre. C'est un plaisir de vous accueillir à nouveau devant le comité.
Je ne suis guère surpris de voir que, comme vous venez de le préciser dans le cadre de votre exposé, ce projet de loi vise essentiellement à protéger la société et à prévenir certains types d'infractions sexuelles, ou à tout le moins, d'en réduire le nombre. Ceux qui suivent les actualités auront, je pense, remarqué que le nombre d'infractions sexuelles a, depuis un certain temps, beaucoup augmenté.
Avez-vous, lors de l'élaboration de ce texte, eu à tenir compte des nouvelles pressions et des nouvelles exigences de citoyens réclamant un renforcement des mesures de protection contre ces types d'infractions? L'incidence de ce genre d'infraction a-t-elle effectivement augmenté et les citoyens s'en inquiètent-ils en effet, comme le porte à penser ce qu'en disent les médias?
M. Toews : La question mérite d'être posée. À en croire les statistiques, le nombre de cas signalés à la police a baissé. Il semblerait que les gens éprouvent, à l'égard de notre système de justice, une sorte de découragement et que c'est pour cela que l'on conclut à une baisse du nombre d'infractions. Le nombre de plaintes déposées à la police est effectivement en baisse, mais les enquêtes sur la victimisation que Statistique Canada effectue tous les cinq ans démontrent une augmentation du nombre de victimes. Si vous comparez ces statistiques aux chiffres recueillis chaque année par les autorités américaines, vous constaterez que le Canada n'occupe pas une place si privilégiée que ça au niveau de la sécurité de nos villes. Nous jugeons donc la situation préoccupante.
Je ne les ai pas devant moi, mais d'après les chiffres qui m'ont récemment été communiqués, un nombre invraisemblable d'infractions sexuelles ne sont pas portées à la connaissance de la police. Je trouve cela en soi déconcertant. En tant qu'ancien substitut du procureur général, je trouve encore plus déconcertant d'intenter des poursuites lorsqu'il est question d'agression d'enfant. C'est pourquoi je préfère prendre les devants afin d'arrêter les délinquants sexuels avant qu'ils ne commettent de tels crimes, et afin d'éviter qu'un enfant ait à subir cette pénible épreuve qu'est le témoignage en justice.
Certains des amendements au texte du projet de loi me paraissent excellents, car ils vont permettre à la police d'agir en ce domaine de manière préventive.
Le sénateur Wallace : Je vous remercie.
Si j'ai bien compris ce que vous venez de nous dire, le texte du projet de loi ne résulte pas uniquement des cogitations du gouvernement fédéral, mais qu'au contraire, vous avez sollicité l'avis des provinces, des territoires et des représentants des divers organismes répressifs. Pourriez-vous nous en dire un peu plus au sujet de cette concertation qui a abouti à la rédaction de ce texte?
M. Toews : Sur ce point, je crois que Mme Campbell est particulièrement bien placée pour vous répondre. Je peux cependant préciser que les associations de victimes ainsi que les gouvernements provinciaux et territoriaux ont été largement consultés.
La présidente : Monsieur le ministre, étant donné que vous allez devoir nous quitter avant vos collaborateurs, puis-je leur demander de noter les questions auxquelles ils seront appelés à répondre et de réserver leurs réponses pour tout à l'heure.
M. Toews : Parfaitement.
[Français]
Le sénateur Boisvenu : Merci, madame la présidente. Monsieur le ministre, bonjour et bienvenue. C'est avec grand plaisir que l'on vous retrouve ici.
Vous disiez tantôt : « J'ai eu le plaisir de participer avec vous à l'annonce publique de ce projet de loi ». J'étais présent lors de la conférence de presse pour annoncer ce projet de loi où une journaliste vous a demandé ce que ce registre allait changer et comment il pourrait être beaucoup plus efficace. À ce moment-là, j'avais apporté l'exemple de l'assassinat de ma fille. Si le registre avait existé à l'époque, on aurait sauvé une vie. Il est évident que plus ce registre sera performant, plus il sauvera des vies. Je pense qu'il faut être derrière vous, Monsieur le ministre.
J'aimerais vous entendre sur les modifications que vous voulez apporter au registre actuel. En quoi le registre deviendra-t-il beaucoup plus proactif et aura un impact sur la protection, non pas seulement sur la résolution de crimes? Est-ce que ce registre deviendra proactif pour les policiers et faire en sorte que l'on protège encore mieux les femmes et les enfants?
[Traduction]
M. Toews : Merci. Je suis heureux que vous ayez participé à cette conférence de presse. Vos observations au sujet des objectifs de ce projet de loi me semblent tout à fait pertinentes, et il faudrait que tout le monde comprenne de quoi il s'agit.
Ce projet de loi, lorsqu'il aura été adopté, modifiera la législation actuelle et permettra à la police de consulter le registre et obtenir certains renseignements. À supposer, par exemple, qu'une voiture est garée près d'une cour d'école ou d'un terrain de jeux et que ce fait est signalé à la police. Celle-ci va pouvoir consulter le registre des délinquants sexuels pour vérifier si le propriétaire du véhicule n'y figure pas. S'il y figure effectivement, la police va pouvoir agir préventivement. C'est dans ce sens-là qu'il convient, en effet, d'essayer de prévenir plutôt que de simplement enquêter après coup.
Un autre aspect important de la question est l'inscription automatique des personnes dès leur condamnation. On ne saurait surestimer l'importance de cet aspect-là. Lorsque ce projet de loi a été adopté initialement, en 2004, à l'époque où j'étais dans l'opposition, j'ai dit craindre que les obstacles procéduraux ne limitent sensiblement la possibilité, tant pour les procureurs de la Couronne que pour la police et les juges, de faire effectivement inscrire au registre les auteurs de telles infractions. Dans le système actuel, en effet, l'inscription au registre n'est pas automatique après une déclaration de culpabilité, mais il faut pour l'obtenir déposer une demande devant un tribunal. Or, comme cela exige une nouvelle audience, il est presque certain qu'il y aura des ratés.
On ne voyait pas très bien pourquoi les individus reconnus coupables d'une infraction grave ne seraient pas automatiquement inscrits au registre des délinquants sexuels après prélèvement d'un échantillon d'empreintes génétiques. Cela n'a aucun sens, puisque l'on prend les empreintes digitales d'un accusé avant même qu'il soit déclaré coupable. Dès que vous êtes accusé d'un acte criminel, on prend vos empreintes digitales. Cela ne s'expliquait pas.
Je craignais à l'époque que de nombreuses personnes déclarées coupables d'une infraction sexuelle ne finissent pas en fait par être inscrites au registre et c'est effectivement ce qui s'est passé. Je crois savoir que, pour une raison ou pour une autre, 42 p. 100 des personnes déclarées coupables ne voient pas leur nom inscrit au registre alors qu'il devrait l'être.
Je ne critique personne en disant cela. Cela tient simplement à la complexité de notre système et au grand nombre de dossiers à traiter. Il est fréquent que les procureurs de la Couronne et la police n'aient guère le temps d'engager une nouvelle procédure. Une fois obtenue la condamnation, il n'est pas rare qu'ils passent simplement à un autre dossier. C'est pour cela qu'il me semble tellement important de prévoir une inscription automatique et comme cela, même après la libération de l'intéressé, il restera des traces. Cela nous permettra d'agir de manière plus proactive afin de prévenir les crimes et de ne pas attendre qu'un crime ait lieu avant d'intervenir.
[Français]
Le sénateur Boisvenu : Monsieur le ministre, en 2004, j'étais président d'une association qui défendait les victimes d'actes criminels. Lorsque l'on a adopté la première version du registre des prédateurs sexuels, une des critiques que l'on avait faite à l'époque, c'était que le registre n'était pas rétroactif aux criminels qui avaient déjà obtenu une sentence, que l'on libérait et qui étaient dangereux.
Est-ce que le projet de loi actuel s'appliquera aux criminels qui sont déjà incarcérés, qui sont dangereux, que l'on va libérer, mais qui ne sont pas inscrits au registre?
[Traduction]
M. Toews : Non, ce projet de loi ne s'applique pas à eux. Sur ce point, les avis sont partagés. M. Hoover n'est peut- être pas du même avis que moi. J'ai tendance, à cet égard, à adopter une position un peu plus dure peut-être que les avocats du ministère de la Justice. Je ne pense pas cependant que la Constitution interdise que l'on fasse une application rétroactive de ces dispositions. Il ne s'agit aucunement de se prononcer sur la culpabilité d'un individu, mais simplement de l'inscrire à un registre. Ce n'est pas une sanction pénale.
Je sais que dans certaines provinces, rien n'empêche d'inscrire quelqu'un rétroactivement à un registre qui vient d'être institué. Cela dit, il a été décidé en l'occurrence de ne pas rendre cette inscription rétroactive et c'est comme cela que nous allons procéder.
Je préférerais voir le projet de loi adopté dans les meilleurs délais et éviter les retards qu'entraînerait inévitablement un débat constitutionnel sur la question. Peut-être aurons-nous l'occasion d'y revenir ultérieurement. Serait-ce préférable? Je le pense, mais je ne suis pas pour le moment disposé à défendre cette thèse.
Le sénateur Baker : J'aurais quelques questions concernant l'interprétation de ce projet de loi, mais je vais les réserver aux collaborateurs du ministre. J'aimerais donc avoir tout à l'heure la possibilité de leur poser quelques questions.
Je tiens d'abord à souhaiter la bienvenue au ministre. Son parcours est sans faute et il continue à remplir admirablement les fonctions qui lui ont été confiées.
Monsieur le ministre, je voudrais, dans mes questions, m'en tenir au sujet qui vient d'être évoqué. Lorsque les juges prendront connaissance de ce texte, après son adoption, ils l'examineront pour tenter de saisir quelle était l'intention du gouvernement. Je vais donc poursuivre dans la même ligne que l'honorable sénateur. Je relève que la fiche d'information relative au projet de loi, document dont il est parfois fait état en justice, dit exactement ce que vous avez dit il y a quelques instants. À la page 2 de cette fiche, on trouve en effet ceci :
Les délinquants trouvés coupables seront automatiquement inscrits au Registre national des délinquants sexuels et à la Banque nationale de données génétiques. Le tribunal sera tenu de rendre une ordonnance portant inscription au registre et une ordonnance de prélèvement des empreintes génétiques contre les délinquants reconnus coupables d'une infraction sexuelle désignée. Le procureur de la Couronne n'aura plus à demander au tribunal de rendre ces ordonnances. Cette mesure s'appliquera sur une base prospective seulement.
La question que vous posait à l'honorable sénateur concernait, non pas une application rétroactive de ces dispositions, mais une application rétrospective.
M. Toews : En effet.
Le sénateur Baker : C'est un fait qu'à moins de prévoir, dans le texte lui-même, que les dispositions en question pourront faire l'objet d'une application rétrospective, le texte sera appliqué de la manière que nous venons d'indiquer, c'est-à-dire uniquement de manière prospective, ce qui veut dire, qu'une fois le projet de loi adopté, ses dispositions ne s'appliqueront pas à une personne contre qui, par exemple, la GRC porte une accusation, si celle-ci concerne une infraction qui a eu lieu avant l'adoption du projet de loi. Il se peut, par conséquent, dans l'hypothèse d'un appel qui ne sera tranché que dans six ou sept ans, que l'auteur de l'infraction en question échappe aux dispositions de cette loi.
Je comprends bien la réponse que vous venez de nous donner. Mais pourquoi le gouvernement insiste-t-il tellement sur l'immédiateté des mesures envisagées alors qu'il s'agit d'un projet de loi qui ne s'appliquera pas à certaines poursuites intentées dans même six ou sept ans?
M. Toews : Pour des infractions qui ont pu être commises il y a 10 ans.
Le sénateur Baker : Oui, ou cette année.
M. Toews : Ou cette année, en effet.
Le sénateur Baker : Permettez-moi de vous poser la question de façon plus directe.
En ce qui concerne la distinction entre « applicable sur une base rétroactive » et « applicable sur une base prospective », il faut remonter à une jurisprudence datant de 1981, un arrêt de la Cour d'appel du Manitoba. À l'époque, le ministère de la Main-d'œuvre souhaitait faire appliquer certaines dispositions rétroactivement. La thèse de l'application rétroactive a été plaidée avec talent, par vous-même, je le rappelle.
M. Toews : Oui, je m'en souviens, mais nous avons perdu.
Le sénateur Baker : La Cour d'appel a rejeté vos arguments, mais, aujourd'hui, vous proposez un projet de loi qui va dans le même sens.
M. Toews : Cette affaire concernait le versement de salaires, non?
Le sénateur Baker : Oui, en effet. La citation qui a fait rejeter la thèse que vous plaidiez est une simple phrase tirée de l'ouvrage de Maxwell sur l'interprétation des lois :
Une règle fondamentale du droit anglais veut qu'aucune loi ne soit interprétée comme ayant une application rétroactive à moins qu'une telle interprétation ne découle très clairement des termes mêmes de la loi.
Que se produirait-il si le Sénat adoptait à l'égard de ce projet de loi un amendement permettant de l'appliquer rétrospectivement aux infractions primaires prévues dans chacune des lois dont il porte modification? Quel serait votre avis à cet égard?
M. Toews : Ce n'est pas moi qui m'y opposerais. Il n'est pas toujours facile d'expliquer la distinction entre effet rétroactif et effet rétrospectif et j'y parviens moi-même parfois difficilement.
Le sénateur Baker : Vous y êtes parvenus en 1981.
M. Toews : Oui, en effet. Je ne dis pas que la Cour d'appel avait tort, mais nos arguments étaient entièrement fondés. Je dois dire, sénateur Baker, que vous êtes particulièrement bien préparé, car je ne me souvenais pas en fait de cette affaire.
J'estime que, dans ce genre de situation, les nouvelles dispositions s'appliqueraient en cas de condamnation prononcée après l'entrée en vigueur de la loi, même si cette condamnation vise des infractions commises avant la date d'entrée en vigueur. Si je ne m'abuse, c'est la date de dépôt de l'accusation qui serait retenue. Dans ces conditions-là, il n'y aurait aucune application rétroactive. Voilà la distinction à faire.
Supposons, par exemple, que l'accusation a été déposée en 2010 et que la loi entre en vigueur en 2011. Les modifications que cette loi apporte à diverses autres lois ne s'appliqueront pas. Si, cependant, la loi entre en vigueur en 2011 et qu'il s'agit d'une accusation déposée en 2012 concernant une infraction commise en 2009, elle s'appliquera.
Le sénateur Baker : La fiche d'information sur le projet de loi est donc inexacte et pour savoir comment interpréter les dispositions du projet de loi, les juges devront donc se référer à votre témoignage. Est-ce exact?
M. Toews : Je ne sais pas si ma fiche d'information est inexacte sur ce point.
Le sénateur Baker : Je l'ai citée tout à l'heure. Comment interpréter autrement la phrase que j'ai lue? Son sens me paraît clair.
Doug Hoover, avocat, Section de la politique en matière de droit pénal, ministère de la Justice Canada : Je ne pense pas que dans la fiche d'information le mot « prospective » soit employé en tant que terme technique et qu'il impose à l'interprétation de la loi une restriction proprement juridique. Nous sommes satisfaits de la manière dont le projet de loi est formulé. L'intention dont nous faisons état ici, et dont s'inspireront les juges appelés à se prononcer dans de telles affaires, comme le ministre vient de le préciser, que les dispositions de la loi s'appliquent à toute personne accusée après l'entrée en vigueur du projet de loi.
Le sénateur Baker : Cette loi aura donc un effet rétrospectif?
M. Hoover : D'après moi, du moins, c'est bien ce qu'entend le ministère de la Justice. Nous estimons que la loi aura un effet rétrospectif à l'égard des personnes reconnues coupables à la date d'entrée en vigueur.
Le sénateur Baker : Cela veut-il dire que la loi aura un effet rétrospectif?
La présidente : Sénateur Baker, si vous souhaitez approfondir la question avec M. Hoover...
M. Toews : Il s'agit, en effet, d'une question importante. Je vous invite pour cette raison à en discuter avec M. Hoover. Si le Sénat souhaitait préciser qu'il en va ainsi, il est clair que je ne m'y opposerais pas. Je constate avec plaisir que le ministère de la Justice est du même avis, ce qui n'est pas toujours le cas.
Le sénateur Angus : Heureux de vous accueillir ici, monsieur le ministre. Je voudrais revenir à ce que vous avez dit tout à l'heure, à la page 4 de votre exposé :
Par ailleurs, les contrevenants reconnus coupables d'une infraction sexuelle et devant être inscrits au registre feront aussi l'objet d'un prélèvement automatique d'empreintes génétiques.
Puis, vous ajoutez incidemment que :
Dans l'état actuel de la législation, 42 p. 100 environ des personnes reconnues coupables de ce genre de crime ne sont pas inscrites au registre.
Pourriez-vous nous en dire un peu plus sur ce point? Comment cela se fait-il? Quelle est, dans le texte de la loi actuelle, la clause de déclenchement où l'erreur de formulation qui est à l'origine de cet état de choses?
M. Toews : J'espère que ce chiffre de 42 p. 100 que je vous ai cité est exact. C'est le chiffre que m'a communiqué la GRC et je l'ai repris. Il me semble juste de dire que bon nombre de personnes dont le nom devrait figurer au registre n'y figurent pas actuellement. Si la proportion est effectivement de 42 p. 100, cela me paraît plutôt grave.
Quelle en serait la raison? Il y en a plusieurs. D'abord, dans la mesure où vous accordez au juge un pouvoir discrétionnaire en la matière, il va l'exercer, ainsi qu'il lui appartient de le faire. Or, la manière d'apprécier telle ou telle situation varie d'un juge à l'autre. Certes, tous appliquent les dispositions de la loi, mais chacun a son idée à cet égard. Certains juges diront « Cette infraction ne me paraît pas suffisamment grave pour que son auteur soit inscrit au registre des délinquants sexuels ou que ses empreintes génétiques soient versées à la banque de données génétiques ». Les parlementaires ont décidé dans quelles circonstances un prélèvement d'empreintes génétiques doit être effectué. Dans l'exercice de son pouvoir discrétionnaire, c'est, là aussi, le genre de décision qu'un juge est appelé à prendre.
La seconde raison est, très simplement, que de nombreux procureurs de la Couronne ont trop à faire pour entamer une nouvelle procédure de demande, une fois obtenue une condamnation. Il peut avoir été très difficile d'obtenir une condamnation, après quoi, l'intéressé décide de ne pas consentir à son inscription au registre des délinquants sexuels. Le procureur de la Couronne peut très bien se dire, après avoir obtenu que le délinquant soit condamné à une peine d'emprisonnement de 5 ou 10 ans, « Je n'ai pas vraiment le temps de citer des témoins et de faire tout ce que cela suppose, » et qu'il décide simplement de ne pas poursuivre la chose. Cela peut très bien arriver en raison de leur lourde charge de travail.
La troisième raison est tout simplement que pour des motifs essentiellement administratifs, la chose ne se fait pas. Les procureurs de la Couronne rentrent au bureau et demandent à leurs collaborateurs d'organiser l'audience, mais la chose ne se fait pas, le temps passe et puis ça n'aboutit pas.
Je ne peux trouver, au niveau des politiques publiques, aucune bonne raison pour que les auteurs de ce genre d'infractions ne soient pas inscrits au registre. J'ai réfléchi à la question de savoir ce qui pourrait justifier une non- inscription alors que leur culpabilité, à l'égard d'un crime à la fois grave et difficile à prouver, a été démontrée au-delà de tout doute raisonnable.
Du point de vue des politiques publiques, je ne vois pas pourquoi maintenir cette double filière. Je n'en perçois pas la logique.
Le sénateur Angus : Ainsi que je l'ai dit il y a quelques instants, j'en suis moi-même surpris. Si j'ai bien compris votre réponse, un juge peut, en vertu de son pouvoir d'appréciation, décider qu'en raison de circonstances atténuantes, le nom de tel ou tel délinquant ne sera pas inscrit au registre. Si j'ai bien compris, dans tous les autres cas — et je dis cela, parce que je ne suis pas pénaliste, bien que je sois avocat — la loi, dans son état actuel, exige l'inscription. Vous venez de nous citer deux types de cas où cela ne s'applique pas. Est-ce exact?
M. Toews : La Couronne doit pour cela déposer une demande à cet effet.
Le sénateur Angus : Mais pourquoi avoir pour cela à citer des témoins? Le procès a eu lieu.
M. Toews : On pourrait en effet le penser. On pourrait penser que les preuves présentées au procès pourraient être, avec les adaptations nécessaires, présentées à nouveau. Si la demande est contestée, cependant, il ne sera pas facile, même avec les adaptations nécessaires, d'invoquer dans le cadre de la deuxième audience les preuves au vu desquelles l'individu a été condamné. Il va en effet falloir citer à comparaître des agents de police et des témoins civils et peut-être d'autres personnes encore, et la situation se complique singulièrement.
Le sénateur Angus : Mais l'inscription sera dorénavant obligatoire.
M. Toews : Elle sera obligatoire si le Sénat estime devoir adopter le texte en l'état. C'est ce que je recommande.
La présidente : Sénateur Angus, je ne tiens pas à vous interrompre, mais le temps va nous manquer.
Le sénateur Angus : J'ai terminé.
La présidente : Je vous remercie.
Le sénateur Joyal : Monsieur le ministre, l'article 2 du projet de loi prévoit explicitement qu'il s'appliquera aussi à certaines infractions punissables sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire. Or, les infractions punissables sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire sont généralement des infractions d'une moindre gravité. Je pense que nous sommes tous d'accord sur ce point. Vous avez-vous-même été procureur. Vous avez en tête de nombreux exemples de ce genre de situation.
Pourquoi ne pas conserver le pouvoir discrétionnaire des juges à l'égard des infractions punissables sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire, c'est-à-dire ne pas laisser à cet égard la décision au procureur, mais bien au juge? Je songe notamment à l'infraction prévue à l'article 2, c'est-à-dire le fait d'exhiber, à des fins d'ordre sexuel, ses organes génitaux devant un enfant âgé de moins de 16 ans. Essayons d'imaginer la situation. L'intéressé a 18 ans et demi et il commet cette infraction à l'égard de quelqu'un âgé de 15 ans et demi qui fait plus que son âge. Je dis cela, car nous savons que c'est parfois le cas. Pourquoi, dans de telles conditions, ne pas continuer à reconnaître au juge un pouvoir d'appréciation et éviter à l'intéressé la stigmatisation qui accompagne l'inscription au registre, dans la mesure, bien sûr, où la Couronne a décidé de procéder sommairement?
M. Toews : Il y a de nombreuses raisons de ne pas prévoir d'exceptions en pareil cas. Le simple fait est que, par hypothèse, l'individu a été condamné. Je comprends bien la distinction entre acte criminel et infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire. Pour la prise d'empreintes digitales, par exemple, seuls les actes criminels sont retenus, et non les infractions punissables sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire.
En cas d'infraction sexuelle, il est fréquent que l'accusé plaide coupable à une infraction moins grave, surtout lorsque des enfants sont en cause, étant donné la difficulté qu'il y a, justement, à obtenir une condamnation. Il n'est pas toujours possible d'expliquer ce genre de choses dans le cadre d'un procès.
Je rappelle cependant que dans le cas d'une infraction punissable sur déclaration sommaire de culpabilité, la période d'inscription au registre est beaucoup plus courte. La période d'inscription est de cinq ans, alors que dans certains autres cas, elle est de 10 ou 20 ans, voire même à vie. C'est dire que nous avons tenu compte du fait que l'infraction dont l'accusé a été déclaré coupable par procédure sommaire est peut-être moins grave, mais j'estime néanmoins, pour des raisons tout à fait pratiques, que son auteur doit être inscrit au registre.
Le sénateur Joyal : Avez-vous des statistiques, des données ou des rapports vous permettant de conclure que, même en cas de déclaration sommaire de culpabilité, il est très fréquent qu'un procureur ou un juge n'exige pas l'inscription au registre et que cet état de choses justifie que l'on procède comme on envisage de le faire?
M. Toews : Mme Campbell est sans doute mieux à même de vous expliquer cela, mais cette liste des infractions punissables sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire est la même que celle des infractions justifiant le prélèvement obligatoire d'empreintes génétiques et il y a donc une concordance entre la catégorie des personnes tenues de fournir un échantillon de leurs empreintes génétiques et celles qui sont inscrites au registre des délinquants sexuels.
Ce que vous dites au sujet d'une éventuelle exception à l'égard de certaines infractions peut également s'appliquer à la question du prélèvement d'empreintes génétiques. Je suis moi-même favorable à un recours beaucoup plus large au prélèvement d'empreintes génétiques. Je sais qu'en 2004 lorsque sur cette question, nous avons demandé l'avis de témoins venus de Grande-Bretagne, nous avons appris qu'en Grande-Bretagne le prélèvement d'empreintes génétiques est effectué dès l'arrestation, avant même que n'intervienne une condamnation.
Le sénateur Joyal : J'en suis en effet conscient.
M. Toews : Ce prélèvement est effectué non seulement en cas de crime avec violence, mais également en cas d'infraction contre les biens, étant donné le lien évident entre les deux types d'infraction. Or, nous semblons faire une distinction entre de simples infractions contre les biens, et les infractions avec violence, alors que les criminels, eux, d'après ce que j'ai pu constater, effectuent très librement le va-et-vient entre les deux types d'infraction.
Le seul moment où survient vraiment la distinction entre les crimes de violence et les autres est lorsque l'avocat de la défense, s'entretenant avec le procureur demande « Quelle peine entendez-vous requérir? » Alors, le procureur répond « De quel crime votre client entend-il se reconnaître coupable? » et l'avocat de la défense répond « Peu importe, du moment qu'il n'a pas à s'avouer coupable d'un crime de violence. La durée de la peine lui importe moins ». Un contrevenant souhaite donc surtout éviter que soit inscrit à son casier judiciaire un crime de violence. C'est ainsi, et souvent pour de bonnes raisons, que l'on parvient à ce genre d'accord et que l'on accepte de procéder sommairement dans un cas où il serait très difficile d'obtenir une condamnation à l'issue d'un procès. C'est un risque qu'on assume.
D'après moi, donc, lorsque quelqu'un est déclaré coupable de ce genre d'infraction, même si c'est par procédure sommaire, son nom sera être inscrit au registre pendant au moins cinq ans. Si, comme vous l'envisagez, il s'agit d'une erreur de jeunesse, et bien, l'inscription sera au moins limitée dans le temps. Dans les cas plus graves, l'inscription est maintenue pendant 10 ou 20 ans, voire à vie.
Le sénateur Joyal : Dans mon esprit, le problème ne se pose aucunement dans le cas des infractions primaires ou de crimes graves. Nous sommes, je pense, tous d'accord sur ce point. En cela, j'estime que le but visé par le projet de loi est conforme au but de la législation initiale. C'est simplement que dans la mesure où l'on renforce les dispositions de la loi, je m'interroge quant à la grille des responsabilités justifiant l'inscription au registre. Je me demande donc si nous ne devrions pas affiner cette grille et distinguer plus nettement les infractions graves des cas, par exemple, où il s'agit d'une première infraction. Le juge a écouté les réquisitions du procureur de la Couronne. Toutes les circonstances de l'affaire ont été exposées et le juge est là pour les jauger. J'estime en effet qu'une stricte proportionnalité de la peine par rapport à la gravité de l'infraction est une des bases fondamentales de notre système judiciaire.
M. Toews : D'après moi, le principe de la proportionnalité s'applique davantage au prononcé de la peine ou de la sanction pénale. Il nous faut, en effet, ne pas trop rogner le pouvoir discrétionnaire des juges même si nous l'avons déjà fait en matière de conduite avec facultés affaiblies, dans les affaires de meurtre et, aussi, pour certaines infractions ayant trait aux armes à feu. Nous avons, en tant que société, décidé, pour diverses raisons, que certaines infractions appellent automatiquement une peine minimum.
Mais il ne s'agit pas ici de sanctions pénales, mais uniquement d'une conséquence découlant de l'infraction et de la condamnation. C'est une simple conséquence. Je ne pense donc pas que l'argument que vous avez avancé intervienne, d'autant plus que le registre des délinquants sexuels n'est pas public, comme aux États-Unis où le nom, la photo et le casier judiciaire de l'intéressé sont affichés sur un site Web.
Aux États-Unis, en effet, si vous allumez votre ordinateur et tapez le nom d'un État, vous allez trouver tous ces détails concernant les délinquants sexuels. Ce n'est pas du tout le régime que nous avons instauré au Canada. Nous nous en sommes tenus ici à une voie moyenne où le registre est essentiellement aux mains de la police et où les renseignements en question ne sont pas rendus publics.
Ces renseignements sont uniquement divulgués là où l'exige l'intérêt public. Certains groupes de victimes demandent que l'on instaure un système plus proche du système américain, mais j'estime que le régime que nous avons instauré correspond à un juste milieu. Il s'agit, en effet, de tenir compte des droits de l'accusé — d'être conscient, donc, des hypothèses que vous avez évoquées — mais d'accorder tout de même davantage d'importance à l'intérêt de la victime.
C'est un équilibre assez subtil. Je pense que votre argument aurait plus de force si nous envisagions de publier la liste de tous les délinquants sexuels et d'afficher leur dossier sur un site Web.
La présidente : Je vous remercie. Chers collègues, le temps nous est compté et trois sénateurs, moi y compris, ont des questions qu'ils souhaiteraient poser. Je crois, monsieur le ministre, que vous allez devoir nous quitter dans quatre minutes et je vais, par conséquent, demander aux sénateurs de poser leurs questions en vous demandant de bien vouloir leur répondre par écrit. Sans cela il y a des questions qui n'auront pas l'occasion d'être posées.
Le sénateur Lang : Ma question concerne les délinquants qui reviennent au Canada après avoir été condamnés, à l'étranger, pour une infraction sexuelle. Allons-nous pouvoir appliquer, de manière rétroactive, les dispositions de ce projet de loi aux délinquants qui sont déjà de retour ici? Qu'en sera-t-il, selon vous?
Le sénateur Runciman : Je n'ai saisi que la dernière partie de ce que le sénateur Baker disait tout à l'heure au sujet d'une application rétrospective. Si j'ai bien compris, monsieur le ministre, vous et vos collaborateurs estiment qu'une telle application est possible. Ai-je mal interprété ou mal compris ce que vous en avez dit?
M. Toews : Tout dépend de ce que vous entendez par « application rétrospective ». Je ne tiens pas à entamer une discussion sur ce point. Nous sommes, tout à l'heure, parvenus à une conclusion à cet égard et je ne voudrais pas, en revenant sur la question, introduire des ambiguïtés dans le compte rendu de vos délibérations.
La présidente : Il était d'accord avec ce qui a été dit.
Le sénateur Runciman : Nous souhaiterons sans doute obtenir par écrit quelques éclaircissements à cet égard.
Monsieur le ministre, j'aimerais savoir aussi comment les dispositions du projet de loi se comparent à l'actuelle législation ontarienne quant au fonctionnement du registre des délinquants sexuels? Y a-t-il concordance entre les deux?
M. Toews : Les deux régimes sont en cours de rapprochement.
La présidente : J'ai demandé au sénateur Lang de bien vouloir attendre qu'il lui soit répondu par écrit, et il est juste de demander au sénateur Runciman d'en faire autant.
Le sénateur Runciman : Il y a quelque chose qui me préoccupe beaucoup et je sais que cela a fait, de la part du comité de la Chambre des communes, l'objet d'une recommandation concernant le Service correctionnel du Canada. Je constate que le Service correctionnel du Canada n'est pas, aux termes du projet de loi, tenu de transmettre les renseignements dont il dispose. La communication de ces renseignements est pour lui facultative et je me demande pourquoi vous avez prévu à son égard cette exception.
M. Toews : Bon.
La présidente : Ma question, monsieur le ministre, concerne les agressions sexuelles. Comme vous le savez, il s'agit d'un terme qui englobe beaucoup de choses. La notion d'infraction sexuelle va en effet du viol — une agression particulièrement odieuse — jusqu'aux attouchements déplacés et là il peut s'agir d'un jeune de 19 ans qui, ivre au party de Noël, donne à quelqu'un une tape sur les fesses. Aux termes du projet de loi, cependant, toute agression sexuelle est automatiquement rangée dans la catégorie des infractions désignées. Son auteur sera donc inscrit au registre. Ses empreintes génétiques seront prélevées. Or, cela entraîne un certain nombre de conséquences, et pas seulement le fait que la police vous aura à l'œil. Certains employeurs, en effet, pourront vérifier afin de voir si vous êtes inscrit au registre des délinquants sexuels, et il est donc possible que quelqu'un se voie refuser un emploi pour avoir commis une erreur un soir où il était un peu éméché dans un party.
D'après vous, n'y aurait-il pas moyen de faire varier les conditions d'inscription au registre en fonction de la gravité de l'infraction? Je ne veux pas dire, bien sûr, que je m'oppose à l'inscription des violeurs. Je sais que vous allez devoir prendre congé de nous, mais je voudrais bien que vous me répondiez par écrit sur ce point précis.
M. Toews : Disons que le fait d'avoir rangé dans une seule catégorie les diverses infractions sexuelles constitue peut- être la plus grande erreur que le Parlement du Canada ait jamais commise en matière de droit pénal.
La présidente : Nous l'avons commise.
M. Toews : Nous l'avons effectivement commise. Elle est le résultat de certaines pressions qui ont été exercées, notamment par des associations féminines qui voyaient d'un très mauvais œil la manière dont se déroulent les procès pour viol et la manière dont les femmes étaient traitées lors d'un tel procès. Ce qui s'est passé, je pense, c'est que nous avons jeté le bébé avec l'eau du bain. Nous aurions dû être beaucoup plus précis au niveau des types d'infractions en cause. Ce que nous avons fait a entraîné toutes sortes de problèmes, mais ça, c'est une autre histoire.
Je dois prendre congé de vous. Mme Campbell est en mesure de répondre de manière très précise à votre question, mais je n'ai pas pu m'empêcher de dire qu'effectivement, nous avons commis là, une grave erreur. Le Parlement aura peut-être à l'avenir l'occasion de la corriger, car les dispositions en question ne sont pas vraiment dans l'intérêt des victimes d'une agression sexuelle, surtout lorsque ce sont des femmes.
La présidente : J'ajoute à cela que, de notre point de vue à nous, la Chambre des communes a eu tort de prévoir un vote à 17 h 15, mais nous n'y pouvons pas grand-chose. Étant donné que lorsqu'elle tient compte de nos nécessités nous lui en savons gré, nous devons, naturellement, respecter ses exigences. Monsieur le ministre, nous vous remercions.
M. Toews : Je vous remercie de votre invitation et de l'attention que vous m'avez prêtée.
La présidente : Merci. Chers collègues, les collaborateurs du ministre vont demeurer avec nous et il y a, dans la salle, d'autres personnes qui vont se joindre à nous pour l'étude du projet de loi.
Mme Campbell et M. Hoover vont être rejoints par Mme Rosemary O'Brien, conseillère principale en politiques, Division des politiques correctionnelles au ministère de la Sécurité publique; et le lieutenant-colonel Bruce MacGregor, directeur juridique, Justice militaire, politique et recherche au ministère de la Défense nationale.
Merci d'avoir répondu à notre invitation. Le sénateur Wallace a une question au sujet des consultations qui ont eu lieu et le sénateur Baker au sujet de l'application rétrospective.
Mary Campbell, directrice générale, Affaires correctionnelles, ministère de la Sécurité publique et Protection civile Canada : Je peux dire que les consultations fédérales-provinciales-territoriales ont été très complètes. Elles ont essentiellement eu lieu dans le cadre de la réunion des ministres fédéral-provinciaux-territoriaux qui se tient chaque année. Leurs délégués se rencontrent deux fois par an, et je copréside pour ma part un groupe de travail de hauts fonctionnaires. Il nous est arrivé de nous rencontrer cinq ou six fois par an. Nous procédons ainsi depuis au moins 10 ans et, bien sûr, le registre des délinquants sexuels est, depuis, un de nos principaux sujets de discussion. Il s'agit du groupe de travail chargé du dossier des délinquants présentant un risque élevé.
Tout ce qui se trouve donc tant dans les dispositions initiales concernant le registre des délinquants sexuels que dans les amendements qui ont été proposés a fait l'objet de discussions avec les provinces et territoires. Cela ne veut pas dire, bien sûr, que nous nous sommes toujours entendus sur ce qui a fini par être inscrit dans le projet de loi. Étant donné qu'il s'agit d'un registre national, il a fallu, sur certains points, que les diverses parties intéressées acceptent un compromis.
Le groupe de travail est essentiellement constitué de procureurs de la Couronne, de conseillers en politique pénale et de représentants des divers organismes policiers. Nos collègues de la GRC ont été particulièrement actifs au sein du groupe. La GRC a, dans l'administration du régime envisagé, un rôle essentiel à jouer et ses représentants ont, par conséquent, beaucoup contribué au débat, et cela est vrai aussi d'autres organismes policiers.
Le sénateur Wallace : Ma question s'adresse à vous, madame Campbell, mais les autres témoins souhaiteront peut- être aussi y répondre. On a évoqué tout à l'heure le Registre des délinquants sexuels de l'Ontario, et j'aurais à cet égard deux questions à poser. D'autres provinces ont-elles, elles aussi, instauré un tel registre et, quelle que soit la réponse, quelle pourra être, selon vous, l'interaction entre le registre fédéral et un registre provincial? Le registre ontarien fait-il double emploi avec le registre fédéral? Est-il vraiment nécessaire d'avoir un registre provincial? Comment les deux s'imbriquent-ils?
Mme Campbell : Il n'existe qu'un seul registre provincial, le Registre des délinquants sexuels de l'Ontario. C'est le premier à avoir été institué. Après cela, les discussions se sont poursuivies dans le cadre de la réunion des ministres fédéral-provinciaux-territoriaux et il a été décidé d'instituer un registre national. L'Ontario a néanmoins décidé de maintenir son registre après la création du registre national.
Nous tentons, naturellement, d'assurer la compatibilité entre les deux registres. Les amendements proposés servent en fait à les rapprocher, étant donné que le registre ontarien a toujours prévu l'inscription automatique. Il existe, entre le registre ontarien et le registre national, un certain nombre de différences. Ainsi, la liste d'infractions entraînant une inscription automatique est un peu plus longue en ce qui concerne le registre national.
Il n'existe pas d'autres registres provinciaux. Quelques provinces ont monté des sites Internet pour communiquer certains renseignements concernant les délinquants présentant un risque élevé, mais s'il ne s'agit pas à proprement parler de registre des délinquants sexuels.
Le sénateur Wallace : Ainsi, le registre fédéral, notamment après l'ajout de ces amendements, englobera davantage d'infractions que le registre de l'Ontario. Cela étant, pourriez-vous nous dire s'il se pourrait qu'un délinquant inscrit au registre de l'Ontario ne soit pas inscrit au registre national ou fédéral. Cela pourrait-il se produire?
Mme Campbell : Nous tentons actuellement de mieux aligner les deux registres, au niveau notamment des genres de délinquants à y inscrire. Je disais tout à l'heure que le registre national englobe un peu plus d'infractions que le registre provincial, car en plus d'une liste d'infractions désignées en matière sexuelle, nous avons également une liste d'infractions qui ne sont pas a priori des infractions sexuelles, mais qui peuvent, sous certains rapports, y être assimilées et c'est pour cela que nous avons procédé ainsi.
Jusque-là, n'étaient inscrits au registre ontarien que les auteurs d'infractions à caractère manifestement sexuel. Il arrive, en effet, que l'auteur d'une introduction par effraction ait agi dans l'intention de commettre une infraction sexuelle, qu'une intrusion de nuit peut, elle aussi, comporter un aspect sexuel et c'est pourquoi nous avons voulu que soient également inscrits au registre national les auteurs de telles infractions.
Les responsables ontariens savent qu'il ne faut pas que les deux registres se fassent concurrence ou qu'ils fassent double emploi et qu'il ne faut pas non plus qu'il y ait entre eux de solutions de continuité ou de lacunes.
Le sénateur Baker : Madame la présidente, je vais laisser la question de l'application rétrospective à mes collègues, mais je pense que nous souhaiterions tous obtenir du ministère quelques éclaircissements quant à ce qu'il convient d'entendre par le membre de phrase « applicabilité des dispositions de la loi ».
J'aurais pour ma part une question à poser concernant, de manière plus générale, l'interprétation des dispositions du projet de loi. Et c'est au lieutenant-colonel Bruce MacGregor, que je souhaite la poser, lui qui a exercé les fonctions de procureur devant la Cour d'appel de la cour martiale du Canada et qui a plaidé pour la défense devant des cours suprêmes provinciales. C'est un juriste chevronné et il lui est même arrivé de plaider contre le ministre McKay. Nous espérons qu'il lui a parfois été donné d'obtenir gain de cause.
Le projet de loi contient un certain nombre de dispositions modifiant le Code criminel, ainsi que certaines dispositions — parallèles j'imagine — portant modification de la Loi sur la défense nationale. Pourriez-vous me dire, d'abord, si j'ai raison de supposer que le projet de loi entend apporter à la Loi sur la défense nationale les mêmes modifications qu'au Code criminel?
Lieutenant-colonel Bruce MacGregor, directeur juridique, Justice militaire politique et recherche, ministère de la Défense nationale : Précisons dès le départ que le régime de justice militaire est un régime distinct, différent de la justice pénale canadienne. Les différences se retrouvent d'un bout à l'autre du système et elles sont, de surcroît, nécessaires car, comme le juge en chef Antonio Lamer l'a relevé dans l'arrêt Généreux, il touche directement à la discipline, à l'esprit de corps, à l'efficacité et au moral des troupes. C'est pour cela qu'il s'agit d'un système distinct qui, comme l'a reconnu la Cour suprême du Canada, doit le demeurer.
Lorsque des modifications sont apportées à notre système canadien de justice pénale, et que ces modifications sont compatibles avec les fins de la justice militaire, en général, la justice militaire adopte les mêmes dispositions, s'alignant sur les changements apportés à la justice pénale. En l'occurrence, il n'y a pas lieu pour nous de demeurer en retrait par rapport aux changements que ce projet de loi va apporter à la justice pénale.
Voilà la réponse à votre question. En l'occurrence, nous nous alignons sur les dispositions proposées par le gouvernement dans le cadre du projet de loi. Ce projet de loi apporte donc à la Loi sur la défense nationale un certain nombre de modifications. L'article 227.01 de la Loi sur la défense nationale, par exemple, précise que notre système intègre les modifications apportées au Code criminel, mais il nous faut, cependant, adapter ces changements afin de tenir compte, par exemple, du rôle du Grand prévôt des Forces canadiennes.
Le sénateur Baker : Je m'intéresse particulièrement à la mise en œuvre des dispositions en question. La Charte s'applique, en effet, aux cours martiales comme elle s'applique aux cours provinciales ou aux cours supérieures des provinces.
Or, lorsque je me suis penché sur le texte du projet de loi, j'ai relevé un certain nombre de différences sensibles en matière de formulation. Je ne me suis pas livré à un examen approfondi du texte, mais je vais vous citer un exemple :
À la page 6 du projet de loi, où il est question des modifications apportées au Code criminel, on trouve, au paragraphe 4 (Défaut de rendre une ordonnance), ceci :
« Si le tribunal ne décide pas de la question visée [...] il — d'abord dans les 90 jours suivant — le prononcé de la peine [...] reste saisi de l'affaire »; car, n'oublions pas que l'intéressé n'est plus là et que le tribunal reste donc saisi de l'affaire pendant ces 90 jours. Puis le texte prévoit que le tribunal peut ordonner à l'intéressé de comparaître « par un système de télévision en circuit fermé ou tout autre moyen » à condition que « l'intéressé ait la possibilité, s'il est représenté par un avocat, de communiquer en privé avec lui ». Donc, on voit qu'il s'agit d'une disposition qui correspond au paragraphe 10b) de la Charte, qui garantit le droit à l'assistance d'un avocat.
Or, cela ne se trouve pas dans les modifications apportées à la Loi sur la défense nationale. La seule chose que l'on trouve, à la page 39 du projet de loi, est ce même délai de 90 jours, mais il n'est aucunement question de la possibilité de comparaître à nouveau devant la Cour martiale ou de communiquer avec son avocat.
D'après moi, il y a deux manières d'interpréter cela. Soit, il n'a pas tenu compte du droit de recourir aux services d'un avocat, soit il n'est tout simplement pas en l'occurrence nécessaire de prévoir, comme nous l'avons fait pour le Code criminel, la comparution par système de télévision en circuit fermé, ou la consultation d'un avocat. Qu'en est-il d'après vous?
Vous venez de dire que vous êtes soumis aux mêmes exigences que la législation en matière pénale. Vous appliquez en effet le droit pénal et comment donc expliquer cette différence dans le cadre d'un même projet de loi?
Lcol MacGregor : En ce qui concerne le paragraphe qui se trouve à la page 39 du projet de loi, et qui fait partie de l'article 47, comme vous venez effectivement de nous le dire, si aucune ordonnance n'a été rendue, il peut être, dans les 90 jours, ordonné à l'intéressé de comparaître. Or, nos cours martiales sont des tribunaux sui generis, et c'est un fait que dès l'achèvement de ses délibérations, la cour martiale cesse en fait d'exister.
Il est fréquent qu'une personne reconnue coupable d'une infraction sexuelle ne demeure pas au sein des Forces armées et cela étant, elle cesse normalement de relever du code de discipline militaire. C'est pour cela que, pour plus de certitude, on prévoit en l'occurrence qu'une telle personne demeurera soumise au code de discipline militaire. C'est une question de compétence.
Le sénateur Baker : Mais, maintenant, en ce qui concerne maintenant les deux autres dispositions.
Lcol MacGregor : Pour ce qui est de la consultation d'un avocat, la justice militaire prévoit que tout accusé comparaissant devant une cour martiale a le droit d'être représenté par un directeur du service d'avocats de la défense.
Le sénateur Baker : Le Code criminel contient une disposition analogue.
Lcol MacGregor : Or, étant donné les garanties qu'offre notre système, il n'a pas semblé nécessaire de prévoir une telle disposition dans le cadre des modifications envisagées. Vous avez tout à fait raison de dire que notre système intègre, effectivement, les garanties prévues au paragraphe 10b) de la Charte.
Le sénateur Baker : Je comprends. Je sais que je suis à court de temps.
La présidente : Du moins pour cette série de questions.
Le sénateur Baker : Oui, madame la présidente, mais je pense qu'il conviendra, lors de l'examen article par article, que nous nous penchions sur les dispositions analogues portant modification de la Loi sur la défense nationale.
La présidente : Vous pourrez également y revenir lors de la seconde série de questions, car c'est un sujet important. Mais pour être juste envers les autres membres du comité, qui se sont montrés patients, je pense qu'il nous faut maintenant passer la parole à quelqu'un d'autre. Sénateur Boisvenu.
[Français]
Le sénateur Boisvenu : Mes questions s'adressent à M. Hoover ou à Mme Campbell. Sur les trois questions, deux ne demandent pas de réponse aujourd'hui parce qu'elles relèvent de statistiques. On pourrait avoir les réponses plus tard.
Je reviens sur la rétroactivité qui me tient beaucoup à cœur depuis 2004.
La présidente : Rétroactivité ou « rétrospectivité »?
Le sénateur Boisvenu : Pour moi, c'est rétroactivité. En français, cela veut dire « applicable à ceux qui sont actuellement incarcérés ».
Ma fille a été assassinée en 2002. L'assassin de ma fille a échappé au registre parce qu'il n'existait pas. Il va être libéré dans quatre ou cinq ans. Il a commencé sa carrière criminelle à 18 ans où il a séquestré une femme. À 19 ans, il a séquestré une autre femme et il l'a violée pendant 24 heures. Ensuite, il a assassiné une femme. Donc, c'est un individu qui risque de sortir de prison en 2015 ou 2016, et qui risque d'être encore dangereux. Pour moi, la rétroactivité est une question de sécurité et concerne les gens que l'on va libérer d'ici cinq à 10 ans.
Première question : est-ce que l'on a une idée du nombre de criminels qui sont actuellement incarcérés et qui ont commis un délit grave, de nature sexuelle, soit un assassinat, une séquestration de longue durée, par exemple un viol collectif, et qui vont passer à côté de la loi?
La deuxième question concerne les criminels qui ont commis un crime sérieux à caractère sexuel, qui sont libérés cinq ans après et qui demandent le pardon. Est-ce que ces criminels sont radiés de la liste du Registre national des délinquants sexuels? Vous pouvez peut-être me répondre immédiatement.
[Traduction]
Mme Campbell : Je peux vous répondre au moins en partie, mais il me faudra m'enquérir du nombre de détenus n'ayant pas fait l'objet d'une ordonnance d'inscription au registre des délinquants sexuels. Je ne suis pas actuellement en mesure de vous le préciser.
La présidente : Pensez-vous que la proportion atteigne effectivement 42 p. 100, comme le ministre l'avait dit un peu plus tôt?
Mme Campbell : La GRC serait la mieux placée pour nous préciser cela. Je pense que ce chiffre englobe peut-être d'autres catégories. Avant de passer à un autre aspect de la question, je tiens cependant à dire que pour les délinquants qui sortent de prison après avoir purgé intégralement leur peine, on instauré il y a environ 10 ans ce qu'on appelle Engagement de ne pas troubler la paix en vertu de l'article 810. Je crois que le chiffre cité comprend un certain nombre d'individus ayant fait l'objet d'une telle ordonnance.
Ces ordonnances ont justement été instituées à l'intention d'individus qui ont, certes, purgé la peine qui leur avait été imposée, mais que l'on considère encore comme dangereux. Un procureur de la Couronne peut ainsi demander au tribunal de rendre une telle ordonnance. Le tribunal se prononce après audience.
Tout ça pour dire que le registre des délinquants sexuels n'est qu'un outil parmi d'autres. Ce n'est pas une panacée. Pour ce qui est des personnes qui, après avoir purgé leur peine, demeurent une source d'inquiétude, ces ordonnances au titre de l'article 810 ont fait la preuve de leur utilité.
Maintenant, en ce qui concerne le lien entre les pardons accordés en vertu de la Loi sur le casier judiciaire et les personnes inscrites au registre des délinquants sexuels; je peux préciser que ces personnes peuvent effectivement demander un pardon au titre de la Loi sur le casier judiciaire et se le voir accorder, mais cela ne veut pas dire que leur nom est automatiquement retiré du Registre national des délinquants sexuels. Une telle personne pourrait très bien y rester inscrite pendant 20 ans.
Cela dit, l'individu peut invoquer le pardon qui lui a été accordé pour justifier sa demande de révocation précoce de l'ordonnance d'inscription, mais ce pardon n'a pas automatiquement pour effet de faire retirer son nom du registre.
Nous tenterons de vous obtenir une réponse quant au nombre actuel de détenus n'ayant pas fait l'objet d'une telle ordonnance.
La présidente : Pourriez-vous par la même occasion, nous indiquer le nombre d'ordonnances rendues au titre de l'article 810?
Mme Campbell : Bien sûr, et je l'ai peut-être même ici dans ma documentation.
[Français]
Le sénateur Boisvenu : Madame la présidente, il y a peut-être une autre information qu'il serait intéressant d'avoir. Combien y a-t-il de délinquants sexuels inscrits au registre depuis 2004 qui ont eu leur pardon et dont le nom a été retiré du registre? Ce serait intéressant de connaître ce nombre.
Dernière question : l'article 810, je comprends que c'est un article du Code criminel que l'on peut utiliser sur une très courte durée, de 12 à 24 mois maximum. Souvent, ce sont des criminels qui ont des problèmes permanents, sauf que le Code criminel n'offre que des solutions temporaires.
Est-ce qu'il n'y aurait pas lieu, dans le projet de loi actuel, de prévoir un mécanisme de rétroactivité pour les criminels que l'on libère plutôt que d'utiliser l'article 810? C'est-à-dire d'avoir une ordonnance automatique, sans aller devant un juge. Souvenez-vous du cas Homolka. Il y a eu un battage publicitaire, et quant à moi, cela a nui à la justice.
Avoir un mécanisme à l'intérieur de la loi ferait en sorte que les criminels dangereux qui ne sont pas dans le registre seraient automatiquement inscrits au registre dès qu'on les libère plutôt que d'utiliser le 810.
[Traduction]
Mme Campbell : Vous avez parfaitement raison en ce qui concerne la durée d'une ordonnance rendue au titre de l'article 810. Au départ, une telle ordonnance était valable un an. Il y a un ou deux ans, sa période de validité a été portée à deux ans maximum, mais de telles ordonnances peuvent être reconduites sans limites dans la mesure où l'on peut justifier, lors de son renouvellement, d'un danger actuel. Elles ne font pas l'objet d'un renouvellement automatique.
Le sénateur Boisvenu : Mais, il faut pour cela s'adresser à un tribunal et la procédure est assez lourde. Pourquoi ne pas prévoir que les auteurs de tels actes criminels seront automatiquement inscrits au registre des délinquants sexuels sans avoir pour cela à passer par un tribunal?
[Français]
À mon avis, cela sera beaucoup plus léger sur le plan administratif.
[Traduction]
Mme Campbell : Il existe des différences entre les deux régimes. L'avantage de la procédure prévue à l'article 810 est que le tribunal peut imposer à l'intéressé des conditions précises comme celle de se soumettre à un traitement, par exemple, ou ne pas s'approcher d'écoles, alors que l'inscription au registre des délinquants sexuels ne s'accompagne d'aucune possibilité d'imposer des conditions autres que celles de donner un certain nombre de renseignements. C'est dire que les deux régimes ont des fonctions légèrement différentes et que l'un ne peut pas se substituer à l'autre de manière satisfaisante.
Je croyais, au sujet des ordonnances rendues au titre de l'article 810, avoir le renseignement demandé, mais je ne l'ai pas. Je vous l'obtiendrai.
La présidente : Je vous remercie.
Le sénateur Lang : Je voudrais maintenant évoquer le cas d'un délinquant sexuel qui est reconnu coupable en première instance, mais innocenté en appel. Son nom va-t-il être automatiquement retiré du registre? Et puis, va-t-on détruire son échantillon d'empreintes génétiques?
M. Hoover : Les empreintes génétiques ne font pas partie de mon domaine et je ne peux donc pas vous répondre sur ce point, mais je suis en mesure de dire que l'inscription au registre des délinquants sexuels est automatiquement révoquée si l'intéressé est innocenté en appel.
Le sénateur Runciman : Je continue sur la voie de ce que le sénateur Boisvenu disait au sujet de l'inscription de personnes accusées et déclarées coupables avant l'entrée en vigueur de la loi. Le cas n'est-il pas, dans certaines circonstances, déjà prévu en matière de prélèvement d'empreintes génétiques?
M. Hoover : Les dispositions concernant le prélèvement d'empreintes génétiques peuvent effectivement, dans certains cas, être appliquées de manière rétrospective. Je crois, par exemple, que des dispositions précises prévoient cela pour les délinquants dangereux.
Le sénateur Runciman : S'oppose-t-on à ce que la même chose soit faite en l'occurrence?
M. Hoover : Je crois, très franchement, que cela dépend essentiellement du gouvernement en place qui prend, à cet égard, une décision de principe. Ainsi, avant 2004, lors des discussions initiales avec les provinces, on a beaucoup discuté de la portée des dispositions envisagées. Certaines provinces craignaient que de telles dispositions ne soient contestées avec succès sur le fondement de la Charte et de la Constitution, mais elles s'inquiétaient également des ressources humaines et financières nécessaires pour retrouver les centaines de milliers de personnes condamnées pour une infraction sexuelle. Les provinces n'étaient, à cet égard, pas très enthousiastes.
Le sénateur Runciman : L'Ontario n'a pas hésité.
M. Hoover : Permettez-moi toutefois de préciser que les dispositions ontariennes, que je n'ai pas, certes, étudiées de manière approfondie, ne se limitent pas, dans leur application, à une base prospective ou même rétrospective. Les dispositions initiales en matière d'inscription au registre des délinquants sexuels étaient rétrospectives dans leur application, car elles autorisaient l'inscription de personnes en cours de peine à la date où la loi est entrée en vigueur. C'était tout de même aller assez loin, et cela, avec l'acquiescement des provinces.
D'après moi — mais il faudrait peut-être sur ce point, vous adresser aux gens du registre des délinquants sexuels de l'Ontario, qui pourraient confirmer cela, il avait été décidé, par principe, de ne pas englober les personnes qui, condamnées pour une infraction sexuelle, avaient fini de purger leur peine à la date d'entrée en vigueur de la nouvelle loi.
Le sénateur Runciman : Qui ne sont plus en cours de peine, en effet.
M. Hoover : Mais nus avons englobé ceux qui n'ont pas fini de purger leur peine.
Le sénateur Runciman : Mais même à cela, on craignait que les dispositions ontariennes fassent l'objet de contestations fondées sur la Charte. Il n'en a, en fait, rien été.
Je ne voulais pas qu'on ait à me répondre par écrit à la question que j'ai posée au ministre, au sujet du Service correctionnel du Canada. Une telle disposition est contraire aux recommandations formulées par le Comité de la Chambre des communes et je me demande bien pourquoi on prévoit que le SCC ne sera pas tenu de transmettre de renseignements à cet égard.
Mme Campbell : Je n'ai pas eu l'occasion de noter l'article auquel vous faisiez allusion, mais il s'agit, si je comprends bien, de la disposition autorisant le SCC à communiquer au registre les dates de libération, de révocation, et autres renseignements de ce genre.
Le sénateur Runciman : Mais qui, à cet égard, ne lui impose aucune obligation.
Mme Campbell : L'important est que de tels renseignements soient effectivement communiqués afin que les responsables du registre sachent à quelle date tel ou tel délinquant va être remis en liberté. Je précise que le Service correctionnel du Canada est soumis aux dispositions de la Loi sur la protection des renseignements personnels ainsi qu'aux dispositions de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition concernant elles aussi la protection des renseignements personnels. On a craint que ces diverses dispositions empêchent effectivement le SCC de communiquer ce genre de renseignements au registre. Il en a été discuté et le problème a été résolu dans le cadre d'un protocole d'accord signé par les deux organismes, étant donné qu'ils visent tous les deux un même objectif.
Il a été décidé, par excès de prudence, d'inscrire dans ce projet de loi, une disposition explicite, mais facultative afin d'écarter tout doute concernant la possibilité, pour le SCC, d'effectivement transmettre de tels renseignements. La disposition est facultative, car personne ne conteste la nécessité de communiquer de tels renseignements. C'est pourquoi la disposition inscrite dans le projet de loi autorise le SCC à communiquer ces renseignements. Le SCC est-il obligé de les communiquer? La question ne s'est même pas posée, étant donné qu'il était clair que le SCC estime qu'il est de son devoir de contribuer au bon fonctionnement du registre.
Le sénateur Runciman : En ce qui concerne l'excès de prudence et les taux de récidive, j'ai eu connaissance d'une étude effectuée par l'Université de Toronto en 2004 sur les délinquants sexuels extrafamiliaux. Pour eux, le taux de récidive atteint 70 p. 100. Je sais que l'on peut toujours discuter de la manière dont un tel taux a été calculé, mais, partisan des dispositions proposées, j'estime que l'on devrait renoncer à cet excès de prudence.
Vous parliez tout à l'heure de mettre en concordance le registre national et le registre ontarien. Où en sont les efforts en ce sens? Quelles sont, actuellement, les principales différences entre le registre ontarien dans son état actuel et le régime proposé dans le projet de loi?
M. Hoover : Vous savez sans doute que le registre ontarien a, récemment, été modifié afin, justement, de le mettre davantage en concordance avec certaines des infractions entraînant l'inscription au registre fédéral et afin, aussi, d'autoriser l'officialisation de liens entre les deux registres.
Je crois que les modifications apportées au registre fédéral des délinquants sexuels en 2006 avaient elles aussi pour effet de rapprocher les deux. Il s'agit là, essentiellement, d'une question de caractère opérationnel. Je vous invite à poser la question à la GRC ainsi qu'aux représentants du Registre des délinquants sexuels de l'Ontario. Ils seront en mesure de vous donner sur ce point une réponse plus détaillée.
Le sénateur Runciman : À supposer qu'il y ait, effectivement, concordance entre les deux registres, cette concordance s'étend-elle aussi aux moyens techniques employés par les deux organismes?
M. Hoover : Je ne suis pas en mesure de vous répondre sur ce point, mais sans doute que la GRC, elle, le pourrait.
Le sénateur Runciman : Vous avez confirmé tout à l'heure que l'Ontario est le seul ressort à avoir instauré un registre. Si l'Ontario est allé de l'avant en ce domaine, c'est qu'à l'époque, le gouvernement fédéral avait refusé de donner suite à la recommandation de la Commission d'enquête Stephenson qui prônait la création d'un Registre national des délinquants sexuels. Or, ce n'est qu'en 2004, qu'un registre national a été instauré.
Quoi qu'il en soit, si l'Ontario a institué un registre des délinquants sexuels c'est uniquement, me semble-t-il, parce que le gouvernement fédéral avait à l'époque refusé de le faire. On pourrait peut-être ultérieurement engager, avec l'Ontario, des pourparlers sur la nécessité de maintenir un registre distinct. Peut-être n'est-il pas nécessaire d'avoir deux systèmes et peut-être parviendra-t-on à convaincre la province de cela dans la mesure où le registre fédéral donne toute satisfaction.
M. Hoover : C'est une question d'ordre théorique que vous me posez là.
La présidente : Mais je ne vous demande pas de vous prononcer au nom du gouvernement de l'Ontario.
Le sénateur Joyal : Ma question s'adresse au lcol MacGregor. Puis-je vous demander de consulter la page 40 du texte du projet de loi? On y trouve un article portant modification de la Loi sur la défense nationale. L'article 52 prévoit que :
La cour martiale accorde la dispense si elle est convaincue que l'intéressé a établi que l'obligation aurait à son égard, notamment sur sa vie privée ou sa liberté, un effet nettement démesuré par rapport à l'intérêt que présente, pour la protection de la société contre les crimes de nature sexuelle au moyen d'enquêtes ou de mesures de prévention efficaces, l'enregistrement de renseignements sur les délinquants sexuels prévu par la Loi sur l'enregistrement de renseignements sur les délinquants sexuels.
Il me semble, en tant que profane, que cela veut dire que l'on reconnaît à la cour martiale le pouvoir discrétionnaire d'accorder, en ce qui concerne l'inscription au registre, une dispense, dans la mesure où une telle inscription aurait « un effet nettement démesuré par rapport à l'intérêt que présente pour la protection de la société [...] ». Ai-je raison de l'interpréter ainsi?
Lcol MacGregor : Oui, sénateur. Mais cela concerne la possibilité pour le Grand prévôt de faire comparaître un individu qui a été accusé et reconnu coupable d'une infraction sexuelle, avant le 12 septembre 2008. Or, cette situation ne s'est jamais produite. Le Grand prévôt n'a eu cette possibilité qu'une seule année. Ce critère de proportionnalité ne s'applique pas aux dossiers ouverts depuis le 12 septembre 2008. En ce qui concerne les accusations ou condamnations intervenant après l'entrée en vigueur du projet de loi, à supposer qu'il soit effectivement adopté, ce critère de proportionnalité ne s'appliquera pas.
Le sénateur Joyal : Mais il faut tout de même que le système demeure cohérent. Soit un effet est démesuré, soit il ne l'est pas. Je vous pose, à vous, la question que j'ai déjà posée à Mme Campbell. Aux termes du projet de loi, 17 infractions vont devenir des sortes de super infractions primaires, mais, en ce qui concerne les autres infractions primaires, la cour conservera la possibilité de suspendre l'ordonnance de prélèvement d'un échantillon d'empreintes génétiques si un tel prélèvement risque d'avoir un effet nettement démesuré par rapport à l'intérêt qu'il présente pour la protection de la société.
M. Hoover : Tout le monde ne voit peut-être pas très bien de quelle disposition il s'agit. Pourriez-vous nous préciser l'article du Code criminel qui va être modifié?
Le sénateur Joyal : Il s'agit de l'article 487.04.
M. Hoover : Il s'agit donc des infractions entraînant le dépôt d'un échantillon d'empreintes génétiques à la Banque nationale de données génétiques. Il serait, pour être plus sûr, préférable de poser les questions au sujet des empreintes génétiques à notre spécialiste de la Banque nationale de données génétiques. Il n'est pas ici, et je préfère ne pas aborder le sujet sans l'avoir, au préalable, consulté.
La présidente : S'agit-il de M. Yost?
M. Hoover : Oui.
La présidente : Je sais qu'il n'est pas loin. Sénateur Joyal, souhaitez-vous que nous l'invitions à prendre place ici?
Le sénateur Joyal : Je sais que d'autres sénateurs ont des questions qu'ils souhaitent poser à nos témoins. Peut-être pourrions-nous inviter M. Yost à une séance ultérieure.
Ce qui me gêne dans ce projet de loi, c'est qu'on affirme que tous les délinquants sexuels vont y être inscrits, alors que pour les infractions commises avant 2008, l'inscription est conditionnée par le critère de l'effet démesuré par rapport à l'intérêt du public. En ce qui concerne la Banque nationale de données génétiques, le critère de l'effet nettement démesuré par rapport à l'intérêt public s'applique à certaines des infractions primaires.
J'ai donc l'impression que si nous avons conservé ce critère de l'effet nettement démesuré, c'est parce que nous estimons que les dispositions en question vont trop loin. Or, pourquoi ce qui était bon en 2008 cesserait de l'être dès qu'il s'agit pour un juge de décider si l'inscription ne risque pas d'avoir un effet nettement démesuré par rapport à l'intérêt public? Tout cela se trouve dans un même texte.
M. Hoover : L'interprétation n'en est en effet pas toujours facile. Je dois moi-même dire que la lecture du texte est un peu compliquée. Il s'agit d'examiner de près ses dispositions et de les comparer aux dispositions actuellement en vigueur.
Le but est de faire en sorte que la liste des infractions au Code criminel entraînant l'inscription automatique au registre des délinquants sexuels entraîne en même temps le dépôt d'un échantillon d'empreintes génétiques. D'après moi, c'est effectivement ce que prévoit le texte. Autrement dit, les mesures envisagées ne dépendent aucunement du critère de l'effet nettement démesuré. Regardez la liste des infractions sexuelles prévues dans la Loi sur l'enregistrement de renseignements sur les délinquants sexuels. L'alinéa 490.011a) du Code criminel comporte la liste des infractions — qu'on appelle non pas infractions primaires, mais infractions désignées — entraînant automatiquement une ordonnance d'inscription.
Les modifications que le projet de loi se propose d'apporter à la Loi sur l'enregistrement de renseignements sur les délinquants sexuels tendent à assurer que les infractions entraînant automatiquement l'inscription au registre des délinquants sexuels entraîneront automatiquement aussi le dépôt d'un échantillon d'empreintes génétiques à la banque de données génétiques. Voilà le but visé et j'estime qu'il a été atteint.
Quant à savoir s'il existe une certaine confusion quant à la manière d'y parvenir, je peux vous répondre quant aux dispositions relatives au registre des délinquants sexuels, mais, pour éviter toute possibilité de confusion, M. Yost devrait être invité à répondre au sujet des dispositions concernant les empreintes génétiques.
Le sénateur Joyal : Même lorsque la Couronne décide de procéder sommairement?
M. Hoover : Je ne suis pas en mesure de vous répondre sur ce point. Plusieurs des amendements visent justement à éviter ce problème et à transformer certaines infractions en infractions à option de procédure afin justement qu'elles figurent automatiquement sur la liste des infractions entraînant le dépôt d'un échantillon d'empreintes génétiques. M. Yost sera mieux à même de vous le confirmer.
Mme Campbell : Je ne suis pas experte en matière d'empreintes génétiques, mais, d'après moi, cette complication est en partie due au fait que le régime instauré en matière d'empreintes génétiques comporte quatre catégories d'infractions, alors que le registre des délinquants sexuels n'en comporte que deux. Comme M. Hoover le disait tout à l'heure, on a tenté de mettre en concordance les deux régimes, c'est-à-dire ces six catégories d'infractions, mais c'est assez compliqué.
Les quatre premiers articles du projet de loi sont une combinaison de dispositions concernant les empreintes génétiques et de dispositions concernant le Registre national des délinquants sexuels. Je suis d'accord avec M. Hoover que le mieux serait d'inviter devant le comité un expert en matière d'empreintes génétiques qui sera en mesure d'expliquer quelles sont les dispositions actuelles et quelles sont les modifications qui vont être apportées par le projet de loi. L'intention est d'imprimer au tout une certaine cohérence au plan des inscriptions automatiques.
Le sénateur Joyal : Lieutenant-colonel MacGregor, pourquoi pensez-vous que ce soit une bonne chose de conserver, pour les infractions commises avant 2008, ce critère de l'effet démesuré par rapport à l'intérêt public?
Lcol MacGregor : L'article 52 concerne les dispenses accordées pour les condamnations antérieures à 2008. L'article 50 concerne les ordonnances de révocation et je pense pour cela que c'est plutôt sur cet article-là qu'il convient de se pencher. Sa formulation est très proche de l'idée que vous venez d'évoquer.
L'ordonnance de dispense et l'ordonnance de révocation interviennent après une condamnation. L'ordonnance de révocation concerne les personnes qui ont déjà été inscrites au registre, lorsque, 10 ou 20 ans après leur inscription, elles demandent que leur nom en soit retiré.
Cela peut paraître illogique dans la mesure où l'inscription est automatique, mais passé un certain temps, l'intéressé peut ainsi faire valoir que son maintien sur la liste entraîne un effet nettement démesuré par rapport à l'intérêt de la société.
Sénateur, je ne peux guère vous en dire plus à ce sujet. Je pourrais, par écrit, vous fournir une explication plus détaillée quant à la raison d'être de cette disposition. Je tiens cependant à préciser que la disposition concernant les ordonnances de révocation concerne les personnes dont le nom figure depuis déjà des années au registre et que ces personnes sont maintenant admises à faire valoir, éléments de preuve à l'appui, que le maintien de leur nom sur la liste aurait un effet nettement démesuré.
Le sénateur Joyal : Je vous remercie. Il me serait en effet très utile d'obtenir des renseignements supplémentaires sur ce point.
La présidente : Nous vous saurions gré de nous les transmettre.
Lcol MacGregor : Très volontiers.
[Français]
Le sénateur Carignan : J'ai une question d'ordre technique concernant le deuxième paragraphe de l'article 190.012, tel qu'il apparaît à la page 17 de la version française. Selon cet article, le tribunal peut ordonner que soit inscrit à la banque une infraction d'intrusion, par exemple, dans le cas où on peut prouver hors de tout doute raisonnable que la personne ayant commis cette infraction avait l'intention de commettre un acte criminel visé aux alinéas a) et c), s'agissant donc d'une infraction à caractère sexuel tel le viol.
On peut penser au cas récent du militaire soupçonné d'infractions d'intrusion. Dans un tel cas, il pourrait être difficile de démontrer hors de tout doute l'intention de commettre un viol, par exemple, alors que certains cas d'intrusions comportent tout de même un caractère d'ordre sexuel impliquant, par exemple, des sous-vêtements féminins. Avez-vous pensé à élargir un peu cette notion?
Le fardeau de la preuve hors de tout doute de prouver l'intention de commettre un viol est plutôt lourd. A-t-on pensé à élargir un peu cette notion? Plutôt que de parler de caractère d'ordre sexuel, on pourrait parler d'un élément de sexualité ou d'infractions reliées au sexe?
Je ne sais pas si ma question est claire.
[Traduction]
M. Hoover : La question est légitime. Il importe de comprendre qu'il s'agit d'un registre des délinquants sexuels et non d'un registre des personnes déclarées coupables d'introduction par effraction. À ma connaissance, c'est le seul registre au monde qui prévoie la possibilité de demander qu'y soit inscrit quelqu'un reconnu coupable d'une infraction autre que sexuelle. J'estime que c'est un aspect très progressiste de ce registre.
Le fardeau de la preuve est lourd, car, si Sa Majesté allègue que l'intention de commettre une infraction sexuelle existait dans l'esprit du contrevenant sans que le tribunal ait conclu que c'était le cas, je crois que cela créerait quelques problèmes sur le plan de l'application d'une politique. Cela peut également soulever des problèmes d'ordre juridique ainsi que des problèmes possibles liés à la Charte.
Dans l'ensemble, tout ce que je peux dire est qu'il existait un fort consensus des ministères qui ont travaillé à la préparation de ce texte de loi depuis 2001-2002, et que les provinces étaient très favorables au recours à ce type spécifique de test. C'est la première fois que nous recevons une plainte à ce sujet. Si le comité le recommande, c'est certainement là une question que nous pourrons examiner à l'avenir.
[Français]
Le sénateur Carignan : Compte tenu des éléments récents, une personne ayant commis des actes à caractère sexuel lors d'une entrée par effraction est considérée comme dangereuse, même s'il ne s'agit pas d'une infraction visée aux alinéas a), c), c).1, d) ou e). Il faudrait peut-être vérifier cette possibilité et nous faire rapport afin que nous puissions formuler des recommandations à cet égard.
[Traduction]
M. Hoover : Je ne sais pas exactement quel type d'information nous pourrions fournir à ce sujet.
[Français]
Le sénateur Carignan : Vous avez parlé du test au niveau de la Charte relativement à une preuve hors de tout doute. Toute personne ayant commis une infraction ou ayant l'intention de commettre une infraction répond à ce critère de la Charte. Toutefois, le fardeau de la preuve hors de tout doute sera difficile à établir. Cet article, en pratique, risque donc d'avoir peu d'application.
Un fardeau moins lourd, avec une certitude hors de tout doute qu'il y a caractère sexuel à l'infraction, pourrait toucher des cas plus larges, comme celui du militaire dont il est question.
[Traduction]
M. Hoover : Je serais plutôt d'accord avec vous. En fin de compte, il s'agissait là d'une décision politique du gouvernement de l'époque, et personne n'a proposé de la modifier. Comme le disait Mme Campbell, nous avons attentivement écouté, dans le cadre du groupe FPT, un certain nombre de procureurs de la Couronne, de policiers et d'autres membres de ce comité. La question n'a pas été soulevée auparavant, mais si les préoccupations à ce sujet sont réelles, nous ferons tous notre possible pour y répondre. En dehors de cela, nous pourrons essayer d'étudier plus tard la question.
Le sénateur Watt : Ma question s'adresse au lcol MacGregor. Il s'agit de l'article 31 à la page 26 du projet de loi. Il semble y avoir une contradiction. Je souhaiterais que vous m'expliquiez ce qui suit :
Les alinéas 4.1(1)a) et b) de la Loi sont remplacés par ce qui suit :
a) au plus tard sept jours — sauf celui qui est tenu de comparaître au bureau d'inscription désigné en vertu de la Loi sur la défense nationale, pour qui le délai est de quinze jours — après avoir changé de résidence principale ou secondaire;
b) au plus tard sept jours — sauf celui qui est tenu de comparaître au bureau d'inscription désigné en vertu de la Loi sur la défense nationale, pour qui le délai est de quinze jours — après avoir changé de nom ou de prénom;
Pourriez-vous nous expliquer pourquoi il y a une telle différence?
Lcol MacGregor : La différence entre les deux est due au fait que dans le système civil, il y a un grand nombre de bureaux d'inscription désignés auxquels les civils qui changent de lieu de résidence peuvent avoir accès. Lorsque vous êtes militaire, vous pouvez recevoir une affectation à n'importe quel moment. Malheureusement, nous ne pouvons pas toujours être aussi proches d'un bureau d'enregistrement que peut l'être un civil.
Il peut aussi y avoir des aspects opérationnels. Vous pouvez être en déploiement. Vous pouvez avoir été affecté à un endroit éloigné de tout bureau d'enregistrement. Les nouvelles dispositions vous donnent donc un peu plus de marge de manoeuvre; essentiellement, vous disposez de deux semaines pour vous rendre à un bureau d'enregistrement et fournir ces renseignements. C'est tout.
Le sénateur Watt : Est-ce que tout le monde comprend bien que c'est ainsi que se présente la situation? Est-ce nécessaire?
Lcol MacGregor : Oui. Cela vous donne un peu plus de latitude.
La présidente : J'ai une question supplémentaire à poser. En tant que civil, si vous êtes tenu de comparaître dans les sept jours en cas de changement de résidence, qu'en est-il des personnes dans le Nord qui sont parties à la chasse, parfois pour plusieurs semaines? Qu'arrive-t-il alors? Leur suffit-il de téléphoner et de dire qu'elles seront absentes trois semaines, ou alors, comment cela fonctionne-t-il?
Mme Campbell : M. Hoover me rappelle que les provinces peuvent adopter des règlements autorisant une certaine flexibilité et permettant à quelqu'un de prendre contact autrement qu'en personne, la première fois qu'il doit comparaître, ou même à plusieurs reprises, si la province veut bien l'accepter.
La présidente : Ce serait donc acceptable tant que vous ne seriez pas hors de portée avec votre téléphone satellite, bien entendu, à condition d'en avoir un.
Mme Campbell : Oui, mais je ne sais pas exactement ce que certaines des régions les plus éloignées de notre pays font. Il est probable qu'il y a des endroits où il n'existe pas de satellite. M. Hoover croit que Postes Canada fournit des services là où il n'y a pas de satellite, ce qui témoigne de sa part d'une immense confiance à l'égard de cette noble institution.
M. Hoover : Dûment noté.
La présidente : Effectivement. Je voulais poser une question au sujet des listes. Si j'ai bien compris, vous êtes automatiquement inscrit sur la liste mais vous n'en êtes jamais automatiquement rayé? Il faut que vous en fassiez la demande?
Mme Campbell : Vous êtes automatiquement rayé du registre à l'expiration vos 10 ou 20 ans de peine. À ce moment- là, vous êtes automatiquement radié.
La présidente : C'était bien ce que je pensais et j'ai entendu deux ou trois remarques qui m'ont amenée à me demander si j'avais bien compris.
Le sénateur Angus : Si vous êtes acquitté, votre nom est rayé du registre.
La présidente : Si vous êtes acquitté sur appel ou autre chose, vous êtes rayé du registre. Je parle de ceux qui ont été condamnés à juste titre une seule fois. Dix ans plus tard, sont-ils radiés du registre? Ils ne sont pas obligés d'en faire la demande? Ils n'ont pas récidivé. Depuis, ils ont eu un comportement irréprochable. Ils ont appris leur leçon.
M. Hoover : C'est lorsque vous parvenez à la fin de la période réglementaire de 10 ou 20 ans. L'emprisonnement à perpétuité est un problème. Lorsque vous mourrez, vous êtes rayé de la liste. Cependant, au bout de 10 ou 20 ans lorsque vous atteignez la fin de cette période réglementaire, vous êtes automatiquement rayé de la liste. La GRC est tenue d'enlever votre dossier du registre.
La présidente : Cela montre une bien grande confiance dans la diligence des bureaucrates, et de radier quelqu'un d'une liste quelle qu'elle soit, quel que soit le lieu ou le moment.
M. Hoover : Je crois que c'est une tâche dont ils s'acquittent assez bien. Ils comparaîtront ici comme témoins. Je suis certain qu'ils seront capables de le justifier.
Le sénateur Wallace : Le projet de loi exigerait également des délinquants sexuels condamnés à l'étranger de se faire inscrire ici au Canada à leur entrée au pays. Je suis certain que l'objectif est de s'assurer que le Canada ne devient pas un refuge pour les délinquants sexuels. Nous tenons à savoir si ces gens-là se trouvent dans notre pays.
Compte tenu de toutes les juridictions existantes dans le monde, de tous les endroits où l'on pourrait être condamné, comment être certain que lorsque quelqu'un entre au Canada, il est possible de savoir qu'il a subi une condamnation et que son nom figurera au registre? Ces gens-là sont-ils censés fournir volontairement de tels renseignements ou avons- nous un moyen d'effectuer des vérifications auprès d'une autre juridiction? Il ne s'agit pas nécessairement du pays d'où ils sont directement venus au Canada, car ils pourraient venir d'un pays donné tout en ayant été condamnés dans un autre. Comment avoir la certitude que le système les repérera et les inscrira au registre?
Mme Campbell : C'est une excellente question à laquelle les responsables fédéraux-provinciaux-territoriaux s'efforcent de trouver une réponse depuis bien des années. Comme vous l'avez dit, un certain nombre de problèmes d'ordre pratique existent. Un Canadien peut quitter le Canada, vivre à l'étranger pendant 20 ans et cela, dans 10 pays différents; il peut commettre une infraction sexuelle dans le premier pays et avoir continué à voyager dans bien d'autres pays avant de revenir au Canada. Comment obtenir les renseignements requis sauf à compter sur l'honnêteté de cette personne?
Ce projet de loi comporte un certain nombre de nouvelles dispositions importantes. En réalité, lorsqu'il s'agit d'un Canadien, il y a deux façons de revenir de l'étranger. Dans le premier cas, il purge une peine dans un pays étranger et revient au Canada conformément aux dispositions de la Loi sur le transfèrement international des délinquants. Manifestement, lorsqu'un individu revient au Canada, nous sommes parfaitement informés de tous les détails de la condamnation et de la peine qui lui a été infligée.
Ce que propose le projet de loi pour les personnes qui purgent une peine, lorsqu'elles rentrent au Canada, c'est qu'elles soient soumises à l'obligation de se faire enregistrer au moment de leur transfèrement au Canada, après l'entrée en vigueur de cette loi. Toute personne ayant l'intention de faire une demande de retour au Canada conformément aux dispositions de cette loi sera informée de cette obligation, car on lui fera alors connaître la manière de la peine qui leur serait administrée au Canada. Dans certains cas, l'individu décide de renoncer à sa demande lorsqu'il apprend de quelle manière sa peine sera administrée ici.
Si l'individu, le jour de l'entrée en vigueur du projet de loi S-2, se trouve déjà au Canada où il purge sa peine, après son transfèrement en vertu de la Loi sur le transfèrement international des délinquants, l'obligation de s'inscrire ne jouerait donc pas. Je regarde mon collègue, au cas où il voudrait me reprendre. Nous faisons de notre mieux pour capturer ces gens-là, et notre tâche devient beaucoup plus facile lorsque nous savons où ils se trouvent.
Pour le Canadien qui revient libre et quitte, comme nous disons, le projet de loi comporte une nouvelle disposition qui l'oblige à se présenter à la police dans les sept jours suivant son arrivée au Canada afin d'y déclarer qu'il a été condamné à l'étranger pour une infraction sexuelle.
S'il omet de le faire, nous comptons sur nos moyens de détection pour le retrouver et pour intenter des poursuites contre lui pour défaut de conformité à l'obligation en question. Lorsqu'à son retour, quelqu'un se présente tel que requis, on peut lui signifier un avis d'enregistrement. Cela entraîne alors la mise en marche d'un processus judiciaire, car un jugement doit être prononcé pour déterminer une équivalence pour son une infraction d'ordre sexuel.
Si quelqu'un se trouve déjà au Canada, après être arrivé libre et quitte, si cette personne a commis une infraction d'ordre sexuel à l'étranger, l'entrée en vigueur du projet de loi S-2 n'affecte pas cette personne. Par ailleurs, si un individu inspire des inquiétudes sur le plan de la sécurité et si les gens sont au courant de son passé de délinquant sexuel, les ordonnances 810 sont un excellent mécanisme permettant d'exercer un certain contrôle sur cette personne.
Comme la police l'a dit au cours de ces consultations, nous sommes, dans une certaine mesure, assujettis aux limites que nous impose la situation sur le plan pratique. Nous entretenons d'excellentes pratiques d'échange d'information avec la police de certains pays, mais moins avec d'autres. Certains pays ont des difficultés à établir des systèmes de justice pénale qui reconnaissent l'importance de cette question; ils ont d'ailleurs à faire face à des problèmes encore plus importants que celui du repérage de ce genre de délinquant.
Comme je l'ai dit, dans ce projet de loi, nous nous efforçons vraiment de couvrir les deux situations, et nous espérons y être parvenus.
Le sénateur Wallace : Dans vos commentaires, vous parliez continuellement du cas de la personne qui revient au Canada. Qu'en est-il de celle qui entre au Canada pour la première fois?
M. Hoover : Cette disposition a trait à une personne condamnée et jugée non criminellement responsable en raison de troubles mentaux pour une infraction commise hors du Canada, lorsque cette infraction est équivalente à une des infractions désignées. C'est-à-dire tout individu qui rentre au Canada.
D'autre part, si un individu qui se trouve au Canada au moment de l'entrée en vigueur de la loi, quitte le Canada et y revient, il demeure soumis à ces dispositions.
Le sénateur Wallace : Cela n'est donc pas limité aux personnes qui reviennent au pays.
La présidente : Ni aux Canadiens.
Le sénateur Wallace : Exactement. C'était une des questions que je voulais poser.
M. Hoover : La loi a un très large champ d'application.
Mme Campbell : Une des préoccupations les plus importantes avait trait au fait que des Canadiens pourraient se rendre à l'étranger, y commettre ce genre d'infraction, puis revenir sans qu'il y ait de conséquence pour eux ni de trace ici de leur infraction. Bien entendu, si quelqu'un vient vivre au Canada après avoir commis ce type d'infraction, il est censé se conformer à la loi.
Le sénateur Wallace : Avons-nous des ententes avec d'autres pays nous permettant d'effectuer des vérifications par l'intermédiaire d'Interpol ou d'autres instances concernant les personnes qui entrent au Canada pour la première fois ou qui y reviennent, afin de pouvoir déterminer si elles ont fait l'objet d'une condamnation, ce qui nous éviterait de devoir uniquement compter sur la divulgation volontaire de cette condamnation par les personnes concernées? Y a-t-il un processus automatique?
Je sais bien que nous n'avons pas de relations avec tous les États, mais existe-t-il des pays avec lesquels nous en avons et auprès desquels nous pouvons automatiquement effectuer une vérification lors de l'entrée d'un individu au Canada?
Mme Campbell : Comme je le disais, nous avons, je crois de meilleurs rapports avec certains pays qu'avec d'autres. Voilà une question qu'il faudra poser à la GRC ou à d'autres représentants de la police pour savoir exactement comment les renseignements sont communiqués.
On nous demande souvent pourquoi nous ne pouvons pas interroger quelqu'un au moment de son passage à la douane et à l'immigration à l'aéroport. Les pouvoirs qui sont conférés aux agents limitent les questions qu'ils peuvent poser à un Canadien ou à un étranger à l'entrée au pays. Cela se réduit essentiellement aux questions concernant directement leur droit d'entrée. Mais il est interdit à ces agents de poser des questions sur la conduite, bonne ou mauvaise, d'une personne quelle qu'elle soit, lorsqu'elle était à l'étranger.
Le sénateur Wallace : Oui, je vous remercie de ces précisions.
Le sénateur Baker : Merci. Je serai très bref. Votre ministère pourrait-il fournir au comité une explication écrite pour que nous sachions exactement ce qui est appliqué rétrospectivement en vertu de ce projet de loi et nous dire si, en fait, il y avait une erreur dans le document d'information selon lequel « le délinquant trouvé coupable sera automatiquement inscrit au registre » et cette « mesure s'appliquera sur une base prospective seulement. »
Nous souhaiterions avoir un éclaircissement au sujet de ce document d'information, car les membres de ce comité ne sont pas les seuls à le lire. Nos juges le liront aussi. Ce document accompagne le projet de loi.
Rétrospectivement, signifie que l'acte a été commis dans le passé, que cet acte aura des ramifications dans l'avenir, et que le projet de loi devra préciser si l'intention est de prendre en compte les infractions primaires désignées — les infractions vraiment graves — de manière rétrospective et pas seulement prospective. Voilà mon premier point.
Mon second point est le suivant : je comprends l'explication du lcol MacGregor. Ma seule objection est que ce projet de loi dit qu'en vertu du Code criminel, vous aurez le droit de parler à un avocat, droit qui existe de toute façon. Il dit également qu'un juge est tenu de fournir des motifs, ce qu'il doit faire de toute façon. Cependant, dans cet article du projet de loi modifiant le Code criminel, il est dit que vous pouvez avoir des vidéoconférences. C'est déjà prévu dans le Code criminel, mais c'est pourtant repris dans le projet de loi.
Quand on en vient aux dispositions concernant les militaires, c'est différend. Le projet de loi reprend exactement les mêmes dispositions, mais il ne fait aucune mention du droit de faire appel à un avocat. C'est cela que je trouve difficile à comprendre et tous ceux qui liront plus tard ce document auront les mêmes réactions.
Je comprends votre explication. Mais elle ne tient pas vraiment, car vous pourriez faire les mêmes hypothèses avec les mêmes dispositions en vertu du Code criminel en ce qui concerne les vidéoconférences et les discussions avec les avocats. Autrement dit, pourquoi ces modifications ne se reflètent-ils pas mutuellement? Pourquoi celles qui concernent les cours martiales ne sont-elles pas les mêmes que celles qui touchent le Code criminel?
C'est tout ce que j'avais à dire, madame la présidente. Je ne sais pas si quelqu'un souhaite faire des commentaires à ce sujet. Ce n'est pas obligatoire.
Mme Campbell : Dans le contexte des questions que vous avez soulevées, sénateur, c'est en partie parce qu'il s'agit d'un registre national que le texte est si explicite dans le contexte non militaire. Un individu peut aussi bien se trouver dans une cellule de la police provinciale que dans un centre de détention provincial ou un pénitencier fédéral. Toutes ces installations ne sont pas nécessairement équipées pour des vidéoconférences, ni d'ailleurs, pour permettre d'avoir aisément accès à un avocat.
Ces mesures ayant un champ d'application national, je crois qu'on a jugé qu'il fallait les rendre très explicites dans le cas du contrevenant non militaire. Comme je l'ai dit, les militaires doivent naturellement adapter les dispositions dans le contexte de leur système.
Le sénateur Baker : Ce n'est pas le même système.
Lcol MacGregor : Permettez-moi de vous rappeler, sénateur, que le droit d'être représenté par un avocat est explicitement énoncé dans la Loi sur la défense nationale.
Le sénateur Baker : Bien sûr.
Lcol MacGregor : Je ne suis pas certain que vous trouverez exactement le même type de disposition dans le Code criminel — à savoir le droit d'être représenté. Il figure en tout cas dans la Charte et le système de justice militaire est, comme vous le savez fort bien, assujetti aux dispositions de la Charte.
Le sénateur Baker : Oui.
Lcol MacGregor : Par ailleurs, le droit d'être représenté est énoncé au paragraphe 249.17 de la Loi sur la défense nationale. Le paragraphe 249.18 de la même loi porte sur le service d'avocats de la défense. Il n'est pas nécessaire de répéter continuellement que vous avez droit aux services d'un avocat et autres dispositions analogues.
Le sénateur Baker : De toute façon, le juge est tenu de présenter les motifs.
Lcol MacGregor : Comme vous l'avez-vous-même indiqué, cela existe aussi dans la Charte.
Permettez-moi donc de dire, sénateur, que je ne suis pas certain qu'il soit absolument nécessaire de répéter l'existence du droit de représentation par un avocat dans cet article, étant donné la différence, dans la Loi sur la défense nationale, relative à ce même droit.
Le sénateur Baker : Pourquoi pensez-vous que la section du droit civil au ministère de la Justice l'a fait pour les tribunaux civils, si ce n'était pas nécessaire?
Je suis d'accord avec vous ne vous méprenez pas.
M. Hoover : La seule raison pour laquelle nous avons inclus ces dispositions était de maintenir la concordance avec les mesures similaires existant dans d'autres parties du code. Certains diront peut-être qu'il existe un droit à certaines de ces choses. Je ne suis pas certain que ce soit exact.
Le sénateur Baker : Il y a, bien sûr, le droit d'obtenir des motifs par écrit.
M. Hoover : Je ne pense pas qu'il y ait un droit d'obtenir les motifs par écrit.
Le sénateur Baker : Un juge doit fournir des motifs par écrit pour examen en appel.
M. Hoover : Je ne le pense pas. Dans bien des cas, les juges ne fournissent pas de motifs par écrit. Je ne veux pas vous contredire, mais il est fréquent que les juges ne fournissent pas de motifs écrits. Ils peuvent rendre leur décision oralement. Ils le font souvent.
Je reconnais qu'il est certainement plus facile pour tout le monde que la décision soit présentée par écrit. Quoi qu'il en soit, tout ce que je peux suggérer c'est que cette disposition particulière a été rédigée de manière à concorder avec les mesures similaires que l'on retrouve dans d'autres parties du code.
Le sénateur Baker : Mais pas dans le code militaire. Merci, madame la présidente.
[Français]
Le sénateur Boisvenu : L'application de l'article 810 du Code criminel n'est pas une solution permanente, c'est une solution temporaire. À un problème permanent, il faut une solution permanente.
Je pose encore la question aux fonctionnaires du ministère suite à la question posée par le sénateur Wallace. Si je suis un criminel canadien et que je commets un crime à caractère sexuel en France, lorsque je reviens au Canada, j'ai une obligation d'être inscrit au registre. Donc, le registre est rétroactif pour moi qui ai commis un crime en dehors du Canada, mais il ne le sera pas pour le Canadien qui a commis un crime au Canada. Je pense qu'il y a là une contradiction. Il faut vraiment examiner la possibilité d'inscrire des criminels dangereux. Cela m'apparaît une contradiction dans la réponse.
Vous savez maintenant que les cours municipales comme Montréal et Québec entendent des procès pour des crimes à caractère sexuel. L'an dernier, on a eu la surprise d'apprendre que certaines condamnations n'apparaissent pas au plumitif de la province. Les gens sont condamnés devant une cour municipale pour agression sexuelle et cela n'apparaît pas au plumitif de la province. Il y a comme une espèce de barrière entre la cour provinciale et la cour municipale.
Est-ce que quelqu'un qui est reconnu coupable d'agression sexuelle dans une cour municipale va être inscrit automatiquement au Registre national des délinquants sexuels?
[Traduction]
Mme Campbell : Je ne sais pas exactement. Nous allons examiner la question relative la cour municipale de Québec.
Pour ce qui est de l'inscription au registre des délinquants au Canada, je tiens à préciser que tout délinquant qui purgeait sa peine le 15 décembre 2004 devait obligatoirement être inscrit au registre et un avis devait lui être signifié. S'il avait déjà été condamné pour un crime de caractère sexuel au Canada en 2000 ou 1987 et s'il avait fini de purger sa peine au 15 décembre 2004, il n'était pas assujetti à un enregistrement.
Comme M. Hoover l'a dit, cette décision a été prise en accord avec tous les représentants de nos partenaires. Ils estimaient que les problèmes d'ordre pratique rencontrés pour essayer de retrouver ces personnes étaient virtuellement insurmontables et en tout cas trop coûteux pour justifier l'engagement de ressources. Un sondage a été effectué, mais le problème était d'ordre pratique. Le délinquant pouvait se trouver dans un autre pays; il pouvait aussi être décédé. Personne ne savait même comment entreprendre des recherches pour retrouver des individus qui avaient déjà purgé leur peine.
J'explique simplement le raisonnement suivi à l'époque. Tous ceux qui purgeaient une peine à cette date ont été saisis.
[Français]
Le sénateur Boisvenu : Ma question est plus précise que cela. Je suis condamné en France pour le viol de cinq femmes. Je demande d'exécuter ma sentence dans une prison canadienne. Donc j'en fais la demande. Le Canada m'accepte. Lorsque je vais arriver au Canada, je vais être obligé de m'inscrire au Registre national des délinquants sexuels, n'est-ce pas?
Mme Campbell : Oui.
Le sénateur Boisvenu : Donc, le registre est rétroactif par rapport à moi qui ai commis un crime à l'extérieur du Canada, n'est-ce pas?
Mme Campbell : Oui.
Le sénateur Boisvenu : Cependant, si je commets le même crime au Canada, aujourd'hui, et que le registre est adopté l'an prochain, on ne m'inscrira pas au registre. Est-ce que vous trouvez normal que dans un cas ce soit rétroactif et que dans l'autre cas, cela ne le soit pas?
[Traduction]
Mme Campbell : Je comprends votre argument, et je comprends que certains soutiennent que le principe est contradictoire. Sur le plan pratique, si l'on disait que tous ceux qui n'ont jamais été condamnés pour infraction sexuelle au Canada sont tenus de se faire inscrire au registre ou de déclarer l'existence de cette condamnation, on se heurterait à bien des difficultés d'ordre pratique. C'est pourquoi on n'est pas allé plus loin. Je comprends votre argument, mais je n'ai pas grand-chose à ajouter. C'est la décision qui a été prise.
[Français]
Le sénateur Boisvenu : Une dernière...
La présidente : Non, je pense qu'on a eu les réponses qu'on peut soutirer à ces questions. Tout le monde a compris votre point.
Le sénateur Chaput : J'aimerais revenir au registre. Une personne commet un crime, automatiquement son nom est inscrit au registre. Si j'ai bien compris, vous avez mentionné que lorsque la personne a purgé sa peine, disons 10 ans, son nom est alors enlevé du registre. Pourquoi enlève-t-on les noms du registre? Pourquoi n'y aurait-il pas deux parties à ce registre? La deuxième partie pourrait contenir les coordonnées de ceux qui ont commis un crime, la nature du crime et la peine purgée.
On sait très bien que certains criminels récidivent. Si les noms sont enlevés du registre et que ces criminels commettent le même crime une deuxième fois, c'est recommencer à zéro. Est-ce qu'il ne serait pas plus pratique de garder ces noms dans une banque de données?
[Traduction]
M. Hoover : Ce que je disais n'était pas tout à fait exact. Toutes mes excuses. Au bout de 10 ans, les renseignements ne sont pas rayés du registre. Il n'y a plus d'obligation de se conformer aux exigences relatives au registre.
Le sénateur Chaput : Qu'entendez-vous par obligation de se conformer?
M. Hoover : Vous devez vous faire enregistrer chaque année si vous recevez une ordonnance en vertu de la Loi sur l'enregistrement de renseignements sur les délinquants sexuels. Vous êtes tenu de signaler tout changement d'adresse ou voyage à l'étranger. Toutes ces obligations cessent au bout de 10 ans.
Le sénateur Chaput : Le nom demeure dans le registre, mais la personne n'est pas tenue de fournir sa nouvelle adresse.
M. Hoover : C'est exact.
La présidente : Le nom n'est cependant jamais rayé de la liste.
Le sénateur Chaput : En effet.
La présidente : C'était la question que j'avais posée tout à l'heure, mais ce n'est pas la réponse que vous m'avez alors donnée.
M. Hoover : Excusez-moi. Les renseignements sont conservés au registre; seule l'obligation change.
La présidente : Les données génétiques sont conservées.
M. Hoover : Oui, je le suppose.
La présidente : Ces données ne sont pas supprimées. En fait, la GRC ne supprimera donc jamais les renseignements inscrits au registre?
M. Hoover : C'est exact.
Mme Campbell : La condamnation et la peine infligées pour l'infraction ne seront pas non plus rayées du CIPC. Une fois que l'obligation de rapport aura expiré, les renseignements demeureront malgré tout inscrits au registre. En un sens, ce n'est pas grand-chose de plus que ce que l'on peut déjà trouver sur le CIPC, dans lequel la dernière adresse en date n'apparaît pas non plus.
La présidente : Je tiens à être absolument certaine que je comprends bien le fonctionnement de ce projet de loi.
Vous êtes donc inscrit sur la liste. À titre d'exemple, vous êtes dans la catégorie des 10 ans. À ce propos, Cela commence-t-il au moment de la libération ou au moment de la condamnation?
M. Hoover : Je précise qu'il s'agit de la durée de la peine.
La présidente : Bien. Vous êtes condamné. Dix ans plus tard — à supposer que vous ayez recouvré votre liberté depuis un certain temps — vous n'êtes plus obligé de vous soumettre aux obligations de rapport? Vos obligations personnelles sont terminées.
M. Hoover : C'est exact.
La présidente : Pourtant, votre nom ne sera jamais radié du registre des délinquants sexuels?
M. Hoover : C'est exact.
La présidente : Si je suis un employeur éventuel et que je veuille me renseigner sur vous, je vous trouverai toujours inscrit dans ce registre.
Mme Campbell : En tant que futur employeur, vous n'aurez jamais accès au registre des délinquants sexuels.
La présidente : Et si je dirige une garderie, je ne pourrais pas le faire?
Mme Campbell : Non, c'est le CIPC qui entre en jeu.
En tant qu'employeur, vous pouvez demander à un futur employé de se soumettre à une vérification de son casier judiciaire. Cette demande est adressée au CIPC, le Centre d'information de la police canadienne; c'est un processus interminable.
La présidente : Bien. J'ai compris.
Mme Campbell : Comme le ministre l'a fait remarquer — à la différence des États-Unis — l'accès au registre des délinquants sexuels est extrêmement restreint. Ce sont surtout les agents de police qui peuvent y avoir accès.
La présidente : En ce qui concerne ce registre, si j'étais condamnée pour une infraction apparaissant sur la liste, mon nom y figurerait-il à tout jamais?
M. Hoover : Il y a deux moyens, seulement, de faire radier du registre les renseignements vous concernant.
La présidente : Une ordonnance de révocation et d'exemption?
M. Hoover : Non plus. Si vous êtes acquitté ou si vous obtenez un pardon absolu accordé en vertu de la prérogative royale de clémence, article 748 du Code criminel, les renseignements sont supprimés.
Je ne peux rien affirmer en ce qui concerne le CIPC.
La présidente : S'il y a d'autres modifications, vous nous le ferez savoir.
Avant de poursuivre, je tiens à noter que nous vous avons demandé qu'on nous fournisse un volume considérable de documents. J'insiste sur le fait que nous souhaiterions les recevoir dès que possible. Vous comprendrez très certainement que lorsque nous étudions un projet de loi, nous avons besoin de l'information au moment où nous faisons cette étude. Après, l'information ne sert plus à grand-chose.
Le sénateur Wallace : Monsieur Hoover, répondez à ma question. Elle a trait à la récente alarme provoquée par la question des pardons, les circonstances dans lesquelles ils sont accordés et le fait qu'un pardon peut être accordé sans que le public en soit informé. Ce que je voulais savoir, c'est si un nom pouvait ou était rayé du registre lorsqu'un individu était gracié par la suite. Je crois que vous avez répondu par l'affirmative. En cas de pardon, le nom de cet individu serait supprimé.
M. Hoover : Seulement dans le cas d'un pardon en vertu de la prérogative royale, ce qui est extrêmement rare. C'est différend du pardon accordé en vertu de la Loi sur le casier judiciaire.
Le sénateur Wallace : Le nom d'une personne ne serait pas rayé du registre si un pardon lui était octroyé.
M. Hoover : Non, dans le cas du pardon accordé en vertu de la Loi sur le casier judiciaire.
La prérogative royale de clémence en vertu de l'article 748 prévoit l'octroi de pardons conditionnels et de pardons absolus. Je ne pense pas que le nom de l'intéressé serait supprimé en cas de pardon conditionnel, mais ce peut être là une question qu'il appartiendra aux tribunaux de régler. Il faudrait pour cela étudier les conditions du pardon conditionnel, mais celui-ci est extrêmement rare. Je ne connais aucun exemple récent d'octroi d'une PRC par le gouverneur général.
Le sénateur Wallace : Je vous remercie de ces précisions.
[Français]
Le sénateur Carignan : Vos dernières réponses soulèvent quant à moi une question.
Pourrais-je avoir, en tant qu'employeur, l'autorisation de la personne inscrite au registre pour vérifier si elle figure ou non sur le registre des délinquants sexuels?
Je comprends votre réponse concernant le dossier criminel, mais pensez à l'exemple dont j'ai parlé tout à l'heure : on parle d'une personne coupable d'entrée par effraction ayant un dossier judiciaire pour entrée par effraction; mais elle est inscrite au registre des délinquants sexuels parce que le Procureur a démontré, hors de tout doute raisonnable, qu'elle avait l'intention de commettre un acte de viol.
Cette personne peut aller travailler dans une garderie tout en ayant un casier judiciaire d'entrée par effraction, mais cela m'est toutefois impossible d'avoir accès à l'information disant que cette personne était un délinquant sexuel et qu'elle avait l'intention de violer un enfant lorsqu'elle est entrée par effraction; est-ce que je comprends bien?
[Traduction]
Mme Campbell : La question est-elle de savoir si les renseignements concernant un individu inscrit dans le registre peuvent être divulgués à quelqu'un d'autre, si l'intéressé y consent? La réponse est non. La capacité d'accès et d'utilisation des renseignements par la police est définie dans le code et dans la Loi sur l'enregistrement de renseignements sur les délinquants sexuels. La police n'est pas autorisée à divulguer ces renseignements et elle s'expose à des sanctions si elle le fait. Peu importe que la personne concernée donne son consentement ou non. Est-ce bien cela votre question?
Si cette personne donne son consentement à la divulgation de son casier judiciaire grâce à une vérification des dossiers du CIPC...
[Français]
Le sénateur Carignan : Le casier judiciaire ne me pose pas de difficulté; c'est plutôt la question du consentement. Je trouve curieux qu'un individu qui postule pour un emploi ne puisse pas donner l'autorisation de confirmer s'il est inscrit ou non au registre des délinquants sexuels. Cela peut causer un autre problème.
Le sénateur Boisvenu : La question n'est pas là. La question est de savoir...
[Traduction]
M. Hoover : Si un employeur veut connaître le contenu de votre dossier criminel...
[Français]
Le sénateur Carignan : Le casier judiciaire, ça va.
La présidente : On parle de l'employé.
[Traduction]
Mme Campbell : Je comprends, mais si l'employeur connaît le contenu du casier judiciaire, que l'individu soit inscrit au registre ou non, j'imagine très bien que dans certaines situations cela pourrait jouer un rôle. L'employeur peut, par exemple, vouloir savoir si cet employé en puissance pourra voyager librement. Je ne sais pas si c'est là le problème. C'est sans doute une décision que l'individu, l'ex-contrevenant, devrait prendre. Si le candidat a un emploi exigeant beaucoup de déplacements à bref délai, par exemple, et s'il est inscrit dans ce registre, il est possible qu'il veuille y réfléchir à deux fois.
Quoi qu'il en soit, cela se résume simplement au fait que la loi n'autorise pas la police à fournir de tels renseignements.
[Français]
Le sénateur Carignan : C'est clair, comme employeur, que lorsque je décide de ne pas embaucher quelqu'un à cause d'un casier criminel, l'infraction criminelle doit avoir un lien pour justifier mon refus d'embauche. S'il s'agit d'une entrée par effraction dans une garderie, techniquement, je ne vois pas comment on pourrait refuser d'embaucher quelqu'un parce qu'il a un casier judiciaire d'entrée par effraction.
Par contre, si j'apprends qu'il est inscrit au registre des délinquants sexuels parce qu'il a commis une entrée par effraction dans le but de violer un enfant, c'est différent.
[Traduction]
La présidente : Nous avons largement dépassé le temps dont nous disposions, sénateurs, et j'ai moi-même une petite question à poser.
Le sénateur Baker : Madame la présidente, je crois que le témoin ne comprend pas que le sénateur fait allusion au fait que si vous avez été condamné pour introduction par effraction, vous êtes en fait condamné pour introduction par effraction dans l'intention de commettre un acte criminel. Dans le casier judiciaire, la seule mention est : introduction par effraction. Aucune mention ne serait faite de l'intention de commettre un acte criminel, ce qui pourrait précisément être ce dont il parle. C'est la raison pour laquelle il vous a posé ces questions, et c'est aussi pourquoi je pense que vous avez mal compris et avez dit qu'il ne s'agissait pas d'introduction par effraction. Il s'agissait d'une introduction par effraction dans l'intention de commettre un acte criminel.
[Français]
La présidente : Est-ce que c'est bien le reflet de votre pensée?
Le sénateur Carignan : Il a lu dans mes pensées. Si ce n'était pas assez clair, il l'a lu dans mon front. C'est assez clair.
[Traduction]
Mme Campbell : Je comprends bien le problème. Il y a, en fait, un prédateur sexuel fort connu, qui est incarcéré au Canada et qui, je crois savoir, a commencé sa carrière comme spécialiste des introductions par effraction. Bien sûr, à l'époque, ces comportements n'avaient pas été considérés avec l'inquiétude qu'ils auraient dû susciter parce qu'on n'avait pas compris le pourquoi de ces introductions par effraction. Petite anecdote en passant.
Je dirais également qu'en tant qu'employeur potentiel, qu'il s'agisse d'employés rémunérés ou de bénévoles, le ministère de la Sécurité publique travaille activement avec Bénévoles Canada, afin d'aider des organisations à effectuer un filtrage efficace. Une vérification du casier judiciaire est un bon pas en avant dans ce domaine, mais cela ne suffit pas. Le genre de complication dont vous parlez est une des raisons pour lesquelles nous insistons vivement sur la nécessité de ne pas se contenter d'une telle vérification, car elle ne vous révélera pas tout ce que vous avez besoin de connaître.
La présidente : J'ai une question à poser et une brève remarque à faire.
Peut-être préféreriez-vous répondre à la question par écrit. Combien cela coûtera-t-il de renforcer le registre des délinquants sexuels tel que le prévoit le projet de loi, et a-t-on envisagé un partage de ce coût avec les provinces ou au contraire, le tout sera-t-il assumé par le gouvernement fédéral? Pouvez-vous me répondre dès maintenant ou voulez-vous revenir?
M. Hoover : C'est à moi que vous vous adressez?
La présidente : J'attendrai une réponse écrite.
Mme Campbell : Je crois que nous pourrions vous présenter nos commentaires par écrit. C'est une entreprise conjointe.
La présidente : Pensez-vous que la GRC serait capable de répondre à cela? Si c'est le cas, nous pourrons leur poser la question lorsque ses représentants comparaîtront la semaine prochaine.
Mme Campbell : Il se peut qu'ils veuillent tout de même parler de leurs propres problèmes de ressource.
La présidente : Si vous avez des documents à ajouter, je serai heureuse de les recevoir.
M. Hoover : Il est clair que la différence entre une inclusion automatique contrairement à une demande de la Couronne économisera des efforts aux tribunaux, aux procureurs et à l'avocat pour la défense. Seules les provinces pourraient vous donner un chiffre.
La présidente : Bon, j'ai maintenant une remarque à faire et je souhaiterais que vous le communiquiez aux rédacteurs.
La moutarde commence vraiment à me monter au nez lorsque je constate la pratique de plus en plus répandue d'usage des règles de la grammaire anglaise dans la rédaction des textes de loi, comme c'est le cas, par exemple, dans : « La cour accorde la dispense si elle est convaincue que l'intéressé a établi que l'obligation aurait à leur [sic] égard, notamment sur leur [sic] vie privée ou leur [sic] liberté [...] ».Je suis certaine que le but poursuivi est d'éviter ce que l'on appelle parfois un langage sexiste. Il y a d'autres façons de le faire et d'autres moyens utilisés dans la rédaction de ce projet de loi. Employez « il ou elle », ou alors « la personne ». Ce projet de loi pullule d'exemples du singulier suivi d'un pronom pluriel, ce qui surprend. Ce que l'on attend de la rédaction d'un texte législatif, c'est la précision, et cette précision devrait certainement comprendre le respect des règles de grammaire. Vous n'êtes pas obligé de faire de commentaire, mais vous pourriez communiquer ma remarque aux rédacteurs.
M. Hoover : Je serai ravi de soulever cette question la prochaine fois que je verrai les rédacteurs.
La présidente : Vous êtes resté bien longtemps avec nous. Nous vous en savons gré.
Mes chers collègues, nous nous réunirons à nouveau dans cette pièce, demain matin à 10 h 30, et nos témoins seront le commissaire à la protection de la vie privée, suivi par l'ombudsman fédéral des victimes d'actes criminels.
(La séance est levée.)