Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Affaires juridiques et constitutionnelles
Fascicule 4 - Témoignages du 21 avril 2010
OTTAWA, le mercredi 21 avril 2010
Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, à qui a été renvoyé le projet de loi S-2, Loi modifiant le Code criminel et d'autres lois, se réunit aujourd'hui à 16 h 24 pour étudier le projet de loi.
Le sénateur John D. Wallace (vice-président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le vice-président : Nous allons commencer la séance. Je remercie mes collègues d'y assister. Nous en attendons encore quelques-uns et je suis certain qu'ils vont arriver bientôt.
Brièvement, à titre d'information, nous poursuivons notre étude du projet de loi S-2, dont le titre abrégé est « Loi protégeant les victimes des délinquants sexuels ». Ce projet de loi aurait pour effet de modifier le Code criminel, la Loi sur l'enregistrement de renseignements sur les délinquants sexuels, la Loi sur la défense nationale et la Loi sur le transfèrement international des délinquants. Le but officiel et l'objectif du projet de loi S-2 consistent à mieux protéger les Canadiens contre les délinquants sexuels en améliorant le Registre national des délinquants sexuels et la Banque nationale de données génétiques en vue d'aider les services de police à prévenir les crimes de nature sexuelle et de rendre leurs enquêtes plus efficaces.
Divers témoins ont comparu devant le comité pour nous parler de cette question. Ces témoignages ont été extrêmement riches d'enseignements. Nous sommes très heureux d'avoir aujourd'hui deux témoins extrêmement qualifiés, le Dr Paul Fedoroff, directeur de la clinique sur les comportements sexuels et Lisa Murphy, psychométricienne judiciaire, des Services de santé Royal Ottawa.
Avant de vous inviter à présenter votre exposé, je dois vous dire que nous avons trois groupes de témoins aujourd'hui et dans deux heures d'ici, certains membres du comité doivent assister à d'autres réunions de comité, c'est pourquoi je vous demande d'être concis. Je sais que nous sommes les principaux coupables dans ce domaine et si nous pouvons éviter de faire des discours au lieu de poser des questions, je crois que nous pourrions utiliser utilement notre temps et entendre tous ces témoins plus rapidement. Cela dit, nous voulons procéder de façon efficace.
Je vais m'arrêter là et Dr Fedoroff, nous aimerions entendre votre exposé.
Dr Paul Fedoroff, directeur, Clinique sur les comportements sexuels, Services de santé Royal Ottawa : Merci de m'avoir invité. Je suis le directeur de la clinique sur les comportements sexuels. Vous voudrez sans doute entendre surtout Lisa Murphy, qui a écrit des articles qui traitent directement des questions auxquelles, je crois, vous vous intéressez particulièrement. En fait, c'est elle qui a été contactée au départ par le comité et qui a eu la gentillesse de m'inviter aussi. Mme Anwar, la greffière avec qui j'ai correspondu et qui a grandement facilité l'organisation de cette comparution, m'a mentionné que je devrais essayer de limiter mes commentaires à la question de la récidive, qui est légèrement distincte du sujet auquel le comité s'intéresse principalement. Je présume que cela n'a pas changé. J'ai préparé un document qui résume la question. Il est évident que nous pourrions parler longtemps de cette question, mais je vais simplement reprendre certains sujets qui se trouvent dans le document qui vous a été distribué.
La première page est la page couverture de l'Economist portant le titre « America's unjust sex laws ». J'ai inséré cet article parce qu'il fait référence à d'autres documents que j'ai présentés et pour vous montrer que de nombreux pays s'interrogent sur la façon de traiter les délinquants sexuels. Je peux vous dire que le Canada est un des chefs de file pour ce qui est de communiquer ses idées au reste du monde. La clinique sur les comportements sexuels a été consultée par de nombreux pays qui voulaient rééditer le succès que nous avons obtenu. Les États-Unis, entre autres, ont envoyé des représentants rencontrer notre comité pour obtenir une formation et des conseils sur la façon d'améliorer leur système.
À la page suivante, il y a une étude d'Andrew J.R. Harris et de R. Karl Hanson, qui est probablement la meilleure étude si l'on veut un résumé des taux de récidive pour les comportements sexuels, en particulier au Canada. On peut la consulter sur Internet dans les deux langues. Il y a beaucoup de choses dans cette étude, mais l'élément le plus important est sans doute la ligne du haut qui commence par « 5 ans, 10 ans et 15 ans. »
La donnée essentielle, sur laquelle à peu près tout le monde s'entend dans le monde scientifique, est que le taux de récidive est de 15 p. 100 après cinq ans pour les délinquants sexuels qui sont dans la collectivité et qui ont la possibilité de récidiver. Autrement dit, 85 p. 100 des délinquants sexuels ne récidivent pas, quelle que soit la façon dont vous les traitez. Ce taux passe à 20 p. 100 après 10 ans et à 25 p. 100 après 15 ans. Ce sont là les chiffres essentiels. C'est le taux de récidivisme des délinquants sexuels que l'on retrouve dans pratiquement tous les pays au monde, que ces délinquants bénéficient d'un traitement ou non.
Le tableau suivant montre un résultat qui est, je crois, maintenant accepté partout : le taux des infractions sexuelles diminue, pas seulement en Amérique du Nord mais dans le monde entier, et il diminue très vite. Vous pouvez voir avec ce tableau qu'en 1982, il y avait 250 viols pour 100 000 habitants aux États-Unis. Ce chiffre est maintenant tombé à 75 pour 100 000 en 2002. C'est une diminution considérable. On ne constate pas habituellement ce genre de changements en sciences sociales. Je peux également vous dire que cette tendance s'est poursuivie depuis que ce tableau a été préparé.
Le tableau suivant est tiré d'une étude de Harris et Hanson. C'est ce que nous appelons la courbe de survie. J'aimerais vous en expliquer quelques aspects. La ligne en haut de la page montre que les réussites sont situées dans la partie de la page qui est sous cette ligne. Cela représente les personnes qui n'ont pas récidivé. Encore une fois, vous constaterez que la majorité des délinquants sexuels qui vivent dans la collectivité, même après un suivi de 22 ans, n'ont toujours pas récidivé; près de 75 p. 100 d'entre eux n'ont pas récidivé après 22 ans. Cela dépasse bien évidemment une période de 20 ans. Je vais vous montrer dans une minute comment nous avons amélioré ces chiffres, de sorte que cette ligne devrait être encore plus droite à l'avenir.
C'était là mon premier commentaire.
Le deuxième commentaire est que cette ligne tend vers l'horizontale à son extrémité. Cela veut dire que la majorité des infractions sont commises au cours de la première année où le délinquant sexuel est libéré dans la collectivité. Le risque de récidive diminue chaque année que le délinquant passe en liberté sans récidiver. C'est un aspect qui n'est parfois pas compris par les gens qui pensent que les délinquants récidivent tous, et que ce n'est qu'une question de temps.
C'est le contraire, et c'est d'ailleurs ce qui se passe pour de nombreux comportements problématiques. Lorsqu'une personne cesse de fumer, le risque qu'elle recommence à fumer diminue chaque année. C'est la même chose pour les délinquants sexuels.
La page suivante est un résumé des recherches effectuées par le Dr Bill Marshall, qui est un des participants à notre programme et un psychiatre éminent qui a reçu l'Ordre du Canada. Il présente des données obtenues à l'établissement Bath, un établissement correctionnel fédéral qui s'occupe de délinquants sexuels à risque moyen et élevé. Ce ne sont pas vos délinquants sexuels habituels. Ce sont des hommes qui représentent un risque élevé; 534 d'entre eux ont été libérés dans la collectivité pendant au moins cinq ans, la moyenne est de 5,4 ans. À l'extrémité droite, vous voyez le taux de récidive prévu, qui est légèrement supérieur à 15 p. 100 parce qu'il s'agit de délinquants à risque élevé. Vous voyez que le taux réel de récidive pour les infractions sexuelles est en fait de 3,2 p. 100. Cela montre l'efficacité des traitements. Il y a d'autres facteurs, mais les taux de récidive diminuent.
Ils ont tellement diminué que Statique-99, qui est une des échelles de risque actuarielles, a été révisée pour tenir compte du fait que les taux de récidive ont diminué considérablement depuis que cette échelle a été conçue.
La page suivante vous donne une répartition des avantages financiers qui découlent d'un programme comme celui du Dr Marshall. Cela ne tient pas compte des épargnes associées aux multirécidivistes et à la victimisation sexuelle. Cela montre que le gouvernement épargne environ 1,3 million de dollars par an grâce à ce programme.
Je vais m'arrêter ici. Je pense qu'il y aura peut-être des questions. Je pense que certaines parties du document qui vous a été distribué traitent expressément des taux de récidive; je vais donc m'arrêter là et serai heureux d'entendre vos questions ou vos commentaires.
Le vice-président : C'est ce que nous allons faire. Madame Murphy, voulez-vous présenter un exposé?
Lisa Murphy, psychométricienne judiciaire, Services de santé Royal Ottawa : C'est ce que je vais faire. Bonjour. Je veux tout d'abord remercier le président et les honorables sénateurs de nous avoir invités ici aujourd'hui à vous parler de ce sujet important. Il y a beaucoup de sujets à aborder et je vais essayer d'être brève dans mes commentaires.
J'aimerais parler de deux choses. La première est la recherche qui a déjà été faite sur les registres des délinquants sexuels, principalement dans le contexte américain, car c'est de là que viennent la plupart des études portant sur les registres des délinquants sexuels.
De nombreux chercheurs canadiens examinent ces études. Cependant, il existe peu d'études qui portent sur la perspective canadienne. Il est fréquent que ces chercheurs s'appuient sur des études américaines. C'est un aspect qui mérite que je fasse une mise en garde. Je présume que la plupart des études dont on vous a parlé reflétaient la perspective américaine. Il faut toutefois être prudent lorsque l'on compare la recherche effectuée aux États-Unis et la recherche effectuée dans une perspective canadienne.
Le registre des États-Unis est très différent du nôtre dans la mesure où leur registre des délinquants sexuels est associé à un système de notification publique des délinquants sexuels. Ce genre de système existe également au Canada, mais il est distinct du processus d'enregistrement. Par exemple, aux États-Unis, un citoyen peut aller sur Internet consulter le registre national ou étatique des délinquants sexuels et obtenir l'information qui figure dans le registre. Ce registre est donc ouvert au public, ce qui n'est pas le cas au Canada. Ce n'est pas le cas pour le registre national ni pour le registre ontarien. Lorsqu'on fait des comparaisons avec la recherche qui a été faite dans ce pays, nous risquons d'examiner des résultats très différents.
Par conséquent, il convient d'être très prudent avec les chiffres que nous utilisons, par exemple, pour faire des généralisations appliquées à la perspective canadienne. Si je peux vous suggérer quelque chose, c'est de dire qu'il faudrait faire davantage de recherche dans la perspective canadienne : examiner les besoins uniques des délinquants figurant dans le registre et les répercussions particulières associées au fait d'être un délinquant sexuel inscrit dans le contexte canadien.
C'est le premier point dont j'aimerais parler. Pendant la période de questions, nous pourrons également en dire davantage au sujet des différentes études.
Le deuxième aspect dont j'aimerais parler aujourd'hui concerne la recherche que j'ai effectuée pendant ma maîtrise. Nous avons, pour l'essentiel, choisi un groupe de délinquants sexuels inscrits au registre. Nous voulions comprendre quelles répercussions avait sur un délinquant sexuel le fait d'être inscrit et nous avons donc examiné leurs opinions et la perception qu'ils avaient de leur expérience. Cela n'avait pas encore été fait d'un point de vue canadien.
La plupart des gens pensent que ces contrevenants estimeraient que le fait d'être inscrit dans le registre des délinquants sexuels serait difficile à accepter et constituerait une atteinte à leur vie privée. Je peux vous dire que d'après les cliniques sur les comportements sexuels, on nous a dit que ce n'était peut-être pas le cas. En fait, un des délinquants a même comparé le processus d'inscription au registre au renouvellement de son permis de conduire. Nous avons donc décidé d'approfondir cet aspect et de voir si c'était vraiment le cas. Il est possible que ces délinquants ne considèrent pas que cette inscription est très difficile à assumer.
Nous avons pris un groupe de 30 délinquants sexuels inscrits qui recevait un traitement à la clinique sur les comportements sexuels et nous avons examiné les répercussions que cette inscription avait sur eux. Nous avons constaté que plus de 60 p. 100 des participants ont déclaré que le fait d'être inscrit n'était pas très difficile à assumer. La plupart étaient d'accord avec l'affirmation selon laquelle cette inscription n'était qu'un « irritant léger », ce qui était très intéressant. Comme je le dis, la plupart des gens éprouveraient de la difficulté à assumer cette inscription.
De plus, un bon nombre d'entre eux ont commenté le fait qu'ils comprenaient la raison à la base de ce registre, pourvu qu'il soit utilisé correctement, c'est-à-dire que c'était un registre privé et que l'on respecte leur vie privée. C'est en général ce que nous avons constaté.
Les préoccupations exprimées touchaient trois grands thèmes. La première était une mauvaise compréhension de la source de la difficulté vécue. Il y avait des délinquants inscrits qui nous disaient : « Oui, je n'aime pas être inscrit au registre pour cette raison. » Par exemple, un inscrit nous a dit : « Je voulais aller travailler aux États-Unis et j'ai eu de la difficulté à le faire parce que mon nom figure dans le registre. » En réalité, ce n'était pas le cas. Il avait des difficultés à cause de son casier judiciaire, et non pas parce qu'il était inscrit au registre des délinquants sexuels. Il y a donc bien souvent une mauvaise compréhension de la source des difficultés. Nous l'avons constaté à de nombreuses reprises.
La deuxième préoccupation principale était la durée de la période de l'inscription. Habituellement, les hommes qui devaient être inscrits au registre pendant 20 ans ou toute leur vie avaient du mal à accepter le fait qu'ils devraient s'inscrire pendant 20 ans ou toute leur vie. Ils disaient : « Je suis actuellement un traitement et j'essaie de me réadapter pleinement dans la collectivité, mais dans 10, 15 ou 20 ans, il faudra encore que j'aille tous les ans renouveler mon inscription et cela me suivra toujours. » C'est une autre préoccupation que nous avons trouvée chez ces personnes.
La dernière grande préoccupation que nous avons constatée était la façon dont s'effectuaient les visites à l'improviste des policiers. Pour l'essentiel, chaque année, le délinquant sexuel inscrit se rend au poste de police pour mettre à jour ses coordonnées; deux semaines plus tard environ, les policiers vont chez lui pour être sûrs qu'ils disposent des bons renseignements, par exemple, qu'il a déclaré la bonne adresse. À ce moment-là, les délinquants inscrits acceptaient assez bien le fait que la police vienne vérifier s'ils avaient fourni des coordonnées exactes. Ils éprouvaient par contre de la difficulté à accepter les événements qui se produisaient au cours de ces visites et qui augmentaient la probabilité qu'ils soient « découverts » par les membres de leur collectivité. Ils ont mentionné le fait que les policiers n'étaient pas toujours vêtus de la même façon. Par exemple, il arrivait qu'à un moment donné, les policiers venaient chez eux vêtus de leur uniforme alors que les autres années, les policiers se rendaient chez eux en civil et montraient simplement leur insigne de police. Il semble que pour ces délinquants le changement dans la tenue des policiers constituait une difficulté. Nous avons souvent constaté que, lorsque les policiers se présentaient en civil, le délinquant inscrit déclarait beaucoup plus fréquemment que ses rapports avec les policiers avaient été positifs et il risquait moins d'appréhender la prochaine visite annuelle, comme il l'appelle. D'une façon générale, c'est ce que nous avons constaté.
Je tiens à signaler que leur principale préoccupation était d'essayer de protéger leur vie privée. Nous savons que le but derrière le registre national des délinquants sexuels est d'en faire un outil d'enquête. Ce registre ne doit en aucune façon être utilisé pour punir davantage les délinquants pour l'infraction qu'ils ont commise, parce que ce serait une violation de leurs droits. Il est important de noter qu'au cours des visites des policiers, ces derniers s'efforcent le plus possible de veiller à respecter le droit à la vie privée de ces personnes. Il y a eu un cas où l'un des délinquants inscrits a déclaré : « Eh bien, ça s'est très bien passé. Lorsque les policiers sont venus me voir, ils ont stationné leur voiture à quelques maisons de chez moi, ils ont monté les marches et ont attendu d'être à l'intérieur de la maison avant de mentionner que j'étais inscrit dans le registre des délinquants sexuels. » Cette visite s'est très bien passée, mais nous avons également entendu des commentaires sur les autres genres de visite où le délinquant inscrit nous a dit : « J'habite dans un immeuble et les policiers ont appuyé sur la sonnette qui se trouve dans l'entrée de mon immeuble et ont déclaré : « Nous sommes ici pour la vérification au sujet du Registre national des délinquants sexuels. » La nature de ces visites varie considérablement. Je recommanderais à ce sujet d'élaborer un protocole général et uniforme qui vise à respecter la vie privée des intéressés.
À partir de tout cela, j'ai formulé quelques recommandations à la suite de ma recherche. Pour être sûre que nous ayons suffisamment de temps, je vous en parlerai si vous voulez poser des questions au sujet des recommandations possibles et je vais maintenant répondre à vos questions.
Le sénateur Baker : J'aimerais souhaiter la bienvenue aux témoins et leur dire que c'est un plaisir de vous avoir ici parce que nous savons que vous faites de l'excellent travail. Tout le monde apprécie ce que vous faites.
J'aimerais poser ma première question au Dr Fedoroff. Nous vous connaissons tous à cause de la jurisprudence. Vous passez un nombre d'heures incroyables, peut-être plus que n'importe quel autre psychiatre, devant les tribunaux, qui vous convoquent pour vous demander votre opinion au moment de la détermination de la peine au sujet des risques de récidive chez l'accusé. Vous donnez votre opinion sur la question de savoir si l'accusé est non criminellement responsable pour cause de troubles mentaux, NCRTM. Est-ce la terminologie exacte?
Dr Fedoroff : Oui.
Le sénateur Baker : Le projet de loi vise à la fois les infractions pour lesquelles l'enregistrement est automatique ainsi que les accusés qui sont déclarés non criminellement responsables pour cause de troubles mentaux et qui sont inscrits à peu près de la même façon que les autres.
Compte tenu de l'expérience considérable que vous avez acquise sur ces deux aspects de la détermination de la peine, à savoir, les risques de récidive et l'absence de responsabilité criminelle, avez-vous des commentaires à faire sur ce projet de loi qui est présenté dans le but de modifier la Loi sur l'enregistrement de renseignements sur les délinquants sexuels et la Loi sur l'identification par les empreintes génétiques? Avez-vous des commentaires à faire sur ce projet de loi ou y a-t-il des choses qui devraient, d'après vous, y figurer et qui n'y sont pas? Avez-vous des préoccupations à ce sujet?
Dr Fedoroff : Les accusés qui sont déclarés non criminellement responsables d'une infraction sexuelle constituent un groupe différent. Dans l'ensemble, ce groupe est suivi de très près par la Commission ontarienne d'examen, du moins en Ontario, et aussi par les commissions provinciales dans les autres provinces. Le principal avantage qu'offre le registre est qu'il permet de savoir où vit une personne donnée. Le registre fournit cette information, ainsi que le profil génétique. Les personnes déclarées non criminellement responsables sont suivies par les commissions jusqu'à ce qu'elles obtiennent une absolution inconditionnelle. Ce n'est pas pour ces personnes un avantage aussi grand qu'il l'est pour d'autres. Certaines personnes se demandent si leur nom devrait figurer dans le registre, puisqu'elles ont été déclarées non criminellement responsables. Il s'agit là plutôt d'un débat juridique.
Je m'occupe d'un groupe de délinquants sexuels qui en sont à différentes étapes et qui comprend des délinquants non criminellement responsables. Certains attendent leur procès; d'autres viennent d'être libérés et sont sous probation ou en libération conditionnelle. Il y a souvent des gens qui font face à des accusations devant les tribunaux. Nous parlons de ce qui se passe. Je lance alors au groupe une question ouverte et je dis : « Avez-vous des conseils à donner à ces personnes? » Un des conseils que donnent le plus fréquemment les gens qui sont là depuis un certain temps et que vous trouverez peut- être surprenant est le suivant : assure-toi que ton avocat va te faire inscrire au registre. Les contrevenants estiment qu'ils reçoivent moins souvent la visite des policiers si leur nom figure dans le registre parce qu'ils sont exclus plus rapidement en cas de nouvelle infraction lorsqu'il existe des preuves génétiques. J'ai en fait vérifié encore une fois hier soir si c'était bien le cas. Je leur ai demandé « Est-ce bien vrai? » ils ont tous affirmé que leurs conditions de vie s'étaient améliorées parce qu'ils étaient inscrits au registre et qu'ils pouvaient être ainsi écartés plus rapidement. Cela vaut également pour les accusés déclarés non criminellement responsables.
Le sénateur Baker : Le registre ontarien fonctionne beaucoup mieux que le registre national parce que les policiers vérifient régulièrement ce que font les personnes qui figurent sur ces listes. Cela ne se fait pas autant au palier national ni dans les autres provinces.
Vous avez mentionné la commission d'examen. C'est la commission d'examen qui a été mise sur pied. Le président est un ancien juge et il y a un psychiatre et d'autres personnes. Les personnes qui sont normalement détenues dans un établissement sont surveillées. Je pense que la plupart des gens craignent les récidivistes et j'aimerais savoir s'il existe, d'après vous, des mesures que nous pourrions prendre, avec ce projet de loi, pour essayer d'empêcher la récidive par la suite, après la libération. Je sais que les accusés non criminellement responsables sont libérés s'ils obtiennent une absolution inconditionnelle, mais ils ont quand même commis officiellement une infraction. Ils ne sont pas acquittés de l'infraction; ce sont juste des accusés non criminellement responsables. Pourrait-on faire autre chose pour améliorer la situation? Pourriez-vous également dire ce que vous pensez des prisons fédérales où l'on détient ces personnes et dire si les détenus ont facilement accès à de l'alcool ou à des drogues dans ces établissements et si vous recommandez aux tribunaux que ces accusés soient envoyés dans un établissement fédéral ou dans une autre institution lorsque vous êtes consulté à propos de la détermination de la peine?
Il y a en fait deux questions; la première porte sur les mesures que l'on pourrait prendre pour empêcher la récidive et la deuxième vous demande de dire ce que vous pensez des prisons fédérales.
Dr Fedoroff : Ce sont là deux grandes questions. Je vais vous dire au sujet de la première question que je pense en fait que la meilleure chose que nous puissions faire pour réduire le nombre des infractions sexuelles est d'essayer de les prévenir, et c'est la raison pour laquelle nous essayons d'amener les gens à visiter nos cliniques avant qu'ils commettent des infractions; nous réussissons de mieux en mieux dans ce domaine.
L'autre aspect important est que — et, étant thérapeute, je suis peut-être un peu partial — d'après moi, la thérapie aide ces personnes et facilite leur réintégration dans la collectivité. Le registre utilisé aux États-Unis n'est pas aussi bon que le nôtre, parce qu'il stigmatise les délinquants. Tout le monde peut le consulter et les gens dont les noms y figurent sont stigmatisés. Cela incite ces personnes à vivre de façon clandestine, à refuser la thérapie et les contacts sociaux. Tout ce que l'on peut faire avec notre registre qui aiderait à identifier ces personnes sans les stigmatiser serait utile.
Je pense que Lisa a mentionné un certain nombre de choses. Il est très important que ces personnes puissent s'inscrire discrètement, et d'autres patients nous ont dit qu'ils aimeraient beaucoup pouvoir s'inscrire tous les ans par téléphone, et que les policiers vérifient ensuite qu'ils sont bien à l'adresse mentionnée, plutôt que d'avoir à se rendre au poste de police; ils souhaitaient aussi que la police aille chez eux dans des voitures banalisées et ne s'identifie pas publiquement comme policier lorsqu'ils viennent vérifier si ces personnes vivent là où elles disent vivre. Cela ferait une grande différence et inciterait grandement ces personnes à s'inscrire et à respecter les règles applicables au registre.
Ce sont de petits changements, mais ils peuvent avoir une grande influence sur le fonctionnement du système. Comme je l'ai dit, le principal avantage qu'offre le registre est qu'il permet de savoir où vivent ces personnes et d'avoir accès à leurs données génétiques. Tout le reste vous pouvez l'obtenir avec le CIPC, le Centre d'information de la police canadienne, qui contient en fait tout ce que contient le registre.
Notre système fédéral est encore une fois bien en avance par rapport au système américain. Il est certain que les drogues et l'alcool entrent dans ces établissements. Ce sont de grands établissements, il y a beaucoup d'allées et venues, c'est donc une autre grande question. Si vous lisez la jurisprudence, vous le constaterez.
Le sénateur Baker : Vous avez recommandé qu'on n'envoie pas ces personnes dans les prisons fédérales.
Dr Fedoroff : Je l'ai fait parce qu'à mon avis, la grande question est de savoir ce que ces condamnés vont faire lorsqu'ils retourneront dans la collectivité. Les établissements fédéraux sont conçus pour détenir les condamnés pendant longtemps. Ils ne favorisent pas la réintégration. Ce n'est pas un aspect que l'on privilégie dans ces établissements alors que les responsables des établissements provinciaux savent que le gars va se retrouver dans la rue dans deux ans moins un jour, alors ils sont obligés de réfléchir à ce qui va se passer lorsqu'ils seront libérés. C'est un aspect très important de ce que l'on peut faire pour éviter que les détenus libérés ne se retrouvent jamais plus en prison.
Le sénateur Joyal : J'aimerais soulever une question qui est reliée à la réponse que vous avez donnée au sénateur Baker, et qui est contenue dans une lettre que vous avez distribuée aux membres du comité, dans laquelle vous répondiez à un article du Globe and Mail de 2004. Vous mentionnez dans cette lettre que le traitement des délinquants sexuels avait connu trois révolutions. Les trois premières concernaient, à votre avis, l'utilisation de différents médicaments, et je n'ose même pas vous mentionner les noms parce qu'ils sont mystérieux pour moi, mais j'aimerais parler de la quatrième. Vous dites que la quatrième révolution est en cours, et qu'elle vise à identifier les problèmes sexuels chez les jeunes de moins de 18 ans, et même chez les personnes qui n'ont jamais commis une infraction pénale sexuelle.
J'aimerais particulièrement savoir comment cela pourrait se faire, en combinaison avec l'amélioration du registre des délinquants sexuels, ce qui constituerait, à mon avis, une initiative très importante si nous ne voulons pas connaître ce que j'appelle le « syndrome du pompier », c'est-à-dire arriver devant une maison détruite par le feu au lieu d'inviter les propriétaires à prendre des précautions pour éviter les incendies. Si j'ai bien compris, la quatrième révolution revient à éviter les incendies. Quelle est la méthode que vous avez élaborée dans ce domaine?
Dr Fedoroff : Dans le document que je vous ai remis, il y a sur la dernière page une image où l'on peut lire « Aimez- vous trop les enfants? » C'est une photographie qui vient d'un programme utilisé en Allemagne, à Berlin. Ce programme a été en fait financé par Volkswagen, le constructeur automobile. Ils ont placé des affiches et des grands panneaux publicitaires à Berlin avec ce slogan « Aimez-vous trop les enfants? » et l'image de cet acteur qui était très brave, et il y avait également un no de téléphone que l'on pouvait appeler et de l'information sur ce que l'on peut faire lorsqu'on constate qu'on a des intérêts sexuels anormaux. D'après ce que je sais, cette campagne a très bien réussi à faire savoir qu'il existe un traitement et qu'il est efficace. J'aimerais beaucoup qu'on lance au Canada une initiative de ce genre qui consisterait à informer les gens parce que Mme Murphy et moi voyons souvent des gens qui arrivent à la clinique après avoir été arrêtés et qui disent que s'ils avaient connu le programme avant, s'ils avaient su qu'ils pouvaient venir et suivre un traitement et qu'ils auraient ainsi évité d'aller en prison, ils seraient venus avant de faire quoi que ce soit et je dois dire que je le crois.
Il y a en fait de plus en plus de gens qui le font. Ils entendent parler de notre programme grâce à des choses de ce genre ou j'ai participé à une émission de radio pour la CBC cet après-midi et nous avons parlé de cette question. C'est d'après moi la voie de l'avenir. Si nous pouvons empêcher la perpétration de ces crimes, nous aurons fait un énorme progrès.
Le sénateur Joyal : Pensez-vous que les institutions qui prennent en charge les enfants pourraient, par exemple, utiliser cette méthode?
Je vais être plus précis. Prenons le cas d'une église au sein de laquelle il y a des adultes qui acceptent de prendre en charge des enfants, pensez-vous qu'il serait souhaitable de leur faire passer ce genre de test?
Dr Fedoroff : C'est une question controversée.
Le sénateur Joyal : Je le sais; c'est pourquoi je vous la pose.
Dr Fedoroff : Oui. Je ne pense pas que les tests nous permettent de savoir s'il y a ou non un problème. Je crains que cela crée davantage de problèmes que de solutions, mais il serait par contre important de transmettre, dans les cours d'éducation sexuelle où nous parlons de ce genre de chose, l'information disant qu'il existe un traitement pour ce genre de problème et qu'il y a des endroits où il est possible d'obtenir de l'aide.
Lorsque les gens pensent qu'il n'y a pas de traitement ou qu'on ne peut rien faire, ils ont tendance à ne rien faire; ils n'en parlent pas, mais s'ils savent qu'il existe un endroit où on va les écouter, les comprendre et les aider, je crois que de nombreux adolescents qui constatent qu'ils ont des intérêts sexuels anormaux seraient prêts à venir d'eux-mêmes dans ces cliniques, avant qu'ils passent ce test.
Le sénateur Joyal : Je vais vous poser une autre question.
Le vice-président : Je suis désolé de vous interrompre, mais je sais que nous avons trois groupes de témoins. Pourriez- vous poser votre question pendant le deuxième tour?
Le sénateur Joyal : C'est ce que je vais faire, ou alors je prendrai un rendez-vous avec le médecin.
[Français]
Le sénateur Rivest : Ma question est générale. D'après votre expérience, d'une façon générale, sur la diminution constatée et remarquée des crimes de nature sexuelle, est-ce que l'augmentation de la sévérité des peines de détention et des peines minimales du Code criminel a un impact significatif dans les diminutions constatées des crimes sexuels?
[Traduction]
Dr Fedoroff : Je ne le pense pas. Nous savons qu'aux États-Unis, par exemple, les peines sont beaucoup plus sévères qu'elles le sont au Canada. Le taux des infractions sexuelles n'est pas plus bas dans ce pays. Lorsque je parle à mes patients, ils ne disent jamais « J'ai pensé que cela valait la peine, parce que la sentence ne sera pas trop sévère. » Ils ne pensent pas que le fait d'être inscrit dans le registre est un problème. Je ne pense pas que l'augmentation de la sévérité des peines ait un effet dissuasif.
J'aimerais dire une autre chose qui me paraît importante au sujet du registre fédéral. L'inscription est facultative. Je crains que parfois, même si ce n'est pas la façon dont cela avait été prévu, on utilise l'inscription au registre dans le marchandage de plaidoyer et qu'il arrive que le procureur de la Couronne dise : « Plaidez coupable, ou alors nous demanderons l'inscription au registre. » Cela explique pourquoi les procureurs de la Couronne ne demandent pas toujours l'inscription au registre; ils s'en servent pour les marchandages de plaidoyer. Je pense que l'inscription devrait être obligatoire et non pas facultative.
[Français]
Le sénateur Boisvenu : Merci, monsieur le président. Tout comme le sénateur Rivest, ce qui m'intéresse le plus, ce sont les récidivistes et les criminels qui ont terminé leur sentence qu'on libère et que le système carcéral n'a pas réussi à traiter. J'ai trois ou quatre petites questions, j'en aurais peut-être des dizaines, parce que c'est un sujet qui m'intéresse beaucoup. Est-ce que vous avez affirmé tantôt que les statistiques de récidive d'un pays à l'autre semblent se ressembler dans le temps?
[Traduction]
Dr Fedoroff : Oui, on constate dans le monde entier que le nombre des agressions sexuelles diminue.
[Français]
Le sénateur Boisvenu : Est-ce que cela veut dire que l'ensemble des programmes de traitement dans nos systèmes carcéraux — il y a des pays qui traitent les prisonniers et d'autres, non — ont peu d'effets sur la récidive? Là je vous amènerai à une étude qui a été faite à Vancouver où l'on a suivi 800 prédateurs sexuels et 800 autres prédateurs qui n'avaient jamais été traités en prison. Pour ceux qui avaient été traités, le taux de récidive était de 20 p. 100, pour ceux qui n'avaient pas été traités, il était de 21 p. 100. Ce qui m'inquiète des statistiques, si on dit que l'ensemble des statistiques dans les systèmes carcéraux dans les pays modernes présente un taux de récidive semblable, est-ce que nos programmes dans nos institutions pénitentiaires ont peu d'effets?
[Traduction]
Dr Fedoroff : Vous avez touché une grande question. En fait, on a effectué aux États-Unis une étude encore plus vaste qui n'a pas montré que les traitements avaient un effet. Par contre, la majorité de ces personnes n'ont pas récidivé et les traitements n'ont pas eu un effet appréciable.
Des progrès ont été réalisés en matière de traitement depuis ces études. À cette époque, on utilisait plusieurs sortes de traitement. Nous avons maintenant adopté un type de traitement plus sophistiqué, qui a été également adopté par le système pénitentiaire fédéral et le système carcéral provincial. Le principal changement est qu'au lieu de dire aux délinquants de ne pas recommencer, et d'axer le traitement sur cet aspect, nous leur disons maintenant ce qu'ils devraient faire. Nous aidons les gens à changer leur style de vie pour qu'ils puissent obtenir du travail et établir de saines relations consensuelles qui sont différentes de celles qu'ils avaient auparavant.
Cela semble donner des résultats. Je vous ai montré quelques données tirées du programme du Dr Marshall, qui a obtenu des résultats positifs qui sont mêmes meilleurs que ce qui avait été prévu.
Il serait vraiment dommage que l'on dise que le traitement n'est pas efficace à cause de quelques études. Nous pouvons améliorer les choses, mais les traitements donnent réellement des résultats. Nous avons un groupe qui se réunit tous les mardis. Si vous voulez savoir de première main ce que disent les contrevenants, je vous invite à passer une soirée avec ce groupe et vous aurez ainsi une idée de l'effet que peut avoir ce traitement sur la vie de ces personnes.
[Français]
Le sénateur Boisvenu : Est-ce que vous partagez l'opinion de beaucoup de scientifiques ou de psychiatres qui affirment que la pédophilie ne se traite pas, mais se contrôle?
[Traduction]
Dr Fedoroff : Ce n'est pas le cas. J'admets que mon opinion est controversée. D'après mon expérience, les gens peuvent non seulement arrêter de commettre des infractions, mais ils peuvent également modifier la cible de leur désir sexuel. On m'a enseigné, comme à beaucoup d'autres, il y a 20 ans que c'était là une caractéristique qu'il n'était pas possible de modifier et qui durait toute la vie. J'ai depuis changé sur ce point et je pense qu'il est en fait possible de changer la cible de leur désir sexuel. Je pense que cela est normal. Je ne pense pas que cela soit inhabituel. La plupart des gens normaux ne sont pas attirés par les mêmes personnes à 12 ans ou à 70 ans. Les gens que nous suivons à la clinique montrent qu'ils sont capables de changer la cible de leur attirance sexuelle.
[Français]
Le sénateur Boisvenu : Je comprends qu'à 14 ans on peut être attiré par une blonde et à 20 ans par une brune. Mais beaucoup prétendent que la pédophilie, tout comme l'homosexualité est une orientation presque innée et que mettre des efforts pour changer l'orientation d'un homosexuel à hétérosexuel ou d'un pédophile à hétérosexuel mature équivaut pour beaucoup de chercheurs à vouloir changer l'orientation sexuelle. Selon votre expérience, on peut ramener un pédophile dans le bon chemin?
[Traduction]
Dr Fedoroff : Oui. Lorsque nous parlons de sexualité, nous parlons de trois choses : le sexe, qui est le sentiment d'être de sexe masculin ou féminin, une donnée fixe, l'orientation, qui concerne les personnes dont on devient amoureux sur le plan érotique et l'attirance sexuelle, qui est le problème que connaissent les pédophiles. Je pense que la troisième dimension est plus facile à changer que les deux premières. Le problème qu'ont les véritables pédophiles est qu'ils s'intéressent uniquement aux enfants et ne réussissent pas à s'intéresser aux personnes de leur âge. Il est possible de changer cet intérêt comme celui-ci change chez les gens normaux et c'est en partie ce que nous essayons de faire avec la thérapie.
Avec certaines personnes nous n'y réussissons pas; nous utilisons alors les antiandrogènes, qui suppriment tout désir sexuel, du moins jusqu'à ce qu'ils puissent adopter une façon de vivre en société plus sereine.
Le sénateur Runciman : Je connais un peu l'excellent travail que fait le Royal Ottawa. Ma question est un peu reliée aux commentaires du sénateur Baker. Nous n'avons pas beaucoup de temps, je vais donc en venir à mon sujet préféré, qui est la capacité du système correctionnel fédéral de traiter, de façon efficace, pas seulement les délinquants sexuels, et je sais que c'est le principal sujet de notre discussion d'aujourd'hui, mais les personnes prises en charge par le système de justice pénale qui souffrent de troubles mentaux plus ou moins graves.
Je connais également un peu le St. Lawrence Valley Correctional and Treatment Centre, qui est, je crois, unique au Canada si non en Amérique du Nord. Le Service correctionnel du Canada envoie les personnes atteintes de troubles mentaux dans cet établissement de traitement en milieu fermé d'une centaine de lits et c'est l'Hôpital Royal d'Ottawa qui fournit le traitement.
Je sais que c'est un établissement provincial et que nous parlons de peines de deux ans moins un jour. Je ne sais pas combien il y a de ces personnes qui sont des délinquants sexuels. J'ai parlé à toute une série de procureurs généraux et aux deux partis au pouvoir de l'idée de créer un établissement distinct qui s'occuperait des détenus fédéraux qui font face à ces difficultés au lieu de les mettre dans cet immense établissement, par exemple, et comparer les défis associés à ces problèmes.
Est-ce que l'un d'entre vous ou vous deux avez des commentaires à faire à ce sujet et sur l'application au niveau fédéral du processus utilisé dans le St. Lawrence Valley Correctional and Treatment Centre?
Dr Fedoroff : Merci d'avoir mentionné le St. Lawrence Valley Correctional and Treatment Centre. Vous avez tout à fait raison. Il fait partie du système correctionnel provincial et ce sont des agents correctionnels que l'on trouve à l'extérieur des murs. Une fois à l'intérieur, le personnel est uniquement composé de professionnels de la santé mentale et l'établissement est conçu pour fonctionner comme un hôpital et le but est de fournir un traitement.
Le sénateur Runciman : Quels sont les taux de récidive, compte tenu du fait que cet établissement fonctionne depuis six ans?
Dr Fedoroff : Il fonctionne depuis trois ans et nous sommes en train de réunir des données. Il faut attendre un peu pour obtenir les taux de récidive parce qu'il faut que les détenus aient été libérés et que l'on sache ensuite s'ils ont fait quelque chose de mal. Il faudra attendre un peu pour ces chiffres.
Nous sommes en train de rassembler des données et je ne peux pas vous répondre pour le moment. Je prévois que ces chiffres seront bons parce que nous travaillons sur l'intégration. Nous ne nous contentons pas de les libérer et d'en rester là; nous faisons beaucoup d'efforts pour savoir comment ils seront suivis par la suite.
Le modèle utilisé est excellent. Il existe dans le système fédéral des modèles qui s'en inspire. Le pénitencier de Kingston a une unité de santé mentale mais il serait très utile d'insister davantage sur le volet traitement pour les détenus qui vont être libérés un jour dans la collectivité.
Le sénateur Runciman : J'ai une question supplémentaire. Dans vos commentaires, pour ce qui est des professionnels qui fournissent des traitements dans le système fédéral par rapport à ceux qui restent à l'extérieur du système comme vous-mêmes et l'Hôpital Royal d'Ottawa et les autres fournisseurs de services du secteur privé, j'aimerais savoir si le système correctionnel est en mesure d'attirer les meilleurs candidats.
Je ne voudrais pas critiquer les gens qui travaillent au sein du système correctionnel, pour ce qui est des personnes très compétentes qui fournissent des traitements. Je pense que vous allez sans doute hésiter à répondre à cette question et à parler du contraste que vous voyez pour ce qui est de la capacité du système correctionnel d'attirer les meilleurs éléments possible dans ce genre de postes?
Dr Fedoroff : Je vais vous répondre en faisant une comparaison. J'ai commencé comme généraliste et je travaillais dans les salles d'urgence. J'ai eu un excellent mentor dans la salle d'urgence qui exigeait, après avoir fait notre journée dans cette salle, que nous allions dans les salles de l'hôpital voir ce qui était arrivé à tous les gens que nous avions examinés, dont nous avions stabilisé l'état de santé et envoyés en chirurgie ou à la médecine interne. Il disait qu'il fallait le faire parce que si l'on reste uniquement en salle d'urgence, on ne voit que les désastres et on ne voit pas les résultats de notre action.
Je prends cet exemple parce qu'il y a le risque que les personnes qui font partie du système fédéral ne voient que les échecs. Pour être pris en charge par le système fédéral, il faut habituellement récidiver et avoir commis des crimes très graves. Ceux qui restent dans le système ne voient jamais les réussites. Ce sont mes collègues et nous travaillons ensemble; nous nous voyons aux conférences.
C'est un groupe de personnes tout à fait extraordinaire et je n'ai rien de mal à dire au sujet du système fédéral sinon que je pense que ces personnes voient souvent des situations désastreuses. Je pense que cela vaut également pour le public. Il ne voit que les situations désastreuses en première page des journaux et lorsqu'un événement grave survient. On n'entend jamais parler de la majorité des contrevenants qui ne récidivent jamais et qui changent leur vie et deviennent de bons citoyens
Le vice-président : Dr Fedoroff, je sais que votre temps est limité. Jusqu'à quand pouvez-vous rester ici?
Dr Fedoroff : Est-ce que 17 h 30 vous conviendrait?
Le vice-président : Ce serait parfait.
Le sénateur Angus : Merci à tous les deux, Mme Murphy et Dr Fedoroff. Vous nous avez fourni d'excellents témoignages et je vous en félicite.
À la différence du sénateur Runciman, je ne connais pas très bien les services de santé du Royal Ottawa. Pouviez-vous dire pour le compte rendu s'il s'agit bien d'un grand centre universitaire médical?
Dr Fedoroff : C'est bien cela. Il est affilié à l'Université d'Ottawa et a deux campus. Il y en a un sur l'avenue Carling et l'autre est situé à Brockville. C'est un hôpital psychiatrique administré par un consortium. Nous nous occupons uniquement de problèmes psychiatriques, mais nous traitons tous les problèmes que l'on rencontre dans ce domaine, à Ottawa comme à Brockville.
Le sénateur Angus : Est-ce un institut psychiatrique spécialisé? Je m'intéresse au Centre de santé universitaire McGill qui fait tout cela. Il y a aussi l'hôpital Douglas, un hôpital psychiatrique, mais nous avons un grand département de psychologie, comme vous le savez, dirigé par le Dr Warren Steiner. Nous parlons de toutes ces questions.
Est-ce que les groupes que vous dirigez et auxquels vous nous avez invités — je vais d'ailleurs accepter votre invitation — ressemblent aux groupes des Alcooliques Anonymes? Vous avez parlé du fait que les membres de ces groupes parlaient librement. Est-ce bien cela?
Dr Fedoroff : Les Alcooliques Anonymes sont un groupe d'aide volontaire, qui tient ses séances parfois dans les hôpitaux, mais plus fréquemment dans des sous-sols d'église ou dans n'importe quel local où les gens peuvent se rencontrer.
Ce groupe-ci est différent. J'assiste toujours aux réunions et j'ai un cothérapeute. Ce sont des groupes de thérapie. Les hommes y assistent et nous avons une structure. Nous avons deux groupes, mais celui que je vous recommande est le groupe du soir qui se réunit de 17 h 30 à 19 h 30.
Nous avons souvent des invités. Nous avons participé à une émission du Discovery Channel et le London Times a parlé de nous. Il y a beaucoup de gens des médias et d'invités qui assistent à nos réunions. Les hommes sont heureux que des invités viennent voir comment cela se passe.
L'intérêt des discussions varie d'une semaine à l'autre. Je pense que les gens sortent de ces réunions en ayant une idée très différente de ce à quoi ressemblent les contrevenants. Ce sont des hommes qui sont très motivés à changer.
C'est un groupe de thérapie. Il n'est pas question de se tenir la main ou de faire des choses de ce genre. La discussion est vraiment axée sur l'idée qu'il ne faut pas récidiver.
Le sénateur Angus : Leur présence est-elle volontaire?
Dr Fedoroff : J'exige que les gens viennent volontairement. Il y a des agents de probation ou de libération conditionnelle qui leur disent que ce serait une bonne idée de participer. Mais de mon point de vue, ils n'ont même pas à avouer qu'ils ont commis des infractions. Nous ne passons pas beaucoup de temps à parler du passé parce que cela ne m'intéresse pas. Je m'intéresse à ce qui se passe en ce moment et à ce qui se passera plus tard. Oui, c'est un groupe de volontaires.
Le sénateur Angus : Je vais poursuivre sur ce sujet; vous avez déclaré que nous recherchons toutes les façons d'empêcher que se produise ce type d'infractions. Je dirais toutefois que le projet de loi S-2 n'est qu'un moyen parmi d'autres. Le gouvernement l'a présenté pour essayer de renforcer le registre, notamment. Êtes-vous tous les deux en faveur du projet de loi parce qu'il représente un progrès?
Dr Fedoroff : Je n'ai rien contre le projet de loi. L'information est une bonne chose. Je me demande simplement si les ressources sont suffisantes. Si cela coûte très cher et absorbe des fonds destinés à d'autres mesures, je ne sais pas très bien quelle différence le registre pourrait faire dans la réalité pour ce qui est d'empêcher la perpétration d'infractions. Il pourrait toutefois être utile pour certains contrevenants.
Je vais vous donner un exemple. Une voiture est stationnée devant une unité de soins pour les enfants et nous ne savons pas qui se trouve à l'intérieur. Serait-il bon que les policiers aillent consulter le registre pour voir si le nom de cette personne y figure? J'espère qu'ils n'agiront pas ainsi. J'espère qu'ils vont attirer l'attention du conducteur en frappant sur la vitre. Je crains que le registre diminue le nombre des interventions directes des policiers, qui me paraissent jouer un rôle important en matière de prévention. De ce point de vue, je ne suis pas sûr qu'il soit très utile. Il se peut que d'autres interventions soient plus utiles.
Le sénateur Angus : Au début de votre témoignage — et je crois que Mme Murphy faisait partie de votre étude — vous avez déclaré que ces contrevenants étaient contents d'être inscrits dans le registre. J'en ai conclu que vous pensiez que c'était efficace sur ce point. Cela a éveillé mon attention parce que jeudi dernier, nous avons écouté pendant deux heures le matin la Commissaire à la protection de la vie privée qui nous disait qu'elle avait lu toutes les études et que les registres de délinquants sexuels n'étaient pas efficaces, en mettant de côté la question de savoir si un tel registre porte atteinte aux lois relatives à la protection de la vie privée.
J'ai dit que l'on ne peut pas comparer des pommes et des oranges. Le système américain est différent. Comme vous l'avez dit vous-même, il est public. Le ministre qui est venu ici présenter le projet de loi, le ministre Toews, a déclaré que le registre n'était peut-être pas très efficace pour le moment, mais que c'était pour cette raison que nous essayions de l'améliorer. D'après ses données, 42 p. 100 des contrevenants sont inscrits dans le registre. Le projet de loi a été présenté parce que ses conseillers et ses collaborateurs nous ont affirmé que le projet de loi aurait pour effet d'augmenter ce chiffre.
Pensez-vous que ce soit le cas? Avez-vous des commentaires à faire sur ce point? Je suis troublé par le fait que la Commissaire à la protection de la vie privée ait été si négative sur ce point.
Mme Murphy : Je vais devoir réfléchir un peu. C'est une bonne question.
Le sénateur Angus : Je considère que vous me faites un compliment.
Dr Fedoroff : Je pense que la Commissaire à la protection de la vie privée a raison. Il n'existe pas beaucoup de données qui permettent d'affirmer que le registre a pour effet de réduire le nombre des infractions ou des arrestations. Pour le délinquant qui n'a pas envie de récidiver, le fait d'être inscrit au registre ou non ne fait pas grande différence. Ceux qui récidivent ne pensent pas aux registres. Ils peuvent prendre l'autobus pour se rendre dans un autre quartier.
La majorité des infractions sont commises par des personnes que la victime connaît. D'une façon générale, les registres ont moins d'effet que ce que l'on aurait pu penser au départ.
Le sénateur Angus : Parlez-vous du point de vue de la dissuasion, même s'ils ne doivent pas être punitifs?
Dr Fedoroff : Oui. Je ne pense pas qu'ils aient un effet dissuasif; voilà donc ma réponse.
Mme Murphy : Du point de vue des enquêtes, je constate que les délinquants sont inscrits au registre pendant une période de 10 ou 20 ans, ou à vie. Progressivement, si nous continuons à inscrire des délinquants dans ce registre — et, si nous rendons l'inscription obligatoire — ce registre va contenir un nombre impressionnant de noms. Il va devenir coûteux à gérer. Lorsque, par exemple, un enfant est enlevé dans un centre commercial et que les témoins ont rapporté certaines caractéristiques de l'auteur de l'enlèvement — c'est-à-dire ont donné une description générale et l'emplacement — les policiers peuvent alors faire des recherches. Il risque toutefois de produire une liste contenant 10 suspects possibles. À l'heure actuelle, il est impossible de classer ces suspects en fonction du risque, parce que le registre n'est pas associé à une évaluation du risque.
S'il était possible d'inscrire un élément reflétant le niveau de risque du délinquant, il serait alors automatiquement possible d'établir des priorités. Progressivement, à mesure que le registre va se remplir, cet aspect deviendra plus important.
Le sénateur Carstairs : J'aimerais orienter la discussion dans une autre direction.
Docteur Fedoroff, vous avez mentionné les programmes de prévention. Nous savons que la plupart des agressions sexuelles ne sont jamais rapportées. En outre, il n'y a que 30 à 40 p. 100 de toutes les agressions sexuelles rapportées qui débouchent sur des condamnations. Il semble que nous devrions privilégier le volet prévention.
Avez-vous une idée des fonds qui sont consacrés au Canada aux programmes de prévention?
Dr Fedoroff : Je ne pense pas qu'il existe de véritables programmes de prévention à l'heure actuelle.
Le sénateur Carstairs : À votre connaissance, il n'y a pas de programmes au Canada qui ciblent les jeunes dans les écoles qui, par exemple, adoptent fréquemment un comportement qui ne correspond peut-être pas à un comportement sexuel normal.
Dr Fedoroff : Je n'en connais pas. Il y en a peut-être, mais je ne pense pas qu'ils soient conçus du point de vue de la prévention. Les programmes que je connais sont destinés aux jeunes qui ont commis des crimes et qui essaient de s'améliorer. Je ne connais pas de programmes qui essaient réellement d'empêcher dès le départ la perpétration de ce genre de crimes.
Le sénateur Carstairs : À quel âge pensez-vous que l'on peut déceler un comportement sexuel anormal chez les garçons et les filles?
Dr Fedoroff : Pour les choses dont nous parlons, j'ai vu des jeunes de huit ans avoir ce genre de comportement. Cela peut commencer très tôt.
Le sénateur Joyal : Pour ce qui est des priorités, pensez-vous que les tribunaux devraient avoir le pouvoir d'ordonner que l'accusé une fois déclaré coupable soit traité selon l'approche que vous avez élaborée au cours des années?
Dr Fedoroff : Oui, je pense que cela est possible et cela se fait. Il existe toutefois un problème lorsqu'un juge veut prescrire une solution particulière. Cela pose un problème pour des raisons évidentes.
Il est raisonnable qu'un juge ordonne à quelqu'un de venir à notre clinique pour qu'il suive les recommandations que mes collègues ou moi pourrions faire au sujet du traitement approprié. Cela semble raisonnable. Nous rencontrons ces personnes et leur décrivons les différentes méthodes. Il arrive qu'elles disent : « Nous ne voulons pas suivre ce genre de traitement »; nous pouvons alors faire rapport au tribunal pour que d'autres types de mesures soient prises comme, par exemple, une surveillance renforcée. C'est la façon raisonnable et conforme à l'éthique de faire les choses.
Le sénateur Joyal : Êtes-vous le seul exemple de services de ce genre au Canada ou connaissez-vous d'autres institutions qui offrent un service semblable au vôtre?
Dr Fedoroff : Oui. À Toronto, le CTSM, le Centre de toxicomanie et de santé mentale a un très bon programme. Il y a des programmes pour les délinquants sexuels dans la plupart des grandes villes.
Le vice-président : Docteur Fedoroff et madame Murphy, je vous remercie. Nous avons appris beaucoup grâce à vos témoignages.
Mme Murphy : Pour ce qui est des liens entre la récidive et le registre, je tiens à signaler une différence très importante entre le Canada et les États-Unis pour ce qui est du taux de respect des règles relatives au registre. Au Canada, à l'heure actuelle, ce taux s'établit autour de 95 p. 100, ce qui est très impressionnant, si nous le comparons au taux de respect des règles enregistré aux États-Unis.
Par exemple, on a évalué qu'au cours des 10 dernières années, dans l'État d'Iowa, par exemple, 40 p. 100 de tous les délinquants sexuels qui devaient s'inscrire au registre ont disparu; cela veut dire que peu à peu ils ont cessé de se présenter aux autorités et ils n'ont jamais fait l'objet d'une accusation, ou été retracés. Techniquement, leur taux de respect des règles est de 60 p. 100, ce qui est très important.
J'ai mentionné plus tôt qu'il ne faut pas oublier que le registre est ouvert au public, un aspect très important, et que, sur le plan des taux de respect, cet aspect pourrait avoir un effet considérable sur la différence qui existe entre le Canada et les États-Unis. Il y a une autre étude américaine qui indique que les personnes qui entrent dans la clandestinité, qui ne respectent pas les règles d'inscription et sont, par la suite, accusées de ne pas avoir respecté ces règles, risquent deux fois plus de récidiver en commettant une infraction de nature sexuelle que celles qui respectent les règles. Il faut toutefois prendre ces conclusions avec prudence. Ce ne sont pas les individus qui figurent dans le registre qui devraient nous inquiéter, ce sont plutôt ceux qui n'y figurent pas. Je voulais faire ce point important.
Le vice-président : Encore une fois, je vous remercie.
Nous avons le plaisir de recevoir maintenant Greg Yost du ministère de la Justice, que nous connaissons bien et que nous avons vu à d'autres occasions.
Bienvenue, monsieur Yost.
Je rappelle aux membres du comité que M. Yost nous a transmis des données statistiques. C'est une seule feuille qui porte son nom dans le coin supérieur droit. Je pense que M. Yost va sans doute y faire référence.
Greg Yost, avocat, Section de la politique en matière de droit pénal, ministère de la Justice Canada : Merci. Je ne ferai pas de déclaration préliminaire. À ma dernière comparution, vous avez posé un certain nombre de questions qui semblaient établir un lien entre le registre des délinquants sexuels et les empreintes génétiques et vous avez demandé qu'un représentant du ministère vienne répondre à vos questions. C'est ce que je suis venu faire.
Je dirais que le document que je vous ai remis est une mise à jour du projet de loi C-34 qui avait été préparé au moment où ce projet de loi avait été déposé. Il s'agissait de savoir quel effet aurait ce projet sur la Banque nationale de données génétiques. Il faut faire une analyse financière. Comme les chiffres le montrent, ce changement n'aurait pratiquement aucun effet sur la Banque nationale de données génétiques. Les responsables ne craignent pas d'être submergés par un afflux de nouvelles demandes d'analyse.
Le vice-président : Nous allons passer aux questions.
Le sénateur Watt : Pour ce qui est de la Loi sur l'enregistrement de renseignements sur les délinquants sexuels, par rapport à l'objectif d'intérêt public qui est de réadapter les délinquants sexuels et de les amener à réintégrer la collectivité, j'aimerais poser une question. Quels sont les éléments de cette loi qui visent la réadaptation des délinquants sexuels et leur réintégration dans la collectivité? Deuxièmement, quel est le montant des fonds affectés à la réalisation de cet objectif?
M. Yost : Je regrette, monsieur le sénateur, mais ce sont là le genre de questions qu'il faudrait peut-être poser aux responsables du registre des délinquants sexuels et à ceux qui ont rédigé le projet de loi. Je peux vous dire que, l'année dernière, le budget de la Banque nationale de données génétiques était de 3,66 millions de dollars, mais je n'ai aucune idée du montant qui a été consacré au registre des délinquants sexuels. Bien entendu, le rôle de la Banque nationale de données génétiques est complètement différent, si je peux m'expliquer ainsi, de celui du registre des délinquants sexuels. Il y a en fait trois grands registres ou fichiers. Le premier est le fichier des empreintes digitales, qui nous permet d'être certains que l'accusé est bien la personne qui se trouve devant le tribunal et qui est à la base de tous les casiers judiciaires. Le second registre est la banque de données génétiques, qui, d'une certaine façon, ressemble un peu au précédent. La banque contient des renseignements anonymes et elle n'aura aucun effet sur vous, tant que vous ne laisserez pas votre empreinte génétique sur les lieux d'un crime. Le troisième est le registre des délinquants sexuels, qui impose ce que je qualifierais de lourdes obligations. J'ai entendu le témoignage précédent, mais j'ai toujours pensé qu'être obligé de signaler ses déplacements, comme se rendre à l'extérieur de la ville où l'on habite, est très différent du registre des profils génétiques. Les responsables de ce registre ne connaissent même pas le nom des personnes à qui les empreintes génétiques appartiennent. On a délibérément placé à part les renseignements signalétiques.
Je peux répondre aux questions qui portent sur le registre de la banque de données génétiques et sur ses effets, mais pas à celles qui portent sur le registre des délinquants sexuels. Je peux vous dire qu'au Royaume-Uni, il y a beaucoup de gens qui ont demandé que leur profil figure dans le fichier de données génétiques, parce qu'ils savent que si une infraction sexuelle est commise et qu'on trouve des empreintes génétiques sur les lieux, le fait que ces empreintes seront comparées à celle du registre évitera qu'ils soient soupçonnés, et d'avoir des policiers venir chez eux leur demander ce qui se passe. Nous ne pouvons pas faire cela au Canada.
Le sénateur Carstairs : Je vais poser une question autre que celle que j'avais l'intention de poser. Vous avez dit qu'au Royaume-Uni, il y avait des gens qui demandaient à ce que leur profil soit versé dans la banque de données, et vous avez ensuite dit que cela n'était pas possible au Canada. Si je veux être dans la banque de données, je ne peux pas le faire?
M. Yost : À l'heure actuelle, ce n'est pas possible, madame le sénateur. Bien entendu, l'autre Chambre a terminé son examen de la Loi sur l'identification par les empreintes génétiques et nous avons hâte de lire les recommandations de ce comité, mais cette question a été soulevée devant ce comité-ci. Il n'y a rien qui autorise une personne à demander à ce que son profil génétique soit versé dans la banque de données génétiques.
Le sénateur Carstairs : Je vais revenir à ma question initiale. Je voulais simplement être claire.
Au sujet de votre ministère, qui, je sais, s'intéresse à des questions précises, connaissez-vous le pourcentage des fonds qui est consacré à la prévention par opposition à tous les autres domaines dont s'occupe le ministère de la Justice?
M. Yost : Non, madame le sénateur, je ne suis pas en mesure de vous le dire. Nous nous intéressons principalement à la politique en matière de droit pénal.
Le sénateur Carstairs : Je le sais.
Je sais que vous concentrez vos efforts dans ce domaine, mais il me semble qu'il manque quelque chose. Si nous nous intéressons principalement au droit pénal, alors il me semble que nous devrions souhaiter que le plus grand nombre possible de Canadiens n'aient jamais affaire au droit pénal, parce qu'ils ne commettent pas d'infraction et que nous devrions donc dépenser notre argent pour les inciter à ne pas commettre d'infraction plutôt que de ne rien faire pour essayer de les dissuader d'en commettre.
M. Yost : Je suis tout à fait d'accord avec vous, mais je n'ai absolument aucun pouvoir sur la façon dont les fonds sont dépensés dans ces domaines.
Je dirais, si vous le permettez, au sujet des dépenses et de la dissuasion, dans la mesure où l'enregistrement des données génétiques a un effet dissuasif, que certaines personnes, y compris le père de l'utilisation judiciaire des données génétiques au Royaume-Uni, pensent que les données génétiques de toute la population devrait se trouver dans la banque de données génétiques parce qu'alors, nous serions certains à 100 p. 100 de pouvoir identifier l'auteur d'un crime, chaque fois que celui-ci aura laissé une empreinte génétique sur les lieux du crime. Évidemment, cette suggestion ne s'appliquerait pas au registre des délinquants sexuels. Bien évidemment, nous ne voudrions pas que toute la population figure dans le registre des délinquants sexuels.
Le sénateur Runciman : En Grande-Bretagne, on a aussi placé des caméras à tous les coins de rue, et cela a été parfois très utile.
Je ne sais pas si cela relève de votre domaine d'expertise, mais je vais quand même vous demander votre opinion sur ce point. Le comité de la Chambre qui a examiné la Loi sur l'enregistrement de renseignements sur les délinquants sexuels en 2009 recommandait dans son rapport que les renseignements concernant la libération des délinquants inscrits qui quittaient un établissement fédéral devaient être automatiquement versés dans le registre national.
Le projet de loi à l'étude accorde aux agences correctionnelles fédérales et provinciales le pouvoir d'informer les responsables de la libération ou la réadmission dans un établissement correctionnel des délinquants sexuels inscrits.
En plus, il les autorise à informer le centre d'enregistrement de l'adresse d'un délinquant inscrit qui purge une partie de sa peine dans la collectivité.
Nous savons que pour certains types de délinquants sexuels, les taux de récidive sont relativement élevés, et je pense que, de mon point de vue, il serait essentiel, et je crois aussi du point de vue du comité de la Chambre, que les autorités sachent que des délinquants sexuels ont été libérés. J'ai essayé de me faire expliquer pourquoi les responsables des services correctionnels ne sont pas tenus de transmettre cette information et lorsque j'ai posé la question aux gens de la sécurité publique, ils n'ont pas pu me fournir une réponse précise; ils m'ont simplement dit qu'ils faisaient preuve d'une très grande prudence.
Lorsque j'ai demandé à la Commissaire à la protection de la vie privée si elle avait participé d'une façon ou d'une autre à la prise de cette décision, elle m'a répondu que non, que ni les responsables des services correctionnels ni le ministère n'avaient communiqué avec elle pour parler des problèmes de respect de la vie privée que pouvait soulever la communication de ce genre d'information.
La Loi sur la protection des renseignements personnels et la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition autorisent toutes deux la transmission de ces renseignements et c'est pourquoi je me demande si le ministère de la Justice a une opinion à ce sujet. J'essaie de comprendre ce qui se passe.
M. Yost : Je ne peux pas vous parler de la décision qui a été prise au sujet de cette disposition. Je n'ai pas participé à l'élaboration de cette politique ni à la préparation de ce projet de loi. J'ai simplement été consulté lorsqu'on a voulu rendre identiques les dispositions de la LIEG et de la LERDS, Loi sur l'enregistrement de renseignements sur les délinquants sexuels, pour que l'inscription soit automatique.
Je sais que dans d'autres contextes, on craint qu'avec un « doit » une erreur entraîne la pendaison et que s'il y a un « peut », on a une meilleure chance. Cette question n'est pas reliée à ce projet de loi-ci. Cela s'est produit dans d'autres contextes dont je ne vais pas vous parler.
Le sénateur Runciman : Intéressant.
[Français]
Le sénateur Rivard : Je viens de prendre connaissance de votre tableau sur les infractions et je lis avec intérêt votre conclusion. Les changements dans la liste des infractions primaires obligatoires vont avoir un impact minime sur la banque des données. J'ai pris connaissance du projet de loi S-2. Selon vous, où sont les éléments dans ce projet de loi qui feront que les citoyens pourront se trouver plus en sécurité grâce à ce projet de loi?
M. Yost : Premièrement, dans la mesure où l'on rend l'enregistrement obligatoire dans le registre des délinquants sexuels, cela devrait avoir un effet. C'est pour cette raison qu'on l'a présenté et que le ministre l'a défendu devant ce comité. Je ne suis pas l'expert dans ce domaine. Il y aura un tout petit effet dans le nombre de soumissions à la Banque nationale des données génétiques. Néanmoins, chaque enregistrement dans la banque des données, à mon avis, contribue un peu à la sécurité des Canadiens.
L'idée que notre ADN et notre profil ADN soit entre les mains de la Banque nationale des données génétiques pourra faire avec certitude, une fois sur 15 milliards parfois, que c'est cette personne qui a laissé son ADN sur la scène du crime et cela devrait avoir un effet dissuasif.
J'ai envoyé au greffier — je ne sais pas si on l'a distribué encore — un article tiré d'un journal, c'est un commentaire du FBI sur une réduction dans le taux de viols par 100 personnes aux États-Unis. On attribuait cela à deux facteurs; premièrement, on prend cela plus au sérieux maintenant et on poursuivait cela avec plus de détermination que par le passé et, deuxièmement, à cause de l'ADN, on savait que la possibilité que l'on soit trouvé coupable augmentait grandement et avait un effet dissuasif.
[Traduction]
Le sénateur Joyal : Monsieur Yost, savez-vous pourquoi, lorsqu'un tribunal a ordonné qu'un échantillon génétique d'un jeune soit détruit, il semble que les responsables du registre n'exécutent pas l'ordonnance du tribunal et, comme vous le savez, il y a eu un cas en Ontario où le juge a critiqué assez durement la façon dont la banque de données génétiques était administrée pour ce qui est du respect des ordonnances judiciaires prévoyant la destruction des échantillons génétiques dans un délai raisonnable?
M. Yost : La Gendarmerie royale du Canada a effectué une étude. Les résultats de cette étude ont été transmis au comité. La GRC affirme qu'elle respecte la loi. Il y a eu une affaire semblable en Alberta que j'ai examinée et commentée; la Banque nationale de données génétiques est en train de préparer les affidavits qui vont être déposés dans cette affaire, les statistiques ont été mises à jour depuis celles que vous avez reçues, et tout cela me convainc, je ne sais pas si cela convaincra le juge de l'Alberta — qu'en fait, la GRC respecte la loi.
Il y a le fait qu'un jeune doit faire pas mal de choses pour être condamné par un tribunal et qu'il doit en faire encore davantage pour être visé par une ordonnance de prélèvement d'échantillons génétiques. Il semble que les tribunaux pour adolescents ont assez bien réussi à viser ceux qui risquaient probablement de récidiver. Je n'ai pas ce rapport avec moi, mais d'après mon souvenir, je dirais que beaucoup plus de 90 p. 100 des 10 000 jeunes libérés avaient récidivé après trois ou cinq ans. Leurs données ont été transférées dans des dossiers d'adulte et, par conséquent, les profils génétiques sont demeurés au dossier.
Je peux également dire que l'affaire CS a été portée en appel. Nous prévoyons que le gouvernement du Canada va demander la qualité d'intervenant devant la Cour d'appel de l'Ontario pour pouvoir défendre l'intégrité de la Banque nationale de données génétiques.
Le sénateur Joyal : Vous dites que les chiffres ont changé depuis ceux qui ont été remis aux membres du comité. Les avez-vous avec vous?
M. Yost : Je les ai vus dans les affidavits. Je ne vois pas pourquoi on ne pourrait pas fournir au comité des chiffres à jour. Nous voulions donner au tribunal albertain les chiffres les plus récents et c'est ce qui a été fait.
Le sénateur Joyal : S'ils figurent dans les documents judiciaires, alors tout le monde peut y avoir accès.
M. Yost : Je pense que l'affidavit a été envoyé à des avocats en Alberta. Je vais soulever cette question avec des représentants de la Banque nationale de données génétiques demain. Je ne vois pas pourquoi, ils s'y opposeraient.
Le sénateur Joyal : Si vous pouvez nous les fournir tout en respectant la loi, nous en serions fort heureux.
Le sénateur Baker : Premièrement, j'aimerais féliciter les membres du personnel de Justice Canada qui ont comparu devant le comité au cours de la dernière réunion, monsieur Yost. Ils ont fait de l'excellent travail.
Ma question porte sur certaines affaires qui ont été récemment rapportées. Le mois dernier, il y a eu, par exemple, une affaire de l'Ontario, 2010 Carswell, Ontario, 1156, R. c. Luedecke. Connaissez-vous cette affaire — « aussitôt que possible »?
M. Yost : J'ai entendu parler de cette affaire, oui.
Le sénateur Baker : Dans une affaire récente, l'interprétation de la loi a également entraîné la non-inscription dans le registre d'une personne qui a été déclarée, dans cette affaire, non criminellement responsable, mais qui souffrait de troubles du sommeil et avait des antécédents en matière d'agression.
Avez-vous des commentaires à faire à ce sujet?
M. Yost : Si l'on prend l'exemple de la LIEG, l'information initiale prévoyait qu'un prélèvement serait effectué au moment de la condamnation, mais on a constaté que c'était en fait peu pratique. Il n'était pas possible d'avoir des policiers partout. C'est pourquoi nous avons présenté des modifications avec les projets de loi C-13 et C-18, qui autorisaient le tribunal à ordonner qu'un prélèvement soit pris immédiatement ou à fixer un lieu et une heure pour le faire et nous avons ajouté des dispositions pour les mandats, pour les personnes qui ne respectaient pas la convocation.
La question de « aussitôt que possible » a été examinée dans le contexte de la LIEG. Cette expression cause des difficultés chaque fois qu'elle est utilisée. Il faut accorder une certaine souplesse en matière de délai de façon à tenir compte de ce qui peut arriver dans le contexte de la LIEG.
Le sénateur Baker : Vous avez laissé de côté le registre.
M. Yost : Oui, nous avons donc essayé d'inclure dans la LIEG des outils permettant d'obtenir un prélèvement même lorsque l'intéressé cherche à s'y soustraire.
Le sénateur Baker : À la dernière réunion à laquelle le ministre a assisté, vous vous souviendrez, et je suis sûr que vous êtes au courant, que nous avons eu une discussion approfondie sur l'effet rétrospectif de certains articles de cette loi. Certains membres du comité s'inquiètent du fait que la loi n'a pas d'effet rétrospectif comme l'avait la loi initiale.
La loi initiale adoptée en 2004 comportait un article qui, d'après cinq jugements de la Cour d'appel du Québec, avait un effet rétrospectif et toutes les autres cours d'appel ont souscrit à l'analyse de la Cour d'appel du Québec.
Je vous donne l'exemple de 2009, Carswell, Québec, 529 l'affaire R. c. Thériault, et on trouve là toute une liste des autres décisions. Je vais simplement vous lire une phrase du paragraphe 10 de cette décision. Le tribunal déclare qu'il y a deux mécanismes généraux pour l'application de la Loi sur l'enregistrement des délinquants sexuels, à savoir, les demandes prospectives et les demandes rétrospectives; le tribunal affirme ensuite que les ordonnances prospectives sont définies par l'article 490.012. Elles s'appliquent aux personnes déclarées coupables, jugées non criminellement responsables à l'égard d'une infraction désignée après la date de l'entrée en vigueur de la loi, qui était le 15 décembre 2004.
Le tribunal affirme ensuite que les ordonnances rétrospectives sont définies à l'article 490.019. Elles s'appliquent aux délinquants qui purgeaient une peine pour une infraction sexuelle désignée le jour de l'entrée en vigueur de la loi — en train de purger une peine. Une peine, comme vous le savez, ne comprend pas uniquement l'incarcération, mais la période de probation et toutes les ordonnances qu'un tribunal peut rendre. Lorsque nous avons présenté ce projet de loi, nous lui avons donné un effet rétrospectif qui permettait de présenter des demandes d'inscription au registre pour les personnes qui étaient encore en train de purger une peine. Cela pouvait concerner une peine de 30 jours d'emprisonnement, mais la période de probation aurait pu être de 10 ou 20 ans.
Cependant, le projet de loi — et je ne comprends pas pourquoi nous avons agi de cette façon — prévoyait que cette disposition s'appliquerait uniquement pendant l'année suivant l'adoption du projet de loi. C'est pourquoi, en Colombie-Britannique, le procureur général a déclaré qu'il appliquerait immédiatement cette disposition à toutes les personnes purgeant une peine. Aucune autre province ne l'a fait, à ma connaissance.
J'aimerais savoir comment vous allez défendre cette position, étant donné que votre ministre semble en avoir adopté une autre. Votre ministre a déclaré au comité qu'il ne serait pas surpris si le comité recommandait de donner à cet article un effet rétrospectif, comme le faisait la loi au moment où elle a été adoptée, autrement dit, qui rend la disposition applicable à une personne en train de purger une peine, ce qui recouvre toute la période de probation et toutes les ordonnances rendues par le tribunal au moment du prononcé de la peine.
Quel est l'argument que vous opposeriez à un membre du comité qui voudrait présenter un tel amendement?
M. Yost : Je n'ai aucun argument à présenter. Vous pouvez proposer tous les amendements que vous souhaitez et l'expert en matière de registre des délinquants sexuels qui se trouve là-bas, M. Hoover, s'en occupera.
Je vais toutefois faire quelques remarques au sujet de l'effet rétrospectif. J'ai fourni ce genre de renseignements à M. Hoover, et nous en avons parlé, mais le ministère est en train d'élaborer des commentaires appropriés. Je vais parler des deux domaines dont je m'occupe, à savoir la conduite avec facultés affaiblies et les empreintes génétiques et, bien sûr, je vais commencer par les empreintes génétiques.
Ce que vous avez décrit en parlant de la notion d'en train de purger une peine est l'aspect qui a été qualifié, dans la loi sur les empreintes génétiques initiale, de rétroactif. Il y avait à l'époque un article, qui existe toujours, qui permet de présenter une demande à un juge de la Cour provinciale pour obliger la personne qui était encore en train de purger une peine à l'égard de certaines infractions énumérées à fournir un échantillon génétique. La loi initiale exigeait pour ce faire que la personne soit un délinquant dangereux, ait été déclarée coupable de deux meurtres commis à des moments différents, ou ait commis deux infractions sexuelles à des moments différents.
Selon cette disposition, j'arrondis les chiffres, 4 000 personnes environ ont vu leur profil versé dans la banque de données génétiques sur une période d'environ trois ans. C'était un projet considérable puisqu'il a amené la GRC à examiner tous les dossiers pour voir qui était visé par cette disposition, à transmettre les données aux procureurs de la Couronne qui devaient décider ensuite s'il fallait présenter une demande. Bien évidemment, ils n'ont pas présenté de demande si la personne concernée avait plus de 80 ans et avait commis une infraction 50 ans auparavant.
Cette disposition a été modifiée par le projet de loi C-13 et le projet de loi C-18, pour qu'elle s'applique à un seul meurtre ou à une seule infraction sexuelle. Je pense que le projet est maintenant terminé et qu'il a eu pour effet d'ajouter quelque 2 200 profils. C'était là des demandes rétroactives. Ces personnes avaient toutes été condamnées avant le 30 juin 2000, la date d'entrée en vigueur de cette loi.
La loi initiale contenait une disposition qui traitait expressément des demandes rétrospectives. Elle prévoyait que la personne qui s'était vu imposer une peine après l'entrée en vigueur de la loi à l'égard d'une infraction désignée commise avant son entrée en vigueur pouvait voir son profil versé dans la banque de données.
Le problème est que cela modifiait les règles applicables aux infractions primaires. Elles étaient toutes traitées comme si elles étaient des infractions secondaires.
Lorsque nous avons préparé les modifications aux projets de loi C-13 et C-18, pour ajouter, comme vous le savez, un bon nombre d'infractions, la question s'est posée à nouveau : que faire avec les gens qui purgeaient peut-être une peine à l'égard d'une infraction primaire, mais qui, pour une raison ou une autre, ne figuraient pas dans la banque? Que faire avec l'individu qui avait commis cette infraction avant l'entrée en vigueur de la loi mais avait été déclaré coupable par la suite? Nous étions tout à fait convaincus, en nous fondant sur l'arrêt de la Cour d'appel de l'Ontario dans l'affaire R. c. Hendry, que les demandes rétrospectives ne soulevaient aucun problème et que ces personnes auraient pu se voir imposer une peine.
Cependant, pour rendre la chose absolument claire, même pour un poursuivant sans expérience travaillant dans une région rurale, nous avons précisé dans tous les articles que le tribunal pouvait agir ainsi : « [...] en cas de déclaration de culpabilité sous le régime [...] de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents [...] à l'égard d'une infraction qui a été commise même avant le 30 juin 2000. »
Il est impossible de lire cette disposition et d'avoir une discussion sur son sens. Elle n'a jamais été contestée, à ma connaissance, depuis que nous l'avons adoptée. Voilà l'histoire des effets rétroactifs et rétrospectifs de la LIEG.
La loi relative à la conduite avec facultés affaiblies, le projet de loi C-2, a suscité toute une série de contestations portant sur son effet rétrospectif. Les changements apportés à la loi s'appliquaient-ils aux personnes qui avaient commis leur infraction avant son entrée en vigueur, qui était le 2 juillet 2008 ou est-ce que les anciennes règles s'appliquaient? Je me suis arrêté de compter lorsque je suis arrivé à près de 50 décisions rendues par les tribunaux inférieurs, qui étaient à peu près trois contre un en faveur d'un effet rétrospectif.
Dans ces affaires, il s'agissait uniquement de savoir s'il s'agissait de dispositions concernant la procédure ou les preuves qui ont un effet rétrospectif — il y a beaucoup de jurisprudence en ce sens — ou s'il s'agissait de dispositions matérielles — qui refusaient à l'accusé un moyen de défense qu'il avait auparavant, à savoir les preuves relatives à un moyen de défense contraire — et que cela revenait à modifier la loi de façon tellement fondamentale que la disposition n'était pas valide.
Dans une affaire intitulée R. c. Dineley, la Cour d'appel de l'Ontario a jugé, à l'unanimité, qu'il s'agissait de dispositions de nature procédurale et reliées aux preuves et que, par conséquent, elles s'appliquaient à tous.
Le sénateur Baker : Pour revenir aux questions que je vous ai posées, vous devez admettre que nous avons de notre côté toutes les cours d'appel existantes. Je vous ai uniquement parlé de la Cour d'appel du Québec. Ce jugement contient en fait sept jugements qui ont été prononcés en même temps. La Cour d'appel du Québec a reconnu la constitutionnalité des demandes rétrospectives prévues par la loi que nous sommes en train de modifier pour dire que, quand cette disposition était en vigueur, elle s'appliquait à toute personne en train de purger une peine. Être en train de purger une peine s'applique à toute partie de la peine, ce qui comprend la période de probation, ce que nous avons prévu dans notre projet de loi et qui n'avait un effet que pendant un an.
Étant donné que toutes les cours d'appel ont confirmé la validité de cette disposition, vous dites au comité que vous ne voyez pas pourquoi un membre du comité ne pourrait pas présenter un amendement et rendre ce même article applicable à ce projet de loi, de sorte que toute personne en train de purger une peine serait traitée comme toute personne qui s'est vu imposer une peine après l'entrée en vigueur de la loi.
M. Yost : Je ne connais pas bien l'arrêt de la Cour d'appel du Québec que vous avez cité. Cela ressemble à ce que nous avons entendu dire au sujet de la LIEG et je ne vois pas quel argument juridique on pourrait vous opposer, si je me base sur ce que je sais de la jurisprudence relative à la LIEG.
Le vice-président : Monsieur Yost, comme vous le savez, le projet de loi S-2 prévoit l'enregistrement des délinquants sexuels qui ont été condamnés à l'étranger. Ils sont tenus de s'inscrire dès leur arrivée au Canada à la fois dans le registre des délinquants sexuels et je crois aussi dans la banque de données génétiques.
De votre point de vue, quels sont les aspects concrets de cette disposition? Entrevoyez-vous des difficultés si tous les délinquants sexuels qui ont été condamnés à l'étranger sont visés par elle? Le processus utilisé pour nous informer de ces faits au Canada pourrait-il soulever des problèmes? Comment cela touche-t-il les compétences à l'échelle mondiale? Est-ce que la nécessité d'établir des voies de communication entre les tribunaux de divers pays risque de soulever des difficultés?
Existe-t-il des problèmes concrets qui pourraient compromettre l'application de cette disposition?
M. Yost : Premièrement, la LIEG ne contient pas, pour le moment, de disposition applicable à une personne qui a été déclarée coupable à l'étranger. Nous n'avons aucun moyen de verser son profil dans la banque de données génétiques. L'autre Chambre a recommandé la création d'un tel outil. Dans ces circonstances, vous comprenez qu'à l'intérieur de notre section, M. Hoover et moi parlons de divers aspects et nous avons déjà eu une réunion avec des responsables pour notamment parler de cette recommandation.
Il sera très difficile de trouver ces personnes. Il est peu probable qu'elles se rapportent elles-mêmes. Comment pourrions-nous savoir qui elles sont, si elles ne viennent pas au Canada aux termes de la Loi sur le transfèrement international des délinquants, c'est une énigme pour moi.
Ces deux lois se complètent parce qu'elles soulèvent les mêmes problèmes que pour l'obtention des ordonnances de prélèvement génétique, les personnes inscrites dans le registre des délinquants sexuels, les poursuivants trop occupés qui oublient de le faire, et cetera. Nous avons imaginé d'accorder un délai de 90 jours et le comité qui est coprésidé par M. Hoover a examiné cette idée.
De la même façon, nous essayons de voir comment cela fonctionnera avec le registre des délinquants sexuels et s'il existe une façon de le faire. Il est possible que la meilleure façon soit d'accorder ce pouvoir et cela dépendra ensuite du hasard.
Le sénateur Joyal : Ai-je bien compris, d'après la façon dont est rédigé l'article 19, que la personne qui fait l'objet d'un transfèrement au Canada aux termes des pouvoirs prévus par les traités devrait être inscrite dans le registre des délinquants sexuels, et que cela vaut également pour la banque de données génétiques?
M. Yost : Les dispositions de la LIEG n'ont pas fait l'objet de modifications de ce genre. Par conséquent, ces personnes seraient inscrites dans le registre des délinquants sexuels, mais nous n'avons pas les moyens qui nous permettraient de verser leur profil dans le fichier de données génétiques.
Le vice-président : Monsieur Yost, merci d'avoir comparu à nouveau. Vos interventions nous sont toujours utiles et nous les apprécions beaucoup.
J'aimerais souhaiter la bienvenue à notre deuxième panel, avec qui nous terminerons notre séance.
Nous allons entendre Jean-Guy Dagenais de l'Association des policières et policiers provinciaux du Québec. Nous avons également Pierre Nezan et Leo O'Brien de la Gendarmerie royale du Canada, ainsi que René Lavigne et Jean Manseau de la Sûreté du Québec.
Messieurs, nous sommes heureux de vous avoir ici aujourd'hui.
Nous allons commencer par l'Association des policières et policiers provinciaux du Québec.
[Français]
Jean-Guy Dagenais, président, Association des policières et policiers provinciaux du Québec : Monsieur le président, je vous remercie de nous accueillir au comité. L'Association des policières et policiers provinciaux représente les 5 000 policiers syndiqués de la Sûreté du Québec qui couvrent l'ensemble du territoire québécois en plus d'assumer la couverture sur le territoire de plusieurs municipalités.
Pour l'association, le projet de loi S-2 revêt un caractère particulièrement important, parce qu'il soulève la priorité que l'on doit accorder à l'enregistrement des renseignements sur les délinquants sexuels, et plus particulièrement pour les corps policiers, il faut considérer aussi un accès plus facile au registre des délinquants sexuels. Pour les membres que je représente, nous comprenons que tout délit ou crime à caractère sexuel qui nous est rapporté, soit lors de la prise d'une plainte ou à la suite d'une enquête, présente un risque élevé et l'intervention policière se doit d'être faite rapidement.
Pour vous parler plus en particulier du Registre national des délinquants sexuels, il faut retenir que le rôle des policiers — tout le monde le comprend — est de protéger les victimes contre les délinquants sexuels, d'où l'importance pour nous que tous les renseignements concernant les délinquants sexuels se doivent d'être enregistrés dans une base de données et que les policiers puissent y avoir accès rapidement.
Il faut avant tout protéger la société et permettre aux corps policiers dans l'exercice de leurs fonctions d'intervenir plus rapidement, d'améliorer l'efficacité de leurs enquêtes et tenter de prévenir du mieux qu'ils le peuvent les crimes à caractère sexuel et éviter aussi autant que faire se peut, prévenir les risques de récidive. Je ne cacherai pas qu'il y a un incontournable rattaché à tout cela, il va falloir considérer sérieusement l'ajout d'effectifs policiers et fournir un cadre de formation adéquat.
Avant d'être efficaces dans leur intervention, les policiers doivent avoir accès rapidement au registre. Si on veut sortir de la rue les délinquants sexuels, éviter la répétition de tels crimes, sécuriser les victimes de même que leur fournir des motifs pour dénoncer leur agresseur, nous devons avoir un registre dont l'accès est facile et qui comporte de constantes mises à jour. Il ne faut jamais oublier que le but premier est toujours la protection de la société. De plus, l'accès au registre devra être élargi. Autrement dit, il se peut qu'au début d'une enquête, nous n'arrivions pas immédiatement à un crime de nature sexuel, d'où la notion de motifs raisonnables et de soupçons. Ceci devra être élargi. N'attendons pas d'être placés devant un fait accompli. Afin de pouvoir consulter le registre, il faut prioriser la prévention.
À titre d'organisation représentant plus du tiers des policiers sur le territoire du Québec, nous devons aussi nous assurer que les délinquants sexuels respectent leurs obligations et dès qu'il est porté à notre attention qu'ils ne les respectent pas, il est de notre devoir que les autorités en place en soient informées, toujours dans le but de protéger les victimes et de les soustraire aux intentions malhonnêtes des délinquants qui pourraient être tentés de récidiver.
À propos des délais d'intervention, il est primordial, entre autres concernant les enlèvements d'enfants, que le délai d'intervention s'exécute de façon très rapide. Chaque minute est importante. Tout le processus d'enquête doit se faire de façon accélérée, de telle sorte que les enquêteurs au dossier ne se trouvent aucunement ralentis lors de leur enquête à cause de délais administratifs qui pourraient empêcher un accès rapide au registre. Chaque détail est important. Autant sur les faits entourant le bon déroulement de l'enquête que sur toute information pertinente sur d'éventuels délinquants sexuels qui seraient mis en cause, le temps est un élément crucial.
De plus, il doit y avoir concertation entre les différents corps policiers, échange d'informations, assistance requise, coopération et collaboration, comme nous le faisons déjà dans le cadre d'enquêtes mettant en relief des unités régionales mixtes.
En conclusion, l'Association des policières et des policiers du Québec considère qu'il est important que les policiers et policières aient entre les mains des outils pour accroître l'efficacité de leurs enquêtes, faciliter leur travail afin de protéger la vie des citoyens, ce qui représente l'élément primordial de notre mandat. Ce pourquoi nous appuyions sans réserve la mise en place d'un registre des pédophiles qui, tout en respectant le caractère de la vie privée des individus, va protéger les victimes des agresseurs potentiels. Non seulement il facilitera le travail des policiers, mais il fera prendre conscience aux victimes de prédateurs sexuels qu'elles ont intérêt à dénoncer leurs agresseurs et que les lois en place les retireront de la rue et les éloigneront d'autres potentielles victimes.
Nous sommes d'avis qu'il faut sévir face au crime, s'assurer que les délinquants sexuels soient derrière les barreaux et chassés de nos rues afin de mieux protéger les enfants.
[Traduction]
Le vice-président : Merci, monsieur Dagenais.
Monsieur Arel, je ne vous ai pas présenté plus tôt. Faites-vous également partie de l'association?
Laurent Arel, directeur des communications, Association des policières et policiers provinciaux du Québec : Oui. Je m'appelle Laurent Arel.
Le vice-président : Voulez-vous ajouter quelque chose à l'exposé de M. Dagenais?
M. Arel : Non.
[Français]
Jean Manseau, avocat-conseil, Sûreté du Québec : Notre intervention aujourd'hui constitue davantage un exposé de principes du projet de loi S-2 qu'une critique technique de ses dispositions.
Je suis avocat-conseil au Bureau du directeur général adjoint aux enquêtes criminelles de la Sûreté du Québec. Je suis accompagné du capitaine René Lavigne, chef du service d'analyse du comportement, responsable du Centre québécois d'enregistrement des délinquants sexuels, mieux connus sous l'acronyme CQEDS.
Nous apprécions votre invitation à comparaître devant votre comité. Cela nous permet, en tant de corps de police national du Québec, de faire valoir notre point de vue sur les dispositions du projet de loi S-2, particulièrement en ce qui a trait à la façon dont elles nous permettront d'améliorer la protection de la population, eut égard à la menace que constituent les délinquants sexuels.
Je dois préciser que je suis membre, depuis une douzaine d'années, du groupe de travail fédéral-provincial-territorial sur les délinquants à haut risque. J'ai donc, à ce titre, participé à l'élaboration des principes du projet de loi sur l'enregistrement des délinquants sexuels et aux modifications connexes du Code criminel adopté en 2004. Au cours des derniers mois, le groupe de travail fédéral-provincial-territorial a procédé à l'examen des problèmes qui ont surgi et des lacunes qui se sont révélées dans l'application de cette loi, et a identifié les correctifs à apporter.
La Loi sur l'enregistrement des délinquants sexuels, entrée en vigueur le 15 septembre 2004, autorise la création d'un registre national de données sur les personnes reconnues coupables d'une infraction de nature sexuelle. Dans les mois qui ont suivi l'application de cette loi, certaines lacunes se sont toutefois manifestées.
L'exposé 3 nous montre les éléments que nous considérons comme déterminants pour la protection de la population. Comme je le disais, nous nous limiterons dans nos propos davantage aux questions de principe qu'aux problèmes d'ordre technique.
Tout d'abord, la Loi sur l'enregistrement des délinquants sexuels a pour but, en exigeant l'enregistrement de certains renseignements sur les délinquants sexuels, d'aider les services de police à enquêter sur les crimes de nature sexuelle. Il s'avère donc impossible à l'heure actuelle de consulter le registre à des fins de prévention.
Une disposition du projet de loi S-2 prévoit, s'il est adopté, que les policiers pourront consulter ce registre afin de prévenir les infractions de nature sexuelle. On cite souvent l'exemple d'un individu louche rodant autour d'une cour d'école, d'une garderie ou d'un parc où s'amusent des enfants. À l'heure actuelle, il est impossible pour les policiers de savoir s'il s'agit d'une personne inscrite au registre national. Avec le projet de loi S-2, si l'individu consent à s'identifier ou s'il est possible de l'identifier, on pourra savoir s'il est inscrit. Il s'agira d'un outil précieux de prévention.
L'assujettissement automatique d'un individu reconnu coupable d'une infraction désignée à une ordonnance d'inscription au registre élimine la possibilité, contrairement au système actuel d'émission d'ordonnance sur demande, que des personnes condamnées pour des infractions de nature sexuelle ne soient pas inscrites au registre national. L'inscription automatique au registre national est accompagnée d'une ordonnance de prélèvement de substance corporelle pour établir le profil génétique, qui sera ajouté à la Banque nationale de données génétiques. Avec l'ajout de cette disposition, on permet la possibilité de retracer plus facilement l'auteur d'un crime de nature sexuelle. En consultant la Banque nationale de données génétiques, les policiers seront munis d'un outil très performant pour leurs enquêtes dans les cas d'infractions de nature sexuelle.
Les modifications proposées par le projet de loi S-2 constituent une réforme fondamentale du régime existant. Sans conteste, l'impact de ces modifications relatives à l'application de la Loi sur l'enregistrement de renseignements sur les délinquants sexuels sur le travail policier est positif. Toutefois, un doute demeure quant aux coûts que ces modifications pourront engendrer sur le plan administratif. La même remarque s'applique au temps que les policiers consacreront à prélever les échantillons de substances biologiques pour établir le profil génétique des délinquants sexuels condamnés. Quoi qu'il en soit, ce qui importe, c'est que le législateur vient remédier aux carences des mesures existantes en complétant les dispositions adoptées il y a quelques années pour lutter efficacement contre les délinquants sexuels.
Avec l'adoption du projet de loi S-2, similaire au projet de loi C-34 mort au Feuilleton avec la prorogation de la dernière session, le Parlement complète et bonifie les mesures adoptées il y a quelques années en permettant aux services de police de réprimer plus efficacement les crimes de nature sexuelle. La Sûreté du Québec se réjouit et approuve l'adoption par le gouvernement de mesures pour renforcer le Registre national des délinquants sexuels et la Banque de données génétiques, corrigeant ainsi les lacunes que nous avons identifiées.
Nous sommes maintenant à votre disposition pour répondre à vos questions.
[Traduction]
Le vice-président : Merci, monsieur Manseau.
Le sénateur Angus : Une précision, on nous a parlé du registre national et du registre ontarien. Étant donné que nous avons des groupes du Québec, pourrions-nous leur demander s'il existe un registre québécois?
Le vice-président : Oui, c'est très bien.
[Français]
René Lavigne, capitaine, Sûreté du Québec : Il n'existe aucun registre. Nous sommes un centre qui fait partie du registre national.
Le sénateur Angus : C'est bien ce que je pensais. Je posais la question pour clarifier.
[Traduction]
Le vice-président : Merci, sénateur Angus. Nous allons terminer avec l'exposé de la Gendarmerie royale du Canada. Je pense que M. Nezan va présenter un exposé.
[Français]
Pierre Nezan, officier responsable, Registre national des délinquants sexuels, Gendarmerie royale du Canada : Je suis l'officier responsable du Registre national des délinquants sexuels pour la Gendarmerie royale du Canada. J'ai à mes côtés l'intendant Leo O'Brien, l'officier responsable de la sous-direction des sciences du comportement.
[Traduction]
Sénateur, j'ai préparé une déclaration que j'allais vous lire, mais elle est très semblable à celle de mes collègues. Elle a déjà été communiquée au comité, de sorte que, si vous préférez passer aux questions, je suis également tout prêt à le faire ou alors je peux lire ma déclaration.
Le vice-président : Faites ce que vous préférez. Nous voulons être sûrs de ne pas manquer quelque chose qui figure peut-être dans votre exposé et non pas dans les autres.
Le sénateur Joyal : J'invoque le Règlement. Monsieur Nezan, vous savez que si vous ne lisez pas votre mémoire comme l'ont fait les autres témoins, il ne sera pas reproduit dans le procès-verbal du comité. Il est important qu'il y figure, parce qu'il y a d'autres instances qui lisent les procès-verbaux du comité pour interpréter les lois. Il me semble important que vous versiez votre exposé dans le compte rendu.
[Français]
M. Nezan : Je vous remercie de me donner l'occasion de répondre à vos questions au sujet du Registre des délinquants sexuels et de discuter de ce programme de première importance. La GRC estime qu'un registre solide et complet constitue un moyen d'accroître la sécurité publique. Elle compte sur le soutien continu du gouvernement et salue les efforts indispensables déployés pour renforcer ce programme. C'est pourquoi nous croyons fermement que les propositions contenues dans le projet de loi S-2 permettront d'apporter d'importantes améliorations à la façon dont le registre protège les Canadiens.
À l'heure actuelle, plus de 22 000 délinquants figurent dans la base de données. Partout au pays, des organismes d'application de la loi administrent et veillent à l'application des dispositions relatives au registre à l'aide de 14 centres. Certes la GRC est fière de gérer ce programme, mais la loi qui régit le registre s'est avérée une source d'obstacles de taille dont certains ont nui à l'administration et à la mise en application efficace de ce programme. Permettez-moi de vous expliquer brièvement certains de ces problèmes.
[Traduction]
Premièrement, les dispositions législatives actuelles précisent le genre de renseignements qui peuvent être versés dans la base de données. Cela veut dire que nous ne pouvons pas y ajouter ces champs administratifs importants qui seraient nécessaires pour assurer l'intégrité des données. Cela va à l'encontre d'un des principes législatifs qui veut que ce registre contienne des renseignements à jour et fiables.
De plus, les données personnelles générales que nous pouvons obtenir auprès des délinquants sexuels condamnés sont limitées. Par exemple, les renseignements relatifs au véhicule du délinquant ne peuvent être versés dans cette base de données, même si les gouvernements, grâce à leur direction des véhicules à moteur, possèdent déjà ces renseignements. C'est pourquoi le registre n'aide aucunement les services de police lorsqu'ils font des enquêtes sur les crimes sexuels et que le seul élément que les policiers possèdent est une description d'un véhicule suspect.
Deuxièmement, les tribunaux n'ordonnent pas que tous les délinquants sexuels condamnés soient inscrits dans le registre. Dans certaines provinces, les demandes sont régulièrement présentées alors que dans d'autres, elles ne le sont pas pour diverses raisons. L'absence d'inscription automatique au registre de tous les contrevenants déclarés coupables d'infraction sexuelle a entraîné une application de la loi qui n'est pas uniforme. Il peut arriver que, dans une province, les tribunaux obligent un agresseur d'enfant à s'inscrire au registre et que dans une autre province cela ne soit pas fait. Il est difficile de savoir quels sont les délinquants sexuels qui vont récidiver et ceux qui ne le feront pas et cela veut donc dire que certains récidivistes ne figurent pas dans le registre
Troisièmement, bien souvent, la sévérité des dispositions en matière de divulgation compromet la transmission des renseignements entre les agences qui sont responsables de la gestion des délinquants sexuels. Pour bien gérer les délinquants sexuels, il faut que les différentes agences judiciaires collaborent, et pourtant le programme du Registre national des délinquants sexuels n'a pas le droit de transmettre des renseignements qui favoriseraient cette collaboration ou qui même, pourraient éviter la perpétration d'un crime. Cela nuit non seulement au public, mais également aux délinquants. Enfin, la disposition législative qui autorise les policiers à avoir accès à la base de données qu'après qu'un crime sexuel ait été commis, va à l'encontre des efforts déployés au Canada pour prévenir la perpétration des crimes.
Les organismes d'application de la loi disposent d'un certain nombre de bases de données auxquelles les policiers ont régulièrement accès à des fins d'application de la loi et de sécurité publique. La base de données du Registre national des délinquants sexuels ne fait pas partie de ces bases de données et peut être uniquement utilisée après le fait. Cet outil d'application de la loi ne peut être utilisé pour éviter que soient commis les crimes les plus graves et dévastateurs que l'on peut imaginer. Il est vrai que les délinquants qui veulent vraiment commettre des crimes de violence les commettent habituellement. Je ne serais pas sincère si je disais que ce registre permettrait toujours et régulièrement d'empêcher la perpétration des crimes sexuels, mais il y a eu des cas où c'est ce qui s'est passé grâce à d'autres registres.
Nous ne considérons pas que le registre des délinquants sexuels est une panacée qui va permettre de résoudre ou d'empêcher les infractions sexuelles, mais ce registre a néanmoins un rôle à jouer et peut appuyer les efforts des policiers lorsqu'ils tentent d'identifier et de poursuivre les délinquants sexuels. Surtout, la prévention du crime devrait toujours être l'objectif principal des organismes d'application de la loi.
[Français]
Bien souvent, les crimes de nature sexuelle peuvent provoquer un traumatisme irréparable chez les victimes. Certaines victimes ressentiront les conséquences du crime pendant le reste de leur vie. Voilà pourquoi aucun effort ne doit être ménagé pour réduire le risque que de tels crimes se produisent.
La GRC croit que le Registre des délinquants sexuels est utile et qu'il peut faire progresser les enquêtes sur les crimes sexuels, voire même prévenir les crimes dans certains cas. À notre avis, le projet de loi S-2 déposé par le gouvernement fédéral est porteur d'une série de modifications importantes qui permettront de remédier à ces problèmes.
[Traduction]
Le vice-président : Merci, monsieur Nezan.
[Français]
Le sénateur Boisvenu : Ma première question s'adresse aux représentants de la Sûreté du Québec. Au Québec, l'enquête qui a vraiment marqué les annales des cas de disparition, c'est celle de Cédrika Provencher, dans laquelle la Sûreté du Québec a investi beaucoup de ressources financières.
D'abord, est-ce que le registre sous sa forme actuelle a été utilisé? En quoi vous a-t-il été utile? Et si les modifications au projet de loi S-2 avaient été en vigueur à l'époque de la disparition de la petite Provencher, quelles avaient été les chances de résoudre ce cas par rapport au registre actuel?
M. Lavigne : En ce qui concerne la première question, nous avons consulté le registre de façon exhaustive. En termes de circonférence de l'événement, on est allés chercher les délinquants sexuels enregistrés au registre, on a vérifié leur comportement sexuel avec le Salvac afin d'aider les enquêteurs à cibler et à prioriser les personnes qu'on pouvait enquêter.
On ne partait absolument de rien. On a retrouvé une bicyclette sans aucun détail relatif à des individus. Je vous dirais que sur un rayon très large, tous les délinquants sexuels qui étaient enregistrés ont été vérifiés, encore une fois avec l'assistance de l'analyse du comportement et les profileurs qui sont sous le même service de criminalistique. Donc tout a été mis en œuvre.
Pour ce qui est de la deuxième question, si les amendements du projet de loi S-2 avaient été mis en place, je ne pourrais pas vous dire quelles auraient été les chances de résoudre le cas parce qu'il s'agit d'un acte isolé. On était en réaction à un acte criminel. Il serait donc très hypothétique de vous répondre que cela aurait pu aider ou pas.
Le sénateur Boisvenu : Corrigez-moi si j'ai tort, mais la Sûreté du Québec a enquêté assez longtemps sur un véhicule.
M. Lavigne : C'est exact, oui, entre autres.
Le sénateur Boisvenu : Donc si je comprends bien, pour vous le concept d'enregistrement de véhicules dans le Registre des prédateurs sexuels est important?
M. Lavigne : C'est exact. Vous ramenez à ma mémoire le fait qu'effectivement, un véhicule a été ciblé, enquêté et médiatisé. La vérification a été faite par le Salvac, mais si elle avait été enregistrée au Registre des délinquants sexuels, cela nous aurait amenés à vérifier.
Même si cela a été fait par la suite, c'était plus exhaustif de vérifier si un des délinquants sexuels enregistrés avait eu en sa possession ou non ce genre de véhicule. Cela a été fait, mais je dois dire que l'enquête a été beaucoup plus longue, plus ardue et plus exhaustive.
Le sénateur Boisvenu : Ma dernière question s'adresse aux représentants de la GRC. Le projet de loi S-2 permettrait au système carcéral de fournir de l'information au registraire dans le cas où des prédateurs sexuels sont remis en liberté. On dit bien que la loi « permettrait ». Est-ce qu'on ne devrait pas plutôt en faire une obligation?
[Traduction]
M. Nezan : Cela fait déjà plusieurs années que nos centres nous ont signalé l'absence de communication entre le Service correctionnel fédéral et le Registre national des délinquants sexuels. Cela nous pose un problème lorsqu'il s'agit d'administrer et d'appliquer la loi. Nous avons été obligés de mettre sur pied des systèmes secondaires pour calculer avec précision le jour auquel un délinquant donné est remis en liberté.
Je peux affirmer que nous avons constaté une lacune dans la prestation des services et notre capacité à gérer le système et que le projet de loi S-2 propose un remède qui comblerait cette lacune. Si le projet de loi S-2 est adopté, je n'ai aucune raison de croire que cette communication ne pourrait s'établir.
[Français]
Le sénateur Boisvenu : Je reviens encore au sens du mot. Dans un texte de loi, ce qui a du sens c'est le mot. Actuellement on dit « permettrait ». Êtes-vous d'accord avec moi qu'on apprend davantage par les médias qu'un prédateur sexuel dangereux a été libéré qu'on l'apprend des services officiels?
Cela me fait dire que lorsqu'un criminel dangereux est libéré, si les médias l'apprennent, c'est sans doute parce qu'il y a de l'information qui fuit de l'intérieur parce qu'il n'y a pas d'échange d'information entre les corps policiers, le système carcéral et le registraire.
Cela m'apparaît être un problème majeur. Est-ce que la loi ne devrait pas plutôt obliger le système carcéral à informer le registraire ou le corps policier lorsqu'un criminel dangereux est libéré?
[Traduction]
M. Nezan : Je pense qu'il faudrait que ce soit le gouvernement qui adopte une politique en ce sens. Je n'irais pas jusqu'à dire que les services correctionnels et les services de police ne communiquent pas du tout. Cela concerne uniquement le registre national des délinquants sexuels. Nous n'avons pas accès à cette base de données. Les services correctionnels et les services de police communiquent entre eux au sujet des délinquants, mais pas aux fins du Registre national des délinquants sexuels.
La question de savoir si cela devrait être obligatoire ou simplement facultatif est une question qui relève du ministre et non pas de nous.
Le sénateur Baker : Il serait toutefois utile pour vous de posséder cette information, n'est-ce pas?
M. Nezan : Sans aucun doute. Nous avons besoin de cette information et comme je l'ai mentionné plus tôt, je n'ai aucune raison de croire que nous ne l'obtiendrons pas si ce projet de loi est adopté.
Le sénateur Baker : J'aimerais vous poser une question générale. Si vous voulez obtenir le casier judiciaire d'un délinquant ou les conditions dont est assortie sa mise en liberté, vous savez que les tribunaux des différentes provinces possèdent les dossiers des personnes qui ont fait l'objet de poursuites dans la province. Si un avocat de la défense demande le casier judiciaire d'une personne donnée, il pourrait l'obtenir dans sa province. Cependant, la Couronne peut avoir accès à tout ce que contient le CIPC. Le CIPC couvre l'ensemble du pays.
Je pense qu'il existe une autre base de données en plus du CIPC qui contient ce que l'on peut appeler les « documents sources » concernant certaines personnes. Voilà ma question. Je pensais que le CIPC contenait tous ces renseignements. C'était ce que je croyais et je crois que je ne suis pas le seul à le faire. Affirmez-vous qu'il n'y a pas tout dans le CIPC?
M. Nezan : Je ne suis pas un spécialiste du CIPC. Je parle ici du Registre national des délinquants sexuels. Je peux affirmer que les données figurant dans la base de données du Registre national des délinquants sexuels ne se retrouvent pas dans le CIPC.
Le sénateur Baker : Ce projet de loi va s'appliquer uniquement aux personnes qui ont été condamnées ou déclarées non criminellement responsables pour cause de troubles mentaux, après l'entrée en vigueur du projet de loi. Le projet de loi initial dont nous avons parlé il y a un instant et qui est entré en vigueur le 15 décembre 2004, contenait une disposition qui le rendait applicable à toute personne qui purgeait une peine au moment de l'entrée en vigueur de la loi. Il contenait également une autre disposition qui énonçait « Il faut le faire dans l'année suivant l'entrée en vigueur de la loi. »
Ce projet de loi-ci ne le fait pas. Le projet de loi mentionne uniquement qu'il va s'appliquer une fois la loi entrée en vigueur par proclamation.
Si l'on pense à une échelle, il y a des délinquants « très violents » qui ne seront pas visés par ce projet de loi, si leur condamnation a été enregistrée avant l'entrée en vigueur de la loi. Pensez-vous que les dispositions que contenait le projet de loi initial de décembre 2004 créeraient un système bien plus efficace si l'on omettait celle qui impose une limite d'un an?
M. Nezan : Nous avons participé en qualité de représentants du gouvernement au groupe de travail dont a parlé Mary Campbell la semaine dernière. Les obstacles, les entraves et les difficultés que la GRC et les services de police ont éprouvées dans l'administration de cette loi ont été mentionnés au cours de ces discussions.
Les recommandations que nous avons présentées au nom de la GRC sont en fait des avis transmis au ministre. Je pense que vous vous approchez de ce domaine, monsieur le sénateur, et je ne suis pas certain de pouvoir faire des commentaires à ce sujet. Cependant, si je me place d'un point de vue pratique, philosophique et axé sur l'application de la loi, je dirais qu'il serait souhaitable que tous les délinquants sexuels condamnés figurent dans une base de données parce que c'est la raison d'être des bases de données.
Il y a toutefois des répercussions concrètes à une telle suggestion. Là encore, nous n'avons pas effectué d'analyse, mais cela voudrait dire que les services de police devraient identifier des dizaines de milliers de délinquants, leur signifier des documents et verser les renseignements les concernant dans la base de données. Cette idée pose donc certaines difficultés logistiques.
Le sénateur Baker : De l'argent.
M. Nezan : Des ressources.
Le sénateur Baker : Vous êtes condamné d'une infraction pénale au terme du Code criminel et vous êtes libéré sur probation, assortie de certaines conditions. La même chose s'applique aux jugements rendus aux termes de cette loi. Le tribunal pourrait interdire à l'accusé de consommer des drogues illégales, de l'alcool, de se trouver dans un endroit où l'on sert de l'alcool, par exemple.
Les conditions comprennent habituellement une disposition selon laquelle vous acceptez, après la mise en liberté, qu'un policier vienne vous voir chez vous à l'improviste et vérifie si vous respectez bien ces conditions. Certains services de police voient là une obligation et les policiers vérifient régulièrement si les condamnés remis en liberté respectent les conditions de leur probation.
Le projet de loi ne permet pas de genre de choses, parce qu'il s'applique uniquement aux condamnés. Qu'en pensez- vous?
Lorsqu'une personne est libérée sous probation avec des conditions très strictes, les gens s'attendent normalement à ce que les policiers vérifient si ces conditions sont respectées.
M. Nezan : C'est un processus distinct, sénateur. Le Registre national des délinquants sexuels a été créé avec un objectif précis. Nous sommes guidés par la Loi sur l'enregistrement de renseignements sur les délinquants sexuels, que vous connaissez très bien, j'en suis sûr. Les renseignements qui peuvent être versés dans le registre sont strictement limités. Nous ne pourrions pas enregistrer des choses comme les conditions d'une probation. C'est un aspect tout à fait distinct d'après cette loi.
C'est pourquoi je ne peux pas vous parler des pratiques adoptées dans les différentes régions du Canada au sujet des ordonnances de probation. Pour ce qui est de la GRC, je sais que différentes provinces, en fonction des priorités, vérifient parfois que les condamnés remis en liberté respectent les conditions de leur probation, mais c'est un domaine qui ne concerne absolument pas le RNDS.
Le sénateur Baker : Pour terminer, est-ce que les autres témoins ont une opinion au sujet de la possibilité de modifier le projet de loi pour qu'il s'applique à toute personne en train de purger une peine au moment de l'entrée en vigueur de cette loi, de sorte qu'il viserait la personne qui a été condamnée il y a 20 ans, mais qui est encore visée par une ordonnance de probation ou qui doit respecter des conditions? Voulez-vous donner votre opinion sur ce point ou préférez-vous vous abstenir?
[Français]
M. Lavigne : Cela reste encore le même discours. On ne peut pas être contre la vertu. On les aurait tous, on serait super content et heureux. C'est le travail d'un policier de prévenir cela. Est-ce possible? Tout est possible. Est-ce probable de réussir à tous les avoir? C'est peu probable. C'est une question de ressources, de temps et cela inclut beaucoup de personnes dans le processus.
On ne peut pas être contre la vertu, mais cela pourrait être difficile.
[Traduction]
Leo O'Brien, officier responsable, Sous-direction des sciences de comportement, Gendarmerie royale du Canada : J'aimerais appuyer ce qu'a déjà dit le capitaine Lavigne. Dans un monde idéal, ce serait la façon idéale de procéder. Cependant, comme vous le savez, la GRC et les autres services de police du Canada ont des ressources limitées. Si vous pensez à remonter en arrière, jusqu'à quand le feriez-vous? De combien de délinquants sexuels parlons-nous? Il y en aurait probablement des centaines de milliers.
C'est ni une question de fonds et de ressources. Dans un monde idéal, nous aimerions avoir cette possibilité, mais nous devons accepter la réalité et ses impératifs.
Le sénateur Baker : M. O'Brien a figuré dans de nombreuses décisions judiciaires lorsqu'il était agent de la GRC au Labrador.
[Français]
Le sénateur Boisvenu : Vous semblez nous dire que la rétroactivité demanderait beaucoup de ressources. Si le projet de loi est adopté en juin, tous les criminels condamnés avant sont assujettis au projet de loi. Toutefois, on risque de libérer des criminels dangereux, ceux qui n'ont pas fait de programme de réhabilitation en prison, ceux qui ne manifestent aucun remords; donc des personnes ayant un risque de récidive très élevé.
Pour ces criminels, ceux pour qui la Commission de libération conditionnelle est convaincue qu'il y aura récidive, ne devrait-il pas y avoir l'obligation d'être enregistré au registre avant de quitter le pénitencier?
[Traduction]
M. Nezan : En tant que policier, je suis d'accord avec vous. Nous voulons disposer d'outils efficaces pour pouvoir empêcher les crimes et les résoudre. Je n'aime pas revenir sur les mêmes arguments, mais c'est en fait une question de ressources. Je n'ai pas de chiffres concernant le nombre de délinquants qui seraient concernés, du travail que cela exigerait et ni de l'existence de ressources pour effectuer cette tâche.
[Français]
Le sénateur Boisvenu : Nous savons que 50 p. 100 des criminels incarcérés ne participent à aucun programme de réhabilitation, et 40 p. 100 des détenus dans les prisons fédérales ont des antécédents criminels. D'une part, nous donnons des outils aux policiers pour mieux encadrer ces criminels. Or, nous les mettrions en liberté sans garder un minimum de données à leur sujet pour assurer une meilleure sécurité de la population.
Par conséquent, est-ce qu'il ne serait pas logique que les criminels réputés dangereux et dont on possède les noms et coordonnées soient inscrits au registre?
M. Nezan : Il est sûr que c'est logique.
[Traduction]
Cela dépend donc de l'existence de ressources, mais il me paraît tout à fait logique que les délinquants sexuels les plus dangereux soient inscrits dans ce registre qui est destiné à contenir des renseignements au sujet des délinquants sexuels condamnés. Encore une fois, nous ne savons pas quelle serait l'ampleur de cette tâche et nous ne connaissons pas non plus le nombre de personnes qui seraient touchées.
[Français]
M. Dagenais : Tel que je l'ai mentionné dans ma présentation, il faudra des ressources supplémentaires pour s'assurer que ces gens respectent leurs conditions de libération. Je vous référerai à un mémoire déposé par l'association canadienne où il était mentionné que le projet de loi devrait même être rétroactif.
À mon avis, le projet de loi, une fois adopté, devrait être rétroactif pour faire en sorte que toutes les personnes accusées de crime à caractère sexuel soient inscrites au registre. Des ressources seront évidemment nécessaires. Toutefois, le crime est en effervescence et les gens le dénoncent plus facilement et plus rapidement. On devrait donc s'assurer que les conditions soient respectées.
Vous me permettrez un commentaire. Le registre devrait être mis à jour dans les cas où, par exemple, un récidiviste ou une personne reconnue coupable change de véhicule. Il est important que le policier en fonction soit en mesure de reconnaître le prédateur sexuel s'il le voit passer au volant de son véhicule.
M. Lavigne : En faisant allusion aux délinquants sexuels à haut risque de récidive, la mesure prévoyait une surveillance étroite pendant un an. Or, cette période est passée à deux ans. Toutefois, s'il n'arrive rien dans cette période de deux ans, il en est ainsi.
Le sénateur Angus : Les policiers ici présents seront d'accord que malgré les restrictions et compte tenu des ressources, la loi viendra s'ajouter comme outil de travail dans votre domaine difficile.
Le ministre a comparu la semaine dernière devant notre comité pour nous présenter ce projet de loi. Il a alors affirmé, d'après les renseignements dont il disposait, que le registre ne comprend que 42 p. 100 des délinquants sexuels. Il a souligné que ce chiffre se basait sur les données qu'on lui a fournies.
À votre avis, ce chiffre est-il exact? Selon vos connaissances, ce chiffre de 42 p. 100 vous semble-t-il raisonnable? D'autre part, je me demande pourquoi il nous manque 58 p. 100.
[Traduction]
M. Nezan : Je peux vous dire que nous avons communiqué une partie de ces chiffres et nous travaillons au quartier général de la GRC pour le Centre national de politiques. Ce sont les provinces et les territoires qui administrent et mettent en œuvre cette loi. Selon les chiffres que nous ont communiqués les différents centres, 60 p. 100 environ des délinquants susceptibles d'être inscrits au registre le sont. Les accusés condamnés pour une infraction désignée reçoivent une ordonnance selon le formulaire 52. Cette pratique varie d'une province à l'autre. Les résultats sont parfois meilleurs dans certaines régions. Nous avons donc demandé à notre Direction de la recherche et du développement d'effectuer une analyse statistique. Ils ont constaté qu'environ 58 p. 100 des condamnés susceptibles d'être inscrits recevaient un formulaire 52. Cette conclusion est conforme aux chiffres que nous ont transmis certains de nos centres.
Il existe toutes sortes de raisons pour lesquelles les condamnés ne reçoivent pas le formulaire 52 et certaines de ces raisons n'étaient pas, au départ, de simples erreurs humaines. Les poursuivants, à cause de contraintes de temps et de travail, oublient de le faire ou ne posent pas la question. Nous savons que l'inscription est parfois prise en compte au cours des marchandages de plaidoyer. Il y a toutes sortes de raisons pour lesquelles cela ne se fait pas.
J'aurais espéré que la situation s'améliore entre 2004 et 2009, mais lorsque nous avons regardé les chiffres annuels, pour savoir combien de formulaires 52 avaient été distribués, nous avons constaté qu'ils étaient assez semblables à partir de 2005, qui est la première année civile pendant laquelle nous avons pu obtenir ces chiffres et cela représente environ 2 200 formulaires par an. D'après nos approximations, le pourcentage de 60 et 40 p. 100 ont été calculés à partir des chiffres d'il y a deux ans, mais ces chiffres n'ont pas changé depuis.
Le sénateur Angus : À votre avis, est-ce que ce projet de loi va aider à améliorer ces chiffres ou est-ce que cela est tout à fait indépendant des dispositions du projet de loi?
M. Nezan : Si le gouvernement fédéral adoptait un modèle prévoyant l'inscription automatique, je pense que cela constituerait une grande amélioration et que ces chiffres augmenteraient sensiblement.
Le sénateur Angus : Je crois que, comme vous l'avez dit dans votre déclaration préliminaire, vous êtes responsable du Registre national des délinquants sexuels.
[Français]
Cela découle de la GRC et ne vous concerne pas, ou est-ce que je me trompe? J'aimerais savoir de quelle façon vous coopérez.
[Traduction]
M. Nezan : Nous en sommes responsables; c'est le centre national des politiques, et il y a aussi la Loi sur l'enregistrement de renseignements sur les délinquants sexuels qui nous confie la tâche d'administrer la base de données. Cette base de données est située à Ottawa et relève de nous, mais il y a dans chaque province et territoire un centre provincial et les services de police des territoires et des provinces sont chargés d'administrer ce programme dans leur région.
Le sénateur Angus : J'aimerais être sûr de bien comprendre cet aspect. J'avais compris, peut-être à tort, que ces 14 centres régionaux étaient des centres de la GRC ou de la RCMP, mais ce n'est pas le cas?
M. Nezan : Il n'y a que deux cas — en Ontario, la Police provinciale de l'Ontario est responsable du programme et au Québec, c'est la Sûreté du Québec — mais pour toutes les autres provinces et les territoires, c'est la GRC.
[Français]
M. Lavigne : Au Québec cette question est du domaine de la Sûreté du Québec. L'Ontario, au lieu de créer son propre registre, a adhéré au registre fédéral. Dans les années 2000, à la Sûreté du Québec, la Loi sur la police établissait les niveaux de services selon le nombre de personnes vivant dans les agglomérations. Au niveau national, qu'il s'agisse de prédateurs sexuels ou d'autres délinquants, on a déterminé que la Sûreté du Québec tiendrait de tels registres. C'est pourquoi le registre des délinquants sexuels est géré par la Sûreté du Québec.
[Traduction]
M. O'Brien : Nous sommes au centre national des politiques, de sorte que nous travaillons étroitement avec la SQ, la PPO et les 12 autres centres de la GRC. Comme l'a dit M. Nezan, la loi confie à la GRC l'administration de la base de données. Nos spécialistes en informatique s'en occupent et nous travaillons avec eux pour la développer et la préserver.
Si M. Lavigne a une question au Québec, il peut appeler le Centre national des politiques, et nous pouvons fournir des conseils au sujet d'une question de politique ou alors nous nous adressons à notre service des affaires juridiques pour obtenir une interprétation sur une question juridique et fournir ce conseil aux divers centres.
[Français]
Le sénateur Angus : Les données des régions sont déposées à Ottawa et tout est informatisé.
Monsieur Lavigne, au Québec, vous pouvez avoir accès aux données de la Colombie-Britannique, par l'entremise de la centrale.
M. Lavigne : Exactement. La beauté de la chose est que nous sommes les seuls à les enregistrer et à les questionner. C'est là que l'identification des délinquants est préservée par un seul point de chute. Nous avons 167 points d'enregistrement au Québec, donc tous les corps de police au Québec. Nous gérons et recevons l'alimentation de tous les dossiers d'enregistrement des délinquants. Lorsqu'ils s'enregistrent et que des ordonnances sont déposées, on ne les manque pas. On les suit et on suit aussi les taux de non-conformité, c'est à une seule. On les suit et on essaie de les trouver pour qu'ils s'enregistrent.
Le sénateur Angus : Donc si je comprends bien, vous pouvez nous assurer qu'actuellement, le système fonctionne bien à travers le pays, avec des restrictions des ressources financières.
Le sénateur Joyal : Monsieur Dagenais, vous avez fait référence au manque de ressource dans votre présentation. Monsieur Manseau, dans votre mémoire, à la page 3, vous dites :
À ce sujet, nous nous interrogeons sur un éventuel surcroît de travail que ces mesures pourraient entraîner et leurs conséquences.
[Traduction]
Monsieur Nezan, vous faites le même genre d'affirmation au sujet du manque de ressources aujourd'hui pour pouvoir réaliser l'objet de ce projet de loi et ceux d'autres projets de loi.
Hier, La Presse canadienne a cité Charles Momy, président de l'Association canadienne des policiers, que vous connaissez, j'en suis sûr, qui a déclaré :
Si les services de police locaux doivent s'attaquer aux problèmes traditionnels d'application de la loi, ils sont, à l'heure actuelle, plus fréquemment incités à utiliser leurs ressources dans des activités policières qui sont définies plus largement et influencées par les questions nationales.
Je tiens à attirer particulièrement votre attention sur ce qui suit :
Si les changements apportés aux lois fédérales fournissent des outils importants aux services de police, ces changements sont bien souvent associés à des coûts significatifs qui exercent de graves pressions sur les budgets des services de police locaux.
Il conclut :
Nous espérons convaincre le gouvernement fédéral d'être beaucoup plus sensible aux répercussions de ses décisions et au fardeau financier qu'elles imposent aux gouvernements et aux services de police locaux.
C'est un aspect qui est important pour nous, parce que nous fournissons les outils, mais nous n'augmentons pas le nombre de personnes qui emportent ces outils, de sorte qu'ils restent dans l'entrepôt.
Avez-vous une idée des crédits supplémentaires qu'il faudrait? Nous pouvons modifier des articles du Code criminel pour mieux suivre les criminels, mais je comprends que s'il vous manque du personnel et des fonds, toutes les répercussions qu'auront les projets de loi que nous adoptons ici...
[Français]
On va se bercer d'illusions. On travaille à la sécurité des personnes, mais en pratique, tout cela va rester sur les tablettes.
Avez-vous une idée de ce que peuvent représenter les 17 projets de loi du gouvernement qui amendent le Code criminel qui ont pour effet d'ajouter à votre charge de travail?
[Traduction]
M. Nezan : Je ne peux pas parler au nom de la GRC pour les 17 projets de loi. Je peux parler au sujet du Registre national des délinquants sexuels. Lorsque j'ai parlé plus tôt de ressources, je m'interrogeais sur la possibilité de remonter dans le temps et d'identifier tous les délinquants sexuels déjà condamnés ou tous ceux qui purgent des peines, et qui pourraient être des dizaines de milliers. Cela nous poserait un grave défi sur le plan des ressources.
Quant au projet de loi S-2, à l'heure actuelle, la GRC dispose de ressources suffisantes pour administrer le programme du RNDS, et nous estimons qu'avec ce projet de loi, nous pourrons continuer à administrer le programme sous sa forme actuelle.
Si nous adoptons le principe de l'inscription automatique, cela augmentera bien sûr le nombre des dossiers à gérer et celui des délinquants à inscrire, de sorte qu'à un moment donné, les ressources humaines seront davantage sollicitées et il faudra davantage de personnel pour effectuer ce travail.
Avec le régime actuel et pour l'avenir prévisible, je pense que la GRC peut administrer le programme du RNDS, mais je ne peux pas parler pour les autres projets de loi auxquels vous avez fait référence.
[Français]
M. Manseau : Si j'ai omis le paragraphe, loin de moi l'idée de minimiser l'importance de ressources additionnelles. C'est que M. Dagenais en avait parlé et j'en ai reparlé au paragraphe suivant.
Effectivement, avec l'enregistrement automatique et avec le nouvel aspect préventif qui est prévu, ce qui peut amener éventuellement des interrogations additionnelles au registre, il va falloir s'ajuster à un moment donné, c'est presque inévitable. Sans cela, l'outil ne sera pas adéquat. Cela va nous prendre éventuellement les ressources, c'est ce qu'il faudra voir.
M. Lavigne : Je ne peux pas non plus répondre aux 17 amendements. Je suis à la Sûreté du Québec depuis 22 ans et la beauté d'un service de police, c'est sa capacité d'adaptation, et de prioriser les mandats et les demandes reçues. Au bout du compte, s'il nous faut les ressources on va le demander avec l'appui des gens autour. Par contre, lorsqu'on a à répondre, que ce soit une situation de crise ou autres, la Sûreté et tous les corps de police, la beauté c'est de s'adapter à ces demandes, de les prioriser et après cela on essaye de combler là où il y a des besoins.
Pour répondre au projet de loi S-2, aucun problème, on va y mettre les efforts et les gens, on va trouver les ressources, et on verra les demandes à l'utilisation. On évaluera et on s'ajustera.
M. Dagenais : C'est toujours difficile de chiffrer. À titre d'exemple, on sait que le Québec a reçu 93 millions de dollars pour cinq ans. Pour aider la cybercriminalité, je crois qu'il s'agit de 1,5 million de dollars, la lutte antidrogue, les gangs de rue, et cetera. Je suis d'accord avec vous qu'on donne les outils aux policiers. On améliore les projets de loi et les policiers doivent être sur le terrain pour les appliquer et les vérifier. Il faut aussi considérer que l'arrestation d'un délinquant sexuel amène sa dose d'enquêtes, de procédures à la cour. Il est difficile de quantifier. Jusqu'à présent, pour cinq ans, le Québec a reçu quand même 93 millions de dollars.
Pour la cybercriminalité, je pense qu'on a prévu 1,5 million de dollars. Donc il faudrait seulement prévoir quelques millions. Ce n'est pas tout d'adopter le projet de loi, on a besoin des effectifs sur le terrain, des gens pour le vérifier. Évidemment, plus on a d'outils, plus on a besoin d'effectifs.
Le sénateur Joyal : Un calcul très simple à faire est de partir du pourcentage de 42 p. 100 des délinquants sexuels qui sont actuellement dans le registre. Il faut donc en rajouter 58 p. 100. Vous devez augmenter le nombre d'officiers qui sont sur le terrain pour suivre le registre afin que ces personnes se réenregistrent régulièrement.
Si vous n'augmentez pas le nombre d'officiers, vous devez multiplier par deux le nombre d'officiers que vous aurez à détacher d'autres fonctions pour que ce projet de loi soit vraiment effectif. Autrement, on se berce d'illusions.
M. Dagenais : Sénateur Joyal, vous m'enlevez les mots de la bouche parce que depuis que je suis à la présidence de l'association, on réclame des effectifs supplémentaires.
On parlait d'un minimum de 250 policiers et on sait que depuis environ cinq ans il y en a eu 50 d'ajoutés et j'ai toujours dit qu'il manquait encore 200 policiers à la Sûreté du Québec. Mais peut-être qu'avec ces 200 policiers de plus, on réussirait non pas à combler, mais à tout le moins à répondre à la demande.
[Traduction]
Le sénateur Joyal : Monsieur O'Brien, votre titre m'intrigue. Vous êtes officier responsable, Sous-direction des sciences de comportement. Quel est le portrait type d'un pédophile? Quel est le profil d'un pédophile? À quel groupe de personnes appartiennent les pédophiles? Vous êtes un spécialiste des sciences du comportement, je ne le suis pas. C'est ce que j'essaie de vous demander.
M. O'Brien : C'est exact. Je suis responsable des sciences du comportement.
C'est une question difficile. Je suis sûr que vous savez ce qu'est un pédophile. J'ai participé à de nombreuses enquêtes sur les personnes que l'on qualifie de pédophiles. Ce sont des personnes qui sont sexuellement attirées par les enfants.
M. Nezan est un profileur criminel agréé. Il serait peut-être mieux placé que moi pour répondre à cette question.
M. Nezan : Il n'y a pas de profil type. Pour commencer, le mot « pédophile » est un terme clinique et sur le plan clinique, un pédophile est une personne qui ressent une préférence sexuelle pour les enfants prépubères, habituellement les enfants âgés de moins de 13 ans. D'après notre expérience, la plupart des agresseurs d'enfants ne sont pas des pédophiles. Ce sont ce qu'on appelle des délinquants réactionnels, qui s'en prennent aux enfants pour différentes raisons. Il n'est pas nécessaire que l'enfant en question soit leur partenaire sexuel préféré, mais pour un certain nombre de raisons comme une situation favorable, ils s'en prennent aux enfants. Le profil d'un agresseur d'enfants, d'un violeur et d'un meurtrier en série varie.
C'est un groupe très varié. Je le compare aux policiers — nous avons tous des traits communs, mais nous sommes des individus tout à fait uniques. C'est la même chose pour les délinquants sexuels. C'est un groupe très large. Je n'attache aucun profil à un pédophile. Je ne suis pas qualifié pour parler des pédophiles. Des gens comme le Dr Fedoroff le sont, parce que c'est un terme clinique.
Les délinquants sexuels ayant une préférence, ceux qui ont une préférence sexuelle pour les enfants, viennent de n'importe quel milieu.
Le sénateur Joyal : Si vous ne disposez pas d'éléments de preuve, n'existe-t-il pas quand même des profils classiques du genre de personnes que vous pourriez rechercher?
M. Nezan : Non, il n'y a pas de modèles. Il y a des données de base — par exemple, personne de sexe masculin. Il est exact que, d'après notre expérience, la plupart des délinquants sexuels sont de sexe masculin. Cela ne veut pas dire qu'il n'y a pas de délinquants sexuels de sexe féminin, mais l'immense majorité de ces délinquants sont des hommes.
Après cela, nous pouvons examiner différents aspects. D'après notre expérience, les agresseurs d'enfants ont des antécédents, des expériences, des niveaux d'éducation et des professions très variés.
Il est faux, et je donne souvent des conférences aux enquêteurs, d'avoir des stéréotypes sur le genre de profil qui leur est applicable — par exemple, le vieil homme vicieux qui porte un imperméable et qui est dans le parc. Les pédophiles ou les agresseurs d'enfant peuvent être très bien habillés et instruits. Ils peuvent exercer des professions respectables. Il y en a d'autres qui sont plus marginaux, qui ont du mal à subvenir à leurs besoins, et il y a tous les autres entre ces deux extrêmes.
[Français]
M. Lavigne : Je suis en charge du Service d'analyse du comportement et j'ai trois profileurs qui travaillent pour moi et qui m'expliquent exactement la même chose au travail, sur ce qu'est un pédophile. Je ne suis pas l'expert, mais des experts travaillent pour moi et je suis complètement en accord avec ce que dit M. Nezan.
Le sénateur Joyal : Cet après-midi le Dr Fedoroff a parlé de prévention. Est-ce que dans votre travail c'est un aspect qui vous préoccupe ou si, comme les pompiers, vous arrivez quand le feu est déclaré?
[Traduction]
M. Nezan : Pour ce qui est de la portée du RNDS, c'est le problème que nous avons à l'heure actuelle. C'est un registre purement réactif. Comme organisme d'application de la loi, la prévention du crime est un aspect important pour nous, comme il l'est pour la collectivité, mais le RNDS ne nous aide pas à faire de la prévention dans ce domaine. Les différents centres m'ont rapporté un certain nombre de cas pour lesquels les policiers n'ont pas pu utiliser le registre, ce qui les a frustrés, parce qu'ils pensaient que cela aurait pu faciliter leur enquête et même peut-être empêcher la commission d'un crime sexuel.
Un collègue de la Police provinciale de l'Ontario va comparaître devant le comité. Il existe un registre des délinquants sexuels en l'Ontario, qui peut être utilisé de façon proactive et préventive. Il sera en mesure de vous fournir des exemples des façons d'utiliser ce registre pour prévenir le crime. Avec le RNDS actuel, nous ne pouvons pas le faire.
Le vice-président : Nous avons largement dépassé notre horaire. Vous avez fait preuve de patience ce soir, et je suis sûr que nous avons pris plus de temps que vous le pensiez. Je ne veux pas vous couper la parole.
M. O'Brien : Si le projet de loi S-2 est adopté, il nous donnera les moyens de prévenir certains crimes. Il y a une disposition qui nous autorise à utiliser le registre si nous avons des raisons de croire qu'un crime de nature sexuelle risque d'être commis. Dans le cas d'un véhicule ou d'une personne qui traîne près d'une cour d'école ou un parc, il arrive souvent que ces situations soient signalées à la police. J'ai entendu le Dr Fedoroff demander pourquoi les policiers n'allaient pas tout simplement frapper à la vitre du conducteur et lui poser des questions. Ils le feraient si le véhicule était toujours là. Bien souvent, lorsque la police arrive, le véhicule suspect est parti depuis longtemps. C'est là qu'un registre peut être utile. Si nous avons une description du véhicule, et que nous pouvons consulter le registre plus tard, nous pouvons rechercher le type de véhicule et voir s'il y a des délinquants sexuels qui vivent dans le secteur et conduisent un véhicule qui répond à cette description.
Le vice-président : Sénateur Boisvenu, voulez-vous poser une brève question supplémentaire?
[Français]
Le sénateur Boisvenu : Ma question fait suite à celle du sénateur Joyal. Elle traite du financement et vise à donner des pistes de solution aux corps policiers parce qu'il ne faudrait pas que le financement soit un obstacle à l'adoption du projet de loi.
Encore une fois, je prends le cas de Cédrika Provencher. À mon avis, cette enquête a coûté plus d'un demi-million de dollars à la Sûreté du Québec. On m'a même dit que cela se rapprochait du million. Si le registre avait été plus performant, la Sûreté du Québec aurait peut-être économisé 800 000 dollars et l'enquête aurait été réalisée en trois ou quatre semaines plutôt qu'en deux ou trois ans.
M. Lavigne : Effectivement.
Le sénateur Boisvenu : Donc il y aurait une économie de coûts. Comme vous l'avez dit tantôt, on va peut-être prévenir des crimes. Et si on prévient des crimes, il y a moins d'enquêtes et s'il y a moins d'enquêtes, on dépense moins d'argent. N'est-ce pas?
M. Lavigne : Hypothétiquement oui. Si on enquête moins, on dépense moins.
Le sénateur Boisvenu : Je pense qu'il y a une piste de solution intéressante. Si on nous dit que le travail des policiers est plus performant, il faudrait qu'il y ait des économies réalisées sur les enquêtes.
M. Lavigne : Si l'information est plus accessible et qu'on peut enquêter plus rapidement, c'est certain qu'il y a une économie de coûts.
[Traduction]
Le sénateur Watt : Merci pour votre exposé.
J'aimerais revenir sur une question que vous avez mentionnée. Vous avez parlé aux responsables du palier fédéral au sujet des chiffres que vous pouviez fournir à partir de vos dossiers.
Ce projet de loi semble viser un certain nombre de personnes, mais pas tout le monde. Si la GRC avait fourni des renseignements au comité, je ne sais pas exactement quels seraient les dossiers qui y seraient associés. Vous avez déclaré que ce n'était pas facile à faire parce que vous ne disposez pas des ressources nécessaires pour enregistrer ces renseignements pour les verser dans la banque de données, pour ce qui est des personnes qui souhaiteraient que leur profil génétique figure dans la banque de données des délinquants sexuels.
Est-il vraiment impossible de fournir cette information au comité? Ce pourrait être un chiffre approximatif des personnes qui ne sont pas visées par ce projet de loi, mais est-ce vraiment impossible dans l'esprit de la GRC?
M. Nezan : Je pense que nous pourrions faire une recherche au sujet des chiffres que vous recherchez. Par exemple, faites-vous référence aux personnes qui purgent actuellement une peine parce qu'elles ont commis une infraction de nature sexuelle?
Le sénateur Watt : Non. Je parle des gens qui ont commis un crime il y a longtemps, mais qui se cachent. Ils vivent cachés ou autrement et ne sont pas visés par ce projet de loi. Ce projet de loi ne leur est pas applicable. Je ne sais pas si je m'exprime clairement.
M. Nezan : C'est peut-être que je ne vous suis pas. Faites-vous référence à toutes les personnes qui ont déjà été condamnées pour une infraction sexuelle ou qui purgent une peine? Si ce sont ceux qui purgent une peine, il faudrait que je réfléchisse à la façon de les retrouver. Cela serait peut-être plus facile que d'essayer de connaître le nombre de personnes qui ont déjà été déclarées coupables d'une infraction sexuelle au Canada. Si nous remontions à 20 ans en arrière, ce pourrait être un nombre à six chiffres; je ne sais pas très bien quel serait ce nombre. Il ne serait pas facile pour nous de vous fournir un tel nombre.
Le sénateur Watt : Pour que cela reste raisonnable d'après vous, jusqu'à quand pourrait-on remonter?
M. Nezan : Il faudrait que je parle aux personnes qui s'occupent des dossiers pour vous donner une réponse. Je ne peux vraiment pas vous dire si nous pourrions remonter sur 2 ans, 5 ans ou 10 ans; je n'en ai aucune idée.
Le sénateur Watt : Si le comité demandait cette information, pourriez-vous essayer de la lui fournir?
M. Nezan : Bien sûr, sénateur.
Le sénateur Watt : Il en irait de même pour la SQ, le côté provincial.
Et le financement? J'ai très bien compris que vous étiez en faveur de ce projet de loi. Vous nous dites cependant que sa mise en œuvre peut coûter très cher. Vous avez besoin d'embaucher un personnel supplémentaire. Je crois que vous avez parlé de 250 personnes supplémentaires du côté provincial. Pouvez-vous faire un autre commentaire à ce sujet?
[Français]
M. Dagenais : Les ajouts d'effectifs que j'ai mentionnés de l'ordre d'environ 200 policiers comprenaient tous les secteurs incluant les enquêtes et les policiers en patrouille.
Il ne faudrait surtout pas se priver des bénéfices d'un tel projet de loi à cause des coûts. Il va sans dire que des coûts se rattacheront à cet outil supplémentaire. Il est difficile d'évaluer ces coûts. Lors d'un entretien avec le directeur de la sûreté du Québec, celui-ci a indiqué que 250 policiers supplémentaires seraient nécessaires pour remplir toutes les tâches. Une cinquantaine de policiers se sont ajoutés récemment pour desservir certaines villes où les contrats ont été renouvelés et répondre aux requêtes des élus qui demandaient l'ajout d'effectifs. Il demeure que des effectifs pourraient être alloués pour l'application de ce projet de loi.
Il faut aussi penser aux policiers sur le terrain qui devront voir aux prédateurs sexuels et intervenir. Malgré les coûts, le projet de loi sera efficace que dans la mesure où il donnera accès rapide au registre. Il va sans dire que cela représentera certains coûts, mais nous ne devons pas nous priver de ce projet de loi pour autant.
Des effectifs seront nécessaires et il reviendra à la direction de la Sûreté du Québec de déterminer le nombre d'effectifs à ajouter pour l'application de ce projet de loi.
Il est important de penser au registre, mais également aux gens sur le terrain. Pour prévenir le crime, il faut agir rapidement. Les premiers intervenants sont souvent les policiers sur le terrain. Il ne faut donc pas en manquer.
J'ai été policier sur le terrain pendant 24 ans. Lorsqu'on reçoit un appel de disparition, le premier intervenant est le policier sur le terrain. Celui-ci doit se rendre le plus rapidement possible, surtout dans les cas d'enlèvements d'enfants.
Un manque d'effectif pourra causer des délais. Or, un délai de 15 minutes et il est souvent trop tard. C'est pourquoi il faut prévoir des effectifs. Évidemment, 200 policiers additionnels représentent presque un million de dollars. Toutefois, ces policiers pourront être affectés à d'autres tâches.
[Traduction]
Le sénateur Watt : Pour ce qui est du montant supplémentaire de 10 millions de dollars dont vous auriez peut-être besoin, si vous grattez vos fonds de tiroir, vous serez peut-être forcés de dire que dans votre service, vous ne disposez pas des fonds dont vous avez besoin pour mettre en œuvre cette loi. Je crois que vous avez deux sources possibles de financement supplémentaire. Vous pouvez demander soit au gouvernement provincial soit au gouvernement fédéral.
Comment ferez-vous pour obtenir les fonds supplémentaires dont vous avez besoin pour mettre en œuvre cette loi? À qui vous adresseriez-vous?
[Français]
M. Dagenais : En tant que président de l'Association des policières et policiers provinciaux du Québec, je ne peux que faire des suggestions au gouvernement. Lorsqu'on demande des effectifs supplémentaires ou que l'association prétend qu'il manque de policiers, il revient au Conseil du Trésor du Québec d'allouer des sommes supplémentaires. Le fédéral, pour sa part, a versé 93 millions de dollars au projet quinquennal, et nous espérons que ces sommes seront récurrentes.
Il y a deux façons de faire. Nous pouvons nous adresser au gouvernement provincial et aussi demander au gouvernement fédéral de poursuivre les engagements qu'il a pris et passer message. Après quoi, l'association n'a pas le pouvoir de déterminer les sommes à être affectées à certaines enquêtes. Nous ne pouvons que faire des suggestions. Nous comparaissons devant vous, et devant d'autres tribunes, pour faire valoir qu'effectivement nous avons à cœur la sécurité des citoyens. Toutefois, un coût se rattache à cet objectif, particulièrement lorsqu'on parle d'enlèvements, de disparitions d'enfants et de prédateurs sexuels. Ces crimes ne sont pas nécessairement à la hausse. Même si de plus en plus de gens dénoncent ces crimes, nous savons que certains prédateurs sexuels ne furent dénoncés que 20 ou 25 ans plus tard.
Ces mesures représentent des coûts. Nous ne pouvons soumettre de chiffres précis. Toutefois, on ne devrait pas se priver du projet de loi pour autant. Nous évaluerons les coûts au fur et à mesure.
[Traduction]
Le sénateur Watt : Je n'ai pas tout à fait fini. Comprenez-moi bien. Je ne dis pas que je n'aime pas ce projet de loi. Je peux même vous raconter ce qui est arrivé récemment dans ma petite collectivité du Nord au sujet de certains jeunes. Je ne vais pas vous en parler maintenant, mais c'est la raison pour laquelle je suis d'accord avec vous. J'aimerais que vous disposiez de ressources qui vous permettent de mettre en œuvre cette loi. Encore une fois, j'ai aussi un autre point de vue : si nous n'avons pas les ressources nécessaires à la mise en œuvre de cette loi, alors pourquoi l'adopter? Cela reviendrait en fait à tromper les gens; ils pourraient penser que c'est un filet de sécurité, mais il n'y en aura pas vraiment, si cette loi n'est pas mise en œuvre. C'est ce que je veux dire.
J'aimerais maintenant passer à la GRC si vous le permettez, monsieur le président. Je vais essayer d'être bref.
Je crois que la GRC a reçu des fonds du gouvernement du Canada pour administrer son réseau. Pourriez-vous me dire combien vous avez reçu?
M. O'Brien : Non, sénateur. La Loi sur l'enregistrement de renseignements sur les délinquants sexuels est entrée en vigueur en décembre 2004, et nous n'avons reçu aucun crédit pour mettre en œuvre ce projet de loi. Il en coûte environ 400 000 $ par année au Centre national des politiques. Ces fonds viennent de notre budget principal. Lorsque les budgets se resserrent, la situation devient plus difficile.
De plus, comme je l'ai mentionné plus tôt, la base de données est administrée par notre personnel informatique, notre secteur de l'informatique, et je crois savoir qu'il en coûte près de 200 000 $ par année pour conserver et mettre à jour la base de données. Du point de vue du quartier général, cela représente près de 600 000 $ par an. Les centres répartis dans le pays, comme au Nunavut ou dans les Territoires du Nord-Ouest, sont administrés par les bureaux locaux. À Terre-Neuve-et-Labrador, par exemple, le centre est situé à St. John's, de sorte que la GRC s'en occupe en collaboration avec la Force constabulaire royale de Terre-Neuve. Nous avons un certain nombre de détachements dans les autres régions. À Terre-Neuve, nous avons un membre de la Force constabulaire royale de Terre-Neuve. À Halifax, nous avons un membre de la police de Halifax et à Winnipeg, il y a un membre de la police de Winnipeg qui travaille au centre de la GRC.
C'est le service de police local qui assume les coûts. Au Manitoba, par exemple, c'est la province ou le contrat de la GRC qui assume ces coûts. S'ils ont besoin de ressources supplémentaires, j'imagine qu'ils présenteraient une demande au commandant. S'il n'est pas possible de trouver ces fonds dans le budget, alors, il faudra demander à la province des ressources supplémentaires.
Tous ces centres sont opérationnels parce que la Loi sur l'enregistrement de renseignements sur les délinquants sexuels est en vigueur depuis 2004. Tous les centres sont opérationnels.
Le nombre des personnes inscrites va-t-il augmenter? Je pense que oui, si l'inscription est automatique. Cependant, nous estimons que, du moins pour l'avenir prévisible, cette augmentation serait gérable. Éventuellement, nous allons probablement avoir besoin d'autres ressources, mais il est difficile de dire aujourd'hui quelles devraient être les ressources supplémentaires. Nous le saurons avec le temps, j'imagine.
Le sénateur Watt : Vous espérez qu'il y aura des améliorations, lorsque cela sera nécessaire. L'Ontario a obtenu deux millions de dollars, alors que se passe-t-il?
M. O'Brien : Je pense que le registre ontarien des délinquants sexuels est financé par le gouvernement provincial. Il existe depuis 2001 environ et il est manifestement financé par le gouvernement provincial.
Le sénateur Watt : Ils ont eu deux millions de dollars?
M. O'Brien : Je ne suis pas sûr du chiffre.
Le sénateur Watt : C'est ce qu'on m'a dit. Merci.
Le vice-président : Merci, sénateur Watt. Messieurs, merci de vos interventions et du temps que vous nous avez généreusement accordé. Nous avons largement dépassé l'horaire, mais je peux vous dire que nous avons appris beaucoup de choses. Nous vous en sommes très reconnaissants.
Chers collègues, nous reviendrons dans cette salle demain à 10 h 30 pour poursuivre notre étude du projet de loi S-2. Nos témoins seront Jim et Anna Stephenson, les Victimes de violence du Canadian Centre for Missing Children, les Cercles de soutien et de responsabilité et la Police provinciale de l'Ontario.
(La séance est levée.)