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Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Affaires juridiques et constitutionnelles

Fascicule 6 - Témoignages du 6 mai  2010


OTTAWA, le jeudi 6 mai 2010

Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles se réunit aujourd'hui, à 10 h 42, pour étudier le projet de loi S-2, Loi modifiant le Code criminel et d'autres lois.

Le sénateur Joan Fraser (présidente) occupe le fauteuil.

[Français]

La présidente : Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles se réunit ce matin pour poursuivre, et même conclure, son étude du projet de loi S-2, Loi modifiant le Code criminel et d'autres lois. Tel qu'accepté par le comité hier, nous procédons ce matin à l'étude article par article du projet de loi.

[Traduction]

Acceptez-vous de procéder à l'étude article par article du projet de loi S-2, Loi modifiant le Code criminel et d'autres lois?

Des voix : D'accord.

La présidente : Chers collègues, je pense que vous avez reçu les amendements proposés. C'est un long projet de loi. Le premier amendement concerne l'article 5.

Quand nous aurons examiné le titre et le reste, les sénateurs accepteront-ils de regrouper les articles 1 à 4?

Des voix : D'accord.

La présidente : L'étude du titre est-elle reportée?

Des voix : D'accord.

La présidente : Adopté. L'étude de l'article 1, qui contient le titre abrégé, est-il reporté?

Des voix : D'accord.

La présidente : Y a-t-il des sénateurs qui s'y opposent? Adopté. Les articles 2 à 4 sont-ils adoptés?

Des voix : D'accord.

La présidente : Adopté. L'article 5 est-il adopté?

Le sénateur Baker : Madame la présidente, les membres du comité ont reçu l'amendement proposé à l'article 5. Pour l'information des honorables sénateurs, je signale qu'il est très difficile de savoir exactement, à la lecture de l'amendement, quel est son but, mais je vais l'expliquer.

Nous allons revenir sur le premier amendement, aux pages 5 et 6 de l'article 5, lorsque nous arriverons à l'article 47 de la Loi sur la défense nationale : c'est un amendement identique qui touche deux articles du projet de loi.

Comme les honorables sénateurs le savent, le premier article porte sur des modifications au Code criminel et l'article suivant sur les appels prévus par la Loi sur la défense nationale. Je propose d'apporter la même modification aux deux lois.

Initialement, c'était le sénateur Joyal qui devait proposer cet amendement. Il se trouve qu'il est absent. Il n'a pas pu modifier la date d'une conférence sur le droit constitutionnel qu'il devait donner à l'Université de Paris, c'est la raison pour laquelle je présente son amendement.

J'appuie fortement l'amendement. Pour illustrer cet appui, j'attire l'attention des honorables sénateurs sur deux questions qui ont été mentionnées au cours des audiences du comité. L'une était le rapport du Comité permanent de la sécurité publique et nationale, concernant l'examen légal de la Loi sur l'enregistrement de renseignements sur les délinquants sexuels. Ce rapport a été déposé au Parlement en décembre 2009. Le comité tripartite de la Chambre des communes a recommandé ce qui suit :

Le Comité recommande de modifier la Loi sur l'enregistrement de renseignements sur les délinquants sexuels et les lois connexes afin de prévoir l'enregistrement automatique des délinquants reconnus coupables d'une infraction désignée aux alinéas 490.011(1)a), c), c.1), d) ou e) du Code criminel [...]

Ce passage est suivi par les infractions désignées du Code criminel. Le gouvernement a mis en œuvre cette recommandation dans le projet de loi. Autrement dit, cette première partie de la recommandation est concrétisée dans le projet de loi. Cependant; le comité tripartite de la Chambre des communes a toutefois complété sa recommandation. Il y a une virgule après « Code criminel », et le rapport se lit :

[...] sauf si des circonstances exceptionnelles justifient une dérogation à cette règle, lorsque le juge est convaincu que cette inscription aurait, à l'égard des délinquants, notamment sur sa vie privée et sa liberté, un effet nettement démesuré par rapport à l'intérêt public. La LERDS doit établir clairement que, dans ces cas exceptionnels, le tribunal doit motiver sa décision.

La recommandation contient une autre phrase, qui est également concrétisée dans le projet de loi :

Les délinquants reconnus coupables d'une infraction prévue à l'alinéa 490.011(1)b) du Code criminel pour lesquels la Couronne a démontré hors de tout doute raisonnable que l'intention des délinquants était de commettre une infraction sexuelle prévue aux alinéas 490.011(1)a), c), c.1), d) ou e) font l'objet d'une ordonnance d'inscription [...]

C'est l'exemple qu'avait donné le sénateur Carignan au sujet de la personne qui est déclarée coupable d'introduction par effraction dans l'intention de commettre un acte criminel, à savoir, dans ce cas, une agression sexuelle. Le projet de loi met donc en œuvre deux des recommandations du comité de la Chambre des communes, mais il supprime de la loi les deux articles actuels de la loi qui correspondent aux recommandations du comité de la Chambre des communes. Il supprime les paragraphes 4 et 5 du premier amendement que je propose, qui permettrait de les conserver dans la loi. Autrement dit, la Couronne ne serait plus tenue de présenter une demande au tribunal. Ce serait automatique; le condamné serait inscrit dans le registre. Ce faisant, nous avons toutefois supprimé avec ce projet de loi l'exception qui autorisait le tribunal de prendre une décision en se fondant sur l'effet « nettement » exagéré de l'inscription par rapport à l'intention du projet de loi.

Si vous comprenez tous le sens de cet amendement — et je pense que c'est le cas — j'ajouterais que la position du sénateur Joyal, que je suis en train d'exposer, est appuyée par le Barreau du Québec. Annexée à ce rapport, il y a une motion adoptée par le comité demandant que l'opinion du Barreau du Québec soit jointe au rapport. Madame la présidente, je pense que vous pouvez vérifier tout cela.

La présidente : Dans le procès-verbal.

Le sénateur Baker : Oui, dans le procès-verbal, de sorte que la personne qui lira le procès-verbal saura ce que le Barreau du Québec a mentionné au sénateur Marjorie LeBreton, leader du gouvernement au Sénat. Cette lettre a également été envoyée au ministre de l'autre endroit et à notre comité. Le Barreau du Québec a déclaré :

Le Barreau s'oppose à la suppression de l'exception prévue au paragraphe 490.012(4) du Code criminel. Le pouvoir discrétionnaire accordé aux tribunaux par ces dispositions est essentiel à l'individualisation des décisions qui ont des conséquences graves et intrusives pour les citoyens.

Le Barreau affirme ensuite, en termes encore plus tranchés, dans le dernier paragraphe de sa lettre au comité :

Le Barreau du Québec répète que l'examen judiciaire de l'évaluation des intérêts de l'individu en question et ceux de la société pourrait s'effectuer au moment où est rendue l'ordonnance aux termes de la LERDS.

Pendant l'exposé qu'ils ont présenté, les représentants du Barreau ont cité la jurisprudence qui montre que leur position est appuyée par la Cour d'appel du Québec, la Cour d'appel de Terre-Neuve-et-Labrador et ils ont même cité, dans la lettre du Barreau du Québec, une décision qu'avait prise le juge en chef Clyde Wells dans une de ses affaires.

L'effet de l'amendement est très clair. L'amendement va préserver dans la loi un pouvoir discrétionnaire que les tribunaux pourront exercer dans certains cas rares. Le tribunal sera toujours tenu de demander l'inscription automatique chaque fois qu'un accusé est déclaré coupable. Au moment du prononcé de la peine, l'accusé sera inscrit dans le registre, sauf dans les rares cas où le tribunal estime que l'effet de l'inscription ne serait pas proportionné à l'intérêt public protégé.

Cette recommandation émane de la Chambre des communes. Elle ne figure pas dans le projet de loi. Le projet de loi a supprimé cette exception et aujourd'hui, le Barreau du Québec a répété que les cours d'appel ont déclaré que le projet de loi devrait préserver ce pouvoir discrétionnaire. C'est là l'intention de l'amendement que je suis sur le point de proposer. Vous avez les amendements devant vous.

Le sénateur Angus : J'ai effectivement la loi, mais par contre dans votre amendement...

La présidente : Sénateur Angus, pourrions-nous attendre un peu pour avoir cette discussion?

Le sénateur Angus : Ce n'est pas une discussion. Le sénateur Baker a fait référence au paragraphe 4 dans ses commentaires et je ne trouve pas ce paragraphe dans l'amendement.

Le sénateur Baker : Sénateur Angus, je pense que j'ai rédigé l'amendement de cette façon pour qu'il contienne cette exception. Sénateur Angus, le légiste et conseiller parlementaire au Sénat, pour qui j'éprouve énormément de respect, m'a suggéré de procéder différemment. Les avocats de son bureau ont proposé de ne pas inclure l'exception dans l'amendement, mais de la conserver dans le Code criminel, en faisant référence à ce qui est changé avant que ce soit changé sans modifier les paragraphes 4 et 5, qui se trouvent déjà dans l'article du Code criminel.

La présidente : Sénateur Baker, voulez-vous proposer votre motion?

Le sénateur Baker : La motion est la suivante :

Que le projet de loi S-2 soit modifié à l'article 5,

a) à la page 5, par substitution, aux lignes 6 et 7, de ce qui suit :

« 5. (1) Les paragraphes 490.012(1) à (3) de la même Loi sont remplacés par ce qui suit : »;

b) à la page 6, par substitution, aux lignes 17 et 18, de ce qui suit :

« (2) L'article 490.012 de la même loi est modifié par adjonction, après le paragraphe 5, de ce qui suit :

(6) Si le tribunal ne décide pas de la question de rendre une ordonnance au titre des paragraphes (1) ou (3) au moment ».

J'ai examiné cet amendement, et il accomplit exactement ce que je proposais d'accomplir — et ce que le sénateur Joyal, le Barreau du Québec et le Comité de la Chambre des communes voulaient accomplir — il est formulé en ce sens.

[Français]

La présidente : Il est proposé, par le sénateur Baker, que le projet de loi S-2 soit modifié à l'article 5a) à la page 5, par substitution aux lignes 6 et 7, de ce qui suit :

5(1), les paragraphes 490...

[Traduction]

Dispense de discussion? Discussion, le sénateur Wallace suivi du sénateur Runciman.

Le sénateur Wallace : Le projet de loi S-2 a été présenté pour améliorer les outils d'enquête que le registre peut offrir au service d'application de la loi et pour mieux protéger la population.

Nous avons entendu de nombreux témoins — en particulier, des témoins qui représentaient des groupes de victimes — qui ont décrit, de façon très directe, les répercussions qu'ont eues les actes des délinquants sexuels non seulement sur les victimes, mais également sur les familles. Je sais que nous voulons tous prendre des mesures pour donner aux services de police les moyens de mieux protéger la population. Nous souhaitons tous protéger le plus possible de personnes contre ces infractions sexuelles.

Un des éléments clés du projet de loi est que les infractions désignées au sens du projet de loi entraîneraient l'inscription obligatoire au registre de ces délinquants sexuels. La raison est — et cela a été confirmé par le ministre et d'autres témoins — que les services d'application de la loi ont besoin d'avoir accès au plus grand nombre de renseignements possibles, des renseignements ciblés et qu'il faut que ces renseignements soient accessibles aux services de police et qu'il y ait le moins d'accusés possible qui ne figurent pas dans ce registre. Lorsqu'il y en a trop qui n'y sont pas, ce sont la population et les victimes qui en souffrent.

Les représentants des organismes d'application de la loi ont fortement appuyé le volet enregistrement automatique du projet de loi S-2. Nous savons que le ministère de la Sécurité publique a longuement consulté les services d'application de la loi et les ministères des procureurs généraux. Nous savons que le projet de loi, tel que rédigé, bénéficie d'un large appui.

Sénateur Baker, vous dites que votre amendement s'appliquerait à certaines situations très rares et que le pouvoir discrétionnaire serait préservé pour ces cas très rares. Sénateur, les paroles de M. Earls, le témoin d'hier, résonnent encore dans mes oreilles.

Comme vous vous en souvenez, M. Earls traite et s'occupe de délinquants sexuels depuis de nombreuses années. Il a ainsi examiné près de 2 500 délinquants. Il a déclaré que malgré toute cette expérience, il est toujours incapable de savoir ce qui se passe dans la tête des délinquants sexuels. Il n'est pas en mesure de dire, avec certitude, ce qu'un délinquant sexuel pourrait faire à l'avenir.

Dans ce contexte, il me paraît extrêmement important de préserver les dispositions du projet de loi qui prévoient l'inscription obligatoire. Cela me paraît important pour la protection de la population. Sénateur, je ne pourrais pas appuyer votre amendement.

Le sénateur Runciman : Je ne crois pas pouvoir ajouter grand-chose aux commentaires du sénateur Wallace. Et, dans un certain sens, ce pourrait être contraire au règlement et — cela est certain — à l'intention du gouvernement concrétisée dans le projet de loi.

Un des aspects importants sur lequel notre intention a été attirée au cours des débats était le fait que plus de 40 p. 100 des délinquants sexuels ne sont pas inscrits dans le registre. Je ne pense pas que nous ayons jamais obtenu des explications claires à ce sujet. Certains ont déclaré que les procureurs de la Couronne étaient peut-être pas aussi attentifs qu'ils le devraient lorsqu'il s'agit de présenter des demandes d'inscription et que cela pouvait également faire partie du marchandage de plaidoyer. La question de savoir pourquoi autant de personnes ne sont pas inscrites dans le registre soulève toute une série de questions. L'intention est ici d'en faire un processus administratif; l'inscription sera automatique.

Je comprends la préoccupation qu'a exprimée le Barreau du Québec — du moins je crois la comprendre — au sujet du pouvoir discrétionnaire des tribunaux. Je dirais toutefois qu'une grande partie de la population s'inquiète de ce qu'elle perçoit comme étant un abus des pouvoirs discrétionnaires. Nous avons vu que le gouvernement avait répondu à cette préoccupation en supprimant le crédit accordé pour le temps passé en détention avant le procès. Nous le voyons maintenant avec le projet de loi sur les drogues, qui a été présenté à nouveau à la Chambre des communes. Ce projet de loi s'attaque à ce problème en prévoyant des mesures qui, à mon avis, ont l'appui de la plupart des Canadiens. Malheureusement, même si je vous aime bien, sénateur, je ne peux pas appuyer votre amendement.

Le sénateur Carstairs : Je vais appuyer l'amendement. Je suis en faveur de l'amendement, parce qu'à mon avis, il ne supprime pas l'inscription automatique. L'accusé sera automatiquement inscrit, à moins que le tribunal ne déclare que l'affaire ne justifie pas l'inscription automatique et il doit alors motiver sa décision.

Cela concerne des affaires très rares et très limitées. Nous avons entendu un témoignage au sujet du garçon de 18 ans — et je pense encore que les jeunes de 18 ans sont des garçons et c'est peut-être parce que j'ai 68 ans — qui prend une photo de son amie de 17 ans dans une position compromettante et la place dans son téléphone. Ce jeune homme peut être accusé de pornographie, même si la fille et le garçon étaient d'accord pour que la photo soit conservée dans le téléphone du garçon. C'est une situation qui, je l'espère, ne se produit pas très souvent, mais je crains qu'elle se produise plus souvent que nous l'aimerions. Je ne suis pas certaine que ce jeune homme devrait être automatiquement inscrit dans le registre pour le restant de sa vie. Il peut utiliser certains processus, mais il ne sera jamais radié du registre.

[Français]

Le sénateur Poulin : Merci, madame la présidente. J'ai eu l'occasion, en tant que critique de cette législation, de prendre le temps d'analyser et de réfléchir longuement au projet de loi. Je suis tout à fait d'accord avec les objectifs proposés par le gouvernement, mais la raison pour laquelle j'appuie l'amendement que les sénateurs Joyal et Baker déposent aujourd'hui au comité — et extrêmement bien expliqué, je pense, par le sénateur Baker et par le sénateur Carstairs —, c'est que, finalement, la grande tradition de discrétion judiciaire au Canada est un avantage, dans notre système très respecté dans le monde entier. Nous avons toujours vu que la discrétion judiciaire a bien servi la justice, les victimes et les accusés. C'est donc la raison pour laquelle je pense que cet amendement, qui est déposé par le sénateur Baker, n'empêche pas l'atteinte de l'objectif du gouvernement, mais plutôt rehausse l'équilibre et la justice que nous cherchons tous dans notre système judiciaire.

Le sénateur Boisvenu : Les exceptions dans le Code criminel ne favorisent jamais les victimes; elles favorisent toujours les criminels.

Que le Barreau appuie cette proposition, sénateur Baker, cela ne me surprend pas, le Barreau québécois regroupe plus d'avocats de la défense que d'avocats de la Couronne.

J'ai une grande difficulté avec les exceptions dans le Code criminel. Je vais vous donner deux exemples de ce qu'étaient à l'époque des exceptions qui sont devenues la règle.

Premièrement, le compte en double du temps présentenciel devait être une mesure exceptionnelle mais elle est devenue, à la longue, une habitude.

Deuxièmement, les peines concurrentes qui devaient aussi être des exceptions : un homme viole une femme à plusieurs reprises et le juge, après avoir conclu qu'il s'agit de la même victime, du même criminel, de la même circonstance, rendra, par exemple, trois sentences de 24 mois, mais qui seront purgées en même temps.

J'ai beaucoup de difficulté avec les exceptions parce qu'elles ne favorisent jamais les victimes. Ils reconnaissent des droits exceptionnels aux criminels qui deviennent, à la longue, une habitude des juges. Donc, je ne peux pas appuyer votre amendement.

Si, dans un an ou deux, on s'aperçoit que l'exemple du jeune de 18 ans qui touche la fesse d'une dame se concrétise, on verra, mais actuellement, moi, comme sénateur représentant des victimes d'actes criminels, je ne peux pas accepter des exceptions parce qu'on ouvre la porte à des façons de faire qui vont devenir des habitudes.

[Traduction]

Le sénateur Lang : Sénateur Poulin, cela fait longtemps que les tribunaux ont des pouvoirs discrétionnaires. Notre système actuel est très discrétionnaire, au point où plus de 40 p. 100 des délinquants sexuels ne sont pas inscrits. J'estime que nous devrions supprimer ce pouvoir discrétionnaire. Bien évidemment, si nous revenons sur le principe, même si ça ne serait pas aussi discrétionnaire que ça l'était auparavant, je crois que nous irions à l'encontre de l'objectif du projet de loi.

L'autre aspect est que le projet de loi, tel qu'il est rédigé et tel que nos collègues l'ont mentionné, fait l'objet d'un large appui à la Chambre. Nous avons un gouvernement minoritaire. Il est important que ce projet de loi soit adopté. Il n'y a pas de projet de loi parfait. Je crois que la présidente l'a déclaré à plusieurs reprises. Nous aimerions beaucoup pouvoir présenter un projet de loi parfait mais, malheureusement, cela n'est pas possible. Je pense toutefois que nous nous en approchons. Il est important et impératif de prendre en compte la situation politique d'aujourd'hui et notre capacité de mettre en œuvre ce projet de loi pour qu'il ait l'effet que demandent nos policiers.

L'autre aspect que n'a pas abordé mon excellent ami le sénateur Baker, est que ce registre n'est pas un registre public, mais un registre confidentiel. Par conséquent, même si le fait d'être inscrit dans ce registre peut causer des difficultés — le projet de loi impose cette inscription, ce qui est regrettable pour ceux qui ont mal agi — en fin de compte, ce n'est pas un document public ou des renseignements publics, et c'est ce qui est important.

Nous avons élaboré une solution canadienne qui est différente de la situation aux États-Unis dans laquelle ces renseignements sont publics. Cela devrait, en partie au moins, rassurer le sénateur Baker dans la mesure où il s'intéresse au délinquant et non aux victimes.

De notre point de vue, il est important que ce projet de loi soit adopté tel que rédigé à cause de cet article particulier. Si nous ne le faisions pas, je pense que nous n'assumerions pas nos responsabilités.

[Français]

Le sénateur Carignan : Mon intervention sera assez courte. J'appuie mes collègues, particulièrement le sénateur Boisvenu. Je vais préciser que je suis en désaccord avec mon Barreau. Il arrive assez régulièrement, lors de ce genre de prise de position, que je sois en désaccord.

Pour les fins de l'enregistrement, et peut-être du point de vue technique, j'ai noté une distinction entre le texte français et le texte anglais. Afin de s'assurer que les procès-verbaux soient exacts, vous noterez que dans la version anglaise, le texte arrête à « an order » et en français, on continue après « une ordonnance au titre des paragraphes (1) ou (3) au moment [...] ». Il serait peut-être important de le préciser.

Je signale, à titre d'introduction en vue de mon discours de la semaine prochaine sur le bilinguisme judiciaire, que je n'ai pas eu besoin d'être bilingue pour voir la différence.

La présidente : C'est souvent le cas, étant donné que la version anglaise et la version française ne sont pas toujours de la même longueur. On doit souvent utiliser plus de lignes en français pour dire la même chose qu'en anglais. Dans un amendement, il y a plus de lignes à remplacer en français qu'en anglais. Et je pense que c'est le cas ici.

Le sénateur Carignan : Ce n'est pas la question des lignes, c'est plutôt dans le texte de l'article 6 qui dit : « au titre des paragraphes (1) ou (3) au moment », c'est écrit en français, mais on n'a pas l'équivalent en anglais.

La présidente : Justement, laissez-moi voir. Il nous faut le texte de la loi pour vérifier. C'est l'article 490.012.

[Traduction]

Le sénateur Baker : Non, je suis rarement en désaccord avec le sénateur Carignan; je cherchais simplement un moyen de ne pas être d'accord avec lui.

[Français]

La présidente : Est-ce qu'il y a une version française du Code criminel dans la salle?

Le sénateur Carignan : Je n'ai pas le mien.

La présidente : Non? Dorénavant, il y en aura toujours. Est-ce qu'il y en a un dans mon bureau?

[Traduction]

Pendant que nous recherchons cette raison, mes collègues seraient-ils disposés à reporter la discussion de l'article 5 et à passer à l'examen des articles 6 à 46?

[Français]

Le sénateur Carignan : Je ne pense pas que cela change le fond du débat. Je pense que les gens sont prêts à voter. C'est juste sur le plan de la rédaction de l'amendement, s'il y a une distinction, il faut s'assurer qu'elle n'existe pas dans les procès-verbaux.

La présidente : Je suis prête à parier que l'explication est ce que j'ai essayé d'indiquer. Par contre, nous ne pouvons pas voter sur un amendement si, effectivement, l'amendement ne dit pas la même chose dans les deux langues. Donc la question ayant été soulevée, il faudra la régler avant de voter. Si les collègues sont d'accord, on peut suspendre le vote sur l'amendement et sur l'article 5.

[Traduction]

Les articles 6 à 46 sont-ils adoptés? Êtes-vous d'accord?

Des voix : D'accord.

[Français]

La présidente : Nous avons maintenant le Code criminel dans les deux langues. En français et en anglais. Il faut donc faire la comparaison.

[Traduction]

Je vais demander aux attachés de recherche de la Bibliothèque du Parlement de le faire, et nous allons poursuivre, en reportant l'examen de l'article 47.

Des voix : D'accord.

La présidente : Les articles 48 à 65 sont-ils adoptés?

Des voix : D'accord.

La présidente : Nous sommes d'accord. Nous allons attendre les résultats de la recherche qu'effectuent nos experts.

Le sénateur Baker : Permettez-moi d'intervenir pour dire que je suis désolé. C'est moi le responsable, mais la version anglaise de l'amendement parle simplement de rendre une ordonnance. Dans la version française, l'amendement parle de rendre l'ordonnance prévue aux paragraphes (1) à (3). Je comprends que, comme vous le dites, nous devons procéder avec précision, en particulier, pour le cas où la Chambre des communes souhaiterait présenter le même amendement, mais cela me paraît être la solution la plus simple.

La présidente : J'en suis pratiquement certaine, parce que vous avez consulté le bureau du légiste et habituellement, ses collaborateurs ne nous laissent pas nous égarer.

Le sénateur Baker : Non, jamais.

La présidente : La question a toutefois été soulevée et je ne serais pas à l'aise de procéder à un vote à ce sujet tant que nous n'aurons pas la réponse. J'en suis désolée, sénateur.

Le sénateur Baker : La réponse est que, comme je l'explique, il y a une erreur dans la mesure où la version française parle de l'ordonnance prévue aux paragraphes (1) à (3) et que la version anglaise parle uniquement du fait que le tribunal n'envisage pas de rendre une ordonnance. L'ordonnance dont il est question est celle qui est visée aux paragraphes (1) à (3). Les deux versions disent donc exactement la même chose.

La présidente : Le Code criminel le dit. Vous n'avez pas la version française de l'amendement?

Le sénateur Wallace : Non.

La présidente : Elle devrait être au verso.

Le sénateur Baker : Comme le dit le sénateur Carignan, ce n'est pas un point essentiel, mais si l'amendement devait être adopté, il faudrait bien évidemment que les deux versions concordent. En fait, elles concordent. C'est simplement que la version française parle d'une « ordonnance au titre des paragraphes (1) à (3) », et que le paragraphe anglais parle d'ordonnance rendue aux termes de l'article antérieur. J'ai commis une erreur.

La présidente : Non, je ne pense pas que ce soit une erreur, sénateur Baker. Je pense que cela vient du fait que, si on avait inséré la traduction française des termes utilisés en anglais « if the court does not consider the making of an order », il aurait fallu utiliser plusieurs lignes. Il a donc fallu modifier un certain nombre de lignes pour arriver au bon endroit en français.

Le sénateur Baker : Cela ne concorde même pas toujours en français.

[Français]

Le sénateur Carignan : Je pense que c'est l'erreur de rédaction dans l'amendement, parce que la motion pour l'article 47, lorsqu'on regarde les deux versions, vous avez la référence aux sous-sections (1) ou (3), en français et en anglais, celle-là est exacte. Je crois que c'est la rédaction de la proposition d'amendement qui a été problématique.

[Traduction]

Le sénateur Wallace : S'il y a une erreur, j'aimerais faire ce qu'il faut pour la corriger pour que nous puissions nous prononcer sur le texte intégral du projet de loi.

Le sénateur Baker : Je ne peux pas modifier mon propre amendement aux termes du Règlement du Sénat. Il s'agit toutefois simplement de supprimer de la version française la référence aux paragraphes 1 à 3.

La présidente : J'ai peut-être trouvé une autre façon de le faire, chers collègues. Si nous étions prêts à parler d'erreur de frappe, nous pourrions autoriser la greffière du comité, après consultation du légiste et du comité de direction, à certifier l'amendement tel qu'il est et à le corriger, dans le cas où il contiendrait effectivement une erreur.

Le sénateur Carstairs : Je le propose.

La présidente : Je pense que c'est ce que nous devrions faire. J'examinerai la motion en question à la fin.

L'amendement est-il adopté?

Le sénateur Angus : Un instant. Il y a d'autres intervenants.

La présidente : Excusez-moi. Le sénateur Carignan m'a complètement troublée.

Le sénateur Angus : Je suis d'accord avec mes collègues au sujet de l'amendement, mais j'ajouterais que je suis membre en règle du Barreau du Québec. Lorsque j'ai vu la lettre, j'ai été quelque peu surpris. Je l'ai lue attentivement. Je n'ai pas consulté les milliers de membres du Barreau du Québec, mais j'en ai consulté un grand nombre, pour le plaisir de la chose.

Nous savons comment les choses se passent; il y a des sous-comités du Barreau. Certains représentent les avocats de la défense, par exemple, comme l'a dit mon collègue, le sénateur Boisvenu. Je n'éprouve aucune difficulté, sur le plan moral, éthique ou professionnel, à voter contre l'amendement, en sachant parfaitement que je suis membre du Barreau du Québec. Merci.

La présidente : Sénateur Baker, voulez-vous répondre à ces commentaires?

Le sénateur Baker : Non, et je vais modifier l'intervention du sénateur Angus et ajouter que c'est un membre éminent du Barreau du Québec.

Je pense que nous avons entendu d'excellentes interventions sur les deux côtés de cette question. J'estime que le vote sur l'article 5 tranchera également la question de l'article 47.

La présidente : Nous allons commencer par procéder au vote sur cet amendement.

L'amendement est-il adopté?

Des voix : Oui.

Des voix : Non.

La présidente : Que ceux qui sont en faveur de l'amendement le fassent savoir en disant « oui ».

Des voix : Oui.

La présidente : Ceux qui sont contre?

Des voix : Non.

La présidente : Je crois qu'il faut admettre que les « non » l'emportent. Voulez-vous un vote par appel nominal, sénateur Carstairs?

Le sénateur Carstairs : Je souhaite que nous procédions à un vote par appel nominal.

La présidente : La greffière va faire l'appel.

Shaila Anwar, greffière du comité : L'honorable sénateur Angus.

Le sénateur Angus : Non, contre l'amendement.

Mme Anwar : L'honorable sénateur Baker, C.P.

Le sénateur Baker : Oui.

Mme Anwar : L'honorable sénateur Boisvenu.

Le sénateur Boisvenu : Non.

Mme Anwar : L'honorable sénateur Carignan.

Le sénateur Carignan : Non.

Mme Anwar : L'honorable sénateur Carstairs.

Le sénateur Carstairs : Oui.

Mme Anwar : L'honorable sénateur Lang.

Le sénateur Lang : Non.

Mme Anwar : L'honorable sénateur Patterson.

Le sénateur Patterson : Non, si vous le permettez.

Mme Anwar : L'honorable sénateur Peterson.

Le sénateur Peterson : Oui.

Mme Anwar : L'honorable sénateur Poulin.

Le sénateur Poulin : Oui.

Mme Anwar : L'honorable sénateur Runciman.

Le sénateur Runciman : Non.

Mme Anwar : L'honorable sénateur Wallace.

Le sénateur Wallace : Non.

La présidente : Quatre oui, sept non, une abstention, la mienne. L'amendement est rejeté.

L'article 5 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

La présidente : Sénateur Baker, je crois que vous avez dit au sujet de ce vote que vous alliez retirer votre projet d'amendement à l'article 47.

Le sénateur Baker : Oui, je dois le retirer parce que nous ne souhaitons pas que la Loi sur la défense nationale dise quelque chose que le Code criminel ne dit pas.

La présidente : Très bien. L'article 47 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le sénateur Carstairs : Non.

La présidente : Adopté, avec dissidence. L'annexe est-elle adoptée?

Des voix : D'accord.

La présidente : L'article 1, qui contient le titre abrégé, est-il adopté?

Des voix : D'accord.

La présidente : Le titre est-il adopté?

Des voix : D'accord.

La présidente : Adopté. Le projet de loi est-il adopté?

Des voix : D'accord.

La présidente : Il est adopté.

Le comité souhaite-t-il annexer des observations au rapport, comme cela a été déjà discuté?

Le sénateur Carstairs : Oui.

La présidente : Nous allons siéger à huis clos pour cette discussion.

(Le comité poursuit ses travaux à huis clos.)

(Le comité reprend la séance publique.)

La présidente : Honorables sénateurs, le comité a décidé de ne pas joindre d'observations. Puis-je faire rapport du projet de loi au Sénat?

Des voix : D'accord.

La présidente : Je le ferai cet après-midi.

(La séance est levée.)


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