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Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Affaires juridiques et constitutionnelles

Fascicule 7 - Témoignages du 26 mai  2010


OTTAWA, le mercredi 26 mai 2010

Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, auquel a été renvoyé le projet de loi S-9, Loi modifiant le Code criminel (vol d'automobile et trafic de biens criminellement obtenus), se réunit aujourd'hui, à 16 h 14, pour examiner le projet de loi.

Le sénateur Joan Fraser (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente : Mesdames et messieurs les sénateurs, je constate que nous avons le quorum. Je vous souhaite la bienvenue à cette séance du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles.

[Français]

Nous entamons aujourd'hui notre étude du projet de loi S-9, Loi modifiant le Code criminel (vol d'automobile et trafic de biens criminellement obtenus). Nous avons le plaisir et le privilège d'accueillir comme premier témoin sur ce projet de loi l'honorable Rob Nicholson, ministre de la Justice et procureur général du Canada.

[Traduction]

Monsieur le ministre, puisque vous êtes un témoin expérimenté du comité, je n'ai pas besoin de vous expliquer la marche à suivre. Je crois que vous désirez faire une déclaration.

L'honorable Robert Nicholson, C.P., député, ministre de la Justice et procureur général du Canada : Merci beaucoup.

Mesdames et messieurs les sénateurs, je suis heureux d'être ici en compagnie de deux représentants du ministère de la Justice, Paula Clarke et William Bartlett. Je saisis avec joie cette chance d'ouvrir le débat sur le projet de loi S-9, Loi modifiant le Code criminel (vol d'automobile et trafic de biens criminellement obtenus).

Le projet de loi C-26, une version antérieure du projet de loi S-9, a reçu un ferme appui lorsqu'il a fait l'objet d'un débat à la Chambre des communes. Il a été très bien reçu. J'aimerais passer en revue les principaux éléments du présent projet de loi, puis je répondrai à toutes vos questions avec plaisir.

La mesure législative permettra au gouvernement de modifier le Code criminel en vue de s'attaquer aux problèmes engendrés par les réseaux complexes de vol d'automobiles et par d'autres types de crimes contre les biens qui sont aujourd'hui commis par des criminels organisés au Canada. Le projet de loi prévoit une infraction distincte pour le vol de véhicules à moteur, qui entraînerait une peine obligatoire de six mois d'emprisonnement dans le cas d'un individu poursuivi par mise en accusation pour une troisième infraction ou une infraction ultérieure. Il crée également une nouvelle infraction consistant à modifier, à enlever ou à oblitérer le numéro d'identification d'un véhicule, de même qu'une infraction de trafic de biens criminellement obtenus et de possession en vue du trafic de biens criminellement obtenus.

Le crime contre les biens, et en particulier le vol d'automobiles, fait des victimes, alors qu'on a parfois l'impression, à tort, que ce n'est pas le cas. Les Canadiens qui se sont fait voler leur voiture familiale ou dont le domicile a été la proie de voleurs se sentent violés et devront payer, entre autres, la franchise exigée par leur compagnie d'assurances, qui elle doit compenser ces pertes financières. Certains Canadiens n'ont pas d'assurances pour couvrir les pertes occasionnées par le vol de leur véhicule ou des biens qui étaient dans leur maison.

De plus, le vol d'automobiles fait des victimes en troublant la sécurité sur les routes au Canada. Une étude menée par le Comité national pour réduire le vol automobile a révélé qu'entre 1999 et 2001, 81 personnes ont perdu la vie lors de vol d'automobiles et 127 autres ont été grièvement blessées.

Un voleur qui prend la fuite au volant d'une voiture volée pour tenter d'échapper aux recherches de la police court un risque accru d'entrer en collision avec d'autres véhicules et de blesser des gens. Les parties intéressées, comme les forces fédérales et provinciales d'application de la loi qui sont profondément préoccupées par les répercussions du vol d'automobiles dans leurs communautés, ont fait appel au gouvernement fédéral afin qu'il s'occupe de ce crime grave.

Le projet de loi S-9 s'inscrit dans le cadre des efforts déployés par le gouvernement pour sévir contre les criminels qui choisissent de commettre des vols d'automobiles et d'autres types de crimes graves contre les biens. Il n'est que trop évident que le crime organisé est fortement impliqué dans le vol d'automobiles au pays.

Ces dernières années, les taux de vol d'automobiles au Canada sont demeurés inacceptablement élevés, tandis que le nombre de véhicules retrouvés a diminué. Cela indique que le crime organisé est de plus en plus mêlé au vol d'automobiles. Les spécialistes de l'application de la loi nous disent que les voitures non retrouvées sont probablement exportées dans d'autres pays par l'entremise de réseaux organisés de vol d'automobiles. Auparavant, on retrouvait plus de 90 p. 100 des voitures volées. Aujourd'hui, cette proportion est descendue à 70 p. 100 dans l'ensemble du pays, un taux qui varie d'une ville à l'autre.

On croit que les groupes du crime organisé commettent davantage de vols dans les grandes villes de l'Ontario, du Québec et de la Nouvelle-Écosse, ce qui s'explique en partie par la facilité d'accès aux ports, grâce auxquels ils peuvent expédier rapidement et assez aisément les voitures hors du pays. Parmi les quelque 147 000 voitures volées chaque année, la police et les compagnies d'assurances estiment qu'environ 20 000 sont expédiées à l'étranger.

Pour cette raison, la création d'une infraction distincte pour le vol de véhicules à moteur indique clairement aux éventuels voleurs que notre système de justice pénale veut sérieusement combattre le vol. Cette infraction proposée par le gouvernement est une infraction mixte punissable d'une peine maximale de 10 ans d'emprisonnement par mise en accusation ou de 18 ans par procédure sommaire.

Je crois que la création d'une infraction distincte pour le vol de véhicules à moteur aidera grandement le système de justice pénale à identifier les voleurs d'automobiles récidivistes et à leur infliger une peine minimale obligatoire dans le cas d'une troisième infraction ou d'une infraction ultérieure poursuivie par mise en accusation, peu importe si les deux infractions précédentes ont été poursuivies par mise en accusation ou par procédure sommaire.

À mon avis, l'imposition d'une peine minimale obligatoire pour un troisième vol de véhicules à moteur est un pas dans la bonne direction pour rétablir la confiance du public dans notre système de justice pénale. En ce moment, il arrive bien souvent qu'un procureur ne sache pas si un délinquant est un voleur de voitures professionnel. Normalement, le délinquant est simplement accusé du vol d'un bien d'une valeur de plus de 5 000 $, ou de la possession de biens d'une valeur de plus de 5 000 $, et le genre de bien qu'il a volé n'est pas précisé.

La création d'une infraction distincte pour le vol de véhicules à moteur aidera les tribunaux à avoir une meilleure idée des antécédents des délinquants lors des enquêtes sur le cautionnement et de la détermination de la peine. En fait, ce raisonnement tiendra également en ce qui concerne l'infraction proposée consistant à modifier le numéro d'identification d'un véhicule, dont je parlerai dans un instant.

Lorsqu'un individu est reconnu coupable de l'une ou l'autre de ces infractions, son casier judiciaire précisera clairement s'il est mêlé à un réseau organisé de vol d'automobiles. En retour, cela aidera les policiers et les procureurs de la Couronne à agir de la façon qui convient avec ces individus lors des enquêtes et des poursuites subséquentes.

Le vol lucratif de véhicules à moteur s'inscrit habituellement dans le cadre d'un cycle complet, qui comprend le vol et le camouflage de l'identité du véhicule ainsi que sa revente ou son exportation. L'une des façons de camoufler l'identité des véhicules et de les revendre est de modifier leur numéro d'identification. Pour l'instant, le Code criminel n'interdit pas directement de modifier, d'enlever ou d'oblitérer ce numéro. Ceux qui le font sont souvent accusés, en vertu de l'article 354 du Code criminel, d'infraction de « possession de biens criminellement obtenus ». Cet article comporte une disposition qui dit que la preuve qu'une personne a en sa possession un véhicule dont le numéro d'identification a été enlevé ou oblitéré fait preuve, en l'absence de toute preuve contraire, du fait qu'il a été obtenu par la perpétration d'un crime.

Toutefois, la modification du Code criminel proposée pour pallier cette lacune vise à créer une infraction consistant à modifier, à enlever ou à oblitérer, en tout ou en partie, le numéro d'identification d'un véhicule à moteur. On propose que toute personne qui commet l'infraction de modifier le numéro d'identification d'un véhicule soit passible, par mise en accusation, d'une peine d'emprisonnement maximale de cinq ans. Par procédure sommaire, cette personne serait passible d'une amende pouvant aller jusqu'à 2 000 $ ou d'une peine d'emprisonnement de six mois, ou bien des deux.

Il existe cependant un certain nombre d'activités légitimes qui justifient de modifier le numéro d'idenfication d'un véhicule, comme les réparations à la suite d'une collision. À cette fin, la disposition comprendrait également une exception expresse stipulant que le geste en question ne constitue pas une infraction s'il est effectué sur un véhicule à moteur dans le cadre de toute réparation, de son entretien normal ou dans tout autre but légitime.

Le crime organisé est également mêlé au vol d'automobiles et de biens en général, et ce, par l'intermédiaire du trafic de biens criminellement obtenus auprès d'ateliers de démontage ou d'autres réseaux de vol de biens de nature variée.

Les infractions de trafic proposées dans le projet de loi S-9 permettraient de s'attaquer à ces problèmes. Le trafic de biens criminellement obtenus, tout comme d'autres activités criminelles telles que le trafic de stupéfiants, la prostitution et la fraude, est l'une des nombreuses activités qui permettent au crime organisé d'être rentable au pays. Le projet de loi rendrait illégal le trafic de biens criminellement obtenus, ou la possession en vue du trafic de biens criminellement obtenus, y compris leur importation ou exportation.

L'article 354 du Code criminel, l'infraction générale concernant la possession de biens criminellement obtenus, qui entraîne un emprisonnement maximal de 10 ans pour des biens d'une valeur supérieure à 5 000 $, est la principale infraction du Code criminel utilisée à l'heure actuelle pour contrer le trafic de biens criminellement obtenus. Toutefois, cette infraction de possession ne couvre pas adéquatement l'ensemble des activités associées au trafic.

Les infractions proposées fourniraient une définition large du trafic qui inclurait la vente, la cession, le transfert, le transport, l'importation, l'exportation, l'envoi et la livraison de biens criminellement obtenus, de même que le fait d'offrir d'accomplir l'une ou l'autre de ces activités. Ainsi, les nouvelles dispositions législatives viseraient tous les intermédiaires qui participent au transfert du bien volé, à partir du moment où le crime a été perpétré et jusqu'au transfert du bien au destinataire final.

Les deux nouvelles infractions proposées entraînent des peines plus lourdes que l'infraction existante visant la possession de biens criminellement obtenus. Si la valeur du bien ayant fait l'objet du trafic dépasse 5 000 $, la peine maximale d'emprisonnement en cas de déclaration de culpabilité pourrait atteindre 14 ans. Si la valeur ne dépasse pas 5 000 $, il s'agit d'une infraction mixte, c'est-à-dire qu'elle entraînerait une peine d'emprisonnement maximale de cinq ans dans le cas d'une poursuite par mise en accusation, ou d'une peine maximale de six ans dans le cas d'une déclaration de culpabilité par procédure sommaire. Cette peine serait compatible avec le régime actuel de peines prévu dans le Code criminel.

Il vaut également la peine de signaler que si l'on constate qu'un acte criminel a été commis au profit ou sous la direction d'une organisation criminelle, ou en association avec elle, une infraction supplémentaire s'appliquerait aussi. Il appartiendrait à la Couronne de prouver l'élément additionnel démontrant l'existence d'un lien avec le crime organisé et d'obtenir une condamnation distincte aux termes de l'article 467.12 du Code criminel. La peine maximale pour cette infraction est de 14 ans, à purger, comme vous le savez certainement, consécutivement à toute autre peine pour le crime en cause.

Les infractions proposées visant le trafic répondraient également aux préoccupations des intervenants, tels que le Bureau d'assurance du Canada, qui préconise depuis longtemps un régime d'application plus sévère pour prévenir l'exportation de voitures volées. En vertu de la Loi sur les douanes, pour que l'Agence des services frontaliers du Canada puisse appliquer les pouvoirs administratifs de la loi aux mouvements transfrontaliers de biens criminellement obtenus, ces marchandises doivent être classifiées quelque part dans les lois fédérales comme étant interdites à l'importation et à l'exportation. Le projet de loi fournirait cette disposition de classification.

À l'heure actuelle, les agents de l'ASFC ne sont autorisés qu'à examiner et à confisquer les marchandises qui entrent au Canada ou qui en sortent pour déterminer si l'importation ou l'exportation sont conformes à la législation fédérale qui vise le transport des marchandises de part et d'autre de nos frontières.

Dans le cadre de son mandat, l'ASFC n'a pas un vaste rôle d'application de la loi, et ses agents ont ainsi des pouvoirs limités pour gérer les cas de transport de biens volés. La disposition de prohibition expresse dans ce projet de loi permettrait aux agents de l'ASFC d'examiner et de confisquer les biens volés, ce qui se traduirait au bout du compte par le dépôt d'accusations criminelles par la police. La modification proposée permettrait aux agents de l'ASFC de cibler des individus, de procéder à des interrogatoires et de confisquer ces biens. Ils pourraient ensuite faire des recherches dans les bases de données des forces de l'ordre pour déterminer si le vol de ces biens a été signalé et déférer le cas à la police, au besoin.

Le gouvernement travaille très fort pour présenter des mesures législatives qui aideront à protéger les Canadiens du crime organisé. En 2009, le projet de loi C-14 est entré en vigueur. La police et le système judiciaire disposent maintenant de nouveaux outils essentiels pour lutter contre le crime organisé. Notre programme S'attaquer au crime est vaste, et nous restons déterminés à préserver la sécurité dans nos rues et au sein de nos communautés.

Honorables sénateurs, le projet de loi S-9 permet au gouvernement de montrer qu'il tient toujours à améliorer la sécurité au Canada et qu'il prend les mesures qui s'imposent pour aider à prévenir le crime contre les biens, y compris le vol d'automobiles. La mesure législative aidera grandement les agents d'application de la loi et les poursuivants à s'occuper des délinquants qui volent des automobiles et s'adonnent au trafic de biens criminellement obtenus. Elle reçoit l'appui majoritaire des Canadiens, et nous leur devons de la faire adopter dès que possible.

La présidente : Merci beaucoup, monsieur le ministre. Nous allons passer aux questions.

Le sénateur Wallace : Merci, monsieur le ministre. Vous avez présenté un très bon exposé. Nous sommes ravis que vous soyez ici aujourd'hui.

Comme vous l'avez dit, le projet de loi correspond énormément à l'opinion que partagent les agents d'application de la loi partout au pays, et il comble les lacunes qu'ils ont relevées dans le Code criminel en matière d'infractions liées au vol d'automobiles.

Pourriez-vous préciser la teneur des discussions qui ont eu lieu partout au pays avec les forces d'application de la loi? Je suis étonné que la solution ne provienne pas uniquement d'Ottawa et qu'elle réponde plutôt à un problème qui existe partout au pays.

M. Nicholson : Sénateur, permettez-moi tout d'abord de vous remercier pour tout le travail que vous accomplissez en vue de faire avancer les choses en matière de justice pénale au Canada.

Je peux vous dire que les représentants des organismes d'application de la loi que je rencontre mentionnent quasiment toujours le vol d'automobiles. À leurs yeux, les lois sont clairement désuètes et ne tiennent pas compte des difficultés auxquels ils font face.

Selon l'endroit où je me trouve au pays, j'entends parler d'ateliers de démontage appartenant au crime organisé et de stratagèmes utilisés pour expédier des automobiles entières ou en pièces détachées hors du pays. J'entends aussi parler des lacunes de la loi actuelle. Les agents d'application de la loi se demandent combien de personnes possèdent des biens volés. Ils observent que, même s'ils procèdent à l'arrestation des personnes qui travaillent dans les ateliers de démontage, beaucoup d'autres individus impliqués dans le crime leur filent entre les doigts.

La proposition de créer une infraction distincte pour le vol d'automobiles a été très bien accueillie. Permettez-moi de reprendre les propos d'un ancien procureur général du Manitoba, qui a souligné que le Code criminel comporte un article distinct pour le vol d'une vache, mais pas pour le vol d'une automobile.

Je félicite mes homologues provinciaux du Manitoba et de la Saskatchewan pour le travail qu'ils accomplissent en matière d'intervention. Ils ont également mis en place différents mécanismes pour essayer d'intercepter les voleurs d'automobiles ainsi que de mettre un frein à leurs activités ou d'en réduire la fréquence dans plusieurs de leurs communautés. Toutefois, ils ont très clairement laissé savoir qu'ils voulaient qu'une mesure comme le projet de loi dont nous sommes saisis aujourd'hui soit mise en place.

Le projet de loi a été très bien accueilli. Je le répète, les agents d'application de la loi que je rencontre parlent quasiment toujours du vol d'automobiles. C'est une autre excellente raison d'adopter le projet de loi.

Le sénateur Wallace : Comme vous l'avez souligné, monsieur le ministre, votre ministère semble vouloir concentrer ses efforts sur le crime organisé, comme en témoignent ce projet de loi ainsi que d'autres mesures législatives qu'il a élaborées. Il y a de graves problèmes au pays; nous devons adapter le Code criminel et d'autres lois en conséquence.

Je me demande si vous aimeriez ajouter autre chose à propos des répercussions que vous croyez que ce projet de loi aura sur le crime organisé. Dernièrement, j'ai entendu dire que, en moyenne, 400 voitures sont volées chaque jour au pays. Évidemment, un grand nombre de ces vols sont liés aux organisations criminelles. Par conséquent, je me demande quelles répercussions vous espérez que ce projet de loi aura sur la criminalité.

M. Nicholson : Cela fait partie du message. Au cours des 20 ou 30 dernières années, la nature de la criminalité a changé au pays. Les opérations que les organismes d'application de la loi tentent de contrer sont de plus en plus sophistiquées; j'en entends continuellement parler. Le crime a de moins en moins de frontières, et c'est pourquoi les dispositions concernant l'Agence des services frontaliers du Canada ont été proposées.

Il ne s'agit pas seulement de voler des voitures et de les vendre dans la ville voisine. J'ai mentionné que 20 p. 100 de ces voitures sont expédiées à l'étranger; elles ne sont plus ici. C'est pourquoi elles sont introuvables.

Ils me disent tous la même chose. Ils disent que même si les crimes deviennent de plus en plus complexes, on n'a pas mis à jour le Code criminel au cours des 100 dernières années. Il faut mettre les lois à jour pour qu'elles tiennent compte des problèmes actuels. C'est ce qu'ils me disaient. Si des agents d'application de la loi comparaissent devant vous, je suis certain qu'ils vous confirmeront ce que je vous dis.

Le sénateur Baker : J'aimerais obtenir des témoignages d'agents d'application de la loi qui ont été importants pour ce projet de loi. Monsieur le ministre, avec votre permission, j'aimerais également que M. Bartlett réponde à certaines questions puisqu'il a témoigné devant le comité de la Chambre des communes sur la justice lorsqu'il était question de ce projet de loi tout récemment. M. Bartlett est bien connu; des juges de la Cour supérieure l'ont cité il n'y a pas longtemps devant notre comité et il jouit d'une haute estime.

Tout d'abord, on cite les propos de l'Association canadienne de la construction et d'un organisme dont le sigle est OSWCA à la page 9 de la séance du 8 juin 2009 du Comité permanent de la justice et des droits de la personne. Un homme de 32 ans qui a de l'expérience en matière d'application de la loi à la Police provinciale de l'Ontario a dit ce qui suit :

J'ai parlé à des enquêteurs du Bureau d'assurance du Canada, à l'agent responsable de l'équipe de lutte contre les vols d'automobiles en Ontario, ainsi qu'à des enquêteurs des corps policiers régionaux de Peel et de York, et tous partagent mes inquiétudes au sujet des défenses nouvelles et injustifiées que fournira aux criminels le paragraphe 353.1(3) s'il est adopté.

[...] l'ajout du paragraphe 351.1(3) proposé créera une série de nouvelles défenses pour les criminels impliqués dans le vol d'automobiles et d'engins de chantier. Nous pressons le comité de supprimer le paragraphe 351.1(3) proposé.

J'aimerais avoir vos commentaires sur cette intervention.

M. Nicholson : Encore une fois, l'honorable sénateur fait référence à la défense d'une personne qui modifie le numéro d'identification d'un véhicule pour des raisons légitimes. Il me semble, monsieur le sénateur, qu'il n'est que raisonnable qu'on ne veuille pas arrêter des gens qui ne sont pas membres du crime organisé et qui n'ont pas d'atelier de cannibalisation.

Je crois comprendre votre position. Vous aimeriez que nous durcissions ces dispositions encore davantage et qu'il y ait un moins grand nombre d'exceptions. S'agit-il de la tendance actuelle? Je serais très heureux de vous entendre parler de cette tendance, monsieur le sénateur. Encore une fois, je crois que vous constaterez que c'est très soigneusement rédigé. M. Bartlett ou Mme Clarke veulent peut-être intervenir.

Toutefois, nous ne voudrions pas que la nouvelle infraction liée à la modification du numéro d'identification d'un véhicule s'applique à des personnes qui font légitimement partie d'un organisme d'application de la loi ou qui aident de tels organismes.

Le sénateur Baker : Il s'agit d'une personne qui a été membre de la Police provinciale de l'Ontario pendant 32 ans, qui cite les corps policiers régionaux de Peel et de York.

Permettez-moi de me référer à une séance récente de notre comité qui portait sur ce projet de loi. Le sergent-détective Stephen Boyd du Bureau de la lutte contre le crime organisé de la Police provinciale de l'Ontario y a comparu. Le 10 décembre 2009, il a dit devant ce comité, et je cite ce qui apparaît aux pages 13 et 14 du compte-rendu :

À mon avis, le projet de loi crée sans vouloir des obstacles à la répression de ces crimes en prévoyant des exceptions [...] le projet de loi crée des exceptions légales à un acte prohibé.

Nous croyons que cette disposition rendra plus difficile l'obtention d'une condamnation.

Il s'agit du témoignage du Bureau de la lutte contre le crime organisé de la Police provinciale de l'Ontario. L'organisme s'oppose vivement à ce paragraphe du projet de loi, qui, selon lui, fournit une défense. Que répondriez- vous à ce type de critique, monsieur Bartlett?

William Bartlett, avocat-conseil, Section de la politique en matière de droit pénal, ministère de la Justice Canada : Sénateur, pour commencer, il n'y a pas qu'un seul numéro d'identification d'un véhicule. Un véhicule peut avoir jusqu'à 18 NIV sur différentes parties.

La présidente : S'agit-il des mêmes numéros?

M. Bartlett : Ce sont les mêmes numéros. Nous pensons au numéro d'identification que nous voyons sur le tableau de bord, mais ce même numéro apparaît sur le bloc-moteur et à d'autres endroits. Il est commun, dans les activités normales entourant la réparation, en particulier après des collisions, ou au cours de modifications, que l'un ou l'autre des NIV apparaissant sur le véhicule soit enlevé ou oblitéré. Pour constituer une infraction solide, nous devons expliquer très soigneusement et de façon ciblée ce qui constituerait un enlèvement illégal, ou, comme dans le cas du paragraphe proposé, ériger en infraction le fait d'enlever, de modifier ou d'oblitérer le NIV, et ensuite décrire les exceptions qui conviennent pour les activités légitimes.

En ce qui concerne les témoignages des membres des corps policiers que vous avez entendus, ils craignent un mauvais usage de la défense. Je ne crois pas qu'ils soient contre l'idée d'inscrire l'entretien régulier ou les modifications légitimes d'un véhicule par le propriétaire comme exception valable, dans le sens qu'on ne veut pas viser cette activité. On veut viser uniquement les gens qui enlèvent les numéros lorsqu'ils volent une automobile, mais on ne peut pas le dire simplement de cette façon. Ils craignent un mauvais usage de la défense, mais les procureurs de la Couronne n'ont pas dit qu'ils ne seraient pas capables de faire la distinction. En temps normal, ces exceptions ne s'appliqueront pas, et ils ne semblent pas penser qu'il serait trop difficile de poursuivre en justice si la défense affirme que le but était légitime. Ils pensent que les circonstances permettront de juger si les activités sont légitimes ou non.

Le sénateur Baker : Monsieur Bartlett, je suis certain que le ministre et vous serez d'accord pour dire que la recherche du NIV du véhicule qui a été utilisé dans les récents attentats à la bombe dans le quartier de Times Square à New York a mené à l'arrestation du criminel. Le NIV secondaire inscrit sur le support du moteur était intact, même si le NIV original sur le dessus du tableau de bord avait été oblitéré. Une recherche sur ce NIV a mené à l'arrestation subséquente.

Ces déclarations faites par des corps policiers devant notre comité et le comité de la Chambre me préoccupent. De plus, j'ai été surpris d'entendre un représentant de la même section des crimes tenir ces propos après avoir parlé du vol de la corvette d'Eric Lindros et de tous les NIV qui y ont été enlevés. M. Boyd a dit :

J'ai parlé à plusieurs procureurs de la Couronne de la province et ils m'ont également fait savoir que c'était ce qu'ils pensaient.

Cela me préoccupe d'autant plus que ce n'est ni vous ni le ministre qui portez les accusations. C'est la police qui porte les accusations. Comme vous le dites, le procureur de la Couronne est chargé des poursuites. S'ils disent tous que cette disposition fait la part belle aux avocats de la défense, pourquoi est-elle là? On a déjà l'expression « sans excuse légitime » dans la même disposition, qui ne faisait pas partie du projet de loi C-64 original lorsqu'il a été présenté au cours de la 38e législature.

M. Bartlett : Dans une version antérieure, comme l'infraction liée à la modification du NIV avait été élaborée de façon différente, elle créait en quelque sorte une inversion de la charge de la preuve, ce qui soulevait des préoccupations en ce qui a trait aux contentieux et aux contestations fondés sur la Charte. Comme je l'ai dit, elle débute simplement par une interdiction très large qui ne peut pas suffire. Si l'on avait simplement le paragraphe 1 et qu'on disait qu'enlever, modifier ou oblitérer un NIV constituent une infraction, on aurait une disposition totalement inutilisable, car ces actes se produisent couramment, chaque jour, dans les activités légitimes normales. Le paragraphe 3 est précis et clair pour tout le monde, tant pour ceux qui exécutent la loi que pour ceux qui pourraient commettre cette infraction. On précise clairement qu'il ne s'applique pas au travail légitime effectué tous les jours dans un garage sur une voiture qui a été impliquée dans une collision ou dont des parties importantes doivent être remplacées. Ce paragraphe précise l'exception qui rend l'interdiction originale valable en vertu du droit pénal et conforme aux exigences de la Charte.

Le sénateur Angus : Monsieur le ministre, tout comme vous, je me félicite que le sénateur Baker souhaite vivement durcir ces lois le plus possible. S'il existe une façon de les durcir en modifiant la charge de la preuve au paragraphe en question, je suis sûr que vous ne vous y opposerez pas vraiment, et je ne m'y opposerai certainement pas non plus.

Dans votre déclaration préliminaire, vous avez dit que la raison d'être de ce projet de loi, c'est de contrer ou de réduire les vols de véhicules parce que les lois ne sont pas assez sévères. La faiblesse du régime juridique actuel constitue-t-elle la principale raison du grand nombre de vols d'automobiles, ou bien existe-t-il d'autres raisons plus graves?

M. Nicholson : Je crois que la question est un peu plus compliquée que cela, monsieur le sénateur. Deux types d'activités sévissent au pays, et ce projet de loi porte sur les deux. À un certain moment, nous avons voulu nous pencher sur un type d'activité, et ensuite je me suis demandé pourquoi nous n'inclurions pas l'autre; nous avons donc tout maintenant.

Nous parlons de deux types d'activités criminelles. L'une d'elles, c'est le crime organisé qui vole une voiture pour l'amener dans un atelier de cannibalisation, exporter la voiture ou ses pièces, ou la recycler en quelque sorte. Il s'agit d'un aspect. Les organismes d'application de la loi de diverses grandes villes canadiennes m'ont dit haut et fort que c'est un grave problème. D'autres personnes m'ont égalemement dit que des gens inexpérimentés, qui ne font pas partie nécessairement du crime organisé, volent une voiture et l'abandonnent, la volent de nouveau, et font d'autres choses du genre. Le projet de loi porte sur les deux aspects.

Nous avons abondamment discuté de l'aspect qui concerne le crime organisé, mais, encore une fois, en faire une infraction distincte permet au procureur de la Couronne de savoir de quoi il parle. Des procureurs de la Couronne m'ont dit, en effet, qu'ils n'étaient pas certains de savoir de quoi la personne a été reconnue coupable, et vous savez quoi? Il est en fait souvent plus dangereux de voler une voiture que de voler d'autres types de biens dans notre pays. Pourquoi? Parce que souvent, on met la vie des gens en danger. Des gens se font tuer lorsque des personnes conduisent de façon dangereuse ou tentent d'échapper aux forces de l'ordre. Faire de cette infraction une infraction distincte permet à tous de savoir à quoi ils font face. Si quelqu'un s'est engagé sur la mauvaise voie en devenant un voleur de voitures en série, le procureur et tout le monde devraient le savoir.

Même la disposition qui impose une peine d'emprisonnement de six mois pour une troisième condamnation — et on parle ici de trois condamnations pour vol de voiture — vise les personnes qui ont un problème grave. Nous devons nous pencher sur ce problème et envoyer le bon message, c'est-à-dire que ce comportement est totalement inacceptable. Ainsi, nous laissons à la discrétion du procureur de la Couronne de procéder par voie de mise en accusation lorsque les circonstances le justifient et d'établir les peines qui conviennent. Il faut nous pencher sur les deux aspects.

Un de mes collègues, Andrew Scheer, a présenté un projet de loi d'initiative parlementaire portant sur le vol de voiture, qui pour la première fois, rendait cette infraction distincte dans le Code criminel, et je l'ai félicité et remercié de ses efforts. Lui et bien d'autres de mes collègues sont très heureux de voir que tout cela fait maintenant partie de ce projet de loi.

Je peux dire que tant les agents d'application de la loi que les procureurs de la Couronne sont très heureux que l'on prévoit une infraction distincte pour la modification du numéro d'identification du véhicule. Ils sont très heureux que ce soit une infraction distincte, et je peux dire que l'idée d'une infraction distincte et de peines séparées pour le vol de voiture sera très bien reçue. Ce sont là des pas dans la bonne direction, monsieur le sénateur. Il nous faut agir sur ces points.

Le sénateur Angus : Mon deuxième point portait sur cet ajout pour la troisième infraction, qui me pose problème. Pourquoi ce n'est pas la deuxième infraction et pourquoi pas 12 mois ou 2 ans? Mais, vous en avez parlé.

M. Nicholson : Je vais aborder cette question si vous le voulez.

M. Nicholson : Je sais que, la prochaine fois, le sénateur Baker voudra que les personnes qui sont reconnues coupables de vol d'automobile pour la première ou la deuxième fois soient condamnées à une peine d'emprisonnement obligatoire, et je vais m'opposer à cet argument. Je dirai que la personne qui est la mieux placée pour déterminer au cas par cas si une telle peine est requise est l'avocat de la Couronne.

Le sénateur Angus : Je viens d'une des deux villes que la documentation qualifie de principaux sièges du vol d'automobile, c'est-à-dire Toronto et Montréal. Je ne vous dirai pas laquelle. La ville de Winnipeg est-elle également mentionnée dans la documentation?

En fait, au cours de la dernière année, le hasard a voulu que je vive trois situations de ce genre, soit en tant que témoin, soit par l'entremise d'un membre de ma famille, parce que les gangs de rue exercent leurs activités partout. Un membre de ma famille a conduit jusqu'à son domicile, a laissé sa clé dans le contact, a ramassé un sac à provisions qui se trouvait sur le siège arrière et est entré dans sa maison pour l'y déposer. Pendant ce temps, littéralement à dix mètres de là, quelqu'un s'est glissé dans la voiture et s'est enfui avec elle.

Le motif derrière ma première question est qu'à mon avis, on s'attaque aux automobiles parce que, comme vous l'avez indiqué, les peines sont légères. Ce n'est pas parce qu'il vaut mieux voler des automobiles que des téléviseurs, des collections de timbres ou des bijoux.

Cela cadre-t-il avec ce que vous savez? Il ne fait aucun doute que le problème est endémique à l'heure actuelle et que les gens se saisissent de voitures en plein jour. Il est évident que les gens organisés embauchent des groupes de personnes qui sont prêts à commettre ce genre de crimes.

M. Nicholson : J'ai parlé à des gens chargés du maintien de l'ordre tant au Manitoba qu'en Saskatchewan. Ils ont eu l'obligeance de me décrire certains des efforts qu'ils déploient pour réduire le nombre de vols d'automobile dans leur collectivité. J'ai été très impressionné par leurs initiatives, et je pense que, si l'on compare le nombre actuel de vols à celui d'il y a trois ou quatre ans, on constate qu'elles ont un effet bénéfique.

Je ne fais pas abstraction du problème, ni ne minimise son importance. Il s'agit d'un problème majeur, et j'ai indiqué à mes collègues, les procureurs généraux provinciaux, que nous ferons ce qui est en notre pouvoir. Toutefois, au cours des discussions que j'ai eues à ce sujet au fil des années, les gens ne sont pas tombés d'accord pour dire à l'unanimité que les contrevenants qui en sont à leur première infraction devraient être condamnés à des peines d'emprisonnement obligatoires. Un certain nombre d'entre eux ont affirmé qu'il y avait d'autres façons de gérer les personnes qui commettent ce genre d'erreurs, mais la plupart d'entre eux conviennent qu'à un moment donné ou à un autre, on doit leur indiquer que les choses ne peuvent pas continuer ainsi et — ils sont tous d'accord pour dire — que voler une automobile est très différent de voler 10 000 $. Lorsqu'on zigzague dans une collectivité au volant d'une voiture volée, on met sa population en danger.

J'entends souvent parler de gens qui volent des voitures et qui sont peut-être membres d'un gang ou du crime organisé mais, dans d'autres collectivités, j'entends effectivement parler d'activités très élaborées qu'exercent les ateliers de cannibalisation et l'import-export, comme vous l'avez mentionné dans votre déclaration. Le vol d'automobile comporte de nombreuses facettes, et je suis heureux de constater que ce projet de loi les cerne toutes.

Le sénateur Angus : Merci. Je suis d'accord avec vous.

Le sénateur Lang : J'ai été la victime d'un vol d'automobile. Je connais par expérience les démarches qu'il faut entreprendre pour récupérer son bien et toutes les autres mesures qu'il faut prendre, comme faire réparer le véhicule vandalisé. Le temps que cela exige est un sacrifice en soi. Je peux comprendre ce que vous dites lorsque vous qualifiez de victimes les Canadiens qui ont vécu ce genre d'expériences.

J'aimerais que vous nous donniez des éclaircissements à propos du fait qu'il y a quelques années, nous retrouvions 90 p. 100 des véhicules, alors qu'aujourd'hui nous n'en récupérons plus que 70 p. 100, ce qui fait une énorme différence du point de vue du nombre de véhicules récupérés. Cela signifie qu'à l'heure actuelle, 20 000 véhicules sont exportés du Canada et que cela est en partie imputable aux lois en vigueur.

Les organismes d'application de la loi et les instances provinciales auxquels vous avez parlé ont-ils indiqué que l'adoption de ce projet de loi — et d'un projet de loi peut-être encore plus musclé quand le sénateur Baker en aura terminé avec lui — leur permettra d'empêcher l'expédition de 20 000 véhicules hors du pays? L'adoption du projet de loi forcera-t-elle un certain nombre de réseaux organisés à interrompre leurs activités?

M. Nicholson : Dans ma déclaration liminaire, j'ai indiqué que ces activités étaient de plus en plus astucieuses et qu'elles ne connaissaient aucune frontière. J'ai mentionné qu'elles étaient à grande échelle et que les dispositions actuelles du Code criminel ne permettaient pas d'y mettre un terme. L'une des dispositions qui est accueillie avec beaucoup de satisfaction concerne les changements qui seront apportés aux fonctions et aux pouvoirs des agents des services frontaliers du Canada. Ceux-ci seront en mesure d'intercepter les biens expédiés au Canada ou hors du Canada. Le sénateur Angus a parlé de la conteneurisation. J'ai entendu dire maintes et maintes fois que les lois actuelles n'autorisent pas l'Agence des services frontaliers du Canada à enquêter sur ce qui entre et ce qui sort du pays. Une voiture n'est pas en tant que telle une marchandise prohibée; contrairement à une drogue ou à un fusil illégal. Les lois doivent être modifiées; elles doivent être actualisées. J'ai dit aux gens qui m'ont aidé à élaborer cette mesure législative que c'était l'une de mes parties préférées du projet de loi. Les nouvelles dispositions du Code criminel m'intéressent énormément, et je suis heureux d'avoir présenté ce projet de loi. Mais modifier les dispositions relatives aux agents des services frontaliers du Canada — qui relèvent directement de mon collègue, le ministre de la Sécurité publique — est l'un des aspects de ce projet de loi que je préfère, car j'ai entendu dire à maintes reprises que les voitures étaient expédiées hors du pays et que les lois actuelles étaient complètement inefficaces quand on souhaitait s'attaquer à ce problème.

Encore une fois, quand vous entendrez ces témoins — j'espère qu'ils ne seront pas trop nombreux —, j'ignore si vous serez en mesure de discerner que le projet de loi est bien accueilli et soutenu, mais je suis pas mal certain qu'ils vous diront la même chose. Je suis sûr qu'ils expliqueront au comité que c'est exactement ce dont nous avons besoin, car il nous faut cerner toutes les facettes de ces activités. Nous ne pouvons pas cibler seulement quelques-unes d'entre elles.

Même si je reprends ce que je disais au sénateur Angus à propos de la personne qui vole une automobile, nous avons besoin de l'ensemble complet des dispositions pour combattre cet acte criminel. Encore une fois, j'ai été très impressionné par les mesures que mes collègues, en particulier ceux du Manitoba et de la Saskatchewan, prennent pour intervenir, car ces mesures font partie de la solution. Elles en représentent une partie — une partie importante, mais insuffisante. Ce projet de loi est complet et accomplira le travail.

Le sénateur Lang : L'Agence des services frontaliers du Canada dispose-t-elle du personnel nécessaire pour contrôler l'application de cette mesure législative?

M. Nicholson : Le ministre m'assure que oui.

Le sénateur Runciman : Je ne suis pas surpris que le sénateur Baker soit du genre à ne pas faire de quartier. Toutefois, je pense qu'il a soulevé un point valable, s'il est vrai que les services de police et les gens qui s'emploient à réduire ou à stopper ce genre d'activités sont préoccupés par la mesure législative proposée.

Vous avez laissé entendre que, dans sa version originale, la mesure législative avait soulevé des inquiétudes par rapport à la Charte. Comment proposez-vous de les dissiper?

M. Bartlett : Mon collègue m'a rappelé une version plus ancienne du projet de loi. Nous avons envisagé plusieurs façons de cerner cette activité. Nous avons réglé la question très vaste de la suppression et de la modification des numéros d'identification des véhicules qui, comme je l'ai dit, sont des activités légitimes que tous les ateliers de carrosserie et les garages du Canada exercent quotidiennement.

Dans une version plus ancienne du projet de loi, une disposition exigeait que les avocats de la Couronne prouvent que le numéro d'identification avait été supprimé en vue de maquiller le véhicule. Cela les a fait réagir. Ils nous ont dit que cette disposition leur occasionnerait de véritables difficultés parce qu'ils seraient forcés de prouver le but précis de la suppression. Comme vous le savez, prouver l'intention exacte d'un acte est ardu dans le cadre d'une poursuite criminelle.

La mention « sans excuse légitime » est un moyen traditionnel et éprouvé de gérer les situations dans lesquelles on ne peut pas nécessairement prévoir toutes les circonstances et encore moins les décrire adéquatement dans la disposition relative à l'infraction, et que les avocats de la défense pourraient invoquer comme excuse légitime. Cependant, ce qui est prévu au paragraphe 3 n'est pas un cas rare. C'est un événement régulier.

En ce qui concerne les témoins de la police, je doute qu'aucun d'entre eux ne prétende qu'il est inacceptable de retirer le numéro d'identification d'un véhicule pendant son entretien régulier, sa réparation ou sa modification. Comme je l'ai dit, cela se produit tous les jours.

Je présume qu'ils craignent qu'on recoure trop souvent à cette défense. Cependant, les avocats de la Couronne ont dit au sénateur Baker que cela les préoccupait. Ce n'est pas ce que j'ai entendu. En pratique, compte tenu des circonstances dans lesquelles ils appliqueront cette infraction, ils ont le sentiment qu'ils seront en mesure de contrer adéquatement les insinuations de ce genre.

S'il s'agit d'un numéro d'identification retiré d'un véhicule volé, nous partons d'un ensemble de circonstances dans lesquelles il sera extrêmement difficile de prétendre que le retrait du numéro d'identification était parfaitement justifié, bien qu'il puisse arriver qu'un garage le fasse sans savoir qu'il s'agit d'un véhicule volé. Voilà le genre de situations qui doivent être exemptées d'une interdiction très généralisée englobant toute une gamme d'activités que, manifestement, on ne souhaite pas criminaliser.

Le sénateur Runciman : Dans la documentation, je n'ai remarqué aucune indication que les vols d'automobile servaient à appuyer des activités terroristes. Je me demande s'il y a un lien entre les deux. J'ai lu que des organismes américains soi-disant caritatifs mêlaient des véhicules volés à leurs envois de secours afin de financer des activités terroristes. Est-ce une préoccupation au Canada?

M. Nicholson : Les organismes d'application de la loi de la plupart des grandes villes que j'ai visitées m'ont parlé de gangs, de crime organisé et d'activités criminelles. Je n'exclus pas la possibilité qu'un tel lien existe mais, en toute justice, je ne me souviens pas en ce moment d'une seule occasion où ils ont évoqué un lien avec le terrorisme.

Le sénateur Runciman : Cette mesure législative aura-t-elle une incidence sur les délinquants juvéniles? Les gens craignent toujours que le crime organisé se serve des délinquants juvéniles pour commettre un éventail d'infractions.

Si quelqu'un est reconnu coupable deux ou trois fois en tant que délinquant juvénile, puis en tant qu'adulte, les peines minimales obligatoires s'appliquent-elles?

M. Nicholson : Ce sont les dispositions de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents qui s'appliqueront. Celles-ci seront modifiées bien assez vite. J'imagine que vous allez vouloir que je revienne parler d'elles également.

Le sénateur Carstairs : De 2007 à 2008, le taux de vols d'automobile qui, selon le sénateur Wallace, correspondait à 400 par jour a en fait diminué de 14 p. 100. En 2008, il s'élevait à 343 par jour. Quel est le taux pour 2009?

M. Nicholson : On me dit qu'il se chiffrait à 147 000 en 2009.

Le sénateur Carstairs : Par conséquent, il est remonté. Il n'a pas continué de régresser.

M. Nicholson : On me dit qu'il fluctue.

Le sénateur Carstairs : Ce qui m'inquiète surtout c'est le concept du vol sur demande dont nous n'avons pas parlé du tout. Oui, certains véhicules sont exportés, mais il y a aussi des réseaux organisés qui volent des voitures sur demande. Si quelqu'un souhaite se procurer un VUS particulier, on vole le véhicule désiré en Ontario, et on le vend en Colombie- Britannique.

A-t-on tenté d'enquêter sur les gens qui achètent ces voitures? Je pense qu'ils savent ce qu'ils font. En ce qui me concerne, il s'agit d'une activité criminelle. Disposons-nous de moyens pour remédier à cette situation?

M. Nicholson : Je vais me reporter à l'article 355.1 proposé, possession et trafic, pour dire qu'il y a, dans ce projet de loi, de nombreuses dispositions concernant le trafic. Elles concernent tout le monde et, par conséquent, elles concernent les personnes qui encouragent quelqu'un d'autre à voler sur commande.

Le sénateur Carstairs : Je ne pense pas qu'ils encouragent nécessairement d'autres personnes. Je pense qu'on les approche et qu'on leur dit qu'il y a un très bon véhicule à vendre et on leur demande si c'est quelque chose qui les intéresse. Alors, cette personne dit : « Non, je m'intéresse à tel ou tel véhicule ». Ensuite, comme par magie, deux ou trois semaines plus tard ce véhicule est maintenant à vendre.

M. Nicholson : Sénateur, ces personnes n'aimeront pas ce projet de loi, je peux vous l'assurer. Pour eux, c'est une mauvaise nouvelle.

Le président : Ne vaudrait-il pas la peine d'examiner la possibilité de faire, dans cet article, une infraction particulière du fait de solliciter quelqu'un pour faire ce genre de choses? Vous parlez de la vente, de la cession, du transfert, du transport, de l'exportation, de l'importation, de l'emploi, de la livraison et de tout autre mode de disposition, et de toute offre d'accomplir l'un de ces actes, mais vous ne parlez pas du point soulevé par le sénateur Carstairs.

M. Nicholson : « Ou de tout autre mode de disposition ou de toute offre d'accomplir l'un de ces actes. »

M. Bartlett : Je pense que l'infraction de trafic pourrait très bien couvrir ces personnes, mais ces dernières pourraient très bien être coupables du vol initial en ce sens qu'elles peuvent avoir participé à un complot. Lorsqu'elles reçoivent le véhicule, elles ont en leur possession des biens criminellement obtenus, ce qui est prévu dans l'article 354 et ce qui est passible d'un emprisonnement maximal de 10 ans.

Si vous pouvez prouver qu'elles ont sollicité le vol d'un véhicule à moteur, il est vraisemblable que plus d'une infraction peuvent s'appliquer, y compris, potentiellement, l'infraction de trafic, telle qu'elle existe actuellement.

Le sénateur Joyal : Pour en revenir aux répercussions de l'interprétation du paragraphe 333.12(2) proposé du projet de loi S-9, sur des infractions ultérieures, on peut lire :

(2) Afin qu'il soit décidé s'il s'agit d'une troisième infraction ou de toute autre récidive subséquente, il est tenu compte de toute condamnation antérieure, que l'infraction en cause ait été poursuivie par mise en accusation ou par procédure sommaire.

Nous savons que les jeunes sont responsables du vol de trois véhicules volés sur 10. Lorsque cela arrive, nous savons que c'est pour faire une balade dans une voiture volée, et parfois cela se termine par un accident. Nous savons cela également, malheureusement. Cependant, essentiellement, le tiers des véhicules volés le sont par des jeunes. S'ils sont trouvés coupables de l'infraction et qu'ils commettent une infraction semblable plus tard dans leur vie, est-ce que celles qui ont été commises avant l'âge de 18 ans feraient partie de ces trois infractions? En d'autres mots, lorsqu'il s'agit d'une première infraction, lorsque vous êtes jeune, vous pourriez vous attendre que ce soit par procédure sommaire, mais si elle est calculée dans le total des trois infractions, est-ce que cela ferait partie de l'évaluation que le juge devra faire?

M. Nicholson : Sénateur, la réponse est non. Les jeunes seraient accusés en vertu de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents, loi qui est entièrement séparée. Nous parlons de condamnations en vertu du Code criminel. La réponse rapide est non. Le président m'a dit de garder les réponses brèves.

Le sénateur Joyal : Ma prochaine question concerne l'évaluation des effets de ce projet de loi sur la population carcérale. Avez-vous déterminé combien de personnes additionnelles devront passer du temps en prison si ce projet de loi était adopté?

M. Nicholson : Si vous parlez de la troisième condamnation et de la période d'emprisonnement obligatoire de six mois, c'est à la discrétion de la Couronne, et ces gens travaillent avec les ressources provinciales. Encore une fois, sénateur, il appartient à la Couronne de déterminer cela au cas par cas.

Le sénateur Joyal : Avez-vous des données statistiques?

M. Nicholson : Non, je n'en ai pas.

Le sénateur Joyal : Avez-vous des données statistiques sur la nature des peines qui ont été imposées en vertu des condamnations antérieures pour vol d'un véhicule?

M. Nicholson : Cela fait partie de la plainte qu'on me formule constamment. On me dit que les tribunaux ne savent pas si la condamnation est liée à un vol de véhicule ou non. Actuellement, cela tombe sous les dispositions actuelles de vol de plus de 5 000 $, alors, ils ne sont pas certains de savoir à quoi ils ont affaire. L'une des principales raisons pour avoir une infraction distincte, c'est pour que les tribunaux sachent à l'avenir à quoi ils ont affaire. Ce n'est pas seulement quelqu'un qui a volé 6 000 $ en espèces; c'est quelqu'un qui a volé un véhicule et mis le public en danger. Nous aurons une meilleure idée de ce à quoi nous avons affaire, et, certainement, les tribunaux et les procureurs de la Couronne auront une meilleure idée de ce à quoi ils ont affaire en vertu de cette nouvelle disposition.

Le sénateur Joyal : Vous prétendez qu'il est impossible de savoir quelles ont été les peines imposées dans le passé pour le vol de véhicule.

M. Nicholson : Je n'ai pas dit que c'était impossible, sénateur. Je dis que la plainte que j'entends des organismes d'application de la loi et des procureurs de la Couronne, c'est qu'ils veulent avoir plus d'information pour savoir à qui et à quoi ils ont affaire. Si une personne est condamnée cinq fois pour vol de plus de 5 000 $, ils ne savent pas à quoi ils ont affaire, alors, en ayant une infraction distincte pour le vol d'un véhicule à moteur, ils sauront ce qu'il en est, alors, ce sera une grande amélioration.

Le sénateur Joyal : Nous ne savons pas quelles seront les répercussions sur la population carcérale; nous ne savons pas quelles ont été les peines imposées dans le passé et nous ne sommes pas certains des données statistiques.

M. Nicholson : Je vais vous donner de bonnes nouvelles. Mon collègue, le ministre de la Sécurité publique, m'a donné l'assurance que la capacité est là. Nous allons répondre à ces défis. Je peux vous dire que les procureurs généraux des provinces m'ont laissé savoir qu'ils voulaient que ce projet de loi soit adopté. Ils disent que leurs rues seront plus sûres.

Le sénateur Joyal : Cela m'inquiète, monsieur le ministre, parce qu'au cours de la dernière semaine, le ministre de la Justice et les gouvernements provinciaux se sont dits très préoccupés au sujet des répercussions de l'augmentation de la population carcérale dans leur système, parce que la plupart de ces criminels se retrouveront dans les prisons provinciales, et ils ont dit que les répercussions budgétaires de ces projets de loi sont réelles.

M. Nicholson : C'est exact.

Le sénateur Joyal : Je pose une question raisonnable.

M. Nicholson : Je pense que c'est une question raisonnable et je peux vous dire que lorsque je les ai rencontrés pour leur dire ce que nous avions l'intention de faire à propos de ces choses, j'ai été très bien reçu. Lorsque je suis venu ici pour me débarrasser du deux pour un, les procureurs généraux provinciaux nous ont encouragés à le faire. Ils ont dit que si nous nous débarrassions du crédit de deux pour un, cela réduirait la pression sur les ressources provinciales. J'ai parlé très ouvertement avec les procureurs généraux provinciaux et je peux vous dire qu'ils nous appuient dans des domaines comme le vol d'un véhicule à moteur.

Le sénateur Joyal : La semaine dernière, le procureur général de l'Ontario a dit que les répercussions du projet de loi sur la population carcérale provinciale de l'Ontario vont bien au-delà des moyens de la province.

M. Nicholson : Parlez-vous de ce projet de loi sur le vol d'un véhicule à moteur?

Le sénateur Joyal : Je parle de l'autre projet de loi que vous avez mentionné, le crédit de deux pour un.

M. Nicholson : La province de l'Ontario et la province de Québec ont appuyé cette mesure. Tous les procureurs généraux provinciaux m'ont encouragé, pendant plusieurs réunions, à aller de l'avant avec la réforme du crédit de deux pour un dans ce pays. Toutes les provinces ont soulevé cette question auprès de moi à plus d'une occasion. Je ne suis que trop heureux de répondre à ces préoccupations provinciales. La préoccupation qui a été soulevée devant moi pendant plusieurs années, c'est qu'en paralysant les tribunaux, ce sont les provinces qui paient la facture pour ces personnes qui obtiennent constamment des reports. Ce sont des pas dans la bonne direction. Rien n'est parfait. J'ai dit publiquement à quel point j'étais reconnaissant aux procureurs généraux provinciaux de nous avoir appuyés pour éliminer ce crédit de temps.

[Français]

Le sénateur Carignan : Si vous me permettez, j'aimerais revenir au projet de loi présentement sous étude. Quels coûts représentent les vols de véhicules pour la population canadienne? Combien le contribuable paie-t-il de plus sur sa police d'assurance pour le vol de véhicules?

[Traduction]

M. Nicholson : Le Bureau d'assurance du Canada a indiqué que cela coûtait environ 1,2 milliard de dollars par année à l'industrie des assurances. Évidemment, les particuliers doivent payer la franchise. Une fois que tout cela est réparti, il m'a laissé savoir que sur chaque police d'assurance automobile au pays, environ 47 $ servent uniquement à couvrir le coût des véhicules volés.

[Français]

Le sénateur Carignan : Ma seconde question s'adresse à M. Bartlett et découle de la question posée par le sénateur Baker. L'article 353 mentionne :

Commet une infraction quiconque sans excuse légitime [...]

Est-ce que le fait que « sans excuse légitime » soit déjà inscrit à l'intérieur de la création de l'infraction répond à la préoccupation que vous avez exprimée pour les gens qui auraient un objectif légitime de modifier un véhicule sans nécessairement être obligés d'ajouter à ce qui m'apparaît assez clair au niveau de la création de l'infraction? Avez-vous étudié cette ouverture du « sans excuse légitime »?

[Traduction]

M. Bartlett : Oui, nous l'avons fait, sénateur, et l'expression « excuse légitime » pourrait couvrir cette situation, mais il s'agit d'un bout de phrase plutôt vague. Comme je l'ai dit, cette expression est le plus couramment utilisée dans les dispositions relatives aux infractions où l'excuse légitime constituera une situation rare.

Il existe d'autres précédents dans le Code criminel en ce qui concerne l'application de l'exception « sans excuse légitime » à une interdiction libellée de manière très générale. Cependant, on l'utilise couramment uniquement pour couvrir les rares occasions où quelque chose qui fera presque toujours partie de l'interdiction est quelque chose qui ne devrait pas être touché par cette dernière.

Ce qui est couvert par le paragraphe 3 n'est pas quelque chose de rare. En fait, c'est quelque chose qui arrive tous les jours. Sauf votre respect, je ne crois absolument pas que les policiers ou les avocats de la Couronne laisseraient entendre que cette infraction devrait, de quelque façon que ce soit, comprendre l'enlèvement ou l'oblitération du numéro d'identification d'un véhicule dans le cadre de son entretien normal ou de tout travail effectué sur celui-ci dans un but légitime. Cela sera très courant.

Ce qui crée l'infraction, c'est l'interdiction générale et ensuite, on définit clairement l'activité légitime là où cela se fera sur une base régulière. L'expression « sans excuse légitime » est là pour tenir compte de rares cas que nous ne pouvons pas définir de manière claire dans le paragraphe 3. Peut-être que nous n'y pensons même pas ou qu'il s'agira d'un événement rare. Cependant, cela survient dans un cas particulier et quelqu'un peut dire qu'un tribunal, en recourant à la jurisprudence utilisée au cours des années en ce qui a trait à ce que pourrait signifier une excuse légitime dans diverses situations, peut appliquer et dire : « Oui, dans ce cas, nous voyons une excuse légitime qui ne fait pas partie de la description claire d'une activité légitime présentée dans le paragraphe 3.

[Français]

Le sénateur Carignan : Vous avez parlé de la possibilité de couvrir le vol de pièces d'automobile. Le sénateur Lang a expliqué qu'il a été victime d'un vol de véhicule et moi j'ai été victime d'un vol de pièces, soit les pneus, les ailes et le pare-chocs. Le véhicule était presque déshabillé.

Le policier m'a expliqué que c'était des pièces qui servaient pour réparer d'autres véhicules volés et que c'était une façon de se procurer des pièces de rechange. Je ne vois pas cela comme une infraction parce que ce n'est pas un vol de véhicule. Ce n'est pas non plus une modification du numéro d'identification.

Même si le numéro d'identification peut se trouver sur les ailes du véhicule, ce n'est pas une modification du numéro du véhicule. Par contre, il sert à camoufler et à créer davantage de confusion au niveau de l'identification du véhicule. Est-ce que c'est quelque chose qui a été étudié par votre direction des affaires juridiques?

[Traduction]

M. Bartlett : Sénateur, les infractions de possession et de trafic couvriraient certainement les cas où le véhicule est simplement dépouillé de ses pièces. Cependant, si vous parlez d'un véhicule qui a d'abord été volé et ensuite, dépouillé de ses pièces, alors, vous avez une combinaison de vol d'un véhicule...

[Français]

Le sénateur Carignan : On n'a pas volé le véhicule, on l'a laissé dans le stationnement. Dans mon cas, le véhicule est demeuré dans mon stationnement et ce sont les pièces qui ont été volées.

[Traduction]

Le sénateur Angus : Cela devait être une Rolls-Royce.

M. Bartlett : Dans ces cas, les infractions de vol ordinaire, plus l'infraction de trafic s'appliqueraient.

[Français]

Le sénateur Carignan : Ce serait donc l'infraction générale et on ne l'appliquerait pas avec les nouvelles infractions?

[Traduction]

M. Bartlett : L'infraction générale serait « vol de plus de... » ou « vol de moins de... » selon la valeur des pièces. Ces nouvelles dispositions de trafic s'appliquaient également.

Le sénateur Rivest : Dans la mesure où le sénateur Baker commence à s'impatienter, j'ai une « question libérale » concernant la jeunesse.

[Français]

Souvent, les jeunes qui ne font pas partie d'un gang de rue ou d'une organisation criminelle commettent un vol de véhicule simplement pour le trip ou pour faire un tour d'auto. Est-ce que ces jeunes vont encourir la peine minimale après trois offenses même si le vol a été commis au moment où ils étaient des adolescents ou de jeunes adultes?

[Traduction]

M. Nicholson : Ils seront assujettis aux dispositions de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents. Vous verrez certains des changements que j'apporte qui répondent au rapport non commandé dont vous avez parlé, expressément en ce qui a trait aux récidivistes dont les actions ont entraîné la mort. Il y a des dispositions précises pour la détention d'individus ou de jeunes qui sont hors de contrôle et qui posent un danger non seulement pour le public, mais pour eux-mêmes également. C'est une des choses que nous ne pouvons pas oublier.

Cependant, la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents continuera de s'appliquer telle que modifiée par la loi que nous avons déposée au Parlement. Encore une fois, c'est quelque chose qui est distinct du Code criminel.

Le président : Il m'apparaît, monsieur le ministre, que c'est un endroit naturel pour vous remercier. Nous vous souhaitons bon vent jusqu'à la Chambre des communes.

M. Nicholson : Je croyais que vous disiez bon vent en ce qui concerne ce projet de loi.

Le président : Je ne voudrais pas préjuger des délibérations du comité.

Nous allons demander aux fonctionnaires de rester, si c'est possible.

Nous sommes enchantés que M. Bartlett et Mme Clarke puissent rester avec nous au moment où nous débutons le deuxième tour de questions.

Le sénateur Wallace : Je veux revenir sur la question que le sénateur Baker a soulevée. Le paragraphe 353.1(1) proposé traite de la modification ou de l'enlèvement du NIV. La discussion plus tôt portait sur certaines préoccupations, selon le sénateur Baker, qui ont été exprimées par les organismes d'application de la loi et les procureurs de la Couronne concernant le fait que cette infraction n'était pas érigée en infraction absolue ou stricte. Le simple fait que le NIV est enlevé et qu'il est nécessaire de prouver une intention de la part de la personne qui l'a enlevé rendra la poursuite plus difficile. Je suppose que ce serait vrai. Toutefois, cela n'est-il pas entièrement conforme au Code criminel du fait que l'intention criminelle doit être prouvée par la Couronne en ce qui a trait à presque toutes les infractions contenues dans ce dernier, sauf dans quelques rares exceptions où il y a responsabilité stricte ou absolue? Le modèle, c'est que l'intention criminelle doit être prouvée par la Couronne et c'est le modèle que l'on retrouve partout dans le Code criminel. Cette disposition n'est-elle pas entièrement conforme à cela?

M. Bartlett : Oui, sénateur. L'intention criminelle est toujours une exigence dans toute infraction véritablement criminelle. Il n'est pas possible de créer une infraction de responsabilité stricte dans le Code criminel, mais si vous définissez dans le Code criminel que c'est toujours une infraction que d'enlever un NIV, alors, vous ne pouvez pas faire réparer votre véhicule lorsqu'il était endommagé si, en le réparant, on doit enlever le NIV. C'est aussi simple que cela. Il s'agit de savoir comment vous définissez cela. Dans certains cas, l'enlèvement du NIV sera parfaitement légitime, mais dans d'autres cas, il sera enlevé dans le but de dissimuler l'identité du véhicule.

Comme je l'ai dit, une version antérieure proposait que ce soit une infraction que d'enlever le NIV dans le but de dissimuler l'identité d'un véhicule. Les procureurs de la Couronne étaient inquiets au sujet de cette version parce que c'est toujours une tâche difficile que de prouver l'intention de l'accusé.

En ce qui concerne ces procureurs de la Couronne qui ont parlé de leurs préoccupations au sénateur Baker, les différents gouvernements ne nous ont pas dit comment cette exception plutôt évidente, je dirais, se traduirait devant les tribunaux. Il y a toujours la préoccupation que les avocats de la défense tenteront d'éviter qu'une condamnation soit enregistrée. Eh bien, c'est là leur travail. C'est ce que fait la défense. Toutefois, si vous regardez l'exception, l'exception dit que nous n'essayons pas d'inclure une activité où les NIV sont modifiés, enlevés ou oblitérés dans le cadre des travaux normaux d'entretien, de réparation et de modification d'un véhicule. Ce genre d'activité se déroule tous les jours. Nous ne pouvons tout simplement pas définir cela et ensuite, justifier l'infraction. Cette disposition dit que nous ne définissons pas cela, et cela clarifie la situation.

Le sénateur Wallace : Dans ces circonstances, il n'y aurait pas d'intention criminelle. Si le NIV est enlevé pour des raisons légitimes liées à l'entretien, de toute évidence, il n'y aurait pas d'intention criminelle. Il n'y aurait pas d'intention criminelle de la part de la personne qui l'a enlevé.

M. Bartlett : Il n'y aurait pas d'intention criminelle, sénateur. Si vous mettez simplement une interdiction stricte dans le Code criminel disant que vous ne pouvez jamais enlever un NIV, alors, si la personne a enfreint intentionnellement cette interdiction, ils auraient l'intention criminelle d'enlever le NIV contrairement à ce que prévoit le Code criminel. C'est pourquoi, lorsque nous définissons ce que nous essayons d'interdire, nous devons dire que ce n'est pas toujours une infraction que d'enlever un NIV. Il y a de nombreuses circonstances où l'enlèvement du NIV peut survenir pour des raisons entièrement légitimes, et c'est ce que le paragraphe 353.1(3) proposé précise.

Le sénateur Wallace : C'est donc une question de prouver si l'on a enlevé le numéro d'identification du véhicule pour une fin légitime, d'après les faits présentés au tribunal.

M. Bartlett : Oui.

Le sénateur Baker : Je crois que vous conviendrez, ainsi que M. Bartlett, qu'il faut se référer aux définitions du Code criminel pour déterminer s'il s'agit d'une infraction d'intention spécifique ou d'une infraction d'intention générale, en fonction du degré d'intention criminelle, s'il y en a.

Madame Clarke, quelque chose me dit qu'une balade dans une voiture volée est une tout autre infraction.

Paula Clarke, avocate, Section de la politique en matière de droit pénal, ministère de la Justice Canada : C'est tout à fait différent.

Le sénateur Baker : La prise d'un véhicule à moteur sans consentement ne concerne pas le présent article ou la nature répétitive d'une disposition du projet de loi, mais un différent article du Code criminel.

Mme Clarke : Il s'agit d'une infraction moindre figurant à l'article 335 du Code criminel. C'est simplement une infraction punissable par procédure sommaire, ce qui donne aux policiers l'option d'infliger une peine moins sévère lorsqu'il s'agit d'un jeune qui fait une balade dans une voiture volée, qui va porter le véhicule, et cetera.

Le sénateur Baker : En l'occurrence, la peine minimale concerne seulement les accusations en vertu de la disposition sur le vol.

Mme Clarke : C'est exact, c'est en vertu des nouvelles dispositions sur le vol.

Le sénateur Baker : Bon.

Je veux mettre quelque chose au clair. Madame la présidente, vous avez entendu mes propos de vive voix, et ils figurent au compte rendu. Monsieur Bartlett, sénateur Wallace, je n'ai pas dit que je parlais aux procureurs de la Couronne. Je n'ai pas fait de telles revendications. J'ai tout simplement cité les propos des policiers qui ont témoigné devant notre comité. J'ai également cité le sergent-détective Stephen Boyd, du Bureau de la lutte contre le crime organisé. Je vous invite à jeter un coup d'œil aux témoignages du 10 décembre 2009, à la page 22. Il s'agit de la séance de notre comité sénatorial où M. Boyd a dit qu'il parlait à des procureurs de la Couronne. Je n'ai pas dit que je leur parlais.

M. Bartlett : Vous m'en voyez désolé, sénateur.

Le sénateur Baker : Je n'ai pas l'habitude de parler aux procureurs de la Couronne.

Ma dernière question se doit d'être posée, car elle est d'une telle importance, de nos jours, avec la menace terroriste aux États-Unis et ce qui s'est récemment produit à Times Square. Nous avons une disposition, dont le ministre et vous avez parlé, en vertu de laquelle il est contraire à la loi de posséder un véhicule dont le numéro d'identification est modifié. Je me rappelle que nous avons introduit cette disposition dans les années 1970. Il s'agit du paragraphe 354(2) du Code criminel, qui se lit comme suit :

Dans des poursuites engagées en vertu du paragraphe (1), la preuve qu'une personne a en sa possession un véhicule à moteur, ou toute pièce d'un tel véhicule, dont le numéro d'identification a été totalement ou partiellement enlevé ou oblitéré fait preuve, en l'absence de toute preuve contraire [...]

On dit que la personne sait qu'une infraction criminelle a été commise.

En ce qui concerne les témoignages que notre comité a entendus jusqu'à maintenant, je cite M. Boyd, à la page 23 des témoignages du 10 décembre :

Ce paragraphe traite uniquement d'une présomption, n'est-ce pas? Il n'y a pas d'inculpation, selon cette disposition.

Je présume qu'il fait allusion au fait que l'on considère cette disposition inconstitutionnelle depuis 1983. À titre indicatif, j'aimerais seulement vous lire une partie du quatrième paragraphe de la décision R. v. Rai, 2001, Cour d'appel de l'Ontario, Carswell, en Ontario, 2163 :

Cependant, quand elle a donné ses instructions au jury, la juge de première instance a lu, par mégarde, le paragraphe 354(2) en entier, en négligeant de supprimer la partie inconstitutionnelle du paragraphe.

En 1983, on a déclaré inconstitutionnelle cette disposition portant sur les numéros d'identification des véhicules et l'hypothèse selon laquelle une personne sait qu'une infraction criminelle avait eu lieu. Or, elle figure toujours dans le Code criminel. Nous voici aujourd'hui en train de parler des numéros d'identification des véhicules, et je me demande pourquoi nous n'avons pas modifié ce projet de loi dont nous sommes saisis pour que le paragraphe 354(2) s'applique aux personnes ayant en leur possession des véhicules dont le numéro d'identification est oblitéré ou enlevé. Y a-t-il une raison pour laquelle nous ne l'avons pas fait?

M. Bartlett : Vous avez raison, sénateur. Le simple fait de posséder un véhicule dont le numéro d'identification est oblitéré ne constitue pas une infraction. Il y a infraction lorsqu'une personne possède un bien obtenu par la perpétration d'un crime. En vertu du Code criminel, si l'on a enlevé le numéro d'identification du véhicule, il y a présomption que la personne sait que le bien a été volé.

Le sénateur Baker : C'est inconstitutionnel.

M. Bartlett : C'est là la question. Pourquoi avons-nous enlevé cette disposition? Nous ne nous sommes tout simplement pas penchés sur l'article 354 ou un certain nombre d'autres dispositions dans lesquelles on a déjà omis certains mots.

Le sénateur Baker : C'est exactement comme l'a dit le ministre; en ce qui concerne le vol, celui d'une vache figure dans le Code criminel. Je ne connais pas beaucoup d'autres autorités qui n'ont pas une telle disposition. Nous avons tenté d'en inclure une dans les années 1970. Je siégeais au Parlement quand nous avons proposé une disposition portant sur la possession d'un véhicule, la modification du numéro d'identification du véhicule et la présomption selon laquelle la personne était coupable, car elle savait que le véhicule avait été obtenu par la perpétration d'une infraction criminelle, mais on l'a abolie.

Nous devrions réexaminer cela. Je doute que nous envoyions un message positif quand nous avons une disposition qui n'a pas vraiment d'effet en ce qui concerne le numéro d'identification du véhicule. Enfin, je laisse au ministre ou au ministère le soin d'y penser.

M. Bartlett : Nous allons bien sûr y songer, sénateur. Merci.

Le sénateur Runciman : Vous ne pourrez peut-être pas répondre à cette question, mais on me dit que c'est un enjeu important, et je suis bien sûr d'avis qu'il est crucial de lutter contre l'exportation organisée de véhicules volés. J'aimerais donc parler de l'échange de renseignements de l'Agence des services frontaliers du Canada, l'ASFC, avec les policiers et le Bureau d'assurance du Canada. L'organisme invoque l'article 107 de la Loi sur les douanes pour ne pas coopérer dans l'échange de renseignements.

Que pensez-vous de cette situation?

M. Bartlett : Vous avez raison, monsieur le sénateur. Il serait inapproprié que je fasse des observations relativement aux pratiques de l'ASFC ou à la structure juridique qui encadre les activités de l'agence, mais je crois qu'un représentant de l'ASFC viendra témoigner demain.

Le sénateur Runciman : J'espérais que vous nous en touchiez un mot.

M. Bartlett : Posez cette question à l'organisme, car c'est dans sa sphère de responsabilité.

Le sénateur Runciman : S'agit-il d'une préoccupation que vous avez entendue également?

M. Bartlett : Oui.

Le sénateur Joyal : Madame Clarke, ma question porte sur l'article 12 du projet de loi S-9, la disposition de coordination. Si je comprends bien ce qu'entraîne l'amendement figurant dans le projet de loi C-16, une personne reconnue coupable par mise en accusation ne serait pas admissible à une condamnation avec sursis dans le cas d'un vol d'un véhicule à moteur. Le projet de loi C-16 porte sur les infractions telles que le leurre, l'agression sexuelle et l'enlèvement; ce sont des crimes très violents contre une personne ou contre un enfant. J'ai du mal à comprendre comment la mise en accusation pour le vol d'un véhicule à moteur est à égalité avec ces sortes d'infractions. Ces infractions sont dirigées contre une personne et ont des répercussions très graves sur l'intégrité de son corps et de son esprit. Je ne vois pas comment cela fonctionne. Je fais peut-être une mauvaise interprétation du projet de loi C-16 en ce qui concerne l'article 333.1 proposé, relativement au vol d'un véhicule à moteur, qui vise à modifier l'alinéa 742.1f) du Code criminel.

D'après ce que je comprends, si la procédure est par voie de mise en accusation, il n'y a pas de possibilité d'une condamnation avec sursis. C'est ainsi que fonctionnerait le projet de loi C-16, tout comme pour le leurre, l'agression sexuelle et l'enlèvement, qui sont des infractions très graves. Je ne comprends pas comment on peut mettre le vol d'un véhicule à moteur sur le même pied d'égalité qu'un crime contre une personne. Pourquoi avez-vous conclu que c'était nécessaire?

Mme Clarke : Je n'ai pas le projet de loi C-16 sous les yeux, mais, dans les modifications proposées à l'article 472.1, il y a des infractions plus graves qui sont assorties d'une peine maximale de 14 ans. Elles comprennent le leurre, l'exploitation sexuelle d'enfants, et cetera. En outre, un alinéa énumère 11 infractions qui font l'objet d'une mise en accusation et pour lesquelles la peine d'emprisonnement maximale est de 10 ans. Si l'article 333.1 est adopté, cette nouvelle infraction ferait partie de cette catégorie. Il s'agit d'une disposition de coordination qui sert simplement à ce que ce soit inclus dans la liste.

Le sénateur Joyal : Je sais que ce sont des dispositions de coordination, mais il faut coordonner des éléments comparables. Il me semble que quelque chose fait fi des frontières concernant les conséquences reliées aux poursuites par mise en accusation. Nous ne connaissons pas les circonstances d'un vol de véhicule.

Le sénateur Lang : La troisième fois?

Le sénateur Joyal : Non. C'est par voie de mise en accusation. Quand il s'agit d'une poursuite par voie de mise en accusation pour une peine d'emprisonnement maximale de 10 ans et pour une peine minimale de six mois dans le cas d'une troisième récidive, bien sûr. Cependant, ce que je dis, c'est qu'il faut comparer des infractions semblables sur le plan de leur nature, de leur importance et de leur gravité, si je peux m'exprimer ainsi.

Est-ce raisonnable de l'inclure dans cette catégorie? C'est essentiellement ce que je veux savoir.

M. Bartlett : Sénateur, la réponse courte, c'est que le projet de loi C-16 vise à supprimer la possibilité de condamnation avec sursis pour certains crimes graves contre les biens. L'infraction qu'est le vol d'un véhicule automobile est à la fois un crime très grave et un crime qui crée des risques pour la sécurité publique, en ce qui concerne les poursuites automobiles et la conduite dangereuse. Ce n'est pas rare, et l'on pense qu'il faut éliminer l'accès à une condamnation avec sursis en vertu de la politique du projet de loi C-16. Toutefois, il n'était pas prévu de faire des observations sur la politique du projet de loi C-16 aujourd'hui. Le projet de loi dont vous êtes saisis ajouterait cette infraction à des infractions comparables dont il est question dans le projet de loi C-16.

Le sénateur Joyal : Ce serait peut-être bien d'y revenir quand le Sénat sera saisi du projet de loi C-16, si cela se produit. Il me semble que les deux projets de loi sont en déséquilibre.

M. Bartlett : Monsieur le sénateur, en plus de traiter d'une infraction générale potentiellement grave, quand la poursuite est faite par voie de mise en accusation, la Couronne a alors la possibilité d'avoir recours à une procédure beaucoup plus rigoureuse dont on se sert habituellement dans les cas les plus graves de l'infraction.

Le sénateur Joyal : Je sais cela. Je vous remercie.

La présidente : J'aimerais reprendre les questions du sénateur Joyal à propos des répercussions qu'aura ce projet de loi sur les finances publiques. Selon ma lecture du projet de loi, le nombre de personnes incarcérées augmenterait et ces répercussions toucheraient surtout les gouvernements provinciaux, car une peine de six mois exige une incarcération dans une prison provinciale. Je présume qu'il en va de même pour les dispositions de détention à domicile, car elles ne s'appliquent pas à des peines de 10 ans ou plus.

Ai-je raison de supposer que, fondamentalement, l'adoption de ce projet de loi aurait moins d'effets sur le régime fédéral que sur les provinces?

M. Bartlett : Je crois que vous avez raison, madame la présidente. Si nous prenons un seul cas de vol d'un véhicule à moteur en vertu du présent article pour une durée minimale de six mois, ce sera effectivement une peine provinciale. Cependant, ces affaires font souvent intervenir une série d'infractions, et la pénalité appliquée en vertu du présent article serait intégrée à une peine globale qui pourrait bien devenir de ressort fédéral. C'est très difficile de prévoir exactement quelles seront les répercussions parce que, dans de nombreux cas, la peine globale pourrait s'étendre sur une période relevant de la compétence fédérale.

La présidente : Vous devez comprendre que les parlementaires ont une certaine obligation de comprendre, autant que possible, les répercussions des projets de loi sur lesquels ils votent. Il a été extrêmement difficile d'obtenir des renseignements dans ce domaine, et tout ce que vous pouvez nous fournir nous sera utile.

M. Bartlett : Comme ma collègue l'a souligné tout à l'heure, il est difficile d'avoir des données statistiques claires sur les peines infligées pour les vols de voitures, car ce n'est pas une infraction distincte. Les données ne sont pas isolées pour les vols de véhicules à moteur. Nous avons des preuves empiriques, mais les preuves statistiques ne sont pas claires. Quant aux infractions distinctes concernant les véhicules automobiles, l'un des moyens utiles consisterait à isoler l'activité, ce qui permettra, dans l'avenir...

La présidente : Il nous faudrait des renseignements que nous pouvons utiliser.

Peut-être pouvons-nous espérer des rapports sur ces questions en temps voulu.

M. Bartlett : Je suis certain que nous pouvons fournir cette information, pourvu qu'elle soit disponible, madame la présidente.

La présidente : Je songeais plutôt à des rapports sur les répercussions de la mise en œuvre du projet de loi, s'il est adopté. Remarquez qu'il y a parfois des prorogations, des dissolutions et toutes sortes de choses avant que des projets de loi soient adoptés, indépendamment de ce que choisit de faire le Sénat. Je présume que je ne devrais pas faire de prédictions.

Le sénateur Joyal : Pourriez-vous vérifier si l'on retrouve dans Juristat des renseignements statistiques qui nous aideraient à comprendre la nature de ce dont il est question?

La présidente : Sénateur Joyal, nous avons invité Statistique Canada à témoigner, et je crois que des représentants de l'organisme seront des nôtres la semaine prochaine. Nous pourrons leur demander les statistiques qui sont disponibles actuellement, mais j'essayais de prendre de l'avance à cet égard.

S'il n'y a pas d'autres questions à poser à nos témoins, j'aimerais remercier infiniment M. Bartlett et Mme Clarke.

(La séance est levée.)


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