Aller au contenu
 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Affaires juridiques et constitutionnelles

Fascicule 7 - Témoignages du 27 mai  2010


OTTAWA, le jeudi 27 mai 2010

Le Comité permanent des affaires juridiques et constitutionnelles se réunit aujourd'hui, à 10 h 32, pour étudier le projet de loi S-9, Loi modifiant le Code criminel (vol d'automobile et trafic de biens criminellement obtenus).

Le sénateur Joan Fraser (présidente) occupe le fauteuil.

[Français]

La présidente : Honorables sénateurs, bienvenue à cette séance du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles.

Nous poursuivons notre étude du projet de loi S-9, Loi modifiant le Code criminel (vol d'automobile et trafic de biens criminellement obtenus). Nos premiers témoins ce matin sont les suivants. De l'Agence des services frontaliers du Canada, nous accueillons Caroline Xavier, directrice générale à la direction du secrétariat général; de l'Agence du Revenu du Canada, nous accueillons Terrance McAuley, sous-commissaire et Johanne Charbonneau, directrice de la division des enquêtes criminelles.

[Traduction]

Madame Xavier, veuillez présenter votre déclaration et nous passerons ensuite aux questions.

Caroline Xavier, directrice générale, Direction du secrétariat général, Agence des services frontaliers du Canada : Je vous remercie de m'avoir donné la possibilité de participer à l'audience d'aujourd'hui.

Je témoigne en ma qualité d'ancienne directrice générale de la Direction des politiques et des programmes de l'Agence des services frontaliers du Canada (ASFC).

[Français]

L'Agence des services frontaliers du Canada est mandatée pour assurer la prestation de services frontaliers intégrés qui appuie les priorités en matière de sécurité nationale et de sécurité publique, et qui facilite la libre circulation des personnes et des marchandises légitimes tout en respectant les exigences des lois relatives au programme. Le terme « intégré » traduit le fait que, depuis notre création en 2003, en plus de notre mandat habituel des douanes, nous assumons la responsabilité de l'exécution de la politique de l'immigration et du statut de réfugié, ainsi que de l'inspection des aliments, des végétaux et des animaux. Cette combinaison de fonctions au sein d'une même structure est unique au monde.

[Traduction]

L'été dernier, des modifications ont été apportées à la Loi sur les douanes pour renforcer le pouvoir nécessaire à l'ASFC pour intercepter les marchandises de contrebande et autres marchandises illégales dans les zones de contrôle des douanes, telles que les aires de trafic des aéroports et les quais des ports maritimes. Celles-ci ont permis à l'Agence d'accroître la sécurité au sein de la chaîne d'approvisionnement commerciale grâce à la facilitation de la réception de l'information préalable sur les expéditions commerciales dans le cadre de l'Initiative du manifeste électronique de l'Agence.

Pour contrôler la circulation des marchandises, l'ASFC applique la Loi sur les douanes et les autres lois et règlements fédéraux. Cependant, aucune de ces lois ou règlements ne comporte de disposition visant spécifiquement l'exportation des véhicules volés, et en particulier, des véhicules que l'on soupçonne d'avoir été volés.

Les modifications du Code criminel qu'examine le comité permettraient à l'ASFC de gérer plus efficacement la frontière parce qu'elles autorisent l'exercice des pouvoirs prévus par la Loi sur les douanes qui permettent à l'agence de vérifier si cette loi et le Règlement sur la déclaration des marchandises exportées sont respectés.

À l'heure actuelle, si l'ASFC peut obtenir de l'information concernant les renseignements criminels et agir en conséquence, l'information doit toutefois être reliée à l'administration ou à l'application de la Loi sur les douanes. L'ASFC peut uniquement procéder à une vérification administrative des marchandises en partance pour l'étranger afin de s'assurer de l'observation de la Loi sur les douanes, du Règlement sur les déclarations des marchandises exportées ou de toute autre loi fédérale administrée ou appliquée par l'ASFC.

[Français]

Actuellement, lorsqu'un agent découvre ce qu'il soupçonne être un véhicule volé dans le cadre d'un contrôle des exportations, il doit en informer le service de police locale de façon à ce que la police puisse procéder à des vérifications du véhicule dans diverses bases de données afin de déterminer s'il s'agit effectivement d'un véhicule volé.

[Traduction]

Le projet de loi S-9 crée des infractions précises; elles visent le vol d'automobile, la modification du numéro d'identification du véhicule automobile (NIV), le trafic de biens obtenus criminellement et la possession de biens obtenus criminellement aux fins de trafic. Ce projet de loi aura une incidence directe et positive sur l'ASFC dans la mesure où il interdit l'importation et l'exportation de biens obtenus de façon criminelle.

Cette interdiction prévue par le Code criminel autorisera l'exercice des pouvoirs prévus par la Loi sur les douanes qui permettront aux agents de l'ASFC d'aider la police en ciblant, en examinant et en utilisant les diverses bases de données policières pour ainsi retenir les véhicules volés et les autres biens obtenus criminellement. Ces biens retenus seront ensuite remis à la police pour qu'elle fasse enquête.

Le projet de loi S-9 conférera également à l'ASFC le pouvoir d'aider la police à cibler activement les expéditions destinées à l'exportation avant même qu'elles n'atteignent les ports afin d'intercepter les marchandises volées, et en particulier, les véhicules.

À l'intérieur de son cadre législatif actuel, l'ASFC travaille diligemment sur ses propres priorités d'application de la loi qui appuient les mesures prises par la police pour retrouver les véhicules présumés volés destinés à l'exportation et procéder à des enquêtes à cet effet.

En 2008, l'ASFC a participé à une enquête de six mois dirigée par la GRC portant sur la vérification des marchandises exportées. Au cours de cette enquête, l'ASFC a utilisé les techniques, les outils et les ressources de vérification des exportations pour découvrir des éléments révélateurs de contraventions à la Loi sur les douanes, au Règlement sur la déclaration des marchandises exportées et aux autres lois administrées ou appliquées par l'ASFC.

Durant ce projet, les agents de l'ASFC ont assisté la GRC et procédé au contrôle de 281 conteneurs dans les ports de Montréal et de Halifax, ce qui a mené à l'interception de 258 véhicules volés. Ces résultats ont permis aux organismes d'exécution de la loi de prendre conscience de la situation actuelle liée aux véhicules volés.

[Français]

Avec l'adoption du projet de loi S-9, l'ASFC aura le pouvoir législatif nécessaire pour assumer un rôle plus actif et plus ciblé dans ses démarches d'application de la loi pour intercepter des véhicules volés avant qu'ils ne soient exportés du Canada.

[Traduction]

Le projet de loi S-9 autorisera l'ASFC à cibler et à examiner activement des véhicules, à identifier les véhicules volés grâce à des vérifications dans les bases de données et à retenir les véhicules volés jusqu'à ce que la police puisse enquêter sur l'infraction et prendre possession de ces véhicules, et ce, dans le cadre de ses activités d'exécution courantes et dans les limites des ressources disponibles.

[Français]

Je vous remercie de m'avoir invitée à présenter notre point de vue ce matin. Il me fera maintenant plaisir de répondre à vos questions.

[Traduction]

La présidente : Monsieur McAuley et Madame Charbonneau, je pense que vous n'avez pas préparé de déclarations.

Terrance I. McAuley, sous-commissaire, Agence du revenu du Canada : Non. Nous sommes ici pour fournir des renseignements.

Le sénateur Wallace : Merci pour votre exposé, madame Xavier. Vous avez parlé du fait que votre ministère s'occupait de l'exportation de marchandises du Canada. Vous occupez-vous également de l'importation de marchandises en provenance des États-Unis et d'autres pays?

Mme Xavier : L'ASFC s'occupe à la fois de l'importation et de l'exportation de marchandises, mais centre son action sur les importations.

Le sénateur Wallace : Nous avons entendu hier le ministre Nicholson qui nous a déclaré que l'importation et l'exportation de véhicules volés et de pièces provenant de véhicules volés étaient un problème grave. Avez-vous une idée de la valeur que représente ce commerce international illégal d'automobiles et de pièces?

Mme Xavier : Il n'y a pas eu d'étude complète qui permette de comprendre toute l'ampleur du phénomène de l'exportation des véhicules volés. Toutefois, nous avons participé à l'enquête de la GRC, ce qui nous a donné une bonne idée, conformément à nos attributions, de ce que peut être l'ampleur de ce problème.

Le sénateur Wallace : C'est bien évidemment une question grave. Les sommes en jeu sont considérables, parce qu'il s'agit de transfert illégal de voitures et de pièces d'automobiles.

Mme Xavier : Oui. Au cours de cette enquête, la GRC a pu saisir 258 véhicules ayant une valeur d'un peu plus de huit millions de dollars.

Le sénateur Wallace : Vous en avez parlé dans votre exposé, mais pourriez-vous encore une fois souligner les différences, du point de vue de votre agence, entre ce que la loi vous permet de faire aujourd'hui à l'égard de ce problème grave et ce que vous pourriez faire si le projet de loi S-9 était adopté?

Mme Xavier : À l'heure actuelle, la Loi sur les douanes nous autorise uniquement à agir sur le plan administratif. Lorsque nous recevons un conteneur au port en vue de son exportation, nous examinons le manifeste et décidons si le contenu figurant dans la liste correspond bien à celui qui se trouve dans le conteneur. Notre action porte uniquement sur les déclarations. Si nous trouvons quelque chose de suspect, nous faisons rapport au service de police local, qui prend alors les choses en main.

Avec ce projet de loi, en plus de ce que je viens de vous décrire, nous pourrons mieux cibler notre action. Nous pourrons faire de la collecte de renseignements criminels et procéder à des inspections. Avant qu'un conteneur arrive au port, nous saurons déjà à peu près s'il contient des marchandises suspectes. Nous pourrons l'inspecter et, si nous trouvons un véhicule volé dans le conteneur, nous pourrons le retenir et appeler ensuite le service de police local qui prendra la situation en main.

De plus, le projet de loi nous donnera la possibilité d'effectuer des vérifications dans certaines bases de données, ce que nous ne pouvons pas faire actuellement avec la Loi sur les douanes. Cette modification du Code criminel va nous permettre de vérifier les numéros NIV dans les bases de données de la police pour savoir si un véhicule a été volé, ce que nous ne pouvons faire à l'heure actuelle.

Le sénateur Wallace : Ces changements paraissent importants, ce qui, grâce à la collaboration de votre agence avec les autres services d'application de la loi, constituera un grand progrès.

Mme Xavier : C'est exact. Nous allons être en mesure de collaborer beaucoup plus efficacement avec les autres agences d'application de la loi. À l'heure actuelle, les moyens dont nous disposons pour aider les autres agences sont très limités, comme l'enquête l'a démontré. Nous avons obtenu de bons résultats avec des pouvoirs limités, mais nous pourrions faire davantage sur le plan de la dissuasion.

La présidente : Lorsque vous avez expliqué comment ce projet de loi allait faciliter votre travail, je crois que vous avez dit que vous sauriez à l'avance si un véhicule volé se trouve dans un conteneur. Cela figure-t-il dans le projet de loi, ou cela vient-il du fait que vous pourrez collaborer plus étroitement avec les services de police et ainsi avoir un accès plus large à leurs dossiers, à leurs soupçons et à leurs bases de données?

Mme Xavier : Nous aurons davantage de moyens pour collaborer avec la police. Dans le cadre des pouvoirs dont nous disposons actuellement aux termes de la Loi sur les douanes, nous sommes en mesure de faire du ciblage préalable pour d'autres marchandises interdites. Nous disposons de moyens efficaces, comme les renseignements criminels, pour faire notre travail.

Sans cette modification, il ne serait pas interdit d'exporter des véhicules volés, de sorte que nous ne pourrions pas procéder à des analyses ou à des enquêtes préalables, parce que cela serait contraire à la loi.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Je vous remercie beaucoup de votre présence ici pour nous éclairer sur ce projet de loi. J'ai des questions assez techniques, ce matin.

Premièrement, je suppose qu'il sort plus de voitures volées qu'il n'en rentre au Canada?

Mme Xavier : Malheureusement, je ne peux répondre à cette question. En ce moment, nous ne possédons aucune statistique à cet égard. Personnellement, je n'ai pas cette information.

Le sénateur Boisvenu : D'accord. Au Canada, je suppose que l'exportation des voitures volées se fait plus par voie maritime que terrestre?

Mme Xavier : Exactement.

Le sénateur Boisvenu : Relativement aux voitures volées transitant par voie terrestre, quelle intervention peuvent faire les douaniers si la voiture passe par la douane américaine avant de passer par la douane canadienne?

Mme Xavier : En ce moment, on travaille en partenariat avec nos confrères américains. Si nous sommes avisés qu'un véhicule volé roule vers les États-Unis, on alerte les collègues des États-Unis. On travaille en partenariat. Mais avec la nouvelle loi, on pourrait faire quelque chose.

Le sénateur Boisvenu : Un barrage?

Mme Xavier : Oui. On pourrait détenir le véhicule et appeler les autorités locales.

Le sénateur Boisvenu : Au Québec, depuis à peu près dix ans, la Sûreté du Québec, corps policier provincial, prend de plus en plus la place des policiers municipaux. Les maires des municipalités se plaignent de la qualité de leurs services, je dirais même face à l'absence de policiers ou la lenteur d'intervention des policiers de la Sûreté du Québec dans leur municipalité. Avez-vous connaissance de certaines situations où la lenteur ou l'absence totale d'intervention de la part des policiers seraient à la base d'échecs au niveau de l'arrestation de fraudeurs?

Mme Xavier : Je n'ai pas cette information avec moi ce matin. Il faudrait que je vérifie. Je ne sais même pas si cela existe, parce qu'on n'a pas la capacité d'enquêter nous-mêmes.

Le sénateur Boisvenu : Êtes-vous au courant de cas où l'intervention de la Sûreté du Québec est trop lente lorsqu'elle intervient comme policier municipal?

Mme Xavier : Je ne suis pas confortable pour répondre à votre question. Je ne voudrais pas dire des inexactitudes. Il faudrait que je fasse des vérifications. Cependant, il est certain qu'avec cette loi, nous pourrions travailler en partenariat avec les autres communautés pour déterminer les priorités.

Le fait d'avoir plus d'autorité les motiverait un peu plus sachant qu'ils ont une bonne raison d'y venir, mais de là à vous dire qu'ils ne le faisaient pas avant, je ne peux répondre à cette question.

[Traduction]

Le sénateur Runciman : Madame Xavier, vous avez utilisé dans votre exposé quelques termes qui ont suscité ma curiosité. Vous dites que l'agence pourrait faire davantage et travailler de façon plus efficace. Un des objectifs du projet de loi S-9 est d'accorder à votre agence le pouvoir d'identifier les véhicules volés et de les empêcher de quitter le pays. Estimez-vous que les dispositions du projet de loi vont vous permettre de participer pleinement — et j'insiste sur le mot pleinement — aux activités ayant pour but d'empêcher les véhicules volés de quitter le pays.

Mme Xavier : Oui, nous pensons que le projet de loi nous autorisera à utiliser dans ce but les pouvoirs que nous accorde la Loi sur les douanes.

Le sénateur Runciman : Hier, j'ai soulevé avec les représentants du ministère une question que j'aurais peut-être dû poser à d'autres, et cette question portait sur la transmission des renseignements entre les différentes entités concernées. Certaines préoccupations ont été exprimées au sujet des rapports entre les services de police et le Bureau d'assurance du Canada. Votre agence a déjà exprimé des réserves au sujet de la communication de renseignements.

Mme Xavier : Oui.

Le sénateur Runciman : Comment ce projet de loi va-t-il influencer la position de l'ASFC?

Mme Xavier : Ce projet de loi n'a pas d'effet sur notre capacité de transmettre des renseignements. Nous sommes assujettis à la Loi sur les douanes qui impose certaines restrictions en matière de communication de renseignements. Nous allons continuer à respecter les articles de la Loi sur les douanes qui traitent de la communication de renseignements, et qui nous autorisent, par exemple, à transmettre des renseignements à nos partenaires dans le domaine de l'application de la loi. Nous n'avons pas le pouvoir de transmettre des renseignements concernant les douanes à des organismes non policiers. Cela est conforme à nos pouvoirs actuels et ne sera pas changé par le projet de loi.

Le sénateur Runciman : La Loi sur les douanes permettrait-elle au ministre de le faire? La Loi sur les douanes accorde-t-elle cette latitude?

Mme Xavier : Il faudrait que je pose cette question à un conseiller juridique.

Le sénateur Runciman : Je pensais qu'elle faisait référence à un pouvoir ministériel.

Mme Xavier : Je vais devoir vous revenir plus tard sur cette question des pouvoirs ministériels. À l'heure actuelle, l'article 107 de la Loi sur les douanes ne nous permet pas de le faire. Je pense que cela s'applique également aux pouvoirs ministériels, mais il faudrait que j'en aie confirmation.

La présidente : Lorsque vous aurez la réponse à cette question, je vous demande de la transmettre à la greffière du comité le plus rapidement possible.

Mme Xavier : Tout à fait.

La présidente : Merci.

Le sénateur Runciman : C'est un aspect qui est un peu relié, parce qu'il traite de la non-communication de renseignement à un tiers. Il a paru, il y a quelques mois dans une nouvelle de la Presse canadienne, que l'ASFC n'avait pas connaissance des renseignements que possédait le Service canadien du renseignement de sécurité, SCRS, au sujet des personnes qui ne devraient pas être admises au programme NEXUS. Je vois un rapport entre le fait que l'ASFC peut obtenir des renseignements auprès des services de police au sujet des véhicules volés et le fait que l'ASFC reçoit des renseignements d'un tiers. Je suis peut-être mal informé, mais cela indique que l'ASFC n'est pas très disposée à répondre aux demandes émanant de tiers.

Mme Xavier : Je ne peux pas commenter cet exemple particulier. Je peux vous dire que notre objectif, qui a été clairement exposé au cours de l'enquête en question, est, sur le plan de la collaboration avec nos partenaires du milieu de l'application de la loi, d'échanger les renseignements avec toutes les agences concernées, de façon à lutter contre l'exportation de véhicules volés.

Par exemple, au cours de l'enquête, nous avons travaillé en étroite collaboration avec la GRC qui, dans le cadre de sa mission, travaille avec d'autres entités privées, comme le Bureau d'assurance du Canada (BAC). Si nous possédions des renseignements au sujet d'un cas précis comme celui d'un véhicule volé trouvé dans un conteneur destiné à l'exportation, nous les communiquerions. Notre but avec ce projet de loi est d'être en mesure de travailler avec nos partenaires d'application de la loi de la meilleure façon possible, qui comprend la communication de renseignements, notamment criminels. Nous le faisons à l'heure actuelle, lorsque cela est possible, dans certains cas.

Le sénateur Runciman : Monsieur McAuley, pouvez-vous nous dire comment l'Agence du revenu du Canada, ARC, est touchée par la question du vol d'automobile et quel rôle vous jouez?

M. McAuley : Nous avons eu une discussion à ce sujet pour préparer l'audience d'aujourd'hui. Nous avons conclu que le projet de loi n'aurait qu'un effet mineur sur l'Agence du revenu du Canada. Notre participation dans ce domaine concerne la communication de renseignements relatifs à un contribuable, à la suite d'une ordonnance judiciaire nous demandant de communiquer certaines données précises. Par exemple, nous pourrions recevoir une demande d'information concernant une déclaration d'impôt d'un de ces prétendus importateurs. Nous recevons un très petit nombre de demandes de ce genre. Mais nous ne prévoyons pas que les ordonnances judiciaires de ce type transmises à notre bureau vont considérablement augmenter.

Le sénateur Runciman : Mme Charbonneau?

Johanne Charbonneau, directrice, Division des enquêtes criminelles, Agence du revenu du Canada : Même chose.

Le sénateur Housakos : J'aimerais poser quelques questions. La première ne concerne pas directement le projet de loi, mais davantage l'aspect logistique du fonctionnement de l'Agence des services frontaliers du Canada. Je viens de Montréal. Il n'est pas surprenant que Montréal soit un centre pour l'exportation des pièces de véhicules et des véhicules volés.

Il existe trois façons d'expédier des marchandises de Montréal : par terre, par air ou par mer. Il ressort des discussions que j'ai eues avec des autorités policières de Montréal que 85 à 90 p. 100 de ces activités s'exercent dans le port de Montréal.

Est-ce que le Canada, par l'intermédiaire de l'ASFC, surveille suffisamment le port? Pourquoi n'avons-nous pas encore réussi à mettre un terme à ce genre d'activité? Est-ce un manque de dispositions législatives, de ressources ou de stratégie? Comment l'expliquez-vous?

Mme Xavier : À mon avis, il est certain que le volet mesure législative va introduire une prohibition qui n'existait pas auparavant. Même si nous voulions consacrer davantage de ressources à cet aspect, du point de vue de l'ASFC, nous ne pourrions faire davantage avec la loi actuelle. La Loi sur les douanes ne contient pas de dispositions permettant le ciblage ou la rétention préalables. Comme je l'ai expliqué plus tôt, si nous constatons une anomalie au cours de l'inspection d'un conteneur, nous communiquons avec le service de police local pour qu'il intervienne. Est-ce que les autorités locales peuvent faire davantage, il faudrait le leur demander.

Le projet de loi nous permettra de faire davantage. Nous pourrons faire du ciblage et de l'analyse préalables grâce aux renseignements obtenus et à la collaboration de nos partenaires. Nous allons établir nos priorités avec nos partenaires locaux. Nous collaborons efficacement avec nos partenaires et nous allons continuer à le faire après la mise en œuvre de ce projet de loi, s'il était adopté, dans le but de décider où se trouve la menace la plus forte pour éventuellement concentrer nos efforts sur elle. À ce dialogue, participeraient nos partenaires de l'autorité portuaire locale, les partenaires de la GRC pour élaborer une stratégie globale.

Le sénateur Housakos : Comment sont les communications entre les divers services de polie au Canada? Montréal a la GRC, la Sûreté du Québec, SQ, et la police de Montréal. J'ai des amis dans la GRC et la SQ auxquels je parle depuis des années, et je crois qu'il semble exister une ligne de séparation et un manque de communication. J'ai entendu de nombreuses plaintes portant sur le fait que ces services ne disposent pas d'une base de données commune ni de réseaux de communication. C'est un problème bien connu. Dieu sait si nous réussirons à surmonter les obstacles politiques pour finalement corriger ce problème.

Comment pouvez-vous bien faire votre travail d'enquête en l'absence d'un réseau de communication? Je pense que si c'est bien la situation pour la GRC et la SQ, on doit certainement retrouver le même problème entre l'ASFC et la SQ d'une part, et l'ASFC et la police de Montréal, d'autre part.

Je comprends ce qu'apporte le projet de loi, qui est important, mais comment allons-nous remédier à l'absence de volonté politique de faire ce qu'il faut faire et permettre au bon sens de l'emporter? À cause de toutes ces difficultés, les drogues, les véhicules volés et les pièces d'automobile transitent depuis des années par le port de Montréal. Ce problème perdure depuis des années. Je sais que ce n'est pas un problème que nous allons pouvoir régler au cours de cette séance sénatoriale. Il semble toutefois se trouver au cœur des difficultés que vous rencontrez.

Il y a également le fait que je considère que votre organisme est une agence d'inspection et non pas un service de police. Vous n'êtes pas là pour faire des enquêtes. Vous êtes là pour vérifier que les choses qui entrent et sortent de notre pays ont effectivement le droit d'en sortir ou d'y entrer.

Les personnes qui appliquent la loi dans ce pays sont-elles bien équipées en matière d'information? Êtes-vous bien équipés pour obtenir des renseignements? Je sais que j'ai abordé une vaste question, mais j'aimerais savoir ce que vous en pensez.

Mme Xavier : Je vais revenir à l'enquête parce que c'est un bon exemple. Lorsque nous arrivons à obtenir un consensus entre les différents groupes du milieu de l'application de la loi, nous faisons du bon travail. Nous tenons régulièrement des discussions bilatérales avec nos partenaires d'application de la loi des diverses régions. Nous avons des agents régionaux de renseignement qui travaillent dans les diverses régions et qui entretiennent d'excellentes relations à la fois avec les services de police locaux et avec leurs homologues de la GRC. En préservant ces excellents rapports, nous pourrons faire notre travail de façon plus efficace. Nous pouvons mettre sur pied certaines équipes d'enquête si la situation le justifie.

Nous pensons qu'il y a du travail à faire dans ce domaine. Je ne le nie pas. Nous essayons constamment d'améliorer les communications et nos partenariats avec nos divers partenaires d'application de la loi, mais j'estime que cette enquête, par exemple, constitue une bonne base de départ. De toute façon, c'est un aspect sur lequel nous allons continuer de travailler.

Avec de bons partenariats, l'information peut circuler et circule.

[Français]

Le sénateur Joyal : Madame Xavier, si je comprends bien, le projet de loi tel que déposé actuellement, l'article 6 amende l'article 355.2 du Code pénal. Est-ce que vous avez un exemplaire du projet de loi avec vous?

Mme Xavier : Vous êtes à l'article 6?

Le sénateur Joyal : Oui, c'est à la page 3. L'article 6 amende l'article 355 du Code pénal. L'article 355.2 fait référence directement à l'importation de produits qui proviendrait directement ou indirectement de la perpétration d'une offense pénale.

Si je comprends bien, l'autorité que vous recevez par l'inclusion de cette disposition au Code pénal est beaucoup plus large que celle des véhicules volés. Vous vous concentrez sur les véhicules volés, mais en fait ce que vous recevez comme autorité à l'intérieur de ce projet de loi couvre tout objet ou bien qui pourrait résulter d'une activité criminelle?

Mme Xavier : C'est exact.

Le sénateur Joyal : Lorsqu'on évalue l'autorité qui vous est donnée, on comprend que les autres dispositions du projet de loi s'adressent aux véhicules volés, une infraction est créée spécifiquement. Toutefois, l'autorité que vous recevez est générale?

Mme Xavier : C'est exact.

Le sénateur Joyal : Si vous avez à mettre en place un nouveau système de vérification suite à ce projet de loi, il ne concerne pas uniquement les véhicules volés, mais toute espèce de bien qui pourrait transiter à l'intérieur de vos services?

Mme Xavier : C'est exact.

Le sénateur Joyal : Sur quelle base d'autorité vous placez-vous lorsque vous soupçonnez qu'un bien en transit à la frontière a été l'objet d'une activité criminelle?

Comme l'a indiqué le sénateur Boisvenu, lorsqu'on quitte le Canada comme personne, on n'a pas de vérification à faire aux douanes ou à la frontière canadienne à moins de vouloir exporter un bien que l'on désire réimporter, dans lequel cas, évidemment, il faut obtenir entre autres certaines autorisations. De façon générale si je quitte le Canada avec des biens, je n'arrête pas à la frontière pour les déclarer à l'Agence des services frontaliers du Canada. J'aurai à les déclarer à l'agence américaine si je traverse la frontière des États-Unis ou aux autorités du pays vers lequel je dirige les biens.

Sur quoi vous basez-vous pour intercepter des biens que vous pourriez soupçonner être le résultat d'une activité criminelle?

Mme Xavier : Je m'excuse, mais il me sera plus facile de vous répondre en anglais.

[Traduction]

Nous avons un programme stratégique de contrôle des exportations.

[Français]

Un programme d'exportation existe et fait partie du mandat de l'agence. En vertu du programme actuel, la personne doit se présenter à l'agence ou à la porte de sortie avant de se rendre, par exemple, aux États-Unis ou au port maritime, afin de déclarer ses biens d'exportation et les renseignements spécifiques s'y rapportant. Ce fait ne changera pas.

[Traduction]

La Loi sur les douanes nous attribue, à l'heure actuelle, certains pouvoirs en matière de contrôle des exportations. Notre programme stratégique de contrôle des exportations fait partie d'une de nos attributions aux termes de la Loi sur les douanes.

L'obligation déclarative imposée au consommateur ou au voyageur à l'heure actuelle sera maintenue. Ces pouvoirs vont nous permettre d'examiner les documents que nous recevons à l'avance, peut-être, d'un point de vue davantage axé sur les enquêtes ou l'obtention de renseignements. Nous allons examiner la destination prévue de ces marchandises et collaborer avec les services de police et nos partenaires de la GRC pour déterminer s'il y a infraction ou transport de marchandises prohibées.

À l'heure actuelle, lorsqu'une marchandise est prohibée, comme un véhicule volé, nous ne pouvons pas, par exemple, la retenir. Nous pouvons uniquement demander au service de police local d'intervenir.

Le sénateur Joyal : Oui, c'est une autre réponse que vous avez fournie qui appelle, d'après moi, des explications supplémentaires. Je ne suis pas spécialiste du sujet. Dans votre réponse, vous avez déclaré que selon vos pouvoirs actuels, une automobile volée n'est pas une marchandise prohibée.

Mme Xavier : C'est exact.

Le sénateur Joyal : Qu'est-ce qu'une marchandise prohibée dans le cas du produit d'un vol ou du produit d'un crime, selon vos pouvoirs actuels? Je ne comprends pas la différence qui existe entre vos pouvoirs actuels et ceux-ci. Vous avez parlé d'une marchandise particulière en relation avec un produit obtenu par la perpétration d'une infraction.

J'essaie de comprendre la différence juridique que vous faites dans cette situation, pour mieux comprendre les répercussions du projet de loi.

Mme Xavier : À l'heure actuelle, le Code criminel ne contient aucune disposition interdisant les biens obtenus par la perpétration d'une infraction. Ces dispositions n'existent pas.

Avec la formulation actuelle de la Loi sur les douanes, nous n'avons le pouvoir de faire appliquer le Code criminel qu'à l'égard de choses que nous découvrons en exerçant une activité administrative habituelle. Nous utilisons la Loi sur les douanes en l'appliquant aux activités reliées aux douanes et à l'immigration.

Si au cours d'une enquête, nous découvrons ce qui pourrait être un véhicule volé, nous n'avons pas moyen de savoir ce qu'il en est exactement. Si nous avons des soupçons, nous appelons l'autorité locale. Par exemple, si un conteneur arrive à la frontière et que les documents m'indiquent qu'il exporte des oranges à destination du pays X, je peux avoir des soupçons s'il est inhabituel d'exporter des oranges vers le pays X. Je pourrais donc déjà avoir des soupçons.

À ce moment-là, je pourrais inspecter le conteneur parce que cela est tout à fait permis par le règlement de la Loi sur les douanes. Supposons qu'ensuite, lorsque j'ouvre le conteneur, je trouve un véhicule. C'est en soi une constatation. Tout ce que je peux faire à ce moment-là est de prendre note du NIV. Je ne peux pas l'introduire dans la base de données du Centre d'information de la police canadienne, le CIPC, pour savoir si le véhicule a effectivement été volé. Je pourrais peut-être imposer une sanction administrative à l'exportateur pour avoir décrit de façon trompeuse ce qu'il y avait dans le conteneur. À ce moment-là, je vais appeler les autorités locales et leur dire que je suis en possession d'un véhicule volé qui se trouve dans le conteneur. Je ne sais pas si le véhicule est volé. Je peux uniquement le leur faire savoir et ce sont ensuite à elles de venir et de prendre en charge la situation.

Le sénateur Joyal : Qui a le pouvoir de saisir cette marchandise dans ce genre de situation?

Mme Xavier : À l'heure actuelle, je n'ai pas le pouvoir de retenir cette marchandise dans cette situation.

Le sénateur Joyal : Si vous trouvez un véhicule dans un conteneur qui doit contenir normalement des oranges, vous devez appeler la police, parce que c'est elle qui a le pouvoir de saisir ce bien.

Mme Xavier : C'est exact.

Le sénateur Joyal : Il est possible que la police ne dispose pas immédiatement des renseignements concernant ce véhicule pour diverses raisons. Ce véhicule a pu être modifié, le NIV effacé pour empêcher que l'on retrace le véhicule.

Mme Xavier : C'est exact.

Le sénateur Joyal : Avec ce projet de loi, aurez-vous le pouvoir de saisir ce véhicule?

Mme Xavier : J'aurais le pouvoir de retenir le véhicule et d'appeler le service de police qui pourra, lui, saisir le véhicule et prendre les mesures qui s'imposent.

Le sénateur Joyal : J'essaie de comprendre la chaîne de commandement. Quand vous possédez la preuve qu'il s'agit d'un bien volé, vous avez uniquement le pouvoir de transmettre cette information.

Mme Xavier : Avec la loi actuelle, oui. Avec la nouvelle loi, je pourrai retenir le conteneur, l'empêcher de quitter le pays, appeler le service de police local, lui transmettre l'information que j'ai obtenue et travailler avec lui pour porter les accusations qui conviennent.

À l'heure actuelle, dans des circonstances normales, les conteneurs qui arrivent à la frontière ne sont pas toujours accompagnés par des personnes, parce qu'ils se trouvent habituellement dans un entrepôt.

Le sénateur Joyal : C'est le transporteur qui le fait.

Mme Xavier : C'est pourquoi il n'y a pas toujours quelqu'un sur place que je pourrais arrêter. Je vais donc retenir le conteneur, l'empêcher de quitter le pays et travailler avec mes partenaires d'application de la loi pour qu'ils fassent l'enquête nécessaire et portent des accusations.

Le sénateur Joyal : Je vois. Excusez-moi; j'essaie simplement de comprendre ce qui se passe. Vous avez présenté un très bon exposé, mais il est pour moi très important de comprendre la différence qui existe entre les pouvoirs dont vous disposez déjà aux termes de la Loi sur les douanes et les modifications apportées au Code criminel pour que vous puissiez agir de façon beaucoup plus efficace pour empêcher l'exportation de véhicules volés, — parce qu'une fois qu'ils sont partis, il n'y a plus de preuve et il est presque impossible de suivre la piste du crime.

Mme Xavier : C'est la raison pour laquelle nous sommes tellement en faveur de ce projet de loi et que nous voulons que cette interdiction figure dans le Code criminel.

Par exemple — et cela aidera peut-être — il existe à l'heure actuelle une interdiction qui nous permet de retenir ou de saisir des drogues ou des armes à feu si elles sont destinées à l'exportation. Ce sont des marchandises de contrebande. Lorsque cela se produit, nous retenons ces marchandises et le processus n'est pas différent. La police vient et fait son enquête. Le processus n'est pas différent.

La différence est que selon la loi actuelle, les véhicules volés ou les produits de la criminalité ne sont pas des marchandises prohibées.

La présidente : Puis-je poser une question supplémentaire, sénateur Joyal?

Le sénateur Joyal : Bien sûr. J'essaie de comprendre toutes les implications de ce projet de loi, parce qu'il y en a un grand nombre.

La présidente : Vous avez également réussi à m'embrouiller.

Mme Xavier : C'est complexe.

La présidente : Le projet de loi incrimine le fait de faire le trafic ou d'exporter un bien volé, et il contient toutes ces phrases magnifiques, et il déclare expressément que le fait de voler une voiture est une infraction. Est-ce que cela vient du fait que les voitures sont maintenant énumérées? Est-ce que ça vient du fait que, dans votre loi actuelle, vous possédez un pouvoir général de retenir les biens qui sont énumérés dans le Code criminel?

Le sénateur Joyal a commencé quelque chose. Je ne comprends pas quelle est la partie du projet de loi qui vous donne le pouvoir — et je vous crois — que vous dites que vous allez posséder. J'essaie simplement de comprendre comment cela va se faire. Je suis désolée si j'empiète sur votre sujet, sénateur Joyal, mais vous m'avez vraiment incité à approfondir cette question.

Mme Xavier : Le paragraphe 163.5(4) de la Loi sur les douanes interdit expressément le recours aux pouvoirs d'application de cette loi dans le seul but de rechercher des éléments de preuve reliés à une infraction criminelle à une autre loi.

Un véhicule volé, s'il se trouve dans notre conteneur, est un objet suspect. Nous ne pouvons pas utiliser les pouvoirs que nous donne la Loi sur les douanes actuelle pour faire une enquête. Par exemple, nous ne pouvons pas vérifier le NIV dans une base de données. Nous n'avons pas le pouvoir de le faire. Lorsque nous voyons un véhicule qui a peut- être été volé, la seule chose que nous pouvons faire, à l'heure actuelle, avec des soupçons découlant de nos activités administratives habituelles, de l'administration normale de la Loi sur les douanes, est de communiquer avec les autorités locales, leur demander de venir, de saisir le véhicule et d'effectuer une enquête.

Le problème vient du fait que la loi actuelle ne contient aucune interdiction visant les véhicules volés ou les objets volés, obtenus par la perpétration d'une infraction; il n'y a rien qui déclenche l'application de la Loi sur les douanes pour faire cette recherche de preuve.

Le sénateur Joyal : Le projet de loi ne modifie pas lui-même la Loi sur les douanes.

Mme Xavier : Il ne modifie aucunement la Loi sur les douanes.

Le sénateur Joyal : Très bien. Lorsque j'ai lu votre mémoire, je m'attendais à trouver une disposition du projet de loi qui modifiait la Loi sur les douanes, ou une autre loi que vous êtes chargé de mettre en œuvre et je n'en ai pas trouvé, à moins que j'aie mal lu le projet de loi.

Mme Xavier : C'est la raison pour laquelle il apporte une modification au Code criminel. Nous administrons 90 lois pour le compte d'autres ministères et nous nous occupons de toute une série de prohibitions, mais cette prohibition particulière visant les biens obtenus par la perpétration d'une infraction n'existe dans aucune autre loi.

La présidente : Je crois que le sénateur Housakos veut poser une question supplémentaire. Avez-vous terminé sur ce sujet, sénateur Joyal?

Le sénateur Joyal : C'est un aspect que j'essaie de comprendre — le fonctionnement du projet de loi — et je pense que tous ceux qui sont ici peuvent y participer.

Mme Xavier : Étant donné que je ne suis pas avocate, et aussi parce que le droit relève du ministère de la Justice, j'aimerais faire une suggestion. Il est regrettable que vous n'ayez pas posé cette question aux représentants du ministère qui étaient ici hier. J'ai toutefois ici avec moi mon avocat des services juridiques. Il pourra peut-être mieux que moi vous expliquer ces aspects techniques en termes juridiques, ce qui pourrait être utile. Cela vous convient-il?

La présidente : Cela serait utile. Je pense qu'il s'agit de M. Robert Borland.

Le sénateur Baker : Les produits de la criminalité sont toujours confisqués par la Couronne.

Le sénateur Housakos : D'après ce que j'ai compris, à l'heure actuelle, vous avez le droit, en tant qu'agent des douanes frontalières, d'identifier les objets suspects et d'appeler la police ou de les retenir. Si vous examinez un conteneur qui doit contenir des tomates ou des oranges destinées à l'exportation et que vous voyez une automobile, une partie du problème, si j'ai bien compris, vient du fait que vous ne pouvez même pas savoir si le véhicule est volé, parce que vous n'avez pas accès à ce renseignement.

Mme Xavier : Exact.

Le sénateur Housakos : Tout ce que vous pouvez faire est de dire que vous avez découvert une marchandise suspecte et vous appelez la police qui fait alors son travail, ce qui revient à ce que je disais plus tôt : nos douaniers ne sont même pas en mesure d'identifier rapidement si le véhicule qui se trouve dans le conteneur a été volé.

Mme Xavier : Avec la loi actuelle, nous ne pouvons pas le faire.

Le sénateur Housakos : Ça pourrait fort bien ne pas être une voiture volée, par exemple. Il existe une forte probabilité que cette voiture soit volée, mais je dis simplement que je ne pense pas que l'agence ait le pouvoir de confisquer un bien dont il n'est pas confirmé qu'il a été volé.

Le sénateur Baker : Si elle a des motifs raisonnables de le soupçonner, elle peut le faire.

La présidente : Nous sommes encore en train d'utiliser le temps de parole du sénateur Joyal.

Le sénateur Joyal : Je vais le partager.

Le sénateur Baker : C'est dans la loi.

Le sénateur Joyal : M. Borland est ici maintenant. Je m'attendais à trouver une modification à la Loi sur les douanes dans le projet de loi lorsque j'ai vu votre nom dans la liste des témoins ce matin. J'ai donc commencé à relire le projet de loi pour voir quel était l'article qui vous concernait et le seul qui me paraît vous concerner est le projet de nouvel article 355.2 parce qu'il parle de l'importation et de l'exportation et crée une infraction spécifique, la peine applicable figurant au nouvel article 355.5.

Comme mon collègue le sénateur Baker l'a déclaré, la notion de produits de la criminalité a de nombreuses connotations juridiques et pénales pour la Couronne. C'est la raison pour laquelle j'essaie de comprendre tout ceci, lorsque vous dites que ce n'est pas une marchandise prohibée, et bien, tout ce qui avait été volé n'était pas une marchandise prohibée auparavant. Je comprends cela. Par conséquent, lorsque la Loi sur les douanes a été adoptée et lorsque votre agence a été créée, comment se fait-il que n'importe quel bien volé pouvait quitter le Canada sans donner lieu à un suivi juridique approprié qui pourrait, bien entendu, déclencher l'application du droit pénal?

Robert Borland, avocat, Agence des services frontaliers du Canada : Je veux simplement attirer votre attention sur l'article 6 du projet de loi, le nouvel article 355.3 proposé. Mais avant d'analyser cette disposition, j'aimerais préciser un certain nombre de choses.

La Loi sur les douanes est conçue pour identifier les marchandises, pour identifier la nature des marchandises, leur origine et leur valeur. C'était là l'objectif général de la Loi sur les douanes.

La Loi sur les douanes accorde le pouvoir de retenir et d'examiner les marchandises, également à des fins d'appliquer d'autres lois qui régissent, soit en les prohibant carrément, soit en les réglementant de quelque façon, d'autres marchandises, en vertu d'autres lois du Parlement.

Par exemple, certains stupéfiants sont réglementés et contrôlés aux termes de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances. Si des agents de l'ASFC trouvaient dans un conteneur une substance qui ressemble à de l'héroïne, ils pourraient par exemple utiliser leurs pouvoirs pour analyser cette substance. Ils peuvent la retenir; ils peuvent aviser des personnes qui ont une plus grande expertise qu'eux dans ce domaine, comme la police; ils peuvent faire des analyses pour confirmer que la substance est vraiment de l'héroïne et, dans ce cas, les policiers la saisiraient. Il s'agit ici de quelque chose de très semblable.

Le sénateur Joyal : Vous ne pouvez pas retenir et vous ne pouvez pas saisir une marchandise. Pourriez-vous expliquer la différence juridique qui existe entre les deux?

M. Borland : Du point de vue de l'ASFC, la rétention concerne essentiellement l'article 101 de la Loi sur les douanes. C'est le pouvoir de conserver une marchandise, de ne pas la laisser passer les douanes, dans le but de décider quelle est sa nature et si elle respecte d'autres lois.

Encore une fois, au sujet de l'exemple du stupéfiant, il faut se demander si cette substance est interdite par une autre loi du Parlement? Si l'analyse prouve que c'est du sucre, lorsque l'agent en est arrivé à cette conclusion, la substance est autorisée à entrer et peut être ensuite utilisée au Canada.

Cela peut prendre un jour ou deux pour effectuer les analyses, en particulier lorsqu'il s'agit d'objets comme des biens culturels ou une statue en provenance de l'Iran dont il faut déterminer l'âge, savoir si elle vient d'une certaine région ou si elle a une importance culturelle; tout cela prend parfois un peu de temps. C'est la raison pour laquelle il y a ce pouvoir de rétention.

Dans un cas de routine, si une personne traverse la frontière en amenant quelque chose qui paraît suspect, il arrive que les agents puissent prendre une décision sur-le-champ. Ils vont retenir l'objet et remettre à son propriétaire un récépissé concernant le bien. Les agents prennent une décision, et la personne concernée peut revenir et demander ce qui se passe. Si l'on constate que l'objet est légitime, il est rendu à la personne concernée, qui peut ensuite l'amener chez elle.

Le problème ici est qu'avec des choses comme des véhicules volés, il n'existe pas de loi qui interdise directement le déplacement de cette marchandise. Normalement, lorsqu'on trouve un véhicule, on peut déterminer son type, l'endroit où il a été fabriqué et quelle en est la valeur. C'est pour cela que sont conçus la Loi sur les douanes et le Tarif des douanes, à savoir identifier les objets.

Il est par contre différent d'aller au-delà de cette opération et de déterminer si cet objet particulier a été en fait volé. Ce n'est pas une activité douanière habituelle. D'autres pays, comme la Nouvelle-Zélande, ont décidé d'interdire directement le déplacement transfrontalier des biens volés. Ils font référence aux objets volés et mentionnent expressément que ces objets sont interdits. C'est donc la situation. C'est ce que nous faisons avec le nouvel article 355.3 proposé, qui énonce expressément que l'importation et l'exportation d'un article, d'un bien provenant de la perpétration d'une infraction ou du produit d'un tel acte, et cetera, sont interdites. Nous sommes donc en train d'affirmer que le déplacement de cette marchandise est une activité prohibée.

Si quelqu'un, même un tiers innocent, traverse la frontière avec un bien volé, l'ASFC pourrait identifier l'article et soupçonner qu'il a été volé, en particulier s'il s'agit d'un véhicule. Les agents de l'ASFC pourraient utiliser le NIV et constater qu'il appartient à un véhicule que la police estime avoir été volé. L'ASFC ou la police ne prendrait pas nécessairement de mesure à l'égard de cette personne, parce que celle-ci ne savait peut-être pas que l'objet avait été volé.

D'un point de vue in rem, l'ASFC pourrait conclure que c'est le déplacement de la marchandise qui fait problème. Les agents de l'ASFC pourraient alors retenir le bien et conclure, avec l'aide de la police, qu'il est effectivement prohibé, et dans ce cas, la police peut prendre des mesures contre la marchandise plutôt que contre la personne.

Bien sûr, il existe d'autres dispositions, comme le nouvel article 355.2 proposé, qui vise expressément l'activité de l'individu. Le but est d'essayer de déterminer la responsabilité pénale de la personne en question, alors que le projet d'article 355.3 ne crée pas d'infraction. Personne n'ira en prison à cause de l'article 355.3, mais la marchandise qui serait visée par cette disposition pourrait être saisie et par la suite possiblement utilisée à titre de preuve dans le cadre d'une poursuite pénale.

Le sénateur Joyal : Essentiellement, pour ce qui est des marchandises, l'information sera transmise au service de police local. Mais dans le cas d'une personne?

M. Borland : Dans un cas où, par exemple, une personne serait en train d'importer un véhicule volé, si les agents de l'ASFC apprenaient que la personne qui traverse la frontière avec la voiture volée savait que le véhicule était volé et était donc en train d'importer un véhicule volé, ils auraient alors le pouvoir d'arrêter cette personne. Cela dit, ce serait en fin de compte aux policiers de décider s'il y a lieu de porter une accusation contre cette personne.

Le sénateur Joyal : Par conséquent, vous retenez les marchandises et arrêtez la personne?

M. Borland : C'est exact. On retient la marchandise. Si vous avez des motifs appropriés de croire que le bien est en fait volé, alors vous pouvez prendre des mesures aux termes du projet de l'article 355.3. Vous pourriez invoquer cet article pour saisir le bien. Les policiers utiliseraient les pouvoirs habituels, ceux de l'article 489 du Code criminel, et, parallèlement, s'il existe des motifs raisonnables de croire que la personne savait qu'elle importait un objet volé, alors cette personne pourrait être arrêtée.

Bien sûr, dans la plupart des cas, ces articles se trouvent dans des conteneurs dans des ports maritimes et les personnes qui se trouvent là ne savent absolument pas si des véhicules volés se trouvent dans un conteneur donné.

Le sénateur Lang : J'aimerais revenir sur les questions qui ont été posées plus tôt par le sénateur Housakos au sujet des rapports de travail qui existent entre votre agence et les divers organismes d'application de la loi pour que nous réussissions mieux à saisir ces voitures volées qui sont manifestement importées au Canada par nos ports.

J'ai fait un rapide calcul. Même à 6 000 $ par véhicule, ce qui est très bas, le montant approximatif correspondant à 20 000 véhicules est de 120 millions de dollars. Il est probablement plus exact de dire que des véhicules d'une valeur de 750 millions de dollars sont exportés du Canada. C'est vraiment un montant surprenant.

Dans votre rapport, vous parlez d'une opération qui a été lancée en 2008 à Montréal et Halifax au cours de laquelle vous avez intercepté 258 véhicules. Avez-vous lancé une opération semblable à Vancouver? Si c'est le cas, quelle est l'ampleur de ce genre de crime sur la côte Ouest comparé à ce qui se fait sur la côte Est?

Mme Xavier : Comme je l'ai mentionné, nous avons un programme visant les exportations et nous travaillons aussi bien sur le volet importation que sur le volet exportation.

Nous n'avons pas lancé d'opération de ce genre dans le port de Vancouver, une opération comparable à l'enquête d'une durée de six mois que nous avons effectuée en partenariat avec la GRC. C'était une opération spéciale qui visait à appuyer la présentation de ce projet de loi.

Il est possible que l'autorité portuaire de Vancouver puisse s'occuper de véhicules du point de vue de la Loi sur les douanes parce qu'il y a eu, par exemple, déclaration trompeuse. Nous avons le pouvoir d'intervenir dans ces cas-là, en utilisant les pouvoirs d'application de la loi que nous attribue la Loi sur les douanes. Cependant, nous ne pouvons pas faire davantage, que ce soit à Vancouver, Montréal ou Halifax, s'il n'y a pas un projet de loi qui introduit certains changements.

Le sénateur Lang : Je comprends cela. Je me demandais simplement comment se comparaît la situation du port de Vancouver par rapport à ceux de Montréal et Halifax.

La présidente : Quel est votre meilleur chiffre?

Mme Xavier : Je ne peux pas vous donner cette information. Nous savons que le problème que posent les véhicules volés est un problème national. Nous savons que dans certains secteurs, ce problème est plus aigu, comme par exemple, le port de Montréal; il y a certaines régions où ces activités sont plus fréquentes.

Le problème vient du fait que les véhicules n'étant pas une marchandise prohibée pour le moment, nous ne disposons pas de statistiques indiquant l'ampleur du problème. Lorsque nous essayons d'évaluer l'ampleur du problème au palier national, nous pouvons uniquement nous baser sur les sanctions qui ont été imposées pour les déclarations trompeuses, par exemple.

Le sénateur Lang : L'adoption de ce projet de loi aura pour effet d'attribuer à votre agence davantage de responsabilités et de pouvoirs. Avez-vous suffisamment de ressources pour appliquer cette loi et pour faire dans les ports le suivi dont nous parlons?

Mme Xavier : Nous pensons que nous serons en mesure d'utiliser les pouvoirs que nous attribue ce projet de loi pour que nous puissions faire notre travail plus efficacement. Nous allons continuer à exercer nos fonctions dans une perspective de gestion du risque. Grâce à notre capacité d'effectuer une analyse préalable en utilisant des outils de ciblage et de collecte de renseignements, nous pourrons centrer notre attention sur les conteneurs suspects. Cela nous permettra également de travailler plus intelligemment en utilisant les ressources existantes.

Le sénateur Carstairs : Pouvez-vous nous dire quel est le pourcentage des conteneurs qui entrent et sortent du Canada qui font véritablement l'objet d'une inspection?

Mme Xavier : Je n'ai pas de réponse concernant directement les conteneurs. J'en ai pour les activités commerciales exercées, activités auxquelles les conteneurs sont habituellement associés. Je n'ai pas avec moi de chiffre concernant le nombre exact de conteneurs.

La présidente : Pouvez-vous nous fournir l'information que vous possédez et pouvez-vous fournir une réponse à la question du sénateur Carstairs?

Mme Xavier : Oui. En 2008-2009, nous avons effectué 246 631 inspections commerciales de conteneurs, mais le nombre de ceux qui ont traversé la frontière est bien plus considérable.

Le sénateur Joyal : Est-ce que cela représente 20 p. 100?

Mme Xavier : Je ne suis pas en mesure de vous fournir un pourcentage.

Le sénateur Carstairs : C'est le point essentiel. Je pense que 10 p. 100 serait une évaluation très généreuse, mais je crois que vous examinez plutôt près de 5 p. 100 de tous les conteneurs qui entrent et sortent du pays. Si c'est bien le cas, quel peu bien être concrètement l'effet positif de ce projet de loi? Ne sommes-nous pas encore une fois en train de créer une attente qu'il nous sera impossible de combler? Vous dites que vous avez les ressources, mais nous n'avez pas les ressources qui vous permettraient d'inspecter tous les conteneurs qui entrent ou sortent du pays.

Mme Xavier : Non, bien sûr. Compte tenu de la façon dont nous fonctionnons, la décision d'inspecter tous les conteneurs qui entrent ou sortent de notre pays n'entraînerait pas une bonne utilisation de nos ressources. Cela revient à la méthodologie dont je parlais il y a un instant. Nous agissons uniquement du point de vue de la gestion du risque. Nous voulons examiner les marchandises qui représentent le risque le plus élevé. Nous ne voulons pas gaspiller l'argent des contribuables en inspectant tous les conteneurs ou toutes les marchandises qui entrent ou sortent du pays. Ce ne serait pas une façon efficace d'utiliser nos ressources.

Le sénateur Carstairs : Ce ne serait certainement pas une utilisation efficace de ressources limitées. Auriez-vous besoin de ressources supplémentaires pour effectuer ce genre d'examen? Nous sommes à une époque marquée par le terrorisme. Si vous ne recevez pas d'information particulière au sujet d'un conteneur, celui-ci ne sera pas examiné. Pouvons-nous affirmer que les marchandises qui se trouvent dans les conteneurs qui entrent ou sortent de notre pays ne posent pas de risque pour la sécurité?

Mme Xavier : Nous travaillons à l'heure actuelle avec les ressources dont nous disposons et nous pensons pouvoir effectuer, avec ces ressources, le travail qu'on nous demande. Si certains estiment que l'agence devrait disposer de ressources supplémentaires, alors le ministre interviendra.

Le sénateur Angus : Pour ce qui est du vol de voitures, nous ne nous intéressons pas tant aux conteneurs qui arrivent qu'à ceux qui sortent du pays. Pour ce qui est du terrorisme, notre pays a dépensé des millions de dollars pour acheter un équipement radiographique sophistiqué. Je sais que les conteneurs qui arrivent au Canada en transit vers les États-Unis doivent tous être radiographiés. Je ne crois pas que cette information soit inexacte. Je ne suis pas sûr de la situation des conteneurs qui demeurent au Canada. Je sais que les conteneurs en transit sont tous radiographiés, et il ne faudrait pas garder à l'esprit ce chiffre de 10 p. 100.

La présidente : Vous avez parlé des conteneurs qui étaient importés. Est-ce que nous radiographions les conteneurs qui sont exportés?

Mme Xavier : Nous avons les outils qui permettent d'examiner les conteneurs en utilisant la machine d'inspection des véhicules et du fret (VACIS) qui est un appareil de radiographie. Ces outils existent donc.

Le sénateur Carstairs : Les outils existent. J'ai grandi dans le port de Halifax, de sorte que je connais bien les expéditions de conteneurs. Nous avons les outils, mais je me demande avec quelle fréquence nous les utilisons? Nous ne les utilisons pas pour tous les conteneurs. Vous affirmez qu'il n'est pas justifié, selon la prépondérance des probabilités, de les utiliser. Combien cela coûterait-il de le faire? Nous voyageons tous chaque semaine et nous sommes examinés des pieds à la tête. Ne devrions-nous pas faire la même chose pour les marchandises?

Mme Xavier : Lorsque vous voyagez, vous êtes visé par un protocole de sécurité qui ne fait pas partie du mandat de l'ASFC. Lorsqu'un voyageur arrive dans un aéroport, il passe une ligne d'inspection primaire. On procède à un bref examen de la situation et tous les passagers ne sont pas examinés de la même manière. Avec les marchandises, nous disposons d'informations préalables, ce qui nous permet de cibler celles qui nous paraissent représenter un risque élevé. Il en va de même pour les exportations.

Le sénateur Baker : J'aimerais obtenir une précision sur le sujet qu'a abordé le sénateur Joyal. La modification apportée au Code criminel va vous attribuer cette nouvelle responsabilité. Vous aurez le pouvoir d'intervenir non seulement à l'égard des actes illégaux, mais également des marchandises importées et exportées. C'est le nouvel élément.

Vous avez fait référence à vos pouvoirs actuels, qui ne seront pas étendus. La différence est que ce projet de loi va vous amener à faire un travail nouveau.

Monsieur Borland, je suppose que vous avez eu de nombreuses conversations avec le ministère sur la façon de mettre en œuvre ce projet de loi dans le cas où il serait adopté. Les demandes in rem peuvent s'appliquer en fait à n'importe quoi. Autrement dit, vous faites enquête sur un bien en raison d'un soupçon qui déclenche tous les pouvoirs que vous possédez actuellement, qui vous permettent d'analyser une substance pour savoir, comme vous l'avez dit, s'il s'agit de sucre ou de cocaïne.

Vous disposez de pouvoirs incroyables aux termes de la loi en matière d'enquête si, pour des motifs raisonnables, vous avez des soupçons alors que les policiers ne possèdent pas ces pouvoirs. Vous avez le pouvoir de retenir quelqu'un et de lui passer les menottes, d'examiner des biens, si la personne ne collabore pas, sur de simples soupçons. Ai-je bien compris que ces pouvoirs vous seraient attribués aux termes du nouvel article du Code criminel?

Autrement dit, la nouvelle disposition à laquelle vous avez fait référence est une disposition qui change la définition de trafic d'une substance, d'un bien ou d'une chose illégale.

M. Borland : Posez-vous une question au sujet de la nouvelle définition?

Le sénateur Baker : Lorsque vous avez procédé à une saisie in rem, je présume que cela amènerait un tribunal à rendre une ordonnance, comme c'est le cas pour la saisie de produits de la criminalité, pour que toute personne susceptible d'avoir un droit de propriété ou autre sur le bien saisi soit informée, comme l'exige la loi.

M. Borland : Oui.

Le sénateur Baker : Cette personne a alors la possibilité de réclamer le bien et si le bien est illégal et que cette personne est suffisamment stupide pour le réclamer, elle risque de faire l'objet d'accusations. Une autre ordonnance judiciaire serait rendue après trois mois de détention, si j'ai bien compris le Code criminel, de façon à confisquer le bien au bénéfice de la Couronne pour qu'il soit vendu ou aliéné selon ce que prévoit le Code criminel. Ce changement ne touche pas du tout votre loi; c'est juste une modification du Code criminel, qui a pour effet d'élargir vos attributions.

M. Borland : Je souscris à cette description. C'est en fait ce qui se passe. La Loi sur les douanes ni les pouvoirs de l'ASFC ne sont directement modifiés. L'ASFC aura toutefois un nouveau domaine de responsabilité. Lorsque l'ASFC estime qu'un article est suspect et le retient, et que la police saisit l'article parce qu'elle a des motifs raisonnables de croire qu'il a été obtenu par la perpétration d'un acte criminel, c'est la police qui prendra en charge cette affaire en suivant les dispositions habituelles, quotidiennes et éprouvées depuis longtemps du Code criminel.

Le sénateur Baker : Cela pourrait même déboucher sur l'établissement d'une cotisation par l'Agence du revenu du Canada. Nos deux témoins s'en sont sortis facilement, mais ils sont bien connus. Ils sont tous les deux bien connus dans la jurisprudence, parce qu'ils ont comparu de nombreuses fois devant les tribunaux. Ils ont fait de l'excellent travail pour le compte de l'ARC, je dois le dire.

La présidente : J'ai une question. Madame Xavier, vous avez dit plusieurs fois qu'avec le nouveau régime, vous pourriez avoir accès au CIPC.

Mme Xavier : Oui.

La présidente : Comment feriez-vous? Le projet de loi ne le dit pas. Allez-vous vous adresser à la police qui pourra ensuite transmettre votre information au CIPC?

Mme Xavier : À l'heure actuelle, nous avons accès au CIPC dans le cadre de l'administration des douanes. Nous pouvons l'utiliser à l'égard d'autres prohibitions. Le projet de loi va simplement en augmenter le nombre.

La présidente : Il étend ce pouvoir aux biens volés, particulièrement les véhicules.

Mme Xavier : Oui.

Le sénateur Wallace : J'adresse ce commentaire à nos invités qui assistent à cette séance et qui en ont appris autant que nous grâce à ce que nous a dit l'ASFC.

Monsieur McAuley ou madame Charbonneau, l'article 9 du projet de loi traite de l'élargissement de l'obligation de divulguer des renseignements qui concernent l'Agence du revenu du Canada. Je crois comprendre que l'article existant associé à cette clause aurait pour effet d'étendre cette divulgation aux infractions de trafic. Les renseignements que possède l'ARC sur ces questions pourraient être divulgués en présentant, selon les formes, une demande de renseignements. Pouvez-vous le confirmer?

Je comprends également que cela va aussi dans l'autre sens, de sorte que l'Agence du revenu du Canada pourrait recevoir des renseignements concernant des infractions de trafic et que cela pourrait donc avoir des répercussions sur les aspects fiscaux qui sont importants pour l'ARC.

Est-ce que cela irait dans les deux sens? La divulgation pourrait se faire par votre agence vers les personnes qui s'occupent des poursuites ou vous pourriez recevoir des renseignements lorsqu'il serait utile pour vous de savoir qu'il existe une dette fiscale.

Mme Charbonneau : Je vais répondre à cette question. Le projet de loi n'autorise que nous à divulguer des renseignements. À l'heure actuelle, si la police estime au cours d'une enquête qu'il existe peut-être un élément d'évasion fiscale, alors elle en fait part aux intéressés. La police est libre de le faire. Aucune disposition législative ne l'oblige à ne pas nous divulguer de renseignement, mais nous sommes tenus de le faire. Une fois une ordonnance rendue, nous sommes tenus de divulguer, aux termes du projet de loi, les renseignements concernant le contribuable, tel que le prévoit l'ordonnance.

Le sénateur Wallace : L'impôt sur le revenu qui n'a pas été perçu à cause des infractions de trafic et de vol d'auto peut soulever toutes sortes de questions. Le projet de loi ne change pas cet aspect. Vous possédez les pouvoirs nécessaires pour obtenir les renseignements dont vous avez besoin et qui se rapportent à ces questions d'impôt non perçu.

Mme Charbonneau : C'est exact.

Le sénateur Wallace : Pouvez-vous nous donner une idée de ce que coûte aux Canadiens et à l'Agence du revenu du Canada le vol d'automobile au Canada? Je suis certain que c'est une somme importante, mais n'avez-vous jamais essayé de l'évaluer?

Mme Charbonneau : Malheureusement, nous ne l'avons pas fait. Nous avons effectué, il y a de nombreuses années, des enquêtes sur l'évasion fiscale et la vente de véhicules illégaux ou de véhicules qui avaient reçu un autre NIV. Il n'y a pas de statistiques ou d'analyses qui permettent de connaître ce montant.

Le sénateur Wallace : Pouvez-vous dire si vous pensez que ce serait une somme considérable?

Mme Charbonneau : Je ne peux pas vraiment vous répondre, non.

Le sénateur Wallace : Bien évidemment, le vol et le trafic d'automobiles volées entraînent un manque à gagner pour le fisc.

Mme Charbonneau : D'après les renseignements que les organismes d'application de la loi nous ont fournis, c'est une question grave. La plupart du temps, le crime organisé qui est derrière ce genre d'activités ne déclare pas de revenus pour ce genre de choses. En fin de compte, cela entraîne une perte nette pour l'ARC et le gouvernement fédéral.

Le sénateur Wallace : Cette perte touche finalement les Canadiens qui paient des impôts.

Mme Charbonneau : Absolument.

[Français]

Le sénateur Joyal : Madame Xavier, vous avez mentionné dans votre témoignage que les vérifications que vous faites des conteneurs, vous les faites en fonction des programmes stratégiques d'exportation.

[Traduction]

Qu'est-ce que le programme stratégique de contrôle des exportations? Cela désigne-t-il le protocole qui vous permet de savoir s'il faut inspecter tel conteneur? Est-ce une règle abstraite qui exige que soit vérifié un conteneur sur mille?

Mme Xavier : Notre mission consiste en partie à contrôler les marchandises qui entrent et qui sortent du pays. Le programme stratégique de contrôle des exportations concerne le volet exportation de notre mission. Certaines dispositions de la Loi sur les douanes et du règlement précisent les déclarations qui doivent être faites lorsqu'on veut exporter des marchandises. M. Borland pourrait peut-être vous en dire davantage sur ce point.

Le programme stratégique de contrôle des exportations nous donne les moyens d'examiner les déclarations qui nous sont fournies au sujet des exportations et de les analyser pour vérifier si la déclaration est aussi exacte qu'elle doit l'être et si la destination mentionnée est exacte, comme l'exige l'administration normale de la Loi sur les douanes.

M. Borland : Il y a d'autres lois du Parlement, comme la Loi sur les licences d'exportation et d'importation, qui est une loi administrée par le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international qui porte sur des marchandises plus stratégiques. Par exemple, les marchandises à double utilisation, c'est-à-dire qui peuvent être utilisées couramment, mais qui peuvent l'être également pour construire des armes sont visées par le la LLEI. Le MAECI exige une licence pour ces marchandises. Si l'ASFC croit qu'une personne essaie d'exporter une de ces marchandises et que celle-ci n'a pas préparé la documentation appropriée, l'ASFC peut alors décider d'inspecter la marchandise en question. L'ASFC fouillerait le conteneur pour s'assurer que les marchandises qu'il contient ont été déclarées et que les licences ou les documents exigés ont été présentés.

Le sénateur Joyal : Si je comprends bien le fonctionnement de la loi, la façon dont cela se fera, cela veut dire que votre travail en sera facilité, mais en réalité, cela ne changera pas votre façon de travailler. Est-ce bien exact?

Mme Xavier : Je ne sais pas si l'on peut dire que cela ne changera pas la façon dont nous travaillons. Pourriez-vous préciser ce que vous entendez par là? Cela va changer notre façon de travailler dans la mesure où, par exemple, si au cours d'un examen de routine nous trouvons un véhicule, nous serons maintenant en mesure de faire des vérifications, chose que nous ne pouvons pas faire à l'heure actuelle. Ce n'est pas notre protocole normal à l'heure actuelle.

Nous serons en mesure de savoir si la marchandise a été volée. Grâce à une vérification dans la base de données du CIPC, nous pourrons savoir si le véhicule a effectivement été volé et nous pourrons alors communiquer avec nos partenaires de l'application de la loi. Ce n'est pas notre protocole normal à l'heure actuelle. Cela constituerait un changement.

Le sénateur Joyal : Je voulais dire que désormais, vous aurez une base juridique plus solide, comme M. Borland nous l'a expliqué, qui vous permet d'intervenir, de retenir les marchandises et éventuellement, de prendre les mesures habituelles. Ce projet de loi ne va toutefois pas vous amener à être plus vigilants dans vos actions habituelles. Il ne va pas alourdir le travail que vous accomplissez aujourd'hui. Vous n'allez pas vous dire : « Maintenant j'ai le pouvoir d'intervenir, ce qui va faciliter mon travail » pour aller ensuite ouvrir un conteneur et vérifier s'il y a eu un vol de véhicule, comme nous en avons parlé, ou des drogues ou des armes, ou des produits prohibés que vous pourriez retenir.

Mme Xavier : Il nous permettra de faire davantage sur le plan du ciblage. Nous ne pouvons pas à l'heure actuelle cibler, à des fins d'enquête, un véhicule que nous soupçonnons avoir été volé. Nous serons en mesure d'effectuer une analyse préalable, un ciblage préalable des conteneurs potentiellement suspects. Par exemple, si un conteneur est destiné à l'exportation et que nous avons reçu la documentation le concernant, nous pourrons voir si tous les documents exigés ont été fournis et poursuivre notre investigation avec nos partenaires dans le domaine du renseignement et dans celui de l'application de la loi. Si la GRC nous donne un renseignement, nous pourrons approfondir notre analyse de la situation avec eux et agir en fonction de ce renseignement. Ce n'est pas le protocole que nous suivons habituellement à l'heure actuelle. Ce projet de loi nous permettra de mieux cibler notre action et d'effectuer des analyses d'investigation de façon à pouvoir retenir un conteneur suspect, procéder à une inspection et, si nécessaire, demander aux autorités policières locales d'intervenir.

Le sénateur Joyal : J'essaie de me faire une idée de l'augmentation du nombre de véhicules volés que vous pourrez rapporter chaque année parce que vous les avez arrêtés à la frontière à comparer à ce que vous faites actuellement, si vous ne consacrez pas davantage de ressources à cet aspect ou si vous ne modifiez pas le pourcentage des vérifications au hasard que vous faites régulièrement, conformément à la façon dont vous fonctionnez à l'heure actuelle qui vous amène à intervenir lorsque certaines considérations vous y poussent.

Mme Xavier : L'enquête a démontré que, lorsque nous concentrons nos efforts dans un domaine particulier, en travaillant dans des ports particuliers, en collaboration avec nos collègues de la GRC, nous pouvons découvrir davantage de véhicules volés. Si nous pouvons continuer ce partenariat avec nos collègues de la GRC et établir quelles sont les menaces prioritaires, alors nous pourrons continuer à démontrer que nous retrouvons davantage de véhicules volés. Il faudra cependant discuter de tout cela avec nos partenaires pour décider quels sont les priorités et les domaines sur lesquels il faut concentrer notre action. Il y a des choses que nous pourrons faire mieux que nous les faisons à l'heure actuelle.

Le sénateur Lang : J'aimerais revenir sur votre description du ciblage. Nous savons que dans certains pays, il est plus facile de se procurer un véhicule volé que dans d'autres pays. Le nombre de ports vers lesquels ces véhicules peuvent être exportés n'est pas infini. Cela ne veut-il donc pas dire que votre agence devrait commencer à examiner les conteneurs qui sont expédiés vers tel port plutôt que vers tels autres? Ne serait-il pas beaucoup plus efficace de concentrer votre action sur un petit nombre de ports sensibles?

Mme Xavier : Absolument, oui.

Le sénateur Lang : Voulez-vous faire un commentaire?

Mme Xavier : Je suis tout à fait d'accord avec vous sur ce point. À cause de ces nouveaux pouvoirs, nous serons mieux en mesure de collaborer avec nos collègues de la GRC et avec les autres services de police pour savoir qu'il existe une forte probabilité qu'un conteneur expédié vers le pays X transporte des marchandises volées. Nous serons en mesure de faire davantage d'analyses et de ciblages préalables que nous en faisons actuellement, en raison de nos pouvoirs limités.

Le sénateur Joyal : Je sais que vous disposerez d'une meilleure base juridique pour agir, mais ferez-vous davantage? C'est essentiellement ce que j'aimerais que vous me disiez. Allez-vous pouvoir intervenir davantage? Allez-vous faire davantage de vérifications, en fonction des différents éléments que vous voulez vérifier pour vous assurer que tel conteneur est en règle et que vous pouvez le laisser partir? C'est essentiellement ce que j'essaie de savoir et je ne semble pas pouvoir obtenir une réponse qui me dise que ce projet de loi va effectivement vous aider à empêcher l'exportation de biens volés et de marchandises illégales.

Mme Xavier : Notre travail quotidien consiste à essayer de concilier la sécurité publique et la circulation des biens. Dans le cadre de cette analyse permanente, il est possible que nous continuions à faire des choses comme des enquêtes et à nous concentrer sur certains secteurs à cause des renseignements qui nous ont été fournis et à cause du travail que nous effectuons avec nos partenaires, de sorte que nous allons peut-être cibler davantage nos activités dans un port particulier parce que nous avons de bonnes raisons de le faire du point de vue de la gestion du risque. La réponse est que oui, il est possible que nous fassions davantage.

Je ne veux pas vous affirmer carrément que nous ferons davantage, parce que, dans nos activités quotidiennes, il s'agit de gérer le risque et d'examiner les priorités établies pour une période donnée, de façon à décider si nos ressources doivent être affectées à ce genre de travail et non pas à tous les autres éléments qui entrent dans la mission de l'ASFC.

Le sénateur Joyal : Il y a un autre aspect. Peut-être que le sénateur Baker va en parler.

Le sénateur Baker : Je vais prendre mon temps de parole pour le faire. C'est un aspect important. Le sénateur Wallace l'a soulevé. Vous remarquerez, madame la présidente, chers collègues et témoins, que la version anglaise de l'article 9 est différente de la version française. En fait, la différence est considérable. La version française est deux fois plus longue et contient plusieurs aspects qu'on ne retrouve pas dans la version anglaise.

Le sénateur Joyal l'a remarqué, je le remarque aussi, madame la présidente, et je pense que nous devrions attirer l'attention du ministère sur ce point. Cela reflète une attitude qui n'est pas à conseiller, à savoir traiter les dispositions différemment en anglais et en français. Ce qui est arrivé dans ce cas, c'est que la version anglaise de cet alinéa du Code criminel contient des sous-alinéas, alors que la version française n'en contient pas; le texte figure dans un seul alinéa. Cela entraîne de la confusion, pas seulement lorsque les policiers veulent déposer une dénonciation, mais tout simplement pour bien savoir ce qui se passe avec le Code criminel.

La présidente : La différence que l'on trouve à l'article 9 de la version anglaise, c'est qu'il y a les mots « before subparagraph (i) » et qu'il n'y a pas de contrepartie dans la version française.

Le sénateur Baker : C'est exact.

Le sénateur Joyal : Il n'y a pas d'alinéas a), b) et c) en français.

Le sénateur Baker : Tournez la page et vous verrez un grand espace blanc.

[Français]

La présidente : De la perpétration au Canada. Oui.

[Traduction]

Le sénateur Baker : Le texte français continue et cela cause de la confusion. Le comité pourrait peut-être envisager de suggérer au ministère de corriger cette rédaction pour dissiper cette confusion.

La présidente : Nous allons demander au ministère de nous répondre sur ce point.

Le sénateur Baker : Je ne voudrais pas une explication.

La présidente : Non, une réponse.

Le sénateur Baker : Pour corriger cela.

La présidente : Il est possible qu'ils présentent une réponse convaincante.

Le sénateur Baker : Il n'est pas possible d'apporter une réponse convaincante à ce problème. Il n'est pas possible d'avoir des versions différentes.

Le sénateur Joyal : Ils ont commis une erreur lorsque nous avons modifié cet article.

Le sénateur Baker : C'est exactement ce que nous avons fait.

Le sénateur Joyal : Nous suggérons au ministère de saisir l'occasion d'avoir une discussion sur l'article 468.48 pour corriger cela.

La présidente : Je crois que vous voulez dire l'article 462.48.

Le sénateur Joyal : Il ne sert à rien de renvoyer le projet de loi S-9 à la Chambre des communes, parce que nous sommes la première Chambre du Parlement à l'étudier. Nous pourrions donc le corriger maintenant. C'est ce que nous suggérons.

La présidente : Nous allons demander les conseils d'un spécialiste dans ce domaine. Merci. Sénateur Baker, je ne savais pas que vous aviez autant de talent en matière de rédaction bilingue des textes législatifs.

Le sénateur Runciman : Je réponds à l'intervention du sénateur Carstairs. Elle a déclaré que ce projet de loi ne ferait pas grand-chose pour le 5 p. 100 des conteneurs qui sont expédiés à l'extérieur du Canada.

D'après ce que je comprends, ce sont les préoccupations exprimées par la police et le Bureau d'assurance du Canada, ainsi que les réserves ou l'incapacité de l'ASFC de prendre des mesures que les autres organismes estimaient être nécessaires pour remédier à la situation qui sont à l'origine de la présentation d'un projet de loi ayant des répercussions sur l'Agence des services frontaliers du Canada. À mon avis, Sécurité publique Canada a abordé ce problème de façon appropriée. Ce ministère considère qu'il remédie à une lacune.

Mme Xavier et son conseiller juridique nous ont déclaré qu'ils pensaient que ce projet de loi leur serait d'une grande utilité pour lutter contre ce problème. Comme je l'ai dit plutôt, tout dépendra de la façon dont cette agence traitera les renseignements fournis par des tiers et de leur capacité à réagir rapidement une fois ces renseignements obtenus. C'était là la principale préoccupation. Les responsables de l'agence estimaient auparavant qu'ils ne possédaient pas les outils qui leur permettaient de réagir aussi bien ou aussi efficacement qu'il le faudrait, du point de vue d'autres entités.

Je voulais simplement répondre à la remarque qu'a faite le sénateur Carstairs, à savoir qu'à son avis, cela ne donnerait absolument rien. Le temps le dira et cela rejoint en fait ce que disait le sénateur Joyal au sujet des résultats qui seront obtenus.

Beaucoup de regards seront fixés sur l'ASFC pour voir comment cette agence met en œuvre ce projet de loi; nous allons, dans les jours qui viennent, entendre d'autres témoins qui vont nous parler de leurs inquiétudes au sujet des mesures qu'a prises cette agence jusqu'ici. Ce projet de loi vise en partie à remédier à cette situation.

La présidente : Ce n'était pas vraiment une question, n'est-ce pas?

Le sénateur Runciman : Non.

La présidente : C'était un commentaire en guise de conclusion.

Le sénateur Carstairs : J'aimerais faire un commentaire semblable en guise de conclusion. Si le gouvernement ne prévoit pas de ressources suffisantes, ce projet de loi risque d'être inefficace. C'est là le gros problème. Si vous ne pouvez pas inspecter un nombre suffisant de conteneurs, comment alors allez-vous faire pour trouver les véhicules?

On a avancé l'argument que l'ASFC pourrait faire davantage d'enquêtes de ce genre. La réalité est qu'elle a effectué ces enquêtes avant la présentation du projet de loi.

La présidente : Je remercie les témoins qui nous ont permis d'avoir une séance très intéressante, informative et utile ce matin. Nous en sommes reconnaissants envers tous les témoins, aussi bien ceux qui ont dû répondre à un grand nombre de questions que ceux à qui on a posé moins de questions. Je vous remercie.

Nos témoins suivants sont M. Richard Dubin, vice-président, Services d'enquête et M. Dennis Prouse, directeur, Relations gouvernementales, du Bureau d'assurance du Canada. Merci à tous les deux d'être venus. Monsieur Dubin, je vous invite à présenter votre exposé.

Richard Dubin, vice-président, Services d'enquête, Bureau d'assurance du Canada : Je vous remercie de me donner l'occasion de vous parler aujourd'hui du projet de loi S-9. Le Bureau d'assurance du Canada, le BAC, est l'association sectorielle nationale qui représente les sociétés d'assurances habitation, automobile et entreprise du Canada.

Le vol d'automobile a pour effet d'augmenter sensiblement les coûts d'assurance et constitue une menace de plus en plus grave pour la sécurité des Canadiens. Depuis un certain nombre d'années, notre équipe d'enquête a constaté une forte augmentation de la participation du crime organisé dans le vol d'automobile. En deux mots, l'époque de la virée dans une voiture volée a fait place à des réseaux criminels perfectionnés qui fonctionnent comme des entreprises. Ces réseaux se livrent régulièrement au vol d'automobile en raison du manque de sévérité des peines associées à cette infraction et de l'importance des bénéfices qui en découlent.

Nous savons que le crime organisé se livre davantage au vol d'automobile, parce que le taux de recouvrement des véhicules volés continue de reculer. Il y a quelques années à peine, ce taux était de 70 p. 100 à l'échelle nationale. En 2007, il avait glissé à 64 p. 100. C'est à Montréal qu'on compte le plus grand nombre de véhicules volés au Canada, ainsi que le plus faible taux de recouvrement, soit 31 p. 100.

Les véhicules qui sont volés par des jeunes à la recherche d'un peu d'excitation sont abandonnés et la police les retrouve. Les voitures volées par les réseaux du crime organisé disparaissent. Les véhicules sont cannibalisés et leurs pièces vendues ou ils remplacent le numéro d'identification du véhicule automobile de façon à dissimuler l'identité des véhicules qu'ils vendent ensuite à des consommateurs sans méfiance. Ou alors, ils les exportent à l'étranger. Le BAC estime que chaque année, 30 000 véhicules haut de gamme volés quittent les ports canadiens pour être exportés dans des pays comme le Ghana, le Nigeria, le Liban, Dubaï et l'Europe de l'Est, pour n'en nommer que quelques-uns. Ce sont là quelques-uns des lieux bien connus où les réseaux du crime organisé peuvent obtenir de ces véhicules à un prix beaucoup plus élevé que celui qu'ils pourraient obtenir au Canada.

En 2008, 125 000 véhicules ont été volés au Canada. Ces vols ont coûté près de 465 millions de dollars aux titulaires de police d'assurance. Cette même année, chaque titulaire de police d'assurance au Canada a payé en moyenne quelque 30 $ sur sa prime d'assurance automobile pour compenser les coûts découlant des actes des voleurs d'automobiles.

D'après une étude de Standard & Poor's effectuée en 2000, lorsqu'on inclut les frais liés à la police, au régime de soins de santé et au système judiciaire, les coûts du vol d'automobile grimpent facilement à plus d'un milliard de dollars par année. Bon nombre de ces ressources sont mobilisées précisément parce que les voleurs d'automobiles ne cessent de multiplier leurs allées et venues au sein du système judiciaire et ne font l'objet que de peines légères voire d'aucunes. En vertu des dispositions actuelles du Code criminel, la peine d'emprisonnement est rarement infligée, même aux récidivistes. Cela vient du fait que le vol de véhicule est bien souvent considéré, à tort, comme un crime sans victime, ce qui est regrettable.

Le vol d'automobile est loin d'être un crime sans victime. À Toronto, en 2007, deux adolescents innocents sont décédés dans un taxi qui a été embouti par un véhicule volé. Cette même année, le gendarme détective Robert Plunkett, agent de police de la région de York, a été tué en tentant d'empêcher le vol d'un coussin gonflable. En 2004, en Nouvelle-Écosse, c'est le décès de Theresa McEvoy aux mains d'un récidiviste du vol automobile qui a souligné l'indignation des citoyens et suscité un appel à l'action.

En raison de l'implication omniprésente du crime organisé dans le vol d'automobile et de l'ampleur des bénéfices en jeu, vous ne serez peut-être pas surpris d'apprendre que les autorités du renseignement soupçonnent les groupes terroristes de recourir au vol automobile pour se financer. Un article paru dans le Boston Globe du 16 juillet 2007, mentionnait que le FBI pensait que des douzaines de véhicules volés aux États-Unis avaient été utilisés en Iraq comme voitures piégées. Le Bureau d'assurance du Canada sait qu'environ 200 véhicules volés ont été expédiés au Moyen-Orient, dans le cadre du projet Globe et qu'une autre enquête a permis de découvrir que des véhicules volés étaient envoyés au Liban.

Une affaire très médiatisée de novembre 2009 a récemment fait ressortir le fait que les réseaux criminels de voleurs de voiture utilisaient des méthodes sophistiquées et ciblaient leurs proies. Six modèles récents de Toyota Highlanders ont été volés dans la même région la même nuit. Il suffit de quelques heures pour placer ces véhicules haut de gamme dans des conteneurs qui sont ensuite envoyés vers le port le plus proche.

Il y a eu également quelques succès dans la lutte contre ces réseaux criminels. En 2009, avec l'aide des services de police, le BAC, travaillant en partenariat avec l'Agence des services frontaliers du Canada, et les agences d'application de la loi, a réussi à saisir 300 véhicules volés dans les ports de Montréal et de Halifax. Nous avons également récupéré à la suite de cette enquête, 72 autres véhicules haut de gamme dans des pays étrangers qui représentaient une valeur totale de 11 millions de dollars. Malheureusement, ce n'est que la pointe de l'iceberg, parce que tout cela a été accompli avec des ressources très limitées.

En mai 2009, deux hommes ont été accusés de faire partie d'un présumé réseau de vol automobile exerçant ses activités dans les comtés de Norfolk, Haldimand et Brant en Ontario. D'après la Police provinciale de l'Ontario, les activités du réseau consistaient à altérer les numéros d'identification des véhicules automobiles et à exporter les véhicules volés. En mai 2007, des accusations ont été portées dans ce qui était considéré comme la plus grosse saisie de voitures volées jamais effectuée au Canada contre un épaviste de Laval, au Québec, qui était en possession de centaines de moteurs et de transmissions volés.

Vous comprenez donc pourquoi de plus en plus de citoyens et de gouvernements au pays demandent que des mesures soient prises pour contrer le vol d'automobile. Vous pourrez mieux saisir les raisons de notre présence ici.

Heureusement, le projet de loi S-9 s'attaque aux récidivistes du vol automobile impliqués dans le crime organisé, qui s'adonnent à cette activité dangereuse à des fins strictement lucratives. Il reconnaît que le vol d'automobile est une infraction grave et distincte en vertu du Code criminel et que ce n'est pas une simple infraction contre les biens. Il propose des peines minimales obligatoires, mais celles-ci n'interviennent qu'à compter de la troisième infraction. Il s'agit d'une mesure très raisonnable visant à remédier au problème réel que constituent les récidivistes.

Ce projet de loi a une portée générale parce qu'il s'applique à toutes les activités habituellement reliées au vol d'automobile organisé, y compris la possession de biens volés dans le but d'en faire le trafic, l'exportation de véhicules volés et la modification des numéros d'identification des véhicules automobiles sans excuse légitime. De plus, le projet de loi S-9 accorde à l'Agence des services frontaliers du Canada le pouvoir d'identifier et de saisir les véhicules volés ou les pièces de véhicules volés destinés à l'exportation.

Les Canadiens ont le droit de se sentir en sécurité dans leurs propres collectivités. Cependant, la croissance du vol d'automobile ainsi que la violence croissante qui caractérise ce crime compromettent cette sécurité. La présence accrue du crime organisé dans le secteur du vol d'automobile constitue un problème très troublant qui menace gravement la sécurité des Canadiens.

Au nom du Bureau d'assurance du Canada, de nos sociétés membres et des titulaires de police qu'ils servent, je vous encourage vivement à voter en faveur du projet de loi S-9 sous sa forme actuelle.

Les Canadiens comptent sur leurs parlementaires pour rester à l'affût des changements qui se répercutent sur leur vie. Lorsque le blanchiment d'argent par le crime organisé est devenu problématique, le Parlement est intervenu. Lorsque les problèmes liés à la confidentialité des renseignements et à l'usurpation d'identité ont commencé à préoccuper les Canadiens, le Parlement est intervenu. Maintenant que la nature du vol d'automobile a changé, avec l'implication grandissante du crime organisé, maintenant que la sécurité des Canadiens est menacée, les parlementaires interviennent de nouveau au moyen du projet de loi S-9. Je vous remercie de votre attention et je demeure à votre entière disposition pour répondre à vos questions.

La présidente : Merci. Monsieur Prouse, vouliez-vous ajouter quelque chose?

Dennis Prouse, directeur, Relations gouvernementales, Bureau d'assurance du Canada : Non. Je vais simplement répondre aux questions avec M. Dubin, si cela vous convient.

Le sénateur Wallace : Merci pour cet excellent exposé. Comme vous l'avez fait remarquer, le vol d'automobile coûte très cher à l'ensemble de la société et vous avez évalué que ce coût, tant sur le plan de l'assurance qu'autrement, pourrait bien être supérieur à un milliard de dollars par an, c'est donc un phénomène extrêmement grave.

Vous avez indiqué que vous étiez tout à fait en faveur de ce projet de loi. Pourriez-vous nous préciser comment ce projet de loi va particulièrement toucher le secteur de l'assurance? Quels seront les avantages directs qu'en tirera le secteur de l'assurance sur le plan des coûts, notamment?

M. Dubin : La première chose est que si ces véhicules haut de gamme très coûteux sont saisis avant qu'ils ne quittent le pays, cela pourrait avoir plusieurs conséquences. Si le véhicule est récupéré rapidement, et cela arrive dans certains cas, il est possible que l'assureur n'ait pas encore versé d'indemnité, ce qui va améliorer la rentabilité de la société d'assurance et ce coût ne sera pas répercuté sur les titulaires de police par le biais d'une augmentation des primes.

L'autre aspect est que nous récupérons également des véhicules dans des pays étrangers. Malheureusement, cela est plus difficile à faire lorsque le véhicule a quitté le Canada, mais encore une fois cela réduira au moins le coût de ce genre de réclamation pour cet assuré et ces épargnes profiteront à tous les titulaires de police parce qu'il n'y aura pas d'augmentation des primes.

Le sénateur Wallace : Je pense, en particulier avec les dispositions du projet de loi qui renforcent la capacité de l'ASFC de lutter contre l'importation et l'exportation de véhicules volés, que c'est là une initiative très importante pour le secteur de l'assurance.

M. Dubin : C'est considérable. Cette enquête pilote a été déclenchée au début de 2009 et elle est très importante parce que l'ASFC affirmait auparavant qu'elle n'avait pas la capacité, à cause de l'absence de dispositions législatives, de cibler et donc d'identifier et de saisir ces véhicules. Il a été très bien expliqué que cette agence ne pouvait utiliser, à l'heure actuelle, des renseignements lui permettant d'identifier quels sont les conteneurs suspects, et elle ne peut, bien sûr, les vérifier tous. Par contre, si l'ASFC a accès à de bons renseignements criminels, et si elle dispose de personnes capables de cibler son action, vous constaterez qu'un grand nombre de conteneurs seront mis de côté pour être vérifiés et qu'on en retirera des véhicules volés.

Le sénateur Wallace : Du point de vue du Bureau d'assurance du Canada, on peut bien sûr se demander si le projet de loi va réduire les coûts d'assurance actuels, mais il est certain qu'il va réduire les augmentations qui auraient pu être imposées aux titulaires de police par la suite.

M. Dubin : Absolument. Nous allons tous bénéficier de ce projet de loi, que ce soit en qualité de titulaire de police d'assurance ou pour les primes, si nous réussissons à réduire les coûts globaux et à réduire les pertes des assureurs.

M. Prouse : Je ferais également remarquer que nous sommes vraiment très favorables à ce projet de loi parce qu'il ne s'agit pas seulement d'argent. Qu'une augmentation de 30 $ sur une police d'assurance représente beaucoup d'argent pour vous ou pas, c'est le volet sécurité publique qui nous motive. Chaque fois que nous constatons ce genre de choses, cela nous met en colère, tout comme cela met en colère les autres Canadiens. Je crois que les Canadiens souhaitent que nous prenions la parole sur ces questions parce que, très franchement, nous avons constaté qu'en tant que participant au processus sur la Colline du Parlement ces dernières années — c'est la troisième fois que nous essayons de faire adopter ce projet de loi sur le vol d'automobile — nous avons constaté que c'est nous qui sommes en première ligne. C'est nous qui avons pris publiquement position.

Quelle que soit la question, lorsque cela touche nos titulaires de police d'assurance, nous faisons connaître notre point de vue. Nous le faisons connaître même si cela ne concerne pas uniquement la rentabilité de notre secteur. Nous estimons que nous avons le devoir de parler aussi au nom des millions de titulaires de police.

M. Dubin : J'ajouterais simplement, parce que cela est très important, que, lorsque nous avons commencé ce processus, et cela remonte en fait à une réunion que nous avons eue avec le ministre Day il y a pas mal de temps, c'est la sécurité des Canadiens qui était la principale raison qui nous a poussés à agir.

Le sénateur Wallace : Il est très satisfaisant d'entendre des hommes d'affaires faire ce genre de déclaration. Il y a un aspect économique qui justifie beaucoup de choses, mais il y a aussi un élément humain, et finalement, c'est celui-là qui compte, c'est pourquoi il est très satisfaisant d'entendre vos commentaires.

M. Prouse : Ce secteur emploie directement 110 000 Canadiens d'un bout à l'autre du pays. Nous faisons régulièrement remarquer que nous vivons également dans ces collectivités et que nous ressentons très vivement toutes ces choses.

Le sénateur Runciman : Quels sont les rapports entre le BAC et l'Agence des services frontaliers du Canada? Avez- vous des rapports? Si c'est le cas, de quelle nature sont-ils?

M. Dubin : Je dois dire que depuis le début 2009, lorsque nous avons été amenés à participer à ce projet qui visait à connaître le nombre de véhicules volés, nous avons tissé d'excellentes relations de travail avec l'ASFC. Nous avons des représentants au port. L'agence choisit un conteneur, décision qui lui appartient. Elle le vide, ce qui veut dire qu'elle retire ce qu'il y a dedans. On trouve habituellement des pneus et beaucoup de choses pour essayer de dissimuler ce qui s'y trouve et ensuite, c'est le moment auquel nous intervenons habituellement et nous procédons à l'identification des véhicules volés.

Dans le port, nous voyons non seulement des véhicules volés qui figurent dans le CIPC, le Centre d'information de la police canadienne, mais également des véhicules loués ou achetés à crédit qui semblent être légalement en possession du transporteur. La police ne les considère pas encore comme volés, mais il s'agira d'un vol par détournement dès qu'ils seront embarqués sur un navire. Nous nous occupons beaucoup d'identifier tous ces véhicules grâce à leur numéro d'identification, le NIV. Nous sommes un organisme d'enquête désigné ce qui nous donne accès au CIPC et nous permet de vérifier les numéros NIV pour voir si ces véhicules sont volés.

En qualité d'experts, nous cherchons également les NIV secondaires, qui sont des numéros cachés que seuls nous et le National Insurance Crime Bureau des États-Unis et les services de police locaux connaissent, pour identifier les véhicules volés.

Le sénateur Runciman : Vous êtes en communication directe avec cette agence. Je suis un peu curieux. Un peu plus tôt, les représentants de l'ASFC ont déclaré au sujet de la communication de renseignements qu'ils estimaient pouvoir divulguer davantage de renseignements grâce au projet de loi, mais ils ont expressément exclu le BAC de cette communication. C'est la raison pour laquelle cela a piqué ma curiosité.

M. Dubin : C'est une excellente remarque. Je pense qu'à cause de l'excellente relation que nous avons établie au port, je crois, pour renforcer la sécurité du Canada et en espérant que ce projet de loi soit adopté, il y aura une meilleure communication des renseignements que ce qui pourrait peut-être paraître officiellement.

Je mentionnerais toutefois que le ministre possède, aux termes de la Loi sur les douanes, la possibilité de désigner des parties auxquelles les renseignements devraient être communiqués et il me paraît important que ce pouvoir soit exercé pour qu'il soit clair, de façon à éviter toute discussion par la suite, que ces renseignements doivent être non seulement communiqués aux services d'application de la loi, mais également aux partenaires qui les aident dans le port, comme le Bureau d'assurance du Canada, qui est un organisme d'enquête désigné, dans le but de prévenir tous les crimes reliés à l'assurance.

Le sénateur Runciman : On a posé tout à l'heure une question au sujet de la responsabilité du ministre et vous venez de confirmer qu'elle existe bien. Je vous en remercie.

J'ai posé hier une question au témoin au sujet des liens avec le terrorisme et vous en avez parlé dans vos commentaires. Je sais que les voitures nord-américaines se prêtent bien à l'utilisation d'explosifs, parce qu'il est facile de les dissimuler à l'intérieur et que certains de ces véhicules sont de très grande taille. Vous avez parlé de l'expérience américaine. Avez-vous déjà constaté qu'un véhicule volé au Canada avait été utilisé pour une action terroriste?

M. Dubin : Non. Nous avons eu des conversations avec le National Insurance Crime Bureau et les services d'application de la loi aux États-Unis, et je peux vous dire qu'une bonne partie de ces préoccupations nous ont été transmises par ces personnes. On a retrouvé un VUS volé avec des plaques d'immatriculation du Texas dans une fabrique de bombes à Fallujah. Plus d'une douzaine de leurs véhicules volés ont été utilisés comme voitures piégées en Iraq.

La situation aux États-Unis n'est pas différente de celle du Canada, mais nous ne pouvons pas nous appuyer sur des cas précis. Il y a toutefois un élément commun aux deux pays, c'est que nous sommes tous les deux convaincus que ces fonds sont si importants qu'ils financent probablement des opérations terroristes dans différentes parties du monde.

Le sénateur Runciman : Vous avez parlé de quelques destinations qui étaient prioritaires, si je peux m'exprimer ainsi, pour les véhicules volés. A-t-on fait des efforts pour amener les gouvernements à collaborer dans ce domaine?

M. Dubin : Oui. Avec certains pays, nous réussissons assez bien à ramener des véhicules. Nous avons un traité avec la Chine. Nous avons ramené quelques véhicules de Chine. Nous avons ramené des véhicules d'Amsterdam, de Belgique et des États-Unis. Nous avons conclu des ententes réciproques.

À l'heure actuelle, un grand nombre de ces véhicules sont envoyés en Afrique de l'Ouest. Il est très difficile de récupérer des véhicules qui sont envoyés dans cette région. À cause du grand nombre de véhicules qui sont expédiés, dont la plupart sont destinés au Nigeria, au Ghana et à d'autres pays d'Afrique de l'Ouest, nous n'avons pas beaucoup de chances de pouvoir récupérer ces véhicules.

Le sénateur Runciman : J'ai lu quelque chose au sujet des voitures récentes et de l'obligation d'avoir des dispositifs de blocage et des localisateurs GPS pour certains véhicules haut de gamme. Ces appareils n'ont-ils aucun effet? Comment arrivent-ils à les neutraliser?

M. Dubin : Les dispositifs électroniques d'immobilisation expliquent peut-être la réduction d'environ 15 p. 100 enregistrée pour les vols d'automobile entre 2007 et 2008. C'est la bonne nouvelle. La mauvaise nouvelle est que le taux de récupération des véhicules diminue constamment depuis plusieurs années, ce qui montre que le crime organisé est impliqué.

M. Prouse : Ils sont très habiles pour obtenir les clés. Si un voleur possède votre clé, ces dispositifs sont moins efficaces. Ils essaient de se procurer les clés pour les véhicules coûteux de haut de gamme.

C'est la nouvelle tendance en matière de vol d'automobile. M. Dubin en a parlé dans ses remarques préliminaires. Le vol d'automobile est devenu une entreprise commerciale et cible maintenant les véhicules haut de gamme. Il y a peut- être au total un peu moins de véhicules volés, mais les voleurs redoublent d'effort pour obtenir des véhicules de haut de gamme. Nous avons enregistré beaucoup d'introductions par effraction dans des domiciles parce que les voleurs recherchaient des clés.

M. Dubin : Il y a aussi beaucoup de gens qui laissent leur moteur tourner dans leurs entrées; les gens laissent leur véhicule se réchauffer dans leur entrée lorsqu'il fait froid. Lorsqu'ils vont à leur magasin de beignes préféré, ils laissent leur moteur tourner. Nous avons mis sur pied un programme avec la police qui s'appelle « Fermez-le ou perdez-le », pour dire aux gens de ne pas le faire. L'autre aspect est qu'il est possible de remorquer le véhicule.

Une autre préoccupation est que les voleurs trouvent de nouvelles méthodes; c'est pourquoi il faut les arrêter au port. Récemment, on a volé des véhicules alors que les propriétaires avaient toujours leurs clés, même quand il y avait des dispositifs d'immobilisation dans les véhicules. Les voleurs découvrent de nouvelles méthodes, ce que nous trouvons préoccupant. Ils arrivent à trouver une façon de coder les clés, même avec des dispositifs d'immobilisation. Cela ne touche pas un grand nombre de véhicules, mais cela nous préoccupe quand même. Nous les retrouvons dans le port et les clés originales des propriétaires ne se trouvent pas dans les véhicules.

La présidente : Sénateur Runciman, vous parliez de la divulgation ministérielle. Je mentionne pour le compte rendu que la disposition en question est le paragraphe 107(6) de la Loi sur les douanes. Il prévoit que le ministre peut fournir un renseignement si la communication est dans l'intérêt public et si cet intérêt l'emporte sur toute violation de la vie privée.

Le sénateur Baker : J'aimerais revenir sur la question du numéro d'identification du véhicule. Vous dites que vous avez accès à des endroits secrets, où l'on peut trouver ce qu'on appelle le numéro d'identification du véhicule secondaire. Les médias ont beaucoup parlé de l'incident du Times Square à New York, où l'accusé avait presque réussi à monter dans un avion et était sur le point de quitter les États-Unis. Ils l'ont toutefois arrêté grâce au numéro d'identification du véhicule secondaire auquel vous avez accès.

Je crois que les fabricants d'automobiles s'entendent pour confier à quelqu'un la tâche consistant à placer ce numéro d'identification du véhicule secondaire dans le véhicule. Pouvez-vous confirmer au comité qu'il s'agit bien de 17 chiffres et lettres et nous dire ce qu'ils signifient?

M. Dubin : Il y a 17 chiffres, qui sont placés en différents endroits du véhicule. Les fabricants d'automobiles les changent régulièrement pour essayer de tromper les voleurs. Il y a 17 chiffres. Ils vous disent quelle est la marque, le modèle et l'année du véhicule, son type exact et la date de sa production. Vous savez donc exactement à quel endroit et quand il a été fabriqué ainsi que le type exact du véhicule.

Le sénateur Baker : Est-il possible d'identifier grâce au numéro d'identification du véhicule les clés de ce véhicule?

M. Dubin : Non. Les clés sont une autre question.

Après le premier attentat à la bombe du World Trade Center, la police a réussi à capturer certains auteurs de l'attentat à cause du numéro secondaire. Cela ressemble à la situation dont je parlais.

Le sénateur Baker : Vous avez accès à cet endroit secret où vous pouvez trouver ce numéro d'identification du véhicule et vous avez parlé de ce numéro à plusieurs reprises dans votre exposé en disant qu'il joue un rôle très important dans la situation actuelle.

Vous n'avez pas parlé de cet aspect devant le comité et je suppose que c'est un sujet un peu secondaire pour vous et que vous ne souhaitez pas diminuer l'importance qu'il y a de faire adopter ce projet de loi plutôt que de vous concentrer sur les lacunes qu'il peut contenir. Je sais toutefois que des services de police et des enquêteurs ont critiqué un certain article du projet de loi.

M. Dubin : Oui.

Le sénateur Baker : Vous en avez entendu parler. Vous vous êtes abstenu de faire des commentaires sur ce point jusqu'ici, parce que vous constatez qu'un projet sur lequel vous travaillez depuis des années est prêt d'aboutir avec ce projet de loi et vous ne voulez pas en faire ressortir les défauts. Je suis certain qu'au cours de l'étude de ce projet de loi, le comité va entendre le témoignage des policiers qui portent les accusations.

Avez-vous des commentaires à faire au sujet des deux critiques? La première critique a été mentionnée par le sénateur Carignan, qui demandait pourquoi, en plus de l'oblitération ou de l'altération du NIV, les pièces de véhicules n'étaient pas visées par ce projet de loi. Deuxièmement, le projet de loi offre un nouveau moyen de défense à ces voleurs, ce qui va à l'encontre de son objectif. Vous avez entendu ces critères très souvent.

Avez-vous des idées là-dessus? Vous n'êtes pas obligé de faire un commentaire si vous ne le voulez pas.

M. Dubin : Premièrement, les numéros secondaires se trouvent dans différentes parties du véhicule. Est-ce que le Bureau d'assurance du Canada est en faveur du marquage général des pièces des véhicules pour que l'on puisse faire des vérifications avec une base de données contenant les NIV et identifier dans un atelier de cannibalisation toutes les pièces de ce véhicule qui ont été volées? Oui, nous sommes en faveur d'une telle mesure, mais il faudrait amener les fabricants à utiliser un procédé en ligne grâce auquel toutes les pièces seraient marquées. Cela se fait en Australie. Ce système s'appelle le DataDot. Nous sommes en faveur du marquage des pièces.

Pour répondre à votre première question, cela est utile pour identifier les pièces volées lorsqu'un véhicule est découpé dans un atelier de cannibalisation.

Le deuxième aspect auquel vous avez fait référence est l'oblitération ou la destruction d'un NIV « sans excuse légitime ».

Le sénateur Baker : Vous l'avez mentionné.

M. Dubin : À mon avis, cet article sera très utile, même sans les mots « sans excuse légitime ». J'ai entendu les arguments des services d'application de la loi. Il faut le dire; lorsqu'on porte une accusation pénale, il incombe de toute façon à la poursuite d'établir l'élément moral. C'est pourquoi la poursuite devrait établir, dans le cas où quelqu'un aurait modifié un NIV, que cela a été fait dans une intention criminelle.

Il y a des arguments des deux côtés, mais je ne pense pas qu'il soit essentiel que les mots « sans excuse légitime » figurent dans cet article.

Le sénateur Baker : L'expression « sans excuse légitime » se trouve au début de l'article 4, le projet de nouveau paragraphe 353.1(1) : « [...] sans excuse légitime, modifie, enlève ou oblitère, en tout ou en partie, le numéro d'identification d'un véhicule à moteur. » Ensuite, plus loin, au paragraphe (3), on trouve le passage auquel vous faites référence, à savoir que cela ne comprend pas les véhicules que l'on répare, dans un but légitime, notamment pour y apporter une modification. Cette disposition ne s'applique pas.

Dites-vous que nous pourrions supprimer un de ces éléments sans que cela nuise à l'autre?

M. Dubin : Le fait est que nous savons que certaines réparations effectuées sur des véhicules peuvent modifier l'emplacement du NIV ou même le NIV lui-même. C'est une opération légitime. Par contre, pour porter une accusation et obtenir une condamnation, il faut établir qu'il y avait une intention criminelle. Je pense que c'est aussi simple que ça.

M. Prouse : Nous avons abordé un point intéressant, il y a un instant. Nous savons que le mieux est l'ennemi du bien, n'est-ce pas? Nous avons vu passer deux gouvernements, trois élections et plusieurs législatures et nous n'avons pas encore réussi à faire adopter une loi qui rende illégal le fait de modifier un NIV. Si cela dure encore longtemps, je crois que je vais être un peu frustré.

Nous aimerions que ce projet de loi soit adopté et nous sommes tout à fait disposés à essayer de faire appliquer cet article plutôt que de rester bloqués sur un élément. Il n'existe pas, à l'heure actuelle au Canada, de loi qui incrimine le fait de modifier un NIV. Lorsque je dis cela aux gens, ils sont étonnés. Allons-nous exiger quoi que ce soit à ce sujet? Non. Le mieux est l'ennemi du bien et c'est le principe que nous appliquons ici.

M. Dublin : J'estime que ce projet de loi donnera de bons résultats, que ces mots y figurent ou non. Les services d'application de la loi ont un point de vue légèrement différent, mais cela ne nous dérange pas que l'on conserve cette expression sachant qu'il faudra tout de même prouver les raisons pour lesquelles les accusés ont modifié le NIV.

Le sénateur Baker : Lorsque l'on vous a posé cette question devant le comité de la Chambre des communes, votre réponse a été — non, ce n'était pas vous.

M. Dubin : Non, ce n'était pas nous. Nous l'avons appuyé globalement.

Le sénateur Baker : On ne vous a pas posé de questions portant directement sur ce point particulier.

M. Dubin : Non.

M. Prouse : Je crois que les gens à qui on a posé cette question étaient — et corrigez-moi si je me trompe — les fabricants de matériel de construction. Ce sont les gens qui accordaient beaucoup d'importance à cet aspect.

Le sénateur Joyal : Comme vous le savez, nous avons là la troisième mouture du projet de loi. La première version ne comprenait pas les mots « sans excuse légitime ». Étiez-vous en faveur de la première version de ce projet de loi à l'époque?

M. Dubin : La première version du projet de loi dont je me souvienne — et corrigez-moi si je me trompe — ne contenait même pas l'article qui portait sur la modification et l'oblitération du NIV. J'ai alors parlé avec quelqu'un de Justice Canada et je lui ai dit : « Étant donné que ce projet de loi n'a pas été adopté, si nous voulons adopter une approche globale pour lutter contre le vol de véhicule organisé, ce serait une excellente occasion de parler de la modification du NIV, qui est une activité régulière du crime organisé et qui ne figure pas à l'heure actuelle dans le Code criminel. »

Le sénateur Baker : Le mot « modification » est là. Autrement dit, il est légal de supprimer ou de modifier un NIV si l'on modifie le véhicule. Pour certaines personnes, le mot « modification » a un sens particulier dans la jurisprudence. C'est très complexe. Il est très facile de modifier quelque chose et cela fournit une excuse pour le faire.

En fait, vous préféreriez que ce soient les agents de police, ceux qui portent les accusations ou les procureurs de la Couronne et non vous, qui étudient la question de savoir si ce paragraphe dont nous parlons est utile ou non. Est-ce bien exact?

M. Dubin : Franchement, je ne pense pas que le fait que ces mots soient dans le projet de loi ou n'y soient pas fasse une différence, parce que je crois que nous savons quelle est l'intention de l'article et que les poursuivants et les services d'application de la loi vont la mettre en œuvre. Je ne m'oppose pas à la position qu'ont adoptée les services de police au sujet de l'expression « sans excuse légitime ».

Le sénateur Housakos : Merci d'être ici aujourd'hui et merci, en particulier, d'appuyer ce projet de loi. Je vous remercie également de ne pas être tombé dans le piège qui consiste à adopter une attitude cynique et critique à l'endroit du projet de loi S-9 pour essayer d'y découvrir des lacunes alors qu'en réalité ce projet de loi représente un immense progrès. Nous devrions en fait féliciter le gouvernement d'avoir eu le courage de le présenter. Je me réjouis d'avoir l'appui de représentants de ce secteur qui défendent les victimes de ce crime terrible dans l'ensemble du Canada. Je vous en remercie.

Au-delà de ce projet de loi, que devrions-nous faire pour contrecarrer cette stratégie du crime organisé? Je sais qu'il y a quelques années, les compagnies d'assurances ont encouragé les propriétaires à installer des systèmes d'alarme. Comme vous l'avez mentionné plus tôt, cela a donné quelques résultats.

Je viens de Montréal et je vais donc revenir à l'exemple de Montréal. Dans l'ensemble, je pense que nous pouvons dire que la majorité des voitures qui sont volées à Montréal à l'heure actuelle sont habituellement des voitures de milieu de gamme, des voitures qui peuvent être cannibalisées, expédiées et dont il est facile de vendre les pièces en faisant un bon bénéfice. Il y a également une autre tendance, celle du secteur des voitures de luxe et de haut de gamme, dont les criminels s'emparent et les expédient immédiatement. J'ai également vu cela à Montréal. Vous y avez fait allusion il y a un instant.

Quelles sont les mesures que le gouvernement pourrait prendre pour essayer de contrecarrer cette stratégie du crime organisé? Par exemple, serait-il utile d'obliger les fabricants d'automobiles à installer des systèmes d'alarme et de GPS? Je sais que c'est un sujet dont il a été question. Bien évidemment, les fabricants s'y opposent vivement parce qu'ils seraient obligés de répercuter le coût de ces dispositifs sur les acheteurs.

À votre avis, ferions-nous des économies si nous mettions fin à certaines activités criminelles qui sont exercées avec beaucoup de succès à l'heure actuelle, qui rapportent des milliards de dollars de bénéfices et qui obligent d'autres personnes, celles qui achètent de l'assurance ou d'autres, à assumer ce coût supplémentaire?

M. Dubin : Vous avez raison. Au départ, j'étais en faveur d'installer des dispositifs électroniques d'immobilisation pour mettre un obstacle au vol de voiture. Nous avons lancé un programme volontaire et il a été en fait finalement pris en charge par Transports Canada le 1er septembre 2007. C'est une expérience positive et c'est sans doute grâce à elle que nous avons constaté une réduction importante de ces vols.

Pour ce qui est de récupérer les véhicules volés, je crois que le marquage des pièces serait une très bonne chose, non seulement parce que cela permettrait d'arrêter les criminels, mais si ces derniers voyaient que cela vous donnait le pouvoir de saisir des biens dans les ateliers de cannibalisation et de procéder à des arrestations, cela serait une très bonne chose.

Le Bureau d'assurance du Canada est en faveur d'une approche progressive au GPS. Nous n'allons pas dire à nos clients que nous voulons qu'ils les installent, mais il est incontestable que les GPS sont une bonne chose. Je ne sais pas si on a fait suffisamment d'études sur le nombre de véhicules récupérés à cause d'un GPS, mais lorsque le vol est rapporté rapidement, il est plus facile de retrouver le véhicule.

Nous nous occupons d'un programme à l'heure actuelle avec Genetec qui s'appelle AutoVu; c'est une technologie de lecture des plaques d'immatriculation. Nous avons passé un accord avec Montréal et un programme pilote sera lancé dans cette ville très prochainement. Il fonctionne avec beaucoup de succès à Toronto et Hamilton et nous avons récupéré 30 millions de dollars de véhicules volés depuis 2002-2003.

Ce sont là quelques exemples. Il est également essentiel de sensibiliser le public à cet aspect. Nous avons constaté que les services de police ont mis la pédale douce sur le vol de véhicule. Il y avait auparavant davantage de personnel dans les unités de lutte contre le vol de véhicule et nous avons constaté que dans différentes régions du Canada, de nombreux services de police avaient vu leurs ressources diminuer et accordaient une priorité moins grande au vol de véhicule. Il serait, par exemple, utile d'amener les services de police à collaborer, à reconstituer certaines unités dans les municipalités pour lutter contre le vol de véhicule, mesure qui serait positive.

Le sénateur Lang : J'aimerais revenir sur la question précédente. Avec l'entrée en vigueur de ce nouveau projet de loi, dans l'hypothèse où il serait effectivement adopté, comment peut-il se comparer avec la situation aux États-Unis?

M. Dubin : C'est une excellente question. Je suis heureux que vous l'ayez posée. Avec l'adoption de ce projet de loi, qui va donner à l'Agence des services frontaliers du Canada la capacité d'identifier et de saisir les véhicules volés et de mettre sur pied ce qui nous l'espérons, sera un partenariat dans les ports avec les services de police, le Bureau d'assurance du Canada et l'ASFC, nous serons bien en avance sur les États-Unis. Les États-Unis ne sont pas du tout efficaces dans le contrôle des ports. Je le sais parce que nous siégeons au conseil du National Insurance Crime Bureau des États-Unis et que nous sommes des partenaires du North American Export Committee. Ils espèrent que nous allons donner l'exemple. Lorsque ce projet de loi sera adopté, comme nous l'espérons, ces organismes vont demander au Bureau d'assurance du Canada de les aider à mettre en place des programmes semblables aux États-Unis.

M. Prouse : À une plus grande échelle, il est probablement utile de noter que même si nous n'avons pas de statistiques récentes, en 2005, le taux de vol de véhicule par habitant était au Canada de 25 p. 100 supérieur au taux des États-Unis. La plupart de gens sont très surpris d'entendre ces chiffres. La probabilité par habitant de vous faire voler votre voiture est beaucoup forte au Canada.

Le sénateur Lang : On a déjà volé ma voiture.

M. Prouse : Ce chiffre surprend beaucoup de gens. Il faut prendre une vue d'ensemble. Entre 1985 et 2005, Statistique Canada a constaté que le vol de véhicule au Canada avait pratiquement doublé. Il a légèrement diminué ces dernières années. La technologie explique en grande partie cette diminution. Vers le milieu des années 1990, notre taux de vols de véhicule a commencé à dépasser sensiblement celui des États-Unis. Le Canadien moyen serait fort surpris.

Le sénateur Joyal : Je reviens à l'affirmation que l'on trouve à la page 2 de votre mémoire selon lequel c'est à Montréal que les taux de récupération des véhicules sont les plus faibles. J'aimerais relier cet aspect au commentaire qui se trouve en haut de la page 3 de votre mémoire où vous dites : « Malheureusement, ce n'est que la pointe de l'iceberg, parce que tout cela a été accompli avec des ressources très limitées. »

Vous parlez de récupérer des véhicules haut de gamme. Je crois que vous étiez dans la salle lorsque les représentants de l'ASFC ont témoigné.

M. Dubin : Oui.

Le sénateur Joyal : J'ai l'impression que les divers services de police fédéraux, provinciaux et municipaux, dans l'ensemble du pays, dans les grandes villes de Winnipeg, Montréal, Toronto et Vancouver, ainsi que les organismes frontaliers, disposent de ressources suffisantes, mais qu'ils n'en font pas une priorité.

M. Dubin : Pour les exportations.

Le sénateur Joyal : Oui. J'ai l'impression que les services de police doivent s'occuper de tellement de crimes qu'ils sont obligés d'établir des priorités pour ce qui est d'affecter leurs ressources. Dans certains secteurs, comme vous le dites, le crime a des répercussions moins graves parce qu'il ne s'agit pas d'un crime in persona mais in rem. Il est évident que les ressources consacrées à cette activité criminelle sont insuffisantes par rapport à ce qu'il faudrait, si l'on tient compte du fait que la fréquence de ce crime augmente.

M. Dubin : Je suis d'accord avec vous parce que grâce aux bonnes pratiques qui ont été adoptées dans les ports de Montréal et Halifax à la suite du projet pilote qui a débuté en 2009, l'ASFC a réussi à découvrir un nombre important de véhicules volés, malheureusement, ce n'est que la pointe de l'iceberg, parce que tout cela a été accompli avec des ressources très limitées.

Il faudrait, à mon avis, affecter davantage de ressources dans les ports, en particulier pour analyser davantage de renseignements criminels, ce qui veut dire qu'il y aura un plus grand nombre de conteneurs qui seront inspectés. Nous sommes prêts à travailler avec l'ASFC pour ce qui est des ressources supplémentaires.

Je ne voudrais toutefois pas que vous en déduisiez que l'ASFC n'a pas obtenu de bons résultats avec les ressources minimales dont elle disposait. Le personnel de cette agence a fait de l'excellent travail avec des ressources limitées. Oui, je suis en faveur d'augmenter les ressources attribuées à cet organisme, en particulier s'il va étendre son activité au port de Vancouver. Il y a quelques semaines encore, nous avons appris que neuf véhicules de haut de gamme qui avaient été volés en vue de leur exportation avaient été saisis grâce à un renseignement communiqué par l'équipe IMPACT. Leur exportation à partir du port de Vancouver a été bloquée. Personne ne sait combien il y a de ces véhicules.

M. Prouse : M. Jolicoeur, un ancien président de l'ASFC, nous a parlé, il y a quelques années, l'inspection des conteneurs. Il a dit qu'il n'était pas nécessaire d'ouvrir tous les conteneurs, mais seulement ceux qui sont suspects. C'était une excellente remarque. Nous souhaitons pouvoir appliquer cette attitude à la situation actuelle. Avec une bonne technologie, une bonne communication des renseignements et de bonnes lois, nous pouvons circonscrire encore davantage ce problème. Je n'oublierai jamais cette remarque. Il n'est pas nécessaire de les ouvrir tous, seulement ceux qui sont suspects.

M. Dubin : L'outil qui permet de limiter le nombre de conteneurs à ouvrir et d'ouvrir les conteneurs suspects, ce sont les renseignements criminels. Il n'est pas nécessaire d'examiner tous les conteneurs. Le fait de travailler en collaboration avec l'ASFC a donné d'excellents résultats. Les renseignements criminels existent, mais il est encore possible de les améliorer. Même avec les ressources limitées dont cette agence dispose, je dirais que la différence que l'on peut constater entre la situation actuelle et celle qui régnait en 2008 est comme le jour et la nuit.

Le sénateur Joyal : Les ressources sont quand même un aspect essentiel de la capacité de réaliser l'objectif du projet de loi, qui est de réduire le nombre de vols et d'en attraper les auteurs.

M. Dubin : Cela est tout à fait conforme à l'objectif du projet de loi. Peut-on l'améliorer pour retrouver davantage de véhicules? Absolument, mais nous allons certainement dans la bonne direction. Le projet de loi appuie ce qui a été fait. Même avec les ressources actuelles, si elle dispose de meilleurs renseignements criminels, l'agence pourra récupérer un nombre important de véhicules volés avant qu'ils soient exportés.

Le sénateur Joyal : D'après vous qui surveillez la situation, dans deux ou trois ans, vous pourrez nous fournir le nombre de véhicules récupérés et celui des gangs de ce secteur qui ont été démantelés.

M. Dubin : Oui, nous suivons tout cela soigneusement. Je suis en faveur d'augmenter les ressources accordées pour les ports, de façon à utiliser aussi efficacement que possible l'outil qu'est le projet de loi, plutôt que de continuer à travailler avec les ressources relativement limitées que nous avons actuellement.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Vous savez, le commerce de voitures ressemble beaucoup à celui de la drogue. Le conteneur plein d'automobiles volées appartient au crime organisé. Mais souvent, les voitures ont d'abord été volées par des jeunes, des mineurs parce que l'adulte, qui gère le conteneur de voitures de luxe, sait que le jeune qui se fait attraper recevra une peine ridicule.

C'est la même chose pour la drogue. La drogue qui se vend maintenant dans les écoles primaires et secondaires, ce sont souvent des mineurs, des jeunes criminels embauchés par des adultes qui la vendent parce que l'adulte sait que si le jeune reçoit une sentence, elle sera très légère. Ce qui est important dans ce projet de loi, c'est de durcir les peines pour faire en sorte que les jeunes qui volent des voitures aient peur d'être pris.

Quand vous disiez tantôt que les policiers ne travaillent plus sur les voitures, ce n'est pas nécessairement parce qu'ils manquent de ressources ou qu'ils ont d'autres priorités. C'est plutôt parce que comme les peines sont ridicules, ils prennent les mêmes voleurs à répétition, ils retrouvent le même petit truand devant le juge, chaque année et les policiers finissent par abandonner. Il ne fait plus d'enquête sur les voitures parce qu'il sait qu'il y a un vide juridique dans le Code criminel sur ce sujet.

Le policier qui voit le même criminel cinq fois durant la même année parce qu'il a volé une voiture, et qui a déjà purgé une peine de six mois ou deux ans dans la collectivité n'est plus intéressé à travailler sur ce dossier. Il préfère travailler sur des dossiers plus importants en comparaison et dont les peines sont plus sévères, telles que les agressions sexuelles ou autres.

En ce sens, le projet de loi est important parce qu'il ramène les peines à un niveau normal pour faire en sorte que les gens craignent de se faire prendre. Actuellement, il n'y a pas de crainte à se faire prendre lorsqu'on vole une voiture.

Alors selon vous, le fait que les peines soient plus sévères aurait-il un impact sur la réduction de la criminalité?

[Traduction]

M. Dubin : Oui, nous sommes convaincus. Vous avez tout à fait raison; les peines ne dissuadent aucunement les récidivistes qui volent des voitures. C'est un tourniquet. Les gens passent et repassent dans le système de justice. Nous sommes convaincus qu'en renforçant l'aspect dissuasif, comme le fait le projet de loi S-9, les criminels vont y penser à deux fois avant de se mêler du vol de véhicule organisé.

Je le sais parce que j'ai rencontré un voleur de véhicule professionnel dans la prison de Brockville, il y a quelques années. Je lui ai parlé pendant toute une journée et j'ai enregistré la conversation sur vidéo. Il faisait ce travail depuis 30 ans et gagnait près de 300 000 $ par année, sans impôt. Nous lui avons posé la question suivante : « Si le système était plus sévère, avec un fort élément dissuasif, et que les tribunaux imposaient de longues périodes d'emprisonnement aux récidivistes, est-ce que tu aurais continué à voler des voitures? » Il a déclaré qu'il n'avait aucun doute qu'il n'aurait pas continué à voler des voitures si les sanctions avaient été sévères. Il a dit que, lorsqu'ils reçoivent une peine d'emprisonnement avec sursis et la détention à domicile, ils sont détenus pendant de très brèves périodes; ils ressortent et recommencent à voler des voitures et ils le font en groupe. Il est regrettable qu'il pense que le système de justice était tellement peu sévère que cette activité ne comportait absolument aucun risque. C'est pourquoi je suis d'accord avec vous.

Le sénateur Boisvenu : Merci.

La présidente : Avez-vous trouvé des statistiques sur les peines. J'ai vu des déclarations contradictoires et il existe un certain problème parce qu'à l'heure actuelle, Statistique Canada ne suit pas le vol de voiture en tant qu'infraction distincte, d'après ce que j'ai compris, mais nous allons bientôt entendre des représentants de Statistique Canada.

Avez-vous compilé des statistiques dans le secteur de l'assurance, au sujet des conséquences judiciaires?

M. Dubin : Non, mais nous continuons d'examiner toutes les décisions qui touchent ceux qui ont été accusés et condamnés pour vol de véhicule. Du moins, je peux en parler pour l'Ontario, qui est un parfait exemple. La plus grande partie des vols de voiture sont commis en Ontario et au Québec : près de 31 000 voitures ont été volées dans chacune de ces provinces en 2008, pour vous donner une idée. Nous suivons les décisions. Malheureusement, il est extrêmement rare que les accusés reçoivent une peine d'emprisonnement sévère, et c'est la raison pour laquelle nous pensons que ce projet de loi est si important.

La présidente : Qu'est-ce que vous appelez une peine d'emprisonnement sévère?

M. Dubin : N'importe quelle peine d'emprisonnement. La plupart des accusés ne font même pas l'objet d'une peine de prison. Ils reçoivent une peine d'emprisonnement avec sursis et des détentions à domicile de courte durée; ils sont aussi placés en probation. En fait, il y a des individus qui ont été arrêtés à nouveau le mois dernier et placés en détention, parce que, lorsqu'ils ont été libérés en probation, ils n'ont pas respecté leur ordonnance de probation.

M. Prouse : Il y a un aspect complexe qui a un effet considérable, c'est que 40 p. 100 des personnes accusées de vol de voiture sont des jeunes contrevenants. Nous avons entendu dire que le crime organisé embauchait des jeunes contrevenants pour qu'ils volent ces véhicules. Ils reçoivent une somme forfaitaire par véhicule. Ce sont des employés idéaux pour le crime organisé parce qu'ils sont libérés rapidement et que le crime organisé n'a donc pas à se mêler directement de cet aspect.

C'est la raison pour laquelle M. Dubin a parlé d'une approche progressive. La lutte contre le vol d'automobile comporte de nombreuses facettes. Il n'y a pas une seule solution qui pourra régler ce problème. C'est une question complexe et comme pour toute question complexe, il faut adopter un certain nombre d'approches différentes.

La présidente : Il n'y a jamais de solution magique, je crois.

M. Prouse : Non.

La présidente : Je vous remercie tous les deux. Vos interventions ont été extrêmement utiles et extrêmement intéressantes.

M. Dubin : Merci.

La présidente : Chers collègues, je vais vous demander de rester dans la salle un instant après la partie publique de notre séance et je vous dirai alors quelques mots au sujet de nos travaux futurs.

(La séance est levée.)


Haut de page