Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Affaires juridiques et constitutionnelles
Fascicule 12 - Témoignages du 6 octobre 2010
OTTAWA, le mercredi 6 octobre 2010
Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles se réunit aujourd'hui, à 16 h 20, pour examiner la proposition de la Commission nationale des libérations conditionnelles, conformément à la Loi sur les frais d'utilisation, L.C. 2004, ch. 6, par. 4(2).
Le sénateur Joan Fraser (présidente) occupe le fauteuil.
[Traduction]
La présidente : Je vous souhaite la bienvenue à cette séance du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles.
[Français]
Nous sommes réunis pour discuter de la proposition de la Commission nationale des libérations conditionnelles, conformément à la Loi sur les frais d'utilisation, d'augmenter les frais qui sont demandés, suite à un mandat qui nous a été accordé par le Sénat.
[Traduction]
Nous sommes donc ravis d'accueillir aujourd'hui Shelley Trevethan, directrice générale exécutive de la Commission des libérations conditionnelles du Canada.
[Français]
M. Denis Ladouceur, directeur, Clémence et pardons et Mme Anne Gagné, dirigeante principale des finances.
[Traduction]
Madame Trevethan, je crois que vous voulez prononcer une déclaration liminaire.
Shelley Trevethan, directrice générale exécutive, Commission des libérations conditionnelles du Canada : Oui, merci beaucoup. Je suis heureuse d'être ici aujourd'hui pour prendre la parole au nom de la Commission des libérations conditionnelles, qui cherche à faire augmenter les frais de service qu'elle exige pour le traitement des demandes de pardon. Lorsque nous nous sommes adressés aux membres du comité en juin dernier, nous avons donné un aperçu du système et du processus de pardon actuels. Aujourd'hui, je me concentrerai sur ce que nous proposons pour garantir la viabilité du programme de pardon.
La Loi sur le casier judiciaire a été adoptée en 1970 pour aider, par l'octroi d'un pardon, les personnes démontrant qu'elles sont capables de vivre dans le respect des lois à se libérer des incapacités juridiques et de la tare sociale associées au fait d'avoir un casier judiciaire.
Au milieu des années 1990, des frais de service de 50 $ ont été imposés pour recouvrer partiellement les coûts du traitement d'une demande de pardon. De ce montant, 35 $ reviennent à la Commission, tandis que la GRC reçoit 15 $.
Bien que l'inflation, les coûts du traitement des demandes et leur quantité aient considérablement augmenté, les frais exigés restent toujours les mêmes. Le nombre de demandes de pardon a grimpé en flèche au cours des dernières années; alors que par le passé nous recevions en moyenne 20 000 demandes par année, ce nombre a atteint plus de 36 000 en 2008-2009.
Cette augmentation prouve qu'on s'intéresse davantage au processus permettant d'obtenir un pardon. Cela s'explique, en partie, par le fait qu'on assiste à une augmentation du nombre de Canadiens ayant un casier judiciaire. On constate, en outre, que le passé des personnes est examiné plus attentivement lorsque celles-ci postulent pour un emploi, demandent un prêt, veulent faire du bénévolat, obtenir certains permis ou poursuivre leurs études.
Afin de respecter le mandat que lui impose la loi relativement au pardon, la Commission a dû puiser dans le budget destiné à la mise en liberté sous condition pour remédier à l'insuffisance chronique de fonds à laquelle fait face le programme de pardon. Si nous n'augmentons pas les frais actuels, la viabilité du programme de pardon continuera d'être compromise.
Les modifications apportées récemment à la Loi sur le casier judiciaire ont aussi eu pour effet d'augmenter la complexité de notre travail et du processus décisionnel, et elles nécessiteront l'apport d'autres ressources. La Commission tient à remplir le mandat que lui donne la Loi sur le casier judiciaire, et nous devons chercher une solution acceptable sur le plan financier à ce problème de longue date.
L'augmentation proposée a été acceptée dans le cadre de l'Examen stratégique qu'a effectué la Commission en 2008- 2009 pour faire face aux difficultés financières qui menaçaient la viabilité du programme de pardon. Par la suite, la Commission a pris les mesures nécessaires pour satisfaire aux exigences de la Loi sur les frais d'utilisation. Elle a notamment répertorié avec précision l'ensemble des coûts rattachés au traitement d'une demande de pardon et réalisé une analyse coûts-avantages.
Pour ce faire, elle s'est servi de la méthode élaborée par le Conseil du Trésor et approuvée par le Bureau du vérificateur général. Nous avons aussi travaillé en étroite collaboration avec un ancien sous-contrôleur général du Canada, coauteur du Guide d'établissement des coûts du Secrétariat du Conseil du Trésor, qui est considéré comme le grand spécialiste au Canada de l'établissement des coûts au gouvernement fédéral.
Cet exercice d'établissement des coûts, qui a été effectué avant l'entrée en vigueur du projet de loi C-23A et repose sur une démarche de recouvrement partiel des coûts, a permis de déterminer qu'au total, le traitement d'une demande de pardon occasionnait à la Commission des coûts directs de 135 $. Les coûts directs comprennent des éléments comme la vérification et la préparation des dossiers pour la prise de décisions par les commissaires, la gestion des dossiers et l'administration des frais perçus. Si on ajoute 15 $ pour la GRC, les demandeurs devraient payer au total 150 $.
Comme l'exige la Loi sur les frais d'utilisation, la Commission a également procédé à des consultations sur l'augmentation proposée. Pour des raisons liées à la protection des renseignements personnels, la Commission n'a pas consulté directement les citoyens canadiens qui ont un casier judiciaire. Elle a plutôt rencontré des représentants des Associations nationales intéressées à la justice criminelle ou ANIJC, un organisme qui représente des groupes de défense des droits des délinquants. Nous avons aussi discuté avec l'ombudsman du gouvernement fédéral des victimes d'actes criminels, l'Association canadienne des chefs de police et la Fédération canadienne des municipalités. La Commission a aussi tenu une consultation en ligne sur son site Web, ouverte à tous les Canadiens.
Au cours de ces consultations, les membres des ANIJC ont dit craindre que l'augmentation soit trop élevée pour certains demandeurs, mais cette inquiétude était tempérée par leur appui à la question de la viabilité du programme de pardon. Ces gens ont aussi réclamé que les demandes soient traitées plus rapidement, que le processus de demande soit simplifié et qu'on fournisse plus d'informations au public sur les pardons, en cas d'augmentation des frais.
La Commission a pris des mesures pour répondre aux préoccupations des membres des ANIJC, et elle continuera de le faire lorsque les frais de service exigés aux demandeurs auront augmenté.
La CLCC a reçu trois réponses lors de sa consultation en ligne. Notamment, on demandait que l'augmentation soit moins importante et, dans un autre cas, que les personnes qui le méritent soient exemptées. Les coûts d'administration d'un système d'exemption ou d'un barème de tarification ont été pris en considération, mais ils seraient prohibitifs, et une telle structure serait complexe, allongerait la période nécessaire pour traiter les demandes et nuirait à la neutralité de la Commission. Depuis, le gouvernement a décidé de chercher à recouvrer pleinement les coûts du programme de pardon.
La Commission travaille actuellement sur un plan de recouvrement complet des coûts rattachés au traitement des demandes de pardon, dans le cadre du nouveau système. Pour ce faire, la Commission devra respecter les dispositions de la Loi sur les frais d'utilisation, et notamment procéder de nouveau à l'établissement des coûts ainsi qu'à une analyse coûts-avantages et lancer un processus de consultation. Par la suite, elle demandera l'approbation d'une nouvelle augmentation des frais de service.
Entre-temps, étant donné les graves difficultés financières auxquelles le programme de pardon est confronté et en raison du degré de complexité qu'ajoutent les modifications apportées à la Loi sur le casier judiciaire, la Commission sollicite une approbation pour faire passer à 150 $ les frais exigés pour chaque demande de pardon. L'augmentation, si elle est approuvée, entrera en vigueur cet automne ou cet hiver. Nous prévoyons qu'un plan de recouvrement complet des coûts pourrait être adopté au cours de l'exercice 2011-2012.
La capacité de traiter annuellement un important volume de demandes de pardon en temps opportun et de façon constante aidera la Commission à accroître la qualité de son programme et à satisfaire aux exigences de la Loi sur le casier judiciaire. De plus, elle servira les intérêts des demandeurs et ceux de la population en général.
Bien souvent, la personne qui bénéficie d'un pardon réussit à trouver un emploi rémunéré. Il s'agit d'un élément clé de sa réhabilitation, qui contribue ensuite à réduire la criminalité et à accroître la sécurité des collectivités. De plus, l'accès à l'emploi grâce à l'obtention d'un pardon aide à réduire la dépendance à l'égard du réseau d'aide sociale, ce qui profite à l'ensemble des Canadiens. Enfin, la mise en place de mesures visant à financer le programme de pardon à partir des frais de service permettra de réduire la nécessité d'utiliser l'argent des contribuables.
Bref, pour que la Commission soit en mesure de remplir le mandat que lui donne la loi, nous sollicitons une approbation pour faire passer de 35 à 135 $ la part des frais de service qui revient à la Commission et pour l'entrée en vigueur du nouveau montant de 150 $ après l'enregistrement de cette augmentation.
Merci beaucoup. Je serais maintenant ravie de répondre à vos questions.
La présidente : Je vous remercie beaucoup. Chers collègues, avant que je ne cède la parole au sénateur Wallace pour qu'il pose la première question, je tiens à vous dire que nous avons des représentants de la GRC et de Services correctionnels du Canada dans la salle. Ils pourront se joindre à nous autour de la table si vous avez des questions à leur poser.
Le sénateur Wallace : Merci, madame la présidente, et merci à vous pour cet exposé.
J'ai quelques questions à vous poser pour m'aider à comprendre le fonctionnement du financement actuel destiné à appuyer ce programme. D'après ce que je comprends, le financement actuel vient des frais de service que l'on fait payer et qui s'élèvent à 50 $ par demande. Vous avez également indiqué dans votre allocution que, parfois, comme c'est le cas dans la situation actuelle, vous devez puiser dans le budget de la Commission relatif aux libérations conditionnelles. Est-ce que ce sont les deux seules sources de revenus qui vous permettent actuellement de financer ce programme?
Mme Trevethan : Oui. Actuellement, la Commission obtient environ 850 000 $ au titre des frais de service de 35 $ qui lui sont versés; mais tout dépend du nombre de demandes traitées. Nous puisons également des fonds dans le programme des libérations conditionnelles. Nous estimons que le coût de fonctionnement du programme tourne autour de 5,6 millions de dollars au moment où l'on se parle. Cette estimation inclut les coûts directs et indirects. Les coûts directs de fonctionnement du programme sont d'environ 3,2 millions de dollars.
Je vais maintenant céder la parole à Anne Gagné, au cas où elle aurait quelque chose d'autre à ajouter.
Anne Gagné, dirigeante principale des finances, Commission des libérations conditionnelles du Canada : Je pense qu'on a fait le tour; c'est bien.
Le sénateur Wallace : Votre intention ou votre souhait est de mettre en place un système de recouvrement intégral des coûts. Qu'entendez-vous par là exactement, le recouvrement complet des frais de service uniquement, et est-ce que cela concerne les coûts directs et indirects ou seulement les coûts directs?
Mme Trevethan : Nous avons adopté une approche graduelle, de sorte que dans ce cas nous voulons passer, pour l'instant, à 150 $, ce qui nous permettrait de couvrir les frais directs en vertu de l'ancienne loi. Nous avons lancé cette approche avant l'adoption de la nouvelle loi. Le gouvernement a décidé de viser le recouvrement intégral des coûts, ce qui inclut les coûts directs et indirects.
Le sénateur Wallace : Lorsque le programme sera pleinement mis en œuvre et qu'il y aura de nouvelles demandes, vous espérez en arriver au point où il vous sera possible de recouvrer complètement les coûts.
Mme Trevethan : C'est exact.
Le sénateur Wallace : J'ai une copie de votre allocution devant moi et, comme vous l'avez indiqué, les mesures destinées à financer un programme de pardon au moyen de l'augmentation des frais de service permettront de limiter le recours à l'argent des contribuables. Or, l'intention n'est pas seulement de réduire ce recours, mais aussi, ultimement, de l'éliminer complètement, n'est-ce pas?
Mme Trevethan : Effectivement. Le but recherché avec ce programme, c'est d'en arriver à un recouvrement intégral des coûts.
Le sénateur Wallace : Évidemment, cette augmentation des frais de service aura une incidence sur les payeurs puisqu'avec cette mesure provisoire, les frais vont passer de 50 à 150 $, et cela pourrait augmenter encore après.
Pensez-vous que cette hausse des frais de service freinera, d'une manière ou d'une autre, le nombre de demandes de pardon? Cela fera-t-il porter à ceux qui doivent payer les frais de service un fardeau tel qu'ils pourraient décider ne pas faire de demande de pardon? Avez-vous réfléchi à la question?
Mme Trevethan : Cela fait partie des préoccupations exprimées lors des discussions que nous avons eues avec l'ANIJC. La commission n'a évidemment aucun contrôle sur le nombre de demandes présentées, mais nous avons également le sentiment que l'avantage d'obtenir un pardon, étant donné les possibilités d'emploi accrues que cela procure, entre autres, continuera probablement d'avoir une valeur bien réelle aux yeux des gens.
Le sénateur Wallace : L'augmentation des frais est requise pour accroître le niveau de service et pas simplement pour maintenir le niveau actuel, n'est-ce pas? Si j'ai bien compris, vous envisagez d'améliorer le niveau de service dans le système.
Auriez-vous quelque chose à ajouter à ce propos? Avec des frais de service de 150 $, on est en droit de penser que le système sera meilleur.
Mme Trevethan : Cela fait plusieurs années maintenant que le programme de pardon de la commission n'est pas viable. Les frais de service de 50 $, dont nous ne percevons que 35 $, sont appliqués depuis 1994. Il n'y a pas eu d'augmentation des frais depuis lors, et nous n'avons toujours reçu qu'une certaine part des frais exigés. Qui plus est, les 150 $ ne couvrent que les coûts directs, en vertu de l'ancienne loi.
Avec la nouvelle loi, la mise en œuvre du programme coûtera plus cher. Toutefois, notre objectif, avec ces 150 $, est d'offrir un service de qualité. Nous avons élaboré des normes de service que nous voulons mettre en œuvre pour fournir des services plus rapidement. Aussi, nous voulons simplifier le guide que nous utilisons. Nous nous sommes efforcés d'employer un langage plus clair et faisons en sorte, au moyen de mesures de sensibilisation, que notre clientèle comprenne mieux les services qu'elle reçoit.
Le sénateur Wallace : Avec ces revenus supplémentaires, cela ressemble à un programme amélioré.
Mme Trevethan : Les frais de 150 $ nous permettraient d'avoir du financement durable pour continuer d'offrir les services disponibles actuellement.
Le sénateur Wallace : Je vous remercie beaucoup.
[Français]
Le sénateur Boisvenu : Je vais poser quelques questions techniques afin d'éviter d'étirer la séance. Le montant de 150 $ que vous demandez va représenter environ la moitié du coût de traitement d'un dossier?
[Traduction]
Mme Trevethan : Oui, c'est exact.
[Français]
Le sénateur Boisvenu : Ce qui veut dire que les contribuables vont continuer à financer les ex-détenus jusqu'à concurrence de 50 p. 100 du coût de leur demande de pardon, est-ce exact?
[Traduction]
Mme Trevethan : Oui; nous disons que les 150 $ nous permettraient de couvrir les coûts directs, qui représentent environ 50 p. 100 de l'ensemble de nos coûts. Si nous passons au recouvrement complet, les frais exigés nous permettront de couvrir toutes nos dépenses. Actuellement, nous ne recevons que 35 $; le reste est couvert par d'autres sources de financement. Ainsi, les 150 $ nous permettraient de couvrir une part plus importante de nos dépenses.
[Français]
Le sénateur Boisvenu : Avez-vous des études qui démontrent que l'exigence d'un montant d'argent fait en sorte que certaines personnes ne feront pas de demande de pardon?
[Traduction]
Mme Trevethan : Non, je ne crois pas qu'il y ait d'études sur les demandeurs de pardon. En règle générale, nous ne nous adressons pas directement aux demandeurs de pardon, d'abord et avant tout pour des raisons de confidentialité. Normalement, ces gens préfèrent rester discrets; il est donc difficile de les identifier et de mener une étude de ce genre.
[Français]
Le sénateur Boisvenu : Et si on compare le Canada à d'autres pays comme l'Angleterre, la France ou les États-Unis, dans quelle moyenne nous situons-nous en ce qui concerne la somme de 150 $? Sommes-nous plus exigeants, moins exigeants?
Denis Ladouceur, directeur, Clémence et pardons, Commission des libérations conditionnelles du Canada : Sur une base de comparaison internationale, si on examine les pays du Commonwealth, on constate que le Canada se situe au-dessus de la moyenne.
Le sénateur Boisvenu : À quels pays se compare le Canada?
M. Ladouceur : Si on prend l'Angleterre, à titre d'exemple, c'est un automatisme et on n'exige rien du requérant qui demande un pardon parce que l'accusation est comptée sur une période de temps et une fois la période de temps écoulée, elle est mise de côté, elle est éliminée.
En Australie, cela varie d'État en État. En Nouvelle-Zélande, c'est aussi un automatisme et tout dépend de l'offense commise et de la sentence imposée. À ce que je sache, il n'y a pas de frais en tant que tels qui sont imposés.
Le sénateur Boisvenu : J'aurais une dernière question concernant les statistiques de 2007 selon lesquelles 99 p. 100 des demandes ont été acceptées. Par rapport au pourcentage des demandes de pardon qui sont accordées au Canada, est-ce qu'on se situe au-dessus de la moyenne internationale?
Avec 99 p. 100 des gens qui reçoivent le pardon, on n'est pas loin de la totalité. Est-ce que d'autres pays sont moins généreux par rapport à cela?
M. Ladouceur : Je n'ai pas les données statistiques en main mais si je me fie au processus en fonction ailleurs, je prends l'Angleterre, la Nouvelle-Zélande et l'Australie, à titre d'exemples, c'est un automatisme. Il n'y a pas de processus de vote comme ici. À la Commission, tout dépend du temps d'incarcération purgé et de l'offense commise. Lorsque la période est terminée, c'est automatique et ça disparaît.
Le sénateur Boisvenu : Il n'y a pas d'analyse comme telle?
M. Ladouceur : Du tout.
Le sénateur Carignan : Ma première question fait suite à celle du sénateur Boisvenu. Je suis avocat et je n'ai jamais eu à faire de demande de pardon pour un client et je n'en ai jamais fait pour moi-même non plus.
Est-ce une procédure complexe? Est-ce que l'assistance d'un avocat est nécessaire dans le cas où le client est admissible à l'aide juridique? Si la procédure est complexe, a-t-on songé à la simplifier?
Vous avez nommé des pays où c'était un automatisme. Il me semble que pour certains types de crimes, le pardon devrait être automatiquement accordé. Cela aurait pour effet de réduire toute la bureaucratie que le processus implique, surtout si les demandes de pardon sont acceptées dans 99 p. 100 des cas. C'est probablement le cas parce que beaucoup de crimes ne sont pas jugés violents et dangereux.
A-t-on étudié ces aspects pour essayer de réduire la bureaucratie et diminuer le coût de la procédure?
[Traduction]
Mme Trevethan : La Commission a grandement examiné le programme de pardon pendant plusieurs années. Comme je l'ai indiqué, depuis que ce programme est en place, il n'a pratiquement jamais été viable. C'était l'une des raisons pour lesquelles nous avons imposé des frais de service de 50 $. Il y a également eu un certain nombre de propositions pour simplifier le processus.
À l'interne, nous avons trouvé de nombreuses façons d'améliorer le processus, notamment en ayant recours à la technologie. Nous avons réalisé des études sur le déroulement des opérations. Nous avons élaboré des normes pour toutes les personnes travaillant dans le programme. Dernièrement, nous avons terminé une autre étude sur le déroulement du travail. Il y a eu des discussions, par exemple, sur la nécessité d'automatiser ou non les processus. On a fait différentes analyses sur la meilleure approche à adopter. Beaucoup de travail a été accompli dans ce domaine. À ce stade-ci, l'approche retenue consiste à demander l'augmentation des frais de service. Rien n'a été présenté officiellement au gouvernement qui pourrait différer de cette proposition.
[Français]
Le sénateur Carignan : Est-ce que vous avez fait des propositions au gouvernement afin d'améliorer la méthode ou demander une réforme visant à privilégier des automatismes pour certains types de crimes? On sait que le gouvernement cherche toujours des façons de diminuer les coûts et d'améliorer l'efficacité administrative.
[Traduction]
Mme Trevethan : Comme je l'ai indiqué, il y a eu des discussions sur ces questions à différentes occasions au fil des ans. Aucune n'a permis de faire changer la loi, mais il y a eu un certain nombre de débats sur l'orientation à prendre pour améliorer les choses.
À l'interne, la Commission s'évertue à suivre la loi au pied de la lettre. Nous avons tenté de rendre le programme aussi efficace que possible à l'intérieur des limites de la loi. C'est le genre d'approches que nous privilégions.
[Français]
Le sénateur Carignan : Vous avez traité du fait qu'une partie des sommes pour financer le programme était puisée à même le budget destiné à la mise en liberté sous caution, et ceci, pour remédier à une insuffisance chronique de fonds. Ce principe des vases communicants me cause un peu de problèmes parce que je me dis que si c'est attribué au budget des mises en liberté sous condition et qu'on utilise ces fonds pour un autre poste du budget, c'est peut-être parce qu'on procède à des réductions dans un autre service.
Est-ce que le fait que vous ayez puisé des sommes à même le budget destiné aux mises en liberté sous condition a eu des impacts négatifs sur celles-ci ou est-ce que ça a diminué les services ou les suivis des mises en liberté sous condition?
[Traduction]
Mme Trevethan : Nous nous sommes toujours efforcés d'avoir un processus décisionnel de qualité, en règle générale, que ce soit pour les demandes de libération conditionnelle ou pour les demandes de pardon. Nous avons une approche axée sur la loi. La plupart de nos fonds servent à payer les salaires; nous n'avons donc pas beaucoup de latitude pour choisir d'autres mécanismes concernant le financement du programme de pardon. Nous devons respecter les deux mandats qui nous ont été confiés.
Pour ce qui est des demandes de libération conditionnelle, par exemple, nous avons dû prendre des décisions, notamment sur l'affectation des fonds, qui ont eu une incidence, dans une certaine mesure, sur la formation du personnel, celle des membres de la Commission et sur nos activités de communication.
[Français]
Le sénateur Carignan : Pouvez-vous m'assurer que les sommes qui seront ajoutées le seront pour le programme du pardon et qu'elles ne seront pas allouées au programme de liberté sous conditions que vous avez réussi à faire fonctionner de façon relativement efficace?
[Traduction]
Mme Gagné : Tous les fonds collectés venant de l'application de droits de service iront directement et uniquement au programme de pardon. C'est ce qu'on appelle les recettes nettes en vertu d'un crédit. Nous devons rendre compte de nos dépenses chaque année et le fait que ces dépenses soient directement attribuables au programme de pardon nous permet d'avoir accès à ces recettes.
Le sénateur Lang : Tout d'abord, je vous demanderai d'éclaircir vos propos. Vous avez affirmé, je crois, que le coût direct du programme s'élève à 3,2 millions de dollars. Si l'on inclut les coûts indirects, cela totalise 5,6 millions de dollars. Est-ce exact?
Mme Trevethan : Oui.
Le sénateur Lang : Cette somme de 5,6 millions de dollars est-elle accordée au programme en place? Suffira-t-elle à l'exécution du programme quand la nouvelle loi et le règlement d'application entreront en vigueur?
Mme Trevethan : Il s'agit du montant prévu pour mettre en œuvre le programme en vertu de l'ancienne loi.
Le sénateur Lang : En vertu de l'ancienne loi?
Mme Trevethan : Oui.
Le sénateur Lang : Avez-vous une estimation du coût du nouveau régime aux termes de la nouvelle loi?
Mme Trevethan : Nous sommes en train d'évaluer ces coûts. Par contre, nous avons instauré des politiques et des processus de travail en vue de la nouvelle loi. Mme Ladouceur établit actuellement de nouveaux processus opérationnels. Concurremment, nous nous employons à évaluer le coût réel de la mise en œuvre de la nouvelle loi. Nous n'étudions la question que depuis trois mois environ : nous ne connaissons donc pas le chiffre définitif. Nous le saurons au cours de la prochaine phase.
Le sénateur Lang : Selon les chiffres que vous nous avez remis, si l'on prend la moyenne de 36 000 demandeurs par année et le montant de 5,2 millions de dollars, le coût est approximativement de 145 $ par demandeur. Est-ce juste?
Mme Trevethan : Les coûts directs sont de 150 $. Notre coût est de 135 $, auquel s'ajoutent les frais de 15 $ de la GRC, pour des coûts directs de 150 $.
Le sénateur Lang : Quand reviendrez-vous nous présenter une nouvelle augmentation tarifaire?
Mme Trevethan : Présentement, nous examinons l'ensemble des coûts. Nous devons de nouveau passer en revue la Loi sur les frais d'utilisation; il nous faut donc évaluer les coûts, préparer l'analyse coûts-avantages, réaliser de nouvelles consultations sur les nouveaux frais, quels qu'ils soient, et nous soumettre au processus une nouvelle fois.
Le sénateur Lang : Nous vous reverrons donc probablement dans quatre ou cinq mois, alors?
Mme Trevethan : Quelque part en 2011-2012, je crois.
Le sénateur Lang : Je pense que nous devrions évaluer cette approche. Si nous acceptons le fait que le programme sera financé par les utilisateurs, le gouvernement devrait se charger d'élaborer le règlement, ce qui éviterait se mettre en branle le présent exercice.
La présidente : Nous devons composer avec le libellé actuel de la loi.
Le sénateur Lang : C'est une autre histoire.
Certains pourraient ne pas avoir les moyens de demander leur pardon et cela pourrait être justifié. Vous avez indiqué qu'au cours des consultations menées auprès de l'ANIJC, « les membres ont dit craindre que l'augmentation soit trop élevée pour certains demandeurs, mais cette inquiétude était tempérée par leur appui à la question de 1a viabilité du programme de pardon. »
Peut-être pourriez- vous nous expliquer ce que vous entendez par là.
Mme Trevethan : Comme je l'ai indiqué, nous avons, au cours du processus de consultation, rencontré un certain nombre de personnes issues des associations nationales œuvrant dans le domaine de la justice criminelle, ainsi que des organisations de victimes et divers intéressés. De façon générale, les groupes de défense des contrevenants ne souhaitent pas nécessairement que les frais d'utilisation augmentent, mais je crois qu'ils admettent également que notre programme n'est pas viable actuellement. Il faut parfois des années avant qu'une personne obtienne un pardon.
D'après les consultations que nous avons menées auprès de ces personnes, j'ai eu l'impression qu'elles comprenaient le dilemme auquel est confrontée la Commission et considéraient que nous adoptions une approche raisonnable, compte tenu du fait que nous instaurerions également des normes de services permettant d'accélérer l'octroi du pardon. Nous simplifierions le guide d'information et fournirions de meilleurs renseignements aux personnes sur la manière de remplir une demande de pardon, ce qui leur permettrait éventuellement de s'adresser directement à la Commission au lieu de passer par un intermédiaire, dont les honoraires peuvent être substantiels.
Le sénateur Joyal : Bienvenue. Je vous ai écoutée et j'ai lu votre mémoire. Or, je ne suis pas du tout certain que vous respectiez l'article 4 de la Loi sur les frais d'utilisation. Avez-vous une copie de cette loi? Pouvez-vous la sortir? L'article 4 de la loi s'intitule « Consultations obligatoires », c'est-à-dire « Consultation Requirement » en anglais. Il semble que ce soit une démarche préalable. Le paragraphe 4(1) stipule ce qui suit :
Avant d'établir ou d'augmenter les frais d'utilisation, d'en élargir l'application ou d'en prolonger la durée d'application, l'organisme de réglementation doit [...]
Il est écrit « must » en anglais. L'article poursuit ainsi :
prendre des mesures raisonnables pour aviser de la décision projetée les clients et les autres organismes de réglementation [...] ;
donner aux clients ou aux bénéficiaires des services la possibilité de présenter des suggestions ou des propositions sur les façons d'améliorer les services [...] ;
[...]
établir un comité consultatif indépendant pour le traitement des plaintes déposées par les clients au sujet des frais d'utilisation ou de leur modification;
établir pour l'évaluation du rendement de l'organisme de réglementation des normes comparables à celles établies par d'autres pays avec lesquels une comparaison est pertinente.
Dans votre mémoire, vous indiquez que « Pour des raisons liées à la protection des renseignements personnels, la Commission n'a pas consulté directement les citoyens canadiens qui ont un casier judiciaire. » Vous avez dit que c'était « pour des raisons liées à la protection des renseignements personnels ». La commissaire à la protection de la vie privée vous a-t-elle signifié que vous ne devriez pas consulter les prisonniers pouvant présenter une demande de pardon?
Mme Trevethan : Nous avons travaillé avec nos conseillers juridiques et les juristes de Justice Canada afin de déterminer ce qui était raisonnable de faire. Nous avons finalement parlé avec des groupes de défense des contrevenants et réalisé une consultation en ligne, dans le cadre de laquelle tout citoyen pouvait présenter une plainte s'il le souhaitait. Nous étions disposés à constituer un comité consultatif, mais nous n'avons reçu que trois commentaires et aucune plainte. Nous n'avons donc pas été jusqu'à créer le comité consultatif. De plus, la Société John Howard et les Sociétés Elizabeth Fry ont mis un lien entre leurs sites et les nôtres. Nous avons évidemment informé tous les membres de l'ANIJC pour qu'ils affichent l'information à l'intention de leurs clients. Il s'agissait, selon nous, d'une approche raisonnable pour offrir aux citoyens une possibilité de consultation, avis que partageaient les juristes.
Le sénateur Joyal : Vous n'avez toutefois pas respecté la lettre du texte, qui stipule clairement qu'il faut « donner aux clients ou aux bénéficiaires des services la possibilité de présenter des suggestions ». Les clients sont les clients, et, dans le cas présent, ce sont les prisonniers, à mon avis.
Pourquoi avez-vous consulté les organisations qui représentent ou défendent les clients au lieu de vous adresser directement à ces derniers, en remettant des questionnaires aux prisonniers admissibles à une libération conditionnelle pour leur permettre d'y répondre directement? Statistique Canada protège les renseignements personnels de leurs répondants, et vous pouvez faire de même. Selon moi, vous auriez pu obtenir directement des réponses des prisonniers sans connaître leur identité. C'est possible, il existe des méthodes pour protéger la vie privée des répondants. Je ne comprends pas pourquoi vous avez décidé de ne pas consulter directement les prisonniers, conformément à la loi.
Mme Trevethan : En fait, la consultation ne se limitait pas à la population carcérale. Les prisonniers relèvent des compétences fédérales, mais bien des gens qui n'ont jamais été incarcérés et qui sont admissibles à un pardon n'auraient pas été couverts par la consultation.
La Loi sur les frais d'utilisation parle de « prendre des mesures raisonnables ». Ce dernier terme englobe également ce qui est faisable. Du point de vue de la Commission, il n'était pas faisable non plus d'engloutir une somme faramineuse pour réaliser un examen exhaustif auprès du grand public.
Le sénateur Joyal : Comme vous ne pouviez joindre certaines personnes, vous avez décidé de les exclure. Voilà ce qui m'embête avec votre proposition. Je n'ai rien contre le principe d'augmenter les coûts. Je comprends que ce soit nécessaire. Les frais ont été établis dans les années 1970, et plus rien ne coûte la même chose que dans ce temps-là. C'est donc une augmentation raisonnable. Je ne doute pas du bien-fondé de cette augmentation, mais du fait que vous ayez respecté la lettre du texte de la loi.
Mme Trevethan : Le libellé de la loi indique « raisonnable »; nous avons donc adopté une approche que nous considérions raisonnable, en tenant compte de l'avis de nos conseillers juridiques sur ce qui était raisonnable de faire.
Le sénateur Joyal : Oui, mais sans avoir consulté la commissaire à la protection de la vie privée, vous invoquez des raisons liées à la protection des renseignements personnels. Voilà pourquoi je ne vous suis pas. Vous dites « pour des raisons liées à la protection des renseignements personnels ». Si vous pouviez déposer aujourd'hui un avis de la commissaire à la protection de la vie privée selon lequel vous vous immisciez dans la vie privée des détenus, j'accepterais l'approche que vous avez adoptée. Vous ne m'avez toutefois pas convaincu aujourd'hui que le fait d'invoquer des motifs relatifs à la protection des renseignements personnels vous donne carte blanche pour consulter les citoyens canadiens ayant un dossier criminel en passant par l'entremise d'association nationales œuvrant dans le domaine de la justice criminelle.
Vous ne nous avez remis aucune opinion de ces associations pour nous permettre de les évaluer. Comme l'a fait remarquer mon collègue, le sénateur Lang, certains détenus n'auraient pas la possibilité de demander un pardon, et je comprends que si un détenu mérite et reçoit un pardon, son retour à la vie civile en allège d'autant le fardeau qu'assument les contribuables.
Je ne suis pas satisfait de ce que vous nous avez répondu pour expliquer que vous vous êtes conformés aux normes de la Loi sur les frais d'utilisation, car vous ne nous avez fourni aucune preuve démontrant que vous avez discuté avec l'institution fédérale chargée de protéger la vie privée des questions de protection des renseignements personnels que vous avez évoquées pour justifier le fait que vous n'avez pas consulté directement les prisonniers.
Mme Trevethan : Nous avions de nombreux motifs de ne pas agir ainsi; la protection de la vie privée des individus présentant une demande de pardon en est un. Nous avons fini par décider qu'il serait raisonnable de permettre à tout citoyen canadien qui le souhaite de répondre en ligne. Selon nous, c'était là une méthode raisonnable pour sonder l'opinion de la population sur les droits d'utilisation.
Le sénateur Joyal : Je suis Canadien, sans pour autant être en mesure de dire si je serais prêt à débourser 150 $ si j'étais détenu. Comment pouvez-vous demander aux simples citoyens canadiens de donner leur avis alors qu'ils ne sont pas directement touchés ou n'ont pas la capacité de répondre parce qu'ils ne se trouvent pas dans la même situation que vos clients?
La présidente : Sénateur Joyal, puis-je poser une question supplémentaire?
Le sénateur Joyal : Oui.
La présidente : Combien de temps après le prononcé de la sentence une personne doit-elle attendre avant de demander un pardon?
Mme Trevethan : Tout dépend de l'infraction. C'est cinq ans pour un délit mineur et dix ans pour une infraction sexuelle. Même si les contrevenants ont fait de la prison, ils disposent de cette période pour réunir les fonds nécessaires.
La présidente : Désolée de vous avoir interrompus. Le sénateur Carignan a également une question supplémentaire. Voulez-vous poursuivre, sénateur Joyal?
Le sénateur Joyal : Le sénateur Carignan peut poser sa question si elle porte sur le même sujet.
[Français]
Le sénateur Carignan : J'aimerais porter à votre attention l'article 4b), qui stipule :
Donner aux clients et aux bénéficiaires des services la possibilité de présenter des suggestions ou des propositions sur les façons d'améliorer les services auxquels les frais d'utilisation s'appliquent.
Je pourrais comprendre que les clients ne l'ont pas fait, mais que vous l'avez fait, à l'intérieur de votre service. Il semble que ce soit tombé entre deux chaises. Est-ce possible de nous envoyer la documentation ou le rapport sur ce que vous avez fait ou ce que vous considérez être une proposition pour améliorer les services auxquels les frais d'utilisation s'appliquent? Pourriez-vous identifier des solutions où on pourrait réduire les aspects bureaucratiques, à savoir où on pourrait penser à instaurer le pardon automatique?
J'ai déjà entendu des gens dire qu'ils ne se souvenaient même plus qu'ils avaient un casier judiciaire. Vingt ou trente ans plus tard, ils découvrent qu'ils en ont un. Avoir des pardons automatiques pour certains types d'infraction serait une solution intéressante. Si cela pouvait faire partie des recommandations, nous aimerions prendre connaissance de ces informations.
[Traduction]
Mme Trevethan : Nous pouvons répondre et vous remettre l'information que nous avons réunie.
Le sénateur Wallace : Je formulerai peut-être ma question pour faire le lien avec votre exposé. Pour en revenir à l'argument du sénateur Joyal, quand on examine le paragraphe 4(1) et les mesures raisonnables qui doivent être prises pour aviser les clients et leur donner la possibilité de présenter des suggestions, il me semble évident que vous ne communiquerez pas avez tous les « clients »; il faut cependant entreprendre des démarches raisonnables pour informer ces derniers du processus en cours concernant la demande.
Vous affirmez que c'est pour des raisons liées à la protection des renseignements personnels que vous avez décidé de consulter des représentants des Associations nationales intéressées à la justice criminelle. Ces associations, comme vous l'avez fait remarquer, représentent les groupes de défense des contrevenants. En ce qui concerne le point soulevé par le sénateur Joyal, j'aurais tendance à penser que le fait d'avoir pris cette décision pour des raisons liées à la protection des renseignements personnels n'a pour ainsi dire rien à voir. Le fait est que la loi exige que vous...
Le président : Que voulez-vous savoir?
Le sénateur Baker : Oui, où est la question?
Le sénateur Wallace : C'est une question; je terminerai ma remarque par un point d'interrogation. Vous devez démontrer que vous avez pris des mesures raisonnables pour aviser les clients et leur donner la possibilité de présenter des suggestions.
Peu importe la raison pour laquelle vous avez décidé de vous adresser aux associations, la question reste à savoir si cette démarche est conforme à la loi : en consultant un groupe représentant des groupes de défense des contrevenants, avez-vous satisfait à la loi, peu importe que vous ayez agi pour des raisons liées à la protection des renseignements personnels?
Si je vous ai bien compris, vous dites que puisque vous ne pouviez joindre ou aviser chaque client, vous avez décidé de vous tourner vers un groupe de défense représentant leurs intérêts?
Mme Trevethan : Oui, nous devions envisager les options qui nous semblaient raisonnables. Nous avons examiné la question avec des juristes pour déterminer l'approche que nous avons adoptée, y compris la consultation en ligne. Nous n'avons pas consulté que les groupes de défense des contrevenants, même si je crois qu'il était crucial de le faire. Nous avons également mené un exercice en ligne. Ces deux démarches conjuguées constituaient, à notre avis, une approche raisonnable.
La présidente : Retournons au sénateur Joyal, qui avait la parole.
Le sénateur Joyal : Vous avez indiqué que vous avez mené une consultation en ligne. Pouvez-vous nous dire si les détenus ont accès à Internet pour répondre aux questions?
Le sénateur Angus : Ce ne sont pas des détenus.
Le sénateur Joyal : J'aimerais obtenir une réponse et je vais l'attendre. Elle sera négative, ce qui me convaincra qu'ils ne pouvaient pas être consultés.
Mme Trevethan : Voulez-vous savoir si les détenus ont accès à Internet? Je ne suis pas certaine qu'ils y aient toujours accès. Je présume qu'ils n'ont pas Internet dans leur cellule, mais j'ignore s'ils peuvent y accéder par d'autres moyens dans l'institution. Il faudrait que je le demande à nos collègues.
Sachez de plus que ceux qui demandent un pardon ne sont pas en prison quand ils le font. Ils vivent au sein de la collectivité depuis longtemps et auraient donc accès à Internet.
Le sénateur Joyal : Vous considérez pourtant qu'un questionnaire en ligne destiné au grand public constitue une consultation valide aux termes de l'article 4 de la loi, n'est-ce pas?
Mme Trevethan : Oui, c'est une consultation raisonnable.
Le sénateur Joyal : Selon vous?
Mme Trevethan : Oui.
Le sénateur Joyal : Qu'en est-il des normes supposément comparables à celles établies par d'autres pays? À quelles normes étrangères les avez-vous comparées?
Mme Trevethan : Nous avons effectivement étudié les normes d'autres pays, documents à l'appui. Le problème, comme l'a indiqué mon collègue, c'est qu'il n'existe aucun pays auquel nous pouvons nous comparer. Ils ont instauré divers mécanismes, mais n'ont pas de système comparable qui nous permettrait de comparer les coûts d'un pays à l'autre, par exemple.
Mais nous avons examiné la question. Nous avons effectué une analyse, mais nous n'avons pas de pays de comparaison.
La présidente : Sénateur Joyal, après votre prochaine intervention, je vous interromprai pour lancer un deuxième tour.
Le sénateur Joyal : Vous considérez donc qu'il vous est impossible d'examiner les frais d'utilisation, les facteurs en fonction desquels ils ont été établis et les répercussions qu'ils ont sur les personnes qui demandent un pardon aux États- Unis et en Grande-Bretagne.
Mme Trevethan : Ces pays n'ont pas de système comparable. M. Ladouceur vous parlera de la manière dont ils procèdent.
[Français]
M. Ladouceur : Il n'y a pas de système sur lequel je peux me baser parce qu'il n'y a pas de frais de gestion pour un pardon en tant que tel. À titre d'exemple, aux États-Unis, il s'agit d'un exercice exécutif soit au gouvernement fédéral ou à celui des États. En Grande-Bretagne, ce processus est presque automatique. Je me qualifie. Ça dépend de l'offense, de la condamnation et de la sentence rendue. Ce n'est pas tous les gens qui ont un casier judiciaire qui ont droit à un pardon ou à l'élimination de leur casier. Ce sont ceux qui entrent dans un certain critère préétabli. Mais il n'y a pas d'évaluation mathématique ou pécuniaire sur laquelle je peux me comparer ailleurs.
Le sénateur Joyal : J'ai de la difficulté à comprendre comment on ne peut pas se comparer.
La présidente : Deuxième ronde.
[Traduction]
Le sénateur Joyal : Bien, j'y reviendrai. Merci.
Le sénateur Baker : Si mes souvenirs sont bons, l'article 4, dont il est question ici et qui préoccupe le sénateur Joyal, est une disposition exécutoire, puisqu'on y retrouve le terme « doit », D-O-I-T.
Le sénateur Joyal a mis en lumière l'un des éléments clés de la loi, mais l'article stipule également que l'on doit « établir un comité consultatif indépendant ». Où est ce comité?
Mme Trevethan : Nous avons créé un comité consultatif pour entendre les plaintes, mais il faut mettre sur pied un comité pour donner suite aux plaintes. Mais nous n'avons finalement reçu que trois commentaires et aucune plainte. Il n'a donc jamais été nécessaire de passer à l'étape suivante et de réunir le comité.
Le processus fonctionne comme suit : quiconque dépose une plainte choisirait une personne qui ferait partie du comité. Nous avions déjà retenu certaines personnes qui auraient été membres du comité, et le choix se serait fait en commun.
Nous n'avons jamais eu à en arriver là. S'il y avait eu une plainte, nous aurions lancé un processus qui aurait pris 10 jours, auxquels se seraient ajoutées deux périodes de 30 et 10 jours respectivement. Mais aucune plainte n'a été formulée. Nous n'avons reçu que trois commentaires dans le cadre de la consultation en ligne.
Le sénateur Baker : Selon ce que je me souviens de la loi, il existe une disposition à cet égard. C'est très clair, car on s'inquiétait que certaines personnes n'aient pas les moyens de payer les frais. Le comité consultatif indépendant devait étudier toutes les plaintes qui seraient déposées. Autrement dit, les gens demandent un pardon et découvrent qu'ils doivent payer 150 $. Or, s'ils dépendent de l'aide sociale, ils ne peuvent payer un tel montant.
La présidente : Sénateur Baker, parlez-vous de l'article 4?
Le sénateur Baker : Non.
La présidente : Non? Vous faites référence à une autre disposition.
Le sénateur Baker : Comme je l'ai indiqué au début, Madame la présidente, je parle d'une disposition de la loi.
La présidente : L'article 4 en est une.
Le sénateur Baker : Oui, mais il y a une suite à l'article 4, si je me rappelle bien, qui est plus longue que le paragraphe 4(1) dont nous discutons. Regardons les paragraphes 4(2), 4(3) et 4(4) pour voir ce qu'il en est de ce comité consultatif indépendant et du processus décisionnel prescrivant un délai d'appel et d'autres mesures. J'ajouterais que ce comité consultatif indépendant, que vous avez décidé de ne pas mettre sur pied, est autorisé par la loi à remettre une somme ou à allouer des frais et, en cas de demande non fondée, à décider que les coûts seront couverts par la personne qui l'a déposée.
Où est ce comité consultatif indépendant?
Mme Trevethan : Je crois que nous faites référence au paragraphe 4.1(1), qui concerne les plaintes.
Le sénateur Baker : Oh, c'est possible. Je n'ai pas la loi devant moi.
Mme Trevethan : Je tiens à vous assurer que nous avons également discuté longuement avec nos collègues qui connaissent à fond la Loi sur les frais d'utilisation, notamment ceux du Conseil du Trésor et du Bureau du contrôleur général au Canada, car nous trouvions cette loi fort complexe. Je suis certaine de comprendre le processus qui nous a été expliqué.
Le paragraphe 4.1(1) stipule que l'organisme de réglementation qui reçoit une plainte « doit tenter de régler la plainte ». Nous avons reçu trois commentaires et y avons donné suite. On peut lire ensuite qu'il faut « communiquer par écrit au plaignant une description des mesures qu'il entend prendre à cette fin », ce que nous avons fait dans les trois cas.
Le sénateur Baker : Vous dites qu'une fois approuvés, les frais ne peuvent faire l'objet d'aucune plainte? Aucun processus n'est prévu à cette fin?
Mme Trevethan : Non, quelqu'un formule un commentaire et on s'efforce de résoudre le problème. Cette étape précède celle du comité consultatif. C'est ce que dit la loi.
Le sénateur Baker : Je sais ce que dit la loi. Je crois cependant qu'elle prévoyait un processus de plainte au sujet de la tarification si jamais quelqu'un présente une demande de pardon après l'entrée en vigueur des frais. Êtes-vous en train de nous dire qu'il n'y a aucun processus à cette fin?
Mme Trevethan : Parlez-vous de plaintes au sujet de la tarification ou du pardon?
Le sénateur Baker : De la tarification. N'existe-t-il pas de mécanisme de plainte une fois les frais approuvés? Est-ce ce que vous dites?
Mme Trevethan : C'est exact. On ne peut intervenir qu'avant le dépôt.
Nous avons procédé à la consultation, la démarche servant à recevoir des plaintes. Le délai pour formuler ces plaintes est indiqué.
Le sénateur Baker : D'où l'importance du point que le sénateur Joyal a soulevé : une fois les frais adoptés, c'est fini, personne ne peut se plaindre des frais en déclarant ne pas pouvoir les payer.
Je croyais que la loi prévoyait un mécanisme permettant aux personnes de déposer une plainte concernant les frais s'ils ne peuvent les payer. Le sénateur Joyal considère qu'il faut que tous soient avisés de la nouvelle tarification pour leur donner la possibilité de formuler une plainte.
Combien de personnes possèdent un casier judiciaire au Canada?
M. Ladouceur : Environ 10 p. 100 de la population canadienne.
Le sénateur Baker : Dix pour cent de la population canadienne, qui compte 3,4 millions de personnes, à partir du moment de leur naissance. Ce chiffre englobe les enfants de six ou sept ans, qui n'ont pas de casier judiciaire.
Si l'on examine attentivement la question, j'imagine qu'on en arriverait à la conclusion que 14 ou 15 p. 100 de la population adulte du Canada possède un casier judicaire. Cela fait bien du monde. Connaissez-vous un autre pays qui aurait un pourcentage comparable?
Mme Trevethan : Je n'en connais pas.
Le sénateur Baker : Non, vous n'en connaissez pas, car c'est nous qui avons le pourcentage le plus élevé, avec 14 à 15 p. 100.
La présidente : Sénateur Baker, j'aimerais avoir des précisions sur la réponse que nous venons d'entendre pour que nous puissions bien la comprendre.
Voulez-vous dire que vous avez examiné les dossiers d'autres pays et qu'aucun n'a de pourcentage comparable de la population ayant un casier judiciaire, ou est-ce que vous n'avez pas étudié la question?
Mme Trevethan : Non, nous n'avons pas examiné le nombre de personnes ayant un casier judiciaire.
La présidente : Merci. Veuillez m'excuser, sénateur Baker.
Le sénateur Baker : C'est un chiffre alarmant. Permettez-moi de poser une dernière question, car la présidente commence à perdre patience. Mon temps est écoulé.
La présidente : Mais non, jamais.
Le sénateur Baker : La loi, au moment de son adoption — je ne parle pas que de la Loi sur les frais d'utilisation —, accorde de grands pouvoirs à la commission des libérations conditionnelles. Voilà qui concerne la consultation que vous avez menée auprès de la GRC, car vous demandez à cette dernière de vérifier si la personne concernée possède un casier judiciaire ou de vous aviser si elle considère qu'elle ne devrait pas recevoir le pardon.
Dans la jurisprudence, il vous est déjà arrivé de refuser une libération conditionnelle à des personnes ayant obtenu un arrêt des procédures et un retrait des accusations. C'est parce que vous disposez de ce pouvoir vaste et extraordinaire de refuser les pardons. Il n'est pas nécessaire d'avoir été accusé d'une infraction criminelle dans les années précédentes pour voir sa demande de pardon refusée. Il suffit que vous jugiez, de façon générale, que les personnes concernées ne devraient pas recevoir de pardon.
Ai-je raison, tout d'abord?
Mme Trevethan : Selon le nouveau projet de loi C-23A, nous devons examiner divers aspects, par exemple, la nature et la portée de l'infraction. Pour ce faire, nous disposons d'une panoplie d'outils. Nous nous intéressons à des points précis et les scrutons à la loupe.
Pourriez-vous traiter des aspects précis que nous examinons actuellement?
M. Ladouceur : Aux termes du projet de loi C-23A, nous avons élargi nos activités en recourant à certaines applications Web afin d'effectuer des recherches plus poussées sur les demandeurs de pardon. Le processus décisionnel se fonde toutefois sur les antécédents criminels de l'intéressé. Nous ne demandons par l'avis de la GRC, pas plus que ne le fait la commission. Cette dernière prend ses décisions en fonction des faits vérifiables dont elle dispose. En cas de refus, elle avise à l'avance la personne concernée pour lui donner l'occasion de plaider sa cause.
Le sénateur Baker : Oui.
M. Ladouceur : En bref, voilà le processus.
Le sénateur Baker : Elle peut ensuite s'adresser à la Cour fédérale.
M. Ladouceur : Oui.
Le sénateur Baker : J'ai une dernière question. Vous consultez la GRC, qui reçoit 15 $ au titre des frais de service, et cela va continuer. Quelles informations vous donne la GRC et où les obtient-elle? J'imagine que ces informations ne proviennent pas uniquement du Centre d'information de la police canadienne, le CIPC?
M. Ladouceur : C'est exact.
Le sénateur Baker : Elles proviennent du CIPC et d'autres sources?
Le président : Sénateur Baker, nous pouvons inviter le représentant de la GRC à s'avancer.
Le sénateur Baker : Je ne sais pas s'il veut répondre à la question.
Je lis beaucoup de jurisprudence.
Le sénateur Angus : Un peu trop.
Le sénateur Baker : Oui, en effet. J'ai remarqué récemment qu'un homme a fait une demande de pardon et qu'il a fallu tant de temps avant qu'il l'obtienne qu'entre-temps, il a été reconnu coupable d'un acte criminel.
Le sénateur Angus : Un autre?
Le sénateur Baker : Oui. Il a été accusé d'homicide involontaire coupable. Il ignorait qu'il avait reçu un pardon, mais on l'en a informé. Évidemment, il avait été contre-interrogé en fonction de ses antécédents criminels. Le fait qu'il ait reçu un pardon a donc mis fin au procès. Or, entre-temps, il avait été reconnu coupable d'un autre crime. Autrement dit, la Commission des libérations conditionnelles a mis tant de temps à rendre une décision que lorsqu'il a obtenu son pardon — un an après —, il avait été reconnu coupable d'un autre acte criminel.
Lorsque la Commission des libérations conditionnelles reçoit les renseignements de la GRC, prend-elle une décision immédiatement, juste avant d'accorder le pardon — compte tenu du fait que la commission met énormément de temps à octroyer ce pardon —, ou est-ce un processus qui pourrait prendre jusqu'à deux ans après la présentation de la demande?
Mme Trevethan : Tout d'abord, comme nous l'avons dit, il s'avère que le programme de pardons n'est pas viable. Il faut donc parfois de nombreuses années avant que quelqu'un obtienne un pardon. C'est en partie la raison pour laquelle nous essayons de rendre le programme viable.
De plus, pour que ce soit bien clair, sachez que nous n'obtenons pas seulement des informations de la GRC, mais aussi de diverses sources. Nous nous adressons aux services de police municipaux et nous consultons le Système de gestion des délinquants du Service correctionnel du Canada.
Le sénateur Baker : Tenez-vous compte du ouï-dire?
Mme Trevethan : Non. Nous utilisons les informations transmises par la police et d'autres sources relativement au comportement d'une personne dans un établissement, par exemple, ou les renseignements concernant les accusations. Nous réunissons les informations sur lesquelles sera fondée la décision.
Bien sûr, cela prend parfois beaucoup de temps avant de rassembler ces informations.
La présidente : Cependant, si vous envisagez de refuser un pardon, le demandeur a la possibilité de répondre aux raisons qui vous incitent à le faire?
Mme Trevethan : C'est exact.
La présidente : Le demandeur est-il pleinement informé de ces raisons?
Mme Trevethan : Oui.
Le sénateur Banks : Contrairement à presque tout le monde à cette table, je ne suis pas avocat.
La présidente : Mais beaucoup d'entre nous ne le sont pas.
Le sénateur Banks : J'ai dit « presque ».
Le sénateur Angus : On ne le croirait pas.
Le sénateur Banks : Je veux simplement que vous m'aidiez à saisir ce que vous avez dit. Si j'ai bien compris, vous avez dit à quelques reprises « Nous savons ce que prévoit la loi, mais nous avons décidé de ne pas le faire parce que nous pensions que ce n'était pas raisonnable ».
J'aimerais vous poser une question. Je reviens au sujet que d'autres ont abordé, en particulier en ce qui concerne leurs questions et vos réponses. Dans le paragraphe 4(1)... et je ne parle pas du caractère raisonnable de ce montant, qui sera, d'après ce que j'ai compris, d'environ 500 $ lorsque vous reviendrez.
La présidente : Pas cette fois-ci.
Le sénateur Banks : Non, mais c'est une augmentation de 300 p. 100.
Nous parlons des dispositions d'une loi, la Loi sur les frais d'utilisation. Elle prévoit qu'avant d'établir ou d'augmenter les frais d'utilisation ou d'en élargir l'application, l'organisme de réglementation doit : « e) établir un comité consultatif indépendant pour le traitement des plaintes déposées par les clients ».
Vous avez dit avoir reçu trois réponses à une consultation électronique, dont deux qui n'étaient pas favorables à une augmentation des frais. Est-ce bien cela?
Mme Trevethan : Deux d'entre elles demandaient une augmentation inférieure à celle qui était prévue.
Le sénateur Banks : Oui. Ne s'agit-il pas d'une plainte au sujet de la proposition?
Mme Trevethan : Selon la Loi sur les frais d'utilisation, nous devions la traiter, et c'est ce que nous avons fait.
Le sénateur Banks : Je suis désolé, vous deviez faire quoi?
Mme Trevethan : Nous devions traiter tous les commentaires reçus.
Le sénateur Banks : Je vous arrête une minute, car il faut que vous m'expliquiez pourquoi ce que vous dites est différent de ce que je viens de dire, soit que l'on doit établir un comité consultatif indépendant. On ne dit pas que l'on doit d'abord faire autre chose.
Mme Trevethan : Oui. Vous ne l'avez probablement pas ici, mais le paragraphe 4(2) explique comment le faire.
Nous devions obtenir des commentaires et ensuite, y répondre. Si les gens ayant présenté des commentaires voulaient déposer une plainte officielle, ils avaient 30 jours pour le faire, je crois. Il faudrait que je vérifie la période exacte. Durant ce temps, il nous aurait fallu établir le comité consultatif.
Le sénateur Banks : Quand on dépose une plainte, il ne s'agit pas seulement de dire : « Je ne crois pas que ce soit une bonne idée ».
Mme Trevethan : La loi prévoit que si le plaignant considère que les mesures sont insatisfaisantes dans les 30 jours qui suivent l'expiration du délai, alors on doit établir le comité consultatif, et cette personne doit proposer quelqu'un. De notre côté, nous avions des personnes à qui recourir, mais si la plainte avait été déposée, le plaignant aurait dû désigner un membre du comité consultatif. Ce comité aurait alors examiné la plainte. Mais ce n'est jamais arrivé, parce que les gens à qui nous avons répondu ne sont jamais revenus à la charge.
Le sénateur Banks : Votre réponse les a satisfaits?
Mme Trevethan : C'est exact.
Le sénateur Banks : C'est ce que vous en concluez?
Mme Trevethan : Effectivement, et c'est ce qui est prévu dans la Loi sur les frais d'utilisation.
Le sénateur Banks : C'est une définition intéressante du mot « plainte ».
J'essaie de comprendre votre réponse à la question relative à l'alinéa 4(1)b) que le sénateur Joyal et d'autres personnes ont posée. Selon vous, cet alinéa prévoit que l'on doit faire des efforts raisonnables, mais c'est ce que dit l'alinéa 4(1)a) et non l'alinéa 4(1)b), qui lui, indique qu'avant d'établir les frais d'utilisation, il faut donner aux clients ou aux bénéficiaires des services la possibilité de présenter des suggestions. C'est à eux que revient le principe de raisonnabilité, pas à vous. Vous devez donner aux clients ou aux bénéficiaires des services la possibilité de présenter des suggestions ou des propositions. Ils doivent avoir cette possibilité. S'ils l'ignorent, s'ils n'en ont pas été informés, s'ils n'ont pas vu cela, si vous n'avez pas communiqué avec eux de quelque façon que ce soit, alors ils n'ont pas la possibilité de répondre.
Selon vous, le fait d'avoir affiché la proposition sur votre site Web et sur celui de la société Elizabeth Fry, entre autres, et d'en avoir parlé avec les gens qui pratiquent le droit pénal, cela revient à donner aux clients ou aux bénéficiaires des services la possibilité de présenter des suggestions. Vous avez également dit ne pas pouvoir communiquer avec les personnes, qui doivent sûrement figurer sur une liste quelque part, qui se trouvent dans cette période d'intervalle de 10, 5 ou 3 ans entre la fin de leur peine et la date à laquelle elles peuvent présenter une demande de pardon, afin de les informer de cette proposition d'augmentation. Or, il doit y avoir une façon de le faire.
Mme Trevethan : Nous ne disposons pas d'une banque de données relatives aux personnes qui sont...
Le sénateur Banks : Le Service correctionnel du Canada possède-t-il une banque de données des personnes ayant été libérées de prison?
Mme Trevethan : Libérées de prison, oui, mais encore une fois, il ne s'agit pas non plus de l'ensemble des utilisateurs.
Le sénateur Banks : C'est un début.
Le sénateur Joyal : C'en est une partie.
Mme Trevethan : Les personnes qui font une demande de pardon n'ont pas nécessairement purgé une peine de prison.
Le sénateur Banks : Toutefois, il existe des données. Les personnes qui font une demande de pardon ont été, pour la plupart, reconnues coupables d'un acte criminel; dans certains cas, il y a eu un arrêt des poursuites, mais la quasi- totalité des dossiers concernent des gens qui ont été déclarés coupables d'un crime. J'imagine qu'il y a quelque part des renseignements sur ces personnes, même s'il peut être fastidieux de les obtenir ou de communiquer avec elles à titre privé.
Mme Trevethan : Nous avons pris des mesures raisonnables, en fonction de la Loi sur les frais d'utilisation ainsi que des consultations menées auprès du Conseil du Trésor, du Bureau du contrôleur général du Canada, ou BCG, et de nos avocats, afin d'aviser les personnes susceptibles d'obtenir un pardon et de leur donner la possibilité de nous faire part de leurs commentaires.
Le sénateur Banks : Je comprends. Je voulais seulement m'assurer que je comprenais ce que vous disiez. Si jamais j'étais accusé — mais je ne l'ai jamais été — d'une infraction criminelle, j'espère que l'on me donnera la possibilité de dire : « Dans les circonstances, je pensais que c'était raisonnable; je ne suis donc pas tenu de me conformer à cette partie de la loi ».
Je sais que vous parlez des personnes qui ont été libérées ou qui ont fini de purger leur peine depuis trois, cinq ou dix ans. Je sais qu'un fraudeur, un homme qui a été condamné pour une arnaque, peut probablement verser 500 $ sans trop de peine, comme bien d'autres personnes, surtout s'il est libre depuis un bon moment. Cependant, j'imagine qu'il y a des gens, et je pense qu'ils représentent une proportion très élevée de la population carcérale, pour qui verser 500 $ d'un seul coup afin de présenter une demande de pardon est peut-être difficile, voire impossible. Je pense à ceux qui font des pieds et des mains pour nourrir leurs enfants. J'en connais, et vous en connaissez probablement aussi, pour qui il serait pratiquement impossible de verser 500 $ d'un seul coup au gouvernement.
Y a-t-il une disposition que vous auriez envisagée au fil du temps? Je sais que vous avez dit ne pas vouloir vous prononcer sur ces cas, puisque ce ne serait pas équitable. Or, je dirais qu'il n'est peut-être pas équitable non plus d'empêcher presque systématiquement certains membres de notre société de demander un pardon pour un acte criminel. C'est ma première question. Ai-je raison de dire qu'il n'y a rien de tel dans la proposition actuelle?
La deuxième partie de ma dernière question est la suivante : En avez-vous discuté avec les provinces? Les personnes que je viens de décrire, celles qui auront de la difficulté à verser les 500 $ et qui reçoivent probablement des prestations d'aide sociale, pourraient-elles utiliser une partie de l'argent qu'elles reçoivent pour obtenir ce pardon? Une personne qui cherche un emploi auquel sont associées certaines conditions, mais qui a un dossier criminel et qui ne peut décrocher l'emploi à moins d'obtenir un pardon apporte moins à la société qu'il ne lui en coûte. Parfois, il existe de bonnes raisons d'accorder un pardon. Si les provinces n'ont pas été consultées à cet égard, si elles ne tiennent pas compte de la possibilité que ces frais soient de 500 $ dans un an ou deux, ni des dispositions permettant l'utilisation de l'aide sociale provinciale à cette fin, alors faisons une croix là-dessus; ces gens n'auront aucun recours.
La présidente : Pourriez-vous répéter la dernière question?
Le sénateur Banks : Avez-vous discuté avec les provinces des conséquences de cela? Sinon, que répondriez-vous à l'affirmation selon laquelle les personnes qui se trouvent au bas de l'échelle sociale pourraient se trouver dans l'impossibilité de faire une demande de pardon?
Mme Trevethan : Nous avons parlé à des responsables des services correctionnels de certaines provinces à quelques reprises, mais nous n'avons pas mené de consultations approfondies auprès d'autres provinces ou territoires.
Du point de vue de la commission, actuellement, nous ne sommes pas en mesure d'offrir un service de bonne qualité et en temps opportun aux personnes qui présentent une demande de pardon. Un programme viable nous permettra de le faire dans les meilleurs délais. À l'heure actuelle, si les gens attendent des années que nous traitions leur demande, cela peut aussi avoir un impact sur eux.
Par ailleurs, il y a une période durant laquelle ces personnes, avant d'être admissibles au dépôt d'une demande, pourraient réunir les sommes nécessaires. J'ignore comment elles pourraient obtenir l'argent autrement. Peut-être que les autres témoins pourraient nous le dire. Toutefois, je ne connais nul autre endroit où l'aide sociale pourrait servir à payer les frais afférents.
Le sénateur Banks : J'ai une dernière question complémentaire.
La présidente : Nous avons un autre témoin après ceux-ci; j'espère que vous comprenez, sénateur Banks.
Le sénateur Banks : Sui-je assez près de la réalité en parlant de 500 $?
La présidente : Je dois dire que c'est un chiffre qui a été évoqué de façon hypothétique dans le cadre d'un témoignage sur une autre question, devant ce comité.
Mme Trevethan : Nous n'en sommes pas encore à un point où nous connaissons pleinement les coûts.
[Français]
Le sénateur Chaput : Mes questions seront brèves. Nous discutons de frais d'utilisation reliés à une demande de pardon. Si j'ai bien compris, vous nous avez dit que vous avez analysé ce qui se passait à l'extérieur du Canada et que c'était à peu près impossible de le faire parce que les normes sont totalement différentes.
Toutefois, lorsque vous avez regardé ce qui se passait à l'extérieur du pays et que vous avez constaté que les demandes de pardon étaient quasi automatiques, est-ce que les pays concernés avaient des critères ou des normes? Est-ce qu'il y avait des coûts rattachés à la demande de pardon même si c'était quasi automatique?
M. Ladouceur : Certes, il y avait des critères et des normes. Comme je l'ai dit au début, tout dépend de l'offense commise et de la durée de la sentence. En ce qui concerne les frais, je n'ai pas vu, dans la lecture que j'ai devant moi, de cas où on imposait des frais de service, soit pour l'obtention de l'élimination du casier judiciaire ou pour l'obtention d'un pardon. Le phénomène du pardon n'est pas unique au Canada mais presque.
Le sénateur Chaput : Ma deuxième question est la suivante. Vous dites que vous avez des normes de service en ce qui concerne les demandes de pardon. Est-ce que vous avez élaboré de nouvelles normes ou est-ce que ce sont les mêmes qui vont continuer de s'appliquer?
[Traduction]
Mme Trevethan : Nous avions créé les normes de service sous l'ancienne loi; il est évident que notre rôle, actuellement, est d'essayer de les respecter le plus possible. Dans certains cas, nous avons réussi. Nous nous sommes débarrassés d'un arriéré grâce à certains fonds et nous avons tenté de respecter les normes, celles de l'ancienne loi que nous pensions pouvoir respecter.
En raison des changements apportés par la nouvelle loi, nous tentons toujours de déterminer quelles seront ces normes de service. Nous en établirons également des nouvelles, mais nous n'en sommes pas encore là, car nous essayons encore de déterminer précisément ce que cela va signifier. Nous ne les avons pas encore créées.
[Français]
M. Ladouceur : La loi est tellement nouvelle que pour le moment nous ne sommes pas en mesure de quantifier le temps nécessaire pour quelqu'un qui doit attendre dix ans ou qui a commis une offense plus grave. À l'heure actuelle, en vertu de la nouvelle loi, les standards établis n'ont pas encore été évalués de façon concrète.
Le sénateur Chaput : Je ne suis pas avocate, mais je vais citer la partie 4(f) de la loi :
Établir, pour l'évaluation du rendement de l'organisme, des normes comparables à celles établies par d'autres pays avec lesquels une comparaison est pertinente.
Comment répondez-vous à cette question bien innocente?
[Traduction]
Mme Trevethan : Je dois examiner cela, mais la proposition actuelle en parle également. Au départ, lorsque nous envisagions des frais de 150 $, nous étions encore sous l'ancienne loi. En raison des changements à la nouvelle loi recommandés dans la proposition d'augmentation des frais de service, on dit que ces normes ne pourraient être respectées qu'en vertu de l'ancienne loi.
Nous demandons que les frais de service soient augmentés à 150 $ à titre provisoire. De nouvelles normes seront établies lorsque les nouveaux frais de service seront mis en place.
Le sénateur Chaput : Merci.
La présidente : J'ai une question complémentaire. À la page 3 du document préparé par la Bibliothèque du Parlement, on trouve la note de bas de page numéro 15. Elle porte sur la question des normes et renvoie à la proposition de la commission concernant les frais d'utilisation, aux pages 12 et 13. Je ne relirai pas tout, mais ce sont les références, si vous souhaitez trouver la documentation.
Je voulais vous poser une question sur la confidentialité et ce qui est raisonnable ou non. Vous nous avez dit avoir été conseillée sur ces deux éléments. Y a-t-il des lignes directrices? De la jurisprudence? Comment pouvons-nous savoir ce qui est considéré comme « raisonnable »? Était-ce un terrain inconnu que vos avocats ont essayé de défricher du mieux qu'ils le pouvaient?
Je soupçonne que ce n'est pas la première fois que l'on examine la question de savoir ce qui est raisonnable sous le régime de la Loi sur les frais d'utilisation ni que, dans le cadre de votre activité, vous avez à trancher entre la protection de la vie privée et d'autres questions.
Je me demande si vous pouvez motiver la décision que vous avez prise par le raisonnement que vous avez suivi et les sources que vous avez consultées. Cela pourrait nous aider à comprendre comment nous avons abouti là où nous sommes. C'est possible?
Mme Trevethan : Bien sûr. Je suis en mesure d'expliquer un peu le processus et notre cheminement. Il est certain que nous en avons longtemps discuté.
La présidente : J'en suis convaincue. Je pense que vous avez expliqué le processus jusqu'à un certain point. J'aimerais connaître le raisonnement des juristes qui nous a amenés là où nous sommes maintenant, devant notre Comité des affaires juridiques et constitutionnelles. Comprenez-vous?
Mme Trevethan : Dans nos discussions avec nos avocats, tout reposait sur la question du caractère raisonnable de la décision et de ce qui la rend « raisonnable ». C'est pourquoi nous avons tenu des discussions sur ce sujet avec nos avocats, le Conseil du Trésor et le Bureau du contrôleur général.
On finit par se demander s'il faut consulter chaque Canadien et si c'est raisonnable. Est-ce également praticable? Un petit organisme comme la commission doit tenir compte des frais d'une consultation étendue à tous les Canadiens, par comparaison avec les méthodes que nous avons choisies. Dans toutes les discussions que nous avons eues, la conclusion a été que notre approche était raisonnable, compte tenu de nos objectifs.
La présidente : Je veux savoir s'il existe des précédents ou des lignes directrices. Je ne demande pas une réponse immédiate. Je vous demande de nous fournir des renseignements que vous possédez sur la façon de déterminer, dans un cas particulier, le caractère raisonnable de quelque chose, sur les critères utilisés à cette fin et sur les éléments qui concernent la protection de la vie privée, pour que nous comprenions le raisonnement qui a mené à votre décision.
Nous comprenons que cette décision a été mûrement réfléchie et qu'elle a fait l'objet de beaucoup de discussions, mais j'aimerais en savoir davantage sur votre cheminement.
Mme Trevethan : Bien sûr. Nous pouvons vous communiquer ces renseignements.
La présidente : J'ai une autre question. Si j'ai bien compris, dans les discussions sur cette proposition, vous avez assuré à vos interlocuteurs que si les frais réclamés aux demandeurs devaient totaliser 150 $ — 135 $ devant vous revenir —, vous pouviez comprimer les délais de traitement; c'est bien ça?
Mme Trevethan : Oui, c'est exact. Avant le projet de loi C-23A, nous savions vraiment ce que nous pouvions faire en regard des normes de service, d'après les discussions que nous avions eues jusque-là concernant les 150 $ réclamés en vertu de la loi. Nous avons dit que nous nous efforcerions à produire une version simplifiée du guide — travail déjà réalisé en partie — et à communiquer des renseignements simplifiés supplémentaires aux répondants.
La présidente : Une dernière question. Essayez d'y répondre le plus brièvement possible, s'il vous plaît.
Nous comprenons tous que cette proposition concerne les exigences administratives en vertu de l'ancienne loi; c'est ainsi que vous êtes parvenus à ce montant de 150 $. Cependant, vous avez mentionné à maintes reprises la complexité accrue de votre travail, qui vous amènera à vous adresser encore à nous, dans l'avenir — en sus de la décision du gouvernement concernant le recouvrement complet des coûts, la raison d'être de la proposition que nous étudions. Néanmoins, pourriez-vous expliquer rapidement, pour le compte rendu, la cause de cette complexité accrue?
Mme Trevethan : Volontiers. Pour la commission, la nouvelle loi exigera des enquêtes et des analyses plus poussées de la part des agents de pardon. Pour toutes les infractions punissables par voie de déclaration sommaire de culpabilité, peu importe lesquelles, l'obtention de l'information exige plus de travail.
Il y a également des coûts supplémentaires pour les commissaires. Par le passé, ils ne prenaient pas de décision sur ce genre d'infractions. L'analyse précédait, le pardon suivait. Désormais, un commissaire devra intervenir dans le processus par une décision. C'est un facteur de coûts.
Pour les types plus graves d'infractions pour lesquelles les gens veulent obtenir le pardon, l'examen devra être plus approfondi, et il faudra consulter d'autres sources.
La présidente : Je pense que cela nous donne une idée de ce dont nous discutons actuellement.
Le sénateur Joyal : Pouvez-vous dire pourquoi vous n'avez pas cherché à obtenir l'opinion du commissaire à la vie privée quand vous avez décidé qui vous consulteriez?
Mme Trevethan : Je ne pense pas que nous ayons discuté de la nécessité de le faire.
Le sénateur Joyal : Avez-vous l'intention de le consulter concernant la majoration des tarifs que vous étudiez afin de mettre en œuvre le projet de loi C-23A?
Mme Trevethan : Nous n'en avons pas parlé, mais nous pourrions le faire.
Le sénateur Joyal : Je vous serais reconnaissant que vous fournissiez des renseignements à ce sujet la prochaine fois. Si, alors, vous parlez de protection de la vie privée, vous aurez l'opinion de l'autorité fédérale en la matière.
Mme Trevethan : D'accord.
Le sénateur Banks : Pouvez-vous me dire, comme ça, s'il vous est possible de découvrir quel est le taux de récidive chez les personnes à qui on a octroyé le pardon?
Mme Trevethan : Nous n'avons pas ce renseignement actuellement. Nous pouvons essayer de l'obtenir.
M. Ladouceur : Je devrai obtenir de la GRC le nombre de révocations automatiques, mais je ne veux pas lancer de suppositions. Je vous communiquerai les chiffres exacts.
Qu'entendons-nous par révocation? Pour revenir à un exemple que vous avez utilisé, le pardon de quelqu'un ensuite déclaré coupable d'une autre infraction est, dès cet instant, automatiquement révoqué.
La présidente : Merci aux trois témoins. Les échanges ont été un peu plus vifs que ce à quoi vous vous attendiez peut- être, mais ils ont été très intéressants et très instructifs pour nous.
Accueillons un témoin qui est une habituée du comité, Mme Kim Pate, directrice générale de l'Association canadienne des sociétés Elizabeth Fry.
Je pense que vous avez entendu la plus grande partie du volet précédent de la séance. Avez-vous une déclaration à faire?
Kim Pate, directrice générale, Association canadienne des sociétés Elizabeth Fry : Je n'ai pas de déclaration, mais je pourrais ajouter que, pendant que nous avons été consultés, l'une des réactions aux tarifs a été le regret unanime des Associations nationales intéressées à la justice criminelle à l'égard de la majoration des frais exigés des demandeurs. L'ensemble de nos groupes nationaux favorise davantage l'idée d'un processus de pardon automatique, en partie en raison des difficultés soulevées par la nécessité de retrouver toutes les personnes que l'on voudrait consulter, mais en grande partie, également, en raison des frais actuels et des problèmes qu'ils causent déjà, à 50 $, à nos protégés; a fortiori à 150 ou même à 1 000 $, peu importe jusqu'où ils iront.
L'opacité du processus de demande de pardon a engendré toute une industrie. Sa complexité plus grande fait, si j'ai bien compris, qu'on retourne au moins 40 p. 100 des demandes de pardon aux demandeurs parce qu'elles sont incomplètes. Les demandeurs s'adressent à des tiers qui facturent leurs services entre 500 et 1 000 $ environ, selon le cas.
Sur notre site Web, nous avons mis des hyperliens à l'intention des internautes, que Google ou d'autres moteurs dirigeaient d'abord vers ce genre d'entrepreneurs. Nous tenions à ce que notre clientèle sache qu'elle a le loisir d'adresser ses demandes de pardon directement à la Commission nationale des libérations conditionnelles. Nous avons incité nos membres à communiquer ce renseignement. L'établissement des coûts ne comprend pas la formation donnée à notre réseau pour, également, communiquer cette information.
La complexité commence à rebuter les demandeurs, et les coûts agiront certainement dans ce sens, si le mal n'est pas déjà fait.
La présidente : Une simple petite précision, avant de passer au sénateur Banks : quand vous avez publié sur votre site Web la note de consultation, est-ce que c'était pour vos répondants ou est-ce que c'était un lien d'accès direct à la Commission des libérations conditionnelles?
Mme Pate : Ce n'était pas pendant une consultation. C'était un simple hyperlien à l'intention des demandeurs de pardon, pour les renseigner sur la marche à suivre. Il visait à informer les intéressés qu'ils pouvaient s'adresser directement à la commission, étant entendu qu'ils y trouveraient des personnes pour les aider à remplir les documents plutôt que de devoir embaucher un tiers à cette fin.
La présidente : Je comprends cela, mais un témoin nous a dit que, dans le cadre du processus de consultation, on avait obtenu des liens par l'entremise de votre site Web. Est-ce possible?
Mme Pate : Je ne suis pas certaine que c'est ce qu'il voulait dire. Cela n'est certainement pas survenu dans le cadre de la consultation des individus.
Nous avons fait valoir que nous craignions déjà que le tarif de 50 $ était prohibitif pour certains. Dans certains de nos réseaux, des personnes essaient déjà de s'entremettre. Pour une mère monoparentale qui reçoit de l'aide sociale, la clientèle que nous représentons, c'est parfois impossible de même réunir cette somme.
La présidente : Merci.
Le sénateur Banks : D'après l'alinéa 4(1)e) de la Loi sur les frais d'utilisation, avant d'augmenter les frais d'utilisation, l'organisme de réglementation doit établir un comité consultatif indépendant pour traiter les plaintes concernant les frais d'utilisation ou leur modification, et cetera. Je déduis de vos propos que vous n'êtes pas pour la majoration des frais d'utilisation.
Mme Pate : C'est exact.
Le sénateur Banks : Pourquoi n'avez-vous pas formulé de plainte?
Mme Pate : Très bonne question. Nous aurions probablement dû; jusqu'ici, nous ne l'avons pas fait, mais je vous remercie de me proposer une autre inscription pour mon agenda.
Le sénateur Banks : Ai-je bien compris et vous, comprenez-vous — j'espère que je me trompe — qu'il est trop tard
Mme Pate : Je ne sais pas. Veuillez m'excuser. Vu tout le travail qui passe par notre bureau, notamment en ce qui concerne les projets de loi actuels, et veuillez m'excuser d'être à la course pour m'occuper d'autres questions; je ne contrôle pas tous les dossiers aussi bien que je devrais. Je suis désolée de m'être laissée dépasser. Notre organisme ne s'était pas arrêté à cette question. Il fera désormais attention, et je m'informerai pour savoir si, en fait, il est trop tard. Je ne sais pas.
Le sénateur Banks : Tenez-nous au courant. Je déduis des témoignages précédents que si l'organisme de réglementation ne recevait pas une plainte dans un délai spécifié, il ne serait plus obligé d'établir de comité consultatif indépendant. Le délai dépassé, ce n'est plus nécessaire.
Mme Pate : Il y a de nouvelles lois, et, apparemment, les frais d'utilisation augmenteront, de sorte que nous pourrons examiner ce problème l'année prochaine.
Le sénateur Banks : Mais, en ce qui concerne la question que nous examinons?
Mme Pate : Non, nous n'avons rien fait à ce sujet, et, à ma connaissance, personne d'autre non plus.
[Français]
Le sénateur Boisvenu : Madame Pate, bonjour. Au départ, j'aurais deux questions à vous poser. D'abord, avez-vous des statistiques sur le revenu des gens qui font une demande de pardon?
[Traduction]
Mme Pate : Non, je ne connais pas les revenus des demandeurs de pardon, mais nous savons, avec certitude, que la majorité des femmes qui ont commis des infractions criminelles, le groupe que je...
[Français]
Le sénateur Boisvenu : Vous n'avez pas de données scientifiques concernant le revenu des gens qui demandent un pardon?
[Traduction]
Mme Pate : Je ne suis pas sûre de ce que vous entendez par « données scientifiques ». En majorité, ce sont certainement des femmes pauvres.
[Français]
Le sénateur Boisvenu : Est-ce que ce sont des gens qui gagnent 10 000 $, 20 000 $ ou 50 000 $ dollars par année? Est- ce que vous avez des statistiques précises sur le revenu des femmes qui demandent un pardon?
[Traduction]
Mme Pate : Non, je ne possède pas ce genre de renseignements.
[Français]
Le sénateur Boisvenu : Est-ce que vous avez des données au sujet des femmes qui ne demandent pas de pardon parce qu'il y a des frais?
[Traduction]
Mme Pate : Nous n'avons pas les données précises, mais je pense que l'une des difficultés, dans ce que vous dites, c'est que nous savons que la majorité des femmes avec qui nous travaillons et qui ont été accusées d'avoir commis des infractions criminelles sont pauvres. Beaucoup reçoivent de l'aide sociale, et nous connaissons les taux...
[Français]
Le sénateur Boisvenu : La question n'est pas là. Est-ce que vous avez...
La présidente : Sénateur Boisvenu, pourriez-vous laisser le témoin répondre?
[Traduction]
Le sénateur Angus : Donnez-lui le temps d'écouter l'interprète. C'est à cause de cela.
Mme Pate : Nous savons bien que, parmi les femmes qui s'adressent à nous, qui sont inquiètes et qui demandent notre aide, il y en a sans doute qui ont des revenus, un emploi et certainement davantage, grâce aux études postsecondaires et à un choix plus grand d'emplois qui ne sont plus offerts depuis 1992 dans notre système carcéral fédéral. Maintenant, la majorité des femmes qui demandent notre aide reçoivent elles-mêmes de l'aide sociale, et aucune province ni territoire au pays n'autoriseraient qu'une demande de pardon constitue une dépense admissible en sus de l'allocation habituelle de logement et de nourriture, ce genre de choses. Pour ces femmes, la dépense est prohibitive.
Non, je ne connais pas les chiffres exacts concernant chaque demandeur ni son revenu, mais nous savons très bien que les personnes déclarées coupables d'avoir commis des infractions criminelles ne font pas partie des privilégiés, des nantis. D'après les questions qu'elles nous posent, elles seraient plutôt sans ressources.
[Français]
Le sénateur Boisvenu : Si je comprends bien votre réponse, vous avez davantage d'appréhensions quant au fait qu'il y aura moins de demandes de pardon à cause de l'augmentation des tarifs. En l'absence de données scientifiques sur le revenu et sur le nombre de personnes qui n'ont pas fait de demande parce qu'il y avait des frais, ce sont davantage des appréhensions que vous avez.
[Traduction]
Mme Pate : Ce n'est pas une appréhension. Cela provient des problèmes très réels qui nous sont présentés et des demandes très réelles d'aide que les demandeurs de pardon nous font. Je soupçonne qu'une étude comme celle que vous réclamez coûterait beaucoup plus qu'un processus automatique pour certaines déclarations de culpabilité par procédure sommaire et, peut-être, qu'un processus réfutable pour les personnes ayant été déclarées coupables d'infractions plus graves. En fait, c'est là que vous pourriez facturer les demandeurs, quand la situation est plus grave ou qu'il faut une enquête approfondie. Si nous sommes au courant des demandeurs de pardon, c'est souvent parce qu'ils ne comprennent pas le processus, qu'ils ne peuvent pas en supporter les coûts ou les deux.
[Français]
Le sénateur Boisvenu : Vous avez dit tantôt que ça pouvait coûter 1 000 $ de frais d'avocat pour demander un pardon. Lors de l'étude du projet de loi C-23 l'année dernière, j'ai fait une recherche sur Internet pour savoir si beaucoup de conseillers juridiques donnaient des conseils à d'ex-criminels qui demandaient un pardon. J'ai vu beaucoup de sites de conseillers juridiques qui facturaient 100 $ pour une demande de pardon.
Ne croyez-vous pas que nous sommes bien loin du 1 000 $ dont vous avez fait mention?
[Traduction]
Mme Pate : Toutes mes excuses, si j'ai parlé d'avocats. Je ne savais pas que, habituellement, des avocats s'en chargent. Il existe, par exemple, un groupe, Pardons Canada, qui réunit des personnes qui ont travaillé dans l'administration publique, pour la police et dans d'autres secteurs. On le confond souvent avec la Commission nationale des libérations conditionnelles. C'est en partie la raison d'être des hyperliens sur notre site Web. Des membres de la commission n'étaient pas au courant que le lien vers Pardons Canada apparaissait à l'écran avant le lien vers la commission. Je sais, grâce à des personnes qui ont cherché à obtenir des services, qu'elles ont payé jusqu'à 500, 750 ou 1 000 $. On peut trouver quelqu'un qui fera le travail à moindre coût, mais on peut également le faire soi-même ou avec de l'aide, si on sait où l'on va ou si on possède toute l'information.
Si j'en crois les témoins précédents, on retourne un certain nombre de ces demandes. Certaines de nos organisations offrent d'établir des contrats pour produire des documents d'information à l'intention des personnes qui veulent soumettre une demande de réhabilitation, pour les aider à déterminer la meilleure façon de le faire. J'estime que ces ressources seraient mieux utilisées si on mettait en place un processus automatique pour les accusations sommaires et peut-être un processus échelonné pour les infractions plus graves.
Le sénateur Joyal : Les témoins que nous avons entendus ont fait allusion aux représentants des Associations nationales intéressées à la justice criminelle. Combien d'associations sont représentées par ce groupe?
Mme Pate : Nous étions 14 organisations, mais je crois qu'il y en a maintenant 17, dont l'Association canadienne des sociétés Elizabeth Fry, la Société John Howard du Canada, l'Armée du Salut et l'Association nationale des centres d'amitié. Je devrais me rappeler de chacune d'entre elles, mais j'en oublie quelques-unes; je suis désolée.
Le sénateur Joyal : Si je ne m'abuse, vous nous disiez plus tôt que toutes ces associations s'opposent presque à l'unanimité à une augmentation des frais.
Mme Pate : C'est exact. On nous a dit que la décision d'augmenter les frais avait déjà été prise, alors nous avons tenté de trouver un moyen d'en atténuer les conséquences. À ce moment-là, on nous avait informés que les frais allaient augmenter et que le gouvernement avait décidé de mettre en place un processus de recouvrement des coûts.
Le sénateur Joyal : Toutefois, aucune de ces 15 ou 17 associations ne savait qu'il était possible de formuler une plainte ou qu'il y aurait une autorité requérante, autrement dit que la loi prévoyait déjà un processus complet, en vertu duquel on aurait formé un comité chargé d'entendre les arguments des organisations comme la vôtre, et peut-être de rajuster les frais en fonction des points que vous venez de soulever, soit que les personnes bénéficiant de l'aide sociale pourraient être dispensées des frais, ou quelque chose comme cela.
Mme Pate : Vous avez raison, et nous avons eu tort de ne pas pousser nos recherches plus loin à ce sujet.
Le sénateur Joyal : L'article 4.1(1) le stipule très clairement : « L'organisme de réglementation qui reçoit, dans le délai précisé dans l'avis qu'il fait publier, une plainte relative à la proposition [... ] »
Mme Pate : Oui, vous avez raison.
Le sénateur Joyal : Nous n'avons pas vu cet avis. Que contenait-il? Est-ce qu'on vous avisait simplement que les frais d'utilisation allaient s'élever à un certain montant, ou était-il indiqué que vous aviez une période de temps précise pour faire part de vos commentaires sur l'augmentation proposée?
Nous n'avons pas vu l'avis qui a été publié par la commission des libérations conditionnelles sollicitant l'opinion des gens. Je pense que lorsque la loi prévoit un mécanisme bien précis, l'avis doit servir à rappeler aux gens qu'ils ont la possibilité de se faire entendre et, s'ils s'opposent à ce qui est proposé, de se prévaloir du mécanisme prévu par la loi.
Mme Pate : J'ai honte d'admettre que nous n'avons pas cherché plus loin à ce moment-là, même si nous avons une formation dans le domaine juridique. Je crois que bon nombre d'entre nous ont exprimé des craintes à l'égard du processus des frais d'utilisation. C'est en partie ce qui a mené à la réunion qui a eu lieu entre la Commission nationale des libérations conditionnelles et les Associations nationales intéressées à la justice criminelle. C'était pour tenter de trouver une solution à cet égard.
En effet, cela aurait été très utile de recourir à ce mécanisme. Nous ne l'avons pas fait, cependant, et c'est notre erreur.
Le sénateur Joyal : Qui dirige cette association nationale?
Mme Pate : La présidence est assurée par la directrice générale de l'Association des services de réhabilitation sociale du Québec. L'Association canadienne de justice pénale est aussi représentée au sein du conseil d'administration. Je pense que le directeur général des Native Counselling Services of Alberta en fait aussi partie. Nous avons aussi un directeur exécutif à temps partiel.
Le sénateur Joyal : Vous comprenez que nous nous trouvons dans une situation délicate, n'est-ce pas?
Mme Pate : Oui.
Le sénateur Joyal : Des témoins nous ont dit qu'ils avaient consulté les parties concernées. Ils n'ont pas reçu de plainte. Par contre, quand vous avez témoigné, vous nous avez dit que la quinzaine de groupes qui travaillent auprès des anciens détenus s'opposent presque à l'unanimité à la proposition.
Nous avons donc maintenant l'impression qu'il nous est impossible d'être vraiment convaincus que l'esprit de la loi a été respecté.
Mme Pate : Monsieur le sénateur, je crains qu'avec le nombre de lois en vigueur et les changements qui s'opèrent, il est possible que des détails de ce genre échappent aussi à des organisations comme la nôtre, qui doivent s'en remettre à un employé et demi à leur bureau national pour répondre à toutes les demandes qui leur parviennent. Il y a des choses qui nous échappent, et je m'en excuse. C'était notre erreur. Comme je l'ai indiqué, nous avons eu tort de ne pas formuler de plainte.
Maintenant que je sais qu'un article porte précisément sur la question, je saurai certainement quoi faire la prochaine fois. Mais pour le moment, nous devons composer avec la situation actuelle.
Le sénateur Joyal : À votre avis, est-ce que les différentes associations ont des ressources pour aider les personnes dont vous avez parlé (les femmes dont vous vous occupez) à payer les frais pour se voir accorder un pardon? Que se passe-t-il si une personne vient vous voir et vous dit qu'elle veut obtenir un pardon pour se trouver un emploi, mais qu'elle n'a pas l'argent nécessaire pour le faire? Que faites-vous dans des cas comme celui-là?
Mme Pate : Il arrive parfois que nous avancions nous-mêmes le montant requis. Une jeune femme que je connais depuis de nombreuses années s'apprête à soumettre une demande de réhabilitation. Elle n'a pas les moyens de payer les frais, alors je les ai payés pour elle.
Certaines de nos organisations ont établi des fonds. Par exemple, le cachet que je reçois pour donner des conférences et mon salaire de professeure à la faculté de droit de l'Université d'Ottawa sont versés dans un fonds qui sert à financer des initiatives comme celle-là. Nous ne bénéficions cependant d'aucun financement.
Il arrive que nous recevions du financement privé par l'entremise de fondations, notamment. Certains de nos membres ont réussi à obtenir du financement à cet égard, mais cet argent sert généralement à accorder des bourses pour permettre à des personnes de retourner aux études. Ces fonds ne servent habituellement pas à financer ce genre d'initiative.
Les demandes d'identification, entre autres, sont plutôt monnaie courante et sont très importantes pour permettre aux personnes de réintégrer la société, mais elles n'ont pas les ressources pour les payer.
Le sénateur Joyal : Connaissez-vous la situation des personnes autochtones, de façon générale? Nous savons que la population carcérale est plus importante dans cette collectivité que dans toute autre collectivité au Canada.
Mme Pate : J'ai appris la semaine dernière que 34 p. 100 des femmes purgeant une peine minimale de deux ans sont Autochtones. La jeune femme que j'aide en ce moment a été remise en liberté il y a 11 ans; cela fait plus de 10 ans que sa peine est expirée. Elle est Autochtone, et nous tentons de l'aider à soumettre une demande de réhabilitation.
La présidente : Honorables sénateurs, permettez-moi de vous interrompre pour vous transmettre certaines informations. Il reste officiellement huit minutes à notre séance. Nous pouvons déborder un peu du temps prévu, mais nous ne devrions pas nous éterniser. Chers collègues, rappelez-vous que j'aurai besoin de quelques minutes pour discuter brièvement avec vous des travaux futurs du comité.
Le sénateur Joyal : Savez-vous si l'Association nationale des centres d'amitié a les ressources nécessaires pour aider les Autochtones à assumer l'augmentation des frais?
Mme Pate : À moins qu'on ne lui accorde des ressources supplémentaires, c'est une tâche qui va se noyer parmi toutes les autres, et je ne crois pas qu'elle dispose des ressources nécessaires à ce moment-ci. Je crois qu'il est possible que la Commission nationale des libérations conditionnelles lui accorde du financement pour l'aider à diffuser de l'information et peut-être produire une vidéo, mais je ne crois pas qu'elle dispose d'autres ressources pour le moment.
Le sénateur Joyal : Merci.
Le sénateur Baker : J'aimerais féliciter notre témoin pour son excellent travail. J'ai une question d'ordre général à vous poser. Je note que 3,4 millions de Canadiens ont un casier judiciaire, et ce nombre augmente de façon constante. La Commission nationale des libérations conditionnelles nous a indiqué qu'elle avait reçu 30 000 demandes l'an dernier, par rapport à 20 000 l'année précédente. Il ne s'agit toutefois là que d'un pour cent des personnes détenant un casier judiciaire, et ce nombre ne cesse d'augmenter. Autrement dit, bientôt le nombre de personnes qui ont un casier judiciaire ne sera plus de 3,4 millions, mais de 3,5 millions, puis de 3,6 millions, ce qui représente 14 p. 100 de la population adulte, si on fait un calcul rapide. Dans un groupe de 100 personnes réellement représentatif de la société, 10 p. 100 devraient avoir un casier judiciaire, n'est-ce pas?
Mme Pate : Oui.
Le sénateur Baker : En titre de professeure de droit, avez-vous une idée pourquoi il y a une telle recrudescence du nombre de personnes possédant un casier judiciaire au Canada, et pourquoi est-ce qu'elles auraient plus de difficulté à obtenir un pardon, surtout s'il s'agit d'une accusation sommaire?
Mme Pate : On se montre plus dur envers les personnes qui ont un casier judiciaire. C'est un phénomène qu'on observe depuis quelques années d'ailleurs. Comme les peines d'emprisonnement sont plus sévères et plus longues (les détenus sont incarcérés plus longtemps), il est encore plus difficile, en général, pour ces personnes de réintégrer la société. Je crois qu'une tendance se dessine dans certains secteurs, selon laquelle les personnes criminalisées n'ont pas droit à la même protection en vertu de la loi que les personnes non criminalisées.
Beaucoup s'inquiètent de cette tangente, et pas seulement ceux qui travaillent dans le domaine et qui ont choisi de faire ce travail. Des études basées sur l'autoévaluation démontrent que rares sont les personnes qui dépassent le stade de l'adolescence sans avoir fait quelque chose qui aurait pu être puni par la loi. C'est une distinction arbitraire de vilipender ceux qui ont été criminalisés et incarcérés.
On remarque en effet que l'opinion de la masse est plus dure à ce sujet. Je viens de perdre mon collègue de la Société John Howard, qui a quitté l'organisation. On voit aussi de plus en plus les personnes qui prennent la défense des anciens détenus subir le même traitement. Les défis sont nombreux. Nos collègues du Regroupement canadien d'aide aux familles des détenu(e)s constatent par ailleurs que ce phénomène touche aussi les proches et les amis des personnes criminalisées, même si eux-mêmes n'ont pas de casier judiciaire. Je pense que souvent l'attitude générale envers ces personnes n'est pas très positive.
Cet aspect pose aussi certaines difficultés. Depuis le décès d'Ashley Smith, j'ai entendu beaucoup de gens dire, en public et en privé, que ce n'est pas le chemin que nous souhaitons prendre au Canada. Nous ne voulons pas que quelqu'un puisse se retrouver en prison pour avoir lancé des pommes, et y laisser sa peau pendant qu'on continue à s'acharner sur son cas, en ajoutant 97 autres accusations à celles déjà portées.
Je crois qu'un mouvement se prépare pour contrer cette tendance. L'Enquêteur correctionnel et le directeur parlementaire du budget ont parlé des défis entourant la criminalisation accrue des personnes aux prises avec des problèmes de santé mentale. J'ai participé à un forum hier, dans le cadre duquel la Commission de la santé mentale du Canada et la Société canadienne de psychologie incitaient leurs membres à trouver des moyens pour contrer les initiatives actuelles de réforme législative.
Le sénateur Baker : Pensez-vous que c'est aussi parce qu'aujourd'hui un délit peut vous attirer dix accusations criminelles, alors que le même crime aurait valu deux accusations il y a vingt ans?
Mme Pate : Une des choses que j'ai trouvées les plus difficiles quand j'ai commencé à travailler dans ce domaine, c'est de voir qu'autant de femmes plaidaient coupables. Je sais que beaucoup de gens peuvent plaider coupables (des hommes, des femmes et des jeunes gens), mais les femmes autochtones en particulier présument qu'elles ne bénéficieront pas d'un procès équitable et décident de plaider coupables à toutes les accusations qui sont portées contre elles.
Le sénateur Baker : Est-ce que vous nous dites qu'avec la nouvelle structure de frais, la nouvelle demande qui sera sans doute déposée devant nous, vous pourrez peut-être mieux étudier le dossier et veiller à utiliser les mécanismes en place pour vous y opposer de façon à ce que la loi soit respectée?
Comme vous l'avez vu dans le projet de loi, les frais d'utilisation qui seront approuvés devraient être réduits l'an prochain si la Commission des libérations conditionnelles ne satisfaisait pas aux normes de rendement établies. Toutefois, vous les avez entendus dire qu'aucune norme n'avait été établie, parce qu'ils n'ont pas d'exemples avec lesquels se comparer à cet égard. C'est la loi qui entre en jeu à ce moment-là. Merci beaucoup.
La présidente : Avez-vous terminé?
Le sénateur Baker : Je savais que vous alliez intervenir.
La présidente : Pile à l'heure.
Madame Pate, merci infiniment. Comme toujours, nous vous sommes très reconnaissants. Nous avons encore eu la preuve aujourd'hui que votre emploi du temps est très chargé, alors nous sommes très heureux que vous ayez pu déplacer différents engagements pour vous joindre à nous.
Mme Pate : Merci beaucoup.
La présidente : Chers collègues, nous allons faire une pause pour permettre à Mme Pate de quitter la salle, puis nous allons prendre le peu de temps qu'il nous reste pour poursuivre la séance à huis clos.
(Le comité poursuit ses travaux à huis clos.)