Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Affaires juridiques et constitutionnelles
Fascicule 13 - Témoignages du 21 octobre 2010
OTTAWA, le jeudi 21 octobre 2010
Le Comité permanent des affaires juridiques et constitutionnelles se réunit aujourd'hui à 10 h 35, pour étudier le projet de loi S-10, Loi modifiant la Loi réglementant certaines drogues et autres substances et apportant des modifications connexes et corrélatives à d'autres lois.
Le sénateur Joan Fraser (présidente) occupe le fauteuil.
[English]
La présidente : Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles poursuit son étude du projet de loi S-10, Loi modifiant la Loi réglementant certaines drogues et autres substances et apportant des modifications connexes et corrélatives à d'autres lois.
Ce matin, nous recevons, le commissaire du Service correctionnel du Canada, M. Don Head.
[Translation]
M. Head est accompagné de Chris Price, commissaire adjoint, Opérations et programmes correctionnels.
Bon retour devant le comité, monsieur Head. Ce n'est pas la première fois que vous témoignez devant nous. Nous sommes très heureux de vous revoir. J'ai cru comprendre que vous avez une déclaration liminaire.
Don Head, commissaire, Service correctionnel du Canada : Bonjour, honorables sénateurs. Je vous remercie de me permettre de m'adresser à vous aujourd'hui au sujet du projet de loi S-10. Je suis heureux d'être ici pour répondre à toutes les questions que vous vous posez au sujet de la position du Service correctionnel du Canada relativement à la mise en œuvre du projet de loi S-10.
Comme vous le savez, le SCC accueille les délinquants condamnés à une peine de deux ans ou plus, tandis que ceux qui sont condamnés à une peine de moins de deux ans vont dans un établissement provincial. Le SCC est actuellement responsable d'environ 13 700 délinquants incarcérés et de 8 600 délinquants sous surveillance dans la collectivité.
Il est difficile de savoir, à long terme, combien de délinquants risquent d'être condamnés à une peine de deux ans ou plus et de se retrouver, par conséquent, sous la responsabilité du Service correctionnel du Canada à la suite de l'entrée en vigueur des nouvelles peines minimales obligatoires que propose ce projet de loi. Cela dit, le SCC est prêt à relever les défis associés à la gestion d'une population carcérale complexe et diversifiée et de fournir aux Canadiens de meilleurs résultats en matière de sécurité publique.
Nous continuons de mettre l'accent sur les initiatives qui aideront à adapter nos programmes et interventions visant à répondre aux divers besoins de la population carcérale à travers le pays. Comme vous vous en souvenez peut-être, je vous ai mentionné, lorsque je suis venu vous rencontrer en novembre dernier, que l'un des moyens sur lesquels compte s'appuyer le SCC pour continuer d'obtenir de meilleurs résultats en matière de sécurité publique est la libération progressive et la surveillance dans la collectivité des délinquants sous responsabilité provinciale qui sont libérés sous condition dans les provinces où la Commission des libérations conditionnelles du Canada est l'autorité décisionnelle. Il est question ici de la Colombie-Britannique et des provinces de l'Atlantique et des Prairies.
Nous nous attendons à ce que les peines minimales obligatoires aient une incidence sur les obligations liées à la préparation des cas pour les examens de la Commission des libérations conditionnelles et sur la surveillance, dans la collectivité, des délinquants sous la responsabilité provinciale qui se voient accorder la libération conditionnelle. Pour gérer efficacement la charge de travail additionnelle qu'entraînera l'adoption du projet de loi S-10, un budget total de 23,3 millions de dollars sur une période de cinq ans a été autorisé pour le SCC, somme à laquelle s'ajoutent des coûts permanents de fonctionnement de 6,4 millions de dollars. Si le nombre de délinquants qui relèvent du SCC augmente de façon considérable à la suite de l'adoption du projet de loi S-10, nous pourrons demander des fonds supplémentaires par l'entremise du processus budgétaire normal, quasi statutaire, dont je vous ai parlé la dernière fois.
En ce qui concerne la prise en charge et la garde des délinquants qui ont des problèmes de toxicomanie, les programmes correctionnels sont, partout au Canada, essentiels à leur réinsertion sociale en toute sécurité. C'est particulièrement vrai pour les délinquants qui ont des problèmes de drogue ou d'alcool. À l'heure actuelle, environ 80 p. 100 de ceux qui sont admis au sein du système correctionnel ont des problèmes de drogue ou d'alcool, et chez bon nombre d'entre eux, il y a un lien direct entre l'abus de drogue ou d'alcool et la criminalité. Toutefois, il convient de noter que la gravité des problèmes de drogue et d'alcool des délinquants varie.
Pour aider les délinquants à régler ces problèmes et les préparer à réintégrer la société en toute sécurité, tout en répondant le mieux possible à leurs besoins, le SCC offre une gamme de programmes de traitement des toxicomanies de différents niveaux d'intensité conçus pour des groupes de délinquants précis.
Comme je l'ai également mentionné en novembre dernier, en plus d'offrir des programmes pour aider les délinquants à adopter et à conserver un mode de vie sans drogue, le Service correctionnel du Canada s'est engagé à maintenir des établissements sûrs et sécuritaires exempts de drogue.
Pour nous appuyer dans nos efforts, le ministère de la Sécurité publique a annoncé, il y a deux ans, qu'il nous accorderait 122 millions de dollars sur une période de cinq ans afin d'éliminer la drogue dans les établissements sous responsabilité fédérale. Ces sommes nous ont permis d'augmenter le nombre de chiens détecteurs de drogue, d'acheter de l'équipement de sécurité comme des détecteurs ioniques et des appareils à rayons X et de renforcer les politiques sur les fouilles aux entrées principales de nos pénitenciers. Cette approche à volets multiples a eu un impact considérable. Le nombre de saisies aux entrées principales a augmenté de 10 p. 100 et celui des saisies dans les zones réservées aux activités récréatives sur le terrain et à l'extérieur du périmètre des établissements a augmenté de 31 p. 100. Tous ces efforts s'inscrivent bien sûr dans le cadre de notre stratégie antidrogue qui préconise une approche basée sur la prévention, l'intervention et l'application de la loi.
En terminant, bien que nous soyons incapables de prévoir quelles seront les répercussions du projet de loi S-10 et quel effet il aura sur les niveaux de population du SCC, nous évaluons continuellement l'effet cumulatif de toutes les nouvelles dispositions législatives et adaptons nos plans en conséquence. Soyez assurés que le SCC continuera de veiller à ce que les mesures de logement appropriées soient prises pour remplir son mandat, la sécurité publique étant le critère prépondérant. Même si le projet de loi S-10 apporte de nouveaux défis, je suis certain que le Service correctionnel du Canada continuera de remplir son mandat et d'obtenir des résultats probants en matière de santé publique pour les Canadiens
Je suis prêt à répondre à toutes vos questions.
Le sénateur Wallace : Merci, monsieur Head. Je suis heureux de vous revoir.
De toute évidence, monsieur Head, vos responsabilités sont telles que vous devez offrir des installations et des services appropriés, ce qui, bien sûr, exige de l'argent. Pourriez-vous nous donner une idée des fonds qui ont été mis à la disposition de votre service, au cours des cinq dernières années, disons depuis 2006, ainsi que du genre d'augmentations budgétaires dont vous avez pu bénéficier durant cette même période?
M. Head : Ces dernières années, notre budget a été augmenté à plusieurs reprises. Comme je le disais, nous avons reçu une rallonge de 122 millions de dollars sur cinq ans afin de nous attaquer au problème de la circulation de drogues dans nos établissements. Cette injection de fonds nous a permis d'équiper notre personnel en matériel de détection pour bloquer l'entrée de drogues dans les établissements. Notre budget d'administration des programmes, lui aussi, a été considérablement augmenté. Vous vous souviendrez, lors de mon dernier passage ici, que je vous avais indiqué que notre budget global du programme d'enseignement et de formation professionnelle était d'environ 130 millions de dollars. Eh bien, cette année, il est passé à 144 millions et il continuera d'augmenter dans les deux prochaines années jusqu'à atteindre quelque 164 millions de dollars.
De plus, à la suite de l'examen stratégique que nous venons d'effectuer, dans deux ans, quand le budget déjà prévu aura atteint son maximum, nous recevrons 48 millions de dollars supplémentaires destinés à offrir des programmes aux délinquants. Tout cet argent nous permet d'améliorer nos évaluations initiales, au moment de l'accueil des délinquants dans les établissements. Il nous permet d'accroître nos moyens pour offrir des programmes de prévention de la violence et de maintien au sein de la collectivité dans le cas des délinquants remis en liberté surveillée sous notre garde. Cela nous permet aussi d'améliorer les programmes qui s'adressent plus particulièrement aux délinquants autochtones, et puis, nous avons pu augmenter le nombre d'unités administrant le Programme de retour à la collectivité. Il s'agit d'unités spécialisées situées dans les divers établissements du pays, qui s'occupent plus particulièrement de délinquants autochtones et qui veillent à créer un environnement adapté, respectueux de leurs besoins. Là aussi, les investissements ont été importants.
Ces dernières années, nous avons reçu des fonds tant en ce qui concerne le renforcement de la sécurité que les programmes que nous offrons, ce qui nous a permis de combler certaines lacunes dont il a été question dans les divers rapports que vous avez vus ces deux ou trois dernières années.
Le sénateur Wallace : À propos de l'adéquation de vos établissements, comme vous l'avez mentionné, vous n'avez pas véritablement prévu les effets de l'adoption du projet de loi S-10. Vous n'avez pas de prévisions définitives de ce que ce projet de loi pourrait signifier pour la population carcérale. Cependant, ne pourriez-vous pas nous parler de l'adéquation de vos établissements en général et, dans la mesure où cela vous est possible pour l'instant? Ne pourriez- vous pas vous projeter dans l'avenir en imaginant ce que ce pourrait être après l'adoption du projet de loi S-10.
M. Head : L'un de nos défis tient au fait que nos 57 pénitenciers au pays n'ont pas été construits à la même époque, ni en fonction de la même philosophie ou des mêmes pratiques et approches. On passe des installations les plus récentes, construites il y a une dizaine d'années, aux plus anciennes, comme le pénitencier de Kingston qui fête son 175e anniversaire cette année. Il est plus vieux que la Confédération. Vous pouvez imaginer que des établissements aussi diversifiés ne se prêtent pas forcément tous à la prestation de services correctionnels modernes.
Je suis très fier que mon personnel continue de trouver des façons de surmonter les défis que leur posent les infrastructures pour offrir les services, conduire les interventions et dispenser les programmes dont les délinquants ont besoin. L'âge moyen des établissements dont j'ai la charge est de 40 ans. S'il s'agissait de maisons, ça ne serait pas beaucoup, mais il faut imaginer des maisons utilisées 24 heures sur 24, 365 jours sur 365, ce n'est alors plus la même chose et certains de nos établissements ne sont donc pas dans un excellent état.
Quoi qu'il en soit, nous sommes en train de soumettre à nos patrons un plan de logement à long terme en vue de régler certains de ces problèmes que nous occasionne notre patrimoine foncier. Par ailleurs, comme vous le savez sans doute, nous avons reçu des fonds pour ajouter des unités à un certain nombre d'établissements un peu partout au pays, compte tenu de l'augmentation prévue de la population carcérale.
Le sénateur Wallace : De façon générale, le projet de loi S-10 a pour objet de retirer de la rue, et de façon plus agressive, tous ceux qui prennent part à la production, au trafic, à l'importation et à l'exportation de stupéfiants afin que la société soit mieux protégée. On peut raisonnablement penser que cela va donner lieu à une augmentation du nombre de personnes incarcérées. Avec l'application des peines minimales obligatoires, on peut s'attendre à ce que les délinquants demeurent plus longtemps derrière les barreaux. Si tel devait être le cas, dans quelle mesure pourriez-vous offrir des services de réadaptation à une population carcérale plus nombreuse? En avez-vous actuellement la capacité et pensez-vous l'avoir dans l'avenir?
M. Head : Comme je le disais au début et comme je l'ai déclaré précédemment devant vous, nous ne sommes actuellement pas en mesure de nous prononcer sur l'effet que le projet de loi S-10 aura sur l'afflux possible d'un nombre croissant de délinquants dans le système fédéral. Cela est en partie dû au fait que le projet de loi énonce ces conditions très particulières.
Toutefois, grâce aux modalités que nous avons conclues avec le Conseil du Trésor au sujet de notre Plan national d'immobilisations, de logement et d'opération, si l'application du projet de loi S-10 devait occasionner une augmentation de la population carcérale, nous pourrions réclamer des ressources additionnelles.
Nous avons modifié nos systèmes de saisie des données de sorte qu'en cas d'adoption de ce projet de loi, nous puissions comptabiliser le nombre de délinquants pris en compte par le SCC en liaison directe avec ce projet de loi.
Le sénateur Wallace : Merci beaucoup.
Le sénateur Lang : Je m'interroge au sujet de votre capacité à prévoir l'augmentation de la population carcérale dans l'avenir et à déterminer dans quelle mesure cette augmentation aura une incidence sur le système.
Ce projet de loi part du principe que ceux et celles qui décideront de se livrer à une telle activité criminelle devront payer un prix beaucoup plus lourd s'ils sont arrêtés et trouvés coupables. Nous espérons que, grâce à ce texte, les jeunes se rendront compte qu'il y a un prix à payer et qu'ils n'auront pas envie de se lancer dans ce genre d'activité.
Êtes-vous dans l'impossibilité de prévoir une éventuelle augmentation avec précision parce qu'il est difficile de déterminer le genre d'effets que ce projet de loi aura sur la population en général, après son adoption?
M. Head : Oui, sénateur. Une partie du problème tient à la difficulté de formuler des prévisions fondées sur le caractère dissuasif de cette loi. Nous ne disposons d'aucun modèle pour cela. Nous avons examiné ce qu'ont fait d'autres pays ayant tenté d'établir des modèles prévisionnels en tenant compte de la variable dissuasion.
Comme je le disais, compte tenu de la nature prescriptive des dispositions du projet de loi, nous ne disposons pas des données nécessaires, pas plus à l'échelon fédéral qu'à l'échelon provincial, pour ventiler les infractions en matière de toxicomanie, par exemple, en fonction des variables découlant du projet de loi. Cependant, nous avons proposé un niveau repère au Conseil du Trésor et nous allons modifier notre système de saisie de données pour voir comment les choses évolueront dans les années à venir.
Nous avons fondé nos prévisions à partir de l'incidence que tout cela pourra avoir sur nos responsabilités en matière de préparation de cas et de supervision, au sein de la collectivité, des délinquants relevant des systèmes provinciaux, mais pour lesquels la Commission des libérations conditionnelles du Canada est l'autorité décisionnaire.
Nous avons fait ce genre de prévisions. Nous avons certaines données relativement solides pour suivre l'évolution, mais pas assez pour nous prononcer de façon arrêtée sur l'aspect financier associé à l'impact des nouvelles mesures sur la population carcérale.
Le sénateur Lang : Vous faites état d'un certain nombre de programmes dans votre budget de fonctionnement et d'entretien ainsi que dans votre budget d'immobilisations, pour certaines catégories. Je trouve cela parfois confus parce que les programmes semblent être répartis ici et là.
Ne pourriez-vous pas, pour le grand public, nous donner les sommes définitives qui ont été promises à vos services au titre du fonctionnement et de l'entretien, qu'il s'agisse de programmes de réadaptation, d'augmentation des effectifs ou de quoi que ce soit d'autre, de même que les budgets d'immobilisations dont vous disposerez effectivement afin de rénover votre parc d'établissements.
M. Head : Je pourrais toujours vous citer toute une série de chiffres, sénateur, mais il serait peut-être plus facile que je vous remette un tableau parce que tous ces chiffres sont associés à des variables, y compris à celles découlant des projets de loi C-25 et C-2, qui ont provoqué une augmentation anormale de nos populations carcérales.
Je vais toutefois vous donner un ordre d'idées. Dans les trois ou quatre prochaines années, nous recevrons plus de 870 millions de dollars en budget d'immobilisations pour construire des unités dans les établissements existants. Dans les prochaines années, notre effectif augmentera de 4 119 agents pour répondre aux exigences établies par les projets de loi C-2 et C-5. Comme je le disais, nous recevons régulièrement des fonds au titre de la sécurité et nous avons un budget pour la santé mentale.
Il serait peut-être plus simple que je vous remette le tableau parce que les fonds sont destinés à régler différents problèmes et à mener différentes initiatives. Je pourrais faire ça pour vous. Ce sera certainement plus facile à comprendre sur papier.
La présidente : Sénateur Lang, je veux poser une question qui vient en complément de la vôtre.
Monsieur Head, vous avez témoigné devant le comité de la Chambre des communes l'autre jour et êtes alors passé au travers de ces prévisions. Ce serait formidable si, en plus des données réclamées par le sénateur Lang, vous nous communiquiez celles concernant vos prévisions, et le plus tôt sera le mieux. Comme vous avez déjà fait cela pour l'autre Chambre, je suppose qu'il vous suffira de faire des photocopies.
M. Head : Bien sûr, nous pourrons vous fournir cela d'ici la fin de la journée.
La présidente : Merci.
Le sénateur Lang : J'ai cru comprendre que 122 millions de dollars sont destinés à empêcher la pénétration de drogues dans vos établissements. C'est, bien sûr, le genre de choses dont on entend parler quand il se produit un incident majeur dans un établissement; c'est à ce moment-là qu'on se rend compte qu'il existe des problèmes de ce genre.
Quand vous parlez d'une augmentation de 10 p. 100 des interceptions à l'entrée et d'une augmentation de 31 p. 100 du nombre de saisies effectuées dans les aires consacrées aux activités récréatives, à quoi correspondent ces pourcentages exactement? Expliquez-nous un peu mieux ce dont il retourne.
M. Head : Au cours du dernier exercice financier, nous avons effectué un peu plus de 1 700 saisies de drogue. Celles- ci sont ventilées entre celles effectuées à l'entrée des établissements et celles réalisées dans le périmètre des zones réservées aux activités de loisirs. Dans les années passées, nous effectuions en moyenne 1 200 à 1 300 saisies. Les investissements réalisés dans les équipes cynophiles de détection de drogues et dans nos moyens de collecte du renseignement, de même que les changements que nous avons apportés à nos méthodes de contrôle des accès aux établissements nous ont permis d'améliorer les instruments, les méthodes et les pratiques utilisés dans ce genre de saisies. Comme je le disais, les saisies à l'entrée des établissements concernent principalement les visiteurs qui essaient de faire passer de la drogue en douce. Dans certains cas, il s'agit d'entrepreneurs et, beaucoup plus rarement, de membres du personnel. Quant aux saisies dans le périmètre des établissements et dans les zones réservées aux activités de loisirs, il s'agit de personnes qui se faufilent dans le périmètre de sécurité, de nuit, et qui lancent de la drogue à l'intérieur des établissements. Il y en a qui fixent de la drogue à l'aide de rubans adhésifs sur des flèches ou qui utilisent des balles de tennis ou encore qui catapultent des oiseaux morts farcis de drogue. Les gens ne manquent pas d'imagination pour tenter de faire passer de la drogue dans nos établissements face à nos mesures de resserrement et de renforcement de nos approches et de nos pratiques au périmètre des établissements.
Le sénateur Lang : Peut-on dire que vous êtes en train d'éliminer la consommation de drogue dans vos établissements grâce aux mesures que vous avez prises?
M. Head : Oui. Nous fondons nos premiers constats à ce sujet sur les résultats des analyses d'urine effectuées sur les détenus, ce à quoi nous autorise la loi, mais de façon très stricte. C'est ainsi que nous avons constaté une diminution du nombre de tests positifs. D'après les premières indications, nous sommes en train d'entraver la pénétration de drogues dans les établissements. On constate une augmentation du nombre de saisies effectuées dans les périmètres de sécurité du même qu'une diminution du nombre de détenus chez qui on décèle la présence de drogue dans les urines. Force est donc de conclure, a priori, que nous sommes sur la bonne voie et je ne doute pas que nous constaterons d'autres améliorations sur ces divers plans grâce au renforcement de nos équipes cynophiles de détection de drogue et de notre personnel du renseignement de sécurité.
Le sénateur Runciman : Ce projet de loi et d'autres mesures proposées par le gouvernement ont surtout été critiqués parce qu'ils risquent de provoquer une augmentation de la population carcérale. Eh bien, c'est prendre le problème par le mauvais bout. Personnellement, je crois que les Canadiens appuient les mesures qui ont été adoptées par ce gouvernement pour lutter contre la délinquance.
Le sénateur Wallace, par exemple, a parlé des programmes de traitement des délinquants. Quand on parle de population carcérale, il faut surtout songer au taux de récidive. Étant donné la situation de ceux et de celles qui sortent de prison, il y a lieu de leur offrir des programmes de traitement afin d'infléchir les taux de récidive. Il y a un sujet qui m'intéresse depuis de nombreuses années : la santé mentale des détenus. On nous dit qu'il existe un lien direct entre l'abus de substances psychoactives et les troubles mentaux, et que la proportion de détenus atteints de tels troubles est supérieure à celle de la population en général, ce qui contribue à la violence dans les prisons.
Le Bureau de l'enquêteur correctionnel a publié son rapport le mois dernier. Il y mentionne de sérieuses lacunes dans la mise en œuvre des services de santé dans le système fédéral. Il dit que les pénitenciers sont en train de devenir les plus grands établissements psychiatriques du pays. En prison, le taux de maladies mentales est plus important chez les hommes que chez les femmes, le rapport étant peut-être de un à quatre. Monsieur Head, que faites-vous pour vous attaquer à ce problème?
M. Head : Merci pour cette question. J'ai plusieurs choses à vous dire à ce sujet.
Au cours des deux dernières années, nous avons mis en place notre Initiative sur la santé mentale en établissement de même que notre Initiative sur la santé mentale dans la collectivité. Cela nous a permis de réaliser un certain nombre de choses. Nous avons pu mettre en œuvre un processus plus adapté de même que des outils d'évaluation des besoins des délinquants en santé mentale dès leur prise en compte par le système fédéral. Un système informatisé de renseignements sur la santé mentale des détenus nous permet de mieux évaluer les besoins en hygiène mentale de la population dont nous nous occupons, dès l'arrivée des prisonniers. Grâce à cet investissement, nous avons pu améliorer la planification sur ce plan. Nous sommes ainsi parvenus à au moins répondre aux délinquants qui ont les plus grands besoins sur le plan de l'hygiène mentale.
Notre budget consacré à l'Initiative sur la santé mentale dans la collectivité nous a aidés à mieux planifier la remise en liberté graduelle des détenus dans la collectivité ou leur libération complète à échéance de leur mandat de dépôt. Ces investissements nous ont permis de mieux former notre personnel de santé, nos infirmières, nos psychologues et nos agents correctionnels de première ligne.
Cela dit, des lacunes préoccupantes demeurent, surtout en ce qui a trait aux soins de santé intermédiaires que nous offrons aux détenus. Nous sommes en train de lancer deux ou trois projets pilotes pour voir ce que nous pourrions faire afin d'aider ce groupe de prisonniers. Pour l'instant nous nous intéressons surtout aux délinquants qui courent un risque élevé de s'automutiler ou qui s'automutilent déjà de façon chronique. Nous verrons bien où cela nous mènera, mais force est de constater que des lacunes demeurent. Comme je l'ai dit devant le comité de la Chambre l'autre jour, de même que devant votre comité dans le passé, et je vais me répéter, ce que je crains le plus, c'est que le Service correctionnel ne devienne le système de santé mentale du Canada par défaut. Cela m'inquiète beaucoup.
Le sénateur Runciman : Il y a effectivement des lacunes. L'Enquêteur correctionnel a déclaré qu'une partie importante de la population carcérale atteinte de maladies mentales passe entre les mailles du filet et qu'elle finit par être tenue à part ou simplement parquée quelque part, plutôt que d'être traitée. C'est beaucoup plus que des lacunes, ça. M. Sapers vous a recommandé d'explorer, en collaboration avec les provinces, les autres services que vous pourriez offrir.
C'est anecdotique, mais je voudrais tout de même vous entendre sur une chose. On nous a dit que vous vous opposez à la création de tout établissement distinct et que vous voulez tout garder au sein du SCC, que vous ne voulez pas savoir ce qui fonctionne à l'extérieur du Service correctionnel du Canada. On me dit que, pour encadrer les malades mentaux dans vos établissements, vous avez 80 p. 100 d'agents correctionnels pour 20 p. 100 de personnel traitant. On me dit aussi que vous n'êtes pas en mesure d'attirer un grand nombre de professionnels de haut niveau parce que ces gens-là ne veulent pas travailler en milieu carcéral. S'il existe des traitements de deuxième ligne, pourquoi ne seriez- vous pas prêts à les adopter?
M. Head : Je vais être honnête avec vous, sénateur, la déclaration que vous m'attribuez est totalement fausse. Nous avons déjà eu de nombreux échanges avec les provinces pour dégager des formes de collaboration possibles. Nous songeons effectivement à ces traitements de deuxième ligne ou traitements relais dans la formulation de notre stratégie à long terme en santé mentale pour essayer de combler les graves lacunes constatées. Le Service correctionnel du Canada n'entend pas agir seul pour résoudre ce problème. Nous sommes conscients que nous devons travailler en partenariat et en relation avec d'autres afin de pouvoir répondre aux besoins des délinquants.
L'un des problèmes les plus immédiats et les plus importants auxquels nous sommes confrontés, c'est l'appui dont les délinquants ont besoin quand ils réintègrent la collectivité. Vous savez fort bien, sénateur, qu'un grand nombre de services communautaires sont non seulement déjà débordés, mais qu'ils sont confrontés à une surcharge de travail parce qu'ils doivent accueillir, au sein de la collectivité, des délinquants souffrant de troubles mentaux. C'est un défi formidable pour ces services et cela constitue une de nos grandes priorités.
Il nous est déjà arrivé de collaborer avec différents établissements provinciaux, nous continuons de le faire et nous envisageons de continuer dans l'avenir. Je n'ai pas l'intention de faire cavalier seul. Je n'ai jamais fait cette déclaration qu'on m'a attribuée.
Le sénateur Runciman : Eh bien, c'est noté. J'apprécie votre commentaire ainsi que votre position.
Je travaillais sur ce dossier en Ontario, quand nous avons créé l'Unité de traitement en milieu fermé à Brockville, qui est une installation de 100 lits au maximum destinée à accueillir des détenus souffrant de troubles mentaux. Nous l'avons fait dans le cadre d'un partenariat tout à fait particulier avec l'Hôpital Royal d'Ottawa et avec le ministère du Solliciteur général et des Services correctionnels de l'Ontario. Ce programme, pendant tout le temps où il a fonctionné, a permis de réduire le taux de récidive de près de 40 p. 100. Nous avons encouragé nos deux partenaires à prendre langue avec le gouvernement fédéral pour ouvrir une unité d'accueil de femmes. Quand j'étais ministre des Services correctionnels de l'Ontario, je me suis heurté à la résistance des ministères de la Santé et des Services correctionnels qui ne voulaient pas appliquer ce genre de modèle. Or, il est unique au Canada, puisque le ratio est de 80 p. 100 de personnel soignant contre 20 p. 100 d'agents correctionnels. Les centres de traitement sont tout à fait à l'opposé de ce qui se passe dans le système fédéral. Je suis donc heureux, monsieur Head, de vous avoir entendu dire que vous êtes prêt à envisager une formule de ce genre parce qu'elle a eu un effet positif sur la réduction des taux de récidive. C'est le genre d'impact que nous voulons avoir sur la population carcérale du pays.
La présidente : Je ne pense pas que c'était une question, mais c'était très intéressant et très utile pour nos travaux.
Le sénateur Baker : Je félicite M. Head et M. Price pour leur excellent travail.
Le projet de loi que nous sommes sur le point d'approuver va, apparemment, contribuer à augmenter de beaucoup la population de détenus dont vous êtes responsable. Il y a un passage très tranché dans ce projet de loi au sujet de toute personne reconnue coupable de trafic de stupéfiants en prison, la prison étant définie à l'article 2 du Code criminel. Je vous le lis :
« prison » tout endroit où des personnes inculpées ou déclarées coupables d'infraction sont ordinairement détenues sous garde, y compris tout pénitencier, prison commune, prison publique, maison de correction, poste de police ou corps de garde.
Avec la nouvelle disposition qui prévoit une peine minimale d'emprisonnement de deux ans, toute personne dans cette situation aboutit directement dans un de vos établissements. Vous nous avez dit avoir effectué 1 700 saisies de drogue dans vos établissements l'an dernier. Monsieur Head, je ne sais pas si vous avez examiné ce projet de loi d'aussi près que les gens du ministère, mais il fait état de toute une série de drogues qui ont été ajoutées à l'annexe I, des drogues qu'on retrouve dans des médicaments vendus sur ordonnance et dans des drogues courantes. L'ecstasy, par exemple, est passée de l'annexe III à l'annexe I. Les témoins que nous avons accueillis hier n'avaient pas vérifié cet aspect, mais hier soir, j'ai jeté un coup d'œil sur la jurisprudence.
Voilà la situation dans laquelle vous vous retrouvez. Pourquoi n'êtes-vous pas en mesure, à partir du nombre de personnes ayant été condamnées pour de telles infractions dans le passé, de vous projeter dans l'avenir, si le nombre demeure le même, afin de déterminer ce que sera votre charge de travail supplémentaire? N'est-ce pas aussi simple que cela?
M. Head : Sénateur, j'aimerais beaucoup que ce soit aussi simple. Je vais réagir à deux ou trois choses que vous avez dites.
Comme je suis à la tête du Service correctionnel du Canada, je vais vous parler de la disposition qui traite du trafic de drogue dans les prisons. Je suis très heureux de voir une telle disposition parce qu'elle devrait nous permettre de régler un problème auquel nous sommes confrontés depuis de nombreuses années. Quand nous appréhendons un narcotrafiquant dans un de nos établissements, la police ou les procureurs ne considèrent pas forcément que les infractions soient graves, car elles portent sur de petites quantités.
Or, dans mon univers, toute petite quantité de drogue est suffisante pour que quelqu'un se fasse tuer. C'est un problème pour moi. Donc, je suis très heureux de voir cette disposition qui, je l'espère, va nous permettre de régler le vieux problème de l'absence de véritables poursuites aboutissant à des inculpations pour trafic de drogue au sein de nos établissements.
Le sénateur Baker : Ce n'était pas ma question.
M. Head : Je sais, mais je veux m'assurer que cela soit bien compris. S'agissant de nos prévisions, nous avons examiné le projet de loi en détail. Je le répète, nous ne disposons pas de suffisamment de données, qu'elles proviennent des tribunaux, des systèmes provinciaux et même de nos propres systèmes, pour affirmer que le projet de loi correspondra à telle ou telle augmentation de la population carcérale fédérale.
Toutefois, comme je l'ai dit à plusieurs reprises, il a été convenu avec le Conseil du Trésor que nous tiendrions des statistiques et que nous pourrions, une fois la mesure en œuvre, demander au SCC de débloquer les ressources dont nous aurons éventuellement besoin.
Le sénateur Baker : Trafic veut dire vendre, donner, transférer ne serait-ce qu'un comprimé, tout autant que proposer de faire l'une des choses mentionnées aux alinéas a) et b), soit d'offrir à la vente, d'offrir à titre gracieux et ainsi de suite — pas simplement des médicaments réglementés, mais aussi toute drogue intervenant dans la constitution de ce médicament. Désormais, on retrouve le Tylénol 3 à l'annexe I, tout comme l'Atasol-30. Quiconque est reconnu coupable de trafic est passible d'une peine de prison à perpétuité, mais il est certain qu'en vertu de ce projet de loi, la peine minimale serait de deux ans d'emprisonnement; autrement dit, vous devriez automatiquement accueillir ce genre de délinquants. Vous n'avez fait aucune prévision? Avec l'ajout de ces nouveaux médicaments et de ces nouvelles drogues et l'entrée en vigueur de ce projet de loi, il est certain que ces délinquants vont aboutir chez vous pour une période minimale de deux ans. Et vous n'avez pas pu faire de prévisions?
M. Head : Non. Comme je l'ai dit, sénateur, nous ne sommes pas parvenus à mettre la main sur des données véritables fondées sur des tendances antérieures.
Le sénateur Baker : Et du côté des prisons provinciales?
M. Head : Précisément; il n'est pas facile d'extraire ce genre de données. Nous devrions faire un gros travail de fouille manuelle dans les registres. Il n'existe pas de façon simple d'extraire ce genre de données. Comme beaucoup d'entre vous le savent, l'inculpation initiale de trafic de stupéfiants peut être modifiée en cours d'instruction et être tout autre à l'étape du prononcé de la peine, ce qui nous complique la tâche quand vient le temps de déterminer si la sanction initiale, telle qu'elle a été définie, rejoint cette définition. Nous n'avons simplement pas accès à ce type de données.
Le sénateur Baker : Même si, en fin de compte, le délinquant était inculpé pour possession de drogue, on sait que la peine prévue en vertu de l'annexe I est de sept ans. Si c'est une infraction au vu de l'annexe III, la peine est de trois ans et toutes les nouvelles drogues se retrouvent à l'annexe I. Ce n'est pas difficile à déterminer.
Le ministère de la Justice vous a-t-il remis — parce que nous, nous n'avons rien reçu — la description des drogues qu'on retrouve dans ce projet de loi, pour toutes ces substances chimiques qu'il y a ici? Avez-vous reçu une liste simple, compréhensible, que toute personne raisonnable pourrait comprendre afin de savoir ce dont on parle? Vous a-t-on donné une liste de ces nouveaux médicaments et drogues?
M. Head : Nous avons reçu une liste de noms chimiques longs à n'en plus finir et je suppose que c'est la même que la vôtre.
Le sénateur Baker : Non, nous ne l'avons pas. Il n'y a pas de liste de produits chimiques dans ce projet de loi.
La présidente : Je crois que c'est ce dont M. Head veut parler.
Le sénateur Baker : Donc, vous n'avez rien, n'est-ce pas? À la quatrième ligne, il est question d'ecstasy; j'ai vérifié. Il y en a d'autres dont nous avons parlé hier qui servent, par exemple, à temporiser le comportement des enfants, comme le Ritalin. Quant à l'ecstasy, cette drogue répandue qui circule en prison, elle apparaît maintenant à l'annexe I.
[English]
Le sénateur Rivest : Vous mentionnez, dans votre présentation, que 80 p. 100 des délinquants admis au système correctionnel ont des problèmes de drogues ou d'alcool.
D'après votre expérience — puisque vous les fréquentez —, si, effectivement, ces délinquants ont ce type de problème, une sentence minimale a-t-elle vraiment un effet dissuasif sur eux? Avez-vous connaissance d'alcooliques ou de toxicomanes ayant réglé leurs problèmes parce qu'ils risquaient d'avoir une peine d'emprisonnement plus sévère?
[Translation]
M. Head : Sénateur, comme je l'ai dit, je n'ai vu aucune recherche solide relativement à l'impact de la dissuasion sur l'effectif de détenus. Nous n'avons pas cette donnée. D'ailleurs, si nous l'avions eue, nous en aurions tenu compte dans nos calculs. Je ne ferais que me perdre en conjectures si je vous affirmais que ce facteur dissuasion va donner tel ou tel résultat.
[English]
Le sénateur Rivest : On peut donc le souhaiter, mais c'est loin d'être évident. Il n'y a pas de cause à effet entre l'imposition de sentences minimales et la diminution ou le règlement des problèmes de drogues ou d'alcool.
Deuxième élément, si vous permettez. Vous nous avez donné des chiffres sur l'efficacité des mesures que vous avez prises pour éviter que la drogue n'entre dans les établissements. Vous avez d'ailleurs des programmes pour traiter les criminels souffrant de toxicomanie ou d'alcoolisme. Pouvez-vous fournir une évaluation de la performance ou l'efficacité de ces programmes? Et je pose ma question en regard du fait que, bien sûr, ce que vous avez comme évaluation concerne la clientèle actuelle, mais que ce projet de loi va vous amener une clientèle additionnelle. Cette nouvelle situation ne risque-t-elle pas de diminuer votre performance pour aider les criminels alcooliques ou toxicomanes?
[Translation]
M. Head : Très bonne question et je vais en profiter pour communiquer au comité certains renseignements au sujet de l'efficacité de nos programmes.
Pendant des années, nous avons consacré beaucoup de temps à concevoir des programmes à partir de constats afin d'éviter que les délinquants ne récidivent. Comme je vous l'ai dit précédemment, nous administrons tout un éventail de programmes de traitement des toxicomanies qui s'articulent autour de divers degrés d'intensité — faible intensité, haute intensité et intensité moyenne — ainsi que le Programme pour délinquants autochtones toxicomanes et le Programme d'intervention pour délinquantes toxicomanes. À la faveur de nos recherches, nous avons constaté que ces programmes, élaborés au fil des ans, ont donné d'excellents résultats dans l'ensemble et je me propose de vous en parler.
Nous savons que 45 p. 100 des délinquants qui suivent notre Programme de haute intensité pour toxicomanes sont moins susceptibles d'être réincarcérés pour avoir commis une nouvelle infraction. De plus, 60 p. 100 d'entre eux sont moins susceptibles de retourner en prison pour avoir commis un crime violent. Nous estimons que ce sont là de bonnes statistiques. Grâce à nos programmes d'intensité moyenne, 26 p. 100 des délinquants sont moins susceptibles d'être réincarcérés pour avoir commis une nouvelle infraction et 46 p. 100 pour avoir commis un crime violent. Grâce à notre Programme de maintien au sein de la collectivité, qui est lié aux programmes que nous offrons aux délinquants en liberté surveillée dans la collectivité, 40 p. 100 de ces individus sont moins susceptibles de retourner en prison à cause d'une nouvelle infraction et 56 p. 100 à la suite d'un crime violent.
Le Programme pour délinquants autochtones toxicomanes est fondé sur notre programme normal pour toxicomanes, si ce n'est qu'il tient compte des besoins culturels et spirituels de nos détenus autochtones. Nous avons constaté que 21 p. 100 des individus suivant ce programme courent moins de risque de voir leur liberté conditionnelle révoquée pendant qu'ils sont sous surveillance au sein de la collectivité et que 5 p. 100 seulement récidivent.
Quant aux femmes qui suivent notre Programme d'intervention pour délinquantes toxicomanes, leur taux de récidive est d'environ 39 p. 100.
À nos yeux, il s'agit là de résultats très encourageants. Un organisme indépendant américain a examiné 73 programmes de traitement des toxicomanies dispensés aux États-Unis et il a constaté que le taux de réussite n'est que de 3 à 17 p. 100. Donc, dans l'ensemble, nos programmes semblent être très efficaces.
Dans l'avenir, il importera pour nous de pouvoir faire face aux répercussions éventuelles du projet de loi S-10 sur notre institution et, pour cela, nous devrons veiller à toujours avoir les moyens nécessaires pour offrir des programmes de prévention de la toxicomanie fondés sur des constats, à l'image de ceux que nous offrons.
Le sénateur Joyal : Bienvenue, monsieur Head. Je voudrais vous poser une question au sujet de ce que vous avez déclaré au début. Au dernier point de la page 2 de votre intervention, vous dites qu'il y aura une augmentation du nombre de cas à préparer pour les examens de la Commission des libérations conditionnelles. Quel est votre arriéré au chapitre des cas à préparer pour la Commission des libérations conditionnelles? D'abord, y a-t-il un arriéré?
M. Head : Pour les cas concernant les provinces?
Le sénateur Joyal : Oui.
M. Head : Pas à ce que je sache. Je pourrais contre-vérifier, mais je ne pense pas que nous ayons des arriérés dans les cas provinciaux qui concernent des peines de courte durée et qui sont relativement peu nombreux de toute façon. Nous les traitons en priorité parce qu'ils prennent beaucoup moins de temps que les dossiers de délinquants fédéraux.
Le sénateur Joyal : Au premier point de la page 4 de votre mémoire, vous dites que vous offrez toute une gamme de programmes de traitement des toxicomanies. Accusez-vous des retards dans le traitement des dossiers de détenus qui veulent s'inscrire pour se faire traiter et ainsi profiter du contenu et des objectifs des programmes offerts?
M. Head : Oui, sénateur. À cause des besoins généraux de la population carcérale, nous dressons des listes d'attente. Nous avons différents moyens pour régler ce problème.
Le sénateur Joyal : Combien y a-t-il de noms sur cette liste d'attente?
M. Head : Environ 2 000. Les listes d'attente sont un peu trompeuses parce qu'elles concernent en fait des détenus ayant pu être orientés vers un programme. Cependant, cela ne veut pas forcément dire qu'il faut les considérer en priorité pour tel ou tel programme ou que leur nom apparaît pour le programme qui leur convient. Après l'étape de l'orientation, nous effectuons une analyse initiale des cas afin de déterminer si les gens correspondent aux programmes offerts ou si les programmes répondent à leurs besoins. Nous savons que nous avons quelque 2 000 inscrits sur les listes d'attente, mais il s'agit de gens qui n'ont pas franchi l'étape de la pré-évaluation permettant de déterminer s'il s'agit du bon programme.
Je dois vous dire que nous essayons de mettre en place une procédure qui devrait nous permettre de régler le problème des listes d'attente ou de la durée d'attente pour accéder à un programme. Nous avons lancé un projet pilote dans la région du Pacifique, en Colombie-Britannique, où nous avons mis en œuvre un modèle de programme correctionnel intégré. Celui-ci est destiné à nous permettre d'évaluer les délinquants et de les admettre plus rapidement dans les programmes que par le passé. Avant, il fallait 150 à 235 jours pour qu'un délinquant du système fédéral entreprenne un tel programme, et je parle ici de n'importe lequel des programmes que nous offrions. Grâce à ce projet pilote, nous avons réduit le temps d'attente pour la participation aux programmes qui n'est plus que de 45 jours après l'admission. Nous espérons que cette nouvelle approche nous permettra de régler tous nos problèmes de listes d'attente et d'arriérés.
Le sénateur Joyal : Est-ce que, dans le contexte actuel, des détenus pourraient être libérés sans passer d'abord par un programme de réhabilitation?
M. Head : C'est une grande question, sénateur. D'après ce que nous savons des délinquants ayant de graves problèmes de toxicomanie, un simple programme de traitement des toxicomanies ne permet pas de régler leurs tendances à la criminalité. La grande majorité des délinquants qui ont des problèmes graves de toxicomanie présentent des défis multiples, notamment parce qu'ils fréquentent d'autres criminels, qu'ils font partie de familles instables et qu'ils n'ont pas de travail ou qu'ils n'ont pas les qualifications nécessaires pour décrocher un emploi. Ce serait donc faire le grand écart que d'affirmer qu'il faut refuser de les libérer au motif qu'ils n'ont pas suivi un tel programme. Il y a bien d'autres interventions que nous devons mener auprès de ces détenus. Nos programmes de traitement des toxicomanies ne représentent qu'un type d'intervention parmi d'autres.
Le sénateur Joyal : Toujours à la même page, en ce qui concerne le nombre de détenus, pouvez-vous me dire, sur les 13 700, combien sont placés dans des cellules à double occupation?
M. Head : Pour l'instant, à l'échelle du pays, il y en a en moyenne 10 p. 100. Dans certains établissements, il y en a plus. Dans les unités d'évaluation, le nombre est encore plus élevé. En moyenne, pour l'ensemble des cellules de notre parc d'établissements, on peut dire que 10 p. 100 des détenus sont en occupation double.
Le sénateur Joyal : Revenons-en à votre système d'évaluation générale. Vous avez dit suivre le Guide d'établissement des coûts du Conseil du Trésor, si j'ai compris votre système. Or, à la lecture du rapport du directeur parlementaire du budget, publié le 22 juin de cette année, j'ai été surpris de lire, à la page 7, au paragraphe 3.2 intitulé « Enjeux et défis », que « le personnel du SCC n'a pas rencontré les fonctionnaires du DPB pendant la durée du projet ».
Pourquoi avez-vous refusé de rencontrer le DPB dans le cadre de son étude sur les répercussions de la Loi sur l'adéquation de la peine et du crime?
M. Head : En réalité, nous n'avons pas refusé de rencontrer le directeur parlementaire du budget. Dans la lettre que je lui ai adressée le 10 décembre 2009, je lui ai donné le nom d'une personne-ressource au ministère avec qui son personnel pouvait entrer en contact. En réalité, ce qui intéressait le directeur parlementaire du budget, c'était le genre de renseignements jugés comme présentant un caractère confidentiel pour le Cabinet — à propos duquel nous avons déjà eu une merveilleuse discussion à ce même comité — et que nous n'avons pu lui divulguer. En revanche, nous lui avons transmis tous les renseignements possibles qui n'étaient pas visés par cette disposition de confidentialité.
Le sénateur Joyal : Même à cela, à la page suivante, au paragraphe 3.3, on peut lire :
Seule une méthode ascendante rigoureuse d'établissement des coûts conforme au Guide d'établissement des coûts du Conseil du Trésor procurera au Parlement l'assurance ultime touchant les implications de la Loi sur l'adéquation de la peine et du crime au niveau des coûts.
Autrement dit, à la façon dont j'interprète ce passage, il semble que vous ne suivez pas véritablement le Guide d'établissement des coûts du Conseil du Trésor, contrairement à ce que vous avez dit, soit qu'il s'agirait du premier document que vous consultez.
Si vous accueillez 10 nouveaux détenus, vous les comptabilisez, puis vous vous tournez vers le Conseil du Trésor à la fin du mois pour déclarer que vous avez 200 détenus de plus et que vous envisagez d'en accueillir, par exemple, 1 000 de plus et donc qu'il vous faudra une rallonge budgétaire de tel ou tel montant.
J'ai cru comprendre que c'est ainsi que ça fonctionne. Ce n'est pas l'inverse, c'est-à-dire une prévision descendante. Est-ce ainsi, pour simplifier les choses, que vous préparez le genre de données réclamées par le DPB?
M. Head : Non, sénateur, nous suivons les lignes directrices du Conseil du Trésor en matière d'établissement des coûts. Toutes les présentations au Conseil du Trésor que nous faisons sont conformes à cette démarche. Si tel n'était pas le cas, je recevrais une lettre du président ou du secrétaire du Conseil du Trésor m'indiquant que ma présentation n'est pas conforme à leurs directives.
En général, quand nous préparons une présentation au Conseil du Trésor en vue d'obtenir plus d'argent, nous fournissons une explication détaillée et nous nous conformons aux lignes directrices. Parfois, quand les chiffres font l'objet de questions, nous rencontrons les fonctionnaires du Conseil du Trésor ou du ministère des Finances pour tirer les choses au clair. Toutes les présentations au Conseil du Trésor que nous avons faites jusqu'ici sont conformes aux règles énoncées par le Conseil du Trésor.
Le sénateur Joyal : Mais il ne semble pas, à la lecture de ce passage de la page 8 du rapport du directeur parlementaire du budget, que vous suiviez cette démarche de façon rigoureuse.
M. Head : Je crois que le directeur parlementaire du budget n'a peut-être pas accès à tous les documents qu'il voudrait, d'où cette conclusion. Tout ce que je peux vous dire, c'est que nos présentations au Conseil du Trésor et les engagements que nous avons pris envers le SCT, de même que les décisions que ce ministère a rendues à notre égard, ont toujours été conformes aux règles énoncées.
Le sénateur Joyal : Peut-être que, pour obtenir les statistiques qui l'intéressent, le DPB devrait-il vous rencontrer, mais il a dit que vous avez refusé de le faire en n'accueillant pas ses fonctionnaires pendant la période visée par le projet.
M. Head : Comme je l'ai indiqué clairement dans notre lettre du 10 décembre, nous avons mentionné qui était la personne-ressource au ministère pour le personnel du DPB. Encore une fois, ce n'est pas comme si nous n'avions pas remis de renseignements au DPB. Nous lui avons communiqué toutes les informations publiques. Ce sont les documents considérés confidentiels pour le Cabinet qu'il n'a pas reçus à l'époque.
Le sénateur Joyal : Permettez-moi une autre question. Avez-vous communiqué au Cabinet des données statistiques sur les répercussions financières de ce projet de loi et que vous ne nous auriez pas transmises aujourd'hui?
M. Head : Je vous ai parlé de l'établissement des coûts et je peux vous expliquer les hypothèses que nous avons retenues pour cela.
Le sénateur Joyal : Pourquoi ne répondez-vous pas à ma question? Ma question était précise. Avez-vous remis au ministre, au Cabinet, des données financières concernant les répercussions de ce projet de loi que vous ne pouvez nous transmettre ce matin?
M. Head : Encore une fois, je peux vous parler des hypothèses que nous avons utilisées pour calculer le budget qui a été approuvé.
La présidente : Je crois que nous sommes dans une impasse à ce sujet, sénateur Joyal.
[English]
Le sénateur Boisvenu : M. Head et M. Price, bonjour. C'est un plaisir de vous rencontrer. J'aimerais m'entretenir avec vous sur l'efficacité des programmes de réhabilitation.
Vous avez sans doute pris connaissance de ce document, madame la présidente? C'est un document très intéressant qui s'intitule Feuille de route pour une sécurité publique accrue.
La présidente : Vous donnerez un exemplaire à la greffière.
Le sénateur Boisvenu : C'est le seul que j'ai et j'ai eu beaucoup de difficulté à l'obtenir. Je vous en ferai une photocopie. C'est un document intéressant datant de novembre 2007, qui a été produit par un comité indépendant du ministère de la Sécurité publique, formé de policiers, de criminologues et de psychologues venant de toutes les provinces du Canada. Ils ont parcouru le Canada et ont visité une vingtaine de pénitenciers.
Leur document contient 107 recommandations et, effectivement, la dépendance aux drogues et à l'alcool est un problème majeur dans les prisons, aussi bien au niveau de la sécurité du personnel qu'au niveau de la réhabilitation des criminels, que ce soit à l'intérieur de programmes de désintoxication ou d'autres programmes, comme la formation, le travail, et cetera.
Comme vous le savez, je viens de terminer une tournée des pénitenciers provinciaux. J'en ai visité cinq. Avant de vous poser ma question principale, j'aimerais vous faire part de quelques-unes de mes observations.
Il faut mentionner qu'en plus de ce document, vous avez pris connaissance d'un autre document publié par le ministère au même moment et qui traite des problèmes de réinsertion sociale. Ce document est très critiqué par rapport au succès des programmes.
Vous avez, je crois, une tâche énorme pour réussir à intégrer des programmes efficaces de réhabilitation à l'intérieur de nos pénitenciers, particulièrement en ce qui a trait à la consommation ou au trafic de drogue, parce qu'il y a beaucoup de trafic à l'intérieur des pénitenciers.
Ce que j'ai observé, monsieur Head — et vous me direz si j'ai tort —, d'abord, le taux d'occupation et d'activité des criminels est très bas. On dit qu'un criminel sur deux a des activités à l'intérieur du pénitencier, soit qu'il travaille ou qu'il est intégré dans un programme de réhabilitation.
L'autre élément qui m'a interpellé, c'est le taux de récidive. Environ 50 p. 100 de nos criminels font plus que trois à quatre séjours en prison.
Un autre élément, c'est que nous n'avons aucune donnée concernant les criminels des pénitenciers provinciaux qui en sont à une première infraction et qui développeraient probablement leur dépendance aux drogues ou à l'alcool en prison.
C'est comme si on gérait ces pénitenciers en vase clos.
L'autre observation que j'ai faite — et des questions ont été posées à vos gestionnaires —, c'est que de bonnes données statistiques sur le taux d'occupation des criminels dans les programmes sont disponibles, mais aucune sur le taux de réussite lorsqu'ils sont à l'extérieur du pénitencier. Il faut comprendre qu'après sa période de probation chez vous, vous n'avez plus aucune responsabilité sur le criminel. Un criminel souffrant de toxicomanie, par exemple, doit être suivi à long terme. Si vous avez une responsabilité d'un an après sa sortie de prison, il n'a plus aucune obligation, après ce délai, de ne pas consommer ou de ne pas avoir de comportement « délinquant ».
Ce document est fondamental pour avoir un système de pénitencier...
La présidente : Je vais vous interrompre. S'agit-il de ce document?
Le sénateur Boisvenu : Oui.
La présidente : On a le site Internet pour les membres intéressés.
Le sénateur Boisvenu : Merci, madame la présidente. C'est un document fondamental pour avoir, au Canada, un système de pénitencier qui assurera d'abord la sécurité de la population, mais aussi la réhabilitation des criminels. Des milliards de dollars y sont consacrés. Quelle est votre stratégie, comme commissaire, pour faire en sorte que cela soit une réussite?
[Translation]
M. Head : Merci pour cette question, sénateur. Ce document constitue la base de ce que nous appelons notre programme de transformation entamé il y a deux ans. Je pense en avoir parlé soit à votre comité, soit au comité parlementaire au cours des deux ou trois dernières années.
Ce programme de transformation s'articule autour de cinq thèmes clés. Le premier est la responsabilisation des délinquants au moment de leur arrivée dans le système. À la façon dont la loi se lit actuellement, cette fonction de responsabilisation de la population carcérale incombe au SCC — de même que certains autres aspects, comme il se doit.
L'une des choses sur lesquelles nous insistons dans ce rapport et que nous voulons faire avancer, c'est la responsabilisation des délinquants au moment de leur prise en compte par notre système : qui dit responsabilisation de ces gens-là, dit participation à leur plan de traitement correctionnel, participation active également aux programmes, à leur éducation et à leur perfectionnement professionnel et responsabilisation sur le plan comportemental pendant qu'ils sont sous notre garde. C'est là un élément clé de ce document et un élément clé de notre programme de transformation.
Je vous ai déjà parlé du deuxième thème, celui de l'élimination de la drogue dans nos établissements. À la suite de ce rapport et du budget de 2008, nous avons reçu 122 millions de dollars sur cinq ans — c'est l'infusion de fonds dont je vous ai parlé — qui nous ont permis d'acquérir des équipes cynophiles antinarcotiques, du personnel du renseignement de sécurité ainsi que les moyens technologiques nécessaires. Tout cela a été au centre de notre programme de transformation.
Je vais vous donner une idée de ce que ça représente. Quand nous avons lancé notre programme de transformation, nous comptions environ 47 équipes cynophiles de lutte contre le narcotrafic. Aujourd'hui, nous en avons 80 et, quand nous serons au terme des deux années du programme, nous en aurons 125. De plus, nous continuons d'accroître notre effectif du renseignement de sécurité grâce à l'apport de 165 employés. Nous continuons sur cette voie.
Le troisième grand thème de notre programme de transformation est celui de l'élaboration des programmes et des compétences dont je vous ai parlé et qui représente une partie importante de ce rapport. Comme je l'ai dit tout à l'heure en réponse à la question du sénateur Wallace, les sommes que nous avons reçues pour ces programmes sont conformes aux recommandations d'un rapport et elles nous permettent d'acquérir la capacité nécessaire pour mettre en œuvre des programmes fondés sur des constats de sorte à répondre aux besoins des délinquants sur le plan criminogène.
Le quatrième thème du programme de transformation s'articule autour des services correctionnels communautaires et de l'amélioration de notre capacité à élaborer et à mettre en œuvre des stratégies correctionnelles communautaires efficaces pour nous permettre de superviser et de contrôler les délinquants en liberté au sein de la collectivité, qu'ils soient en semi-liberté, en libération conditionnelle totale, en libération d'office ou encore sous le coup d'une ordonnance de surveillance de longue durée qui peut courir sur une période maximale de 10 ans après expiration du mandat de dépôt. Pour cela, nous avons notamment accru notre capacité à dispenser des programmes aux délinquants que nous surveillons dans la collectivité. Nous travaillons en étroite collaboration avec les associations de maisons de transition partout au Canada pour disposer de la capacité voulue en fonction du type de délinquants que nous libérons dans la collectivité. Nous avons mis à jour les normes régissant les services correctionnels communautaires et avons fait beaucoup de travail dans ce domaine.
Le cinquième grand thème est celui de la modernisation de l'infrastructure physique. Comme je l'ai dit tout à l'heure, nous poursuivons notre travail sur ce plan qui sera au cœur de notre stratégie globale à long terme en matière d'immobilisations, stratégie que nous allons entreprendre au printemps prochain en passant par le processus normal d'approbation.
L'autre chose que je mentionnerai à propos de ce rapport, et je sais que c'est un sujet qui vous est cher, sénateur, c'est notre position relativement aux victimes. Tout ce dont je vous ai parlé jusqu'ici concernait les délinquants, mais nous sommes aussi en train d'investir pour améliorer notre capacité à reconnaître le rôle des victimes. C'est ainsi que nous travaillons en étroite collaboration avec la Commission des libérations conditionnelles en vue d'appliquer une approche transparente pour permettre aux victimes de communiquer avec les organismes gouvernementaux d'une façon qui ne risque pas de les traumatiser davantage. D'ailleurs, à la suite des commentaires contenus dans ce rapport, nous avons, dans la région de l'Atlantique, lancé un projet pilote que nous envisageons d'étendre ailleurs pour proposer à toutes les victimes un seul point de contact plutôt que de les obliger à s'adresser à la Commission des libérations conditionnelles pour une chose et au Service correctionnel pour une autre. Pour pouvoir appliquer une approche plus transparente et moins lourde pour les victimes, nous avons regroupé notre personnel sous un seul et même toit. C'est l'un des principaux éléments de notre action dans la foulée de ce rapport.
[English]
La présidente : Sénateur Boisvenu, le temps presse, car nous avons d'autres témoignages à entendre.
Le sénateur Boisvenu : Monsieur Head, j'ai une observation. La surveillance est le moyen utilisé dans les prisons pour contrôler le trafic de drogue et la consommation de drogue. Très peu de cellules dans nos pénitenciers sont équipées de caméras de surveillance. Ce sont les gardiens qui effectuent de la surveillance visuelle.
L'accessibilité des criminels aux cabines téléphoniques à l'intérieur des pénitenciers se fait comme sur une rue principale. Ils ont une carte d'appel et peuvent téléphoner à peu près n'importe où. On fouille les cellules une fois par mois ou on fait de la surveillance téléphonique lorsqu'on a un doute concernant un détenu qui pourrait commettre une infraction.
Ne pourrait-on pas avoir une stratégie de surveillance dans nos prisons qui corresponde à un milieu carcéral et non pas à un milieu en liberté? Ne pourrait-on pas avoir une stratégie de surveillance beaucoup plus musclée dans nos prisons pour exercer un contrôle concernant la drogue?
[Translation]
M. Head : Oui.
La présidente : Pour mémoire, chers collègues, sachez que le document cité par le sénateur Boisvenu, qui est une mine de renseignements, est le rapport du Comité d'examen du Service correctionnel du Canada intitulé Feuille de route pour une sécurité publique accrue que l'on peut consulter sur Internet à l'adresse www.securitepublique.gc.ca. Il a été déposé en octobre 2007.
[English]
Le sénateur Chaput : Je serai brève. Monsieur Head, vous avez dit dans votre présentation qu'il était difficile de savoir, à long terme, combien de délinquants risquent d'être condamnés suite à la mise en vigueur du projet de loi. Je comprends cela et vous avez répondu à plusieurs questions à cet égard.
Si j'ai bien compris, vous avez aussi commencé à analyser l'impact du projet de loi S-10 sur nos pénitenciers au Canada en terme d'espaces, de programmes, et cetera.
Afin de mieux cerner les conséquences potentielles du projet de loi S-10, avez-vous aussi examiné l'impact des peines minimales sur l'augmentation de la population carcérale dans d'autres juridictions? Par exemple, avez-vous considéré l'expérience vécue en Californie ou ailleurs aux États-Unis? Avez-vous aussi fait ce genre d'études comparatives?
[Translation]
M. Head : Nous avons examiné les répercussions dans certains États, aux États-Unis, mais il nous est difficile de faire des comparaisons parce que ce n'est pas la même chose étant donné que, bien souvent, il y a des différences dans la façon dont les services ou les programmes sont offerts ou encore dont les interventions sont menées.
Nous n'avons pu trouver aucun autre pays avec lequel nous pourrions nous comparer en matière de prestation de services et d'interventions. Je copréside deux fois par an la table fédérale provinciale et territoriale des services correctionnels au Canada et il se trouve que, collectivement, nous suivons les répercussions des modifications apportées à la loi afin de pouvoir améliorer nos modèles prévisionnels dans les provinces, dans les territoires et au fédéral.
La présidente : Avant que vous ne partiez, monsieur Head, j'ai une question à vous poser. J'ai cru comprendre que, dans vos prévisions d'accroissement de vos capacités, que vous avez expliquées au comité de l'autre Chambre, vous envisagez de recourir davantage à la double occupation des cellules. C'est exact?
M. Head : Oui. À court terme, nous allons augmenter la double occupation d'après nos prévisions d'augmentation de la population carcérale jusqu'à ce que les nouvelles unités soient construites, dans le courant des trois prochaines années. Ainsi, entre aujourd'hui et 2013-2014, nous nous attendons à une augmentation marquée du nombre d'occupations doubles de cellules dans nos établissements fédéraux.
La présidente : Quand vous nous enverrez vos renseignements, pourriez-vous nous indiquer ce que vous entendez par « augmentation marquée ».
M. Head : Je peux vous le dire.
La présidente : Voulez-vous parler de 50 p. 100 ou de 100 p. 100? De quoi parle-t-on au juste?
M. Head : Cela variera d'un établissement à l'autre, mais ça pourrait atteindre 30 ou 40 p. 100.
La présidente : Merci beaucoup, monsieur Head. Monsieur Price, vous avez été très patient.
Nous poursuivons notre étude du projet de loi S-10, Loi modifiant la Loi réglementant certaines drogues et autres substances et apportant des modifications connexes et corrélatives à d'autres lois.
Pour nous parler de la Stratégie nationale antidrogue du Canada, nous accueillons maintenant des représentants de pas moins de trois ministères fédéraux. De Santé Canada, nous entendrons Cathy Sabiston, directrice générale, Direction des substances contrôlées et de la lutte au tabagisme.
[English]
De Sécurité publique Canada, M. Daniel Sansfaçon, directeur, Politiques, recherche et évaluation au Centre national de prévention du crime, Sécurité publique Canada.
[Translation]
Du ministère de la Justice, nous accueillons Catherine Latimer, avocate générale et directrice générale, Justice applicable aux jeunes, Initiatives stratégiques et réforme du droit. Et puis, nous accueillons de nouveau Me Paul Saint- Denis, avocat-conseil à la Section de la politique en matière de droit pénal qui, il y a moins de 24 heures, faisait partie d'un autre groupe de témoins.
Merci à vous tous de vous être déplacés. Vous allez parler d'un volet important de l'étude de ce projet de loi.
Je crois savoir que vous avez demandé à ce que Me Latimer passe en premier, qu'elle soit suivie de Mme Sabiston, puis de Me Sansfaçon. Maître Latimer, je ne crois pas que vous nous ayez fourni des copies de votre exposé.
Catherine Latimer, avocate générale et directrice générale, Justice applicable aux jeunes, Initiatives stratégiques et réforme du droit, ministère de la Justice Canada : J'ai fourni des copies aux interprètes.
La présidente : Certes, mais pas au comité.
Me Latimer : Non, je ne le pense pas.
La présidente : On me dit que vous avez fourni des copies aux interprètes en anglais seulement, mais je dois vous préciser que notre comité accorde une grande importance au fait que les agences, les institutions et les différents organes du gouvernement lui remettent leurs documents dans les deux langues officielles. Dans l'avenir, nous apprécierions que vous remettiez à toutes les composantes de notre comité des documents qui soient dans les deux langues officielles. Cela dit, je vous invite à commencer votre exposé.
Me Latimer : Merci beaucoup, sénatrice. Je suis très heureuse de me trouver ici aujourd'hui pour vous parler de la Stratégie nationale antidrogue du gouvernement. Le ministère de la Justice est chargé de coordonner cette stratégie et il le fait en collaboration étroite avec des ministères clés, surtout ceux de la Santé et de la Sécurité publique, de même qu'avec 12 autres ministères partenaires qui jouent tous un rôle très actif dans la prestation de cette stratégie nationale.
Je vais essayer de faire court parce que je sais que vous voulez avoir suffisamment de temps pour nous poser des questions et je serai d'ailleurs heureuse d'y répondre.
[English]
La Stratégie nationale antidrogue a été officiellement lancée par le premier ministre Harper le 4 octobre 2007. Il s'agit d'une approche ciblée en matière de lutte contre les drogues illicites au Canada, qui comprend trois plans d'action visant à prévenir les drogues illicites, à traiter les personnes aux prises avec des dépendances aux drogues et à s'attaquer à la production et à la distribution de drogues illicites.
[Translation]
Nous envisageons d'appliquer une approche ciblée pour nous attaquer au problème de la toxicomanie; cette stratégie quinquennale a débuté en 2006-2007. Elle s'articule autour de trois plans d'action, deux concernant la réduction de la demande et un concernant la réduction de l'offre.
Les deux plans visant à infléchir la demande de drogue s'articulent autour de la prévention. Nous avons constaté trois problèmes auxquels le plan d'action devait apporter une solution : le fait qu'apparemment les jeunes consomment de plus en plus de drogue, le fait également qu'ils commencent plus tôt, et le fait que des collectivités se plaignent de plus en plus auprès de la GRC que les jeunes consomment de la drogue.
Pour cela, le Plan d'action en matière de prévention prévoyait une campagne médiatique de même que des activités de prévention communautaires.
Il est question d'aider les jeunes à faire des choix plus éclairés et à prendre conscience des conséquences de la consommation de drogue; il est aussi question de réduire cette consommation chez les jeunes de certaines collectivités.
Il a été décidé de consacrer 232 millions de dollars en tout à ce programme d'intervention dont 30 millions en argent frais consacrés au Plan d'action en matière de prévention. Cathy Sabiston vous en dira davantage à ce propos.
Toutefois, comme nous suivons des objectifs bien définis, d'autres ministères ont également contribué au Plan d'action en matière de prévention en puisant dans leur budget de base A. Je pense que c'est ce dont Daniel Sansfaçon, du Centre national de prévention du crime, va vous entretenir.
Le Plan d'action en matière de traitement a également été un élément important de la stratégie, puisqu'il était destiné à aider les toxicomanes représentant un risque pour la collectivité. Les problèmes à cet égard concernaient nos approches qui manquaient d'originalité, qui n'étaient pas culturellement adaptées ou qui ne tenaient pas compte des nouvelles drogues. Il était notamment question de s'intéresser à des choses comme les tribunaux de traitement des toxicomanies.
Dans le cadre de ce plan d'action, les activités prévues s'articulaient autour des options de déjudiciarisation et de traitement des délinquants toxicomanes, de financement et de traitement des individus constituant un risque pour les collectivités et de traitement communautaire. Les populations cibles étaient les jeunes, les délinquants et les villes aux prises avec une « scène de la drogue », comme Vancouver avec son Downtown Eastside, et certaines collectivités autochtones.
Comme je l'ai dit, 100 millions de dollars de plus ont été débloqués pour ce plan d'action, c'est-à-dire en plus des ressources déjà mises en œuvre par les ministères.
Le Plan d'action en matière d'application, quant à lui, ciblait la production et la distribution illicites de marijuana et de drogues synthétiques de même que la transformation de produits chimiques précurseurs, et il visait à appliquer des peines appropriées dans les cas graves de narcotrafic. Je pourrais vous parler davantage du Plan d'action en matière d'application, mais je crois savoir que, le 28 octobre, vous allez accueillir un groupe de confrères responsables de ce plan, et je suppose qu'ils seront mieux placés que moi pour répondre à vos questions à ce sujet. Cela va donc nous permettre de nous concentrer sur les éléments de la stratégie nationale qui visent à réduire la demande de drogue.
Nous en sommes à la quatrième année d'une stratégie de cinq ans et nous avons réalisé d'importants progrès par rapport aux objectifs fixés et aux problèmes que nous avions constatés. Nous avons hâte de vous faire part des progrès réalisés.
Cathy Sabiston, directrice générale, Direction des substances contrôlées et de la lutte au tabagisme, Santé Canada : Je vous remercie madame la présidente et membres du comité du Sénat de me donner l'occasion de vous parler du rôle exercé par Santé Canada dans le cadre de la Stratégie nationale antidrogue. Je suis très heureuse d'être ici une fois de plus. Lors de ma comparution devant ce comité, le 18 novembre 2009, j'ai présenté un exposé sur l'ancien projet de loi C-15.
Tel que mentionné par ma collègue de Justice Canada, Santé Canada supervise la coordination et la mise en œuvre des plans d'action en matière de prévention et de traitement liés à la Stratégie nationale antidrogue. En 2007, le portefeuille de la Santé a reçu environ 144 millions de dollars additionnels sur cinq ans pour ses activités liées à la prévention, au traitement et à la mise en œuvre des activités prévues dans cette stratégie. Aujourd'hui, je vous parlerai des 120 millions de dollars de ce montant consacrés à la prévention et au traitement.
Le Plan d'action en matière de prévention vise à prévenir la consommation de drogues illicites chez les Canadiens. Il permet de donner de l'information directement aux parents, aux éducateurs et aux professionnels de la santé; de préparer du matériel scolaire destiné aux stratégies de sensibilisation et de prévention visant les élèves des écoles primaires et secondaires; de dissuader les jeunes de consommer des drogues illicites au moyen d'une nouvelle campagne de sensibilisation nationale et d'offrir un appui financier aux collectivités afin qu'elles mettent en place des projets pour venir en aide au nombre de plus en plus élevé de jeunes ayant des problèmes de consommation de drogues illicites.
Le gouvernement du Canada a investi 30 millions de dollars sur cinq ans dans une campagne médiatique ciblée ayant pour but de sensibiliser les jeunes de 13 à 15 ans aux dangers liés aux drogues illicites. La campagne lancée en mars 2008 offre le message suivant aux parents : renforcez votre influence sur vos adolescents et discutez à propos des drogues illicites avec eux. Santé Canada a ensuite sollicité la participation des parents à deux autres reprises, soit en novembre 2009, avant le lancement de la campagne auprès des jeunes, et à l'automne — en septembre et en octobre — par l'entremise de la télévision et d'Internet dans l'espoir d'inciter davantage de parents à discuter des drogues avec leurs adolescents. Les deux campagnes ont donné lieu à une augmentation du nombre de visites sur notre site Web, du nombre d'appels au centre d'information ainsi que du nombre de brochures pour parents commandées et téléchargées.
Lancée avec succès en décembre 2009, la campagne auprès des jeunes s'est poursuivie jusqu'à la fin de mars 2010. Notre but était de sensibiliser les jeunes aux dangers des drogues illicites et de leur offrir les habiletés nécessaires pour éviter de consommer des drogues. La campagne de cette année s'est appuyée sur ces réussites et poursuivra sur cette lancée. La stratégie axée sur les jeunes s'est poursuivie tout au long du printemps et de l'été avec la diffusion de l'annonce « Avance rapide » à la télévision, dans les cinémas ainsi que l'affichage de bannières publicitaires Web. De plus, Santé Canada a lancé sa première page Facebook consacrée à la campagne 0 drogue.
Le lancement d'une nouvelle annonce télévisée et des affiches dans les véhicules de transport en commun et de bannières publicitaires Web est prévu pour le mois de novembre 2010, soit dans le cadre de la Semaine nationale de sensibilisation aux toxicomanies. Je suis accompagnée de ma collègue Jane Hazel, directrice générale, Direction générale des Services de marketing et de communications, qui pourra répondre à vos éventuelles questions si vous voulez obtenir plus de détails à ce sujet.
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En plus de la campagne médiatique, le programme de contribution existant, qui est le Fonds des initiatives communautaires de la Stratégie antidrogue, a été recentré en 2007, pour appuyer les priorités de la stratégie sous le plan d'action en matière de prévention. Le programme offre de l'aide financière pour faciliter l'élaboration de solutions locales, provinciales, territoriales, nationales et communautaires afin de combattre l'utilisation des drogues illicites chez les jeunes de 10 à 24 ans. La contribution du programme s'établit à quelque 9,5 millions de dollars par année.
[Translation]
Le Plan d'action sur le traitement est axé sur le traitement des personnes qui ont une dépendance à une ou plusieurs drogues en appuyant des approches innovatrices et efficaces afin de traiter les gens qui constituent un risque pour eux- mêmes et pour la collectivité et de les aider à se rétablir. Ce plan favorisera la collaboration entre les gouvernements et les organismes de soutien en vue d'accroître l'accès aux services de désintoxication. À Santé Canada, ce plan permet d'améliorer le traitement et le soutien offerts aux Premières nations et aux Inuits et d'appuyer la recherche sur de nouveaux modèles de traitement.
Annoncé en avril 2008, le Programme de financement du traitement de la toxicomanie prévoit 125 millions de dollars sur cinq ans pour aider les gouvernements provinciaux et territoriaux à mettre en œuvre des pratiques exemplaires en matière de traitement, à renforcer la mesure du rendement et l'évaluation, à développer la collaboration entre pouvoirs publics et l'échange de connaissances pour combler les besoins critiques de traitement chez les jeunes.
[English]
Santé Canada s'efforce d'améliorer l'accessibilité, la qualité et l'efficacité des services liés aux toxicomanies, qui sont offerts aux jeunes membres des Premières nations et aux jeunes Inuits du Canada ainsi qu'à leur famille. Santé Canada finance, par l'intermédiaire du Programme national de lutte contre l'abus d'alcool et de drogues chez les Autochtones et du Programme de lutte contre l'abus de solvant chez les jeunes, 58 centres de traitement ainsi que des services de prévention de l'abus d'alcool et de drogues dans plus de 500 communautés des Premières nations du Canada.
En conclusion, les plans d'action en matière de prévention et les traitements sont axés sur la réduction de consommation de drogues illicites.
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Je vous remercie encore de m'avoir permis de vous présenter le rôle exercé par Santé Canada dans le cadre de la Stratégie nationale antidrogue.
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Daniel Sansfaçon, directeur, Politiques, recherche et évaluation, Centre national de prévention du crime, Sécurité publique Canada : Madame la présidente, je vous remercie de m'avoir invité à comparaître devant vous dans le cadre de cette étude.
Plus particulièrement, on m'a demandé de vous parler de la participation du Centre national de prévention du crime à la stratégie nationale antidrogue, et dans l'intérêt de minimiser le temps de mon intervention, il y a certains éléments du texte que vous avez devant vous que je ne lirai pas tel quel. J'irai tout de suite à l'essentiel.
Donc, savoir que les principales études scientifiques menées au Canada comme à l'étranger ont effectivement clairement établi que, d'une part, la criminalité n'est pas distribuée aléatoirement au sein de la population ou de zones géographiques, mais plutôt qu'elle est concentrée au sein d'une population restreinte, et que, de fait, un nombre disproportionné de crimes sont commis par un petit groupe de délinquants.
Par exemple, une étude de Carrington au Canada, en 2005, a montré que quelque 16 p. 100 des délinquants commettent environ 60 p. 100 de toutes les infractions qui sont signalées à la police.
Les études montrent aussi, d'autre part — et c'est extrêmement important de le souligner — que ces délinquants ont aussi tendance à présenter des caractéristiques similaires généralement désignées sous l'appellation de « facteurs de risques criminogènes », et que la présence de ces facteurs de risques dit criminogènes augmentera, par là, la probabilité que ces personnes commettent un acte criminel.
Diverses formes de toxicomanie ont été associées au cheminement criminel et, notamment, la consommation précoce de substances chez les enfants, c'est-à-dire des personnes qui, en particulier, consommeront des drogues avant l'âge moyen auquel ils commencent habituellement, des formes de consommations addictives à l'adolescence ainsi que l'usage et la vente de drogues par des jeunes qui ont connu des démêlés avec la justice ou qui sont membres de gangs de jeunes.
Ainsi, une étude sur les délinquants juvéniles menée par Day en Ontario, en 2008, avait montré que 34 p. 100 d'entre eux présentaient des troubles de toxicomanie.
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Ces connaissances sur les facteurs de risque, ainsi que les connaissances issues d'études d'évaluation qui établissent l'efficacité d'interventions préventives bien conçues pour réduire la probabilité de délinquance au sein des groupes de la population qui présentent ces facteurs de risque, forment la base à partir de laquelle le CNPC soutient des projets communautaires qui mettent en œuvre des mesures sociales de prévention du crime, y compris de nombreux projets mettant l'accent sur les formes problématiques de toxicomanie.
Dans le cadre de la Stratégie nationale antidrogue, le CNPC s'est engagé à investir 20 millions de dollars, comme Me Latimer vous l'a dit, à même ses fonds existants en vue d'appuyer la mise en œuvre de projets d'intervention auprès des jeunes de moins de 14 ans ayant déjà commencé à consommer des stupéfiants, des jeunes de 14 à 17 ans faisant partie de gangs ou ayant connu des démêlés avec la justice, et des jeunes Autochtones, en vue de diminuer leur consommation d'alcool ou de drogues et la probabilité qu'ils commettent des actes criminels.
Au cours de la période qui s'étend de 2007 à 2012, le CNPC aura financé 72 projets dans des collectivités un peu partout au pays répondant aux critères établis par la Stratégie nationale antidrogue, ce qui représente un investissement total de près de 39 millions de dollars. Ces projets se déroulent dans toutes les provinces et tous les territoires, et visent des jeunes âgés de 6 à 18 ans. Tous les projets ont recours à une certaine forme d'évaluation interne et beaucoup sont assortis d'une évaluation externe.
Plusieurs de ces projets comprennent la mise en œuvre d'interventions modèles ou prometteuses, c'est-à-dire des interventions dont l'efficacité a généralement été bien établie par des études d'évaluation rigoureuses menées dans d'autres pays, en majeure partie provenant des États-Unis. Nous espérons que, à la faveur des études d'évaluation accompagnant ces interventions, nous contribuerons à acquérir des connaissances qui nous permettront d'éviter que ces jeunes Canadiens tombent dans la délinquance.
À titre d'organisation participant à la mise en œuvre de la Stratégie nationale antidrogue, le CNPC se prépare à présenter, en 2011-2012, les résultats découlant de ces projets et d'autres interventions similaires. La mise en œuvre intégrale et les effets d'interventions de ce type nécessitant un certain temps avant de se produire, ces résultats seront le plus souvent encore préliminaires.
De plus, le CNPC est tout à fait conscient du fait qu'il sera difficile de distinguer les répercussions de ces interventions sur les seules drogues illicites puisque les jeunes présentant des risques de commettre des actes criminels sont généralement caractérisés par des usages de substances multiples. Cependant, nous sommes convaincus que la plupart de ces projets donneront des résultats positifs et contribueront à aider le nombre d'enfants et de jeunes, de même que leurs familles, à réduire la consommation problématique de substances et les répercussions négatives qui en découlent.
Si vous avez des questions à me poser, je serai heureux d'y répondre.
Le sénateur Wallace : Madame Sabiston, c'est à vous que je vais poser ma première question. Dans votre exposé, vous dites qu'en 2007, votre portefeuille a reçu 144 millions de dollars d'argent frais sur cinq ans et que 120 millions de cette somme ont été consacrés à la prévention et au traitement. Tout ça, c'était de l'argent frais en 2007.
Il y avait quoi avant cela? Quel changement cela représente-t-il dans le budget qui a été confié à votre ministère pour ce projet important?
Mme Sabiston : Vous avez raison. Revenons un peu en arrière. Le budget de la Stratégie nationale antidrogue est de 232 millions de dollars sur cinq ans. Le portefeuille de la Santé, lui, a obtenu 144 millions de dollars, soit 120 millions pour la prévention et le traitement — 30 millions pour la prévention et 90 millions pour le traitement. Vous avez raison de dire que cela vient s'ajouter au budget que recevait déjà le ministère, soit un peu plus de 500 millions de dollars, ce qui nous donne un total de 680 millions de dollars.
Le sénateur Wallace : Eh bien moi aussi, je vais faire un petit retour en arrière, car il y a beaucoup de chiffres ici. Je voulais en fait savoir à quel budget, dont vous disposiez déjà, est venue s'ajouter cette somme supplémentaire de 120 millions de dollars destinée à la prévention et au traitement.
Mme Sabiston : Je crois que c'était environ 500 millions de dollars et les 120 millions sont venus s'ajouter à cette somme.
Le sénateur Wallace : Est-ce par année?
Mme Sabiston : Sur cinq ans.
Le sénateur Wallace : Merci. Merci encore une fois, madame Sabiston, pour les renseignements que vous nous avez donnés au sujet des plans d'action en matière de prévention et de traitement. À partir du travail qui a été réalisé par Santé Canada, pourriez-vous nous donner une idée de l'ampleur du problème que représente la drogue dans ce pays, surtout du point de vue des coûts de santé?
Je crois savoir que votre ministère a réalisé des enquêtes. Je sais qu'il y en a une qui a été faite en 2004. Il y en a peut- être eu de plus récentes. Pourriez-vous nous expliquer le genre de travail que vous avez effectué pour cerner l'ampleur des coûts de santé que notre pays doit assumer à cause de la consommation de drogues illicites.
C'est là l'objet du projet de loi S-10 : il est question de limiter ce genre de répercussions sur notre société. Quelle est donc l'ampleur des coûts financiers que le Canada doit assumer à cause de la consommation de drogues illicites?
Mme Sabiston : Merci pour la question. Je suis gênée de ne pas m'être munie des données du SCC. Je n'ai pas les pourcentages pour ce qui est de la prévalence dans le cas des jeunes et des adultes toxicomanes. Je vais vous faire parvenir tout cela après la séance, je n'y avais pas pensé.
Le sénateur Wallace : Par exemple, le Centre canadien de lutte contre l'alcoolisme et les toxicomanies a réalisé une étude en 2002. Vous devez connaître ce rapport.
Mme Sabiston : Tout à fait.
Le sénateur Wallace : On y estime que le coût global de l'alcoolisme et des toxicomanies au Canada est de quelque 39 milliards de dollars, les coûts de santé atteignant presque 9 milliards de dollars. Ce n'est pas négligeable. De toute évidence, c'est un énorme problème pour notre pays auquel on peut s'attaquer de différentes façons. Quoi qu'il en soit, je suis sûr que vous serez d'accord avec moi pour dire que cela représente une somme énorme et que les répercussions sur les contribuables sont très importantes.
Mme Sabiston : Parfaitement. Ces chiffres sont tout à fait exacts et je serai heureuse de communiquer au comité ces mêmes données actualisées.
Le sénateur Wallace : Je vous en prie.
Maître Latimer, vous avez dit que le volet réduction de la demande de la Stratégie nationale antidrogue avait fait l'objet d'importants progrès. Pouvez-vous nous expliquer ce que cela signifie? Quel est l'élément réduction de la demande et comment en êtes-vous venus à la conclusion que vous avez réalisé d'importants progrès?
Me Latimer : Les éléments réduction de la demande de la stratégie se déclinent en deux plans d'action. Il y a le Plan d'action en matière de traitement qui vise à dispenser des traitements aux toxicomanes de sorte qu'ils cessent de prendre de la drogue. Puis, il y a le Plan d'action en matière de prévention qui comporte à la fois une campagne médiatique pour prévenir la population des risques que courent les jeunes et des efforts que nous déployons pour les aider, et pour aider leurs parents à faire des choix avisés en matière de consommation de drogue, ainsi que des initiatives de prévention du crime communautaires.
M. Sansfaçon vous a dit avoir appliqué certains de ces plans au Centre national de prévention du crime. Il y a aussi le Fonds pour les initiatives communautaires dont s'occupe le service de Mme Sabiston. Nous prenons des mesures énergiques dans le cadre de ces deux programmes au titre de la prévention et du traitement. Il faut aussi mentionner les approches novatrices qui tiennent compte de la pertinence culturelle des interventions de même que d'autres aspects qui n'ont pas encore été complètement explorés. Il est question de s'inspirer de ce que l'on sait au sujet des programmes ayant donné de bons résultats ailleurs et d'appliquer ce savoir au Canada afin, on peut l'espérer, d'obtenir des résultats tangibles. Me Sansfaçon pourra vous en parler. Nous saurons dans quelle mesure les résultats sont positifs quand nous aurons reçu les évaluations. Nous estimons que d'importants progrès ont été réalisés dans le sens des objectifs que le gouvernement a fixés dans la Stratégie nationale antidrogue.
Le sénateur Runciman : Je suis heureux de vous entendre dire que vous essayez d'éviter que les gens ne tombent dans la drogue. Je suppose que vous êtes consciente que, dans le projet de loi dont nous parlons aujourd'hui, la vente de drogue à de jeunes gens entraîne, en cas de culpabilité, l'application de peines minimales obligatoires qui permettront d'éliminer ces sales types de la rue. Et puis, je ne pense pas que beaucoup de Canadiens s'inquiéteront de savoir qu'ils purgent leur peine en occupation double.
J'ai vu une émission américaine, il y a une semaine, qui portait sur la rapide augmentation du nombre de jeunes consommant de l'héroïne. Apparemment, il y a 20 ans, l'héroïne qui se vendait dans la rue était pure à 6 ou 7 p. 100. Aujourd'hui, elle est pure à 60 p. 100 et elle est donc très toxicomanogène.
Que se passe-t-il au Canada? Constatez-vous la même chose de nos jours? Si oui, comment vous attaquez-vous au problème ou envisagez-vous de le faire? Si le phénomène est limité aux États-Unis et qu'il ne nous concerne pas encore, nous ne perdons rien pour attendre.
Me Latimer : Vous venez de soulever quelque chose de très intéressant. Nous surveillons les incidents pour voir si les régimes de consommation et d'importation de drogue sont en train d'évoluer, ce qui donnerait à penser que la consommation de drogue au Canada est en train de changer. Au cours de l'été, nous avons recueilli des données dans les bases de données gouvernementales pour évaluer dans quelle mesure les régimes de trafic et de consommation de drogue ont changé.
Quand nous avons lancé cette initiative, de nombreux parents étaient particulièrement préoccupés par l'existence de drogues hautement toxicomanogènes mises à la portée des jeunes. À l'époque, on parlait beaucoup plus de la méthamphétamine en cristaux qui se répandait dans l'Ouest du pays. Avec la stratégie, il est question de s'attaquer aux drogues fortement toxicomanogènes et de veiller à ce que nos efforts de prévention soient ciblés; nous assurons un suivi à cet égard.
Le sénateur Runciman : Disposez-vous de données sur la réadaptation, si c'est le bon terme, dans le cas des héroïnomanes? Cet été, j'ai assisté à une conférence où des responsables de corps policiers nous ont dit qu'il est très difficile de désintoxiquer un héroïnomane. Avez-vous des données à cet égard? La meilleure méthode consiste à arrêter les gens avant qu'ils ne deviennent héroïnomanes, mais avez-vous des données détaillées à ce sujet?
Me Latimer : Non.
Mme Sabiston : Nous avons renforcé notre travail de surveillance parce qu'il est difficile d'atteindre des jeunes qui sont à ce point coupés du monde. Nous avons entamé des études sur les populations à haut risque afin de déterminer pourquoi ces gens-là prennent de la drogue et quel serait le traitement le plus efficace dans leur cas.
Nous nous intéressons aux toxicomanes de la rue, aux jeunes des rues, de même qu'aux clubs, aux scènes de rave et aux bars. Nous n'avons pas encore de données, mais j'espère que nous obtiendrons certains résultats d'ici 2012.
Le sénateur Runciman : Comment évaluez-vous la réussite des programmes de prévention?
Mme Sabiston : Cela s'inscrirait dans le cadre global d'évaluation. Pour l'instant, nous n'avons effectué qu'une évaluation sommaire, mais nous sommes en train de travailler à l'évaluation de la stratégie complète. Le tout est fondé sur les objectifs dont Me Latimer vous a parlé au début.
Le sénateur Runciman : Élaborez-vous un outil de mesure susceptible d'indiquer que vous réussissez sur ces plans-là et que vous parvenez à convaincre les enfants de ne pas consommer de drogue?
Mme Sabiston : Cela fait partie de la campagne 0 drogue et surtout de la publicité « Avance rapide ». Puis-je me permettre d'inviter la directrice générale de Santé Canada, Jane Hazel, à vous parler de la campagne? Les indicateurs sont bons.
Le sénateur Runciman : Nous manquons de temps et vous pourriez peut-être nous faire parvenir quelque chose à ce sujet.
Mme Sabiston : Oui.
Le sénateur Runciman : Les taux de persévérance sont un autre élément de la loi qui intervient en matière de traitement des toxicomanes. Maître Sansfaçon, l'année dernière, dans votre témoignage, vous nous avez dit que les taux de persévérance des toxicomanes en traitement sont très faibles, puisque 15 p. 100 seulement des inscrits à Toronto et à Vancouver parvenaient au terme du programme. C'est ce que vous nous aviez dit l'année dernière relativement à un projet de loi comparable. Ces données ont-elles changé?
M. Sansfaçon : Je pense que je parlais alors des taux de persévérance des toxicomanes pris en compte par les programmes des tribunaux de traitement de la toxicomanie. Il s'agissait plus particulièrement des programmes initialement testés par le Centre national de prévention du crime. Je n'irai pas jusqu'à dire que c'est la réalité pour tous les programmes de traitement des toxicomanes. Certains, à Justice Canada, seraient sans doute mieux placés que moi pour vous dire ce qu'il en est actuellement. Pour les deux programmes que nous avons testés, c'était effectivement le cas.
La présidente : Maître Saint-Denis, vous voulez peut-être ajouter quelque chose.
Paul Saint-Denis, avocat-conseil, Section de la politique en matière de droit pénal, ministère de la Justice Canada : S'agissant du taux de persévérance, on m'a dit ce matin qu'il était d'environ 19 p. 100, soit en légère augmentation.
Le sénateur Runciman : Comment les gens se qualifient-ils pour être admis dans le programme? Nous en avons brièvement parlé hier. Comment déterminez-vous qu'ils sont aptes à suivre le programme? Sur quel test vous fondez- vous?
Me Latimer : Elizabeth Hendy administre le programme des tribunaux de traitement de la toxicomanie au ministère de la Justice et elle pourrait peut-être vous répondre sur les aspects techniques de ce programme.
La présidente : Nous nous réjouissons de recueillir tous les avis possibles. Pourrait-elle s'avancer rapidement à la table, s'il vous plaît. La sonnerie d'appel va bientôt retentir et de nombreux sénateurs veulent poser des questions.
Le sénateur Runciman : Ce que je crains, c'est que nous admettions les mauvaises personnes dans ce programme. Si le taux de réussite n'a atteint que 19 p. 100, n'est-ce pas parce que le programme est mal structuré? Beaucoup ne considéreraient pas que ce pourcentage est synonyme de réussite.
Elizabeth Hendy, directrice, Direction générale de la mise en œuvre des politiques, ministère de la Justice Canada : Étant donné la cohorte à laquelle nous avons affaire — des sans-abri, des gens peu scolarisés, très accros à des drogues dures comme l'héroïne et la cocaïne crack, soit des gens qui ont d'énormes besoins — un taux de 19 p. 100 est plutôt bon, mais vous avez raison.
Lors de la comparution devant le tribunal, la défense demande à ce que le passé criminel et la toxicomanie du client soient reconnus. La Couronne examine ce passé criminel et adresse une demande ou une recommandation au juge. L'individu est ensuite envoyé en traitement où il fait d'abord l'objet d'une évaluation poussée visant à déterminer s'il est effectivement toxicomane. Une fois que le puzzle est reconstitué, l'affaire est renvoyée devant le juge d'un tribunal de traitement des toxicomanies qui recommande au final d'envoyer ou pas la personne au programme, étant entendu que tout auteur d'un crime violent, toute personne ayant utilisé un jeune dans la perpétration d'une infraction ou s'étant introduite par effraction dans une résidence est automatiquement exclue du programme. Nous tentons plutôt d'envoyer dans ce genre de programme des truands à la sauvette récidivistes qui cherchaient simplement à payer leur consommation quotidienne de drogue.
Le sénateur Runciman : Combien de temps le programme dure-t-il?
La présidente : C'est votre dernière question, sénateur Runciman.
Mme Hendy : Normalement, selon la gravité de la toxicomanie, le programme dure de 12 à 18 mois. On considère que les gens ont réussi au programme s'ils sont restés au moins trois mois sans consommer de drogue, ce qui est contrôlé et vérifié grâce à des tests de dépistage de drogue pendant leur participation au programme.
La présidente : Nous pourrions poursuivre ainsi pendant des heures sur ce sujet, mais les sénateurs Baker, Raine, Boisvenu, Joyal, Chaput et Lang veulent poser des questions.
Le sénateur Baker : Ce n'est qu'une fois qu'ils ont réussi à ce programme qu'ils sont dégagés de toute responsabilité pour leur infraction, n'est-ce pas?
Me Saint-Denis : Non. Pour pouvoir suivre ce programme, ils doivent plaider coupable et ils ne sont donc pas exonérés.
Le sénateur Baker : Je comprends bien et je me suis peut-être mal exprimé. Êtes-vous en train de dire que celui ou celle qui ne parvient pas au terme du programme ne subit pas pour autant un préjudice? C'est, je crois, ce que voulait dire le sénateur Runciman : si l'on est admis au programme, même si on ne le termine pas, on n'a pas ensuite à purger sa peine derrière les barreaux.
Me Saint-Denis : Pas forcément, mais en général, les infractions ouvrant droit à l'accès au programme ne sont pas sanctionnées par une peine d'emprisonnement. Ces gens sont généralement libérés sous probation ou condamnés avec sursis.
Le sénateur Baker : Pour celui qui ne parvient pas au terme du programme?
Me Saint-Denis : Pour celui qui ne parvient pas au terme du programme, il est impossible de dire ce qui va se passer.
Le sénateur Baker : Précisément, et c'est ce dont parlait le sénateur Runciman.
Me Saint-Denis : Dans ce cas-là, le tribunal peut imposer une peine minimale.
Le sénateur Baker : Tout à fait. Celui qui ne termine pas le programme est expédié derrière les barreaux ou est condamné à une autre peine.
La présidente : Autrement dit, il faut aller au bout de la peine, d'une façon ou d'une autre.
Le sénateur Baker : Le sénateur Runciman a l'art de me faire dérailler. Pour ma question principale, je vais vous parler de deux choses à propos desquelles j'aimerais obtenir votre avis. Je vais vous poser ma question.
L'un des programmes de prévention du tabagisme qui a le mieux fonctionné a consisté à projeter des photographies de poumons de fumeurs dans les salles de classe. Les élèves relatent souvent ce genre d'expérience qui les décourage de fumer.
Quelles sont les ramifications possibles de la loi que nous tentons d'éviter? L'article 19 du Code criminel dit que l'ignorance de la loi n'est pas une excuse. Mme Sabiston a parlé des « raves » il y a un instant. Tous les ans, dans tous les partys raves à l'Halloween, la police fait des descentes et inculpe des personnes de possession et de trafic d'ecstasy, drogue très populaire chez les jeunes. La jurisprudence abonde de cas du genre. J'en ai déjà cité quelques-uns lors d'audiences passées. Le ministère ne nous a pas dit à quoi correspondent tous ces noms de substances chimiques, mais le huitième sur la liste correspond à l'ecstasy. C'est la composition chimique de l'ecstasy qui se trouve maintenant à l'annexe I.
La simple possession d'une seule pilule d'ecstasy, qui est inscrite à l'annexe I, peut donner lieu à sept années d'emprisonnement et, si on fournit une pilule à quelqu'un d'autre, on risque la prison à perpétuité. Comme cette drogue est désormais inscrite à l'annexe I, après le passage de ce projet de loi, il y aura d'autres conséquences. On sera mis en liberté sous condition pendant 10 ans, on n'aura pas le droit de posséder une arme à feu et on ne sera pas admissible à un pardon avant 17 ans.
Ma question est très importante : ne devrait-on pas lancer une campagne médiatique pour dire aux jeunes : « Regardez, voici les conséquences de ce genre d'activité selon une nouvelle loi canadienne ». Si j'étais jeune et envisageais de consommer de l'ecstasy, si je savais que je risque la prison à perpétuité et qu'il y aurait bien d'autres conséquences, je crois que je me tiendrais loin de ce produit.
Est-ce qu'à la faveur de l'adoption de ce projet de loi vous n'envisagez pas de lancer une campagne médiatique auprès des jeunes pour leur expliquer les sanctions possibles. Envisagez-vous de faire cela?
Me Latimer : Vous touchez à des aspects intéressants. Pour ce qui est de la campagne médiatique en matière de prévention et des résultats de la campagne antitabac auprès des jeunes — qui a consisté à leur montrer les dégâts possibles que le tabagisme peut occasionner aux poumons — je crois que le ministère de la Santé a testé un certain nombre d'idées auprès de groupes de discussion afin de déterminer ce qui pourrait le mieux fonctionner auprès des jeunes. Je n'ai pas vu la campagne que le ministère destine aux jeunes, mais je crois savoir qu'elle joue beaucoup sur les effets physiques potentiels de certains types de drogues. Pour en revenir à votre première remarque, il est exact que nous envisageons de parler des conséquences et il en sera question dans la campagne médiatique. Jane Hazel serait toutefois mieux en mesure que moi de vous répondre à ce propos.
En deuxième lieu, vous vouliez savoir comment nous faisons connaître à la population en général les conséquences possibles des changements apportés à la loi. Normalement, le ministère de la Justice a recours à des projets spéciaux d'éducation juridique des Canadiens plutôt qu'à des campagnes médiatiques. C'est ce que nous avons fait avec plus ou moins de bonheur dans le passé. Je ne sais pas si Santé Canada a envisagé de traiter du régime de sanctions dans sa campagne médiatique, mais, dans le passé, le ministère de la Justice a examiné les divers mécanismes de vulgarisation juridique pour faire passer l'information sur certains sujets. Terre-Neuve dispose d'un excellent réseau de vulgarisation et d'information juridiques. Les véhicules existent.
Comme ce projet de loi n'a pas encore été adopté, nous n'avons, jusqu'ici, pas fait grand-chose pour déterminer quel serait le meilleur véhicule pour parler des conséquences de ce projet de loi.
Le sénateur Baker : Me permettez-vous une autre question, madame la présidente?
La présidente : Je ne le pense pas, sénateur Baker.
Le sénateur Baker : Je ne pensais pas que vous le feriez. Je me suis dit que vous tenteriez simplement de me détourner du droit chemin pour me faire taire.
La présidente : Loin de moi cette idée, sénateur Baker. Ce serait beaucoup trop risqué pour ma santé.
Le sénateur Raine : Je trouve cela très intéressant et j'apprécie votre présence.
J'ai appris dans mes lectures que la criminalité est surtout associée aux couches sociales inférieures. À cause de cela, beaucoup sont, très tôt dans leur existence, pris en compte par des organismes, que ce soit pour obtenir une assistance sociale, pour bénéficier de services de santé publique, pour obtenir une aide scolaire ou autre. On dirait qu'on ne s'attaque à ces problèmes qu'une fois qu'ils sont apparus.
Ma question s'adresse aux gens de Santé Canada. Ciblez-vous les jeunes mères pour leur apprendre les besoins de leur enfant sur les plans de l'alimentation et des activités physiques? Ce genre de chose n'est pas forcément coûteuse — le gruau coûte moins cher que les suçons. S'intéresse-t-on au phénomène des régimes mal équilibrés comportant trop de sucre, trop de boissons gazeuses à cause desquels les enfants sont indisciplinés, agités, au point qu'il faut leur prescrire du Ritalin? Nous sommes sur une pente glissante si l'on considère qu'il est normal de prendre des cachets à cet âge. Vos programmes visent-ils à intervenir auprès des tout-petits pour éviter qu'ils ne tombent dans la drogue plus tard?
Kathy Langlois, directrice générale, Direction des programmes communautaires, Direction générale de la santé des Premières nations et des Inuits, Santé Canada : L'Agence de santé publique du Canada et Santé Canada administrent des programmes qui portent sur le développement de la petite enfance et qui prévoient des interventions précoces. L'Agence de santé publique du Canada, pour sa part, administre le Programme canadien de nutrition prénatale ainsi que le Programme d'action communautaire pour les enfants.
La Direction générale de la santé des Premières nations et des Inuits gère des programmes que je connais beaucoup mieux, puisque j'en suis responsable. Nous offrons le Programme canadien de nutrition prénatale des Premières nations et des Inuits. Nous avons aussi le Programme d'aide préscolaire aux Autochtones ainsi que, par exemple, notre Initiative sur le diabète chez les Autochtones. Le diabète passe pour être une maladie, mais nous parvenons tout de même à mobiliser des communautés entières autour des thèmes de la saine alimentation et de l'activité physique. À la faveur de la refonte du programme, nous mettons de plus en plus l'accent sur la sécurité alimentaire afin de nous assurer que les collectivités aient accès à des éléments nutritifs. Tout cela se fait dans le respect de la culture des Premières nations et des Inuits parce que nous veillons à ce que les Autochtones aient accès à leurs sources alimentaires traditionnelles.
Nous prenons des mesures et nous préoccupons de la santé mentale des parents afin que ceux-ci soient de bons parents pour leurs enfants. Tous ces programmes jettent le fondement de comportements sains chez les enfants et les familles et permettent d'amorcer un changement d'attitudes au sein des collectivités.
Le sénateur Raine : S'agit-il de programmes relativement récents?
Mme Langlois : L'Initiative sur le diabète chez les Autochtones a été renouvelée dans le budget de 2010. Ce programme existe depuis une dizaine d'années et nous venons d'apprendre qu'il a été renouvelé pour cinq ans. Quant au Programme de nutrition et au Programme d'action communautaire pour les enfants, ils sont en existence depuis un peu plus de 10 ans également.
Le sénateur Raine : Donnent-ils des résultats tangibles?
Mme Langlois : Selon nos évaluations du Programme canadien de nutrition prénatale, de plus en plus de mères allaitent leurs bébés et, dans les cuisines communautaires, les gens s'efforcent de plus en plus de préparer des plats sains et nutritifs. Ainsi, d'après nos évaluations, ces programmes donnent des résultats.
Le sénateur Raine : J'ai participé à des projets qui visaient à promouvoir l'éducation et le conditionnement physiques dans les écoles. Les statistiques actuelles montrent que 6 p. 100 des enfants de moins de cinq ans sont déjà obèses, situation qui est propice à l'échec scolaire parce que ces enfants sont inactifs. Je vous incite à vous attaquer à ce problème dans les plus brefs délais.
Nous n'aurons jamais assez d'argent pour financer ces initiatives. Nous devons nous limiter sur le plan budgétaire à cause de la situation économique actuelle. Ne devrions-nous pas chercher à dissuader les gens de consommer des produits alimentaires nocifs pour la santé tout comme nous l'avons fait avec la cigarette? Une taxe d'un cent sur chaque once de boisson gazeuse et de boisson sucrée contribuerait énormément à financer l'activité physique chez les enfants. Cela vous paraît-il logique? Le secteur de la santé publique peut-il s'en charger ou doit-on adopter une stratégie élargie à cette fin?
Mme Sabiston : Le gouvernement fédéral a adopté la Stratégie en matière de modes de vie sains qui incite à l'activité physique et à l'adoption de saines habitudes alimentaires. Je suis également directrice générale chargée de la lutte contre le tabagisme. Quand plusieurs moyens d'action dont dispose le gouvernement fédéral sont axés sur un domaine en particulier, les choses finissent par aboutir, ce qui vous donne raison.
Le sénateur Raine : Je sais que je vais être hors sujet, mais je pense que c'est une des raisons fondamentales qui expliquent la dérive de certains qui tombent dans la criminalité.
La présidente : Votre remarque est valable, mais nous sommes pressés par le temps.
[English]
Le sénateur Boisvenu : Merci beaucoup de ces informations, c'est très instructif.
Je vais aborder un sujet qui m'apparaît fondamental pour lutter contre l'usage de la drogue chez les jeunes. Quand on regarde des études sur l'usage de la drogue et qu'on voit l'âge, six ans, cela nous dit qu'ils commencent très jeunes maintenant, et les effets se font sentir à long terme.
Les trois derniers meurtres commis au Québec l'ont été par des mineurs de 14, 15 ans, qui avaient des problèmes de consommation. Penser que fumer un petit joint à 14 ans c'est banal, cela peut tout de même conduire à des problématiques majeures.
On va traiter ces jeunes dans des centres jeunesse, sans doute qu'ils vont continuer leur intoxication et se ramasser dans une prison provinciale, puis dans une prison fédérale. Mais tout cela, c'est coupé, c'est des silos, comme si on traitait le jeune de 16 à 18 ans comme un individu, celui de 20 à 24 ans comme un autre individu, et la personne de 30 à 40 ans comme encore un autre individu. On dépense des millions là-dedans, mais cela m'apparaît comme de l'argent jeté au panier tant et aussi longtemps que ces systèmes ne communiqueront pas : les centres jeunesse, les prisons fédérales, les pénitenciers fédéraux.
Vous allez traiter avec des jeunes de 15, 16 ans, sur une courte période d'un à deux ans; à mon avis on devrait traiter ces jeunes sur cinq ou dix ans pour les suivre. La toxicomanie est un problème à long terme et non un problème d'un an, deux ans.
Est-ce que dans votre travail de tous les jours une vision se développe pour intégrer ces organisations qui traitent avec ces jeunes de 14 ans jusqu'à l'âge de 40 ans? Cela m'apparaît comme si chacun travaillait de son côté, et on se demande ensuite pourquoi on a oublié quelqu'un qui a commis un meurtre et qui avait un problème de drogue.
Quelle est votre perception de cela?
[Translation]
Me Latimer : Vous avez dit quelque chose d'intéressant quand vous avez indiqué qu'il existe un lien entre les jeunes qui ont des problèmes de toxicomanie et la criminalité. Il y a plus de jeunes qui présentent des comorbidités — comme des troubles de santé mentale associés à une toxicomanie — dans les établissements correctionnels pour jeunes que n'importe où ailleurs.
La stratégie consiste notamment à déployer les ressources nécessaires pour tester des approches novatrices auprès de jeunes toxicomanes qui ont des démêlés avec le système de justice pour jeunes. Nous avons étudié des approches novatrices pour intervenir auprès des jeunes.
Le traitement des jeunes diffère beaucoup de celui des adultes. Ils ont une mentalité différente. Beaucoup d'adultes, qui s'en sortent après avoir été traduits devant le tribunal de traitement des toxicomanies, avaient atteint le fond. Les jeunes, eux, ne l'atteignent jamais, car ils se croient invincibles et il faut donc recourir à une stratégie différente pour traiter leurs toxicomanies.
Vous avez parlé des infractions les plus graves, de cas de meurtres au Québec. Nous avons prévu une peine fédérale ciblée dans ces cas-là. Il s'agit de la peine de placement et de surveillance dans le cadre d'un programme intensif de réadaptation. Il serait possible d'adopter un plan particulièrement ciblé afin de réduire la violence, plan qui viserait notamment à infléchir la consommation de drogue et qui concernerait les jeunes ayant commis une infraction grave, mais qui souffrent de problèmes de santé mentale sous-jacents. Le gouvernement fédéral consacre quelque 100 000 $ par an à ce genre de grands délinquants afin de s'assurer qu'ils ne seront plus aussi violents après leur libération et qu'on puisse traiter une partie de leurs états sous-jacents à l'origine de leur violence. C'est un problème délicat que nous essayons de régler du mieux que nous pouvons.
Le sénateur Joyal : Bienvenue. Je suis un peu perplexe en vous entendant ce matin. Aucun de vous n'a fait allusion au rapport d'évaluation publié en janvier 2010 par le ministère de la Justice du Canada, par votre section, maître Latimer et maître Saint-Denis, surtout en ce qui concerne les fonds consacrés aux divers piliers, comme on peut le lire à la page 37. Avez-vous cette évaluation?
La présidente : Pour la transcription, je pense que le sénateur Joyal parle de la Stratégie nationale antidrogue, évaluation formative : rapport final daté de janvier 2010.
Me Latimer : Je connais ce document.
La présidente : Je précise la chose pour que la transcription indique ce dont nous parlons. Ce rapport a été produit par la Division de l'évaluation, Bureau de la gestion de la planification stratégique et du rendement de Justice Canada.
Le sénateur Joyal : Un exemple devrait nous permettre de répondre en partie à la question du sénateur Boisvenu. À la page 37, il est question des trois piliers — la prévention, le traitement et l'application : prenons le traitement et le budget global consacré aux Autochtones. De nombreux témoins ont applaudi au fait que nous disposons d'une stratégie pour les Autochtones — il n'y a pas de problème, on s'occupe d'eux. Eh bien, le budget prévu était de 8,3 millions de dollars, mais au bout de trois ans, on n'a dépensé que 500 000 $. Cela veut dire que 94 p. 100 de ce budget n'a pas été utilisé dans le cas des Autochtones. Pensez au problème que le sénateur Boisvenu a soulevé au sujet des Autochtones. Prenons la Stratégie nationale antidrogue : Programme de la justice pour les jeunes ou le Programme de financement des Tribunaux de traitement de la toxicomanie dont les sénateurs Baker et Runciman vous ont parlé. Nous semblons insister sur le sujet, mais c'est parce que cela fait partie du projet de loi. Sur les 7,5 millions de dollars accordés, 2 millions seulement ont été utilisés. Cela veut dire que 73 p. 100 du budget n'a pas été utilisé.
Par ailleurs, tout indique que vous êtes pleins de bonnes intentions, ce que je ne remets pas en question et ce à quoi adhère tout le monde autour de la table. Comme on le voit à la page 47 du rapport, vous disposez de certaines ressources. Forts de certains renseignements, le ministère de la Justice pourrait affirmer qu'il manque de ressources pour acquitter son rôle de responsable de la stratégie.
Pour ce qui est de la coordination dont le sénateur Boisvenu a parlé, prenons la page 27 de ce même rapport où l'on peut lire qu'il est difficile d'obtenir l'adhésion des intervenants, comme les provinces, les territoires et les organisations communautaires. C'est précisément ce dont vous venez de parler.
Ce matin, j'aurais apprécié qu'en marge de votre exposé vous reconnaissiez très honnêtement l'existence de problèmes qu'il conviendrait de régler. Or, vous nous avez tous brossé un tableau idyllique de la situation, mais au vu des statistiques contenues dans votre rapport, le bilan n'est pas aussi positif.
Le rapport comporte trois recommandations qui sont relativement courtes au vu des problèmes dont vous avez fait état. Pourriez-vous nous parler du genre d'interventions urgentes que vous avez entreprises pour réaliser les objectifs de la stratégie globale du gouvernement, qui est une bonne chose, étant donné que les mesures d'application absorbent 86 p. 100 des dépenses? Il n'y a pas de problèmes du côté de l'application, mais pour ce qui est des deux autres piliers, nous sommes encore très loin des objectifs fixés dans le plan.
Me Latimer : Votre remarque est très intéressante. Le ministère de la Justice doit appuyer le ministre qui rend compte au Parlement au sujet de cette stratégie horizontale. Nous avons bien sûr examiné les trois recommandations en question. Nous avons eu plusieurs réunions avec nos ministères partenaires pour voir comment y donner suite. Lors de la dernière réunion générale des directeurs, il a été précisé qu'on a donné suite à toutes les recommandations contenues dans ce rapport. Nous les avons prises au sérieux et avons effectué des corrections à mi-parcours.
Vous avez fait une remarque très intéressante à propos des fonds qui n'ont pas été dépensés dans les délais impartis. Il est toujours difficile pour un ministère responsable d'obtenir des réponses à cet égard. Quand nous demandons précisément pourquoi certaines ressources n'ont pas été utilisées, on nous fournit souvent de bonnes explications. S'agissant d'initiatives horizontales dirigées par un ministère responsable, nous souhaiterions qu'à l'avenir on se demande s'il n'y aurait pas lieu de donner à ce ministère les moyens de réaffecter les ressources non utilisées pour qu'elles puissent profiter à un autre ministère en mesure de respecter les objectifs de la politique. Pour l'instant, nous ne disposons pas de ce genre de souplesse dans les initiatives horizontales. Nous dépendons des ministères qui doivent dépenser les fonds de la façon prévue. C'est un problème structurel caractéristique d'un grand nombre d'initiatives horizontales. Nous nous y intéressons bien sûr.
Le sénateur Joyal : Dans le cas des Autochtones, nous sommes jusqu'ici en retard par rapport à la déclaration de M. Sansfaçon. Le problème, que nous connaissons, c'est qu'il faut se concentrer sur une population vulnérable, celle des Autochtones qui constituent le gros des détenus, surtout parmi les jeunes.
Mme Langlois : À la page 37, il y a une ligne qui concerne le Programme national de lutte contre l'abus de l'alcool et des drogues chez les Autochtones, en vertu du Plan d'action sur le traitement. On y lit que 94 p. 100 des sommes ont été dépensées. C'est ce qui apparaît dans le tableau. Seulement 500 000 $ n'ont pas été dépensés et nous aurons donc dépensé 7,8 millions de dollars sur les 8,3 millions reçus.
Le sénateur Joyal : Quel genre de partenariat avez-vous conclu avec les provinces et les collectivités autochtones en vue de réaliser cet objectif?
Mme Langlois : Il existe un programme depuis un certain nombre d'années. Le Programme national de lutte contre l'abus de l'alcool et des drogues chez les Autochtones, le PNLAADA, a récemment fêté son 25e anniversaire. Aujourd'hui, 58 centres de traitement sont en exploitation. Nous administrons plus de 500 programmes de prévention communautaires dans le cadre de ce PNLAADA. La Stratégie nationale antidrogue nous a permis d'entamer la modernisation de ce programme pour le rendre plus efficace afin de répondre aux besoins des jeunes et de leurs familles, surtout dans le cas de la consommation de drogues illicites. C'est pour ça que nous estimons avoir réussi, non seulement pour ce qui est de l'utilisation des fonds alloués, mais aussi pour ce qui est de la modernisation du programme.
Le sénateur Joyal : Quel genre d'études d'impact avez-vous réalisées pour vous assurer que vos programmes sont efficaces afin de répondre aux objectifs fixés? On a l'impression que le nombre de détenus autochtones augmente d'une année sur l'autre. Il faudra évaluer les programmes en fonction de leur impact. Les statistiques concernant le nombre d'Autochtones incarcérés sont effarantes.
[English]
M. Sansfaçon : Je vous ai mentionné, lors de mon intervention, que tous les projets que l'on finance au titre de la Stratégie nationale de prévention du crime ont une évaluation interne de la façon dont ils sont mis en oeuvre.
Également, une bonne douzaine des projets plus importants que l'on finance font aussi l'objet d'une évaluation d'impact beaucoup plus rigoureuse. D'une part, on essaie ainsi de déterminer dans combien de cas et de quelle manière les jeunes que l'on rejoint par nos interventions diminuent leur usage de substances et, d'autre part — et plus important encore — combien entrent dans la trajectoire de délinquance avérée. Au moins, on sait que pour un certain nombre de programmes prometteurs, on aura de l'information rigoureuse sur leurs impacts.
[Translation]
Mme Langlois : S'agissant des programmes qui concernent les Premières nations et les Inuits nous avons pu, grâce à la Stratégie nationale antidrogue, mettre en œuvre un système d'information de gestion et nous allons pouvoir obtenir ce genre de données. Il s'agit de programmes dont nous avons hérité, mais qui n'étaient pas prolongés par un solide système d'information permettant de suivre les individus à leur sortie du programme.
Il y a toutefois quelques bonnes nouvelles. Par exemple, nos centres de lutte contre l'abus de solvants, qui sont nouveaux dans le système, ont mis certaines mesures en œuvre. Dans l'un d'eux, 84 p. 100 des jeunes n'inhalent plus de solvants six mois après leur sortie; 25 à 30 p. 100 reprennent leurs études et sortent de la criminalité. Nous ne disposons de telles statistiques que pour un petit nombre de centres de traitement, les plus modernes, mais nous espérons en avoir davantage dans l'avenir, après la mise en œuvre de nos systèmes d'information.
Le sénateur Joyal : Il ressort de votre conclusion, à la suite de votre évaluation, que vous continuez d'avoir des difficultés avec vos partenaires provinciaux, territoriaux et communautaires. Comment essayez-vous de les régler?
Mme Sabiston : Nous administrons deux programmes de subventions et contributions à Santé Canada et nous avons complètement modifié celui qui donnait lieu à ce genre de difficultés afin de pouvoir travailler plus facilement en relation directe avec les provinces et les territoires et ainsi régler les problèmes inhérents au système pour l'ensemble des traitements offerts. Pour lancer le programme, nous avons eu à collaborer avec les gouvernements provinciaux et territoriaux. Comme différents ordres de gouvernement sont concernés, il faut beaucoup plus de temps pour mettre un programme en œuvre. Cela étant posé, nous avons reporté les fonds non utilisés et l'argent n'a donc pas été perdu. Il nous est encore possible de les utiliser et nous avons rassemblé les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux pour tenir des discussions sérieuses sur la manière de resserrer notre collaboration. Un plan de travail a été adopté pour donner suite aux constats de l'évaluation.
[English]
Le sénateur Chaput : Ma question fait suite aux questions du sénateur Joyal. Lorsque vous parlez, dans le rapport qui a été publié en janvier 2010, du besoin de réorienter les programmes et de convaincre les partenaires, les provinces, les territoires et les groupes communautaires à ces changements d'orientation, quels sont les changements d'orientation que vous devez apporter aux programmes? Et qu'est-ce qui cause des difficultés auprès des provinces, des territoires et des groupes communautaires? Pouvez-vous me donner des exemples assez concrets?
[Translation]
Mme Sabiston : Avec la permission de la présidente, j'aimerais demander à Debbie Beresford-Green de s'avancer. Elle connaît ces programmes, puisqu'elle les administre.
Debbie Beresford-Green, directrice générale, Direction des programmes, Direction générale des régions et des programmes, Santé Canada : Je suis chargée du Programme de financement du traitement de la toxicomanie, celui-là même qui fait appel à la collaboration avec les provinces et les territoires. Comme Mme Sabiston vous l'a dit, la difficulté tenait au fait qu'il s'agit d'un nouveau programme. Au début, son élaboration a exigé énormément de travail en collaboration avec les provinces et les territoires afin de dégager les bons critères et d'établir les bons mécanismes en vertu desquels des fonds seraient débloqués pour améliorer les systèmes et pour offrir les services de traitement.
À l'époque de l'évaluation, nous étions encore en train d'essayer de réorienter notre approche pour tenter de parvenir à ce résultat. Afin de progresser avec ce programme, comme l'a dit Mme Sabiston, nous avons d'abord reporté les sommes non utilisées pour que nos moyens correspondent davantage à la phase de mise en puissance du programme. Nous avons travaillé en étroite collaboration avec chaque province et territoire pour dégager des solutions applicables à la situation de chacun, qu'il soit question de leur fournir plus d'informations ou de leur communiquer des idées sur la façon de lancer un projet et de le gérer, ou qu'il soit question de voir quelles pratiques exemplaires ces provinces et territoires pourraient retenir afin que les choses bougent un peu plus vite. Depuis cette évaluation, nos conversations ont porté fruit.
[English]
Le sénateur Chaput : Et la difficulté était surtout en termes de l'orientation ou de la façon dont cela se faisait au niveau de la province?
Mme Beresfort-Green : Au début, c'était plutôt concernant le fonctionnement au niveau des provinces et des territoires et les distinctions avec les systèmes fédéraux. Maintenant, ce n'est plus une question d'améliorer la façon d'implanter les projets et de partager les meilleures pratiques.
Le sénateur Chaput : Et si une province voulait instaurer un programme de prévention directement relié aux groupes communautaires, aux écoles et aux parents pour la prévention de la drogue, est-ce que cela tomberait sous la nouvelle orientation que vous voulez donner à la stratégie?
[Translation]
Mme Beresford-Green : En fait, le Programme de financement des Tribunaux de traitement de la toxicomanie relève du Plan d'action sur le traitement. Le Fonds des initiatives communautaires de la Stratégie antidrogue concerne l'aspect prévention. À son propos, nous travaillons directement avec les groupes communautaires qui nous soumettent des propositions. Il arrive souvent que celles-ci soient formulées par des groupes communautaires ayant formé des partenariats — comme des groupes scolaires de Premières nations dans les réserves ou hors réserves — qui nous soumettent leurs projets dans le cadre de ce programme.
Le sénateur Joyal : J'ai une question supplémentaire. Je tiens à souligner que 33 p. 100 seulement des sommes prévues de 47,5 millions de dollars ont été dépensées dans le cadre de ce programme. Vous avez dit avoir la certitude d'être en meilleure posture pour parvenir à vos objectifs de collaboration avec les provinces et les territoires. Cependant, vous dites du même souffle que ces données n'ont pas beaucoup bougé par rapport à la situation de janvier.
Mme Beresford-Green : En fait, il est ici question des années 2007-2008 et 2008-2009 et, depuis, les choses ont bougé. Je n'ai malheureusement pas les pourcentages avec moi, mais il y a eu assurément des progrès depuis cette période.
La présidente : Pourriez-vous nous faire parvenir ce renseignement?
Mme Beresford-Green : Certainement.
[English]
M. Sansfaçon : Simplement vous dire qu'on a aussi rencontré la plupart des difficultés et des défis identifiés par mes collègues. Par exemple, pour la première année de la mise en œuvre de la stratégie, on n'a pas dépensé les montants qu'on avait initialement prévus, même si c'était à partir de notre base, donc ce n'était pas de nouveaux financements. Depuis lors, on a réussi à dépenser deux fois plus que ce qui était initialement prévu. Effectivement, cela demande un certain temps avant d'arriver à travailler conjointement sur une nouvelle façon de faire. Avec l'utilisation de modèles basés sur les connaissances, le temps le permettant, on y arrive.
[Translation]
Le sénateur Lang : Le projet de loi prévoit une peine minimale obligatoire, puisque ceux et celles qui envisagent de pratiquer ce genre de criminalité devront en subir les conséquences. Dites-moi s'il existe un plan ou si vous préparez quelque chose dans le cadre de vos stratégies de communication pour bien faire savoir à la population quelles conséquences il peut y avoir à se livrer au narcotrafic, cela dans l'espoir de dissuader ceux qui songeraient à se lancer dans ce type d'activité. Je suis certain que le sénateur Baker sera d'accord avec moi.
Le sénateur Baker : Nous sommes enfin d'accord sur une chose.
Me Latimer : Vous venez de faire une remarque très intéressante. Le sénateur Baker a posé une question semblable et je vous prie de m'excuser si je vous donne l'impression de me répéter.
En général, après l'adoption d'un projet de loi, le ministère de la Justice a les moyens de lancer des projets d'éducation juridique qui consistent à faire circuler l'information dans les collectivités, surtout dans celles qui risquent d'être particulièrement touchées par les changements législatifs, de sorte à informer la population des modifications apportées. Nous n'en sommes pas encore là, mais quand le projet de loi sera sur le point d'être adopté, je suis certaine que nous examinerons nos priorités au regard des fonds consacrés à l'éducation juridique de la population et que nous lancerons un projet de ce genre.
Le sénateur Lang : Je vais reprendre la balle au bond pour être certain qu'il s'agira bien de communication suivie et pas uniquement d'une simple note de service envoyée aux collectivités, mais bien d'une véritable campagne destinée à sensibiliser les jeunes au sujet des conséquences de tels actes.
Me Latimer : La campagne médiatique relève davantage de mes collègues de Santé Canada. Mme Sabiston voudra peut-être vous répondre.
Mme Sabiston : Pour la campagne, on commence par le commencement, c'est-à-dire par la sensibilisation de la population au sujet des méfaits de la consommation de drogues illicites. Pour le moment, c'est sur cela que porte la campagne médiatique. Les nouvelles publicités sont sur le point d'être lancées et je pense qu'on les trouvera efficaces. En ce qui concerne ce projet de loi et ses conséquences, nous en parlerons une fois que ce texte aura été adopté.
La présidente : Je crois pouvoir dire qu'avec un tel concept, vous obtiendrez l'appui des deux partis.
J'ai trois petites questions, la première pour tirer une chose au clair : en 2007-2008 et en 2008-2009, les dépenses totales prévues pour les tribunaux de traitement de la toxicomanie étaient de 7,5 millions de dollars. Comme on a dépensé 5,5 millions, il reste 2 millions, n'est-ce pas?
Me Latimer : La directrice du programme qui est derrière vous dit non de la tête et je suppose donc que tel n'est pas le cas. Voulez-vous qu'elle vous fournisse cela par écrit?
La présidente : Si elle pouvait le faire, je l'apprécierais, parce que je suis un peu confuse notamment à cause de toutes les initiales qui apparaissent dans ce tableau par ailleurs très intéressant.
Si ce projet de loi devient loi, ce qui semble probable, le système de justice pénale prendra en compte encore plus de délinquants qu'aujourd'hui — du moins on peut le supposer — et on assistera donc à une augmentation du nombre de toxicomanes à traiter. Aurez-vous assez de place pour les accueillir?
Me Latimer : Voulez-vous parler des tribunaux de traitement de la toxicomanie?
La présidente : Des tribunaux et des autres formes de déjudiciarisation, comme les programmes communautaires qui sont une forme de substitution acceptable.
Me Latimer : Nous ne connaissions pas toutes les composantes du projet de loi quand nous avons mis la stratégie en place. Nous avons commencé à examiner la question des tribunaux de traitement de la toxicomanie, mais en plus nous nous sommes dit qu'il fallait tenir compte d'éventuels programmes susceptibles d'être approuvés par le procureur général, comme le prévoient d'autres dispositions. Les tribunaux de traitement de la toxicomanie se trouvent, pour la plupart, dans des centres urbains et ils ont donc facilement accès à des installations.
La présidente : Pas dans l'Est, cependant.
Me Latimer : Non, pas dans l'Est.
Nous pourrons examiner la question pour voir s'il est possible d'offrir des programmes de traitement en vertu de cet article. Nous ne l'avons pas encore fait. Nous n'en sommes qu'aux discussions préliminaires et nous devons encore examiner cet aspect.
La présidente : J'ai posé cette dernière question au nom du sénateur Watt qui a été appelé. Il m'a demandé si je pouvais le faire. Pour en revenir au rapport d'évaluation de la mise en œuvre, qui est devant le comité chargé des questions autochtones, et dont il est question à la page 4, pouvez-vous me dire ce que ce groupe a fait. Vous pourrez, là également, nous répondre par écrit puisque vous devez le faire pour d'autres questions.
Chers collègues, il semble que nous ayons battu le timbre de vitesse par une trentaine de secondes. Merci à tous. Notre prochaine réunion aura lieu la semaine prochaine à 16 h 15 dans cette même salle. Comme nous entendrons trois groupes de témoins, nous devons envisager de siéger jusqu'à 19 heures ou 19 h 15.
Merci beaucoup à nos témoins dont les interventions ont été très utiles et instructives. Nous leur en sommes reconnaissants.
(La séance est levée.)