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Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Affaires juridiques et constitutionnelles

Fascicule 15 - Témoignages du 4 novembre 2010


OTTAWA, le jeudi 4 novembre 2010

Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, saisi du projet de loi S-10, Loi modifiant la Loi réglementant certaines drogues et autres substances et apportant des modifications connexes et corrélatives à d'autres lois, se réunit ce jour à 10 h 35 pour procéder à l'étude article par article du projet de loi.

Le sénateur Joan Fraser (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente : Bienvenue à cette séance du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles. Nous sommes réunis pour expédier quelques affaires courantes puis procéder à l'étude article par article du projet de loi S-10.

Pour commencer avec les motions d'ordre administratif, honorables sénateurs, je pense que vous avez tous en main cette feuille. La première motion appelle quelques explications. Pour ceux d'entre vous qui ne le sauriez pas — j'ai essayé de vous en informer — je serai absente pour affaires parlementaires pendant les deux premières semaines après le congé. Le sénateur Wallace, en sa qualité de vice-président, présidera les réunions. Cependant, nous avons besoin d'une motion pour me remplacer au comité directeur. Il ressort de la consultation menée de notre côté que le sénateur Joyal serait le candidat évident, logique, parfait. Voilà qui peut être considéré comme une présentation partiale. Vous avez sous les yeux le texte de la motion à cet effet.

Le sénateur Angus : Je propose la motion.

La présidente : Tous ceux en faveur? Opposés? Absentions? Adopté.

Nous avons ensuite les documents suivants qui doivent être déposés auprès du greffier du comité. Il y a d'abord l'actualisation de la réponse du gouvernement émanant de l'honorable Peter MacKay, ministre de la Défense nationale, concernant le rapport final du comité sur la réforme du système canadien de cours martiales.

Le sénateur Angus : Avons-nous vu cela, madame la présidente?

La présidente : Oui, tous les documents ont été distribués.

Vient ensuite la réponse de M. Spicer, de la Police régionale de Halifax, à une question que nous lui avons posée lors de sa comparution par vidéoconférence la semaine dernière.

[Français]

La réponse de Mme Catherine Kane du ministère de la Justice Canada a été distribuée aux membres du comité. Quelqu'un peut-il proposer le dépôt des documents auprès du greffier?

Le sénateur Carignan : Je propose la motion.

[Traduction]

Le sénateur Angus : J'aimerais dire un mot à ce propos. Nous avons déjà eu cette discussion, madame la présidente, et je me débats aussi avec cette question au sein du comité que je préside : lorsque nous recevons ces documents a posteriori, les sénateurs n'ont pas la possibilité de poser des questions à leur sujet. Ceux que nous avons ici sont assez pertinents.

La présidente : Le document sur les cours martiales ne concerne pas nos travaux d'aujourd'hui, mais les autres oui.

Le sénateur Angus : À l'avenir, nous devrions chercher une solution. Nous ne l'avons pas encore trouvée.

La présidente : Vous avez tout à fait raison. Nous tâchons de distribuer les documents aussitôt que nous les recevons. Mais nous ne pouvons pas prendre un aiguillon et forcer les gens à nous répondre.

Le sénateur Angus : Nous avons une charge de travail législative si lourde. Étant donné que la présidence souhaite permettre à tous les sénateurs de poser leurs questions aux témoins, il arrive très souvent que les témoins offrent de répondre aux quatre dernières par écrit, et ensuite les réponses arrivent ou n'arrivent pas, ou encore suscitent d'autres questions. Ce n'est pas une façon idéale de travailler, de toute évidence.

La présidente : Je sais; ce n'est pas idéal. Selon mon expérience, sénateur Angus, il n'y a pas de solution idéale. Nous essayons divers moyens pour parvenir à de bons résultats, et nous faisons de notre mieux.

[Français]

Le sénateur Carignan propose que ces documents soient déposés auprès du greffier. Pour? Contre? Abstentions?

[Traduction]

Adopté.

C'est adopté, et comme le comité en a été informé par l'avis de convocation et lors de la réunion d'hier, nous allons maintenant procéder à l'étude article par article du projet de loi S-10. Nous avons dans la salle M. Paul Saint-Denis, de Justice Canada, un visage familier. Il pourra prendre place à la table si nous avons besoin de lui. Les sénateurs pourront l'inviter à s'asseoir à la table s'ils le veulent.

[Français]

Est-il convenu de procéder à l'étude article par article du projet de loi C-10, Loi modifiant la Loi réglementant certaines drogues et autres substances? Pour? Contre?

[Traduction]

Des voix : D'accord.

La présidente : Contre? Abstentions? Adopté.

Le titre est-il réservé?

Des voix : D'accord.

La présidente : C'est d'accord.

L'article 1, qui contient le titre abrégé, est-il réservé?

Des voix : D'accord.

La présidente : C'est d'accord.

L'article 2 est-il adopté?

Le sénateur Baker : Madame la présidente, je propose un amendement à l'article 2.

La présidente : En avez-vous des copies?

Le sénateur Baker : Oui. J'ai remis les copies à la greffière qui va maintenant les distribuer. Peut-être pourrais-je expliquer la nature de l'amendement avant d'en faire lecture.

L'amendement vise à modifier l'article relatif à l'infraction désignée. L'amendement dira qu'il ne suffit pas qu'une personne ait été reconnue coupable d'une infraction désignée au cours des 10 dernières années, mais que cette personne doit avoir purgé une peine d'emprisonnement d'un an ou plus relativement à cette infraction désignée au cours des 10 dernières années.

L'amendement porterait sur l'article 2, page 2, et remplacerait les lignes 6 à 8 par ce qui suit :

infraction désignée et purgé une peine d'emprisonnement d'un an ou plus relativement à cette infraction,

La présidente : Proposez-vous cette motion, sénateur Baker?

Le sénateur Baker : Oui, je propose.

La présidente : Permettez-moi de vous lire la version dans l'autre langue, qui figure au dos, et je vous demanderai ensuite d'expliquer, s'il vous plaît.

[Français]

Il est proposé par le sénateur Baker que le projet de loi S-10 soit modifié à l'article 2, à la page 2, par substitution aux lignes 6 à 8, de ce qui suit :

[...] infraction désignée et purger une peine d'emprisonnement d'un an ou plus relativement à cette infraction.

[Traduction]

Le sénateur Baker : Les membres du comité ne seront pas surpris de cet amendement car le même a été proposé la dernière fois que le comité a été saisi de ce projet de loi. Je rappelle que le comité, dans sa sagesse, l'avait adopté alors.

L'amendement évitera une situation où l'infraction préalable pourrait être considérée comme relativement mineure comparée à d'autres infractions de la même catégorie. Par exemple, une infraction désignée sous le régime de la loi est toute infraction à la Loi réglementant certaines drogues et autres substances qui n'est pas visée par le paragraphe 4(1). Ce dernier intéresse la simple possession. Toute infraction de conspiration ou d'intention de conspirer, telle que trafic, possession aux fins de trafic ou infraction visée par l'une des autres dispositions serait considérée comme une infraction désignée.

Dans une situation où une personne aurait été reconnue coupable au cours des 10 dernières années d'avoir remis — et je prends cela comme exemple — un joint de marijuana ou une pilule de Tylenol 3 ou d'Atasol-30, cette personne serait assujettie à la peine minimale obligatoire. L'amendement dit que non seulement il faudra avoir été condamné pour une infraction de cette nature mais en sus d'avoir purgé une peine de prison d'un an ou plus au cours des 10 années précédentes. Je pense que les membres du comité comprennent cette logique.

La présidente : Discussion?

[Français]

Le sénateur Carignan : Je suis en désaccord avec la proposition d'amendement. Je crois que l'article de loi est clair lorsqu'il mentionne que lorsqu'on purge une peine d'emprisonnement, l'infraction de trafic doit être suffisamment sérieuse et importante pour que le juge condamne à l'emprisonnement.

Plusieurs peines avant l'emprisonnent peuvent être condamnées et si le tribunal a jugé que c'est une peine d'emprisonnement qui devait être donnée suite à l'infraction, c'est que l'infraction était sérieuse et grave.

Les exemples que vous donnez à propos du transfert d'un joint ou d'un comprimé de Tylenol sont des situations extrêmes. Quand j'ai cité ces exemples à des policiers et que je les ai consultés sur le sujet, les gens souriaient un peu parce qu'ils se disaient avoir tellement d'autre travail à faire que de courir après les gens qui transfèrent des comprimés de Tylenol et qu'il est utopique de penser que des gens pourraient être accusés dans de tels cas. Il est d'autant plus utopique qu'ils soient condamnés à des peines d'emprisonnement pour si peu.

Je crois que l'esprit du projet de loi et la lettre actuelle du projet de loi font en sorte d'atteindre l'objectif de dissuasion des récidivistes.

[Traduction]

Le sénateur Wallace : Lorsque je compare cela au texte actuel du projet de loi, la différence est que dans la version anglaise le mot « or » est remplacé par « and ». Est-ce exact?

Le sénateur Baker : Oui.

Le sénateur Wallace : L'effet de cela, à mon sens, va à l'encontre des objectifs qui sous-tendent le projet de loi, soit d'imposer une peine plus lourde aux récidivistes. Je pense que c'est là le but du paragraphe relatif à la condamnation antérieure.

L'un des nombreux problèmes que je vois dans l'amendement proposé est qu'il exige que la condamnation antérieure ait donné lieu à une peine d'emprisonnement d'un an ou plus. Avec les possibilités actuelles de libération anticipée, qui font qu'une personne peut être libérée après avoir purgé seulement un sixième de sa peine, la personne pourrait avoir été condamnée à une peine de cinq ans, soit pour une infraction grave, et cette personne pourrait en fin de compte ne purger qu'un sixième de cette durée, soit moins d'un an et, avec cet amendement, ne serait pas visée par la disposition.

Sauf mon respect, je ne puis accepter cet amendement. Il déroge fondamentalement à l'intention et à l'esprit du projet de loi.

La présidente : Autres interventions?

Le sénateur Baker : Les deux remarques sont excellentes, mais je rétorque à l'appui de mon amendement que dans le premier cas, celui soulevé par le sénateur Carignan, je crois avoir démontré au comité, en m'appuyant sur la jurisprudence, que des personnes ont été condamnées pour trafic pour avoir simplement remis à un policier, sans échange d'argent, une seule pilule d'ecstasy. J'ai cité ce précédent maintes fois au Sénat et au sein de ce comité, et je ne pense pas devoir recommencer.

Cependant, ces précédents existent, et cela n'est pas médire de la police. La police a un travail à faire. Une fois que nous adoptons une loi, elle est obligée de l'appliquer.

En réponse à la deuxième remarque, qui est elle aussi excellente, si vous écopez d'une peine de cinq ans, n'oubliez pas que la possibilité d'être libéré après avoir purgé un sixième seulement de la peine ne s'applique qu'aux prisons provinciales, sur demande présentée au directeur sous le régime de la loi provinciale. Ce n'est que dans des cas tout à fait extraordinaires que l'exemple du sénateur Wallace s'appliquerait. Je persiste à dire que l'amendement est justifié et que quelqu'un pourrait se retrouver condamné à une peine de prison minimale obligatoire pour avoir commis une infraction antérieure relativement mineure.

La présidente : Je ne vois personne d'autre lever la main pour intervenir, aussi nous allons procéder au vote sur l'amendement.

L'amendement est-il adopté?

Des voix : Non.

Des voix : Oui.

Le sénateur Lang : Contre.

La présidente : J'ai besoin d'un peu plus de certitude. Tous ceux en faveur?

Des voix : Oui.

La présidente : Ceux opposés?

Des voix : Non.

La présidente : Je crois que les non l'emportent. Souhaitez-vous un vote par appel nominal, sénateur Baker?

Le sénateur Angus : Avec dissidence.

Le sénateur Baker : Avec dissidence.

La présidente : D'accord. L'amendement n'est pas adopté.

L'article 2 est-il adopté?

Le sénateur Baker : Avec dissidence.

La présidente : Avec dissidence.

L'article 3 est-il adopté?

Le sénateur Baker : Avec dissidence.

La présidente : Adopté avec dissidence.

L'article 4 est-il adopté?

Le sénateur Baker : Madame la présidente, j'ai un amendement à l'article 4. Il ne surprendra pas les membres du comité. Un amendement similaire a été proposé la dernière fois que nous avons étudié ce projet de loi.

Pendant que l'on distribue l'amendement, permettez-moi de vous en expliquer brièvement la raison d'être.

La disposition actuelle dit à l'article 4, page 4, par substitution de ce qui suit...

La présidente : Êtes-vous en train de lire la motion?

Le sénateur Baker : Oui, permettez-moi de présenter la motion car je pense que tout le monde l'a maintenant en main.

Que le projet de loi S-10 soit modifié à l'article 4, à la page 4, par substitution, à la ligne 4, de ce qui suit :

« supérieur à 20, »

[Français]

La présidente : Je vais le lire en français :

Il est proposé par le sénateur Baker que le projet de loi S-10 soit modifié à l'article 4, à la page 4, par substitution, à la ligne 4, de ce qui suit :

« supérieur à 20, ».

[Traduction]

Le sénateur Baker : L'explication de l'amendement est que le projet de loi impose une peine de prison de six mois si le nombre de plants cultivés est inférieur à 201 et supérieur à cinq et si la production est à des fins de trafic.

Cet amendement proposant de replacer le chiffre de cinq plants par 20 repose sur la loi actuelle qui a fait l'objet de nombreuses décisions de justice. Je vous renvoie à James et Moynan c. City of Salmon Arm, 2009 BCHRT 285, soit le Tribunal des droits de la personne de Colombie-Britannique, paragraphe 24. C'est instructif. On lit dans ce jugement :

La licence de production autorisait M. James à cultiver 30 plants de marihuana à l'intérieur de son domicile.

Cette licence est octroyée par le ministre responsable de ce projet de loi, le ministre de la Justice. Si vous prenez un autre jugement, soit Alberta Court of Appeal, R. c. Stoyko, 2008 Carswell Alberta, ALTA, 190, au paragraphe 2, on lit :

Le nombre maximum de plants de marihuana que vous pouvez avoir à tout moment en culture au site de production au terme de cette licence de production pour usage personnel est de 25 (à l'intérieur).

Ce qui se passe ici, c'est que le Règlement sur l'accès à la marihuana à des fins médicales promulgué par le gouvernement autorise l'usage personnel à des fins médicales pouvant aller du traitement de la douleur causée par le cancer à toute affection de la colonne vertébrale et une perte de poids dramatique. Cette licence peut être délivrée pour toutes sortes de raisons et le ministre accorde la licence en vertu de l'article 30 pour la culture à des fins personnelles au domicile de l'intéressé et, comme vous pouvez le voir d'après ces deux exemples, pour des quantités de 30 plants et 25 plants.

Nous adoptons ici une loi qui dit que si vous avez plus de cinq plants, une peine minimale obligatoire va intervenir, ainsi qu'une présomption de trafic. Deux personnes peuvent cultiver de la marijuana pour usage personnel — l'une 6 plants et l'autre 30 plants — et la culture de 30 sera légale parce que la personne détient un permis ministériel. Cependant, la question est la même : quel nombre de plants peut-on considérer être pour usage personnel? Nous faisons valoir que si le ministre considère que 30 plants peuvent être destinés à l'usage personnel, alors peut-être devrions-nous fixer dans ce projet de loi un plafond d'usage personnel pas trop éloigné de ce chiffre.

Et nous proposons 20 plants — sans aller jusqu'à ce que ce la licence ministérielle accorde pour usage personnel, qui est de 25 et 30; nous n'allons pas jusque-là, mais nous disons jusqu'à 20 plants de façon à respecter le pouvoir ministériel en vertu du règlement d'application de cette loi d'émettre des permis pour culture à des fins personnelles. Voilà en gros la logique.

La présidente : Discussion?

Le sénateur Stewart Olsen : À titre de clarification, si vous le permettez, sénateur Baker, vous citiez des précédents intéressants des licences de culture de marijuana à des fins médicales. Est-ce que vous ne mélangez pas les pommes et les oranges, l'usage personnel et l'usage médical? Pourriez-vous m'éclairer?

Le sénateur Baker : Les deux sont pour usage personnel.

Le sénateur Stewart Olsen : Je comprends ce que vous dites.

Le sénateur Baker : Si vous avez un permis ministériel pour usage personnel, vous ne pouvez distribuer la marijuana à quelqu'un d'autre.

Le sénateur Stewart Olsen : Ça c'est pour l'usage à des fins médicales, et le permis ministériel est délivré pour usage médical.

Le sénateur Baker : Oui, pour votre propre usage.

Le sénateur Stewart Olsen : Je vois que le projet de loi dont nous sommes saisis ne parle pas de cela.

Le sénateur Baker : Non.

Le sénateur Stewart Olsen : Merci.

Le sénateur Baker : C'est pourquoi nous proposons un chiffre inférieur à celui que le ministre considère être de l'usage personnel. Dans cet article, non seulement impose-t-on une peine obligatoire, mais il y a aussi une présomption de trafic. Comment pouvez-vous avoir une présomption de trafic lorsque quelqu'un cultive 20 plants pour usage personnel et non pas pour son voisin qui cultive 30 plants pour usage personnel à des fins médicales? Vous ne pouvez tout de même pas dire que l'un trafique et l'autre non. Voilà notre logique.

Le sénateur Stewart Olsen : Mais pour ma part je vois la différence et je pense que la plupart des gens peuvent voir la différence.

Le sénateur Baker : Je suis heureux de voir que vous souscrivez à mon point de vue.

Le sénateur Wallace : Je remercie le sénateur Stewart Olsen. C'est le point sur lequel j'attirais l'attention de tout le monde. J'avais la même difficulté. Je pense avoir compris ce que vous dites, mais l'usage personnel dont vous ne cessez de parler équivaut, aux yeux de beaucoup, à un usage récréatif. Je sais que ce n'est pas votre intention, mais j'ai retiré la même impression. Vous parlez de l'usage à des fins médicales et il existe un mécanisme réglementaire permettant au ministre d'approuver l'utilisation de marijuana à des fins médicales. Il n'y a là rien de nouveau. Il n'y a rien dans ce projet de loi qui soit en rapport avec cela.

Pour remonter dans l'histoire, le contenu du projet de loi C-15 antérieur a été repris dans celui-ci, dont le contenu est par conséquent similaire, voire identique, au projet de loi antérieur.

Vous vous souviendrez que dans le projet de loi C-15, initialement le nombre de plants qui aurait donné lieu à une accusation de production était d'un. On a porté ce nombre de un à cinq, et ce changement a été apporté par la Chambre.

Le but de cet article s'inscrit dans la politique gouvernementale consistant à envoyer des messages forts, de façon à décourager autant que possible la production de drogue et, oui, celle de marijuana — la production illégale de marijuana — et l'utilisation non médicale de marijuana. Donc, au vu de cet historique, je songe à la modification du nombre de plants par rapport à ce qui était initialement prescrit dans le projet de loi C-15.

Je dois me séparer du sénateur Baker. Je pense que cinq est un chiffre raisonnable. Je pense qu'il faudrait le maintenir dans le projet de loi.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : J'ai pour le sénateur Baker une grande admiration. Il est mon mentor sur les questions juridiques. Toutefois, je crois qu'il s'aventure maintenant sur un terrain glissant. Il veut tenter de donner à un article des intentions qui ne sont pas du tout celles du législateur. Une grande faiblesse du Code criminel tient au fait qu'à plusieurs endroits on a prêté au législateur des intentions qui ne sont pas avouées.

Le sénateur Baker veut introduire dans le projet de loi des intentions médicales. Or, il serait préférable de mettre de côté cette question. D'autre part, l'usage de la marijuana à des fins médicales commence à être contesté. À Montréal, il y a six mois, deux maisons de distribution de marijuana à des fins médicales ont été fermées par les policiers car elles constituaient des réseaux de vente.

L'intention du législateur, dans ce projet de loi, cherche à éviter cette voie. Le ministre aura toujours l'autorité d'émettre des permis de consommation à des fins médicales. On ne veut pas restreindre cette portée, mais plutôt le trafic. À mon avis, il serait dangereux d'apporter au projet de loi des intentions médicales. Il vaudrait mieux abandonner le projet de loi plutôt que de présenter de telles intentions devant un juge. L'intention du projet de loi S-10 est de protéger les jeunes qui commencent à consommer très tôt dans leur vie. Le but est d'interdire à des gens de produire de la marijuana à des fins de vente.

Ayant déjà vu un plant de marijuana, j'estime que cinq plants dans sa maison suffisent à la consommation. Un nombre plus grand de plants pourraient constituer du stock excédentaire. Par conséquent, sénateur Baker, je crois que ce terrain est très glissant.

[Traduction]

Le sénateur Joyal : Il ne faut pas oublier que l'article que le sénateur Baker propose d'amender n'enlève rien au fait que, dans toute autre circonstance, cela reste une infraction. L'infraction demeure. C'est uniquement la peine d'emprisonnement obligatoire qui est supprimée.

En acceptant l'amendement, nous ne légalisons rien. Au contraire, nous appliquons exactement la loi de la même manière qu'à la personne qui cultive plus de 20 ou moins de 20. La loi resterait la même. La seule chose que l'on retranche, c'est les six mois pour ceux qui ont entre cinq et 20 plants. C'est en substance ce que nous faisons ici. Il importe de ne pas donner à croire que nous lâchons la bride à quiconque possède entre cinq et 20 plants. Ce n'est pas du tout ce que ferait l'amendement.

La présidente : Sénateur Baker, est-ce que cet amendement rétablirait la latitude judiciaire? Le juge pourrait quand même envoyer la personne en prison s'il le juge approprié, mais il aurait aussi la liberté de ne pas le faire. Est-ce là l'effet de cet amendement?

Le sénateur Baker : Oui. Un juge est toujours confronté à la question, lorsqu'il y a des plants de marijuana dans un logement, et croyez-moi, au fil des ans nous avons promulgué quelques lois très robustes. Vous perdez votre maison. La Couronne confisque votre maison si vous l'avez modifiée en quoi que ce soit pour la production illégale de marijuana en vue de trafiquer. Chaque jour, des maisons sont confisquées. C'est ce que nous avons adopté. C'est inscrit dans la loi. C'est une loi très stricte.

Ce dont nous traitons ici n'a rien à voir avec la confiscation légale.

Ici, nous parlons du nombre de plants et du seuil à partir duquel la peine minimale obligatoire intervient. La question de savoir si les plants servent au trafic est une affaire de nombre, dans l'esprit du juge. Vous ne pouvez avoir 200 plants pour votre usage personnel. Quel chiffre va-t-on établir pour dire que tel nombre est pour votre usage personnel et au-dessus de tel nombre c'est pour le trafic?

Le fait est qu'il pourrait y avoir deux personnes, l'une étant autorisée à avoir 30 plants pour usage personnel à des fins médicales pour gérer la douleur ou toutes sortes d'autres choses. La personne à côté ne devrait pas être autorisée à en avoir autant que 30, mais certainement pas un nombre trop éloigné de celui-ci, car la présomption serait que chez elle aussi c'est pour usage personnel. Ce pourrait très bien être pour usage personnel.

Nous disons que 20 serait un nombre réaliste, comparé à ce qui est actuellement autorisé pour l'usage personnel.

[Français]

Le sénateur Carignan : J'ai aussi beaucoup de respect pour le sénateur Baker. J'avoue que, sur ce point, il m'a fait réfléchir. À mon avis, il ne faut pas confondre l'usage personnel et l'usage médical. Ce dernier n'implique pas nécessairement un usage personnel.

L'usage médical va aussi dépendre des prescriptions accordées aux individus, et ces individus peuvent aussi demander à un producteur désigné de produire de la marijuana pour eux. Le règlement sur la production de marijuana à des fins médicales, si vous le consultez, ne parle pas de nombre de plants, mais établit une formule pour arriver à une quantité de grammes, que la marijuana soit séchée ou non, selon l'aire de production, c'est beaucoup plus complexe et technique dans la réglementation. Donc, il y a une discrétion du ministre; celui-ci a accordé dans les cas cités, j'imagine en fonction de la formule de calcul et de la preuve déposée devant lui, une quantité suffisante pour arriver à une conclusion qu'il devrait accorder un permis de 30 ou 31 plants, selon les circonstances très précises qui ont été données dans ce cas. Il faut faire la distinction et non nécessairement prendre ce jugement avec respect et le citer hors contexte pour prétendre que c'est un jugement pour une production personnelle.

Cela va peut-être plus loin que cela. L'intention du projet de loi est de viser les cas de production à des fins de trafic et non pas pour usage médical, usage personnel. On n'a pas cette formule de calcul, qui est un peu complexe mais qu'on comprendra qu'il serait peut-être déraisonnable d'importer cette formule à l'intérieur du Code criminel, si ce n'est que pour la précision, où là il y aurait des risques de faire déclarer la loi inconstitutionnelle pour imprécision.

Les gens du milieu savent très bien que pour un usage personnel, un à deux plants normalement est assez suffisant, et que cinq plants seraient pour un consommateur d'une bonne résistance. Au delà de cela, je crois qu'il est facile de présumer que c'est pour en transmettre à d'autres, donc à des fins de trafic. Cela m'apparaît raisonnable.

L'autre élément, qui consisterait à le monter à 20 plants, je pense que cela faciliterait le travail des trafiquants qui pourraient le séparer en petites productions de 20 plants pour contourner la loi. Ce n'est peut-être pas une porte ouverte, mais c'est au moins une clé pour ouvrir la porte en montant à 20 plants. Pour tous ces motifs, je suis en désaccord avec l'amendement.

[Traduction]

Le sénateur Wallace : Premièrement, le sénateur Carignan a bien expliqué mon argument que, pour des niveaux de production de six à 200 plants sous le régime du projet de loi, il incombera à la Couronne de prouver que c'est à des fins de trafic. Je ne répéterai pas ce que le sénateur Carignan a si clairement expliqué.

Deuxièmement, lorsque le projet de loi C-15 était devant la Chambre, je crois qu'il y avait eu un accord unanime pour porter le nombre de plants de un à cinq. Je réalise que cela ne nous contraint pas aujourd'hui, mais il importe de voir comment nous en sommes arrivés au chiffre actuel.

En outre, avec le projet de loi C-15, et dans une certaine mesure le projet de loi S-10, les procureurs généraux des provinces ainsi que les policiers ont assez clairement indiqué qu'ils sont en faveur de son libellé actuel. Ce texte n'a pas été créé dans le vide. Établir cinq plants comme maximum n'a pas été fait de manière arbitraire. Si nous sommes à ce niveau aujourd'hui, c'est suite au processus du projet de loi C-15.

Troisièmement, la mention par le sénateur Baker de la confiscation de maisons et des conséquences encourues par ceux qui se livrent à la production de marijuana dans des maisons me rappelle les témoignages frappants que nous avons entendus tant au sujet du projet de loi C-15 que du projet de loi S-10 décrivant les problèmes que les installations de culture engendrent : risque d'incendie, risque pour le voisinage et le danger corollaire. Certains qui se livrent à ce genre d'activités font également usage d'armes et de violence. Un certain nombre de dirigeants de la collectivité nous ont carrément dit que ces cultures prolifèrent dans certains quartiers et qu'il ne faut pas encourager ces installations de culture, ce qui nous ramène à la nécessité d'agir. Selon l'optique du gouvernement, c'est toute la raison d'être du projet de loi S-10.

Évidemment, le sénateur Baker ne sera pas surpris de voir que je suis fermement d'avis que la limite de cinq plants aux fins de production et de trafic est raisonnable à ce stade. Je ne puis approuver votre amendement.

[Français]

Le sénateur Chaput : Je crois que l'intention du projet de loi est toujours de sanctionner le crime organisé. À mon avis, le juge est le mieux placé pour déterminer si le crime organisé est impliqué dans la production d'une quantité inférieure à 20 plants. Alors j'appuie l'amendement.

[Traduction]

Le sénateur Banks : J'ai une question de clarification : sénateur Baker, les deux précédents que vous avez cités, l'un de l'Alberta Court of Appeal et l'autre de la Colombie-Britannique portaient sur des licences octroyées. Étaient-elles délivrées à une personne pour cultiver de la marijuana pour usage médical personnel, ou bien plutôt à une personne pour cultiver de la marijuana pour l'usage médical d'autrui?

Le sénateur Baker : Elles ont été octroyées pour l'usage personnel de marijuana à des fins médicales. Comme l'indique l'extrait que j'ai lu, et le sénateur Carignan a raison, le règlement applique une formule. Un permis peut être délivré qui spécifie le nombre de grammes de marijuana séchée et ainsi de suite. Je pourrais vous faire lecture de 100 jugements de plus, de toutes les provinces, intéressant des personnes qui ont dépassé leurs permis. Ces personnes cultivaient plus que ce que n'autorisait leur permis. J'ai fait lecture des chiffres uniquement pour montrer comment le règlement est interprété par le ministre lorsqu'il délivre des permis pour un nombre précis de plants cultivés à l'intérieur pour usage personnel. Les permis spécifient aussi la quantité de marijuana séchée pour usage personnel que l'on peut avoir en sa possession à tout moment. J'ai cité ces précédents afin de montrer quel nombre de plants est autorisé pour usage personnel.

Le sénateur Banks : Dans ces deux cas et peut-être dans d'autres, le ministre a déterminé que, dans le cas de l'usage médical personnel, un certain nombre de plants est requis pour que la personne dispose de la quantité dont elle a besoin.

Le sénateur Baker : Oui. Ce n'est pas vraiment le ministre. Celui-ci délègue plutôt le pouvoir de délivrer le permis à un fonctionnaire de ce ministère. Le ministre ne porte pas le fardeau de la délivrance des permis.

La présidente : S'il devait signer, il n'aurait jamais le temps de dormir.

[Français]

Le sénateur Carignan : Juste pour souligner les « fins de trafic », si la personne a 20 plants et qu'elle démontre que c'est à des fins légitimes médicales de consommation personnelle, même avec l'article actuel, elle sera acquittée de cette infraction parce qu'il doit y avoir une fin de trafic. Donc la Couronne devra faire la preuve, hors de tout doute raisonnable, le fardeau est important, que la personne a agi à des fins de trafic. Si elle a cinq, six, sept ou huit plants et qu'elle crée un doute que c'est à des fins personnelles et non de trafic, même si la personne a plus de cinq plants, elle ne pourra pas être condamnée pour cette infraction.

À mon avis, la notion de « commise à des fins de trafic » accorde une discrétion judiciaire au tribunal pour éviter qu'en possession de plus de cinq plants, la personne purge systématiquement une peine de six mois de prison. Cela signifie plutôt qu'elle doit être en possession de plus de cinq plants, en plus d'avoir commis l'infraction à des fins de trafic et ce, hors de tout doute raisonnable.

Je ne sais pas si cela apaise vos inquiétudes, mais en ce qui me concerne, je peux dire que cela me rassure.

[Traduction]

La présidente : Sénateur Baker, je reviendrai à vous pour la réponse.

Le sénateur Stewart Olsen : Je serai bref, sénateur Baker. Les cas que vous avez soulevés sont très différents de ceux visés par ce projet de loi. Dans votre argumentation, vous faites état de la détermination par les ministres de différents nombres de plants. Pardonnez-moi, je ne suis pas juriste, mais je dirais que ce projet de loi contribue largement à clarifier les choses pour tout le monde, pas seulement les juges et les ministres. Cependant, vos cas soulèvent différents enjeux et différentes jurisprudences relativement à l'usage médical par opposition au trafic. Par conséquent, je ne puis voter pour votre amendement.

Le sénateur Baker : Le libellé du projet de loi déclenche non seulement l'infraction de trafic mais aussi une peine minimale obligatoire. À partir de quel nombre de plants faut-il déclencher la peine de prison obligatoire de six mois? Le sénateur Carignan dit que la personne ne sera pas condamnée pour possession aux fins de trafic. Cependant, si la personne est jugée innocente de possession aux fins de trafic, elle sera néanmoins reconnue coupable de possession en vertu du paragraphe 4(1).

La question demeure : Quel nombre de plants va-t-on fixer pour déclencher une peine de prison de six mois? Voilà la question posée au comité par cet article. Je conviens avec le sénateur Wallace que le gouvernement avait proposé initialement un plant mais que la Chambre des communes, dans sa sagesse, a porté le chiffre à cinq plants.

La présidente : Sommes-nous prêts à voter?

Le sénateur Banks : Excusez-moi, madame la présidente, c'est probablement inutile mais j'aimerais faire une observation sur le propos du sénateur Carignan. Il a raison lorsqu'il dit que l'accusé n'a pas à prouver son innocence et qu'il incombe à la Couronne de prouver au-delà de tout doute raisonnable qu'il y a intention de trafic. Cependant, il semble que les membres gouvernementaux disent que le nombre de plants détermine la probabilité qu'il y a trafic, ce qui revient à dire qu'un nombre inférieur de plants traduirait une moindre probabilité de trafic, et inversement qu'un nombre plus élevé de plants augmenterait la probabilité de trafic. Le fardeau de la preuve que l'intention est de trafiquer ne change pas, ni dans un cas ni dans l'autre. Dans ces conditions il semblerait plus facile de prouver qu'il y a trafic lorsqu'un plus grand nombre de plants est cultivé.

La présidente : Ceux en faveur de l'amendement, veuillez dire oui.

Des voix : Oui.

La présidente : Ceux opposés, veuillez dire non.

Des voix : Non.

La présidente : Les non l'emportent. L'amendement est rejeté.

L'article 4 est-il adopté?

Des voix : Adopté.

La présidente : Adopté avec dissidence. L'article 5 est-il adopté?

Le sénateur Baker : J'ai un amendement à l'article 5, qui ne surprendra personne car un amendement similaire avait été proposé au projet de loi précédent. Je vais en faire lecture pendant que le texte en est distribué. Je propose que le projet de loi S-10 soit modifié à l'article 5, page 5, par substitution, aux lignes 19 à 26, de ce qui suit :

8.1(1) À deux reprises, soit, respectivement, dans les deux et cinq ans suivant l'entrée en vigueur du présent article, un examen détaillé de la présente loi et des conséquences de son application, assorti d'une analyse coût- avantage des peines minimales obligatoires, doit être fait par le Comité du Sénat, de la Chambre des communes ou des deux chambres du Parlement désigné ou établi à cette fin.

Je propose deux changements majeurs à cet article du projet de loi S-10. Premièrement, le texte actuel dit qu'un examen sera effectué par la Chambre des communes ou par un comité des deux chambres du Parlement, ce qui exclut un comité sénatorial. Mon amendement ajoute un comité sénatorial. Cela est conforme à la pratique actuelle concernant de tels examens.

Deuxièmement, un examen détaillé après cinq ans, en sus de celui après deux ans actuellement prévu dans le projet S-10, sera soumis au gouvernement. Comme les membres du comité le savent et comme il ressort des témoignages entendus, il faut au moins cinq ans pour que l'on puisse cerner ce que devrait couvrir un rapport d'examen présenté au Parlement. Ces affaires de criminalité organisée prennent normalement plus de cinq ans avant que les procédures judiciaires ne soient achevées. Après cinq ans, vous aurez quelques indications des effets de la loi. Si elle était examinée deux ans seulement après l'entrée en vigueur du projet de loi, il faudrait attendre un an avant d'avoir les décisions de justice. En effet, c'est la loi en vigueur au moment où l'infraction est commise qui est appliquée par les tribunaux.

La nouvelle loi s'appliquera aux infractions commises après son entrée en vigueur. L'acte illégal est commis après la modification de la loi, puis vient la mise en accusation et le procès. À la fin du procès la peine est déterminée et c'est à ce stade qu'interviennent les peines minimales obligatoires.

Il est difficile de prédire combien de temps cela peut prendre, car tout dépend de la nature de l'affaire. En tout cas, deux années ne suffiront pas pour voir les résultats. C'est pourquoi nous proposons une période de cinq ans, et qu'un comité sénatorial puisse également faire l'examen.

La présidente : Quelqu'un veut-il intervenir?

Le sénateur Wallace : Je pense que le sénateur Baker soulève un point valide. C'est conforme aux témoignages que nous avons entendus concernant la difficulté pratique d'effectuer un examen détaillé après deux ans, notamment une analyse coût-avantage. Je trouve ses propos très fondés.

Je proposerais, sénateur Baker, plutôt que d'exiger à l'article 8(1) deux examens après des laps de temps différents, soit dans les deux et cinq ans, nous nous contentions d'un examen après cinq ans. De même, votre proposition d'inclure les comités sénatoriaux est judicieuse. Je suis prêt à adopter votre amendement avec la période de cinq ans, mais en supprimant la mention des deux ans.

La présidente : Proposez-vous un sous-amendement?

Le sénateur Angus : On dirait bien.

La présidente : Puis-je supposer, sénateur Wallace, que vous proposez cela? Je suis sûre que la greffière pourra nous fournir le libellé approprié.

Le sénateur Wallace : Je peux vous donner le libellé.

La présidente : Vous pouvez? Excellent.

Le sénateur Wallace : Je travaille à partir de l'amendement du sénateur Baker. Supprimez simplement les mots « à deux reprises, soit, respectivement », commencez la phrase avec « dans », supprimez le mot « deux », et ne changez rien au reste.

On aura ainsi « Dans les cinq ans suivant l'entrée en vigueur du présent article [...] » et on poursuit avec le texte tel que proposé par le sénateur Baker.

[Français]

La présidente : En français, je consulte mes collègues francophones, cela serait donc d'enlever les mots « à deux reprises soit respectivement » et de commencer la phrase « dans », enlever les mots « les deux et ». Donc la phrase dirait :

Dans les cinq ans suivant l'entrée en vigueur du présent article.

Cela irait en français.

Le sénateur Carignan : Est-ce que vous avez enlevé le mot « respectivement »?

La présidente : Oui.

Dans les cinq ans suivant l'entrée en vigueur.

[Traduction]

Souhaitez-vous donner d'autres explications de votre sous-amendement, sénateur Wallace? Vous l'avez expliqué assez clairement.

Le sénateur Wallace : Non, à moins qu'il y ait des questions.

La présidente : Y a-t-il des interventions sur le sous-amendement?

Une voix : Je le trouve excellent.

La présidente : Le sous-amendement est-il adopté?

Des voix : Adopté.

La présidente : Tous ceux en faveur? Opposés? Abstentions? Adopté.

[Français]

Sénateur Carignan, je vous fais mes excuses sur l'amendement même.

Le sénateur Carignan : J'avais demandé la parole suite au sénateur Wallace. C'était pour souligner que le sénateur Baker m'avait convaincu de la pertinence de son amendement. C'était pour suggérer le sous-amendement. Mais le sénateur Wallace l'a fait. Je suis en accord et j'appuie l'amendement principal.

La présidente : On passe au vote sur l'amendement tel qu'il a été amendé.

[Traduction]

Le sénateur Wallace : Je pense que c'est ma présentation irrésistible qui vous a convaincu, mais quel que soit ce qui vous a poussé dans la bonne direction, je suis heureux.

La présidente : L'amendement modifié est-il adopté?

Des voix : Adopté.

La présidente : L'article 5 modifié est-il adopté?

Des voix : Adopté.

La présidente : Il est adopté.

L'article 6 est-il adopté?

Le sénateur Baker : Comme les membres du comité le savent, je suis le critique de ce projet de loi. D'autres membres du comité proposeraient certainement certains de ces amendements s'ils étaient à ma place. Encore une fois, cet amendement n'est pas nouveau car il avait déjà été présenté en comité lors de l'examen du projet de loi antérieur.

Cet amendement ajoute un nouveau paragraphe au projet de loi à l'article 6, page 6, en ajoutant après la ligne 18 ce qui suit :

(6) Le tribunal n'est pas tenu d'imposer une peine minimale d'emprisonnement s'il est convaincu à la fois :

(a) que la personne reconnue coupable est un contrevenant autochtone;

(b) que la peine serait excessivement sévère en raison de la situation du contrevenant;

(c) qu'une autre sanction — raisonnable dans les circonstances — peut être imposée.

(7) S'il décide en application du paragraphe (6) de ne pas imposer une peine minimale d'emprisonnement, le tribunal motive sa décision.

La présidente : Je vais lire la motion dans l'autre langue et nous pourrons ensuite ouvrir la discussion.

[Français]

Il est proposé par le sénateur Baker :

Que le projet de loi S-10 soit modifié à l'article 6, à la page 6, par adjonction, après la ligne 18, de ce qui suit :

« (6) le tribunal n'est pas tenu d'imposer une peine minimale d'emprisonnement s'il est convaincu à la fois :

a) que la personne reconnue coupable est un contrevenant autochtone;

b) que la peine serait excessivement sévère en raison de la situation du contrevenant;

c) qu'une autre sanction — raisonnable dans les circonstances — peut être imposée.

(7) S'il décide en application du paragraphe (6), de ne pas imposer une peine minimale d'emprisonnement, le tribunal motive sa décision. »

[Traduction]

Le sénateur Baker : Nous avons récemment entendu maints témoignages sur ce sujet et la raison d'être de l'amendement est que le Code criminel établit à l'article 718 un régime spécial applicable aux contrevenants autochtones. En outre, il donne suite aux arrêts de la Cour suprême du Canada qui établissent qu'un juge doit tenir compte de facteurs similaires en vue de la détermination de la peine. Je pense que tous les membres du comité connaissent ces arrêts de la Cour suprême du Canada.

Nous avons entendu des témoignages de quelques juristes et d'un professeur de droit à l'effet que la peine minimale obligatoire violerait les articles 12 et 15 de la Charte, de même que l'article 35 de la Constitution. L'on nous a dit également que la disposition ne devait pas être laissée inchangée.

Comme nous le savons tous, nous avons déjà établi dans le passé des peines minimales obligatoires, et elles sont applicables — dans la législation relative aux armes à feu, par exemple.

Le fait est que si vous continuez d'imposer des peines minimales obligatoires sans laisser la moindre latitude au juge, vous arrivez à un stade où vous allez à l'encontre de l'article 718 du Code criminel, une autre loi du Parlement, et à l'encontre de l'esprit des arrêts de la Cour suprême du Canada.

Voilà donc, en substance, la raison d'être de cet amendement. Vous remarquerez qu'il laisse au juge le soin de décider si la peine minimale obligatoire serait excessivement sévère et si une autre sanction serait plus raisonnable dans les circonstances, auquel cas le juge devrait motiver sa décision, donnant ainsi l'occasion à la Couronne d'interjeter appel de la décision du juge de ne pas appliquer la peine minimale.

La présidente : Merci, sénateur Baker. Nous avons pléthore d'intervenants sur celui-ci.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Effectivement, c'est une question que j'ai, surtout par rapport à l'alinéa :

que la personne reconnue coupable est un contrevenant autochtone.

Je donnerais un exemple au sénateur Baker pour essayer de comprendre son raisonnement. En Estrie, dans la région que j'habite, il y a des Autochtones, des Malécites, je pense, qui ont un statut d'Autochtones. Ils ont la carte d'Autochtones. Ils ne demeurent pas dans une réserve. Ils sont intégrés dans une communauté blanche.

Ces gens qui feraient du trafic seraient exclus de toute sentence minimale? Selon cet amendement, oui, parce qu'on dit « que la personne reconnue coupable est un contrevenant autochtone ». À mon avis, un Autochtone est celui qui a sa carte canadienne, reconnu Autochtone, qu'il soit dans une réserve ou pas. Il bénéficie des mêmes droits.

Pour la justice, les citoyens normaux diraient que pour cet individu restant à Sherbrooke, il serait exclu d'une sentence.

La présidente : L'amendement dit : « n'est pas tenu ».

Le sénateur Boisvenu : Il serait traité différemment d'un citoyen blanc. Je le comprendrais parce qu'on l'a fait pour la chasse et la pêche, la loi québécoise de la chasse et de la pêche a reconnu aux Autochtones des droits ancestraux. Ils peuvent chasser en dehors de la saison. Est-ce qu'ici on va leur reconnaître un droit ancestral de faire du trafic?

[Traduction]

La présidente : Sénateur Baker, pourriez-vous dresser une liste des points auxquels vous devez réagir? Cela pourrait durer une éternité.

Le sénateur Baker : Oui.

Le sénateur Lang : J'aimerais passer en revue plusieurs aspects qui rendent cet amendement irréaliste et font qu'il ignore le monde réel auquel nous sommes confrontés au quotidien, surtout dans les parties rurales du Canada.

De nombreuses collectivités autochtones sont aujourd'hui intégrées parce que les choses ont changé, les gens ont quitté ces localités ou s'y sont installés, ce qui fait qu'elles comptent aujourd'hui un mélange d'Autochtones et d'autres Canadiens. Je ne comprends pas comment on pourrait avoir une loi telle qu'un Autochtone et un non-Autochtone seraient pris à faire du trafic et se verraient appliquer chacun une loi différente. C'est contraire au bon sens et irréaliste. La réalité c'est que, dans ces collectivités, lorsqu'on laisse les gens trafiquer et qu'on leur lâche la bride trop longtemps, le résultat peut être la mort d'un toxicomane plus ou moins innocent. Cela a été démontré chez moi hier soir de manière tragique. Nous avons appris cette histoire hier soir.

Je fais valoir que la composition et les caractéristiques démographiques de ces collectivités sont très différentes aujourd'hui d'il y a 30 ans.

Un amendement de cette sorte ignore le problème que connaissent certaines petites collectivités où vous avez deux, trois, quatre ou cinq de ces personnes qui ont la mainmise et terrorisent la collectivité et son impliquées dans l'abus de substances et le trafic qui sévit dans ces localités. Peut-être n'est-ce pas politiquement correct de le dire, mais c'est néanmoins la réalité dans certaines de ces collectivités à travers le Canada.

On nous a dit à maintes et maintes reprises ici que si nous promulguons des lois pour éloigner ces personnes qui exploitent leurs compatriotes et trafiquent de la drogue, pour les envoyer ailleurs, en l'occurrence en prison, alors ces collectivités pourront trouver la paix et la sécurité. À l'heure actuelle, c'est une porte tournante. S'ils sont pris, au bout de très peu de temps ils sont de retour et s'en prennent à leurs voisins.

Pour ma part, je ne puis accepter deux poids deux mesures, ni la prémisse que, parce que j'appartiens à un certain groupe ethnique, on va autoriser le trafic dans ma collectivité, ou du moins sembler le tolérer mieux que dans une autre. Je pense que c'est mal.

Le sénateur Angus : Premièrement, si je saisis bien — et je ne suis pas sûr d'être d'accord avec mon ami, le sénateur Lang — cet amendement dit que le juge jouira d'un peu de latitude dans le cas d'un délinquant autochtone. Cela me trouble. Peut-être faudrait-il une définition, à moins que vous puissiez m'expliquer. Je rejoins là votre argument, sénateur Lang.

Ce que nous avons entendu hier soir au sujet du trouble du spectre d'alcoolisation fœtale était convaincant. Je pense que c'est ce qui motive principalement votre amendement, sénateur Baker.

Cependant, j'ai un problème avec l'alinéa c). Accepteriez-vous de l'enlever? C'est là où vous élargissez insidieusement la portée. Vous ouvrez entièrement le champ.

La présidente : Cela sonne comme une proposition de sous-amendement.

Le sénateur Angus : C'est une question, réellement.

La présidente : Nous devons mettre en délibération immédiatement les sous-amendements, mais c'est une question que l'on vous pose là, sénateur Baker. Seriez-vous réceptif à un sous-amendement supprimant l'alinéa c)?

Le sénateur Angus : Ainsi qu'à l'ajout éventuel d'une définition. Peut-être existe-t-il une définition générique.

La présidente : Il n'y en a pas actuellement dans le paragraphe 718.2e) du Code criminel, et j'imagine que les tribunaux ont trouvé le moyen de s'en accommoder.

Le sénateur Angus : C'était ma question. Est-ce clair?

Le sénateur Baker : L'alinéa c) impose un fardeau supplémentaire au juge car avant qu'il puisse passer outre, il doit non seulement déterminer ou considérer que la peine serait excessivement sévère mais aussi trouver une autre sanction raisonnable.

Le sénateur Angus : Vous pensez donc qu'il est restrictif plutôt que permissif?

Le sénateur Baker : Oui, à cause des mots « à la fois ». Ce serait différent s'il n'y avait pas cette précision.

Le sénateur Angus : Oui, peut-être ai-je mal lu. Merci. Je vais réfléchir et consulter mes collègues.

La présidente : Merci, sénateur Angus.

[Français]

Le sénateur Chaput : Pour moi, le but ou l'objectif de cet amendement proposé par le sénateur Baker n'est pas le droit de reconnaître le droit de faire du trafic pour les Autochtones, mais plutôt de reconnaître que dans le cas des Autochtones, il faut envisager le problème différemment.

Il s'agit de la question du respect de leurs droits et du respect de leurs coutumes et traditions. C'est ce qui fonctionne pour eux, dans leur situation particulière. One size fits all dans le cas des Autochtones, cela ne fonctionne pas. On le sait. La question est de savoir comment le faire.

La peine minimale, telle que définie dans le projet de loi, pourrait être discriminatoire à leur égard parce que cela ne fonctionne pas. Comment le faire?

[Traduction]

Le sénateur Wallace : J'ai plusieurs remarques. Je pense que nous réalisons tous que les Autochtones connaissent des circonstances particulières dont il faut tenir compte, et je songe en disant cela à certains des témoignages que nous avons entendus.

Je sais que le gouvernement s'est efforcé de réagir à cette situation. Certains programmes sont destinés spécifiquement à la collectivité autochtone. Je ne vais pas répéter tout ce qui a été dit hier, mais la Stratégie relative à la justice applicable aux Autochtones a précisément pour raison d'être les besoins et circonstances particuliers de la collectivité autochtone. Nous savons tous qu'il existe des différences historiques, et nous devons en avoir conscience et les garder à l'esprit. Cependant, dans l'autre plateau de la balance il y a le risque de créer un système judiciaire à deux vitesses où les coupables de crimes graves ne seraient pas traités de la même façon selon qu'ils sont Autochtones ou des citoyens autres.

Fondamentalement, c'est l'une des plus sérieuses objections que j'ai à votre amendement, sénateur Baker. Je pense qu'il conduit à un système à deux vitesses. Le projet de loi s'attaque à la grande criminalité liée à la drogue dont les effets sont ressentis au sein de toutes les collectivités autochtones qui ont subi toute la dévastation que cette activité peut engendrer. Les témoins nous en ont parlé. En tant que législateurs, nous devons réagir et voir comment la justice peut être administrée tant dans les collectivités autochtones que le restant du pays. Nous pouvons tenir compte des circonstances spéciales que vivent les délinquants autochtones, mais je ne serais certainement pas en faveur d'un système judiciaire à deux vitesses.

Dans le cas du projet de loi S-10, les contraventions mettent en jeu des facteurs aggravants. Je sais que nous en avons tous conscience, et je l'ai dit plus tôt. Il s'agit de s'attaquer à des crimes graves liés à la drogue, mettant en jeu des organisations criminelles, des armes, des actes de violence, des choses très graves. Que ceux qui souffrent de ces problèmes soient Autochtones ou d'autres Canadiens, nous devons les traiter de manière similaire autant que faire se peut.

Sénateur Baker, je sais que nous avons discuté maintes fois du fait que les peines minimales obligatoires privent les juges de leur latitude, et pas seulement dans le contexte des répercussions sur les collectivités autochtones. Je ne crois pas que le projet de loi S-10 prive les juges de toute latitude. Il la limite — c'est effectivement vrai dans certaines circonstances — mais il ne la supprime pas. Les juges peuvent exercer leur pouvoir discrétionnaire dans la marge qui sépare la peine minimale obligatoire et la peine maximale.

Il nous incombe, à nous les législateurs, de définir et préciser aussi clairement que possible notre intention. Le rôle des tribunaux n'est pas de faire la loi mais d'interpréter l'intention du législateur. Si nous convenons collectivement, peut-être pas à l'unanimité, que la peine minimale obligatoire correspond à notre intention, je ne crois pas qu'en l'imposant nous empiétons sur le territoire et le pouvoir des tribunaux. C'est plutôt l'inverse. Ils ont pour rôle d'interpréter les lois telles que nous les faisons. En l'occurrence, nous disons qu'ils vont conserver leur latitude au-delà du seuil de la peine minimale obligatoire.

Ma dernière remarque sera pour nous rappeler à tous, mais nul ne l'ignore, que le projet de loi offre une porte de secours, non seulement aux délinquants autochtones mais à tous ceux visés par le projet de loi S-10, car tout contrevenant qui accepte de suivre un programme de traitement de la toxicomanie peut échapper à la peine minimale obligatoire.

Les témoins nous ont dit que la disponibilité de ces services dans les collectivités autochtones peut parfois laisser à désirer, mais une action est en cours pour y remédier. L'on nous a dit que des crédits supplémentaires sont débloqués à cette fin et la situation va continuer de s'améliorer.

En conclusion, il faut certes avoir conscience et tenir compte des circonstances spéciales des contrevenants autochtones, mais il ne faut pas pour autant créer un système de justice à deux vitesses.

Le sénateur Runciman : Je partage la crainte que cet amendement introduise une justice à deux vitesses. Ce n'est pas ma seule préoccupation. Je pense que cet amendement va largement contrecarrer l'objectif poursuivi par le gouvernement avec ce projet de loi.

En Ontario, le public est fortement troublé par l'apparence, voire la réalité, que tout le monde n'est pas traité de la même façon dans la province. Nous l'avons certainement vu à Caledonia, qui a été cause de ressentiment. Nous le voyons dans les préoccupations concernant les cigarettes de contrebande, les armes à feu et le trafic de migrants. Ce que le sénateur Baker semble faire ici, c'est consacrer dans la loi le principe que la justice va traiter les gens de façons différentes et, pour ma part, je m'objecte fortement à cela.

Lorsque vous ouvrez la porte avec certaines des autres dispositions de votre amendement, vous créez des échappatoires tellement larges qu'on pourrait y faire passer un camion et qui donneront toutes sortes d'occasions aux délinquants d'échapper à la peine minimale obligatoire. J'ai de fortes objections à cet amendement et je ne pourrais malheureusement pas voter en sa faveur.

Le sénateur Banks : Collègues, il existe en un sens à l'heure actuelle dans ce pays un système judiciaire à deux temps. En bout de ligne, il s'agit d'un système judiciaire à deux temps. Selon la province dont vous parlez, le nombre de personnes autochtones incarcérées, que ces personnes vivent en réserve ou hors réserve, correspond à entre sept et 20 fois le taux de toutes les autres catégories. Nous avons un système judiciaire à deux temps.

En réponse à cette situation, si je comprends bien, le Code criminel reconnaît déjà que les juges doivent tenir compte du fait qu'un contrevenant est ou non autochtone, et si un contrevenant autochtone est jugé coupable, des peines différentes doivent être envisagées. On me corrigera si je me trompe en la matière, mais je pense avoir raison.

J'aimerais porter à l'attention des sénateurs que l'amendement proposé par le sénateur Baker n'est ni prescriptif, ni restrictif. Il ne dit pas que les contrevenants autochtones, trouvés coupables, ne doivent pas, ne seront pas et ne peuvent pas être condamnés à une peine minimale. D'après ma lecture de l'amendement, il dit que le juge, face à de telles circonstances, peut dire « Écoute mon gars, tu vas purger la peine minimale », et plus, plus, plus, si c'est ce que souhaite faire le juge. D'après ma lecture de l'amendement proposé, celui-ci n'établit pas de plafond.

L'alinéa c) de l'amendement, dont ont fait mention certains sénateurs, parle d'une autre sanction comme étant raisonnable dans les circonstances. J'imagine que, dans l'esprit du sénateur Baker, cela renvoie à ces autres sanctions qui sont explicitées dans l'actuel Code criminel. Je vais donc, pour ces raisons, appuyer l'amendement.

Le sénateur Joyal : J'aimerais souligner trois points.

Premièrement, en réponse au sénateur Angus, le Code criminel renferme déjà le même libellé relativement aux délinquants autochtones au paragraphe 718.2 :

(e) l'examen de toutes les sanctions substitutives applicables qui sont justifiées dans les circonstances, plus particulièrement en ce qui concerne les délinquants autochtones.

Cet alinéa fait suite à la décision de la Cour suprême du Canada dans la cause Gladue. Dans cet alinéa, le Code criminel consacre les principes étayés par la cour dans la décision Gladue. En d'autres termes, les tribunaux ont déjà réglé la question du principe de la détermination de la peine relativement aux Autochtones. Il n'y a aucun doute en la matière, sur la base de la Charte. En gros, cela s'appuie sur le fait que les Autochtones ont fait l'objet de discrimination systématique tout au long de l'histoire du Canada, et c'est pourquoi un juge chargé de condamner un Autochtone doit tenir compte d'un certain nombre de facteurs. Ces facteurs sont codifiés dans l'amendement proposé par le sénateur Baker. Autrement dit, le juge doit être convaincu qu'il n'existe aucune autre peine qui soit raisonnable et disponible.

En ce qui concerne l'ouverture offerte relativement à un tribunal de traitement de la toxicomanie ou à un programme de traitement de la toxicomanie, nous avons entendu des témoins dire que ceux-ci ne sont pas à la disposition de la plupart des Autochtones. En d'autres termes, nous créons une possibilité pour le juge de suspendre l'imposition de la peine minimale en présence d'un certain nombre de facteurs, dont les tribunaux de traitement de la toxicomanie et les programmes de traitement de la toxicomanie. Cependant, le policier nous a dit hier que ces tribunaux de traitement de la toxicomanie ne sont pas offerts au Québec, ni dans toute la région des Maritimes.

Le sénateur Angus : Vous êtes en train de dire que, du fait que les peines minimales d'un an et de deux ans soient exécutoires, elles l'emportent sur les principes Gladue?

Le sénateur Joyal : C'est exact.

Le sénateur Angus : En êtes-vous certain?

Le sénateur Joyal : C'est la question que nous avons posée hier soir au spécialiste du droit.

Si nous n'offrons pas au juge les mêmes principes qui existent déjà dans le cas de toute autre infraction, nous renfermons la discrimination systémique dont souffre la population autochtone.

Prenons le crime le plus horrible selon le code, soit le fait d'enlever la vie à autrui. Lorsqu'un Autochtone est jugé coupable d'avoir tué quelqu'un — meurtre au premier degré —, le juge, en déterminant la peine à imposer à cette personne autochtone, doit tenir compte du principe Gladue.

Le sénateur Angus : Dans ce cas-ci, ce serait la même chose.

Le sénateur Joyal : Ici, nous offrons au juge la possibilité d'imposer autre chose qu'une peine minimale s'il est convaincu que la peine serait excessivement sévère et qu'une autre sanction, raisonnable dans les circonstances, pourrait être imposée. Il y a là deux conditions impérieuses.

Il y a une autre sanction raisonnable, et cette sanction peut être imposée, c'est-à-dire est disponible. Dans certaines collectivités, elle n'est peut-être pas disponible, comme l'a indiqué le sénateur Boisvenu. La plupart de ces peines imposées aux Autochtones font intervenir, à un niveau ou à un autre, la collectivité. S'il se trouve que l'Autochtone habite un endroit où il n'y a pas de collectivité autochtone, alors le juge ne peut pas conclure que cette solution de rechange est disponible. Voilà les principes qui sont clairement étayés dans la cause Gladue.

Il n'est pas question d'un laissez-passer pour tout Autochtone accusé. Le juge demeure tenu d'imposer une sanction conformément à certaines conditions bien précises qui sont explicitées dans le jugement Gladue. En conséquence, il s'agit à mon avis d'une façon de protéger la constitutionnalité de ce projet de loi relativement aux Autochtones, en ce qui concerne les peines minimales.

Il n'y a aucun doute dans mon esprit que cet article sera à un moment donné contesté devant les tribunaux sur la base de la Charte, sur la base du principe Gladue et sur la base d'autres articles du code où interviennent ces sanctions.

Le sénateur Angus : Sénateur, il me faudra y réfléchir. Je vous ai écouté attentivement, et je respecte votre avis d'avocat. Cependant, si un juge peut traiter des peines obligatoires qui s'imposent en cas de meurtre au premier degré, tel que vous avez présenté les choses, mais exerce les principes Gladue, je ne vois pas pourquoi il nous faudrait préciser le cas de figure ici. La même chose s'appliquerait au projet de loi S-10.

Le sénateur Joyal : Il s'agit de circonstances différentes, car nous traitons ici d'un minimum, que le juge ne pourrait pas modifier. Comme vous le savez, dans le cas d'un meurtre, le juge peut — et nous l'avons vu il y a deux semaines relativement à une affaire de meurtre bien connue et que je n'ai pas à répéter ici — décider quand la personne serait admissible à une libération conditionnelle. Le juge a toujours loisir de moduler la sanction, même s'il y a un minimum de 25 ans ou l'incarcération à vie.

C'est pourquoi j'estime qu'il est très important de maintenir ces principes. Cet article pourrait, selon moi, être aisément contesté par un Autochtone sur la base du fait qu'un tribunal de traitement de la toxicomanie ou qu'un programme de traitement de la toxicomanie ne sont pas disponibles. Nous avons entendu dire à quel point il est difficile de maintenir de tels programmes de traitement dans les collectivités autochtones et qu'il n'y a aucune possibilité pour un juge d'imposer une peine différente. J'estime qu'il est important d'énoncer ces principes.

Le sénateur Angus : Madame la présidente, nous traitons ici d'un point de droit. Je me demande si nous ne pourrions pas à ce stade-ci entendre le représentant du ministère de la Justice.

La présidente : J'invite M. Saint-Denis à se joindre à nous.

Le sénateur Angus : S'il le souhaite.

La présidente : Il n'a pas l'air heureux.

Le sénateur Angus : Les spécialistes du ministère éclaircissent toujours grandement ces questions.

Paul Saint-Denis, avocat-conseil, Section de la politique en matière de droit pénal, ministère de la Justice Canada : Merci, madame la présidente. Comme vous pouvez le voir, j'ai même apporté avec moi ici ma carte d'identité.

Le sénateur Angus : Les principes Gladue ne s'appliqueraient-ils pas à cette disposition en l'absence d'un tel amendement?

M. Saint-Denis : Je pense que les principes Gladue s'appliqueraient, mais en ce qui concerne le maximum pouvant être imposé, et non pas le minimum.

Le sénateur Joyal a fait état de la peine minimale qui est imposée en cas d'homicide, de meurtre au premier degré, et la cour n'a en la matière aucune marge de manœuvre. La peine minimale est imposée. Là où le tribunal peut exercer un certain pouvoir discrétionnaire est au moment de faire intervenir la libération conditionnelle.

Je dirais également que, dans les cas d'application de la peine minimale pour les crimes mettant en cause des armes à feu, la cour n'a, encore une fois, aucune marge discrétionnaire. Le principe Gladue s'appliquerait en ce qui concerne le maximum, mais pas le minimum. La peine minimale serait toujours imposée, que la personne soit autochtone ou non. Ce serait la situation ici également.

Le sénateur Angus : Le minimum pare à cela.

M. Saint-Denis : Oui, en ce qui concerne le minimum.

Le sénateur Angus : Il ne s'agit pas ici d'un précédent?

M. Saint-Denis : Non, parce que le code renferme un grand nombre de peines minimales.

Le sénateur Angus : Elles sont constitutionnelles.

M. Saint-Denis : De manière générale, elles ont toutes été jugées constitutionnelles, en ce qui concerne les armes à feu, la conduite en état d'ébriété et les peines minimales pour meurtre au premier et au second degré.

Le sénateur Joyal : La chose pourrait être contestée, s'il s'agissait d'une personne autochtone?

M. Saint-Denis : Je ne pourrais pas vous dire.

Le sénateur Joyal : Nous avons posé la question hier à des témoins que nous avons entendus. J'ignore si vous avez lu la transcription.

M. Saint-Denis : Non, je n'en ai pas encore eu l'occasion. En ce qui concerne les armes à feu, je sais qu'il y a eu plusieurs contestations de la part d'Autochtones, mais j'ignore si celles-ci concernaient l'aspect dont il est question ici dans cette discussion.

Le sénateur Baker : Ce que vous venez de dire et de porter à notre attention laisse néanmoins ouverte la question, n'en conviendriez-vous pas, qu'avec un nombre accru de peines minimales obligatoires, l'on pourrait en arriver à un point où l'on irait à l'encontre de l'alinéa 718.2e) du Code criminel, ainsi que des désirs de la Cour suprême du Canada dans certains de ses jugements, qu'il s'agisse de la cause R. c. Wells ou de la cause R. c. Gladue, voulant que chaque minimum obligatoire soit assorti de son propre bagage devant être tranché par la cour, et où une décision antérieure rendue relativement à une histoire d'armes à feu, par exemple, pourrait être de nouveau portée devant les tribunaux avec une nouvelle disposition en matière de minimums obligatoires contenue dans le projet de loi? Cela n'empêcherait certainement pas de telles actions, ne conviendriez-vous pas?

M. Saint-Denis : Je ne suis pas certain d'être entièrement d'accord. L'on pourrait certainement avancer cet argument, mais, encore une fois, un argument contradictoire serait que le jugement Gladue a toujours une incidence, mais davantage en ce qui concerne le maximum que les tribunaux imposeraient, ou la sanction supérieure au minimum, auquel cas le tribunal pourrait tenir compte des circonstances particulières entourant le délinquant autochtone.

L'autre chose, cependant, est que dans la cause Gladue, la cour a convenu de l'existence de certaines infractions. La cour n'a pas précisé lesquelles, mais elle a dit qu'il y a des infractions pour lesquelles, peu importe les circonstances spéciales de l'Autochtone concerné, ce contrevenant devrait être traité exactement de la même manière que le contrevenant non autochtone.

L'argument à l'encontre de cette thèse serait qu'il revient au Parlement de décider, dans certains cas, quelles infractions méritent d'être traitées sur une base plus sérieuse, et qu'en conséquence tous les contrevenants devraient être traités de la même manière, nonobstant le jugement Gladue.

Le sénateur Baker : Cela est contraire à l'objet de l'alinéa 718.2e).

M. Saint-Denis : L'article 718 s'appliquerait toujours, même dans les cas d'imposition de peines minimales, mais il s'appliquerait aux cas pour lesquels une sanction supérieure à la peine minimale serait imposée.

Le sénateur Baker : J'aurai une dernière question, monsieur Saint-Denis. Dans le cas d'une décision rendue le mois dernier, un juge de la Cour supérieure de l'Ontario a été confronté à la même question que celle qui nous occupe ici aujourd'hui. Les juges sont régulièrement confrontés à des violations de la Charte en ce qui concerne les peines minimales obligatoires et les délinquants autochtones. La solution proposée au projet de loi réglerait cette question.

M. Saint-Denis : Cela est possible, mais la question de contestations fondées sur la Charte en ce qui concerne les peines minimales obligatoires généralement, et plus précisément dans le contexte du projet de loi S-10, a été soulevée par des témoins antérieurs. Il ne serait pas inhabituel ni surprenant que la première ligne de défense pour les personnes aujourd'hui accusées d'une infraction assortie d'une peine minimale soit de soulever la Charte comme salve initiale en vue d'obtenir l'acquittement. Ce serait normal. Si j'étais avocat de la défense, la première chose que je ferais serait de m'opposer à ces peines minimales en invoquant la Charte.

Cependant, l'un des éléments qu'examineront les tribunaux sera la question de savoir si ces sanctions sont déraisonnables. En matière de peines minimales, celles-ci ne sont pas aussi sérieuses que celles fixées pour l'homicide et que nombre des sanctions minimales prévues pour les crimes mettant en cause des armes à feu. Ces peines varient de six mois à trois ans et sont imposées lorsqu'il y a circonstances aggravantes. C'est ce qui fait qu'il s'agit ici d'une approche taillée sur mesure en ce qui concerne les infractions en matière de drogue. Étant donné que ces facteurs aggravants sont considérés comme étant relativement sérieux — utilisation d'armes à feu, crime organisé, vente de drogues à des enfants, et ainsi de suite —, à mon sens, les tribunaux conviendront que ces sanctions sont raisonnables et, en conséquence constitutionnelles.

Le sénateur Baker : Le fonctionnaire expose fort bien le point de vue du gouvernement.

[Français]

Le sénateur Carignan : Le jugement dans l'affaire Gladue a été rendu en 1999, et traite de l'application de l'article 718.2e) du Code criminel, donc l'article existait déjà lorsque Gladue a établi les principes de détermination de la peine, particulièrement en présence d'une personne autochtone, il le faisait en appliquant l'article 718.2e) du code, donc ce n'est pas nécessairement dû au fait que c'était des droits ancestraux ou que c'était relié au fait d'une autre garantie prévue dans la Charte. Il ne faisait qu'appliquer les circonstances de l'article 718.2e) du Code criminel, comme cela pourrait s'appliquer à d'autres personnes que les Autochtones, aux Africains ou à différentes situations personnelles de races autres que les Autochtones. Parce que l'article dit bien : et plus particulièrement en ce qui concerne les délinquants autochtones. Ceci n'exclut pas les autres. Ce n'est pas une disposition spécifique aux Autochtones.

M. Saint-Denis : Vous avez tout à fait raison. L'article n'est pas limité aux Autochtones, mais vise tout particulièrement les Autochtones.

Essentiellement on demande aux tribunaux de tenir compte des facteurs qui mitigent les circonstances de la commission de l'infraction et on demande aux tribunaux de tenir compte particulièrement des circonstances qui entourent la personne autochtone accusée.

Le sénateur Carignan : Et ma deuxième question est assez précise. Avant de déclarer inconstitutionnel un article de loi comme une peine minimale, qui s'applique à l'ensemble sur la base de la race d'un individu, il faudrait reconnaître que, pour l'Autochtone, on doit tenir compte dans la détermination de la peine de certains principes correctifs. Ce que je comprends du traitement différent pour l'Autochtone, c'est en raison de la tradition de la justice corrective en matière autochtone et non pas à cause des faits soulevés par rapport à l'absence de traitement. Ce sont les principes traditionnels de la justice autochtone qui sont des principes de justice corrective.

Mais, il faudrait aller plus loin que cela et dire que ces principes correctifs sont des droits ancestraux afin d'arriver à la conclusion qu'il y a une inconstitutionnalité. Et avant de déclarer inconstitutionnel un article, il y a des jugements à la Cour suprême qui parle de reading in, reading out . Donc il y a de fortes chances que la Cour suprême, plutôt que de traiter inconstitutionnel un article qui s'applique à l'ensemble de la population arrive avec un principe de reading out et qu'il considère une inapplication tout simplement aux Autochtones.

Il y a plusieurs outils que la Cour suprême pourrait utiliser.

M. Saint-Denis : C'est tout à fait juste. Il y a différentes possibilités pour la cour de traiter ces dispositions, si elle voulait conclure qu'il y avait des problèmes constitutionnels avec ces dispositions.

Le sénateur Carignan : Sans nécessairement les déclarer inconstitutionnelles.

M. Saint-Denis : Sans nécessairement les déclarer inconstitutionnelles.

[Traduction]

Le sénateur Wallace : M. Saint-Denis a couvert ma préoccupation dans sa réponse au sénateur Baker. Je n'ai pas d'autres questions.

La présidente : Quelqu'un d'autre aurait-il une question pour M. Saint-Denis?

Le sénateur Joyal : J'ai écouté attentivement M. Saint-Denis. Je continue de penser qu'il y a un doute quant à l'application de certaines de ces dispositions aux Autochtones dans le contexte de la discrimination systémique dont ils ont fait l'objet dans le cadre du système judiciaire canadien. Dans certaines provinces, le nombre des détenus autochtones est si élevé qu'il y a un problème sociétal avec les Autochtones par rapport au système de justice pénale en général.

Comme je l'ai dit plut tôt, cela ne suspend pas le processus de détermination de la peine. Le juge est tenu d'imposer une peine. Il ne s'agit pas d'un laissez-passer permettant aux Autochtones de s'adonner comme ils le veulent au trafic de drogues. Les contrevenants autochtones continuent de devoir comparaître devant la cour, et s'ils ont un casier judiciaire, le juge doit en tenir compte. Le juge doit réfléchir à la question de savoir si une autre sanction serait raisonnable dans les circonstances. Dans chaque cas, le juge doit trancher sur la base du passé de l'Autochtone qu'il a devant lui.

Je demeure convaincu qu'il y a toujours une possibilité de contestation fondée sur la Charte.

M. Saint-Denis : Je ne peux pas nier que cette possibilité existe. La première ligne de défense de la défense sera de contester la constitutionnalité de ces dispositions. Nous ne débouchons simplement pas sur les mêmes conclusions quant à la probabilité d'une contestation réussie.

Je vous rappellerai que ces peines minimales ne seraient invoquées qu'en présence de sérieux facteurs aggravants. Vous avez, par exemple, mentionné l'existence d'un casier judiciaire comme étant un facteur dont tiendrait compte la cour face à un contrevenant autochtone. Ce serait là l'un des facteurs aggravants. La cour tiendrait également compte de l'utilisation ou non d'une arme à feu, ainsi que de l'usage, ou de la menace, ou non de violence. Le projet de loi dit qu'en présence de telles circonstances, la cour doit imposer ce minimum. Elle peut imposer une peine supérieure, selon le degré de gravité de ces facteurs, mais je ne saurais vous convaincre que ces jugements ne seront pas contestés. Je pense qu'ils le seront, et il nous faudra voir ce qui se passera. Le ministère de la Justice Canada est d'avis que ces jugements seront défendus avec succès.

La présidente : Je demanderais aux collègues de limiter au maximum leurs échanges en aparté et de parler aussi doucement que possible.

Y a-t-il d'autres questions pour M. Saint-Denis?

Le sénateur Baker : Monsieur Saint-Denis, je suis certain que vous conviendrez que lorsque des fonctionnaires comme vous témoignent devant le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, leurs témoignages sont parfois utilisés lors de décisions judiciaires aux fins d'interprétation de la volonté du législateur. Seriez-vous d'accord avec moi là-dessus?

M. Saint-Denis : Je pense que l'on accorde beaucoup plus de poids aux observations et opinions des honorables sénateurs.

Le sénateur Baker : Monsieur Saint-Denis, je pourrais vous montrer de nombreux exemples où vous et d'autres fonctionnaires du ministère de la Justice Canada ont été cités.

Madame la présidente, il est bien que M. Saint-Denis nous donne une honnête opinion, mais je sais qu'il y a des paramètres et des limites à l'égard de l'expression de toute opinion concernant la réussite de contestations fondées sur la Charte, étant donné que l'on fera appel au ministère pour lequel travaille le témoin pour essayer de défaire une telle proposition.

[Français]

Le sénateur Carignan : Sur la principale, je pense que l'intention de vouloir protéger un groupe d'individus peut être louable. Je ne suis pas prêt à dire qu'il y a une discrimination systémique, mais c'est certainement une distinction. Est- ce que cette distinction est justifiée? Nous devons être extrêmement prudents avant d'introduire dans le Code criminel une distinction justifiée sur la race ou sur l'origine ethnique.

Je n'ai pas trouvé beaucoup d'exemples. J'ai regardé rapidement, mais à ma connaissance, il n'y a pas d'exemples de discrimination, une distinction d'un individu autre que sur l'âge pour commettre une infraction ou non. Sur la race, je ne vois pas ce qui pourrait constituer une infraction. Cela devient presque une infraction quand on parle d'une peine minimale de deux ans avec cinq plants ou d'une intention de trafic versus une autre. C'est presque une infraction.

Donc il faut être prudent. Deuxièmement, il peut y avoir un effet pervers à cela. On le voit, les groupes criminalisés adaptent leurs méthodes en fonction de la loi lorsqu'ils commettent des crimes. Si on exclut les Autochtones et les réserves de cette partie de la loi, ils peuvent devenir des cibles que le crime organisé va encore utiliser pour faire du trafic, parce qu'ils ne sont pas assujettis aux peines minimales, donc moins susceptibles d'être punis. C'est donc plus facile de les convaincre de tomber dans le trafic. Il y a plusieurs réserves autochtones aux frontières canado-américaines qui peuvent devenir des cibles encore plus importantes qu'elles ne le sont déjà.

Alors que votre intention est d'éviter un chef d'accusation aux Autochtones, peut-être que l'amendement aurait l'effet inverse, c'est-à-dire que cela augmenterait les chefs d'accusation dus au crime organisé qui, lui, s'adapterait. Je suis donc en désaccord avec l'amendement.

Le sénateur Boisvenu : Pour avoir beaucoup travaillé avec les Autochtones, je pense qu'on se retrouve davantage devant deux systèmes sociaux à deux vitesses, que devant deux systèmes de justice à deux vitesses.

Selon moi, perpétrer, dans le Code criminel, le traitement des Autochtones de façon particulière, c'est les maintenir dans un système social à deux vitesses. Il faut aller au-delà de ça. On ne travaille pas sur la bonne cible lorsqu'on a des Autochtones devant la justice et qu'on leur dit : « On va vous traiter différemment parce que vous avez des problèmes sociaux différents. » La solution n'est pas de les traiter différemment devant la justice, mais de régler leurs problèmes sur les plans social et économique. Tout simplement.

[Traduction]

La présidente : Sénateur Baker, auriez-vous des remarques finales à faire?

Le sénateur Baker : Je pense que tout a déjà été dit. Le fait est que l'alinéa 718.2e) existe bel et bien dans le Code criminel, et les décisions de la Cour suprême du Canada sont là pour nous guider. Cette disposition visait simplement à cerner encore davantage ces aspects qui font partie du droit canadien.

La présidente : Merci, sénateur Baker.

Nous allons maintenant mettre aux voix l'amendement. Que ceux qui sont en faveur de l'amendement veuillent bien dire « oui ».

Des voix : Oui.

La présidente : Que ceux qui s'opposent à l'amendement veuillent bien dire « non ».

Des voix : Non.

Le sénateur Joyal : Pourrions-nous avoir un vote par appel nominal?

La présidente : Certainement.

Shaila Anwar, greffière du comité : L'honorable sénateur Fraser.

Le sénateur Fraser : Oui.

Mme Anwar : L'honorable sénateur Angus.

Le sénateur Angus : Non.

Mme Anwar : L'honorable sénateur Baker.

Le sénateur Baker : Oui.

Mme Anwar : L'honorable sénateur Banks.

Le sénateur Banks : Oui.

Mme Anwar : L'honorable sénateur Boisvenu.

Le sénateur Boisvenu : Non.

Mme Anwar : L'honorable sénateur Carignan.

Le sénateur Carignan : Non.

Mme Anwar : L'honorable sénateur Chaput.

Le sénateur Chaput : Oui.

Mme Anwar : L'honorable sénateur Joyal.

Le sénateur Joyal : Oui.

Mme Anwar : L'honorable sénateur Lang.

Le sénateur Lang : Non.

Mme Anwar : L'honorable sénateur Runciman.

Le sénateur Runciman : Non.

Mme Anwar : L'honorable sénateur Stewart Olsen.

Le sénateur Stewart Olsen : Non.

Mme Anwar : L'honorable sénateur Wallace.

Le sénateur Wallace : Non.

Mme Anwar : Pour : 5; contre : 7.

La présidente : L'amendement est rejeté.

L'article 6 est-il adopté?

Une voix : Avec dissidence.

La présidente : L'article est adopté avec dissidence.

L'article 7 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

La présidente : Adopté.

L'article 8 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

La présidente : Adopté.

L'article 9 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

La présidente : Adopté.

L'article 10 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

La présidente : Adopté.

L'article 11 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Une voix : Avec dissidence.

La présidente : L'article est adopté avec dissidence.

L'article 12 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

La présidente : Adopté.

L'article 13 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

La présidente : Adopté.

L'article 14 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

La présidente : Adopté.

La présidente : L'article 16 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

La présidente : Adopté.

[Français]

L'article 1, qui contient le titre abrégé, est-il adopté?

Des voix : D'accord.

La présidente : Adopté.

[Traduction]

Avez-vous dit « Adopté avec dissidence », sénateur Banks?

Le sénateur Banks : Oui, je suppose.

La présidente : Avec dissidence.

Le titre est-il adopté?

Des voix : D'accord.

La présidente : Adopté.

Le projet de loi modifié est-il adopté?

Le sénateur Joyal : Avec dissidence.

La présidente : Avec dissidence.

Le sénateur Wallace : Un vote par appel nominal, s'il vous plaît.

La présidente : On demande un vote par appel nominal.

Mme Anwar : L'honorable sénateur Angus.

Le sénateur Angus : Oui.

Mme Anwar : L'honorable sénateur Baker.

Le sénateur Baker : Non.

Mme Anwar : L'honorable sénateur Banks.

Le sénateur Banks : Non.

[Français]

Mme Anwar : L'honorable sénateur Boisvenu.

Le sénateur Boisvenu : Oui

Mme Anwar : L'honorable sénateur Carignan.

Le sénateur Carignan : Oui

Mme Anwar : L'honorable sénateur Chaput.

Le sénateur Chaput : Non.

Mme Anwar : L'honorable sénateur Joyal.

Le sénateur Joyal : Non

[Traduction]

Mme Anwar : L'honorable sénateur Lang.

Le sénateur Lang : D'accord.

Mme Anwar : L'honorable sénateur Runciman.

Le sénateur Runciman : Oui.

Mme Anwar : L'honorable sénateur Stewart Olsen.

Le sénateur Stewart Olsen : Oui.

Mme Anwar : L'honorable sénateur Wallace.

Le sénateur Wallace : Oui.

Mme Anwar : Pour : 7; contre : 4; abstention : 1.

La présidente : Le projet de loi modifié est adopté.

Le comité souhaite-t-il que des observations soient annexées au rapport?

Le sénateur Stewart Olsen : Y a-t-il eu une abstention?

La présidente : Oui; c'est moi qui me suis abstenue. En ma qualité de présidente du comité, je m'abstiens en général de voter. J'ai voté en faveur du dernier amendement pour des raisons qui seraient mieux exprimées par le sénateur Joyal. En règle générale, je ne vote pas.

Honorables sénateurs, est-il convenu que je fasse rapport du projet de loi modifié au Sénat et, qu'advenant mon absence, le vice-président, le sénateur Wallace, en fasse rapport au Sénat?

Des voix : D'accord.

Le sénateur Angus : Aujourd'hui.

La présidente : Merci, honorables sénateurs, et merci à vous, monsieur Saint-Denis.

Le comité se réunira dans cette salle dans deux semaines moins un jour à 16 h 15, ou à l'ajournement du Sénat. Comme cela a déjà été déterminé, c'est le sénateur Wallace qui occupera alors le fauteuil. J'espère que tout le monde aura une merveilleuse semaine de relâche.

Le sénateur Angus : Merci, madame la présidente.

(La séance est levée.)


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