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Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Affaires juridiques et constitutionnelles

Fascicule 16 - Témoignages du 25 novembre 2010


OTTAWA, le jeudi 25 novembre 2010

Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, à qui a été renvoyé le projet de loi C- 464, Loi modifiant le Code criminel (motifs justifiant la détention sous garde), s'est réuni aujourd'hui à 10 h 34 pour examiner le projet de loi.

Le sénateur John Wallace (vice-président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le vice-président : Chers collègues, si vous voulez bien vous asseoir, nous allons commencer.

Honorables sénateurs, chers invités, bonjour. Je m'appelle John Wallace, je suis un sénateur du Nouveau-Brunswick et le vice-président du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles.

Premièrement, permettez-moi de vous fournir un bref aperçu du sujet à l'étude aujourd'hui. Le projet de loi C-464, Loi modifiant le Code criminel, motifs justifiant la détention sous garde, comme on l'appelle, est un projet de loi qui contient un seul article qui, s'il était adopté, modifierait une des dispositions régissant la mise en liberté provisoire par voie judiciaire, plus couramment appelé la mise en liberté sous caution, et qui se trouve à l'article 515 du Code criminel.

Plus précisément, l'article 1 du projet de loi modifierait l'article 515(10)b) en ajoutant les mots « personnes âgées de moins de 18 ans » à cet article. Le projet de loi C-464 servirait à souligner, pour les juges de paix, la nécessité de décider si la détention de la personne accusée d'une infraction est nécessaire pour la protection et la sécurité des mineurs lorsqu'il examine la question de savoir si la détention est nécessaire pour la protection et la sécurité du public en général.

C'est la troisième réunion que le comité consacre au projet de loi C-464; la première réunion a eu lieu le 18 novembre et la dernière hier le 24 novembre.

Pour étudier ce projet de loi de façon encore plus détaillée, je suis très heureux de présenter au comité Mme Heidi Illingworth, directrice générale du Centre canadien de ressources pour les victimes de crimes, le CCRVC. Mme Illingworth a déjà comparu devant nous et sa contribution est toujours appréciée.

Madame Illingworth, vous avez la parole.

Heidi Illingworth, directrice générale, Centre canadien de ressources pour les victimes de crimes : Bonjour à tous. Je tiens à remercier le comité sénatorial d'avoir invité le Centre canadien de ressources pour les victimes de crimes à présenter ses commentaires au sujet du projet de loi C-464. C'est un plaisir d'être ici ce matin.

J'ai eu la possibilité d'observer les témoins qui ont comparu hier après-midi et j'ai beaucoup aimé tous leurs commentaires. L'histoire de David et Kate Bagby est vraiment tragique et il est toujours difficile d'entendre relater comment ils ont perdu leur fils et leur petit-fils. Imaginez que vous soyez à leur place et que vous soyez obligés de revivre tous les jours ces crimes horribles. Nous sommes ici pour manifester notre appui à la famille Bagby et à toutes celles qui se trouvent dans la même situation, pour que jamais une autre famille ne connaisse ce genre de souffrance.

Je dois également répéter la remarque qu'a faite l'Ombudsman fédéral des victimes du crime hier. Le cas des Bagby n'est pas un cas isolé.

Allan Schoenborn de Kamloops, en Colombie-Britannique, était obsédé par l'idée que ses trois jeunes enfants risquaient d'être maltraités, ce qui l'a amené à les tuer tous les trois dans leur lit le 6 avril 2008. Quelques jours avant la mort des enfants, M. Schoenborn avait été arrêté à la suite d'un incident troublant qui s'était passé dans l'école primaire de sa fille. Il avait été inculpé de deux chefs d'accusation, à savoir proférer des menaces de causer des lésions corporelles, parce qu'il avait menacé une petite fille qui avait dérangé sa fille. La police avait demandé que M. Schoenborn soit détenu pendant la fin de semaine jusqu'au 7 avril, jour où il aurait pu comparaître en personne devant un juge. En fait, un juge de paix a tenu une audience de mise en liberté par téléphone et a accepté de libérer M. Schoenborn.

Peter Lee de Victoria, en Colombie-Britannique, a tenté d'assassiner sa femme en 2007. Il a été inculpé de meurtre, mais a bénéficié d'une mise en liberté provisoire par voie judiciaire, malgré que la police ait recommandé qu'il ne soit pas libéré. Le juge lui a imposé des conditions qui lui interdisaient de communiquer avec sa femme, ce qui ne l'a pas empêché de tuer en septembre 2007 son fils de six ans ainsi que sa femme et ses parents.

À Cumberland, en Ontario, en avril 2006, Frank Mailly a tué ses deux fils, âgés de 6 et 9 ans, sa fille âgée de 12 ans, et leur mère. Il a ensuite incendié la maison, qui contenait encore leurs corps et s'est laissé mourir dans l'incendie. Il lui était interdit de communiquer avec Francine Mailly, mais il avait des droits de visite pour les enfants et a commis ces meurtres à la fin d'une de ces visites. Mailly avait de lourds antécédents de violence familiale et se trouvait en liberté sous caution au moment où il a tué sa famille.

En 2002, Lawrence Mends a été libéré sous caution à St. Catharines, en Ontario, après avoir tenté de tuer la mère de son enfant. Lorsqu'il est revenu chez elle pour l'agresser à nouveau, il l'a blessée et a tué leur fils de deux ans, Robert, en lui donnant plus de 20 coups de couteau.

Ce sont là quelques exemples des cas où le risque que couraient les enfants n'a pas été évalué correctement.

Le projet de loi C-464 a pour but de modifier les dispositions qui régissent le maintien en détention et vient corriger ce qui constitue, à notre avis, une grave lacune. Le projet de loi C-464 modifie l'article 515(10)b) pour énoncer que la détention de l'accusé peut être justifiée lorsqu'elle est nécessaire pour la protection et la sécurité des enfants mineurs de l'accusé. Il a été modifié par le Comité permanent de la Chambre des communes de la justice et des droits de la personne pour s'appliquer à tous les enfants de moins de 18 ans, et pas uniquement à ceux de l'accusé. Nous sommes en faveur de cet amendement, et espérons que cette modification pourra sauver la vie de certains enfants. Nous savons que les enfants qui courent le plus grand danger sont les enfants mineurs de l'accusé.

Le changement proposé avec ce projet de loi va obliger les tribunaux à prendre en compte les enfants mineurs lorsqu'ils rendent une décision en matière de mise en liberté. Si cet aspect avait été pris en considération pour Zachary Turner; Christian Lee; Jessica, Brandon et Kevin Mailly; Max, Kaitlynne et Cordon Schoenborn; Robert Mends et beaucoup d'autres, ils seraient probablement encore en vie aujourd'hui. Merci.

Le vice-président : Merci, madame Illingworth. Nous allons maintenant passer aux questions des membres du comité. Ce n'est pas pour le placer dans une situation délicate, mais plutôt parce que je sais qu'il a consacré beaucoup de temps, d'efforts, de cœur et d'âme à ce projet de loi, que je vais inviter le sénateur Banks à poser une question ou à faire un commentaire, s'il le souhaite.

Le sénateur Banks : Je vais uniquement formuler un commentaire. Je ne pense pas que nous puissions obliger les juges à faire quoi que ce soit. Je me trompe peut-être. J'aimerais demander à un avocat de répondre à cette question, mais je ne pense pas que nous puissions, que ce soit avec cette disposition ou avec une autre, obliger les juges à faire quoi que ce soit, même si je sais que parfois, ce serait une bonne chose. Nous espérons toutefois beaucoup que cette disposition va attirer l'attention des juges lorsqu'ils ont à décider de la mise en liberté provisoire par voie judiciaire et les amener à prendre en compte, en disposant de tous les renseignements utiles, les dangers que pourraient courir les mineurs associés à l'accusé.

Je vous remercie beaucoup de l'appui que vous accordez à cette mesure législative.

Le sénateur Runciman : Merci d'être ici. Pourriez-vous nous parler un peu de votre organisation et de son implantation dans l'ensemble du pays?

Mme Illingworth : Nous sommes une agence nationale sans but lucratif. Nous sommes ici à Ottawa, mais nous fournissons de l'assistance aux victimes et aux survivants de crimes violents graves dans l'ensemble du Canada, dans toutes les provinces et territoires. Pour l'essentiel, nous fournissons de l'assistance aux familles dans les cas où il y a eu un homicide et également lorsqu'il y a eu des crimes violents graves de commis.

Nous apportons de l'aide à près de 200 clients à long terme lorsqu'il s'agit du système correctionnel et des libérations conditionnelles au Canada. Nous recevons aujourd'hui des centaines d'appels téléphoniques tous les jours, provenant de toutes les régions du pays, de personnes qui recherchent des services, un soutien et des renseignements sur les questions qu'elles se posent au sujet du système de justice pénale et sur la façon dont elles peuvent avoir accès à une indemnisation financière pour ce qui leur est arrivé.

Nous publions un bulletin mensuel qui est envoyé à près de 1 000 fournisseurs de services, victimes et survivants dans l'ensemble du pays. Nous avons un site Web qui offre de nombreuses ressources aux survivants. Nous nous consacrons également à la défense des intérêts dans des cas particuliers où les gens concernés rencontrent des problèmes avec le système de justice. Nous envoyons des lettres à la police, aux poursuivants, aux ministres provinciaux et territoriaux ainsi qu'aux ministres fédéraux au sujet des questions qui ont un effet préjudiciable sur les victimes.

Le sénateur Runciman : Voilà qui est très impressionnant. D'après votre expérience, comment les victimes sont-elles traitées en général au cours des audiences de mise en liberté? Avez-vous des situations dont vous pourriez nous parler?

Mme Illingworth : Oui, c'est difficile. Nous constatons que l'expérience que vivent les victimes n'est pas satisfaisante, en particulier dans les cas de violence familiale où les survivants sont gravement en danger. Malheureusement, de nombreuses victimes estiment que dans certaines affaires, la police et le poursuivant ne tiennent pas compte de leurs observations et elles nous signalent ces cas.

Le sénateur Runciman : Voilà qui est intéressant, parce que nous avons entendu ici un témoin hier qui était un ancien procureur de la Couronne et qui n'a pas tari d'éloges au sujet de la liste de vérifications qui existe en Ontario dans les cas de violence familiale. Je dirais toutefois, en me basant sur mes propres observations à ce sujet, qu'il arrive que les gens fassent des erreurs et que des gens se retrouvent entre deux chaises; il estimait que la liste de vérification ontarienne était un mécanisme très efficace qui touchait les questions dont traite ce projet de loi. Pourriez-vous nous dire quelques mots de l'expérience de l'Ontario? Je me pose personnellement des questions au sujet des audiences de mise en liberté dans le cas des crimes associés à une arme, mais il s'agit là d'une question qui touche la sécurité des enfants et les accusations de meurtre.

Pourriez-vous nous dire ce que vous avez constaté dans ce domaine? Deux jeunes enfants viennent de mourir en Ontario; je ne connais pas très bien cette affaire, ni s'il y a eu encore des problèmes ou des lacunes dans notre système qui ont permis que cela se produise.

Mme Illingworth : Je dois dire que l'affaire récente que vous mentionnez est très troublante. Encore une fois, si j'ai bien compris, ce n'est pas une affaire comme celles où il y a déjà eu des problèmes de violence familiale. Malheureusement, il y avait des questions reliées au droit de la famille. Les parents étaient en train de se séparer, et à la suite de quoi nous avons appris, ce qui était semblable à cette affaire-ci, que ces deux jeunes enfants ont été tués alors que la mère estimait qu'ils ne devaient pas être sous la garde de leur père.

Nous avons parlé à des victimes de toutes les régions de l'Ontario qui s'inquiètent beaucoup de leur sécurité, de celle des gens qu'elles aiment. Il faut admettre que le système fait davantage qu'il le faisait auparavant pour prendre en considération ces aspects. Malheureusement, comme vous l'avez mentionné hier, il demeure des cas où les juges n'approfondissent pas suffisamment le dossier pour savoir que les enfants pourraient être véritablement en danger et cela nous inquiète. Pour nous, la sécurité du public est le facteur le plus important, et les procureurs de la Couronne et les tribunaux devraient avoir comme première priorité de protéger les personnes les plus vulnérables, dont certains sont des enfants.

Le sénateur Runciman : Au-delà de ce projet de loi, voulez-vous nous suggérer quelque chose pour ce qui est des initiatives qui pourraient mieux protéger, non seulement les enfants, mais également les conjointes? Nous savons que les ordonnances de non-communication ne sont pas efficaces. Il faut que les procureurs de la Couronne et les tribunaux accordent plus d'importance à ces aspects, mais j'aimerais savoir si vous avez des commentaires à faire au sujet de la surveillance électronique dans le cas où le tribunal rend une ordonnance de non-communication. Je crois que l'Alberta s'apprête à généraliser le recours à la surveillance électronique dans ce genre de cas. Avez-vous des opinions à ce sujet ou des initiatives que vous aimeriez que le Parlement examine?

Mme Illingworth : Nous sommes convaincus que les victimes devraient avoir la qualité de partie devant les tribunaux pénaux pour qu'elles puissent défendre leurs intérêts, tout comme ceux de l'accusé sont entendus, et tout comme la Couronne agit pour le compte de l'État. Si les Bagbys avaient pu faire directement part de leurs préoccupations à différentes étapes du processus, il est possible que l'issue de cette affaire ait été différente.

Je sais que vous avez parlé hier des difficultés qui viennent du fait que les tribunaux de la famille et les tribunaux pénaux ne s'échangent pas l'information comme ils le devraient. C'est un aspect qui nous préoccupe. Nous savons que ces situations peuvent évoluer très rapidement lorsqu'il s'exerce de la maltraitance dans un foyer. Lorsqu'on en arrive au point où la conjointe est attaquée ou tuée, comme dans le cas de Shirley Turner, il faudrait qu'un défenseur des enfants puisse s'adresser au tribunal.

Pour ce qui est des provinces qui envisagent la surveillance électronique pour mieux suivre l'accusé qui n'a pas le droit de communiquer avec certaines personnes, nous sommes tout à fait en faveur d'une telle mesure.

Le sénateur Runciman : Je vous remercie.

[Français]

Le sénateur Carignan : C'est un dossier qui m'interpelle énormément. Mon but est de m'assurer que le projet de loi protège au maximum les enfants et qu'il atteigne l'objectif. Vous avez cité différentes situations. Dans un cas, par exemple, celui de Frank Mailly, cette personne a été libérée avec la condition de ne pas entrer en contact avec sa conjointe, mais sans aucune condition par rapport aux enfants. Il semble, si j'ai bien compris, que M. Mailly ait tué ses enfants pendant l'exercice de son droit de garde.

Je voulais savoir si vous avez souvent observé, dans votre expérience, le cas où des conjoints ont une interdiction de communiquer entre eux, mais où la victime se débat pour limiter le droit d'accès de son conjoint aux enfants et est prise dans le dédale des procédures en droit familial, alors qu'il est assez évident que le juge au criminel a considéré que le conjoint était dangereux pour cette personne — donc, on peut le présumer aussi, pour les enfants. Est-ce que ce sont des situations assez fréquentes? Si oui, pouvez-vous nous expliquer de quoi les conjoints ou les victimes violentées se plaignent principalement?

[Traduction]

Mme Illingworth : Il n'est pas facile pour nous de savoir si cela se produit fréquemment. Dans cette affaire, il exerçait son droit de visite et c'est à la fin d'une de ses visites qu'il a tué les enfants et sa femme, et qu'il s'est ensuite suicidé, comme vous l'avez dit. Je pense que c'est un domaine qu'il serait nécessaire d'étudier dans ce pays. Comme nous le savons, Statistique Canada suit les infanticides, mais nous ne savons pas dans quelles circonstances ils sont commis, si l'auteur se trouvait en liberté provisoire par voie judiciaire à ce moment-là, mais nous savons que la plupart d'entre eux sont tués par un parent. C'est bien évidemment une grave préoccupation pour nous, mais je ne peux pas dire que nous nous soyons occupés directement en première ligne de ces affaires qui se produisent régulièrement. Ce sont plutôt les personnes qui en sont à des étapes plus tardives du processus pénal qui communiquent avec notre centre.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : La question que je vous poserais, je l'espère, ne sera pas une question à développement; je sais aussi que vous n'êtes pas avocate — et je ne le suis pas non plus...

Le sénateur Carignan : Ce qui n'est pas un défaut.

Le sénateur Boisvenu : L'assassinat d'un enfant, je pense, c'est ce qui choque le plus la population, les collectivités. Chaque fois que cela arrive, les gens questionnent toujours la justice : comment a-t-on pu laisser un adulte garder cet enfant ou avoir une responsabilité sur lui quand cet adulte va aller jusqu'à l'assassiner?

Je suis toujours surpris d'entendre des avocats affirmer que le Code criminel, actuellement, protège bien les enfants, car la notion de protection de la population est incluse dans le Code criminel. J'ai toujours eu comme perception qu'un enfant, devant la justice, ne peut pas affirmer ses attentes et ses besoins comme un adulte peut le faire. Une femme violentée, dont le mari est accusé de violence, peut toujours devant un juge avoir cette capacité de faire comprendre et connaître ses besoins de protection. Un enfant n'a pas cette capacité.

Ma question serait : selon vous et au regard de vos connaissance et de votre expérience, est-ce que le Code criminel protège actuellement bien les enfants, considérant que ce sont des personnes qui n'ont pas cette capacité à faire comprendre à la justice leurs attentes et leurs besoins?

[Traduction]

Mme Illingworth : Notre centre s'inquiète beaucoup du fait que le Code criminel ne protège pas très bien les enfants, mais je ne pense pas qu'il puisse le faire. Toutes sortes de personnes travaillent au sein du système de justice pénale et il faudra améliorer la transmission de l'information entre les policiers, les procureurs de la Couronne, les services de protection de l'enfance et de la famille pour améliorer les choses.

Le meurtre d'un seul enfant est un meurtre de trop. Il faut admettre que les affaires que nous avons énumérées sont des exemples terribles de ce qui peut se passer, et se passe, dans ce pays, et ce n'est pas très rare. Cela se produit trop fréquemment, même si ce n'est qu'une fois ou deux par an dans notre pays. Il faut que tous ceux qui fournissent des services — services aux victimes, corps policiers, communiquent mieux entre eux. Dans ces affaires, les services de police pensaient que les accusés ne devaient pas être libérés sous caution; ils l'ont été quand même et ils ont commis des infractions horribles. Cela fait effectivement problème.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Est-ce que le projet de loi actuel, selon vous, va assez loin, ou est-ce qu'on ne devrait pas y inclure d'autres éléments qui protègeraient davantage les enfants et, à la limite, leur mère?

[Traduction]

Mme Illingworth : Je pense qu'il est toujours possible de faire davantage. Comme vous l'avez dit, je ne suis pas avocate; je ne suis pas une spécialiste du droit. Nous ne faisons toutefois pas suffisamment pour protéger les victimes de violence dans ce pays, et malheureusement, bien souvent, on considère qu'il s'agit d'une situation où la femme doit quitter le foyer, elle doit se soustraire à la situation. Il arrive que cela ne soit pas possible.

Aujourd'hui nous célébrons la Journée internationale de l'élimination de la violence faite aux femmes et c'est un aspect dont il faudrait parler davantage; il faudrait sensibiliser et informer les jeunes enfants dans les écoles, dans le système scolaire, dans toutes les régions du pays, pour leur parler de ce qu'il faut faire s'ils sont témoins de violence à la maison et pour enseigner aux enfants le respect du sexe opposé.

Le sénateur Marshall : Merci d'être venue ce matin. L'enquête sur la mort de Zachary Turner a été très critique des Child, Youth and Family Services (Services à l'enfance, aux adolescents et à la famille) de Terre-Neuve-et-Labrador. Il y a également un défenseur des enfants et des adolescents dans cette province, et je crois que l'on retrouve un organisme semblable dans toutes les régions du Canada.

Avez-vous eu des rapports avec les services à l'enfance et à la famille d'autres provinces pour éventuellement nous dire s'il faut améliorer les services, et s'il y a trop d'enfants qui ne sont pas pris en charge comme ils devraient l'être? Avez-vous des commentaires à ce sujet?

Mme Illingworth : Nous avons déjà essayé de prendre la défense des membres de la famille auprès de diverses sociétés d'aide à l'enfance, mais nous n'avons jamais réussi à le faire. Ces agences ne nous ont jamais répondu. C'est un service très fermé.

Elles sont chargées d'appliquer la loi, mais je pense que toutes les collectivités devraient mieux coordonner les services qui prennent en charge un enfant, une personne vulnérable, dans les cas comme ceux-ci où un incident est signalé pour la première fois à la police. Nous savons qu'il faut attendre longtemps avant que les cas de violence soient portés à l'attention des autorités. Lorsque cela se produit, nous devons faire davantage pour entourer ceux qui sont vulnérables et veiller à ce qu'ils soient protégés, par tous les intervenants, toutes les agences : applications de la loi, services de protection de l'enfance, services d'aide aux victimes et procureurs de la Couronne. Il faut que ces services soient mieux coordonnés.

Le sénateur Marshall : Je sais que dans certaines provinces, le défenseur des enfants et des jeunes est indépendant des sociétés de l'aide à l'enfance et des services d'aide à la famille et à l'enfance. Est-ce une option? Avez-vous déjà travaillé avec ces bureaux, et sont-ils plus ouverts aux préoccupations de votre organisation?

Mme Illingworth : Nous n'avons jamais eu concrètement de rapports avec les défenseurs des enfants et des jeunes, de sorte que non, je ne peux pas vous en parler vraiment.

Le sénateur Marshall : C'est peut-être une option que vous pourriez explorer pour les provinces où vous éprouvez de la difficulté à communiquer ou à collaborer avec les ministères ou avec les sociétés d'aide à l'enfance. Nous l'avons souvent fait à Terre-Neuve-et-Labrador. Lorsque nous n'arrivions pas à régler une situation avec le ministère ou le service, nous contactions le Bureau du défenseur des enfants et des jeunes. C'était un autre recours.

Mme Illingworth : Nous avons déjà aidé des adultes qui étaient des survivants de la maltraitance dans des foyers d'accueil quand ils étaient jeunes; mais nous éprouvons de la difficulté à les aider à consulter leur propre dossier de la société d'aide à l'enfance. Toutefois, je vous remercie; j'apprécie votre suggestion.

Le sénateur Baker : Je tiens à féliciter le témoin d'être venue remettre les choses en perspective, du point de vue de son organisation et pour faire remarquer que déjà l'article actuel du Code criminel énonce « sa détention est nécessaire pour la protection et la sécurité du public, notamment celle des victimes et des témoins de l'infraction ».

Des témoins précédents ont signalé cet aspect, et certains ont même affirmé que cette situation était déjà visée. Cependant, ce n'est pas tout à fait vrai, parce que le public est une chose, mais un témoin affirme que la victime est déjà protégée par cette disposition; mais c'est la victime de l'infraction à l'origine de l'accusation qui est protégée. C'est le témoin de l'infraction qui est protégé, et non pas la victime potentielle. C'est pourquoi votre position est importante, tout comme sa prise en considération; pour revenir à la principale observation qu'a formulée le sénateur Carignan à toutes ces séances, à savoir que, lorsqu'une personne a des droits de visite ou de garde aux termes de la loi provinciale sur le droit familial, la norme utilisée n'est pas celle qui s'impose au juge de la mise en liberté. Comme le sénateur Carignan l'a fait remarquer, la plupart des renseignements sont épurés, révisés ou caviardés, comme certaines gens disent, lorsqu'ils ne concernent pas la garde et le droit de visite tel que défini par les lois provinciales. Cette mesure va remédier à cette lacune et, comme vous le dites, le Code criminel sera maintenant modifié pour que le juge de la mise en liberté soit tenu de prendre en compte un nouvel élément : les enfants.

Je vous félicite de l'intervention de votre organisation qui est en réalité un centre de ressource pour les victimes de crime. Dans ce cas particulier, je crois que vous appuyez sans réserve le projet de loi et le sénateur Banks, que vous pensez qu'il va éviter qu'il y ait de nouvelles infractions ou de nouvelles victimes, ce qui n'est pas le cas actuellement pour les motifs qu'a présentés le sénateur Carignan, qui est un spécialiste du contentieux, et c'est pourquoi je vous félicite d'être intervenue.

Voilà comment je comprends ce que vous avez dit. Est-ce bien cela?

Mme Illingworth : Oui, absolument. Je peux vous dire et je suis sûre que le sénateur Boisvenu le répéterait également, que les gens qui ont souffert d'un crime — les Bagby l'ont répété à plusieurs reprises hier — ne veulent pas que d'autres souffrent comme eux ont souffert. Le fils des Bagby a été tué et tout ce qu'ils essayaient de faire, leur seul intérêt, était de protéger leur petit-fils, mais ils n'y sont pas parvenus. Il était de toute évidence une victime potentielle et il est vraiment terrible, malheureux et horrible que le système n'en ait pas tenu compte.

Le sénateur Baker : Merci.

[Français]

Le sénateur Rivest : Prenons le cas d'une personne détenue car elle constitue un danger surtout pour les enfants. Comment détermine-t-on que cette personne ne constitue plus un danger? D'après votre expérience, quels critères ou conditions peuvent amener un juge à déterminer qu'une telle personne ne constitue plus un danger pour les enfants?

Le Code criminel, quelles qu'en soient les dispositions sur ces questions, ne peut être un déterminant absolu. Les services sociaux dans les provinces, les organismes comme le vôtre et les démarches que vous menez sont sans doute beaucoup plus déterminants. Les services sociaux vous semblent-ils adéquats pour assurer la sécurité des enfants au Canada et ce de façon équitable tant pour les communautés autochtones que pour les autres communautés?

[Traduction]

Mme Illingworth : Si j'ai bien compris, la première partie de votre question porte sur le fait qu'il y a des situations où la personne concernée est réputée ne pas poser un danger direct pour les enfants et vous vous demandez si les organismes de services sociaux au Canada sont en mesure de bien protéger les enfants.

Je ne connais pas la réponse à la première partie de la question. Je ne sais pas si c'est un aspect qui se retrouve dans toutes ces affaires. Nous savons très bien que lorsqu'il y a de la violence au sein de la famille, les enfants sont en danger. Bien souvent, ce sont les femmes qui essaient de protéger leurs enfants et qui sont tuées, parce qu'elles essaient de le faire.

Je ne sais pas si le système judiciaire a les moyens d'aller au-delà de la situation qu'il doit examiner à ce moment-là. Une infraction a été commise et les intervenants se demandent si la personne devrait être mise en liberté jusqu'à sa prochaine comparution. Comme certains témoins l'ont dit hier, il est difficile de prédire le comportement d'une personne qui risque d'être violente; c'est pourquoi je pense que cela varie d'une affaire à l'autre. Il faut juger sur une base individuelle chaque affaire qui est soumise aux tribunaux. Nous sommes bien sûr favorables à ce projet de loi, parce que pour l'avenir, il signalera que dans tous les cas, du moins nous l'espérons, le juge qui prend cette décision doit tenir compte, du préjudice susceptible d'être causé aux enfants.

Pour ce qui est des organismes de services sociaux au Canada, la plupart font de l'excellent travail. Je pense que les organisations comme la nôtre ont toujours du mal à survivre dans le domaine des services aux personnes. Le financement est un problème pour tout le monde. Il y a le fait que les sociétés d'aide à l'enfance sont financées par les provinces, mais il y a également des organisations à but non lucratif qui peuvent recevoir des dons du public.

La société canadienne doit s'améliorer à tous les niveaux — municipal, provincial et fédéral, et le public aussi — pour financer les organisations qui font du bon travail pour protéger les enfants et les représenter.

[Français]

Le sénateur Chaput : Je vous remercie d'être avec nous ce matin. Vous serez sans doute d'accord avec moi lorsque je dis qu'on ne peut pas tout mettre dans le Code criminel. Le Code criminel tel qu'il existe présentement n'arrive vraiment pas à bien protéger tous nos enfants. Nous sommes donc devant une difficulté.

Un des problèmes, à mon avis, réside dans le manque de communication entre les différents systèmes. Nous avons le droit pénal, le droit familial et la protection des enfants. Chacun de ces systèmes a des informations relatives à un cas spécifique. Un système informatisé pourrait regrouper ces informations et être mis à la disposition des juges. À votre avis, un tel outil pourrait-il aider à régler un peu les difficultés qui sont devant nous en matière de partage de renseignements? Le juge pourrait ainsi disposer des renseignements nécessaires pour de déterminer si certaines personnes peuvent se voir octroyer la garde d'un enfant, avant que celles-ci ne nuise à l'enfant voire aller jusqu'à commettre un meurtre. Est-ce qu'un système informatisé pourrait aider?

[Traduction]

Mme Illingworth : Oui, absolument. Nous serions tout à fait en faveur d'une telle chose. Je pense avoir dit précédemment qu'il est absolument nécessaire que tous les principaux acteurs dans le domaine du droit de la famille, de l'application de la loi, de la protection de l'enfance et du bureau des procureurs de la Couronne partagent l'information, coordonnent leurs services, et diffusent l'information parmi tous ces acteurs.

Le sénateur Chaput : À votre connaissance, cela se fait-il à l'heure actuelle? Est-ce que l'information circule déjà?

Mme Illingworth : L'information circule jusqu'à un certain point. Toutes les personnes qui travaillent dans ce système sont probablement très ébranlées lorsqu'il se produit ce genre de situation et lorsque quelqu'un se retrouve entre deux chaises, mais il est important d'apprendre grâce à ces expériences. Il est vraiment essentiel que des victimes comme les Bagby interviennent et fassent connaître leur expérience. Ils l'ont fait de façon si poignante qu'ils peuvent espérer modifier le système. On ne pourra jamais trop faire circuler l'information.

Comme je l'ai dit auparavant, nous essayons d'entourer l'enfant. Il existe au Canada des centres de défense des enfants qui s'en occupent. Ces centres amènent à collaborer toutes les personnes qui travaillent sur les cas d'agression sexuelle d'enfants. Ils obtiennent des résultats étonnants pour ce qui est d'obtenir des condamnations et de soutenir les enfants au cours de ces moments très difficiles. Je sais que le gouvernement a annoncé qu'il en financerait davantage et que c'est une initiative vraiment excellente.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Ma question fait suite à celle du sénateur Chaput. Madame Illingworth, dans plusieurs provinces on a délégué aux cours municipales des causes criminelles, entre autres, de violence conjugale, d'agression sexuelle et d'attentat à la pudeur. C'est le cas au Québec, où on a délégué à la Cour municipale de Montréal des causes de violence conjugale. Or, il n'y a pas d'échanges entre le plumitif provincial et le plumitif municipal car il s'agit de deux réseaux fermés.

À Montréal, l'an dernier, une cause impliquant un homme violent s'est poursuivi jusqu'en Cour provinciale, car la violence a escaladé. Il s'agissait d'un homme avec des antécédents de violence conjugale, ayant comparu auparavant en Cour municipale. Or, le juge de la Cour provinciale n'avait pas accès au dossier criminel de la Cour municipale. Devant une telle situation, les juges de la Cour provinciale ne peuvent donc pas protéger les femmes et les enfants contre les personnes avec des antécédents criminels connus de la Cour municipale si ces renseignements ne leur sont pas accessibles.

Comme l'a indiqué le sénateur Chaput, l'échange d'information n'existe pas entre ces deux systèmes. Cela fait en sorte que l'on met des enfants et des femmes à risque, surtout dans des cas de violence conjugale.

Êtes-vous au courant de telles situations dans d'autres provinces qu'au Québec?

[Traduction]

Mme Illingworth : Je dirais que nous ne sommes pas au courant de telles situations, mais cela nous préoccupe beaucoup. Il est inacceptable que les différents systèmes ne soient pas capables de se transmettre l'information. Cela nuit aux victimes, qui sont pour la plupart de sexe féminin, d'agressions de la part de leur partenaire, ainsi qu'aux enfants. C'est inacceptable.

Le sénateur Joyal : Merci et bienvenue. Ma première question concerne votre organisation. Pourriez-vous nous redire quelle est votre principale source de financement et quel est votre budget total?

Mme Illingworth : Notre budget total est d'environ 150 000 $ par an. Nous avons été financés au départ par l'Association canadienne des policiers lorsque nous avons commencé en 1993. Cependant, à la fin de 2009, cette association n'était plus en mesure de financer notre budget de fonctionnement. Elle nous fournit toujours des locaux et des services d'appui en nature, mais nous survivons de projet en projet grâce au fonds pour les victimes du ministère de la Justice du Canada. Nous présentons des demandes pour mettre en œuvre des projets spéciaux et nous pouvons avoir accès jusqu'à 50 000 $ par projet pour un maximum de cinq projets par an. Voilà comment nous survivons à l'heure actuelle.

En plus de notre travail habituel, nous sommes obligés de présenter des projets pour pouvoir survivre, voilà qui est regrettable.

Le sénateur Joyal : Autrement dit, le maximum que vous pouvez obtenir du gouvernement fédéral serait d'environ 250 000 $ qui viendraient du financement de différents projets?

Mme Illingworth : Oui. Il existe d'autres sources d'aide financière. Nous recevons un financement très minime de Sécurité publique Canada. Ce ministère a un programme de financement permanent pour les organismes bénévoles nationaux qui travaillent dans le domaine de la justice pénale. Nous sommes la seule ONG desservant les victimes qui reçoit une petite partie de cet argent. Le pot contient 1,5 million de dollars et nous en recevons 19 000 $. Le reste va aux organismes qui offrent des services aux délinquants.

Nous pouvons également proposer des petits projets à différents ministères, par l'intermédiaire de Sécurité publique Canada et de la prévention du crime, mais malheureusement, nous ne sommes pas toujours admissibles à ces fonds. Il y a quelques secteurs où nous pouvons essayer de faire approuver des projets supplémentaires.

Le sénateur Joyal : Obtenez-vous de l'argent des gouvernements provinciaux?

Mme Illingworth : Non. Nous avons essayé à quelques reprises en Ontario d'obtenir des fonds, mais jusqu'ici, nous n'avons pas pu répondre aux conditions d'attribution de fonds provinciaux. Pour l'essentiel, nous dépendons des fonds que le gouvernement fédéral accorde pour des projets.

Le sénateur Joyal : Combien y a-t-il d'employés dans votre centre de ressource?

Mme Illingworth : Je travaille à temps plein; nous avons une employée à temps partiel et nous avons également recours à des étudiants. Nous obtenons des étudiants en criminologie et en service social qui étudient dans les universités et collèges d'Ottawa.

Le sénateur Joyal : Combien recevez-vous par an de demandes de la part des divers groupes d'aide aux victimes?

Mme Illingworth : Nous en recevons à l'heure actuelle plusieurs centaines voire des milliers. Avec la nouvelle campagne Les Victimes comptent, qui a démarré il y a quelques semaines, nous avons enregistré une augmentation massive du nombre des appels reçus à notre bureau. Nous figurons de façon très visible sur ce site Web. Je pense également que 1-800-O-Canada dirige des appels vers nous, de sorte que depuis trois semaines, nous avons été inondés de nouveaux appels, de gens qui cherchaient de l'aide, qui avaient des difficultés à obtenir des indemnités ou de l'information. Nous essayons de les orienter vers les services locaux parce que nous ne voulons pas faire double emploi avec des services qui existent déjà.

Nous avons effectivement beaucoup de mal à servir nous-mêmes toutes les victimes qui nous appellent, étant donné que notre personnel est très restreint.

Le sénateur Joyal : Quel est le budget que vous aimeriez avoir pour être en mesure de répondre aux besoins que vous percevez, mais qui ne sont pas comblés?

Mme Illingworth : Un budget d'un demi-million de dollars serait une excellente chose. Cela nous permettrait d'embaucher du personnel spécialisé chargé de répondre aux victimes, au moins deux employés. Nous pourrions avoir quelqu'un pour les francophones qui appellent et quelqu'un pour les anglophones. Nous n'avons personne qui puisse faire de la recherche à temps plein. Il y a également l'aspect défense des intérêts dont s'occupe l'organisation lorsque nous comparaissons devant les comités pour parler aux députés et aux sénateurs. Nous pourrions faire tant de choses. Nous pourrions compléter et renforcer les services que nous offrons si nous avions un financement plus élevé.

Le sénateur Joyal : Êtes-vous en communication avec les victimes autochtones?

Mme Illingworth : Oui, absolument.

Le sénateur Joyal : Quel pourcentage représente-t-il des personnes qui se rendent à votre centre?

Mme Illingworth : C'est une petite partie de nos clients, je dirais probablement entre 5 et 10 p. 100 seulement. Nous nous occupons toutefois de questions de violence très complexes dans les collectivités des petites réserves où tout le monde sait ce qui est arrivé et où le contrevenant revient dans la collectivité. Ils ont souvent une conception du monde différente et ils n'expriment pas toujours les mêmes préoccupations que nos autres clients à l'égard des contrevenants.

Nous pourrions faire beaucoup plus pour rejoindre la population avec plus de financement. Nous pourrions essayer de rejoindre les personnes qui vivent dans les petites collectivités. Il y a beaucoup de victimes qui n'ont pas accès aux services aux victimes ou à une autre forme de soutien. C'est pourquoi nous estimons qu'il est extrêmement important d'essayer de diffuser dans l'ensemble des régions des renseignements sur les services qui existent.

Le sénateur Joyal : Avez-vous un site qui explique les divers services qui existent au palier provincial, ou à d'autres paliers ou qui sont offerts par d'autres groupes privés qui sont en mesure d'aider les victimes?

Mme Illingworth : Oui, nous le faisons. Nous avons déjà reçu des dons des associations de policiers des différentes régions ainsi que de particuliers et de revues qui publient des articles au sujet de la victimisation au Canada, mais nous ne sommes pas une organisation charitable.

Le sénateur Joyal : Vous ne remettez pas des reçus d'impôt pour les dons que vous recevez, est-ce bien cela?

Mme Illingworth : Exact. Nous ne pouvons pas le faire parce que nous sommes une organisation sans but lucratif. De sorte que cela limite probablement l'ampleur du soutien que nous pourrions obtenir auprès de la population ou des entreprises.

Le sénateur Joyal : Lorsque j'ai lu votre mémoire ce matin, j'ai remarqué que parmi les affaires que vous avez mentionnées, il y en avait deux de l'Ontario et deux de la Colombie-Britannique. Vous avez dit que vous étiez dans la salle ou que vous avez lu le compte rendu des déclarations des témoins d'hier.

Je m'intéresse aux instructions qui sont données aux procureurs de la Couronne dans les cas de violence familiale où un des parents a été tué. À mon avis, ce genre de situation ne peut que refléter une rupture du couple et cette rupture a habituellement des répercussions immédiates sur le ou les enfants.

L'affaire qui a amené le sénateur Banks et M. Andrews à présenter leur projet de loi illustre parfaitement cette situation. Il me semble que, si c'est effectivement une bonne chose de modifier le Code criminel pour ajouter la protection des enfants, cela ne suffira pas à combler toutes les lacunes, comme les sénateurs l'ont déjà déclaré. Notre système comporte de nombreuses lacunes. Le sénateur Chaput et le sénateur Boisvenu en ont mentionné quelques- unes. Il y a des lacunes dans le processus que suivent les procureurs de la Couronne, et elles me paraissent importantes.

Nous n'avons pas eu l'occasion d'examiner les diverses instructions que les provinces formulent à l'intention des procureurs de la Couronne quand ils sont saisis de ce genre d'affaires. Nous espérons qu'elles sont toutes semblables ou du moins qu'elles permettent de faire face à ce genre de situation.

Lorsque ce projet de loi a été adopté par le Parlement, nous avons essayé d'amener le ministère de la Justice du Canada à s'engager à envoyer des directives aux divers juges de paix les informant que le Code criminel contenait une nouvelle disposition, une disposition dont ils doivent tenir compte. Il ne faut pas continuer à simplement faire comme avant. Je pense que nous avons accompli quelque chose d'important et que le Parlement veut attirer l'attention des juges sur cet aspect lorsqu'ils sont amenés à accorder ou refuser la mise en liberté. Ce sont là des mesures qu'il faut prendre pour être sûr qu'en fin de compte, nous avons comblé certaines lacunes du système.

Je vous ai écouté et j'ai lu votre mémoire, mais il me semble que ces situations se produisent régulièrement. Je suis toujours étonné lorsque je prends connaissance de ces affaires et j'essaie de comprendre comment un juge ou un juge de paix peut accorder si facilement la mise en liberté sous caution lorsqu'il est allégué qu'un conjoint a été tué et que le partenaire est le principal suspect. On pense immédiatement à l'enfant ou aux enfants. Il est évident que les enfants sont plus ou moins des otages dans une telle situation parce qu'ils ne peuvent rien dire à ce sujet, ni se défendre. Immédiatement, dans un tel cas, la protection du public devrait prendre la forme de la protection de l'enfant qui est la personne la plus vulnérable dans ce genre de situation.

Nous devons faire tout ce que nous pouvons aux différents niveaux — pas seulement au niveau du Code criminel, mais également dans la façon dont nous appliquons le Code criminel, ce qui se fait à divers niveaux du système, comme vous le savez. Ce devrait être là une préoccupation importante si nous voulons vraiment améliorer les choses et tirer les leçons de l'affaire Bagby sur la façon dont nous pouvons protéger l'enfant et le conjoint, bien sûr, qui devient la principale victime du meurtre.

Je pense que nous commençons tout juste à introduire les changements et les modifications qu'il faudrait apporter au système pour être sûrs qu'il est en mesure de répondre à ce genre de situation.

Mme Illingworth : Je suis tout à fait d'accord avec vous. Il n'est pas nécessaire de procéder uniquement à des changements du Code criminel. Comme vous l'avez dit, les changements dans les politiques peuvent combler certaines de ces lacunes, en particulier lorsque nous parlons de communication et de diffusion de l'information. Cela paraît tout à fait juste. J'espère que le ministère de la Justice va envoyer aux juges une sorte d'avis attirant spécialement leur attention sur la situation des enfants si ce projet de loi reçoit éventuellement la sanction royale. Cela ne pourrait pas nuire. C'est un autre outil. À mon avis, une telle mesure ne pourrait être que positive.

Le sénateur Banks : J'ai une question qui touche directement le projet de loi à l'étude et une autre qui lui est étrangère et je vous demande de m'excuser de poser une telle question, mais je veux obtenir une confirmation. Je vais commencer par poser la deuxième question, qui n'a rien à voir avec le projet de loi à l'étude, mais plutôt avec ce que vous avez dit. Je vais être sûr de vous avoir bien compris.

Vous dites qu'il existe un programme fédéral qui vous accorde 19 000 $ par an alors que le budget de ce programme est de 1,5 million de dollars. Vous avez également déclaré que vous étiez une agence à but non lucratif. Êtes-vous une agence d'un gouvernement?

Mme Illingworth : Non. Nous sommes une organisation non gouvernementale.

Le sénateur Banks : À qui appartenez-vous? Comment êtes-vous enregistré?

Mme Illingworth : Nous sommes une société.

Le sénateur Banks : Une société sans but lucratif?

Mme Illingworth : Oui.

Le sénateur Banks : Je ne comprends pas pourquoi vous n'avez pas le droit de présenter une demande et si vous le faîtes pourquoi vous ne recevez pas, ou n'avez pas la capacité de recevoir, des dons de charité et de délivrer des reçus d'impôt. Connaissez-vous la raison de cet état de choses?

Mme Illingworth : C'est une initiative que pourrait prendre notre organisation, mais il est très difficile d'être reconnue comme une organisation charitable à une époque où tout le monde recherche de l'argent. Nous sommes une très petite organisation et cela compliquerait beaucoup notre comptabilité.

Le sénateur Banks : Ne voudriez-vous pas prendre de l'ampleur?

Mme Illingworth : Oui, bien sûr. Les organismes de charité font l'objet d'un grand nombre de restrictions lorsqu'il s'agit de comparaître devant des instances gouvernementales et de faire du lobbying. Ils peuvent défendre des intérêts et éduquer la population, mais la raison pour laquelle nous avons été créés comme un organisme sans but lucratif était que nous voulions pouvoir faire largement entendre notre voix.

Le sénateur Banks : Vous avez donc envisagé cette possibilité, est-ce exact?

Mme Illingworth : Nous l'envisageons toujours, absolument.

Le sénateur Banks : Je ne veux pas mettre en doute toutes les bonnes choses que font l'Association canadienne des sociétés Elizabeth Fry, la Société John Howard du Canada, et les autres. Je ne dis pas qu'il faut prendre à Pierre pour donner à vous, Paul. Il me semble toutefois qu'il faudrait augmenter ce fonds parce que vous recevez une portion congrue de ce programme fédéral, parce que vous défendez les droits des victimes.

Mon autre question concerne le projet de loi. D'après votre grande expérience, savez-vous s'il existe une obligation, une condition ou une convention selon le droit, la pratique ou les conventions qui obligent les procureurs de la Couronne qui s'occupent d'une demande de mise en liberté dans un cas de crime grave et violent à rechercher activement tous ces faits pour que, s'ils décident de s'opposer à l'octroi de la mise en liberté, ils soient en mesure de présenter des renseignements au juge qui prend la décision aux termes des dispositions actuelles du Code criminel visant la protection du public, des victimes et des témoins?

Mme Illingworth : Je n'en sais pas suffisamment. Je ne pense pas pouvoir répondre à cette question, qui porte précisément sur les obligations de la Couronne.

Je sais par contre que le projet de loi C-79 a ajouté une disposition au Code criminel qui oblige les juges à prendre en compte la sécurité des victimes. Cela remonte à quelques années, à 1999. Je n'en sais toutefois pas suffisamment au sujet de ces aspects du rôle des procureurs de la Couronne.

Le sénateur Baker : Puisque vous avez mentionné 1999, je vais poser ma question en faisant référence à l'année 1999.

Je voulais simplement obtenir une précision au sujet de la réponse que vous avez donnée au sénateur Joyal à propos de votre budget. Il est vraiment très petit. Je me souviens toutefois que vous avez demandé et obtenu le statut d'intervenant dans la fameuse affaire R. c. Sharpe devant la Cour suprême du Canada. Vos activités de défense des victimes sont bien connues. Je suis vraiment très surpris de voir que votre budget est si faible. Je voulais que cela figure au compte rendu. Je ne sais pas si vous pouvez nous fournir une explication, si vous agissez à titre bénévole, mais c'est effectivement surprenant.

Mme Illingworth : Nous avions à cette époque, la possibilité d'utiliser les ressources de l'Association canadienne des policiers grâce à leur avocat, ce qui nous a aidés.

Le sénateur Baker : Pouvez-vous le faire?

Mme Illingworth : Je ne sais pas si nous pouvons toujours le faire.

Le sénateur Joyal : À l'époque ils pouvaient le faire, parce qu'ils bénéficiaient de l'appui de l'Association canadienne des policiers.

Le sénateur Baker : Je comprends.

Mme Illingworth : Nous aimerions beaucoup avoir des avocats qui pourraient défendre les droits des personnes qui ont subi un préjudice à cause d'un crime, qui soutiendraient que les crimes sont des violations des droits de la personne. Si nous avions un budget plus important, nous pourrions faire cela partout. Nous aurions des avocats qui pourraient intervenir pour le compte des victimes et bien sûr, qui ne demanderaient rien pour ces services.

Le sénateur Baker : Je peux dire que vous avez apporté une contribution utile dans l'arrêt fameux que je viens de citer et sans doute dans d'autres.

Le sénateur Watt : Bienvenue au comité. J'ai trouvé que votre exposé était très intéressant. Vous semblez avoir beaucoup d'expérience.

J'aimerais poser une question et j'aimerais ensuite revenir à la formulation du projet de loi. Pour revenir aux aspects que le sénateur Joyal a soulevés au sujet des questions touchant les Autochtones, est-ce que votre organisation s'occupe principalement des Premières nations ou est-ce qu'elle s'occupe également des Inuits de l'Arctique?

Mme Illingworth : Nous nous occupons principalement des Premières nations. Certaines organisations inuites voulaient savoir si nous pouvions les aider dans le Nord. Grâce à notre bulletin, nous rejoignons les personnes qui fournissent des services aux Inuits. Mais si qui que ce soit a besoin de nos services, nous sommes ouverts à la possibilité d'aider toutes les victimes et tous les survivants.

Le sénateur Watt : Cependant, si j'ai bien compris, vous n'avez pas les ressources nécessaires pour faire le travail que vous aimeriez faire.

Mme Illingworth : Exactement.

Le sénateur Watt : Voilà qui complique les choses.

Est-ce que votre organisation existe depuis 1993?

Mme Illingworth : Nous avons commencé nos activités en 1993; nous avons été constitués en société en 1992.

Le sénateur Watt : Pensez-vous que votre organisation va se développer avec le temps?

Mme Illingworth : Absolument. Nous aimerions beaucoup pouvoir nous développer, renforcer notre voix et mieux faire connaître le fait que la violence dans ce pays cause un préjudice grave à la population.

Le sénateur Watt : J'aimerais revenir à la formulation du projet de loi.

Je sais qu'il a déjà été adopté par la Chambre des communes. Je vais simplement soulever un aspect qui me gêne lorsque j'examine les termes utilisés, parce que nous semblons être un peu timides lorsqu'il s'agit de parler des enfants. Nous en parlons, jusqu'à un certain point, mais nous ne centrons pas notre action sur eux.

D'après ce que nous avons entendu, la sécurité du public est déjà prise en compte; cela est déjà prévu par notre droit. Cependant, les enfants ne sont pas expressément mentionnés où que ce soit pour ce qui est de la sécurité.

Par exemple, si nous supprimions le mot « public » pour le remplacer par « enfants » dans cette disposition, est-ce que celle-ci serait davantage axée sur ce dont nous parlons? Nous parlons d'eux, mais nous ne centrons pas notre action sur eux. Si j'ai bien compris les experts juridiques, ils ont dit pour l'essentiel qu'il manque certaines parties dans le Code criminel. Si c'est bien le cas, pourquoi ne pas modifier la loi pour qu'elle soit vraiment axée sur les enfants? J'aimerais savoir ce que vous en pensez.

Mme Illingworth : J'ai entendu hier un témoin qui disait qu'il serait peut-être néfaste de parler des enfants sans parler des autres groupes vulnérables. Pour nous, il nous paraît logique d'insister sur le fait que les enfants ont besoin d'une considération spéciale et d'une protection spéciale. Je ne suis pas une spécialiste juridique. Je suis simplement une personne qui parle aux survivants et qui essaie de faire entendre leurs voix.

Le sénateur Watt : Pourrais-je poser une question au parrain du projet de loi? Est-ce que vous avez parlé de cet aspect lorsque vous avez élaboré une stratégie et commencé à formuler le projet de loi? Je me souviens que vous avez déclaré dans vos remarques d'ouverture qu'il fallait prendre en considération un certain nombre de choses, comme la Charte des droits de la personne et les choses de ce genre. Est-ce là en partie la raison pour laquelle nous ne centrons pas notre action sur l'aspect dont nous parlons aujourd'hui.

Le sénateur Banks : Ma réponse à votre question comporte deux parties.

Premièrement, pourquoi n'avons-nous pas dressé une longue liste de toutes les choses sur lesquelles nous voulions attirer l'attention des juges? La réponse directe est que nous voulions faire une chose à la fois. Le sénateur Joyal a dit « Nous sommes sur le point » de modifier cette situation. Nous voulions proposer prendre une mesure qui serait efficace et qui ne serait pas contraire aux dispositions de la Charte. C'est du moins ce qu'on nous a garanti. Nous ne prétendons pas que cette mesure va combler toutes les lacunes, répondre à toutes les questions et résoudre tous les problèmes. Elle ne le fera pas. Nous espérons que cela va ouvrir la porte à d'autres mesures qui le feront. Le sénateur Carignan et moi avons discuté des choses qui pourraient prolonger cette première mesure.

La raison pour laquelle nous avons décidé de faire quelque chose à ce sujet, c'est que nous voulions résoudre un problème précis qui concernait les enfants, et qui, d'après nous, n'était pas abordé ailleurs. Le sénateur Baker a fait référence plus tôt à cette situation en disant que dans cette affaire, Zachary Turner n'était pas une victime au sens des dispositions actuelles du Code criminel en matière de mise en liberté. Il n'était pas un témoin du crime dont il était question, il n'était pas une victime du crime en question, à savoir que Shirley Turner avait tué son partenaire.

Une des choses que nous avons essayées de faire a été d'élargir ou de préciser la définition de « victime » qui se trouve dans le Code. Nous n'avons pas trouvé de façon qui engloberait les enfants susceptibles d'être concernés. Le témoin a fait remarquer, de façon très juste, que la Chambre des communes a élargi l'expression « les enfants de l'accusé » pour viser tous les enfants de moins de 18 ans parce qu'il ne s'agit pas là uniquement des enfants de l'accusé. Ce pourrait être les neveux de l'accusé, les voisins de l'accusé, des connaissances de l'accusé — qui ont moins de 18 ans. Nous n'avons pas réussi à trouver une façon de faire que le mot « victimes » comprenne ces personnes parce que ces personnes ne sont pas habituellement des victimes, tant qu'elles ne sont pas tuées.

Zachary Turner est devenu une victime lorsque sa mère l'a tué, mais pas lorsqu'elle a tué son père. Je me réfère uniquement à cette affaire particulière.

Pour donner une réponse brève à votre question, sénateur Watt, je vous dirais que nous avons réfléchi autant que nous avons pu et je veux que les sénateurs sachent que M. Andrews n'est pas un expert, ni moi non plus sur ce point. Nous avons consulté de nombreuses autres personnes, dont certaines sont présentes ici, qui nous ont fourni des conseils très utiles, notamment le sénateur Joyal et le sénateur Baker, qui connaissaient personnellement l'affaire à l'origine de cette mesure.

Nous avons également consulté, inutile de le dire, les conseillers législatifs du Sénat et de la Chambre des communes et dépensé des sommes considérables pour retenir les services d'avocats de l'extérieur. Sachez que nous ne nous sommes pas contentés d'obtenir des renseignements à l'interne, mais que j'ai dépensé des fonds provenant du budget de mon propre bureau. J'avais une liste : il serait possible de faire ceci, mais alors on se heurterait à cette chose. On pourrait faire cette autre chose, mais on se heurterait à une autre. Si vous allez trop loin par ici, cela va bloquer par là. Nous avons réduit le projet, tiré l'essentiel, si vous voulez, de quelque chose qui va, nous l'espérons, être parfois utile, et qui ne va, comme je l'ai déjà dit à de nombreuses reprises, causer aucun préjudice et qui résistera à toute contestation constitutionnelle.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Les sénateurs Joyal et Baker ont amené un sujet très intéressant, celui du financement de votre organisme. Heidi, vous et moi nous côtoyons depuis environ cinq ans, ayant moi-même créé un organisme d'aide aux victimes, qui s'appelle l'Association des familles de personnes assassinées et disparues au Québec, qui regroupe 600 familles membres et touche environ 15 000 citoyens qu'on appelle « les victimes par ricochet », c'est-à-dire les victimes indirectes.

L'aide au criminel est de responsabilité fédérale, l'aide aux victimes, provinciale, d'où un financement très pauvre des organismes d'aide aux victimes et un financement très adéquat dans l'organisation du soutien aux criminels.

Je rencontré hier, à mon bureau, une famille de Terre-Neuve-et-Labrador dont la fille a été assassinée par son conjoint. L'assassinat de leur fille leur a coûté 20 000 $. L'aide aux victimes relevant du gouvernement provincial, ils n'ont reçu aucune aide financière de leur part. Pire, le criminel qui va être défendu, souvent par l'État, par l'aide juridique, coûtera à l'État près de 50 000 $ pour sa défense.

Alors voici ma question : si le Canada adoptait une Charte des droits des victimes, est-ce que, premièrement, les victimes seraient aussi bien soutenues, autant que les criminels? Deuxièmement, des organismes comme les nôtres seraient-ils aussi mieux soutenus?

Je vous rappelle que, en 2006, le ministre de la Sécurité publique voulait aider notre organisme financièrement grâce à une subvention de 50 000 $, sauf qu'au Québec, on ne peut pas recevoir directement de l'aide du gouvernement fédéral. Il faut passer par le gouvernement provincial, tandis que pour les autres provinces, le gouvernement fédéral peut financer directement les organismes d'aide aux victimes.

Donc, si le Canada adoptait une Charte des droits des victimes, des organismes comme le vôtre et les victimes, d'une province à l'autre, seraient-ils mieux soutenus et de façon égale?

[Traduction]

Mme Illingworth : Oui, exactement, vous avez souligné un aspect et un problème importants. La Charte est une protection pour les accusés, mais elle ne dit rien des personnes qui ont subi un préjudice à cause de la perpétration d'un crime et une de nos principales revendications est que l'on devrait garantir aux victimes de crime une certaine norme en matière de traitement.

À l'heure actuelle, les droits des victimes de crime contenus dans les déclarations des droits provinciales et territoriales ne sont pas des droits que l'on peut mettre en œuvre. Ce sont juste des déclarations au sujet des choses auxquelles les victimes devraient avoir droit et comment il faudrait les traiter, mais il n'est pas possible de contester quoi que ce soit dans ce domaine devant les tribunaux. Ce ne sont pas des droits contraignants.

Une charte des victimes aurait un effet très puissant et équilibrerait un peu le système de justice pénale qui, malgré ce que disent certaines personnes, est d'après nous très mal équilibré. Je sais qu'il y a des universitaires et des gens qui travaillent avec les contrevenants qui ne seraient pas d'accord avec cette affirmation. Cependant, nous avons parlé à des organisations comme la vôtre, nous avons parlé aux victimes de violence, à l'organisation Families Against Crime & Trauma et d'autres, et nous savons que tous les petits groupes qui existent ont du mal à survivre. Leur personnel n'est pas rémunéré. Ils travaillent dans ces organisations en donnant leur temps et leur argent. Il y a beaucoup de familles qui dépensent de grosses sommes d'argent pour essayer d'obtenir justice pour les êtres qu'elles aiment. Il y a encore tant à faire pour améliorer le traitement des victimes de crime dans ce pays et pour les soutenir dans leur épreuve et faciliter leur guérison.

Nous espérons que bientôt tous les gouvernements reconnaîtront qu'avec le travail que nous faisons pour appuyer les victimes et les aider à récupérer, celles-ci peuvent reprendre leur travail plus rapidement et demeurent des membres productifs de notre société. C'est un avantage pour la société. Nos organisations offrent des services qui sont très utiles, mais malheureusement, elles sont sous-financées.

Le vice-président : Merci, sénateur Boisvenu.

Chers collègues, voilà qui semble mettre fin à nos questions.

En votre nom, je tiens à remercier Mme Illingworth pour la très belle contribution qu'elle a apportée au travail que notre comité accomplit avec ce projet de loi.

Nous vous félicitons pour tout le travail que vous faites pour le compte des victimes. Je crois pouvoir dire que vous n'êtes certainement pas surfinancée; vous êtes seule, avec un peu d'aide autour de vous, pour faire tout ce que vous faites. Félicitations et merci. Je suis certain qu'à l'avenir nous serons heureux de vous recevoir pour parler d'autres projets de loi. Merci encore.

Mme Illingworth : Merci.

Le vice-président : Chers collègues, à l'ordre du jour d'aujourd'hui, en plus de notre témoin, nous devons décider si nous sommes disposés à procéder à l'étude article par article du projet de loi C-464. Je sais que le comité n'a pas toujours procédé à cette étude le jour même où il a entendu des témoins.

Je me suis dit qu'il serait utile pour nos travaux de siéger à huis clos et d'avoir une brève discussion pour confirmer si nous sommes vraiment prêts à effectuer aujourd'hui l'étude article par article. Suivant l'issue de cette discussion, nous verrons si nous procédons aujourd'hui à cette étude. Si cela nous convient, nous allons siéger à huis clos.

Êtes-vous d'accord, chers collègues?

Des voix : D'accord.

Le vice-président : Cela étant, je demande à toutes les personnes qui ne sont pas membres du comité ou de son personnel de quitter la salle et si vous voulez bien attendre à l'extérieur, je peux vous dire que cela ne devrait pas prendre beaucoup de temps.

Le sénateur Banks : Pour le compte rendu, il faut adopter une motion pour permettre au personnel de demeurer dans la salle.

Le vice-président : Le sénateur Runciman présente cette motion; êtes-vous d'accord?

Des voix : D'accord.

(Le comité poursuit ses travaux à huis clos.)


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