Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Affaires juridiques et constitutionnelles
Fascicule 17 - Témoignages du 1er décembre 2010
OTTAWA, le jeudi 1er décembre 2010
Le Comité permanent des affaires juridiques et constitutionnelles se réunit aujourd'hui, à 16 h 35, pour étudier le projet de loi S-12, Loi no 3 visant à harmoniser le droit fédéral avec le droit civil du Québec et modifiant certaines lois pour que chaque version linguistique tienne compte du droit civil et de la common law.
Le sénateur Joan Fraser (présidente) occupe le fauteuil.
[Français]
La présidente : Bienvenue à cette réunion du Comité sénatorial des affaires juridiques et constitutionnelles. Nous entamons notre étude du projet de loi S-12, Loi no 3 visant à harmoniser le droit fédéral avec le droit civil du Québec et modifiant certaines lois pour que chaque version linguistique tienne compte du droit civil et de la common law.
[Traduction]
Autrement dit, il s'agit d'un projet de loi technique, mais tout de même important. Nous avons le privilège d'entendre, comme premier témoin, l'honorable Robert Nicholson, ministre de la Justice et procureur général du Canada. Il est accompagné de M. John Mark Keyes, premier conseiller législatif au ministère de la Justice du Canada.
Monsieur le ministre, bienvenue à nouveau au comité. C'est toujours un plaisir de vous revoir.
Chers collègues, nous avons seulement une demi-heure avec le ministre.
Robert Nicholson, C.P., député, ministre de la Justice et procureur général du Canada : C'est vrai, même si mes collègues du ministère seront là pour répondre aux autres questions techniques que vous pourrez poser.
Comme vous le dites, il s'agit du troisième projet de loi visant à harmoniser le droit fédéral avec le droit civil et à modifier certaines lois afin que les versions dans chaque langue tiennent compte de la common law et du droit civil.
[Français]
Ce projet de loi d'harmonisation est le troisième à être présenté au Parlement. Il vise à modifier 12 lois, dont la Loi canadienne sur les sociétés par actions, la Loi canadienne sur les coopératives et la Loi sur l'expropriation.
[Traduction]
Le Canada est un pays riche et varié, ayant un paysage juridique unique en son genre. L'histoire du droit fédéral canadien profite non seulement de l'avantage du bilinguisme mais aussi du « bijuridisme », soit la coexistence de deux des grandes traditions juridiques de la planète, le droit civil et la common law.
Le projet de loi est un élément du programme d'harmonisation continue du ministère de la Justice du Canada. L'harmonisation, c'est examiner la législation fédérale pour s'assurer que les lois et les règlements fédéraux qui touchent au droit privé provincial et territorial ou utilisent ses concepts sont compatibles avec la common law et avec le droit civil du Québec. C'est une entreprise ambitieuse, qui comprend la révision de tout le recueil des lois fédérales, ainsi que des nouvelles lois et des nouveaux règlements.
Honorables sénateurs, les modifications visant l'harmonisation contenues dans le projet de loi sont terminologiques et non litigieuses et elles ne modifient pas les intentions législatives du Parlement.
Si la législation fédérale adoptée depuis 1867 a généralement utilisé les concepts et la terminologie de la common law, elle n'a pas toujours utilisé ceux du droit civil. Le programme d'harmonisation vise à corriger cette lacune en modifiant le droit fédéral pour assurer la compatibilité entre les deux systèmes juridiques.
Le point de vue de notre gouvernement est clair : l'harmonisation est essentielle pour donner à tous les Canadiens un accès égal à la loi.
Elle répond donc au besoin de s'assurer que quatre publics juridiques — les francophones régis par le droit civil, les anglophones régis par le droit civil, les anglophones régis par la common law et les francophones régis par la common law —peuvent lire dans la langue officielle de leur choix des lois et des règlements fédéraux utilisant une terminologie conforme aux concepts, aux règles et aux institutions du système juridique qui s'applique à eux.
Il y a évidemment d'autres systèmes juridiques qui interagissent avec notre droit fédéral, notamment le droit international. Mais le projet de loi a pour objet les systèmes du droit civil et de la common law.
Ce programme d'harmonisation a été établi au ministère de la Justice après l'entrée en vigueur du Code civil du Québec en 1994. Le Code civil, qui a remplacé le Code civil du Bas-Canada de 1866, a eu une grande incidence sur l'application des lois et règlements fédéraux qui renvoient au droit privé provincial. L'harmonisation de la législation fédérale avec le droit civil a été entreprise pour faciliter l'application de la législation fédérale au Québec.
Les fonctionnaires de mon ministère ont d'abord déterminé quelles dispositions législatives risquaient grandement de créer des difficultés d'application à cause de problèmes d'interprétation reliés au bijuridisme. Dans le cas du projet de loi S-12, la Loi sur l'expropriation, la Loi canadienne sur les sociétés par actions et la presque identique Loi canadienne sur les coopératives ont été considérées prioritaires pour l'harmonisation. Les neuf autres lois que le projet de loi propose de modifier ont été choisies afin de poursuivre l'harmonisation des lois relevant d'Industrie Canada.
Après que les solutions d'harmonisation pour ces lois ont été élaborées, il y a eu des discussions avec les ministères responsables au sujet des modifications proposées. Par la suite, mon ministère a tenu des consultations avec les parties qui seraient touchées par les changements proposés. Il a demandé des commentaires sur une série de propositions relatives à la Loi canadienne sur les sociétés par actions et à la Loi sur l'expropriation.
Ces propositions ont été intégrées dans un document de consultation affiché sur Internet par le ministère de la Justice. Ce document a également été envoyé par la poste à plus de 350 parties, y compris les ministres et sous-ministres de la justice provinciaux et territoriaux, les juges de la Cour suprême du Canada, les juges en chef des cours fédérales et provinciales, les barreaux, les professeurs de droit et les avocats. En ce qui concerne les neuf autres lois visées par ce projet de loi, les modifications ressemblent à celles qui ont été faites dans les deux premiers projets de loi d'harmonisation. Je signale que les commentaires reçus durant ces consultations ont été très positifs.
J'aimerais donner au comité quelques exemples tirés du projet de loi S-12 afin de vous donner un aperçu des modifications proposées dans le projet de loi. Je rappelle aux honorables sénateurs que chaque modification d'harmonisation est expliquée dans le cahier de l'analyse article par article qui a été remis à tous les membres du comité avant mon témoignage.
Mon premier exemple est tiré de l'article 2 du projet de loi. Dans cet article, il est proposé de modifier le paragraphe 8(2) de la Loi sur les chambres de commerce en ajoutant les mots « ou biens réels » dans la version française et « or immovable » dans la version anglaise. Ces modifications feront en sorte que cette disposition sera bien comprise par les quatre publics juridiques que j'ai déjà mentionnés.
Dans sa forme actuelle, cette disposition ne touche que le public régi par la common law dans la version anglaise et le public régi par le droit civil dans la version française. Le terme « immovable » doit être ajouté dans la version anglaise pour tenir compte du public anglophone régi par le droit civil. De même, il faut ajouter « ou biens réels » dans la version française pour tenir compte des francophones régis par la common law. Cette solution a été adoptée dans des lois antérieures et constitue désormais une pratique courante dans la rédaction des lois lorsque ces concepts sont employés.
Mon deuxième exemple est tiré du paragraphe 13(4), qui propose de modifier l'alinéa (c) de la définition de « associate » au paragraphe 2(1) de la version anglaise de la Loi canadienne sur les sociétés par actions en ajoutant les mots « or succession » après le mot « estate ».
Cette modification vise à adapter la disposition actuelle qui n'utilise que la terminologie de la common law, c'est-à- dire la notion de « estate », dans la version anglaise, afin qu'elle s'applique clairement au public régi par le droit civil. À cette fin, le mot « succession » est ajouté dans la version anglaise, puisqu'il est l'équivalent de « estate » en droit civil. J'espère que vous me suivez. Dans ce cas-ci, la version française de la modification n'a pas à être modifiée, étant donné que le terme « succession » est approprié en français, autant en droit civil qu'en common law. Là aussi, cette solution a été adoptée dans les lois d'harmonisation antérieures et elle est devenue elle aussi une pratique courante.
En conclusion, je rappelle aux honorables sénateurs que l'harmonisation améliore non seulement l'application de la législation fédérale au Québec, mais aussi l'efficacité des tribunaux et de l'administration publique chargés de l'application de la loi en rendant l'intention du Parlement plus claire et en réduisant les problèmes d'interprétation de la législation fédérale dans les deux systèmes.
La présidente : Monsieur le ministre, vous êtes venu au bon endroit si vous voulez que les gens s'intéressent à tout cela.
M. Nicholson : C'est bien.
La présidente : Je rappelle à mes collègues qu'il nous reste 20 minutes avec le ministre.
Le sénateur Wallace : Monsieur le ministre, comme vous l'avez souligné, il s'agit du troisième processus d'harmonisation entrepris par votre ministère. Celui-ci diffère-t-il des deux précédents? Évidemment les lois visées sont différentes, mais l'approche est-elle différente?
M. Nicholson : On tire toujours des leçons quand on se lance dans une entreprise de ce genre, mais essentiellement, le processus est identique. C'est un processus continu. Le ministère continue d'examiner d'autres lois. Ce n'est certainement pas le dernier projet de loi d'harmonisation que vous verrez.
Le sénateur Wallace : Est-il juste d'affirmer que cette troisième harmonisation ne touche que la province de Québec? Elle n'a aucune incidence sur les autres provinces ou sur les territoires du Canada?
M. Nicholson : Je le répète, cela facilite la tâche de tous les publics qui interprètent ces lois. C'est exact dans les deux systèmes et dans les deux langues officielles. Ainsi, les avocats en Ontario qui exercent leur profession au Québec, et vice versa, devraient comprendre parfaitement les lois et les nuances applicables au droit privé.
Le sénateur Wallace : Mais ce processus ne touchera que les lois du Québec?
M. Nicholson : Cela permet de mieux comprendre la législation fédérale, mais c'est surtout une réaction au code civil du Québec qui a été adopté en 1994.
La présidente : Si vous me permettez de faire une brève remarque supplémentaire, sénateur Wallace, je pense me souvenir que, lors d'une audience antérieure sur un projet de loi d'harmonisation, des juristes francophones d'ailleurs que le Québec avaient affirmé que c'était extrêmement important pour eux, parce qu'ils devaient fonctionner en common law et que la version française de la législation fédérale était exprimée dans la terminologie du droit civil. Pour eux, c'était très important.
M. Nicholson : Quel que soit le public, les lois seront plus claires grâce à ce projet de loi.
Le sénateur Joyal : Monsieur le ministre, je suis ébahi par la capacité du ministère de la Justice de faire ce genre de travail. En 1994, on a retenu 300 lois devant faire l'objet d'une harmonisation future. Combien d'entre elles ont été harmonisées après trois initiatives?
M. Nicholson : Je demanderai à M. Keyes de répondre.
John Mark Keyes, premier conseiller législatif, ministère de la Justice Canada : Oui, vous avez raison. Lorsque nous avons commencé, il y en avait 300. Au fil des années qui ont suivi, le Parlement a adopté d'autres lois. Quand nous avons entrepris la révision systématique de toutes les nouvelles lois en 2002, il y avait environ 350 lois à harmoniser. Nous sommes actuellement à peu près à mi-parcours. Nous avons harmonisé environ 46 p. 100 de ce qu'il fallait harmoniser.
Le sénateur Joyal : Autrement dit, depuis 2001 et le premier projet de loi d'harmonisation jusqu'à aujourd'hui, y compris le projet de loi S-12, en 10 ans, nous en avons harmonisé environ 47 p. 100. Peut-on s'attendre qu'il faudra encore 10 ans pour mener cette entreprise à terme?
La présidente : Sénateur Joyal, si c'est une question à laquelle le ministre demande à M. Keyes de répondre, nous y reviendrons plus tard, parce que notre temps avec le ministre est très limité, mais M. Keyes restera avec nous.
M. Nicholson : Je n'ai pas fixé d'échéance. J'ai demandé aux fonctionnaires s'ils continuaient de travailler à cet aspect et pourquoi ils avaient retenu ces lois en particulier. Ils ont répondu qu'ils retiennent généralement les lois les plus risquées. Certaines lois sont rarement utilisées ou examinées et les risques de problèmes sont donc très mineurs. Ils examinent ce qui est plus risqué.
De plus, les lois rédigées actuellement le sont dans les deux langues officielles et sont harmonisées avec les anciennes lois, de sorte que le problème ne se pose pas pour les nouvelles lois.
Le sénateur Joyal : La rédaction des nouveaux projets de loi déposés au Parlement s'inspire de la terminologie déjà en place et utilise la nouvelle terminologie. Nous ne créons pas d'arriéré avec les nouvelles lois.
M. Nicholson : Non.
Le sénateur Joyal : Nous nous intéressons uniquement aux anciennes lois.
[Français]
Le sénateur Carignan : Le ministre vient juste de répondre à la question que je voulais poser, concernant les motifs sur lesquels on s'était basé pour la sélection des lois prévues au projet de loi.
La présidente : J'ai cru comprendre que vous aviez obtenu réponse à votre question.
[Traduction]
La présidente : Le ministre veut-il ajouter quelque chose?
M. Nicholson : Il y a des lois provinciales semblables à la Loi canadienne sur les sociétés par actions, par exemple. C'est une raison suffisante pour s'assurer que la législation fédérale qui régit les sociétés s'aligne sur la législation provinciale. C'est l'une des principales raisons. Les dispositions de ce projet de loi sont importantes pour les entreprises de tout le pays, alors il paraît logique de s'intéresser à ces lois plutôt qu'à d'autres qui sont rarement utilisées ou qui présentent moins de risques potentiels.
Le sénateur Angus : Monsieur le ministre, je suis un avocat de droit civil du Québec. Je suis confus. J'ai toujours pensé que le français et l'anglais sont censés être des traductions directes d'une langue à l'autre. Est-ce ainsi que vous comprenez la rédaction des lois?
M. Nicholson : Ils le sont, mais nous devons intégrer les concepts qui existent dans les deux systèmes de droit. Les deux versions sont supposées être parfaites. Personne au monde ne le fait mieux que nous.
Le sénateur Angus : Vous avez donné l'exemple de l'article 2. Je pense que c'est simplement une question de priorité.
Au milieu du paragraphe 2(2), on lit, en anglais :
[...] the name and style specified in the certificate are a body corporate, with power to acquire, sell and convey any real property or immovable [...]
Le français se lit comme suit :
[...] dénomination et raison mentionnées dans le certificat, constitués en personne morale, ayant le pouvoir d'acheter, de vendre et d'aliéner les immeubles ou biens réels [...]
Dans la version française, « real property » rendu par « bien réels » se trouve après « immovable » ou « immeubles », mais dans l'anglais, il vient avant. Y a-t-il une raison ou est-ce une erreur?
M. Nicholson : On voit parfois les deux notions. Elles ne sont pas tout à fait identiques en droit civil et dans la common law. Afin d'assurer l'exactitude, les deux termes sont parfois utilisés. On peut voir dans la version anglaise, « mortgage » et « hypothèque », mais en français, le terme « hypothèque » inclut également la notion de la common law, alors cela dépend.
Le sénateur Angus : Je veux dire que ce n'est pas une traduction exacte, parce que « bien réels » vient après « immeubles » en français, mais en anglais, « real property » vient avant « immovable ». Je l'ai vu à cinq endroits jusqu'ici et j'ai commencé ma lecture il y a 20 minutes seulement.
M. Nicholson : Mon temps est limité, mais j'aimerais que M. Keyes vous réponde.
M. Keyes : Dans la rédaction des lois, chaque version est équivalente par le sens, pas nécessairement par l'ordre des idées. Notre convention de rédaction est que, dans la version anglaise, si nous avons ce que nous appelons un « doublet », autrement dit un terme de common law et un terme de droit civil, en anglais, nous mettons le terme de la common law en premier et celui du droit civil en deuxième, tandis que c'est le contraire en français.
Le sénateur Angus : C'est logique.
M. Keyes : Le terme de droit civil vient en premier dans la version française et le terme de la common law vient en second. C'est un style de rédaction. Un terme doit précéder l'autre et, de cette façon, nous pensons obtenir une certaine égalité dans l'ordre.
Le sénateur Angus : Le mystère est éclairci. Merci.
La présidente : Monsieur le ministre, vous avez déclaré que personne au monde ne le fait mieux que nous. C'est agréable de savoir qu'il s'agit de l'une des merveilleuses caractéristiques particulières de notre pays. Aidons-nous d'autres pays bijuridiques? Certains doivent, je crois, mettre en place des ensembles de lois relativement comparables.
M. Nicholson : C'est intéressant que vous posiez la question parce que je l'ai posée moi-même au ministère. Quand on me parle d'États bijuridiques, on me renvoie habituellement aux lois de la Louisiane. Les Américains n'ont pas tout à fait les mêmes problèmes que nous, parce que le droit fédéral n'a aucune incidence sur le droit des États.
C'est ce qu'on appelle parfois les « dispositions écossaises ». Quand le Royaume-Uni rédige des lois en common law anglaise, il ajoute une « disposition écossaise » pour tenir compte du fait que les Écossais ont eux aussi une version du droit civil.
J'ai parlé au haut-commissaire de la Malaisie. Dans ce pays, il y a la common law britannique, mais aussi le droit islamique, par exemple. On me dit que notre expertise est extrêmement utile pour rédiger des conventions internationales qui doivent intégrer plusieurs systèmes de droit. Il semble que nous avons une expertise particulière dans ce domaine, et il n'y a pas beaucoup de pays qui ont deux langues officielles et deux systèmes de droit, le droit civil et la common law.
On m'a dit également que les Canadiens excellent dans la rédaction de conventions et de traités internationaux.
La présidente : Formidable. Est-ce une industrie d'exportation dont nous pouvons être fiers?
M. Nicholson : Je ne suis pas certain que cela soit très payant, madame la présidente, mais c'est une façon pour le Canada de contribuer à la communauté internationale.
La présidente : Je pense que nous pourrons vous libérer à l'heure prévue, monsieur le ministre. Nous serions reconnaissants si M. Keyes restait avec nous.
Comme toujours, vous nous avez été très utile dans notre travail.
M. Nicholson : Merci.
La présidente : Chers collègues, il y a également dans la salle deux autres fonctionnaires de Justice Canada qui peuvent répondre à nos questions, au besoin. Il s'agit de M. Luc Gagné, avocat général et directeur, Équipe du bijuridisme législatif (Initiatives de révision); et de M. Marc Cuerrier, avocat général principal, Groupe des services de révision législative.
Bienvenue, messieurs.
Le sénateur Baker : Pouvons-nous demander aux témoins de nous donner un aperçu général du projet de loi?
M. Keyes : Je commencerai à un niveau assez général, pour vous donner une idée du contenu du projet de loi. La plupart des dispositions d'harmonisation portent sur trois lois : la Loi canadienne sur les sociétés par actions; la Loi canadienne sur les coopératives, qui ressemble à la Loi canadienne sur les sociétés par actions; et la Loi sur l'expropriation.
Les révisions aux neuf autres lois ont nettement moins d'envergure. Il s'agit essentiellement de changements relativement mineurs, semblables à ceux qui ont déjà été apportés dans les lois d'harmonisation antérieures. Les neuf autres lois sont également un groupe de lois qui relève d'Industrie Canada. C'est l'autre raison pour laquelle elles ont été réunies; nous pouvions travailler avec ce ministère pour les regrouper dans un tout.
Le sénateur Baker : Y a-t-il des changements identiques, des corrections apportées au même aspect dans plusieurs lois?
M. Keyes : De nombreux changements sont identiques. C'est le même problème et la même question qui se pose dans de nombreux cas.
Le sénateur Baker : Monsieur Keyes, en réponse à une question du sénateur Joyal au début de notre réunion, vous avez indiqué qu'il y avait un plan pour tenter d'apporter toutes les corrections durant une certain période. Pouvez-vous prédire ce qui reste à faire? N'est-ce pas un processus un peu mobile, n'est-ce pas continu, au point où vous devriez prévoir pendant un certain temps des changements qui devraient être apportés à cause de la jurisprudence?
M. Keyes : Vous avez raison. Ce genre de travail ne finira jamais. L'harmonisation doit être prise en considération dans la rédaction des nouvelles lois.
Mais le processus de correction des lois existantes est limité. Nous l'avons ramené à environ 350 lois à harmoniser. Ce nombre n'augmente plus, parce que chaque nouvelle loi proposée par le gouvernement est harmonisée.
En outre, dans certains cas, nous proposons de nouvelles lois pour remplacer des anciennes. Dans ce contexte également, nous effectuons l'harmonisation. Un bon exemple est la Loi canadienne sur les organisations à but non lucratif adoptée il y a peu de temps. Elle a remplacé l'ancienne Loi sur les corporations canadiennes, qui n'avait jamais été harmonisée. Nous avons ainsi retranché une autre loi sur cette liste de 350.
Le sénateur Baker : En juin de l'an dernier, la Cour suprême du Canada a rendu une décision dans l'arrêt Caisse populaire Desjardins de l'Est de Drummond c. Canada, 2009. Le paragraphe 45 de la décision se lit comme suit :
Au paragraphe 224(1.3) LIR, le mot « droit » est rendu en anglais par interest.
Je regarde ensuite l'un des articles que vous modifiez par le projet de loi. L'article 7 touche la Loi sur la Banque de développement du Canada. Vous ajoutez « ... une sûreté, y compris, au Québec, un droit... » après le mot « détenir ». Je lis ensuite :
(1) La Banque peut
(b) ... renoncer à la sûreté ou au droit sur celle-ci.
Par conséquent, vous intervenez à cause de la Loi sur la Banque de développement du Canada, parce que l'an dernier la Cour suprême du Canada a examiné le même problème dans la Loi de l'impôt sur le revenu, un problème lié au droit civil du Québec.
Il n'y a pas d'autre façon de procéder, je suppose. Vous y allez une loi à la fois et vous tenez compte de ce qui existe dans une loi et qui doit être corrigé dans une autre. Je suppose qu'il n'y a pas d'autre façon de procéder.
M. Keyes : On ne peut pas tout faire en même temps. Nous essayons de déterminer les priorités et s'il y a un risque élevé dans un autre domaine, nous allons dans ce domaine.
Je demanderai à M. Cuerrier de répondre, parce qu'il connaît beaucoup mieux que moi les modifications relatives à l'impôt sur le revenu.
Marc Cuerrier, avocat général principal, Groupe des services de révision législative, ministère de la Justice Canada : Nous avons décidé de faire avancer ces projets de loi en réunissant des lois qui touchent au droit des sociétés, la principale loi visée dans le projet de loi étant la Loi canadienne sur les sociétés par actions. Nous ne sommes pas en mesure, pour le moment, d'apporter des changements horizontaux à toutes les lois. Nous préférons regrouper des lois reliées à une loi principale. Nous avons apporté des corrections et fait des propositions pour des lois connexes, dans ce cas-ci, sous le thème du droit des sociétés.
Le sénateur Baker : J'ai posé une question à M. Keyes : lorsque la question se posera à l'avenir, un tribunal pourrait- il renvoyer aux changements contenus dans le projet de loi afin de suggérer peut-être une interprétation comparable, comme la Loi sur les banques, qui n'est pas visée par le projet de loi?
M. Keyes : Vous voulez dire une situation où une disposition n'a pas été harmonisée?
Le sénateur Baker : Oui, mais son application à ce que vous faites dans cette loi et dans d'autres lois et le sujet sont les mêmes.
M. Keyes : C'est certainement un argument que nous invoquerions : les lois doivent s'appliquer aux deux systèmes. Même si nous avons un programme d'harmonisation en cours, il n'est pas encore achevé. En un sens, nous disons aux tribunaux : « Vous devez encore interpréter certaines de ces dispositions comme vous le faisiez avant le programme d'harmonisation. Vous devez interpréter la disposition sans tenir compte de l'avantage de la révision qu'apporterait l'harmonisation ».
Le sénateur Joyal : J'ai une question supplémentaire. J'aimerais revenir sur la perspective globale de l'harmonisation. Le nouveau code civil a été adopté en 1994, comme l'a indiqué mon collègue, le sénateur Angus. Nous sommes maintenant en 2010, soit 16 ans plus tard.
Durant cette période, il y a eu trois lois d'harmonisation. C'est la troisième. Vous avez déclaré dans une réponse antérieure que vous avez priorisé les 350 lois à harmoniser. Je suis d'accord avec cette approche logique, mais j'aimerais avoir une idée de ce qui est en cours. Lorsque le projet de loi sera adopté au Parlement, quelle sera votre prochaine priorité? Où allons-nous avec les quelque 150 lois qui restent à harmoniser?
Je ne parle pas des nouveaux projets de loi, des nouvelles lois. Nous comprenons que la terminologie est fixée et que la rédaction tient compte des deux systèmes juridiques. J'essaie de comprendre combien il faudra de temps pour digérer les autres 150 lois qui restent et comment vous avez divisé le travail et regroupé les lois. Pouvons-nous nous attendre à ce que, dans 10 ans peut-être, si tout va bien, si le Parlement vous donne tous les ans l'argent nécessaire et compte tenu de tous les facteurs que nous comprenons, nous en aurons terminé avec ces 150 autres lois? Je ne sais pas si ma question est assez claire.
M. Keyes : Vous avez été très clair. M. Cuerrier est probablement mieux placé que moi pour vous donner une idée de la manière dont nous avons organisé notre programme pour les lois qui restent.
M. Cuerrier : Ce que mon collègue a déjà expliqué est pertinent pour cette réponse. Nous avons déterminé qu'il restait 350 lois à harmoniser. En passant, il y a aussi 2 400 règlements à harmoniser. N'oublions pas que nous travaillons avec les lois et les règlements en même temps.
D'abord, dès le départ, nous nous sommes assurés de ne pas augmenter le nombre de lois et de règlements à harmoniser. Nous avons donc réparti nos ressources dans deux équipes. La première suit les nouvelles lois proposées et adoptées pour s'assurer qu'elles ne s'ajoutent pas à celles qu'il faut harmoniser. La seconde travaille avec différents ministères et sur diverses lois. Comme je l'ai déjà indiqué, nous avons effectué une analyse des risques, afin de déterminer quelles lois devraient être harmonisées en premier. C'est sur la base de cette analyse que le projet de loi actuel a été rédigé. Pour les projets de loi futurs, nous avons déterminé que, s'ils se rapportent au droit des sociétés et à la Loi canadienne sur les sociétés par actions, quelques candidats, comme la Loi sur les banques, la Loi sur les associations coopératives de crédit, la Loi sur les compagnies d'assurance, la Loi sur les sociétés de fiducie et de prêt et la Loi sur les lettres de change étaient intéressantes, parce qu'une terminologie assez semblable s'y retrouvait. Il serait logique de les inclure dans le prochain projet de loi d'harmonisation.
Nous avons également repéré la Loi sur la gestion des finances publiques. Nous travaillons également sur un groupe de 50 lois reliées aux pensions, et sur la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies.
Nous nous efforçons de regrouper la législation de manière à être aussi efficients et aussi rapides que possible pour harmoniser ce grand nombre de lois et de règlements.
Nous n'avons pas vraiment d'échéancier. Nous n'essayons pas de fixer un échéancier parce que ce travail d'harmonisation dépend beaucoup de la façon dont la législation évolue. Si certaines lois dont l'harmonisation est prévue sont réformées ou modifiées, nous les harmonisons à l'étape du nouveau changement de la législation.
C'est un autre facteur important. Par exemple, dans ce projet de loi, nous avons travaillé sur le concept de beneficial ownership. Comme vous le savez, ce concept est utilisé dans plusieurs lois touchant les sociétés — par exemple, la Loi sur les valeurs mobilières. Il est employé également dans plusieurs lois du Québec et dans le droit civil du Québec. Jusqu'à récemment, en 2009 je crois, des modifications ont été apportées à ce concept de beneficial ownership.
Par conséquent, nous devons parfois nous arrêter et regarder comment le Québec s'attaque à un problème, au lieu d'avancer et de devoir faire marche arrière par la suite, parce que le Québec a adopté une autre position, une autre voie, une autre stratégie face à certains problèmes.
Dans la mesure où notre travail est relié à la fois à l'évolution du recueil des lois fédérales et à l'évolution de la législation provinciale, il est difficile de fixer une échéance précise pour la fin de ce travail.
Le sénateur Joyal : Vous venez de mentionner deux secteurs d'intérêt commun, dont un portant sur les institutions financières en général. Vous avez mentionné la Loi sur les banques et d'autres institutions financières qui pourraient être regroupées sous ce thème. Puis, vous avez mentionné un intérêt pour les lois sur les pensions, qui feraient partie des 150 lois qui restent.
Combien de regroupements thématiques avez-vous fait, en plus des deux que vous venez de mentionner?
M. Cuerrier : Nous avons un plan et nous nous sommes projetés dans l'avenir. Je pense que nous pouvons aller jusqu'à un quatrième, un cinquième et un sixième projet de loi. Nous avançons en fonction d'un plan qui permettrait trois autres projets de loi d'harmonisation. Encore une fois, ce sont des plans, et les plans sont faits pour changer. Jusqu'ici, nous avons pu suivre le plan. La législation que je viens de mentionner pourrait faire partie d'un quatrième projet de loi d'harmonisation.
Je cède la parole à mon collègue.
[Français]
Luc Gagné, avocat général et directeur, Équipe du bijuridisme législatif (Initiatives de révision), ministère de la Justice Canada : Une autre variable doit être ajoutée à l'équation, c'est qu'on travaille main dans la main avec les ministères responsables des lois. Du point de vue du ministère de la Justice on ne peut pas obliger disant : l'année prochaine, vos lois seront harmonisées. C'est toujours fait de façon collaborative.
Pour vous donner un exemple, on a travaillé sur la Loi sur les banques — cela a été mentionné par mon collègue, M. Cuerrier — et les autres lois reliées à cette loi. Donc, ces travaux ont été faits il y a deux ou trois ans, mais au moment où nous étions prêts à approcher le ministère client, eux ne l'étaient pas, ils nous ont dit : « La Loi sur les banques et les autres lois vont faire l'objet d'une révision complète dans deux ou trois ans, donc pouvez-vous attendre, et on inclura vos modifications d'harmonisation dans toute la révision des lois. »
C'est un véhicule qui s'additionne aux lois d'harmonisation. Cela arrive quelquefois que, en cours de route, la loi vient à être ouverte, donc dans le cadre de nos discussions avec les ministères clients, ils nous disent : « On serait prêt à modifier la loi, avez-vous des choses? »
C'est arrivé, par exemple, avec la Loi sur la gestion des terres des Premières nations, le projet de loi S-6, il y a quelques années. Il s'agissait de travaux amorcés de longue date et jamais on n'avait réussi à se retrouver au même diapason que le ministère client. Un moment donné, les astres se sont alignés et le ministère était prêt. La façon qui a été choisie, c'était de procéder avec une loi modificative ordinaire parrainée par le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien.
La même chose est arrivée dernièrement avec la Loi sur la Commission de la capitale nationale. C'est maintenant devant la Chambre des communes, à l'étape du rapport. Il s'agissait d'une révision complète de cette loi. On y avait travaillé depuis plusieurs années, mais c'était toujours en suspens, c'est-à-dire que les travaux avaient été suspendus. Encore une fois, les astres se sont alignés. Le ministère nous a recontactés pour nous dire qu'ils étaient maintenant prêts. Nous avons donc intégré nos modifications d'harmonisation dans un projet de loi qui visait à refondre carrément la législation.
[Traduction]
Le sénateur Joyal : J'ai déjà posé une question supplémentaire, je le sais, et c'est pour cela qu'il faut me discipliner. J'ai des questions de suivi, parce que je pense que les témoins ont touché un aspect important pour faire comprendre ce qu'ils font.
La présidente : Ce sera formidable, quand vous aurez votre chance de poser une question principale et d'aller plus loin. Sénateur Carignan.
[Français]
Le sénateur Carignan : Évidemment, c'est un projet de loi qui est très technique. Y a-t-il des endroits que vous pouvez identifier pour nous et dans lesquels vous considérez qu'il pourrait y avoir une modification de fond ou qui pourraient être interprétés comme une modification de fond? Autrement dit, je comprends que le but du projet de loi est de faire une conciliation, s'assurer que les concepts soient identiques, mais sans nécessairement modifier le fond. C'est toutefois difficile; nous le faisons actuellement comme exercice, avec Mme le sénateur Fraser; nous révisons l'anglais et le français des règles du Sénat, et, de temps à autre, nous butons sur certains articles en nous disant qu'on risque de modifier le fond et qu'on a un choix à faire. Quand nous pensons que cela va modifier le fond, nous nous sommes donnés comme règle de le notifier aux collègues sénateurs.
Si je transpose cela à la situation présente, est-ce qu'il y a des endroits en particulier dans le projet de loi où, selon votre expertise, vous croyez que cela peut modifier le fond? Et si oui, quelle est la nature de ces modifications?
En deuxième question, nous avons eu un exemple tout à l'heure, avec le sénateur Baker, concernant un jugement de la Cour suprême. Y a-t-il d'autres modifications qui modifient le fond, mais qui ont été faites suite à une décision des cours qui avaient signalé une problématique particulière?
M. Gagné : Quant à votre première question, au sujet des modifications de fond, selon nous il n'y en a aucune dans le projet de loi. La raison est fort simple; au cours de notre examen de la loi, lorsque nous identifions un problème dont la solution nécessaire équivaudrait à un changement de fond, nous ne la faisons tout simplement pas. Nous la signalons au client et nous leur conseillons de faire cette modification dans leur propre loi, donc une loi modificative ordinaire parrainée par le ministère. Nous interprétons notre mandat de façon très stricte. Nous faisons seulement des modifications d'harmonisation, qui n'ont aucun effet sur l'intention du Parlement. Nous faisons bien attention de ne jamais changer le fond.
Comme vous le dites, des fois c'est difficile à faire. Lorsqu'il y a une possibilité ou un risque de changer le fond, nous ne prenons pas de risque, nous ne le faisons tout simplement pas.
C'est pour cela que vous allez parfois lire une loi et vous dire qu'il y a peut-être un problème de bijuridisme. Si cela n'a pas été harmonisé, c'est parce que notre interprétation était que cela pouvait nécessiter un changement de fond, donc ce n'est pas inclus dans la loi. On l'a dit lors de la première loi d'harmonisation, la deuxième aussi; si vous consultez les débats parlementaires, c'est écrit en toute lettre. Cette fois-ci, c'est la même chose.
Le sénateur Carignan : Donc je comprends que, par exemple, pour la Loi sur la Banque de développement du Canada, s'il semble y avoir certaines contradictions entre la version française et la version anglaise et si qu'elle n'est pas visée par les articles qui sont modifiés ici, c'est parce que vous aviez l'opinion qu'il aurait pu y avoir un impact sur le fond et vous avez décidé de ne pas y toucher; c'est bien cela?
M. Gagné : C'est cela. Ce n'est pas notre mandat, par exemple, de corriger des erreurs qui pourraient être faites par une loi corrective. Il y a un autre programme pour cela. Parfois aussi on bute ou on rencontre des lois qui sont très anciennes et qui nécessiteraient vraiment une révision complète. Dernièrement, la commission de révision des lois a été remise sur pied après plusieurs années, et on identifie souvent dans nos travaux, presque quotidiennement, des candidats parfaits pour ce type de révision. On réfère le cas — le règlement ou la loi — au secrétaire de la commission qui va, ultimement contacter le ministère.
Il y a toujours, dans nos travaux quotidiens, des décisions à prendre. Nous faisons notre travail de conseillers juridiques. Quand nous approchons le client, nous disons que ces modifications pourraient se faire dans le cadre du programme d'harmonisation; pour les autres, nous leur conseillons de faire de telle ou telle façon.
M. Keyes : Si je peux ajouter un point, en rédigeant ce projet de loi, nous croyons que, pour chaque disposition qui est ré-édictée, les deux versions sont conformes l'une à l'autre. C'est une des choses que nous essayons de s'assurer avec notre rédaction, l'équivalence de chacune des dispositions. Donc nous croyons que, pour ce qui est dans le projet de loi, l'équivalence est là dans chaque cas.
Et si nous avons trouvé une inégalité dans les dispositions de bases, c'est quelque chose à régler quand on ré-édicte la loi. On ne peut pas ré-édicter deux versions d'une loi qui ne sont pas équivalentes.
Le sénateur Joyal : Si je peux revenir sur la question de la planification de votre travail, je comprends donc qu'il y a des types de secteurs d'intérêt commun où vous regroupez les différentes lois, qui se rapportent à une thématique pour laquelle vous avez déjà une capacité sur le plan de la terminologie et des concepts juridiques. Car pour faire l'harmonisation, il faut pouvoir comprendre les concepts juridiques et avoir la terminologie adaptée en conséquence. Quels sont les obstacles les plus importants que vous rencontrez dans ce travail d'harmonisation?
M. Cuerrier : Si je peux me permettre de répondre, sénateur, vous savez, le travail d'harmonisation, cela ressemble un peu au travail de traduction d'une langue à l'autre, sauf que nous traduisons d'un système juridique à l'autre. Même quand du travail de traduction est fait d'une langue à l'autre, il y a des mots qui n'ont pas vraiment d'équivalent parfait. Ce sont des concepts qui sont un peu différents, organisés, structurés ou articulés de façon un peu différente dans un système par rapport à l'autre. Par exemple, le concept de propriété en droit civil et celui de la common law sont très différents et répondent à des règles différentes, historiquement et théoriquement.
À cause de ce phénomène, il est plutôt difficile de prédire où notre planification va nous emmener. Nous avons quand même identifié la problématique, justement, de la propriété et du « beneficial ownership ». C'est une problématique qu'il nous reste à résoudre.
Il y a également des problématiques au niveau du droit de propriété et la propriété en tant que telle, par exemple, qui constitue une acquisition de bien en droit civil et en common law. Le sénateur Baker a parlé tantôt de la Loi de l'impôt sur le revenu. La Loi de l'impôt sur le revenu contient beaucoup de règles de droit privé. Parmi ces règles, il y a celles du beneficial ownership, qui vise à identifier certaines propriétés ou certains droits de propriété, et à ce niveau-là, il y a énormément de problèmes encore, sur le concept de la propriété en tant que telle.
C'est un des gros problèmes qu'il nous reste à analyser dans le contexte de l'ensemble des lois. Il y a d'autres mesures que nous n'avons pas encore abordées; par exemple, dans le domaine des banques, il faudra traiter la Loi sur les banques et les lois sur les différentes autres institutions financières. Il faudra faire du travail pour, justement, intégrer les nouveaux concepts qui ont été intégrés à la Loi canadienne sur les sociétés par actions. Il y aura là aussi un réexamen à faire dans le contexte particulier des banques et des institutions financières pour lesquelles il existe une législation fédérale.
Le sénateur Joyal : Donc, votre premier obstacle est, j'allais dire scientifique, au sens où vous devez arriver à préciser la nature du vocabulaire du langage juridique que vous voudrez utiliser dans, évidemment, l'entreprise d'harmonisation, c'est-à-dire de mettre en parallèle deux textes qui aient exactement la même portée juridique.
Au-delà de ce premier obstacle, quel est l'autre obstacle institutionnel que vous pouvez rencontrer?
M. Cuerrier : Comme mon collègue le disait tantôt, il est parfois très difficile de distinguer entre la question terminologique et la question de fond. C'est un autre obstacle qui fait en sorte que chaque fois qu'on tente de trouver une équivalence pour un concept de common law, il faut vérifier auprès du ministère client dans quelle mesure cette équivalence pourrait entraîner des changements de politiques législatives.
Par exemple, nous avons ici une notion ajoutée assez systématiquement, qui est celle de « mandataire » — mandatory —, ajoutée de façon connexe à la notion de agency. On sait que la notion de agency est très vaste en common law. On sait aussi qu'en droit civil, la question de « mandataire » est également vaste et qu'il y a des nuances, parfois, à faire entre un mandataire, un représentant légal, un représentant personnel. Le fait de vouloir calibrer l'équivalence, en fonction de ce qui est recherché par le législateur, donne parfois lieu à des délais importants et à l'implication des ministères clients dans la détermination de l'intention législative. Lorsqu'on soulève ces difficultés d'équivalence, cela leur permet possiblement de voir certaines faiblesses dans la politique législative qu'il y a derrière leurs textes existants.
Cela soulève effectivement, parfois, une révision beaucoup plus profonde qu'une révision terminologique et, à ce moment-là, le ministère client entreprend lui-même des études un peu plus profondes sur ces questions spécifiques soulevées dans le cadre de l'exercice d'harmonisation.
Le sénateur Joyal : Rencontrez-vous, dans l'administration, des réticences de certains ministères ou agences à procéder à l'examen et à la coopération sur laquelle vous devez nécessairement compter pour mener à bien un texte comme celui sur lequel on se penche aujourd'hui?
M. Cuerrier : Je vois certains obstacles, mais ils ne sont pas causés par l'administration elle-même. Souvent, c'est causé par le fait que l'administration a un agenda législatif très chargé — par exemple, dans le cas de la Loi sur les banques —, ils nous disent que ce qu'on fait comme travail d'harmonisation est intéressant, mais que ce n'est pas le bon moment et que nous pourrons le faire lors de la révision quinquennale, en même temps que la révision de l'ensemble des dispositions pour des raisons de politiques législatives aussi.
Personnellement, je n'ai pas vu énormément de réticence de la part des ministères. Parfois, il y a des réticences dans les solutions, les ministères vont vouloir maintenir un peu plus de certitude dans les textes et garder la terminologie existante et utiliser la terminologie du droit civil. Cela donne lieu à des doublets, qui sont une façon d'harmoniser, comme vous le savez.
Les ministères expriment parfois ces réticences en termes de choix des solutions, mais en termes de temps, je ne sais pas si mon collègue, M. Gagné, aurait d'autres commentaires d'après son expérience personnelle en rapport avec le PL3.
M. Gagné : Il faut faire parfois des efforts pour sensibiliser les ministères aux problèmes de bijuridisme et faire connaître aussi nos travaux, qui ont débuté il y a quand même plusieurs années. Ce ne sont pas tous les ministères qui ont eu à entrer en contact avec nous. Il y a des ministères qu'on n'a pas encore approchés.
Il ne faut pas se le cacher, les juristes qui sont sensibilisés à la question du bijuridisme ne courent pas les rues. La plupart des avocats qui travaillent au gouvernement sont de formation unijuridique, soit formés en common law ou en droit civil. Dans la vie quotidienne, la majorité du travail se fait habituellement dans un système.
Au Canada, le ministère de la Justice est quand même réparti uniformément à travers le territoire; en Colombie- Britannique, ils travaillent en common law, tandis qu'au Québec, c'est surtout en droit civil. Lorsqu'on fait affaire avec le ministère, on contacte le service juridique central. Trouver des interlocuteurs qui ont la double formation ou qui sont sensibles à la question, c'est assez rare. Donc, il faut faire un effort d'éducation.
Les contacts initiaux sont très importants pour les convaincre du bien-fondé de notre intervention. Je ne peux pas dire que cela cause des délais énormes ou insurmontables, mais cela prend quand même des efforts.
M. Keyes : On ne manque pas de bonne volonté au sein du gouvernement pour l'harmonisation et on peut le démontrer avec ce qui se passe dans la révision des nouveaux projets de loi. Systématiquement, chaque projet de loi, chaque règlement sont révisés aux fins d'harmonisation et on voit la coopération des ministères clients. Donc, pour la révision des lois qui n'ont pas déjà été révisées, c'est vraiment une question, comme M. Cuerrier le disait, de priorité législative, des réalités des processus législatifs. Il faut chercher les occasions pour avancer l'harmonisation et c'est ce que nous faisons constamment. C'est la raison pour laquelle ce genre de projet de loi omnibus n'est pas la seule façon de faire avancer le programme d'harmonisation; il s'avance également du côté de la révision des nouveaux projets de loi et règlements.
Le sénateur Joyal : Vous aviez soulevé vous-même, M. Keyes, le nombre de règlements, soit 2 400. Parmi tous ces règlements, proportionnellement — je ne m'attends pas à un chiffre à l'unité près —, dans cette masse de règlements, combien auraient pu avoir été harmonisés jusqu'à présent?
M. Keyes : Un pourcentage de 73 p. 100 est harmonisé. Il reste 27 p. 100 des règlements, des anciens règlements.
Le sénateur Joyal : Vous avez plus de succès avec les règlements qu'avec les statuts?
M. Keyes : Oui, parce qu'on a plus de règlements que de projets de loi chaque année.
M. Gagné : J'aimerais ajouter une précision. La plupart des problèmes de bijuridisme se sont retrouvés dans les lois, et les règlements vont souvent répéter le vocabulaire employé dans la loi habilitante. C'est pour cela que c'est plus facile avec les règlements.
Je veux seulement préciser quelques chiffres : nous avons réussi à fermer plus de 1 700 dossiers. Ce sont des règlements qui ne nécessitaient pas d'harmonisation. C'est pour cela qu'on arrive à un chiffre d'à peu près 73 p. 100. Les règlements qui devaient être harmonisés sont complétés.
On a quand même, dans nos cartons, plusieurs règlements qui nécessitent de l'harmonisation, mais il fallait attendre l'adoption des changements aux lois habilitantes.
Le sénateur Joyal : Du statut principal.
M. Gagné : C'est cela. Donc, après l'adoption du troisième projet de loi d'harmonisation, des projets de règlements vont suivre. Leur rédaction est entamée, il s'agit seulement de modifier leur loi habilitante.
M. Cuerrier : Tout ce travail, qui se fait en sourdine, n'est pas reflété dans le fait que nous en sommes seulement au troisième projet de loi. On est rendus seulement au troisième projet de loi en termes de changements présentés, mais on a fait beaucoup d'harmonisation qui nous a permis d'écarter certains règlements et certaines lois même, et de dire qu'elles sont harmonisées ou ne présentent pas de problème d'harmonisation.
Si on veut un portrait plus juste de la démarche et du parcours, il faut prendre en compte également ces lois et règlements qui ont été lus, analysés et qui ont été classées comme ne comportant pas de problématiques bijuridiques. C'est la raison pour laquelle les chiffres que nous vous donnons sont plus indicatifs de la démarche.
Le sénateur Joyal : C'est un ordre de grandeur pour essayer de comprendre ce qu'il reste à faire, à digérer dans l'ensemble de l'administration. Est-ce que, dans les choix que vous faites, de prioriser, par exemple, les institutions financières, vous avez donné des raisons, à savoir le fait qu'il peut y avoir une plus grande importance sur le plan de l'utilisation immédiate de ces statuts ou de ces lois?
On pense à la Loi sur les banques, une loi extrêmement importante au Canada compte tenu de la responsabilité fédérale dans le domaine des institutions financières. Est-ce que vous tenez compte de la réaction du milieu touché par ces statuts dans la détermination de vos priorités d'harmonisation?
M. Cuerrier : Tout à fait, car le processus d'identification des problématiques se fait d'abord et avant tout en regardant la jurisprudence en regardant les textes, la littérature juridique dans un domaine ou dans un autre. Souvent ces textes sont très riches en indicateurs nous permettant de dire : ici, il y a un problème.
Le facteur de lecture de la littérature juridique et de suivi de la jurisprudence, nous permet également d'identifier des domaines qui sont plus pertinents et qui doivent être attaqués avant d'autres.
Le sénateur Joyal : Est-ce que le gouvernement du Québec ou le Barreau du Québec ont déjà fait des représentations sur les priorités sur lesquels vous devriez concentrer vos efforts?
M. Cuerrier : Non, pas à ma connaissance.
La présidente : Nous allons entendre des gens qui ont travaillé dans ces domaines dans les jours qui viennent.
Le sénateur Joyal : Très bien, merci.
[Traduction]
Le sénateur Baker : Avant de poser ma question, j'ai une observation. La deuxième édition d'un excellent ouvrage appelé Executive Legislation, de John Mark Keyes est parue en août dernier.
Je suis presque arrivé au chapitre portant sur la terminologie, mais je me suis enlisé dans celui sur l'ignorance de la loi et je n'ai pas pu arriver au chapitre sur la terminologie.
Je le recommande comme cadeau de Noël à tous ceux qui s'intéressent vraiment à ce sujet.
En vous écoutant, monsieur Keyes, j'ai pensé que les membres de notre comité qui siègent aussi au Comité des banques et du commerce pourraient se demander quand se fera l'harmonisation de la législation sur les pensions dans les provinces. Évidemment, c'est un autre sujet, et je le laisserai pour un autre jour.
Je vous félicite, monsieur Keyes, pour cet excellent livre.
M. Keyes : Merci beaucoup, sénateur.
La présidente : Je ferai également une observation ou deux avant de poser ma question.
D'abord, ce cahier d'information article par article est le meilleur que j'ai jamais vu. Félicitations à ceux qui l'ont préparé. Il est fantastique. Il est très convivial en plus d'être très complet, ce qui est formidable.
Ensuite, comme vous pouvez le voir, nous commençons à peine à plonger dans les arcanes de ce projet de loi, alors nous vous demanderons peut-être de revenir. Préparez-vous, juste au cas.
Ma question est liée à celle que le sénateur Wallace a posée au ministre au tout début la réunion, soit si le projet de loi ou certains de ces éléments ne s'appliquent qu'au Québec. Mon attention a été attirée presque par hasard par l'article 142, qui modifie l'alinéa 26(10)(c) de la Loi sur l'expropriation. Je connais encore moins l'expropriation que la Loi de l'impôt sur le revenu.
J'ai été déroutée de voir en anglais « a security interest or real security » et en français « sûreté », alors je suis allée à la page 289 de mon merveilleux cahier de breffage, où j'ai trouvé une longue et savante explication des difficultés qui se sont posées et où j'ai appris — et cela se trouve dans le projet de loi — c'est précisé dans l'introduction au paragraphe 26(10) que le terme « real security » ne s'applique qu'au Québec, à cause de diverses difficultés.
Après ce long préambule, ma question est la suivante : ce genre de situation arrive-t-il souvent dans le projet de loi? Est-ce un cas isolé ou cela revient-il plus souvent que je m'y serais attendue? Est-ce arrivé pour des catégories de sujets? Autrement dit, que devrions-nous rechercher dans notre analyse?
M. Cuerrier : Si je comprends bien votre question, comme le ministre l'a fait remarquer, deux types de changements sont envisagés dans le projet de loi. Le premier serait des changements ou des adaptations à la législation fédérale, afin qu'elle s'applique plus facilement dans la province de Québec, compte tenu du droit civil du Québec.
Les autres types de changements se rapportent à la common law en français.
La présidente : Ce n'est pas ma question. Avez-vous le projet de loi devant vous?
M. Cuerrier : Oui.
La présidente : À la ligne 25 de la page 61, on lit en anglais :
[...] in this subsection called a ``security interest'' or, in Québec, a ``real security'' [...]
Dans ce cas, les rédacteurs se sont clairement trouvés dans la situation où ils ont dû se dire que ce terme ne s'applique qu'au Québec. Est-ce arrivé souvent quand le projet de loi a été rédigé? Y a-t-il beaucoup d'autres cas de ce genre dans le projet de loi?
M. Cuerrier : D'abord, cette disposition porte sur les sûretés. C'est une disposition de définition ou d'interprétation et elle ne porte que sur l'application de ces sûretés dans le contexte du droit civil dans la province de Québec.
M. Keyes : Il est relativement rare que nous devions avoir ce genre de doublet. Cela se fait habituellement pour être absolument certains que le lecteur sait qu'il s'agit seulement d'un concept de droit civil.
La présidente : Cela répond à ma question principale, de savoir si c'est rare ou fréquent.
M. Keyes : C'est rare.
La présidente : L'objectif étant évidemment que ce soit aussi rare que possible.
M. Keyes : Exactement.
La présidente : De mémoire, diriez-vous que cela arrive une demi-douzaine de fois dans un projet de loi comme celui- ci? Je veux un ordre de grandeur, pas une réponse statistique précise.
M. Keyes : Moins d'une demi-douzaine de fois dans le projet de loi.
La présidente : Monsieur Cuerrier, je suis désolée. Je pense que le problème, c'est que vous en savez trop et que vous ne savez pas comment réagir devant quelqu'un qui en sait moins que vous.
M. Cuerrier : Je pensais que vous parliez de l'approche pour les articles s'appliquant seulement au Québec.
La présidente : Non. Nous essayons de concevoir des textes législatifs qui peuvent être utilisés partout, mais parfois, il y a ces petites difficultés.
Le sénateur Angus : Avez-vous déjà entendu l'expression « common law »?
[Français]
La présidente : En droit commun.
Le sénateur Joyal : En droit commun, oui, bien sûr.
La présidente : Le droit commun, en français.
Le sénateur Joyal : C'est de la façon dont c'est traduit dans la common law française.
[Traduction]
J'ai une dernière question. Le nombre de lois sur les transports relevant de l'administration fédérale est phénoménal. Quand pouvons-nous nous attendre à un projet de loi d'harmonisation de ces lois?
M. Cuerrier : À ma connaissance, pour le moment, il n'y a pas encore de plan pour les transports. Mais nous avons harmonisé plusieurs nouveaux règlements et lois dans le domaine des transports.
Je me trompe peut-être. M. Gagné voudrait peut-être ajouter quelque chose.
[Français]
M. Gagné : Nous avons entrepris, depuis quelques mois, de lire tout ce qu'il reste pour établir le travail à faire. Toutes les lois du ministère des Transports, dont celles incluses dans notre mandat original, ont été lues ou le seront dans les prochains mois. Nous dressons la liste des problèmes de bijuridisme. Nous allons appliquer les critères, que mes collègues ont exposés, pour identifier les sujets sur lesquels nous travaillerons dans les prochains mois et les prochaines années. Le transport fait, en effet, partie de notre mandat.
Peut-être avez-vous en tête des problèmes particuliers sur lesquels nous pourrions nous pencher?
Le sénateur Joyal : Je pourrais vous les envoyer. Je ne veux pas qu'on entre dans les détails, mais j'ai connu, dans le passé, des problèmes d'interprétation de lois très anciennes, dans les statuts fédéraux, qui datent du début de la Confédération. À cette époque, nous étions dans un contexte juridique tout à fait différent. C'est pourquoi je vous posais la question, car ce domaine pourrait comprendre énormément de lois à revoir.
M. Gagné : Plusieurs règlements s'appliquent, par exemple, à des lignes de chemins de fer qui furent démolies ou démantelées. Nombre de lois et règlements pourraient faire l'objet d'une révision complète non seulement à l'égard du bijuridisme. C'est un problème qu'on rencontre souvent. Les lois sont tellement anciennes, il faut leur porter une attention particulière et contacter les ministères concernés pour savoir si elles sont encore applicables. On parle de lois ou de règlements qui datent de la dernière codification et qui ne furent jamais modifiés. Nous prenons donc des démarches tôt dans le processus pour connaître la validité juridique.
Le sénateur Joyal : De façon générale, on compte au moins une trentaine de lois qui furent adoptées avant la Confédération et qui demeurent dans nos statuts. Ces lois devraient éventuellement être, soit refondues dans des lois contemporaines ou revues, dans le contexte de leur interprétation, et adaptées aux deux traditions juridiques.
M. Gagné : Nous identifions ces aspects dans le cadre de nos travaux et, lorsque c'est le cas, nous entrons en contact avec nos collègues de la Commission de la révision des lois.
Le sénateur Joyal : Vous leur transférez le dossier?
M. Gagné : Nous travaillons conjointement pour élaborer la marche à suivre. Notre mandat se limite aux dispositions d'harmonisation. Si on identifie plus de problèmes « autres », c'est signe que la législation doit être révisée.
La présidente : Malheureusement, il faudra peut-être vous réinviter à comparaitre. Vous nous avez donné de précieux renseignements pour le début de nos travaux et nous l'apprécions.
(La séance est levée.)