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Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Affaires juridiques et constitutionnelles

Fascicule 20 - Témoignages du 9 février 2011


OTTAWA, le mercredi 9 février 2011

Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, à qui a été renvoyé le projet de loi C-22, Loi concernant la déclaration obligatoire de la pornographie juvénile sur Internet par les personnes qui fournissent des services Internet, se réunit aujourd'hui à 16 h 17 pour procéder à l'étude du projet de loi.

Le sénateur Joan Fraser (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente : Honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles. Nous commençons aujourd'hui notre étude du projet de loi C-22.

[Français]

Nous avons le plaisir d'accueillir quelqu'un qui est devenu presque un témoin régulier à votre comité, le ministre de la Justice et procureur général du Canada, l'honorable Robert Nicholson. Il est accompagné de Mme Kane, directrice générale et avocate générale principale, Section de la politique en matière de droit pénal au ministère de la Justice, et M. Normand Wong, avocat, Section de la politique en matière de droit pénal.

[Traduction]

Bienvenue à tous. Monsieur le ministre, c'est toujours un privilège de vous recevoir et nous vous sommes reconnaissants d'être venu. Je pense que vous souhaitez faire une déclaration liminaire.

L'honorable Robert Nicholson, C.P., député, ministre de la Justice et procureur général du Canada : C'est un privilège d'être ici. Je suis heureux de parler du projet de loi C-22, Loi concernant la déclaration obligatoire de la pornographie juvénile sur Internet par les personnes qui fournissent des services Internet.

[Français]

Le projet de loi C-22 permettra d'accroître la capacité du Canada à protéger les enfants contre l'exploitation sexuelle et ce, de plusieurs façons.

[Traduction]

Premièrement, ce projet de loi va renforcer notre capacité de découvrir les infractions relatives à la pornographie juvénile. Deuxièmement, les rapports qui seront préparés aux termes de ce projet de loi nous aideront à bloquer les sites de pornographie juvénile grâce au projet Cleanfeed Canada. Troisièmement, ce projet de loi facilitera l'identification, l'arrestation et les poursuites contre les auteurs d'infractions relatives à la pornographie juvénile. Enfin et surtout, ce projet de loi aidera à identifier les victimes qui pourront alors être sauvées des griffes des prédateurs sexuels.

La pornographie juvénile est une forme particulièrement horrible de maltraitance des enfants. Les personnes qui la produisent et la distribuent victimisent de façon répétée et brutale ces enfants. Il est triste de constater que les images diffusées sur Internet décrivant l'exploitation sexuelle des enfants se multiplient. Ces images sont de plus en plus violentes et les enfants agressés sont de plus en plus jeunes.

L'exploitation sexuelle des enfants en ligne est un problème mondial qui appelle des solutions mondiales. Je suis heureux de constater que la communauté internationale a pris des mesures dans ce domaine et qu'un certain nombre de traités qui abordent ce problème grave, notamment le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l'enfant, concernant la vente d'enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants, que le Canada a ratifié, s'attaque à ce grave problème.

Il y a aussi la Convention du Conseil de l'Europe sur la cybercriminalité, qui porte sur la pornographie juvénile et les autres crimes connexes commis en ligne dans le but de renforcer la coopération internationale pour lutter contre ces crimes horribles dont sont victimes les enfants.

C'est pourquoi notre gouvernement a également présenté, comme vous le savez, le projet de loi C-51, Loi sur les pouvoirs d'enquête au XXIe siècle, qui permettrait au Canada de ratifier le traité sur la cybercriminalité. En outre, le projet de loi C-51 renforcerait le régime canadien de protection des enfants en donnant aux policiers les outils modernes dont ils ont besoin pour faire enquête sur les crimes perpétrés grâce à Internet.

À eux deux, ce projet de loi et le projet de loi C-51 permettront au Canada de demeurer un chef de file dans la lutte contre l'exploitation sexuelle des enfants et contre les autres formes de crime commis à l'aide d'Internet. Le projet de loi complète les interdictions générales visant la pornographie juvénile que contient le Code criminel actuel. Il vise la pornographie juvénile sur Internet et ceux qui fournissent des services Internet au public pour deux raisons : premièrement, l'augmentation de la criminalité que l'on a constatée ces 10 dernières années s'explique en grande partie par l'usage de plus en plus répandu d'Internet, et deuxièmement, les personnes et les organismes qui fournissent des services Internet au public sont les mieux placés pour savoir ce qui se passe sur leurs réseaux et pour apprendre ce qui s'y passe grâce aux utilisateurs.

On a beaucoup parlé de l'ampleur de ce projet de loi, et j'aimerais saisir l'occasion de préciser un certain nombre de choses.

J'aimerais insister sur le fait que le projet de loi ne s'applique pas uniquement aux FSI. Le sigle FSI, ou fournisseur de services Internet, désigne habituellement les personnes qui donnent accès à Internet — autrement dit, les fils et les signaux qui entrent dans nos maisons. La portée de ce projet de loi est plus vaste. Celui-ci s'applique à toute personne qui fournit au public un service Internet. Selon la définition du projet de loi, cela comprend les FSI et les autres fournisseurs d'accès, ainsi que toute personne qui fournit des services de courrier électronique, comme le courrier utilisant le réseau web, et toute personne qui entrepose du contenu sur Internet, comme les sites de réseautage social.

De plus, ce projet de loi ne s'applique pas uniquement aux personnes qui fournissent des services Internet à titre de principale activité commerciale, mais également à ceux qui fournissent, au public, des services Internet complémentaires, comme les cybercafés, les hôtels et les bibliothèques publiques.

Le projet de loi est associé à une autre idée fausse à savoir s'il s'applique au grand public, y compris aux utilisateurs qui affichent du matériel sur Internet. Ce n'est pas exact. Le projet de loi s'applique uniquement à ceux qui fournissent des services Internet au public.

Cela pourrait certes englober les entreprises individuelles qui fournissent des services Internet au public dans les petites collectivités, mais le projet de loi n'imposerait pas des obligations déclaratives à la population, à la différence des obligations déclaratives impératives que l'on retrouve dans les lois sur la protection des enfants dans certaines provinces. Bien sûr, les personnes qui commettent une infraction liée à la pornographie juvénile sont déjà passibles de poursuites aux termes du Code criminel.

Le projet de loi imposera de nouvelles obligations aux personnes qui fournissent des services Internet au public. La première obligation consistera à signaler à un organisme désigné toute adresse Internet correspondant à un site qui affiche de la pornographie juvénile dont elles apprennent l'existence. Pour être clair, ces personnes seront uniquement tenues de communiquer l'adresse Internet parce que l'organisme désigné a uniquement besoin d'une telle adresse pour exécuter les obligations qui lui incombent en vertu de ce projet de loi.

Sur réception d'un signalement, l'organisme désigné déterminera d'abord si l'information concernant l'adresse Internet donne effectivement accès à de la pornographie juvénile, telle que définie par le Code criminel. Deuxièmement, l'organisme recherchera l'emplacement géographique réel des serveurs web qui hébergent le matériel en question. Une fois confirmé le caractère illégal du matériel et son emplacement, l'organisme désigné transmettra le signalement à l'organisme d'application de la loi compétent pour qu'il intervienne.

La deuxième obligation qu'impose le projet de loi est d'aviser la police lorsque le fournisseur de services a des motifs de croire que ses services Internet ont été utilisés pour commettre une infraction relative à la pornographie juvénile. Par exemple, si un fournisseur de services de courriel constate, au cours d'opérations régulières de maintenance de ces serveurs de courriel, que la boîte de réception d'un de ses utilisateurs contient de la pornographie juvénile, le fournisseur de services de courriel serait alors tenu d'aviser la police s'il a des raisons de croire qu'une infraction relative à la pornographie juvénile a été commise à l'aide de son système. Il serait également tenu de fournir à la police les faits sur lesquels repose cette croyance.

En plus d'aviser la police, le fournisseur de services serait également tenu de préserver les preuves pendant 21 jours. Les services de police auront ainsi largement le temps d'obtenir une ordonnance judiciaire de communication sans craindre que les preuves soient détruites entre-temps.

Avec l'adoption et l'entrée en vigueur du projet de loi C-51, les policiers pourront également demander une ordonnance de préservation qui prolongerait de 90 jours l'ordonnance de préservation des preuves. Le fournisseur de services qui a avisé la police serait également tenu de détruire les renseignements qui ne seraient pas conservés dans le cadre normal de son activité commerciale après l'expiration des 21 jours, à moins que cette période ne soit prolongée par une ordonnance judiciaire.

Toute personne qui procède à un signalement ou donne un avis aux termes du projet de loi serait également tenue de ne pas révéler le fait qu'elle a effectué un signalement ou transmis un avis. Le but est d'éviter la communication de faits susceptibles de nuire aux enquêtes pénales.

Le projet de loi C-22 comporte un autre aspect; il a été conçu pour s'harmoniser avec les dispositions législatives déjà adoptées par certaines provinces et certains territoires concernant le signalement obligatoire de la pornographie juvénile. Le projet de loi a été rédigé pour éviter d'obliger les personnes qui sont déjà tenues de signaler la pornographie juvénile à le faire une seconde fois. L'article 9 précise que les obligations prévues par l'article 2 du projet de loi sont respectées lorsqu'un signalement est effectué conformément à une loi provinciale ou territoriale.

Il est important de noter que le projet de loi qui vous est soumis a été rédigé en se basant sur le principe fondamental suivant : le projet de loi ne doit pas inciter qui que ce soit à consommer de la pornographie juvénile ni contribuer de quelque manière que ce soit à diffuser ce genre de matériel. C'est la raison pour laquelle notre projet de loi énonce expressément qu'il n'a pas pour effet d'autoriser ou d'obliger quiconque à chercher de la pornographie juvénile. Cela veut dire que les fournisseurs de services Internet ne seront pas tenus de surveiller leurs réseaux pour y chercher de la pornographie juvénile, ni de faire enquête sur les activités de leurs utilisateurs. Ils ne seront pas non plus tenus de vérifier une adresse Internet dans le but d'en confirmer le contenu.

J'aimerais aborder pour terminer deux aspects du projet de loi, à savoir les infractions et les peines.

Le défaut de respecter les obligations prévues par le projet de loi constitue une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire selon un régime des peines progressif. Pour les personnes physiques — et par là, nous voulons désigner les entreprises individuelles — la peine irait d'une amende de 1 000 $ pour la première infraction, passerait à 5 000 $ pour une deuxième infraction et, pour les infractions subséquentes, la peine maximale serait une amende de 10 000 $ ou six mois d'emprisonnement ou l'une de ces peines. Pour les sociétés et autres entités, les peines maximales iraient de 10 000 $ pour une première infraction à 50 000 $ pour une deuxième infraction et à 100 000 $ pour chaque récidive subséquente. Ce régime de peine à deux niveaux tient compte de la diversité du secteur des fournisseurs de services Internet au Canada, qui comprend aussi bien de grandes sociétés multinationales que des entreprises individuelles.

Bien entendu, ces peines viennent s'ajouter aux peines prévues par le Code criminel en cas de perpétration d'une infraction reliée à la pornographie juvénile. C'est un aspect qu'il est important de comprendre. Le projet de loi impose aux fournisseurs de services Internet l'obligation de signaler les cas de pornographie juvénile, mais les infractions substantielles en matière de pornographie juvénile se trouvent, comme je l'ai indiqué, dans le Code criminel.

Le projet de loi vise à bien faire comprendre à ceux qui fournissent des services Internet au public qu'ils ont une obligation sociale, morale et désormais, légale de signaler ce matériel haineux lorsqu'ils en trouvent. Nous pensons que les pénalités prévues par le projet de loi établissent un équilibre approprié entre cet objectif et l'aspect essentiel du projet de loi qui est le respect des obligations imposées. Il est vrai que les principaux fournisseurs de services Internet au Canada signalent déjà volontairement la pornographie juvénile lorsqu'ils en découvrent, mais nous voulons adopter des règles applicables à tous pour que tous les fournisseurs de services Internet au Canada signalent les cas de pornographie juvénile pour nous permettre de mieux protéger nos enfants, ce qui est notre objectif.

Voici donc les principaux éléments de ce projet de loi, et j'espère que je pourrai compter sur votre appui à l'égard de ces mesures très importantes.

La présidente : Merci, monsieur le ministre. Chers collègues, comme c'est habituellement le cas avec tous les ministres, le temps que M. Nicholson peut nous consacrer est limité; je vous invite donc à poser des questions concises.

Le sénateur Wallace : Merci, monsieur le ministre. Je pense que personne ne conteste l'importance de ce projet de loi pour notre société. C'est incontestable.

C'est peut-être un aspect évident, mais je veux être sûr qu'il est couvert. Existe-t-il dans le Code criminel actuel, une disposition qui crée ce genre d'infraction, ou est-il absolument nécessaire d'adopter ce nouveau projet de loi pour viser ces circonstances?

M. Nicholson : Il est absolument nécessaire que ce projet de loi soit adopté pour viser ces circonstances, sénateur Wallace.

Le sénateur Wallace : Le but du projet n'est donc pas de préciser certaines choses.

M. Nicholson : C'est la prochaine étape. Au printemps 1993, nous avons présenté un premier projet de loi qui incriminait la possession de pornographie juvénile; le projet de loi à l'étude représente l'étape suivante qui a pour but de mieux protéger les enfants.

Le sénateur Wallace : Monsieur le ministre, vous avez mentionné que le projet de loi C-22 avait été préparé en tenant compte de ce qui se passe dans certaines instances internationales ainsi que dans certaines provinces du Canada.

M. Nicholson : Oui.

Le sénateur Wallace : Lorsque vous avez préparé ce projet, votre ministère a-t-il consulté les provinces et les territoires? Si c'est le cas, quelles ont été leurs réactions?

M. Nicholson : J'ai soulevé cette question, ainsi que d'autres, lorsque j'ai rencontré mes homologues provinciaux et territoriaux. Lorsque j'ai rencontré des procureurs généraux et des ministres de la Justice d'autres pays, je leur ai mentionné que nous avions choisi cette voie. Je n'ai reçu que des commentaires favorables au sujet des efforts que nous déployons pour mieux protéger les enfants.

Le sénateur Wallace : Enfin, de la même façon, lorsque votre ministère a préparé le projet de loi, a-t-il consulté les fournisseurs de services Internet pour connaître leurs réactions? Si c'est bien le cas, quelles ont été ces réactions?

M. Nicholson : Les fonctionnaires procèdent à de vastes consultations lorsqu'ils nous aident, moi et mes collègues, à préparer ces projets de loi. J'ai moi-même rencontré des fournisseurs de services Internet ces dernières années. Comme vous pouvez le voir dans mes notes, je les ai félicités pour la coopération dont ils ont fait preuve dans ce domaine particulier. Un de ces fournisseurs m'a déclaré que lui et ses collègues estimaient qu'ils avaient le devoir moral de signaler ce genre de choses et je lui ai répondu que j'en étais très heureux. Nous sommes tout simplement allés un peu plus loin. Il était nécessaire d'imposer l'obligation légale de signaler ce genre de chose, même pas simplement pour les principaux fournisseurs de services Internet, mais pour des centaines d'autres fournisseurs. Cette obligation doit s'appliquer à tous. Je dois vous dire franchement qu'une obligation morale ne suffit pas; il faut que cette obligation soit également légale. C'est là l'effet du projet de loi.

Le sénateur Wallace : J'ai trouvé intéressant le fait que le projet de loi impose cette obligation aux fournisseurs dans le cas où ils sont avisés de l'existence de matériel relié à la pornographie juvénile, ou s'ils en découvrent, mais que le projet de loi ne les oblige pas à surveiller leur système. Leur obligation ne prend naissance qu'au moment où ils découvrent ce genre de matériel.

M. Nicholson : Le projet de loi comporte deux parties. Si quelqu'un attire leur attention sur le fait que ce genre d'infractions risque d'être commis, alors le projet de loi leur impose l'obligation de signaler le cas à une agence désignée. Si le fournisseur découvre lui-même ce genre de matériel, il est alors tenu de le signaler à la police. C'est un processus à deux volets. Si c'est quelqu'un d'autre qui signale ce genre de cas au fournisseur, il s'adresse à l'agence désignée. Si le fournisseur le découvre lui-même, il est alors obligé d'en aviser la police.

Le sénateur Wallace : Merci.

Le sénateur Stratton : Bienvenue, monsieur le ministre. Le fournisseur a l'obligation de signaler ce genre de matériel s'il le découvre ou le trouve. Est-ce pour des raisons reliées à la protection de la vie privée qu'ils ne sont pas tenus de surveiller leur système? Autrement dit, un fournisseur de services Internet pourrait fort bien vérifier ce qui se passe sur ses serveurs. Pourquoi ne l'obligeons-nous pas à le faire?

M. Nicholson : Pourquoi ne pas leur imposer l'obligation de faire enquête?

Le sénateur Stratton : Oui.

M. Nicholson : L'idée de demander aux fournisseurs de services Internet de faire enquête sur des personnes qui n'ont rien à voir avec ce genre de chose, soulève d'avantage de problèmes; c'est la raison pour laquelle nous avons clairement précisé que cette obligation ne prend naissance que lorsqu'on attire l'attention d'un fournisseur de services Internet sur cet aspect ou s'il le découvre lui-même; c'est à ce moment-là que l'obligation prend naissance. Nous n'avons pas mis sur pied une sorte de service de police complémentaire composé de centaines de fournisseurs de services Internet chargés de faire enquête et qui risqueraient de porter atteinte à la vie privée.

Le sénateur Stratton : C'est une atteinte à la vie privée.

M. Nicholson : Oui, c'est incontestable.

Le sénateur Baker : Monsieur le ministre, je vous félicite pour ce qui est de l'orientation générale du projet de loi; je félicite également vos collaborateurs, Mme Kane et M. Wong, pour le temps qu'ils ont consacré à ce sujet.

Mes questions portent sur des aspects techniques précis qui m'ont frappé lorsque j'ai examiné la formulation du projet de loi. J'aimerais tout d'abord parler de l'article 5 du projet de loi. Pour l'essentiel, l'article 5 impose une responsabilité à toute personne — « personne » désigne un fournisseur de services Internet, et cela pourrait être une personne physique — qui a des motifs raisonnables de croire qu'une infraction est en train d'être commise. Le régime prévu par le projet de loi précise que cette personne doit préserver ces renseignements pendant 21 jours, après quoi ils doivent être détruits, à moins que cette personne ne les conserve habituellement ou à moins qu'au cours de cette période de 21 jours, un tribunal ait rendu une ordonnance en ce sens. Quel genre d'ordonnance judiciaire envisagez-vous?

M. Nicholson : Ce serait normalement une demande présentée par un policier à un juge de paix pour obtenir une ordonnance de communication ou aussi, comme je l'ai mentionné dans mon mémoire, pour proroger une ordonnance de préservation de façon à ce que les preuves ne disparaissent pas.

Le sénateur Baker : L'ordonnance de communication à laquelle vous faites référence, et je vais aborder un aspect technique pendant un instant, serait l'article 487.012 du Code criminel.

M. Nicholson : Je pensais que c'était l'article 487.013, mais, monsieur le sénateur, je m'en remets à vous sur des questions techniques.

Le sénateur Baker : C'est l'article 487.012. L'ordonnance de communication demandée doit se fonder sur des motifs raisonnables de croire en l'existence de certains faits.

M. Nicholson : Oui.

Le sénateur Baker : C'est comme pour un mandat de perquisition, pour lequel il faut avoir des motifs raisonnables de croire certaines choses. Cela se trouve dans le Code criminel.

Le texte du projet de loi énonce : « Une ordonnance de préservation rendue en vertu d'une autre loi fédérale ou provinciale à l'égard de ces données. » Nous savons qu'il est fréquent que nos lois énoncent : « malgré toute autre disposition d'une loi fédérale » et l'article auquel vous avez fait référence, 487.012, énonce : « à la présente loi ou à toute autre loi fédérale ».

Par contre, le projet de loi parle d'« ordonnance de préservation rendue en vertu d'une autre loi fédérale ». Pourquoi avez-vous utilisé cette formulation et non pas la formulation suivante « à la présente loi ou à toute autre loi fédérale »? La loi dont nous parlons est le Code criminel, et non pas ce projet de loi particulier.

M. Nicholson : Je vais demander à mes collaborateurs de vous répondre. Sénateur, cette disposition a été conçue pour s'appliquer avec les dispositions provinciales qui obligeraient une personne physique, une société ou une entreprise individuelle à transmettre ces renseignements à une agence provinciale. Il se pourrait donc que ces renseignements soient confiés à une agence provinciale.

C'est la raison pour laquelle nous avons souhaité que ce projet de loi ait un effet supplétif de façon à éviter autant que possible le double emploi. Nous le précisons clairement. Par exemple, au Manitoba, il est obligatoire de transmettre ce genre de renseignements à une agence désignée. En agissant ainsi, vous respectez cette loi même si vous ne les communiquez pas à l'agence désignée prévue par le projet de loi. Nous voulons clairement indiquer que nous n'essayons pas de créer un piège. J'espère que cela répond à votre question.

La présidente : Monsieur le ministre, vous avez dit que vous demanderiez à vos collaborateurs de répondre à cette question en détail. Mme Kane et un autre de vos collaborateurs seront en mesure de rester après votre départ. Je crois que M. Wong doit partir avec vous.

Si ça ne vous dérange pas, sénateur Baker, nous pourrons alors poser ces questions aux collaborateurs du ministre. Prenons le temps que nous avons avec le ministre pour lui poser directement des questions. Cela vous convient-il?

Le sénateur Baker : Madame la présidente, je n'ai pas de questions à poser au sujet des orientations du projet de loi. Je voulais simplement poser des questions sur son application, un aspect qui, je le pense, nous intéresse beaucoup. Je crois donc comprendre que vous estimez que nous aurons la possibilité de poser ces questions après le départ du ministre.

La présidente : Effectivement, mais vous pouvez poser au ministre toutes les questions que vous voulez. Je vais simplement demander à ses collaborateurs d'attendre un peu avant d'intervenir.

M. Nicholson : Comme vous voulez, madame la présidente.

Le sénateur Baker : Le ministre n'a pas répondu à ma question, comme vous le savez, madame la présidente. Il a esquivé et n'a pas répondu à la question, probablement parce qu'il est impossible d'y répondre. Il faudra sans doute amender le projet de loi.

M. Nicholson : Je me demande alors pourquoi vous l'avez posée, sénateur?

Le sénateur Baker : Permettez-moi de parler de la période de 21 jours. Il y a cinq ou six mois, la Cour suprême du Canada a rendu un jugement sur la validité des mandats concernant Internet délivrés dans le domaine de la pornographie juvénile. Le mandat a été annulé parce qu'il était invalide.

Nous fixons ici une période de 21 jours pour la destruction des preuves, à moins qu'une ordonnance soit rendue, à savoir une ordonnance de communication ou un mandat de perquisition conforme aux nouvelles conditions énoncées par la Cour suprême du Canada, et qui doit être demandée et approuvée pendant cette période de 21 jours.

Je vais passer à ma question suivante et poser les questions qui ont surgi dans mon esprit.

Ma question suivante concerne l'idée que « Les poursuites visant les infractions prévues par la présente loi se prescrivent par deux ans à compter de leur perpétration. » Prenons la Loi sur les pêches, la Loi sur la protection de l'environnement ou n'importe laquelle de ces lois. Prenez la Loi électorale. La période est de 10 ans. Dans la Loi de l'impôt sur le revenu, le paragraphe 244(4) parle de huit ans. Prenez nos lois courantes. Celles-ci pourraient parler de deux ans. Oui, la Loi sur les pêches parle de deux ans, mais cette période commence à courir à partir du moment où le ministère a connaissance de la perpétration d'une infraction, ce qui peut se produire cinq ans après la perpétration. Cela déclenche alors une période de deux ans.

Pourquoi avoir autant restreint l'application de ce projet de loi pour ce qui est de la durée de la prescription? Ce sont là des questions techniques, monsieur le ministre. Je ne sais pas si vous pouvez y répondre.

M. Nicholson : Je crois pouvoir le faire, sénateur, parce que vous avez parlé de lois semblables. Vous auriez pu parler du Code criminel. Il en est très proche.

Le sénateur Baker : Six mois.

M. Nicholson : Six mois, oui. C'est bien ce que je dis. Dans le cas d'une déclaration de culpabilité par procédure sommaire — et c'est bien ici une infraction de ce genre — la prescription est, aux termes du Code criminel, de six mois. C'est moi qui ai dit à mes fonctionnaires que cette période était trop courte et qu'elle devrait être prolongée. Ils m'ont répondu que ce n'était pas la même situation que celle du Code criminel, parce qu'elle est de six mois. Je leur ai tout de même répondu qu'elle devait être plus longue que celle du Code criminel, pour les motifs que vous venez de mentionner.

Le sénateur Baker : Je savais que vous me répondriez de cette façon.

M. Nicholson : Portons cette période à deux ans. Je suis donc très heureux de votre intervention. Je suis heureux que vous ayez remarqué cet aspect. Dans le cas contraire, il faudrait prendre la période habituelle de six mois, mais je leur ai dit que cela n'était pas satisfaisant et que nous devrions envisager plutôt une période de deux ans.

Le sénateur Baker : À vrai dire, je préférerais poser mes questions à vos collaborateurs.

Le sénateur Runciman : Voilà un échange qui a été très intéressant. Le sénateur Baker a posé une question sachant que le ministre ne pourrait y répondre. Il a ensuite posé une question dont il connaissait déjà d'avance la réponse que le ministre allait fournir.

La présidente : C'est dans le seul but d'élucider cette question.

Le sénateur Runciman : Merci d'être ici, monsieur le ministre. Je pense que cette initiative bénéficie de l'appui général des deux côtés de la salle du Sénat. C'est ce qu'a mentionné le sénateur Munson dans le discours qu'il a fait hier au sujet de ce projet de loi.

Aux termes de l'article 2, les FSI sont tenus de communiquer à l'agence désignée l'adresse où « pourrait se trouver de la pornographie juvénile accessible au public ». Si le matériel n'est pas accessible au public, les FSI ont-ils toujours cette obligation? Je me demande pourquoi cette disposition a été formulée de cette façon plutôt que d'obliger les FSI à signaler le fait que de la pornographie juvénile se trouve dans un endroit donné. Je demande si cette formulation n'introduit pas une certaine ambigüité?

M. Nicholson : Je n'en suis pas certain, sénateur. Je pense que le but général est de l'imposer aux personnes qui fournissent un service public. L'idée est que la personne qui produit de la pornographie juvénile pour son propre usage commet une infraction au Code criminel. Si cette personne la transmet à ses amis, elle commet une infraction au Code criminel. Cette disposition s'adresse toutefois directement aux agences qui fournissent un service au public. Cette disposition est formulée de cette façon, parce que ce sont là les personnes qui sont visées. Encore une fois, je dois vous dire qu'il y a toute une série de dispositions du Code criminel qui sont déjà contenues dans cette loi.

Le sénateur Runciman : Je me demandais si cela risquait de soulever des problèmes à l'avenir. Je crois qu'il faudra donc attendre un peu pour le savoir.

Vous avez mentionné que vous aviez parlé à des membres du secteur des FSI au sujet de leur responsabilité morale par opposition à leur responsabilité légale. Je lisais le rapport de 2009 de l'Ombudsman fédéral des victimes d'actes criminels, qui mentionnait que les FSI refusaient de collaborer avec la police dans 30 à 40 p. 100 des affaires. Cela montre clairement les raisons pour lesquelles vous avez estimé devoir agir en proposant ce projet de loi.

Je crois comprendre pourquoi vous avez choisi d'intervenir de cette façon, mais il me semblerait utile que vous en parliez. Vous n'avez pas envisagé la possibilité d'autoriser une ordonnance judiciaire, et les policiers ont estimé que cela créerait des problèmes. Je me demandais si vous aimeriez parler de cet aspect.

M. Nicholson : Je suis désolé, sénateur, mais je ne vous suis pas. Les policiers doivent obtenir une ordonnance de communication; ils doivent demander la préservation des renseignements.

Le sénateur Runciman : Oui, ils doivent présenter des affidavits détaillés pour appuyer leur demande. Je pensais que vous souhaiteriez peut-être parler de cet aspect parce qu'il a fait l'objet d'une question.

M. Nicholson : Encore une fois, je pense qu'il faut suivre ce processus. Nous voulons éviter que les preuves disparaissent dans le cadre normal des activités des FSI et nous voulons donner à la police la possibilité de faire enquête. Comme je l'ai indiqué, un des projets de loi qui a été présenté au Parlement, la Loi sur les pouvoirs d'enquête au XXIe siècle, prévoit que dans ce genre de demande, la période peut être prolongée au-delà des 21 jours prévus initialement, si cela est nécessaire.

Nous voulons donner aux policiers une période qui leur permette d'intervenir et nous avons estimé que cette période était raisonnable.

Le sénateur Runciman : J'en conviens, mais j'aimerais souligner que cela est particulièrement dangereux dans les affaires d'exploitation des enfants où la rapidité est essentielle. Cela me paraît constituer un autre aspect positif du projet de loi.

Si le projet de loi est adopté, quand pensez-vous que le système sera opérationnel?

M. Nicholson : Je voudrais qu'il soit introduit dans les lois de notre pays aussi rapidement que possible. Comme vous le savez, sénateur, puisque vous avez passé du temps en politique provinciale, nous informons les autorités provinciales et territoriales que ce genre de projet de loi va entrer en vigueur parce qu'il est nécessaire que les organismes d'application de la loi et les procureurs de la Couronne des différentes provinces et territoires sachent que cette nouvelle loi est en vigueur. Pour ce qui est des poursuites, il faudrait préciser que c'est le directeur des poursuites pénales qui s'en occupera, de sorte que nous allons informer ce bureau des changements apportés. Nous allons les introduire aussi rapidement que possible.

Le sénateur Runciman : Comment pensez-vous sensibiliser ce secteur?

M. Nicholson : Je crois qu'il y est déjà très sensible. Pour revenir à vos commentaires précédents au sujet des fournisseurs de services Internet, il y a environ 10 FSI qui fournissent environ 90 p. 100 des services Internet au Canada. Je dois dire, pour être juste avec eux, que les problèmes qui se posent dans ce domaine ne viennent pas des principaux fournisseurs de services Internet. Ces entreprises sont très prudentes. Encore une fois, elles reconnaissent très clairement qu'elles ont l'obligation morale de transmettre ces renseignements. Cela dit, le message concernant l'obligation morale se transmettra très rapidement, comme c'est le cas de nos jours, et espérons-le, les fournisseurs le feront de toute façon, mais si ce n'est pas le cas, ils sauront qu'il existe maintenant une loi qui les oblige à transmettre ces renseignements aux autorités compétentes.

Le sénateur Runciman : Les provinces ont-elles manifesté quelques inquiétudes à ce sujet?

M. Nicholson : Elles étaient très heureuses de ce projet de loi. Comme je l'ai dit, j'ai également mentionné devant des instances internationales le fait que nous avions choisi cette orientation. De plus, nous devons adopter le projet de loi C-51, Loi sur les pouvoirs d'enquête au XXIe siècle, pour pouvoir ratifier la Convention sur la cyber criminalité. Je répète que cette approche bénéficie d'un large appui international ainsi que d'un appui national.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Il est évident que pour ce type de projet de loi, comme pour tous les types de projets de loi qui protègent les enfants vis-à-vis ce type d'activités criminelles, la population en général va abonder dans le sens que vous proposez. Et ce, d'autant plus que nous savons bien que la criminalité sur Internet qui s'adresse à des enfants est la criminalité la plus sournoise. C'est également celle qui est le plus en progression d'après les statistiques. Il m'apparaît obligatoire d'avoir la collaboration des grands fournisseurs de services Internet et cela prend un fondement légal pour les obliger à le faire, de bonne foi ou de façon obligatoire.

J'ai deux questions techniques à vous poser et je sais que votre temps est précieux. Par exemple, le Manitoba a déjà présenté un projet de loi similaire. Quel sera l'effet de notre projet de loi pour la province du Manitoba? Est-ce que le Manitoba devra modifier son projet de loi? Est-ce que le Manitoba devra mettre de côté son projet de loi et se servir du projet de loi fédéral?

[Traduction]

M. Nicholson : Vous avez posé une bonne question, sénateur. Le projet de loi est de nature supplétive. Si vous examinez en détail son texte, vous constaterez qu'il tient compte du fait que les fournisseurs de services Internet sont parfois déjà tenus de communiquer ces renseignements et que, lorsque cette obligation découle d'une loi provinciale, elle est également conforme à la loi fédérale.

Cela dit, la remarque que vous avez faite au sujet de l'ampleur du problème est tout à fait exacte. Il m'a été rapporté, et c'est de connaissance publique, qu'entre 2003 et 2007, le nombre des images d'enfant de nature pornographique, associées à l'exploitation sexuelle des enfants, a quadruplé. Je trouve cela vraiment étonnant. Je trouve également très étonnant qu'il y ait constamment en ligne dans le monde entier 750 000 pédophiles.

J'estime que ce projet de loi va compléter les lois de la province du Manitoba. Plusieurs provinces ont adopté des lois, mais elles ne sont pas toutes en vigueur. La Nouvelle-Écosse en a adopté une qui est en vigueur. Je considère que ce projet de loi vient la compléter. Nous essayons tous de collaborer autant que possible pour protéger nos enfants. Tous les aspects du projet de loi ont vocation à être complémentaires.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Un élément m'apparaît intéressant en ce qui concerne l'approche du Manitoba : celui d'inclure la pornographie juvénile — je dirais presque la pornographie infantile — parce qu'au fond, le mot « juvénile » m'apparaît ici banaliser ce type de criminalité. Il faudrait peut-être utiliser le terme « pornographie infantile » plutôt que celui de « pornographie juvénile ». Le Manitoba a inclus ce terme dans la définition de mauvais traitements infligés à des enfants. N'est-ce pas une avenue à privilégier pour modifier le Code criminel?

Je ne suis pas avocat et vous me direz peut-être que c'est déjà fait, mais ne devrait-on pas modifier le Code criminel en incluant, dans la définition des mauvais traitements faits aux enfants, ce type d'activités sur Internet?

[Traduction]

M. Nicholson : L'expression « pornographie juvénile » a déjà été examinée par les tribunaux. C'est l'expression qui est utilisée par les instances internationales et, en fait, dans les traités internationaux. Le protocole des Nations Unies à ce sujet parle expressément de « pornographie juvénile ». On me demande parfois si nous pourrions utiliser l'expression « exploitation sexuelle des enfants ». La « pornographie juvénile » a un sens plus large. Je tiens à ce que le projet de loi soit compatible avec les dispositions existantes du Code criminel. Dans la mesure où ce projet de loi vient compléter les dispositions actuelles du Code criminel et les élargir, il est important de reprendre la même terminologie. Nous ne souhaitons pas devoir nous adresser aux tribunaux pour connaître le sens d'une nouvelle expression, alors que nous avons déjà une très bonne idée de ce que recouvre la « pornographie juvénile ». C'est une expression qui n'est pas seulement utilisée au Canada, mais qui l'est également à l'étranger dans les traités internationaux, et je pense qu'il faudrait donc viser l'uniformité sur ce point.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Est-ce qu'on utilise le même terme en anglais qu'en français? Parce que vous avez dit qu'en anglais, on utilise le terme « pornographie infantile ».

La présidente : C'est presque cela. En anglais, on dit « child » et, en français, on dit « juvénile »; ce qui implique des jeunes peut-être un petit plus âgés mais ce sont les termes consacrés par les textes législatifs. Qu'est-ce qu'on peut faire?

Le sénateur Boisvenu : Les modifier.

[Traduction]

M. Nicholson : La définition s'applique à toute personne de moins de 18 ans. C'est ce dont nous parlons. Que l'on parle de pornographie juvénile ou infantile, on vise dans les deux langues le même groupe de personnes.

[Français]

Le sénateur Carignan : Monsieur le ministre, j'aurai quelques questions techniques à poser, mais je vais les poser tout à l'heure après votre départ car je ne veux pas utiliser votre précieux temps concernant des éléments techniques.

Je profite de l'occasion pour vous remercier et vous féliciter de cette initiative qui est extrêmement importante pour la protection des enfants.

Cette problématique qu'est la pornographie juvénile sur Internet, vous l'avez expliquée, se multiplie de façon presque exponentielle et même algorithmique, devrais-je dire. C'est extrêmement répandu. Un projet de loi de cette nature aidera les personnes responsables de la protection de la société, c'est-à-dire autant les agents de police que les juges et les gouvernements, à protéger ceux qui sont les plus démunis de notre société; soit les moins de 18 ans, les enfants. En leur nom, je vous remercie.

Concernant la publicité au sujet de cette nouvelle loi, je sais qu'il est difficile pour le ministère de la Justice de faire, de temps à autre, de la publicité pour fournir des explications sur des peines. Il est même assez rare de voir un message qui dirait qu'une nouvelle peine a été adoptée et qu'il faut donc être prudent.

Toutefois, dans ce cas particulier, compte tenu qu'il y a beaucoup de petits fournisseurs de services Internet, et qu'il y a plusieurs dizaines de millions d'utilisateurs Internet au Canada, avez-vous envisagé une campagne de publicité majeure afin d'informer la population de cette nouvelle infraction? Ceci serait fait afin d'atteindre l'effet dissuasif. En effet, si une personne utilisait Internet à des fins de pornographie juvénile et qu'il apprend que le fournisseur de services Internet a l'obligation de le dénoncer quand il le constate, cela pourrait avoir un effet dissuasif extrêmement important.

C'est peut-être un projet de loi qui nécessiterait une campagne d'information très importante de la part du gouvernement. Est-ce que c'est quelque chose que vous avez envisagé?

[Traduction]

M. Nicholson : Il y a des campagnes permanentes sur le signalement des cas de pornographie juvénile. Cyberaide.ca illustre bien les efforts déployés pour sensibiliser le public à ces questions et pour faciliter le plus possible l'accès de la population à cette information.

Nous prenons des mesures pour faire connaître les sujets abordés dans ces projets de loi. J'espère que les médias parleront beaucoup de ce projet de loi lorsqu'il recevra la sanction royale. Nous participons tous à cet effort, sénateur, mais je serais très heureux de recevoir vos suggestions sur cet aspect et je vous remercie de l'intérêt que vous lui manifestez. Cela fait longtemps que vous vous intéressez à ces questions.

Il y a des organisations qui sont financées en partie par le gouvernement fédéral, ainsi que des agences provinciales et sociales; Crime Stoppers est un bon exemple de ce genre de chose. Cela sera affiché sur Internet. En tout cas, cela figurera sur les sites web du ministère. Nous ferons tout ce que nous pouvons pour diffuser ces renseignements dans la population.

Nous allons faire savoir à ces personnes et aux FSI qu'ils doivent faire ce qu'ils sont tenus de faire de toute façon : agir pour protéger les enfants. Comme vous l'avez dit, c'est la prochaine étape importante. Les choses n'ont pas toujours été faciles dans ce domaine. Nous avons toutefois beaucoup progressé depuis 1993.

[Français]

Le sénateur Carignan : Pour ce projet de loi en particulier, il me semble que cela pourrait nécessiter une campagne de publicité particulière. N'hésitez pas à demander des fonds supplémentaires au ministre Flaherty pour le prochain budget, je vous appuierai.

[Traduction]

M. Nicholson : Je vais encourager mes collègues de la Chambre des communes à le faire. Ils ont accès à tous les canaux de communication offerts par les médias pour rejoindre leurs électeurs. Je les ai invités, pas seulement pour ce projet de loi, mais pour tous nos projets de loi touchant la criminalité, à faire largement connaître le contenu de ces projets de loi. Cela en sera un.

Je leur ferai savoir qu'ils sont mieux placés que quiconque pour diffuser à tous ce message. Pour ce qui est des 10 p. 100 ou des choses pour lesquelles je peux être utile, je peux vous dire que nous allons certainement le faire.

Le sénateur Joyal : J'ai encore quelques questions à poser au sujet du libellé de l'article 6 du projet de loi, qui énonce : « La présente loi n'a pas pour effet d'autoriser ou d'obliger quiconque à chercher de la pornographie juvénile. » Autrement dit, il n'y a pas d'obligation. Il n'y a pas non plus d'autorisation, ce qui veut dire que, si vous cherchez de la pornographie juvénile, vous n'êtes pas en train d'exécuter une obligation légale.

Je ne comprends pas très bien le sens qu'ont ces deux mots dans le contexte du projet de loi. Les termes du projet de loi utilisés aux articles 2 et 3 sont de nature conditionnelle. Ces deux articles énoncent, dans la version anglaise, « If a person » (si la personne, en français). Ces dispositions ne disent pas « Lorsqu'une personne », elles disent « Si ».

Je ne comprends pas très bien le sens de l'article 6 du projet de loi. Je me demande si cet article est vraiment nécessaire si nous voulons que ce projet de loi soit efficace.

M. Nicholson : Nous voulons simplement être clairs. J'ai toujours été clair sur le point suivant : nous ne voulons pas que les personnes qui fournissent des services portent atteinte à la vie privée des autres citoyens. Si on leur signale des cas de pornographie juvénile, ou s'ils en découvrent eux-mêmes, nous avons adopté les mécanismes à ce sujet. Nous ne voulons pas toutefois autoriser les FSI à s'introduire dans les ordinateurs de leurs clients pour simplement faire enquête, à moins qu'ils aient quelque raison que ce soit de le faire et que les tribunaux exercent un certain contrôle sur ces interventions. C'est tout ce que nous disons, sénateur.

Je comprends la nécessité d'un contrôle judiciaire; je l'accepte sans problème. Je pense néanmoins que l'idée de pénétrer et de faire enquête dans les zones privées d'un diffuseur de services Internet fait problème. Je pense que la plupart des gens le penseraient également.

Le sénateur Joyal : Est-ce nécessaire de mentionner cet aspect dans le projet de loi? Ce sont les règles générales de la common law, qui protègent la vie privée des citoyens. Est-il vraiment nécessaire de réaffirmer ce principe comme il l'est à l'article 6?

M. Nicholson : Il est parfois bon de préciser les choses. On m'a en fait posé cette question. Je vous ai mentionné que les fournisseurs de services Internet et d'autres intéressés m'ont dit : « Nous n'avons pas les moyens de faire des enquêtes. Cet aspect relève de la police. » Voilà le commentaire qui m'a été fait. Je leur ai dit que ce n'était pas du tout ce que nous souhaitions. Je leur ai expliqué que, si cette information leur est transmise ou s'ils découvrent eux-mêmes certains cas, alors ils auront une obligation à respecter. Le projet de loi n'a toutefois pas pour effet de leur demander de se lancer dans des enquêtes. Cet aspect relève de l'application de la loi et est assorti d'une surveillance judiciaire.

Vous avez bien fait de mentionner cet aspect pour qu'il soit précisé. Si vous ne l'aviez pas fait, quelqu'un serait peut- être venu nous demander ce que ce projet de loi l'oblige à faire. Vous pourrez leur dire qu'ils n'ont pas à s'occuper des enquêtes, mais qu'ils doivent s'occuper de signaler ce genre de cas.

Le sénateur Joyal : C'est ce que disent les articles 2 et 3. Encore une fois, je ne pense pas que cela soit vraiment essentiel pour l'objectif recherché avec ce projet de loi.

Y a-t-il des gens qui sont autorisés à chercher la pornographie juvénile?

M. Nicholson : Non, il n'y en a pas. C'est en fait une infraction au Code criminel. Je tiens à préciser très clairement que le fait de télécharger ou de produire de la pornographie juvénile constitue une infraction. Le projet de loi ne contient aucune disposition qui l'autorise. Si ce genre de cas est porté à votre attention, il faut alors en saisir une autorité compétente. Il me paraît bon de préciser ces choses.

Le sénateur Joyal : J'essaie de bien comprendre cette idée, parce que je crois que d'autres dispositions protègent la vie privée des citoyens et régissent les activités des fournisseurs de services Internet. Dans ce cas-ci, en particulier avec cet article, nous semblons imposer une obligation, d'une certaine façon. Dans la version anglaise, on n'utilise pas le mot « when » (quand, en français), mais « if » (si, en français). Je pense qu'il y a une différence entre ces deux mots qui se trouvent au début des articles 2 et 3.

Nous semblons ensuite dire : « Eh bien, si vous découvrez cette situation seulement par hasard, alors vous devez la signaler. » Cela ne semble pas aller aussi loin que l'on pourrait s'y attendre; il se pourrait tout à coup que les services de police ou les autorités attendent que vous définissiez dans le règlement que la pornographie juvénile est accessible sur Internet.

M. Nicholson : Encore une fois, les fournisseurs de services Internet m'ont mentionné qu'il leur arrivait de trouver de la pornographie juvénile. Nous voulons mettre en place un mécanisme qui les oblige non seulement sur le plan moral, mais sur le plan juridique, à signaler ces cas. De plus, lorsqu'un de leurs clients leur signale ce genre de chose, nous voulons leur imposer une obligation juridique qui précise ce qu'ils doivent alors faire.

Encore une fois, les enquêtes dans ce domaine ou les recherches sont confiées aux services de police avec un contrôle judiciaire. Je ne veux pas que quelqu'un collecte ce genre de pornographie et déclare au tribunal : « Eh bien, cela fait deux ans que je collecte cette pornographie juvénile, parce que je voulais pouvoir poursuivre d'autres personnes. » Ce n'est pas ce que vise ce projet de loi. Il est très précis.

Il couvre les deux aspects. Nous disons clairement à tout le monde que personne ne doit s'occuper de télécharger, de collecter ou de posséder de la pornographie juvénile, mais qu'il faut simplement la signaler.

Le sénateur Joyal : Pourquoi avez-vous prévu une limite de 21 jours pour l'avis de l'article 4?

M. Nicholson : Cela m'a paru un délai raisonnable, sénateur. Comme je l'ai indiqué, j'ai présenté au Parlement des dispositions qui le prolongeraient jusqu'à 90 jours. Encore une fois, comme je l'ai dit au sénateur Baker, c'est un délai raisonnable, et il faut bien prévoir quelque chose; nous pouvons nous demander si la période devrait être plus courte ou plus longue, mais nous avons proposé une période qui nous paraissait raisonnable. Il faut agir rapidement; je veux que les gens agissent rapidement parce qu'il faut penser, dans ce cas-ci, aux victimes. Je ne veux pas que cette période soit indéfinie. Je veux qu'elle incite les intéressés à agir rapidement.

Si des preuves ou des éléments sont communiqués aux autorités policières, je voudrais qu'elles interviennent immédiatement et en fassent une priorité. Il ne s'agit pas seulement d'images, mais aussi des personnes qu'elles représentent. Ce sont des enfants. Nous voulons que les services de police agissent le plus rapidement possible. C'est pourquoi nous avons retenu une période de 21 jours.

Le sénateur Joyal : Je me serais plutôt attendu à une période plus longue que plus courte dans ce cas-ci.

M. Nicholson : En fait, j'ai même pensé à la raccourcir. Je veux que les policiers interviennent rapidement et qu'ils en fassent une priorité. Encore une fois, nous essayons de concilier tout cela. Si nous avions choisi deux semaines, ce serait trop rapide. Je pense que 21 jours est une période raisonnable. Si les organismes d'application de la loi sont avisés de la présence de pornographie juvénile, alors ils doivent intervenir parce qu'il faut protéger les victimes.

Le sénateur Joyal : Pourquoi avez-vous prévu une obligation conditionnelle au lieu d'une obligation dépendant de la connaissance de certains faits aux articles 2 et 3? Pourquoi avez-vous utilisé « if » au lieu de « when » dans la version anglaise (en français, si au lieu de quand)? Pourquoi avez-vous imposé une obligation conditionnelle et non pas une obligation déclenchée « dès que la personne a connaissance de certains faits? »

M. Nicholson : Les rédacteurs m'ont dit que cela avait le même sens, sénateur.

Le sénateur Joyal : À mon avis, il y a une différence entre une obligation conditionnelle et une obligation qui prend naissance au moment où la personne a connaissance de certains faits. Dans un cas, on insiste sur la possibilité qu'une situation se produise, alors que dans l'autre, l'obligation naît dès que la situation existe. Il y a donc une nuance entre les deux, monsieur le ministre.

M. Nicholson : Vous pensez peut-être qu'il y a une nuance, mais on m'a dit que l'on pouvait formuler cette disposition d'une façon ou de l'autre, et qu'elle s'appliquerait aux cas souhaités.

Le sénateur Joyal : J'essaie de comprendre la philosophie du projet de loi.

M. Nicholson : La philosophie du projet de loi consiste à protéger les enfants. C'est de cela dont il s'agit.

Le sénateur Joyal : Je suis d'accord avec vous. Nous ne sommes pas ici pour faire des annonces publicitaires.

M. Nicholson : Vous dites que vous ne comprenez pas la philosophie du projet de loi. C'est ça la philosophie du projet de loi.

Le sénateur Joyal : Nous sommes tous ici pour agir dans l'intérêt des Canadiens, monsieur le ministre. Vous le savez. Nous avons un texte devant nous et nous essayons de comprendre les répercussions juridiques du projet de loi. C'est ce que j'essaie de comprendre.

M. Nicholson : Vous pourriez peut-être poser la question aux rédacteurs, mais on m'a informé que c'était bien là ce que cela voulait dire. Nous aurions pu utiliser dans la version anglaise « when » ou « if », (quand ou si, en français) mais ces deux mots ont essentiellement le même sens.

Le sénateur Lang : J'aimerais faire une remarque au sujet de l'obligation de signaler ces cas et du motif à l'origine de cette obligation. Dans le discours qu'il a prononcé en décembre au moment de la deuxième lecture, le sénateur Runciman a parlé d'une affaire dont les médias s'étaient emparés et qui avait débouché sur le dépôt d'accusations contre 57 hommes. C'était une affaire internationale et 25 de ces personnes se trouvaient au Canada. Cela représente près de 50 p. 100. Cela confirme bien évidemment les commentaires qu'a faits le ministre au sujet de l'augmentation du nombre des personnes impliquées dans ce genre de chose et de l'extrême gravité de ce problème.

Je ne souscris pas aux remarques qu'a faites mon collègue d'en face au sujet de la période de 21 jours. Je suis d'accord avec le ministre. Cette période pourrait peut-être être plus courte, parce qu'il faut agir rapidement dès que ce genre de chose est découvert par les auteurs d'un signalement et essayer de mettre un terme aux actes très graves qui sont commis sur la personne de ces enfants. Dans l'affaire dont parlait le sénateur Runciman, un des enfants avait quatre ans.

J'aimerais prendre la même liberté que le collègue qui m'a précédé pour parler du projet de loi. J'ai deux questions, et je vais les poser ensemble pour une question de temps. La première concerne l'obligation de signaler la pornographie juvénile à une agence désignée. Vous pourriez peut-être nous en dire davantage au sujet de cette agence désignée et sur sa structure. Comment va-t-elle s'harmoniser avec ce que prévoient les provinces et ce qu'elles ont déjà mis sur pied, ce qui nous ramène à la question précédente qu'a posée le sénateur Boivenu au sujet du Manitoba?

Mon autre question concerne les fournisseurs de services Internet. S'ils ne surveillent pas les échanges et n'ouvrent pas les courriels de leurs clients, comment peuvent-ils s'apercevoir de ce genre de chose? Je pose une question pratique. Je peux comprendre si ces choses se trouvent dans les courriels d'un client, mais si ce n'est pas le cas, y aura-t-il quelqu'un qui les appellera au téléphone? Comment cela va-t-il fonctionner en pratique, une fois que ce genre de signalement sera obligatoire?

M. Nicholson : Tout d'abord, pour ce qui est de l'agence désignée, nous la désignerons dès que le projet de loi aura reçu la sanction royale. Il existe à l'heure actuelle des organismes qui effectuent pour l'essentiel ce genre de travail. Cyberaide en est un bon exemple. Ces organismes travaillent de concert avec les autres organismes du même genre au Canada. Encore une fois, nous allons désigner une agence lorsque le moment sera venu.

On m'a dit que cela se faisait déjà. Les fournisseurs de services Internet m'ont dit que les clients communiquaient parfois avec eux pour leur dire : « Il y a ce site web que j'ai trouvé sur mon ordinateur et vous êtes mon fournisseur de services Internet. »

Le sénateur Lang : Un signalement par un tiers.

M. Nicholson : Oui, par un tiers, et le fournisseur est alors tenu de communiquer ces renseignements à l'agence désignée. Il existe beaucoup de façons différentes de le faire. Ils peuvent s'apercevoir de certaines choses ou en découvrir au cours des opérations de routine, sans toutefois violer la vie privée de leurs clients. Je crois savoir qu'à l'heure actuelle, lorsqu'ils prennent connaissance d'une situation de ce genre, ils la signalent. Nous allons un peu plus loin et disons qu'ils sont tenus de la signaler.

[Français]

Le sénateur Chaput : Monsieur le ministre, ma question est à l'égard des fournisseurs de services Internet. Prenons l'exemple d'un fournisseur de services Internet qui estime qu'il y a infraction de pornographie juvénile. Il la signale à la police, mais en réalité, ce n'est pas le cas. Donc, il a fait erreur. Je présume que cela pourrait arriver.

Sera-t-il tenu juridiquement responsable? Et si c'est le cas, aura-t-il accès à une protection juridique comme c'est le cas avec nos agents de police quand la situation se présente?

[Traduction]

M. Nicholson : Il s'agit toujours de savoir si un individu donné a agi de façon raisonnable. Vous remarquerez que l'article 5 énonce que la personne en question ne doit pas révéler qu'elle a fait un signalement. Cette interdiction comporte plusieurs aspects et a pour but d'éviter de compromettre la réputation d'une personne qui sera peut-être déclarée innocente. L'article 7 énonce que nul ne peut être poursuivi au civil pour avoir, de bonne foi, fait un signalement ou donné un avis. Cette immunité combinée à l'obligation de ne pas communiquer ce fait pour ne pas désigner la personne en question, constituent des protections.

[Français]

Le sénateur Chaput : Habituellement, lorsqu'on signale de la pornographie juvénile, on peut être appelé à témoigner. Si on est appelé à témoigner, l'identité sera-t-elle aussi protégée puisqu'il y a collaboration avec la police?

[Traduction]

M. Nicholson : Ils doivent essentiellement fournir l'adresse qui leur a été communiquée, ce qui déclenche l'enquête, comme cela se fait actuellement.

Cyberaide, par exemple, et je l'ai déjà cité, prend des précautions et vérifie que les renseignements fournis sont traités de façon confidentielle et appropriée, et cela déclencherait l'enquête pénale habituelle. Encore une fois, nous espérons que tous les intéressés vont collaborer dans toute la mesure du possible.

[Français]

Le sénateur Chaput : Lorsqu'on signale une infraction de pornographie juvénile, est-ce qu'on peut être appelé à témoigner?

S'ils sont appelés à témoigner, leur identité sera-t-elle aussi protéger puisqu'ils collaborent avec la police?

[Traduction]

M. Nicholson : Encore une fois, je pense que ces mécanismes sont complémentaires, mais nous ne voulons que les personnes qui ont agi de bonne foi d'après les dispositions pénales fédérales, se retrouvent devant les tribunaux pour une autre raison. C'est une application raisonnable du pouvoir en matière de droit pénal.

[Français]

Le sénateur Rivest : L'article 7 n'abroge pas ou ne confère pas d'immunité à l'égard des dispositions, par exemple, du Code civil au Québec. La responsabilité civile demeure. Si une personne cause un tort à une autre personne, le Code civil s'applique. Une loi fédérale ne peut pas faire disparaître la responsabilité au sens du Code civil?

[Traduction]

M. Nicholson : À quelle façon pensez-vous? S'ils diffusent de la pornographie juvénile?

[Français]

Le sénateur Rivest : Si un employé de Postes Canada a connaissance de distribution de pornographie juvénile, un régime analogue s'applique-t-il à Postes Canada, à celui que l'on propose dans le projet de loi pour le fournisseur de services Internet?

[Traduction]

M. Nicholson : Toute personne qui, sciemment, diffuse de la pornographie juvénile est visée soit par cet article soit par les dispositions actuelles du Code criminel. Le projet de loi a une portée très précise. C'est pourquoi je disais plus tôt que le projet de loi vient en fait compléter les dispositions actuelles du Code criminel. La possession, la diffusion et la production de pornographie juvénile est déjà couverte par le Code criminel. Le projet de loi vient corriger une situation qui n'était pas vraiment prévue par le Code criminel; il vient s'ajouter aux dispositions existantes.

La présidente : J'aimerais poser quelques questions, monsieur le ministre, et la première touche la question qu'a posée le sénateur Lang au sujet de l'agence désignée. Cette agence va se voir confier de lourdes responsabilités, notamment celle qui consiste à décider au départ si un matériel quelconque constitue de la pornographie juvénile. C'est le genre de décision qui serait normalement confiée à la police ou au procureur de la Couronne. Pourquoi demander à quelqu'un d'autre de décider si un crime a été commis?

M. Nicholson : Dans la plupart des cas, il ne s'agira pas d'un crime. C'est une situation analogue à celle où l'on obtient des renseignements au sujet d'une activité. Je suis certain que les organismes d'application de la loi ne veulent pas être inondés de renseignements de ce genre et être obligés de mettre sur pied une unité d'enquête distincte pour ce genre d'affaires, en plus de ce qu'elles font déjà dans le domaine de la pornographie juvénile. Je pense qu'une agence désignée, par exemple, Cyberaide, même si je ne suis pas en train de désigner qui que ce soit — fait d'excellentes choses lorsqu'il s'agit de découvrir ce genre de matériel. Cela sera très utile. Les organismes d'application de la loi estimeront que cela les aide beaucoup.

La présidente : Envisagez-vous de désigner une seule agence, ou cela va-t-il varier en fonction de la province?

M. Nicholson : Je ne peux pas réfléchir à ce qui se passera après l'adoption du projet de loi. Cependant, si vous recommandez de désigner plusieurs agences, j'aimerais avoir vos commentaires à ce sujet. Je ne veux pas m'avancer trop. Je ne vous dirai pas pourquoi et je me contenterai de dire que je veux que ce projet de loi soit adopté et nous irons ensuite de l'avant.

La présidente : Vous nous demandez de l'adopter. Il est bien compréhensible que nous voulions en savoir autant que possible sur les conséquences futures.

M. Nicholson : J'ai pris l'exemple de Cyberaide, qui est une organisation nationale basée à Winnipeg.

Nous sommes tout aussi motivés que vous et tous ceux qui s'intéressent à la question pour mettre en place un mécanisme qui puisse fonctionner à l'échelle de notre pays.

La présidente : C'est vous qui désignerez l'agence.

M. Nicholson : Oui.

La présidente : Vous allez préciser son rôle, ses fonctions, ses activités, ses mesures de sécurité, ses rapports, ses avis, et cetera, par règlement. Quand pourrons-nous prendre connaissance de ce règlement?

M. Nicholson : Le plus tôt possible. Je fais une chose à la fois. Je ne tiens rien pour acquis. Il faut que ce projet de loi soit adopté, et nous prendrons les mesures qui en découlent aussi rapidement que possible. Je souhaite, comme tous les autres, que ce projet soit adopté et qu'il soit opérationnel.

La présidente : La loi n'entrera donc pas en vigueur avant que tout soit opérationnel.

M. Nicholson : Il faut adopter un règlement pour que cette structure soit opérationnelle.

La présidente : Serait-il possible de prendre connaissance du projet de règlement avant que le projet de loi n'entre en vigueur?

M. Nicholson : Les règlements qui doivent être présentés au Conseil du Trésor font, de toute façon, l'objet d'une publication préalable, sénateur.

La présidente : Il suffit donc de lire régulièrement la Gazette du Canada; est-ce bien ce que vous voulez dire?

Nous avons deux interventions très brèves des sénateurs Runciman et Baker, à moins que vous vouliez faire un rappel au Règlement, sénateur Baker.

Le sénateur Baker : Je tiens à m'excuser auprès du ministre. J'ai vérifié après lui avoir dit qu'il se trompait et que c'était l'article 487.013. Il a dit que c'était une ordonnance de communication. J'ai vérifié et constaté qu'il avait absolument raison. Sa mémoire est meilleure que la mienne et je l'en félicite.

M. Nicholson : Merci, sénateur.

Le sénateur Runciman : Cela touche la question qu'a posée la présidente, ainsi que celle du sénateur Lang, au sujet de l'organisme désigné. J'aimerais savoir quel sera son rôle. Je n'ai pas très bien compris ce qu'il en était. Le sénateur Joyal a fait référence à l'article 6, qui ne s'applique pas à l'agence désignée, je pense. Si cette agence doit vérifier si le signalement est fondé, je pense que ses membres devront avoir la capacité de rechercher le genre de sites en question.

M. Nicholson : Les employés de l'agence spéciale seraient de toute façon désignés comme agents de police spéciaux, ce qui leur donnerait les pouvoirs nécessaires, sénateur.

La présidente : À titre d'agents de police spéciaux, vous avez dit.

M. Nicholson : Oui.

La présidente : Je vous remercie, monsieur le ministre.

Le sénateur Lang : Une dernière question si vous le permettez. Elle concerne l'article qui traite des infractions et peines, l'article 10, ainsi que la série d'amendes prévues pour les différentes infractions. J'aimerais que vous nous expliquiez comment vous en êtes arrivé à faire ce choix. Pourquoi l'amende correspondant à une troisième infraction n'est-elle pas plus élevée?

M. Nicholson : Elle est de 100 000 $. Pour une personne physique, il est prévu une amende de 10 000 $ ou une peine d'emprisonnement de six mois; cela semble donc comparable aux autres dispositions du Code criminel. Il ne s'agit pas ici des gens qui produisent, fabriquent de la pornographie juvénile ou en ont en leur possession. Ces peines sont appliquées à ceux qui ont été avisés du fait qu'il y en avait sur Internet. Nous voulons que ces personnes agissent rapidement. Ces peines ne visent pas la personne qui fabrique de la pornographie juvénile ou en a en sa possession.

[Français]

La présidente : Sénateur Boisvenu est-ce que votre question peut être posée aux fonctionnaires?

Le sénateur Boisvenu : Je ne crois pas. Nous n'avons pas la chance d'accueillir le ministre très souvent, il faut donc en profiter.

Ma question fait suite à celle du sénateur Lang. Lorsqu'on parle de six mois d'emprisonnement, est-ce qu'on vise l'administrateur du site? Supposons que Bell Canada ne rapporte pas une infraction. Qui sera accusé?

[Traduction]

M. Nicholson : C'est la raison pour laquelle le régime des amendes comporte deux parties. La société ou le fournisseur de services Internet qui ne respecte pas ces obligations risque d'avoir à payer une amende, sénateur. Que pouvons-nous faire d'autre — emprisonner tous les actionnaires et les administrateurs? Cela pose des problèmes.

La présidente : Monsieur le ministre, je vais essayer pour une troisième fois de vous remercier. Nous avons hâte de vous revoir dans un proche avenir pour parler d'autres projets de loi. Entre-temps, nous vous sommes très reconnaissants de l'aide que vous avez donnée au sujet de ce projet de loi que nous allons continuer à étudier avec un grand intérêt.

M. Nicholson : Je vous remercie.

La présidente : Chers collègues, nous allons attendre quelques instants pendant que le ministre quitte la salle et qu'un autre fonctionnaire prenne place. Nous allons poursuivre notre séance. Nous avons le plaisir de garder M. Wong quelques minutes de plus avec nous et bien sûr, nous avons toujours Mme Kane. M. Jean-François Noël, avocat, Section de la politique en matière de droit pénal vient aussi de se joindre à nous.

Je vais d'abord donner la parole au sénateur Baker, parce qu'il avait posé une question à laquelle il espérait que vous répondriez.

Le sénateur Baker : Je pourrais peut-être la poser à M. Wong, qui travaille sur ce dossier depuis de nombreuses années — je dirais au moins une dizaine d'années.

Le projet de loi fait référence à une ordonnance judiciaire prise aux termes d'une autre loi fédérale, formulation qui exclut le Code criminel. Pouvez-vous nous citer un autre article du Code criminel qui fait référence à une ordonnance judiciaire ou à un mandat pris aux termes d'une autre loi? Tous ces articles énoncent « en vertu de la présente loi ou d'une autre loi fédérale. » Pourquoi a-t-on supprimé « la présente loi »?

Normand Wong, avocat, Section de la politique en matière de droit pénal, ministère de la Justice Canada : Merci d'avoir posé cette question. Premièrement, cette loi ne fera pas partie du Code criminel. Ce sera une loi indépendante, c'est pourquoi elle doit faire référence à d'autres lois.

Le sénateur Baker : Je vois.

M. Wong : Deuxièmement, la terminologie a été choisie par les rédacteurs, parce qu'elle est nouvelle, dans le sens que cette loi sera assujettie à d'autres lois qui pourraient être des lois provinciales ou fédérales. C'est le genre de terminologie qu'ils ont élaboré pour essayer de répondre à ce besoin.

Le sénateur Baker : Je pensais que c'était une modification au Code criminel, mais ce n'est pas le cas. Vous avez tout à fait raison.

Ma deuxième question porte sur un point qui m'intéresse. Les mots « dans les meilleurs délais » apparaissent à trois ou quatre endroits différents. Est-ce que « dans les meilleurs délais » veut dire « dès que les circonstances le permettent » mais pas dès que possible, à votre connaissance?

M. Wong : Cela fait des années que le texte du Code criminel n'a pas été révisé et nous essayons parfois de normaliser la terminologie. Dans les meilleurs délais a le même sens que dès que possible, mais est différent de l'expression dès que les circonstances le permettent.

Le sénateur Baker : C'est ce que je pensais. Compte tenu de la question du sénateur Lang, pourquoi n'avez-vous pas créé des infractions mixtes? Pensons à une situation où un fournisseur de services Internet a fourni un service dont la source change tous les deux ou trois ans, mais qui remonte à 20 ans; vous ne pouvez pas porter d'accusation aux termes de ce projet de loi quand l'infraction n'a pas été commise dans les deux dernières années. Autrement dit, vous ne pouvez pas remonter plus loin dans le temps. Si une partie de cette infraction constituait un acte criminel, s'il y avait un choix, alors il n'y aurait pas de prescription. Dans le cas d'un acte criminel, il est possible d'intenter des poursuites 50 ans après les faits. Pourquoi avez-vous choisi de créer une infraction punissable sur déclaration sommaire de culpabilité?

M. Wong : Le projet de loi vise en partie à inciter les fournisseurs de service à signaler ce genre de situation. Comme le ministre l'a déclaré, nous savons que la plupart des principaux FSI, ou presque tous, qui desservent la grande majorité des Canadiens le font déjà, de sorte qu'il ne s'agit pas d'adopter une approche répressive. Le genre de situation que vous avez décrit, dans laquelle il existe des preuves indiquant qu'un fournisseur de services a facilité la diffusion de pornographie juvénile pendant des années, peut donner lieu à des poursuites aux termes du Code criminel, et nous pourrions envoyer ces gens en prison pendant 5 ou 10 ans.

Le sénateur Baker : Vous pourriez également les poursuivre aux termes du projet de loi.

M. Wong : Nous le pourrions, mais le projet de loi vise en fait à encourager les fournisseurs de services à remplir leur devoir civique et moral qui consiste à signaler ce genre de chose. Le Code criminel contient déjà des dispositions qui s'appliquent au genre d'activités que vous décrivez. Elles viennent s'ajouter à ces dispositions pour faire en sorte, comme le ministre l'a déclaré, que, chaque fois qu'ils découvrent ce genre de matériel, si un de leurs clients leur fournit un renseignement à ce sujet ou s'ils le découvrent dans le cadre de leurs activités habituelles, ils doivent alors le signaler à une agence désignée ou à la police.

Le sénateur Baker : Pourquoi doivent-ils détruire ces renseignements après 21 jours?

M. Wong : Nous avons prévu une disposition qui protège la vie privée. Nous avons longuement consulté les services de police pour être sûr qu'une période de 21 jours leur permettrait d'obtenir soit un mandat de perquisition soit une ordonnance de communication. Si la police n'a pas communiqué avec le FSI avant l'expiration de la période de 21 jours, il est probable qu'elle ne le fera jamais.

Le sénateur Baker : Vous voulez dire s'ils n'ont pas communiqué avec le FSI après avoir demandé une ordonnance.

M. Wong : Exact.

Le sénateur Baker : Pour obtenir un mandat de perquisition ou une ordonnance de communication, il faut avoir des motifs raisonnables de croire qu'une infraction a été commise ou de soupçonner qu'elle pourrait être commise. Pensez- vous que les services de police peuvent obtenir des renseignements à ce sujet pendant la période de 21 jours.

M. Wong : Oui. Pour ce qui est des exigences en matière d'avis prévues à l'article 3 actuel — pour certains d'entre vous, il s'agit peut-être de l'article 4, parce que c'était l'ancien projet de loi, mais c'est maintenant l'article 3 — les fournisseurs sont tenus d'aviser la police s'ils ont des motifs raisonnables de croire que leur système a été utilisé pour la perpétration d'une infraction relative à la pornographie juvénile. C'est ce qu'ils doivent communiquer à la police, avec les faits qui justifient ces croyances. Les poursuivants et les policiers nous ont dit que ces renseignements seraient suffisants pour obtenir un mandat de perquisition ou une ordonnance de communication.

La présidente : Pour le compte rendu, je signale que la numérotation des articles du projet de loi a introduit une certaine confusion. Cela vient du fait que le classeur fourni par le ministère de la Justice, le classeur contenant tous les articles du projet qui nous a été envoyés, reproduisait le texte original du projet de loi tel qu'il avait été présenté à la Chambre des communes. Il a été amendé en comité et en troisième lecture devant la Chambre des communes. Le projet de loi officiel que nous avons reçu de la Chambre des communes est la version imprimée telle qu'adoptée par la Chambre des communes le 3 décembre de l'année dernière. Je pense que nous l'avons tous, mais il y a également d'autres versions dans nos bureaux. La version du 3 décembre est la version officielle.

Le sénateur Baker : Quelle est la raison qui vous a poussé à prévoir une prescription de deux ans comme vous l'avez formulé? Vous dites dans le projet de loi : « Les poursuites visant les infractions prévues par la présente loi se prescrivent par deux ans à compter de leur perpétration. » Pourquoi avoir choisi cette formulation alors que vous savez parfaitement que l'expression « au moment où le ministre a pris connaissance des faits » est plus courante et que, dans les projets de loi récents que le comité et le Sénat ont adoptés, les périodes de prescription sont plus longues, lorsqu'il s'agit de les faire courir à partir de la perpétration d'une infraction. Pourquoi avoir choisi une période aussi brève qui permet aux gens qui ont commis une infraction de s'en sortir parce que cela fait plus de deux ans qu'ils ont commis l'infraction? La poursuite est intentée — il s'agit du dépôt des accusations. Une poursuite débute par le dépôt d'une dénonciation. Il faut que la dénonciation soit déposée dans les deux ans de la perpétration de l'infraction.

Catherine Kane, directrice générale et avocate générale principale, Section de la politique en matière de droit pénal, ministère de la Justice Canada : Nous demandons aux fournisseurs de communiquer des renseignements à l'agence ou de signaler une situation à la police. À partir du moment où la situation est signalée à la police, il faut déposer une accusation dans les deux ans. Cela donne amplement de temps à la police pour effectuer son enquête et déposer, le cas échéant, les accusations appropriées.

Le sénateur Baker : Je suis désolé; la disposition énonce « à compter de leur perpétration ». Affirmez-vous que cela ne fait pas référence au moment où l'acte a été lui-même commis, mais à celui où la police a été avisée qu'un acte a été commis il y a un, deux ou trois ans.

La présidente : Ou n'a pas été avisée.

Mme Kane : Quel est, d'après vous, le sens de cette loi? C'est la transmission de pornographie juvénile sur Internet qui fait l'objet du signalement. Les fournisseurs indiquent qu'ils ont découvert sur un site Internet ce qui pourrait être de la pornographie juvénile. Un informateur transmet un renseignement à une agence, ou la personne constate qu'il s'agit effectivement de pornographie juvénile et signale le cas à la police.

Le sénateur Baker : Le libellé est le suivant : « à compter de leur perpétration. » Je présume, maître Kane, que cela veut dire au moment où l'infraction a réellement été commise, et la poursuite doit commencer, comme vous le dites, par le dépôt d'une dénonciation.

Mme Kane : Il est possible que je ne comprenne pas votre question. Souhaiteriez-vous que cette période soit plus longue?

Le sénateur Baker : Non.

La présidente : Vous permettez? J'aimerais apporter une précision, même si habituellement le sénateur Baker comprend mieux ces choses que moi, je pense que cet article du projet de loi fait référence à l'infraction qui consiste à omettre de transmettre un avis, omettre de signaler avoir reçu un renseignement ou avoir trouvé de la pornographie juvénile, à la différence de la transmission effective de pornographie juvénile. Il arrive que des images soient affichées sur Internet et qu'elles y restent très longtemps.

Ai-je raison de penser que la période de deux ans s'applique aux fournisseurs de services Internet qui ont fait quelque chose qu'ils ne devaient pas faire ou qui n'ont pas fait quelque chose qu'ils devaient faire, pour ce qui est de signaler une situation ou de détruire des renseignements aux termes du projet de loi?

Mme Kane : C'est exact. C'est le comportement que vise le projet de loi. Toutes les autres infractions reliées à la pornographie juvénile sont visées par le Code criminel, de sorte que c'est exactement cela. L'autre aspect que je ferai remarquer est que les termes utilisés sont ceux qui sont utilisés pour fixer la période de prescription pour les infractions punissables par déclaration sommaire de culpabilité du Code criminel.

La présidente : Sénateur Baker, vous vous êtes abstenu d'intervenir pendant mon interruption, mais accepteriez-vous de laisser le sénateur Carignan poser une question supplémentaire?

Le sénateur Baker : Vous pouvez donner la parole aux autres sénateurs, madame la présidente. C'est très bien.

La présidente : Vous aurez d'autres possibilités d'intervenir, j'en suis certaine.

[Français]

Le sénateur Carignan : Lorsqu'on parle de prescription, nous devons identifier le point de départ de cette prescription. Si le délai est de deux ans, nous devons identifier le point de départ. L'article dit : « par deux ans à compter de leur perpétration ». L'infraction à l'article 3, qui serait une infraction du fait de ne pas aviser, on dit : « elle doit aviser dans les meilleures délais ».

Quel est le point de départ de la prescription de deux ans lorsqu'on doit aviser dans les meilleurs délais?

[Traduction]

M. Wong : Je pourrais faire un commentaire à ce sujet, même si cela ne répond pas réellement aux questions qui ont été posées. Nous avons fréquemment parlé aux FSI lorsque nous avons rédigé ces projets de loi et le sénateur Baker sait que nous avons également communiqué avec eux lorsque nous avons travaillé sur les ordonnances de communication du projet de loi C-46, qui remonte à 2004.

Les FSI vident régulièrement leurs systèmes. Quelques grands FSI conservent parfois leurs données pendant un an. La plupart d'entre eux archivent les renseignements après six mois ou les détruisent. Les cycles d'activité des petits FSI sont encore plus courts et ils leur arrivent de supprimer des renseignements après 30 jours. Nous avons considéré qu'une période de prescription de deux ans était largement suffisante parce que de toute façon les preuves auraient déjà disparu.

Une période de deux ans peut sembler un peu courte si l'on pense la faire passer à cinq ans mais, d'après notre recherche, choisir deux ou cinq ans ne fait aucune différence parce que les renseignements ne sont de toute façon plus là.

Il y a des mécanismes comme l'ordonnance de préservation pour que les petits FSI, qui n'ont pas adopté les mêmes pratiques commerciales que les grands FSI, conservent ces renseignements plutôt que de les détruire dans le cadre normal de leur activité commerciale.

[Français]

Le sénateur Carignan : Vous n'avez peut-être pas compris ma question. Étant donné que l'infraction est de ne pas avoir transmis dans les meilleurs délais, quel délai va-t-on considérer le meilleur pour marquer le point de départ de cette prescription de deux ans? Vous me dites six mois. Lorsque je lis l'article, je ne vois pas le six mois.

Vous avez pris la démarche de consulter les entreprises, les fournisseurs de services. Ceux-ci disent « nous, c'est entre six mois et un an où on conserve ». Les meilleurs délais devraient donc être de six ou huit mois. Toutefois, le point de départ d'une prescription, au niveau de l'applicabilité, sera extrêmement difficile à fixer.

[Traduction]

M. Wong : Je dirais pour ma défense que j'ai commencé par signaler que je ne répondais peut-être pas à votre question.

Pour ce qui est du point de départ de la période, c'est le moment où la police constate les faits et généralement, la police ne les constate que si elle a effectué une enquête et c'est donc à ce moment que la période commence à courir. Comme je l'ai dit, il serait difficile de retrouver des données après deux ans parce qu'elles n'existent probablement plus.

Pour l'essentiel, je pense que la réponse à la question est que cet aspect n'est pas vraiment pertinent parce que cela dépend de ce que découvre la police. Si la police dispose de renseignements accumulés sur deux ans, elle aura beaucoup de chance et pourra peut-être préciser le moment auquel le fournisseur de services aurait dû savoir certaines choses. La question de savoir ce que savait un FSI qui n'a pas signalé une situation donnée comporte de nombreux autres aspects. L'existence des données est une question complexe, tout comme le fait, pour la Couronne, d'établir qu'un FSI a eu connaissance de certains faits et aurait dû les signaler. Ce sont là des facteurs de complexité qui viennent s'ajouter au moment choisi pour le déclenchement de la période de prescription.

Madame la présidente, avant que vous passiez à autre chose, je dois vous dire que je suis obligé de quitter la salle.

La présidente : Vous nous avez donné un peu plus de temps que nous le pensions et nous en sommes très heureux.

M. Wong : Si vous avez d'autres questions techniques portant sur la communication ou sur des choses de ce genre, je serais heureux de rester quelques minutes de plus. Si ce n'est pas le cas, je dois partir.

La présidente : Maître Wong, si cela est nécessaire, nous pouvons également vous écrire, mais bien sûr vos collègues pourront vous transmettre les questions que nous leur avons posées et dont vous seul connaissez la réponse. La nuance est que si cela se produit, il faudra nous donner une réponse rapidement.

M. Wong : C'est très bien.

La présidente : Merci d'être resté.

M. Wong : Je suis vraiment désolé d'avoir à partir.

Le sénateur Baker : Vous avez fait de l'excellent travail.

Le sénateur Wallace : J'aimerais poser quelques questions au sujet de l'article 2. Je ne vais pas le lire en entier, mais il énonce :

La personne qui est avisée, dans le cadre des services Internet qu'elle fournit au public [...] où pourrait se trouver de la pornographie juvénile accessible au public, communique [...]

La condition est la suivante : « La personne qui est avisée » et certains des passages que j'ai lus font référence à la situation où quelqu'un a transmis un renseignement à une personne, l'a avisée. Cela pourrait être une personne physique ou une société qui fournit le service.

Pensez-vous que les mots « est avisée » veulent dire la même chose que « ou apprend d'une autre façon »? Si dans le cadre normal de son activité, le fournisseur de services Internet découvre de la pornographie juvénile, est-il clair que l'obligation de la signaler est déclenchée, en plus du cas où c'est un tiers qui avise le fournisseur? Comprenez-vous la distinction?

Mme Kane : Oui.

Le sénateur Wallace : C'est là la question. Est-ce que les termes « ou apprend d'une autre façon » ajoutent quelque chose au mot « est avisée » ou est-ce que cela est déjà couvert par la formulation actuelle?

Mme Kane : Nous pensons que les mots « est avisée » comprend « ou apprend d'une autre façon. » La personne est avisée parce qu'elle a découvert elle-même quelque chose ou parce qu'une autre personne l'a informée de quelque chose — la situation a été portée à son attention.

C'est le but que nous recherchons avec les mots « est avisée ». Si le comité pense à une formulation qui serait plus claire, nous sommes tout à fait disposés à l'examiner.

Le sénateur Wallace : Pour le moment, je voulais simplement m'assurer que vous aviez bien réfléchi à cet aspect. Votre conclusion est que les termes « est avisée » couvrent le cas « ou apprend d'une autre façon », exact?

Mme Kane : Tout à fait.

Le sénateur Wallace : Ma deuxième remarque concerne également l'article 2. Cette disposition énonce :

La personne qui est avisée, dans le cadre des services Internet qu'elle fournit au public, d'une adresse de protocole Internet ou d'une adresse URL où pourrait se trouver de la pornographie juvénile accessible au public [...]

Encore une fois, cela concerne la personne qui fournit des services Internet. J'aimerais qu'on me dise que l'expression « une adresse de protocole Internet ou une adresse URL » ne vise pas nécessairement uniquement les activités d'un fournisseur de services Internet; autrement dit, cela pourrait s'appliquer à tout le monde. L'intention est telle que cette disposition s'applique à n'importe quel autre fournisseur dès qu'il a connaissance d'une de ces adresses?

Jean-François Noël, avocat, Section de la politique en matière de droit pénal, ministère de la Justice Canada : Oui, c'est le cas. Cela ne se limite certainement pas aux activités d'un fournisseur de services particulier ou d'un fournisseur de services Internet. L'article 2 est différent de l'article 3. L'article 2 traite en fait de la pornographie juvénile qui peut être accessible au public sur un site web. Nous pensons à une adresse qui correspond à un site web où pourrait se trouver de la pornographie juvénile. Le fournisseur est alors tenu de communiquer cette adresse à une agence qui va ensuite décider s'il s'agit effectivement de pornographie juvénile et s'il convient de transmettre l'information à un service de police pour qu'il fasse enquête.

À l'article 3, vous avez des raisons de croire qu'une infraction a été commise en utilisant votre système. La situation est alors différente et c'est la raison pour laquelle il faut signaler ce cas à la police et non pas à l'agence.

Il peut exister des situations où l'on peut passer d'un scénario à l'autre. L'article 2 concerne toutefois une adresse qui correspond à un site web où pourrait se trouver de la pornographie juvénile, que ce site web soit hébergé par ce fournisseur particulier ou par un autre.

La présidente : Est-ce que « personne » comprend une « personne morale »?

M. Noël : Oui.

La présidente : Il n'y a donc pas que le simple opérateur qui répond au téléphone à deux heures du matin qui risque de se voir imposer de lourdes amendes parce qu'il n'a pas agi comme il le devait. L'employeur serait également responsable, n'est-ce pas?

M. Noël : Oui.

La présidente : Merci.

Le sénateur Wallace : C'est une excellente remarque. Nous pensons habituellement à un individu lorsqu'on utilise le mot « personne », mais la société serait responsable des actes de ses employés, très bien.

Il y a eu plus tôt un commentaire qui portait sur la nécessité d'informer les fournisseurs de services Internet des répercussions qu'aura ce projet de loi s'il est adopté. Lorsque je pense à l'article 2, je pense aux employés d'une société qui fournit des services Internet et qui craignent que le système dont ils s'occupent soit mal utilisé et ils devraient savoir qu'ils sont tenus de signaler une situation qui serait contraire au projet de loi.

Il faudrait toutefois que les employés de ces fournisseurs de services Internet connaissent leurs obligations. Si, dans le cadre de leur travail, ils découvrent quelque chose — ils le découvrent par hasard et cela n'a rien à avoir avec leurs activités ni les services Internet — ils ont l'obligation légale de signaler la situation, une fois qu'ils l'ont découverte. Cette obligation légale les touche personnellement, mais elle toucherait également, comme le sénateur Fraser l'a fait remarquer, la société pour laquelle ils travaillent. Il faudra donc élaborer des documents d'information et bien aviser les gens de ces choses. Cela me paraît essentiel.

M. Noël : Nous avons utilisé les mots « dans le cadre des services Internet qu'elle fournit au public » pour être très clair. Nous parlons d'une « personne », parce que cela pourrait être ce qu'on appelle une entreprise individuelle, qui est une entreprise ou un groupe de très petite taille. Il y a des gens qui décident de fournir un accès Internet à leur collectivité et ce, gratuitement ou presque. Ils sont alors une personne et non pas une société. Malgré tout, cette personne fournit un service Internet. C'est la raison pour laquelle nous parlons toujours de « personne ». C'est dans le cadre des services Internet fournis au public.

La personne qui travaille pour un grand FSI et qui revient chez elle et ensuite, pour une raison ou une autre, s'aperçoit de quelque chose, n'agit pas dans le cadre des services Internet qu'elle fournit au public. Cette personne se trouve chez elle, en tant que personne physique; c'est une situation complètement différente.

Ces mots sont importants si l'on veut comprendre la portée des obligations imposées à ces différentes personnes.

Le sénateur Wallace : Comme vous le faites remarquer, les personnes physiques qui fournissent des services Internet pourraient constater une situation qui n'est pas reliée aux services qu'elle fournit. Par contre, si elle voit ce que fait un concurrent et qu'elle soupçonne quelque chose dans le service qu'il offre, alors elle doit respecter cette obligation.

M. Noël : Si c'est dans le cadre des services Internet qu'elle fournit au public, oui.

Le sénateur Wallace : Dans ce cas-là, ce serait peut-être de façon indirecte.

M. Noël : Comme je l'ai dit plus tôt, cela ne vise pas uniquement ce qui se passe dans le système informatique de cette personne.

Le sénateur Wallace : C'est ce que je voulais faire remarquer.

M. Noël : Ce pourrait être un de leurs clients qui découvre ce qu'il estime être de la pornographie juvénile. Préoccupé par cette découverte, sa première réaction est de le signaler à son fournisseur de services Internet. Cela ne veut toutefois pas dire que le matériel qu'il a découvert est hébergé par ce système particulier.

Le sénateur Wallace : Je vous remercie.

Le sénateur Joyal : Ma question porte sur l'article 6. Comme vous le savez, maître Noël, dans ce monde de l'information numérique, les fournisseurs de services disposent de toutes sortes de mécanismes pour commercialiser ou utiliser les données qui se trouvent dans leur système. Par exemple, si j'achète des livres de géographie sur Internet, le fournisseur m'inscrit en tant qu'acheteur de livres de géographie. Ce renseignement est transmis aux éditeurs de livres de géographie et tout à coup, je reçois dans mon courriel un avis qui m'invite à acheter des livres de géographie. Je ne sais pas d'où vient cet avis, mais il est arrivé, parce que les fournisseurs commercialisent les renseignements auxquels ils ont accès.

Je me demande si l'article 6 est encore nécessaire, parce qu'il me semble que nous autorisons les fournisseurs de services Internet à inclure dans leurs services la possibilité d'entreposer des renseignements concernant les habitudes des utilisateurs d'Internet. Cependant, lorsqu'il s'agit de pornographie juvénile, les fournisseurs ne sont pas autorisés, comme le dit l'article 6 du projet de loi, à chercher cette pornographie. Il me semble que cette approche comporte deux aspects. Par exemple, si je m'abonne à du matériel pornographique qui contient de la pornographie juvénile, alors mon fournisseur n'est pas tenu, aux termes du projet de loi, de divulguer cette information.

Pourquoi avoir ajouté l'article 6 au projet de loi? Cette disposition semble constituer pour les fournisseurs une échappatoire qui leur permet de faire comme s'ils ne voyaient rien. Ce n'est que lorsque que quelqu'un d'autre les avise, qu'ils pourraient être poursuivis pour ne pas avoir signalé la pornographie. J'ai le sentiment que sur ce point, le projet de loi a une portée très restreinte, alors qu'il devrait aller plus loin.

Je ne suis pas contre l'objectif du projet de loi; j'essaie simplement de comprendre, comme M. Wong l'a formulé lorsqu'il a expliqué la philosophie du projet de loi. C'est la raison pour laquelle je vous demande, si nous voulons souscrire à cet objectif, la raison pour laquelle cette disposition est nécessaire puisqu'elle semble restreindre l'objectif du projet de loi.

M. Noël : Comme le ministre l'a mentionné dans ses remarques d'ouverture, un des grands principes du projet de loi est que nous ne voulons pas créer davantage de consommateurs de pornographie juvénile, et nous ne voulons pas que ce genre de matériel soit diffusé plus largement qu'il l'est déjà.

L'autre aspect est que ce projet de loi, qui est certes un projet de loi autonome, doit également s'harmoniser avec ce qui existe dans le Code criminel en matière de pornographie juvénile. À l'heure actuelle, personne ne peut avoir accès, télécharger ou posséder de la pornographie juvénile. Même les policiers ne peuvent télécharger ce genre de pornographie dans le cadre d'une enquête. Ils doivent obtenir une autorisation et ils doivent respecter certaines conditions.

Il est évident que nous ne voulons pas que les fournisseurs de services Internet se mettent à rechercher activement ou à collecter de la pornographie juvénile pour ensuite invoquer cette activité pour se défendre contre une accusation d'avoir commis une infraction matérielle de pornographie juvénile prévue par le Code criminel. Cela ne pourrait pas fonctionner ainsi. À l'heure actuelle, le seul fait de posséder de la pornographie sur Internet et même celui d'y avoir accès constitue en ce moment une infraction au Code criminel. Nous ne voulons pas que les gens considèrent que le projet de loi les autorise à rechercher de la pornographie juvénile, à la collecter et à dire ensuite qu'ils ne l'ont fait que parce qu'ils voulaient ensuite la signaler à la police.

La personne qui découvre des renseignements, qui est avisée d'un site web où pourrait se trouver de la pornographie juvénile accessible au public, doit signaler cette adresse, un point c'est tout. La personne qui a des raisons de croire qu'une infraction a été commise sur son système doit en aviser la police, mais elle n'a pas à rechercher des renseignements à ce sujet.

Vous avez parlé d'échappatoire ou de ce que cette disposition pourrait créer, mais il ne faut pas oublier qu'à l'heure actuelle, Internet est un secteur non réglementé. Bien évidemment, en tant que consommateur, comme vous l'êtes, nous pourrions nous inquiéter de certaines pratiques et de savoir si certains renseignements sont échangés, du fait que nous recevons des invitations pour toutes sortes de choses et nous essayons de réfléchir à d'où elles viennent; à l'heure actuelle, ces aspects ne sont pas réglementés et n'entrent pas, bien évidemment, dans le cadre du projet de loi.

Le projet de loi porte sur un aspect très précis. Il cherche à obliger les fournisseurs de services Internet à signaler à une agence désignée des renseignements concernant un site web où pourrait se trouver de la pornographie juvénile; l'agence effectue ensuite une vérification et s'acquitte ainsi d'une tâche qui serait trop lourde pour les services de police et après cette vérification, elle transmet à la police les éléments sur lesquels il y a lieu de faire enquête.

Dans le deuxième cas, si les fournisseurs ont des raisons de croire qu'une infraction a été commise, ils en avisent alors immédiatement la police pour que celle-ci puisse faire enquête. Cela n'autorise absolument pas qui que ce soit à commencer à accumuler un matériel relié à la pornographie juvénile.

Le sénateur Joyal : Craignez-vous qu'un citoyen ou un fournisseur de services accumule de la pornographie juvénile dans le seul but de se constituer un moyen de défense en disant qu'il agissait de cette façon dans le seul but d'éventuellement le signaler?

M. Noël : Cela me paraît être une inquiétude légitime, oui.

Le sénateur Joyal : Par contre, comme je le disais au sénateur Baker un peu plus tôt, les policiers peuvent inciter quelqu'un à se livrer à la prostitution, parce qu'une policière peut s'habiller comme une prostituée, se placer au coin d'une rue et essayer d'inciter un client à retenir ses services.

J'ai du mal à comprendre que les policiers ne puissent placer sur Internet un site où se trouve de la pornographie juvénile dans le seul but de voir qui visitera ce site pour ainsi lutter contre la pornographie juvénile.

Pourquoi êtes-vous vraiment obligé de rédiger l'article 6 comme vous l'avez fait? C'est un moyen de défense très général et il me semble que votre objectif qui consiste à ne pas permettre à qui que ce soit de collecter de la pornographie juvénile sous de faux prétextes pourrait être formulé différemment que la formulation générale que l'on retrouve à l'article 6.

Mme Kane : Il est possible que j'aie mal précisé certaines choses ou que je me répète, mais cet article a pour but d'envoyer simplement deux messages. Nous ne demandons pas au public de rechercher de la pornographie juvénile sur les sites Internet, et nous ne demandons pas aux fournisseurs de services Internet de rechercher cette pornographie; nous leur demandons de la signaler lorsqu'ils en découvrent.

Le sénateur Joyal : Vous ne les autorisez pas à faire quoi que ce soit.

Mme Kane : Cela comporte deux parties. Nous ne leur demandons pas de rechercher cette pornographie, parce qu'ils commettraient alors une infraction. Ce n'est pas ce que nous leur demandons. Nous leur demandons de signaler les situations de ce genre à mesure qu'ils les découvrent. L'article 6 précise simplement que nous n'imposons pas aux personnes physiques ou aux fournisseurs de services Internet une obligation plus large que celle qui existe et nous ne voulons pas, comme l'a dit M. Noël, fournir un moyen de défense à ceux qui voudraient utiliser ce projet de loi parce qu'ils se trouvent en possession de matériel de ce genre sur leurs sites.

Le sénateur Joyal : Je me demande si, par souci de clarté, vous n'auriez pas pu scinder le projet de loi de la façon que vous venez de décrire pour qu'il ne demeure aucune confusion sur le fait qu'ici, d'après ce que je comprends, « La présente loi n'a pas pour effet d'autoriser ou d'obliger quiconque à chercher de la pornographie juvénile ».

Il me semble que cette affirmation a une portée tellement large que vous auriez pu la reformuler en ajoutant la réserve que vous venez de nous expliquer, et que M. Noël vous a également expliquée, à savoir qu'il faut éviter que cette disposition soit utilisée comme un moyen de défense par une personne qui poursuivrait en réalité un autre but.

Mme Kane : Je pense que l'article 6 énonce très clairement cette idée — « autoriser ou obliger »; nous couvrons les deux aspects de cette préoccupation.

La présidente : Puis-je poser une question supplémentaire?

Le sénateur Joyal : Oui, bien sûr.

La présidente : Aux termes d'autres dispositions législatives et notamment celles du Code criminel, les policiers ont- ils le pouvoir de chercher de la pornographie juvénile, et si c'est le cas, le projet de loi va-t-il limiter ce pouvoir?

Mme Kane : Les policiers possèdent divers pouvoirs et ils peuvent également invoquer l'article 25.1 du Code criminel. En outre, dans les moyens de défense prévus par les dispositions relatives à la pornographie juvénile, il y a la défense du but légitime. Cette défense peut être invoquée par les personnes qui sont en possession de pornographie juvénile, et elles doivent satisfaire à un critère à deux volets. Si elles possèdent ce matériel dans un but relié à l'administration de la justice, et que cela ne pose aucun préjudice à une personne de moins de 18 ans, alors elles peuvent invoquer ce moyen de défense. Il est évident que les policiers seront en possession de pornographie juvénile à un moment donné, s'ils effectuent une enquête.

La présidente : Le projet de loi va-t-il modifier cet aspect?

Mme Kane : Le projet de loi s'adresse aux fournisseurs de services Internet et aux autres personnes qui fournissent un service Internet au public. Je ne pense pas que l'on puisse dire que les policiers jouent ce rôle.

La présidente : Excusez-moi, car je suis vraiment en train d'empiéter sur votre territoire maintenant, sénateur Joyal, mais cet article ne parle pas de « personne qui fournit un service Internet », et le terme personne n'est pas défini comme étant une personne qui fournit un service Internet.

Il me semble donc toutefois que cet article s'applique uniquement au projet de loi et que le Code criminel, étant une loi indépendante, ne serait pas touché par lui, mais voilà que le sénateur Joyal a déclenché toute une série de sonneries d'alarme et j'aimerais que cela soit confirmé expressément.

Mme Kane : L'article 6 n'est relié à aucune autre disposition du projet de loi. Par conséquent, si nous considérons que ce projet de loi est une mesure législative indépendante qui impose les obligations de transmettre un renseignement et de signaler une infraction, compte tenu de cette obligation, ce projet de loi qui impose ces obligations ne contient aucune disposition qui autorise ou oblige qui que ce soit à chercher de la pornographie juvénile.

La présidente : Est-ce que d'autres lois, à savoir le Code criminel et les buts reliés à la justice, notamment, l'autorisent?

Mme Kane : Le Code criminel n'autorise personne à chercher de la pornographie juvénile; il est évident que les policiers ont le pouvoir de faire enquête sur la pornographie juvénile en utilisant tous les moyens qu'ils estiment nécessaires.

Le mot « personne » est défini et je crois que la remarque du sénateur porte sur le fait qu'elle n'est pas définie comme visant la personne qui fournit un service Internet au public. Ce mot est défini comme comprenant une personne physique, une personne morale, notamment.

Le sénateur Joyal : Exactement; ce mot ne se limite pas à la personne qui fournit des services Internet. Le mot personne est défini en bas de la page 1. On peut lire : « personne » Personne physique ou morale, société de personnes ou organisation ou association non dotée de la personnalité morale. » Cette définition ne fait aucunement référence au fait que la personne doit fournir des services Internet.

Mme Kane : Exact, si ce n'est que les obligations que contient le projet de loi figurent aux articles 2 et 3. Le projet de loi oblige certaines personnes à communiquer un renseignement ou à signaler une infraction. Dans ce contexte, il s'agit bien d'une personne qui fournit un service Internet au public.

Plus loin, l'article 6 énonce « La présente loi n'a pas pour effet d'autoriser ou d'obliger quiconque à chercher de la pornographie juvénile. » Cela est relié aux obligations qu'impose la loi proposée.

M. Noël : En outre, comme un autre honorable sénateur l'a mentionné plus tôt, lorsqu'il parlait de sensibilisation et de campagne d'information, il est évident que même si ce projet de loi impose de nouvelles obligations et de nouveaux devoirs à ceux qui fournissent les services Internet au public, il risque d'interpeller certains consommateurs et nous ne voudrions pas que les clients de ces fournisseurs de services Internet interprètent le projet de loi comme s'il les autorisait à chercher de la pornographie juvénile pour qu'ils puissent ensuite communiquer des renseignements à leurs fournisseurs, qui seront ensuite obligés de les transmettre à leur tour.

À titre de précision, il est très important que les personnes comprennent que le projet de loi vise à obliger les fournisseurs de services Internet à transmettre les renseignements qu'ils ont découverts ou dont ils ont été avisés. Il ne donne pas tout à coup à la population, carte blanche pour rechercher ce genre de renseignement et les transmettre à leurs fournisseurs. Nous devons être sûrs que tout le monde comprend bien la portée exacte du projet de loi, y compris le fait qu'il autorise les gens à faire faire des choses qui sont pour le reste assujetties au Code criminel.

Le sénateur Joyal : Ma dernière question porte sur l'article 10. Pourriez-vous m'indiquer une autre disposition du Code criminel qui prévoit une peine semblable pour l'omission de signaler une infraction pénale, dans le cas où il y aurait obligation de le faire? Autrement dit, cette échelle est-elle particulière au projet de loi ou est-elle semblable aux autres articles du Code qui traitent de crimes de gravité comparable?

M. Noël : Je n'ai pas à l'esprit d'exemples clairs qui comprennent des régimes de peines semblables. Lorsque nous avons rédigé ce projet de loi, nous voulions qu'il reflète clairement l'objectif recherché. Il s'agit d'imposer à tous les fournisseurs de services Internet au Canada la même obligation et de les amener à la respecter.

Il ne s'agissait pas d'imposer des peines aux personnes qui produisent, diffusent et consomment de la pornographie juvénile. C'est un aspect complètement différent qui est régi par le Code criminel; les peines doivent en tenir compte. Le régime des peines avec d'un côté les personnes physiques et les entreprises individuelles, et de l'autre, les sociétés reflètent également la composition de ce secteur économique au Canada, comme l'ont mentionné le ministre et d'autres.

Il y a, au Canada, environ 10 grands fournisseurs de services Internet qui desservent 90 p. 100 de la population canadienne; il y a en outre 300 à 400 petits fournisseurs de services Internet, dont certains sont des entreprises individuelles, et le régime des peines a été conçu pour refléter cette réalité et offre la latitude d'imposer des peines pour l'omission de faire un signalement et non pas pour la création, la diffusion ou la consommation de pornographie juvénile.

Le sénateur Joyal : Pour être plus précis, si je suis témoin d'un crime et je ne le signale pas, est-ce que cela met en jeu ma responsabilité pénale?

Mme Kane : Si vous êtes témoin de la perpétration d'une infraction et que vous ne la signalez pas, la plupart du temps, vous n'avez pas commis d'infraction au Code criminel. Il y a des peines pour le fait de quitter les lieux d'un accident, par exemple, mais si vous me demandez si les citoyens sont tenus de rapporter à la police ce qu'ils pensent être une infraction pénale, c'est autre chose.

Le sénateur Joyal : Dans ce cas-là, quel genre de peine risquerais-je de recevoir?

Mme Kane : Si vous quittez les lieux d'un accident, vous pourriez faire l'objet d'une peine d'emprisonnement.

Le sénateur Joyal : Quelles sont les infractions du Code criminel qui ont la même importance que celles prévues par projet de loi?

Mme Kane : Le ministre a répondu à cette question. Il a déclaré, comme l'a fait M. Noël, que nous avons élaboré ce régime de peines en tenant compte du fait qu'il s'agissait ici d'une approche différente, à savoir l'obligation de signaler la pornographie juvénile accessible sur Internet. Nous avons dû comparer cette obligation et les objectifs du projet de loi qui consistent à empêcher la diffusion de la pornographie et à protéger les enfants avec les infractions du Code criminel qui répriment la création, la diffusion et la possession de pornographie juvénile, infractions qui emportent toutes des peines maximales et minimales d'emprisonnement. Ici, c'est un régime d'amendes.

C'est également un régime d'amendes parce que certains des fournisseurs sont des sociétés qui ne peuvent être envoyées en prison. Les amendes ont un effet dissuasif sur elles et ce sont des amendes importantes. C'est la raison pour laquelle nous avons conçu un régime d'amendes.

Dans le Code criminel, le montant des amendes augmente dans le cas de certaines infractions. Par exemple, la conduite avec facultés affaiblies est assortie d'amendes qui varient selon qu'il s'agit de la première, de la seconde et d'infractions subséquentes, tout comme les périodes d'emprisonnement. Pour les infractions sommaires, il est possible d'imposer des amendes et il existe d'autres lois fédérales qui prévoient des amendes bien souvent très lourdes. Nous avons tenu compte de tous ces aspects lorsque nous avons élaboré ce régime. C'est une approche nouvelle pour une loi fédérale qui impose une obligation déclarative. Lorsque nous avons examiné diverses options pour le régime des peines, mes collègues ont examiné les lois semblables existant ailleurs ainsi que les lois provinciales.

La présidente : Pourriez-vous donner au comité quelques exemples de lois étrangères que vous avez consultées pour préparer ce projet de loi? Pendant que vous y êtes, pourriez-vous nous fournir une feuille d'information sur les niveaux d'amendes imposées pour diverses infractions, comme pour la Liste nationale des numéros de télécommunication exclus, par exemple?

Nous avons parfois du mal à comparer les peines proposées à un régime de peines plus général pour voir comment elles se comparent aux peines prévues au Canada.

Je vous ai interrompu encore une fois, sénateur Joyal. Veuillez m'excuser.

Le sénateur Joyal : C'est en fait ce que j'essayais de demander aux témoins. Cela nous aide à comprendre la gravité associée à l'infraction d'omission de signaler une situation. C'est essentiellement ce que j'essaie de comprendre, dans le contexte du Code criminel et des autres lois fédérales.

Mme Kane : Très bien. Il est difficile de faire des comparaisons, parce que l'omission de signaler certaines autres infractions n'est peut-être pas considérée comme étant aussi grave que celle de ne pas signaler la pornographie juvénile, étant donné les intérêts en jeu.

La présidente : Nous ne sommes pas en train de dire qu'il faudrait prévoir la même infraction pour celui qui casse une fenêtre que pour celui qui omet de rapporter une des infractions les plus horribles que l'on puisse imaginer.

Mme Kane : Il me serait facile de vous fournir des exemples tirés de lois provinciales et nous rechercherons des exemples appropriés tirés d'autres lois fédérales qui imposent des régimes de peines.

[Français]

Le sénateur Chaput : À l'article 4 du projet de loi on parle de l'avis obligatoire à donner à un policier, il est dit :

[...] elle en avise dans les meilleurs délais, selon les modalités réglementaires, un agent de police ou toute autre personne chargée du maintien de la paix publique.

Comment est-ce défini? Qui sont ces personnes?

M. Noël : Lorsque nous étions avec les rédacteurs pour préparer le présent projet de loi, cette question s'est posée à savoir si on faisait référence simplement à un policier ou à law enforcement en anglais et c'est le langage que nous ont proposé les rédacteurs. Sachant que dans la réglementation qui va accompagner cette législation, on va devoir notamment préciser l'avis prévu à l'article 3. Et on verra s'il y a lieu de préciser ou de limiter l'étendue de cette expression.

Évidemment, lorsqu'on parle des agents des forces de la paix ou des policiers qui font ce travail, d'une municipalité ou d'une juridiction à l'autre, cela peut atteindre un niveau qui varie beaucoup. Les grands centres comme Montréal, Vancouver, et autres, ont des unités très spécialisées qui font ce travail. Ils reçoivent les signalements, en font le tri et vont enquêter. Alors que dans d'autres centres où les forces policières n'ont peut-être pas ce degré de spécialisation, on peut se poser la question à savoir s'il est suffisant d'appeler la police communautaire et de lui donner l'information. On voulait garder une certaine flexibilité.

L'important est que l'information se rende aux bonnes personnes et que l'enquête soit démarrée. On ne voulait pas limiter cela. Mais vous n'êtes pas la première à poser la question. On va regarder cela attentivement lorsque viendra le temps d'élaborer la réglementation pour s'assurer que c'est bien compris et que cela fonctionne bien.

Le sénateur Chaput : Si je comprends bien, s'il y a lieu de préciser, ce serait fait par l'entremise de la réglementation. Ce que je trouve logique.

M. Noël : À l'article 12, il est spécifiquement prévu dans le pouvoir réglementaire de régir l'avis prévu à l'article 3 incluant à qui on va le faire et dans quelle modalité.

Il est évident que lorsqu'on parle de l'article 2, on s'adresse à une agence qui va servir à faire le triage dans le but de s'assurer que les forces policières ne soient pas inondées de signalements dont certains ne tiennent pas la route ou ne donneraient pas lieu à une enquête.

Dans le cas de l'article 3, on parle d'un fournisseur de services Internet qui a des motifs de croire qu'une infraction a été commise à l'intérieur de son système ou en utilisant ses services. On veut que cela se rende à la bonne personne et que l'enquête soit démarrée, mais on ne veut pas nécessairement dire : « vous envoyez cela à telle unité spécifiquement ».

Le sénateur Chaput : D'après vous, le règlement s'appliquerait uniquement à l'article 3 ou toucherait d'autres articles du projet de loi?

M. Noël : À l'article 13 du projet de loi, on nous dit que : « 13. Le gouverneur en conseil peut, par règlement : »

Et là, vous avez a), b), c), d), e) et f). On a quand même identifié les choses qui devront être prévues au règlement. Madame la présidente a mentionné plus tôt la question de l'agence, la façon dont elle va fonctionner, son rôle, les mesures de sécurité, et cetera. Ce sont des choses qui devront être prévues pour s'assurer que tout ce fait dans le bon ordre.

Le sénateur Chaput : Quel est le champ d'application du projet de loi? S'applique-t-il uniquement aux serveurs et aux ordinateurs du Canada ou est-ce que cela va plus loin?

M. Noël : La première chose est que cela s'applique à une personne morale ou physique qui fournit les services Internet au public et au Canada. L'Internet est très vaste. Il y a beaucoup de grands joueurs ici et à l'étranger. Mais pour qu'une corporation soit requise de respecter les lois du Canada, elle doit être incorporée ici et faire affaires ici.

La pornographie juvénile circule beaucoup. Ces sites déménagent de façon cyclique et très rapidement. Ce qui rend le travail des enquêteurs et des policiers très ardu. Nous ne sommes pas les seuls. Aux États-Unis, une loi sur le signalement obligatoire de la pornographie juvénile existe déjà. Aux États-Unis, les fournisseurs de services Internet et autres — on parle d'un groupe plus large — ont une obligation déjà existante de signaler et ils le font.

Notre loi serait complémentaire à ce qui se fait déjà dans d'autres pays, y compris aux États-Unis et à ce qui est déjà en place dans certaines provinces. Le ministre a parlé du Manitoba et de la Nouvelle-Écosse.

Le sénateur Carignan : À l'article 3 et à l'article 4 ont dit que le fournisseur ou la personne constate que son serveur ou son équipement a servi à de la possession ou de la transmission de pornographie juvénile qu'elle doit aviser dans les meilleurs délais. Les meilleurs délais peuvent être une période qui peut s'étendre entre une semaine peut-être et six mois dépendamment des circonstances.

À l'article 5, on dit qu'elle doit conserver au moins pendant 21 jours à partir du moment où elle donne l'avis. Il y a une période de temps entre le moment où elle constate et le moment où elle donne l'avis où elle n'a pas d'obligation de conservation.

Avez-vous pensé à mettre une obligation de conservation qui commence au moment où elle le constate, qui pourrait se terminer après 21 jours de l'avis?

M. Noël : Évidemment, dans un cas comme celui-là, il faudrait voir quels sont vraiment les faits. J'imagine que lorsqu'on parle de délai raisonnable ou de signalement qui est vraiment dans les meilleurs délais, je ne crois pas qu'on accepterait qu'un fournisseur de services Internet se serve du meilleur délai pour disposer ou faire disparaître des éléments de preuve.

Le sénateur Carignan : Cela pourrait être accidentel. Cela pourrait être qu'elle ne prend pas les procédures de façon à avoir une conservation et elle n'a pas établi la procédure dans son entreprise et elle ne le fait pas de mauvaise foi.

M. Noël : L'obligation à l'article 4 est une obligation qui accompagne celle de l'article 3. Le mécanisme est que si un fournisseur a des motifs raisonnables de croire qu'une infraction a été perpétrée sur son système, il doit en aviser les policiers dans les meilleurs délais parce qu'évidemment, ce serait plus ou moins pratique.

Le sénateur Carignan : Non. Ce que je dis c'est qu'il n'est pas obligé d'aviser immédiatement. Mais au moins, dès qu'il constate, il doit conserver pour conserver la preuve. Ce serait peut-être une amélioration à apporter.

La présidente : Merci à vous deux.

[Traduction]

La présidente : Merci à vous deux. Les échanges ont été extrêmement intéressants. Si vous avez des documents sur la durée associée à l'expression « les meilleurs délais » d'après l'interprétation fournie par les tribunaux, cela nous serait aussi très utile, parce qu'elle soulève des questions intéressantes. Cela dit, nous allons vous libérer. Comme d'habitude, nous vous sommes très reconnaissants.

Chers collègues, nous allons nous réunir à nouveau à 10 h 30 demain matin dans cette salle pour poursuivre notre étude du projet de loi. Nos témoins seront l'Ombudsman fédéral des victimes d'actes criminels, la GRC et Statistique Canada.

(La séance est levée.)


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