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Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Affaires juridiques et constitutionnelles

Fascicule 22 - Témoignages du 2 mars 2011


OTTAWA, le mercredi 2 mars 2011

Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles se réunit aujourd'hui, à 16 h 18, pour étudier le projet de loi C-48, Loi modifiant le Code criminel et la Loi sur la défense nationale en conséquence, ainsi que projet de loi C-21, Loi modifiant le Code criminel (peines pour fraude).

Le sénateur Joan Fraser (présidente) occupe le fauteuil.

[Français]

La présidente : Honorables sénateurs, bienvenue à cette séance du comité sénatorial des affaires juridiques et constitutionnelles.

[Traduction]

Aujourd'hui, nous commençons notre étude du projet de loi C-48, Loi modifiant le Code criminel et la Loi sur la défense nationale en conséquence. Nous avons la chance de recevoir comme premier témoin l'honorable Robert Nicholson, C.P., député, ministre de la Justice et procureur général du Canada. Dans les observations qu'il va nous présenter, il va aussi parler du projet de loi C-21, Loi modifiant le Code criminel (peines pour fraude) qui, comme les honorables sénateurs le savent, vient juste d'être renvoyé au comité, il y a une heure, je crois.

Le ministre va pouvoir rester avec nous jusqu'à 17 h 45. Je vais donc lui demander de parler des deux projets de loi, puis je vais commencer la période de questions pour que les honorables sénateurs puissent lui poser leurs questions sur l'un ou l'autre des projets de loi. Si vous voulez poser une question sur chacun des projets de loi, je vous suggère de poser une question sur l'un des deux au cours du premier tour, puis d'en poser une sur l'autre, de façon à ce que tous les honorables sénateurs aient l'occasion de le faire. Si nous avons le temps de faire un deuxième tour, nous aurons peut- être un peu plus de marge de manœuvre.

Cela dit, bienvenue monsieur le ministre.

L'honorable Robert Nicholson, C.P., député, ministre de la Justice et procureur général du Canada : Merci beaucoup. Je suis heureux d'être accompagné encore une fois de fonctionnaires du ministère de la Justice : John Giokas, avocat, Section de la politique en matière de droit pénal; Joanne Klineberg, avocate, Section de la politique en matière de droit pénal; et Catherine Kane, directrice générale et avocate générale principale, Section de la politique en matière de droit pénal.

Je suis heureux de rencontrer les membres du comité. Le premier projet de loi est le projet de loi C-48, Loi protégeant les Canadiens en mettant fin aux peines à rabais en cas de meurtres multiples. Encore une fois, je remercie la présidente et les membres du comité de m'avoir offert de venir témoigner à l'égard de ces projets de loi aujourd'hui.

Le projet de loi C-48 vise à modifier le Code criminel pour permettre aux juges d'imposer aux personnes déclarées coupables de meurtres multiples des périodes d'inadmissibilité à la libération conditionnelle de 25 ans distinctes et simultanées pour la deuxième victime et les suivantes. Surtout, ces périodes supplémentaires de 25 ans seraient consécutives à la période d'inadmissibilité à la libération conditionnelle imposée pour le premier meurtre.

Lorsqu'ils exerceront ce nouveau pouvoir, les juges tiendront compte des critères prévus à l'heure actuelle dans le Code criminel et qu'ils connaissent déjà dans le contexte de l'imposition de périodes d'inadmissibilité à la libération conditionnelle aux personnes déclarées coupables de meurtre au deuxième degré.

La version du projet de loi qui avait été présentée par le gouvernement aurait exigé du juge qui impose la peine de justifier la décision de ne pas imposer des périodes d'inadmissibilité à la libération conditionnelle consécutives dans un cas particulier lorsqu'une personne est déclarée coupable de meurtres multiples. Cette exigence profiterait aux membres de la famille et aux proches des victimes de meurtre, qui se plaignent depuis longtemps que certaines décisions prises dans le cadre du procès et du processus d'établissement de la peine ne leur sont pas expliquées.

Le projet de loi C-48 a fait l'objet d'un débat et d'une étude approfondis à l'autre endroit. Là, on a jugé bon d'adopter un amendement de façon à exiger du juge qu'il présente les motifs de vive voix ou par écrit s'il décide d'imposer des périodes d'inadmissibilité à la libération conditionnelle consécutives ou non. Au départ, le projet de loi exigeait du juge qu'il présente des motifs de vive voix ou par écrit seulement s'il refusait de le faire.

Même s'il est superflu, l'amendement a été accepté par le gouvernement de façon à ne pas retarder l'adoption de cet important projet de loi. Nous l'avons fait parce que nous sommes conscients des souffrances endurées par les membres de la famille et les proches des victimes de meurtre.

S'il est adopté, le projet de loi permettra aux juges d'imposer une période d'inadmissibilité à la libération conditionnelle consécutive qui évitera aux membres de la famille et aux proches des victimes de meurtre d'avoir à revivre le traumatisme de la perte tous les deux ans une fois écoulée la période d'inadmissibilité pour le premier meurtre.

Dans la même veine et dans le contexte de l'engagement du gouvernement à s'attaquer aux crimes violents et à rendre plus vrai le processus de détermination de la peine, les changements proposés dans le cadre du projet de loi C-48 non seulement refléteraient mieux la perte de vies multiples, mais ils mettraient fin également au processus d'examen de la dernière chance et épargneraient à la famille la douleur d'avoir à assister à une série d'audiences de détermination de l'admissibilité à la libération conditionnelle où elle est forcée de revivre sa perte.

Je ne vais pas entrer dans les détails, puisque je sais que le sénateur Lang a fait ici un excellent compte rendu dans le discours qu'il a prononcé à l'occasion de la deuxième lecture. Cela dit, permettez-moi de vous expliquer ce qui justifie le projet de loi. Le sénateur Lang a fait remarquer à juste titre que le projet de loi est fondé sur le principe fort simple selon lequel la culpabilité morale d'une personne qui enlève la vie de plus d'une personne est plus élevée et qu'elle mérite donc une peine plus lourde.

Honorables sénateurs, le projet de loi reflète clairement et sans équivoque ce degré élevé de « culpabilité morale » dont a parlé le sénateur Lang, puisqu'il est indéniable que le meurtre est le crime le plus réprouvé sur le plan moral en droit canadien. La façon dont un meurtre est commis est l'une des façons dont le droit pénal reflète la notion de réprobation morale.

Aux termes de l'article 231 du Code criminel, par exemple, le meurtre au premier degré est le meurtre commis « avec préméditation et de propos délibéré ». Les meurtres passionnels, commis sous l'emprise de la drogue ou de l'alcool ou dont l'auteur vit un trouble émotionnel ne font pas nécessairement l'objet du même degré de réprobation morale et sont considérés comme des meurtres au deuxième degré.

L'enquête ne s'arrête pas là, cependant, puisque la seconde façon dont le Code criminel reflète la réprobation morale a trait moins au meurtrier et davantage à la victime. Ainsi, le meurtre est également un meurtre au premier degré si la victime est un agent de police ou du Service correctionnel du Canada, par exemple, dont le travail dangereux est essentiel à l'administration de la justice au Canada. Un meurtre est également un meurtre au premier degré si la victime meurt parce que le meurtrier commet ou tente de commettre une autre infraction grave comme le détournement d'un aéronef, un enlèvement ou une agression sexuelle et commet un abus de pouvoir en exerçant une domination illégale sur la victime.

Les meurtres au premier et au deuxième degrés entraînent une peine obligatoire d'emprisonnement à perpétuité au moment de la déclaration de culpabilité. Toutefois, les divers degrés de réprobation morale entraînent différentes périodes d'inadmissibilité à la libération conditionnelle : la période est automatiquement de 25 ans pour un meurtre au premier degré et apparemment de 10 ans pour un meurtre au deuxième degré.

Cela dit, la période la plus courte découlant d'un meurtre au deuxième degré n'est que présumée, puisque le Code criminel prévoit deux façons de la prolonger pour tenir compte d'un degré plus élevé de réprobation morale. Premièrement, si une personne ayant commis un meurtre au deuxième degré avait déjà été déclarée coupable d'un meurtre, ou encore de meurtre intentionnel aux termes de la Loi sur les crimes contre l'humanité et les crimes de guerre, l'article 745 du Code criminel prévoit d'office une période d'inadmissibilité à la libération conditionnelle de 25 ans, c'est-à-dire la même période que dans le cas d'un meurtre au premier degré.

Deuxièmement, aux termes de l'article 745.4, les juges peuvent imposer une période d'inadmissibilité allant de la période minimale de 10 ans à la période maximale de 25 ans en fonction « du caractère du délinquant, de la nature de l'infraction et des circonstances entourant sa perpétration ainsi que de toute recommandation formulée » par un jury.

Bref, honorables sénateurs, la loi en vigueur au Canada prévoit déjà une échelle d'inadmissibilité à la libération conditionnelle pour tenir compte du degré de culpabilité morale liée au meurtre.

Cependant, le problème qui se pose et que le projet de loi C-48 vise à régler, c'est que, dans le cadre de la loi en vigueur, la période maximale pendant laquelle une personne déclarée coupable de meurtre au premier ou au deuxième degré peut être empêchée de demander sa libération conditionnelle est de 25 ans, peu importe le nombre de victimes que la personne a faites.

Beaucoup de Canadiens sont perplexes à l'égard de cette situation. Ils ne comprennent pas pourquoi la loi ne peut pas tenir compte, de façon concrète, du fait que plus d'une victime innocente a péri. Ils critiquent avec raison la période d'inadmissibilité à la libération conditionnelle maximale de 25 ans en vigueur à l'heure actuelle, qui est une dévaluation symbolique de la vie des victimes et qui semble offrir un « rabais sur le volume » aux auteurs de meurtres multiples.

Le projet de loi est une réponse à ces critiques. Il est fondé sur le principe selon lequel le meurtre de plus d'une personne fait de son auteur l'objet d'un degré plus élevé de réprobation morale et doit autoriser l'imposition de périodes supplémentaires d'inadmissibilité à la libération conditionnelle.

En somme, le projet de loi prévoit une autre échelle de réprobation morale dans le contexte des meurtres multiples. Il le fait en permettant au juge qui préside au procès de l'auteur de meurtres multiples — et qui est donc la personne la mieux placée pour déterminer le degré de réprobation morale en cause — de décider si une sanction plus sévère doit lui être imposée à partir de critères identiques à ceux qui se trouvent déjà dans le Code criminel.

Sénateurs, il n'y a aucune surprise dans le projet de loi. La seule surprise, ce sera si nous n'arrivons pas à faire adopter ce projet de loi. Il est juste, équilibré et nécessaire pour assurer de façon constante l'intégrité du système judiciaire canadien et la confiance à l'égard de celui-ci.

Honorables sénateurs, j'aimerais maintenant aborder le projet de loi C-21.

Comme vous le savez, la fraude prend toutes sortes de formes, et les Canadiens sont vulnérables dans de nombreuses circonstances. Par exemple, sept personnes ont récemment été accusées de ce qu'on a appelé la fraude « des petits- enfants ». Les fraudeurs téléphonent à des Canadiens âgés et se font passer pour l'un de leurs petits-enfants qui a besoin d'argent pour sortir de prison. On estime que les fraudeurs ont volé trois millions de dollars à des hommes et à des femmes âgés depuis l'automne dernier. D'après les statistiques de la GRC, ce type de fraude est courant au Canada.

Il est de plus en plus difficile de distinguer les activités d'entreprises légitimes des activités frauduleuses. Résultat : les Canadiens se font voler des millions de dollars. Leur confiance est moins grande qu'avant à l'égard des marchés financiers, des entreprises canadiennes et des organismes de réglementation dont la tâche est de s'assurer que les transactions se font de façon ouverte, transparente et équitable et ils sont de plus en plus méfiants les uns envers les autres de façon générale. L'infraction de fraude est la plus importante de notre arsenal dans la lutte contre les crimes en col blanc en raison de sa nature générale et de la marge de manœuvre qui existe dans son application.

La fraude comporte deux éléments : la tromperie ou la malhonnêteté combinées à la perte réelle d'argent ou d'un autre élément ayant une valeur financière, ou encore simplement le risque de subir une perte du genre.

Cette seule infraction englobe la fraude de marketing de masse, la fraude immobilière ou de titre, la fraude de rénovation domiciliaire, la fraude de régime de soins de santé et d'autres types de fraudes d'assurance. En outre, elle englobe les combines à la Ponzi et l'évasion fiscale ainsi que la fraude en valeurs mobilières comme les fraudes comptables consistant à surévaluer des titres.

Le projet de loi contient des mesures visant à renforcer les peines imposées aux personnes qui conçoivent ce type de fraude ou s'y livrent. Il envoie un message selon lequel ce genre de crime est extrêmement grave et a des effets dévastateurs sur les victimes.

Les préjudices importants subis en raison de la fraude doivent être pris en considération par les juges au moment d'imposer une peine.

À l'heure actuelle, la sanction maximale pour une fraude de plus de 5 000 $ est de 14 ans d'emprisonnement. Le projet de loi C-21 instaurerait une peine d'emprisonnement obligatoire de deux ans pour les fraudes de plus de un million de dollars. Une fraude ou une série de fraudes qui donne lieu à la perte de plus de un million de dollars est forcément le résultat d'un stratagème complexe et bien organisé. Il est très probable que d'autres crimes soient commis pour soutenir ce genre de stratagème, par exemple, le faux, et ils doivent donc être considérés comme étant un crime extrêmement grave.

Nombre de fraudes sont beaucoup plus importantes que cela. Il est essentiel de comprendre que deux ans, c'est la peine minimale d'emprisonnement, et non la peine maximale. La peine qui sera imposée tiendra compte de tous les éléments réprouvables et pourrait être une peine d'emprisonnement beaucoup plus longue.

Les fraudes concernant des montants beaucoup plus élevés, comme celles commises par Earl Jones et Vincent Lacroix, exigent des peines d'emprisonnement beaucoup plus importantes. Les tribunaux l'ont reconnu lorsqu'ils ont condamné ces personnes.

Le projet de loi C-21 prévoit de nouveaux facteurs qui ont trait à la conduite ou aux circonstances qui peuvent être pertinentes : si la durée, la complexité, l'ampleur ou le niveau de planification étaient importants; si l'infraction a entraîné des conséquences importantes pour la victime étant donné la situation personnelle de celle-ci; si le délinquant n'a pas satisfait à une exigence réglementaire ou d'un permis ou d'une licence; ou s'il a dissimulé ou détruit des dossiers pertinents.

L'introduction d'une ordonnance d'interdiction peut faire partie d'une peine. Le projet de loi C-21 permettra à un tribunal d'ordonner qu'il soit interdit à un délinquant d'exercer une emprise ou un pouvoir sur les biens immeubles, l'argent ou les valeurs d'autrui pendant une période dont la durée sera jugée appropriée par le tribunal. Le non-respect de cette interdiction sera une infraction en soi.

Il est important de signaler que le seuil de un million de dollars, qui s'applique à la peine d'emprisonnement minimale obligatoire de deux ans, ne s'applique pas à l'ordonnance d'interdiction. Celle-ci peut faire partie de la peine imposée pour toute fraude, peu importe la valeur.

L'ordonnance d'interdiction proposée est discrétionnaire. Elle ne serait rendue par le tribunal qu'après que l'on a recueilli l'avis du poursuivant et de la défense au sujet des répercussions qu'elle aurait sur la capacité du délinquant de gagner sa vie, ainsi que d'autres considérations pertinentes.

Cette mesure contribuera à la prévention du crime, puisqu'il sera possible d'empêcher les personnes déclarées coupables de fraude de tromper de nouvelles personnes et de les convaincre de leur confier leur argent.

D'autres aspects du projet de loi sont axés sur l'accroissement de la capacité du système judiciaire de répondre aux besoins des victimes. Dans ce cas-ci aussi, l'application des dispositions n'est pas fonction du seuil de un million de dollars. Elle s'applique à la suite d'une déclaration de culpabilité relative à toute fraude, peu importe le montant. Le projet de loi contient des dispositions qui encouragent le recours à des ordonnances de dédommagement dans les cas de fraude.

Le Code criminel permet actuellement aux juges d'ordonner aux délinquants de dédommager les victimes dans les circonstances appropriées. Le dédommagement peut être ordonné pour compenser en partie les pertes pécuniaires subies par les victimes en raison de la perte d'un bien causée par un crime, entre autres.

Le montant du dédommagement doit pouvoir être déterminé facilement et ne doit pas être en litige. Le dédommagement ne peut être ordonné pour souffrances et douleurs ou pour d'autres dommages qui ne peuvent être déterminés que par les tribunaux civils.

Le dédommagement peut être ordonné de façon indépendante, comme condition de probation ou dans le cadre de la libération conditionnelle.

Lorsqu'ils décident d'ordonner un dédommagement, les juges doivent tenir compte de la situation du délinquant. Normalement, la considération du dédommagement est discrétionnaire. Le projet de loi exigerait des juges qu'ils envisagent le dédommagement dans tous les cas où un délinquant est déclaré coupable de fraude.

Les juges auraient l'obligation de s'enquérir auprès du poursuivant de la prise de mesures raisonnables pour offrir aux victimes l'occasion d'indiquer si elles réclament un dédommagement. Cela permettrait aux victimes d'établir leur perte pécuniaire et leur offrirait l'occasion d'indiquer si elles réclament un dédommagement de la part du délinquant.

Dans les cas où la victime demande une ordonnance de dédommagement et que le juge décide de ne pas rendre cette ordonnance, celui-ci serait tenu d'expliquer pourquoi. Ainsi, la question du dédommagement ne serait pas négligée par inadvertance au moment de l'imposition de la peine, et, dans les cas où il n'est pas ordonné, la victime pourrait comprendre pourquoi. Je pense que ce n'est que raisonnable.

Nos propositions incluent également l'ajout d'un formulaire optionnel qui serait prévu par le Code criminel pour aider les victimes à établir leurs pertes. Les pertes doivent pouvoir être déterminées facilement, et les victimes auraient à fournir des documents à l'appui de leurs allégations.

Les tribunaux continueraient d'admettre de l'information concernant le dédommagement sous d'autres formes. Le formulaire ne serait pas obligatoire, mais il serait disponible pour faciliter le processus pour les victimes, les poursuivants et les juges.

Le projet de loi tient aussi compte du fait qu'une fraude peut toucher non seulement des personnes, mais également des groupes et des collectivités. Dans le cadre de certaines affaires, les tribunaux ont tenu compte de déclarations au nom d'une collectivité. Le projet de loi permettrait expressément aux tribunaux — lorsqu'ils imposent une peine à un délinquant déclaré coupable de fraude — de tenir compte d'une déclaration faite au nom d'une collectivité qui décrit les dommages ou les pertes causés à celle-ci.

Une déclaration au nom de la collectivité permettrait à celle-ci d'exprimer publiquement la perte ou les dommages subis et d'en faire part au délinquant directement. Cela permettrait à la collectivité de lancer un processus de rétablissement et de guérison.

Voici les principaux éléments du projet de loi. Je serai heureux d'écouter les commentaires du comité et de répondre à ses questions.

La présidente : Merci, monsieur le ministre. Chers collègues, veuillez poser des questions au ministre sur l'un ou l'autre des projets de loi. Pour le premier tour, veuillez vous en tenir à deux questions, soit une question sur chacun des projets de loi soit deux questions sur le même.

Les fonctionnaires vont rester après le départ du ministre pour discuter du projet de loi C-48. Nous allons recevoir des fonctionnaires demain aussi pour discuter du projet de loi C-21.

Là-dessus, nous allons commencer par le sénateur Wallace.

Le sénateur Wallace : Merci, monsieur le ministre.

Ma première question concerne le projet de loi C-48. Je comprends que, vu que les deux projets de loi sont présentés en même temps, il est un peu difficile d'y réfléchir séparément.

L'objectif du projet de loi C-48 est de mieux protéger les Canadiens et d'accroître la sûreté et la sécurité des collectivités. C'est aussi de mettre davantage l'accent sur la justice dans le processus de détermination de la peine. L'article 718 du Code criminel établit les principes de détermination de la peine. Deux de ces principes sont que la peine doit être proportionnelle à la gravité de l'infraction et au degré de responsabilité du délinquant. Le projet de loi C-48 insiste sur ces aspects des principes de détermination de la peine.

Avez-vous des commentaires à cet égard?

M. Nicholson : Merci, sénateur Wallace, d'appuyer les changements et les réformes que nous proposons dans le domaine de la justice pénale. Je sais que vous vous intéressez depuis passablement longtemps à ces questions.

Ce que nous faisons, entre autres, dans le cadre du projet de loi C-48, c'est que nous tendons la main aux victimes. Comme je l'ai dit à la Chambre lorsque nous avons supprimé la disposition de la dernière chance, nous voulons réduire la victimisation.

Encore une fois, lorsqu'une famille a été victime de l'un de ces auteurs de meurtres multiples, après 25 ans, elle commence à s'inquiéter régulièrement de savoir si cette personne va être libérée — tout comme dans le cas de la disposition de la dernière chance après 15 ans —; ces personnes me disent qu'elles sont victimisées encore et encore. C'est très malheureux.

De même, concernant le rabais, en un sens, à l'égard des vies que certaines de ces personnes ont enlevées parce qu'il n'y a pas de conséquences une fois que le meurtrier fait l'objet d'une période d'inadmissibilité à la libération conditionnelle de 25 ans, les victimes m'ont dit que cela leur fait du mal encore une fois et les victimise de nouveau. Énormément de critiques ont été formulées au fil des ans en ce qui concerne la loi en vigueur, et il s'agit d'une occasion de corriger la situation. Je crois que le projet de loi va être bien accueilli.

Le sénateur Wallace : De la même manière, il s'agit de faire en sorte que la peine représente la gravité de l'infraction.

M. Nicholson : C'est ce que le Code criminel vise à faire, entre autres, refléter cela. Avec l'adoption du projet de loi, le Code criminel va tenir compte de la gravité des actes posés par les personnes qui ont commis des meurtres et fait des victimes.

Le sénateur Wallace : Comme vous le soulignez, l'un des objectifs du projet de loi C-21 est d'accroître la capacité du système judiciaire de répondre aux besoins des victimes de fraude. Vous avez parlé de dédommagement et de déclarations au nom d'une collectivité.

Pourriez-vous peut-être nous parler un peu plus des déclarations au nom d'une collectivité et de leur fonctionnement? Comment déterminez-vous ce qui forme une collectivité et qui serait fondée à formuler ces commentaires? La plupart d'entre nous savons ce que sont les déclarations de la victime, mais comment est-ce que les déclarations au nom de la collectivité fonctionneraient-elles?

M. Nicholson : Ce serait du ressort du tribunal qui instruit l'affaire. Mon point de vue sur ces déclarations, et ce que je sais de celles-ci pour les avoir examinées, c'est que les collectivités en question sont très faciles à circonscrire. En général, beaucoup des groupes concernés ont un conseiller juridique; ils ont des avocats qui leur ont proposé de les représenter. C'est une reconnaissance; en fait, c'est quelque chose qui est déjà prévu dans le Code criminel. C'est une réaffirmation expresse assortie de certaines précisions.

Souvent, les répercussions des gestes de certains fraudeurs ne touchent pas que les personnes à qui ils ont volé de l'argent. S'ils ont volé de l'argent à une église, par exemple, il y a un vaste ensemble de gens qui sont touchés. Il y a des groupes familiaux qui ont subi un désavantage, des membres de la famille des gens. Il y a beaucoup de gens touchés, et le projet de loi reconnaît le fait que les gestes posés par les fraudeurs ont des répercussions négatives à grande échelle.

Nous avons modifié les dispositions et ajouté de nouveaux critères en ce qui concerne les conséquences pour les victimes. Je suis heureux que l'un des facteurs aggravants soit les conséquences pour la personne, ainsi que pour le groupe. Voler 50 000 $ qui pourraient être toutes les économies d'une personne pourrait avoir des conséquences extrêmement importantes. Nous voulons nous assurer que cela est pris en considération. La portée est générale, mais c'est de ça que nous avons besoin.

Le sénateur Wallace : Dans le processus de détermination de la peine, il est clair que nous tenons compte de la situation du délinquant. C'est intéressant que le projet de loi vienne équilibrer les choses, que les intérêts des victimes soient aussi examinés par les tribunaux, ce qui est évidemment quelque chose d'important.

M. Nicholson : C'est important qu'il y ait ça, sénateur.

Le sénateur Baker : Monsieur le ministre, j'aimerais avoir une précision. Vous avez dit dans le bref exposé que vous nous avez présenté au début de la séance concernant le projet de loi C-48 que la Chambre des communes y avait apporté un amendement superflu selon vous. Pouvez-vous nous donner des précisions?

M. Nicholson : Dans le cadre du projet de loi C-48, nous exigeons des juges qu'ils précisent les raisons pour lesquelles ils n'imposent pas de période d'inadmissibilité consécutive. L'amendement fait en sorte que les juges fournissent les raisons lorsqu'ils prononcent la peine. Ils le font de toute façon. Ça fait partie du processus en place. Peu importe la peine, le juge explique à la personne condamnée pourquoi il la reçoit, alors c'était superflu.

Toutefois, comme je l'ai indiqué dans ma déclaration préliminaire, nous voulons faire adopter le projet de loi, alors nous sommes prêts à accepter un amendement même s'il est superflu.

Le sénateur Baker : Vous dites que, lorsqu'un juge rend une décision importante de cet ordre, il est tenu de la justifier pour qu'elle puisse être examinée en appel.

M. Nicholson : Précisément. Pour que ce soit juste pour la personne et pour permettre un éventuel appel, ça fait partie du processus.

Le sénateur Baker : Maintenant que c'est clair, permettez-moi d'aborder le fond du projet de loi, votre intention fondamentale à l'égard de celui-ci. Il s'agit de l'article 5 et du paragraphe 745.51(1). Cette disposition permet, à la discrétion du juge, l'imposition de périodes d'inadmissibilité à la libération conditionnelle consécutives. Je lis ensuite le paragraphe (3), et je constate qu'elle ne s'appliquera qu'aux meurtres commis après l'entrée en vigueur du projet de loi. Est-ce exact?

M. Nicholson : C'est exact.

Le sénateur Baker : Si le premier meurtre a eu lieu avant l'adoption du projet de loi, et le second, après, la disposition s'appliquerait, n'est-ce pas?

M. Nicholson : Exactement.

Le sénateur Baker : Elle ne s'appliquerait à aucune des personnes qui victimisent la famille des victimes tous les deux ans parce qu'elles doivent participer aux audiences. Autrement dit, ça ne toucherait pas les audiences concernant Clifford Olson ni celles relatives à Bernardo, Pickton ou Williams. Ça ne s'applique à aucune de celles-ci, n'est-ce pas?

M. Nicholson : Exactement.

Le sénateur Baker : Voici ma question. Le sénateur Boisvenu a abordé le sujet à de nombreuses reprises. Pour régler le problème, le paragraphe 745.6(1) du Code criminel, dont le libellé a été modifié récemment, prévoyait une procédure selon laquelle une personne souhaitant obtenir un examen de son cas en vue de sa libération conditionnelle présenterait les raisons à l'appui de sa demande par écrit à un juge, et celui-ci déterminerait avant la tenue d'une audience s'il y a une probabilité raisonnable que l'issue de l'audience soit favorable au délinquant.

Est-ce que quelqu'un a envisagé la mise en place d'un processus de présélection du genre dans le code, en ce qui a trait à toutes ces audiences qui vont être tenues pour tous les auteurs de meurtres multiples qui sont actuellement en prison?

M. Nicholson : Cette question n'est pas abordée dans le projet de loi, sénateur. J'apprécie toujours les suggestions visant à rendre le Code criminel plus efficace et à faire en sorte qu'il tienne davantage compte de la situation des victimes, mais le projet de loi est tourné vers l'avenir, en ce sens qu'il s'appliquera à tous les meurtres qui seront commis après son entrée en vigueur.

Vous savez à quelles difficultés nous ferions face si nous voulions apporter des changements rétroactifs à la situation des gens — les questions constitutionnelles qui seraient soulevées si nous tentions d'apporter quelque changement que ce soit à la situation de gens qui ont déjà été condamnés.

Dans le projet de loi à l'étude — la personne qui a commis plus d'un meurtre et qui n'est plus admissible à la libération conditionnelle après 25 ans, mais qui l'est après 50 ou même 75 ans —, la victimisation serait réduite, alors la question ne se poserait pas, dans la plupart des cas, quant à savoir si les personnes qui doivent présenter une demande à l'égard de la tenue des audiences en question, quant à savoir si les gens seraient de nouveau victimisés.

La suggestion que vous faites, je pense, exigerait que des modifications soient apportées à la loi, et, comme vous le savez, j'ai déjà de la difficulté à faire adopter le projet de loi qui est devant le Parlement en ce moment.

Le sénateur Baker : J'imagine, monsieur le ministre, que vous êtes critiqué dans certains milieux. Vous avez mis en place un régime selon lequel, même si c'est à la discrétion du juge, celui-ci doit choisir entre 25, 50 et 75 ans; il n'y a pas d'entre-deux. Il ne peut pas imposer une période de 35 ou 40 ans. Ai-je raison de dire que vous avez reçu certaines observations à cet égard?

M. Nicholson : Je sais qu'il y a eu des observations, mais, dans le cadre de la loi actuelle, lorsqu'une personne commet un meurtre au deuxième degré pour la deuxième fois, il s'agit d'une période de 25 ans. C'est déjà prévu. Ce qui figure dans le projet de loi correspond aux dispositions qui font déjà partie du Code criminel.

Le sénateur Baker : Oui, mais ça ne s'applique qu'à un meurtre qui a été commis, duquel la personne a été déclarée coupable dans le passé, lorsqu'elle en commettra un nouveau dans l'avenir.

M. Nicholson : Au deuxième meurtre, même s'il s'agit d'un meurtre au deuxième degré, la période d'inadmissibilité s'établit à 25 ans à partir de ce moment.

Peu importe ce que nous faisons, sénateur, il y aura toujours des gens qui ne seront pas d'accord, mais je peux vous dire que j'ai reçu des commentaires très favorables. Comme vous le savez, votre collègue, Albina Guarnieri, défend cette cause particulière depuis de nombreuses années. Je sais qu'elle surveille ce que nous faisons avec grand intérêt et qu'elle appuie l'adoption du projet de loi.

[Français]

Le sénateur Carignan : Ma question concerne le projet de loi C-48. Il s'agit d'une question de clarification concernant l'article 745.51, où on dit : « Au moment du prononcé de la peine [...] le juge qui préside le procès du délinquant qui a été déclaré coupable de meurtre et qui a été déclaré coupable d'un ou de plusieurs autres meurtres [...] en anglais, on dit :

[Traduction]

Who has already been convicted of one or more other murders. (Qui a été déclaré coupable d'un ou plusieurs autres meurtres.)

[Français]

Juste pour être clair, est-ce que cela s'applique aux cas de meurtres multiples commis au même moment ou condamnés au même moment? Lorsqu'on lit l'article, on peut penser que cela s'applique lorsqu'on a été déclaré coupable une fois de meurtre, on a un autre procès et on est condamné une deuxième fois. Je crois comprendre que l'intention est plutôt de couvrir les cas de meurtres multiples au moment où l'on a une condamnation au même moment. Je voudrais être certain que vous nous clarifiez cette situation de façon à indiquer l'intention du ministre aux gens qui auront à appliquer cet article?

[Traduction]

M. Nicholson : Votre description est exacte. La disposition s'applique à des déclarations de culpabilité pour meurtre consécutives, et elle s'appliquera dès que le projet de loi sera adopté.

John Giokas, avocat, Section de la politique en matière du droit pénal, ministère de la Justice Canada : Elle est conçue pour s'appliquer à des meurtres multiples commis dans le cadre du même incident de nature criminelle et à des meurtres multiples commis dans le cadre de différents incidents. Lorsqu'un meurtre multiple est commis dans le cadre du même incident, les déclarations de culpabilité ne sont pas inscrites en même temps. Le meurtrier est déclaré coupable d'un meurtre, puis du suivant, et ainsi de suite, comme nous l'avons vu récemment dans le cadre du procès Kellestine à London, en Ontario, où un certain nombre de personnes ont été accusées, mais n'ont pas toutes été déclarées coupables de tous les meurtres. Une déclaration de culpabilité pour meurtre est prononcée pour chaque victime dans le cas de chaque accusé, alors, logiquement, les déclarations de culpabilité se suivent, même si les meurtres peuvent avoir été commis dans le cadre du même incident de nature criminelle.

La présidente : Vous venez de décrire ce qui, apparemment, se passe normalement, mais simplement pour vérifier, y a-t-il une règle selon laquelle une personne qui a commis plus d'un meurtre en même temps, ou, comme dans le cas, récemment, de Russell Williams, à différentes occasions, mais que le processus de la police et le procès ne comportent qu'un seul processus? Est-ce que deux accusations de meurtre sont portées, même s'il y a un seul procès? Comment est- ce que ça fonctionne? Le sénateur Carignan a soulevé une question qui m'a perturbée aussi. On aurait pu croire que vous alliez peut-être rater des personnes dont nous pensions qu'elles étaient la cible du projet de loi.

M. Giokas : Non, les accusations sont portées pour chacun des meurtres, peu importe s'ils sont commis dans le cadre du même acte criminel ou de différents actes, et les déclarations de culpabilité sont inscrites pour chacun des meurtres.

La présidente : Merci.

[Français]

Le sénateur Carignan : Ma question porte sur le projet de loi C-21 que j'ai l'honneur de parrainer au Sénat et que je connais beaucoup mieux. Ma question va porter sur une question que j'ai reçue en chambre de mon collègue, le sénateur Nolin, et sur les commentaires du sénateur Poulin qui a traité de ce projet de loi cet après-midi.

Il y a combien de situations où les fraudeurs de plus de un million de dollars ont obtenu une peine de moins de deux ans? Quel est le nombre de cas où cela s'est produit? J'ajouterais que cela semble être peu. Ce n'est donc pas un projet de loi qui va avoir un effet très important, compte tenu du peu de cas. Ce n'est évidemment pas mon opinion mais cette opinion a été exprimée. J'aimerais obtenir vos commentaires sur ce type d'opinions.

[Traduction]

M. Nicholson : Ça arrive. Sénateur, dans votre propre province, il y a quelques années, dans le cadre de l'affaire Coffin, il y a eu une fraude de 1,5 million de dollars liée au scandale des commandites. Au bout du compte, je pense que M. Coffin a été condamné à 18 mois. Vos collègues connaissent probablement cette affaire. Ça arrive, et il y a eu un certain nombre de cas au pays de condamnations à deux ans moins un jour.

En 2004, des modifications apportées à l'article en question ont fait passer la peine maximale de 10 à 14 ans, et il y a donc eu une augmentation graduelle et une reconnaissance graduelle des effets dévastateurs de ce genre de crime. La peine de deux ans, c'est la base, et, compte tenu des facteurs aggravants supplémentaires que nous avons maintenant ajoutés, on peut partir de là.

Dites toutefois à vos collègues de jeter un coup d'œil sur l'affaire Coffin qui a eu lieu il y a quelques années et qui était liée au scandale des commandites. Je pense qu'il s'agissait de 1,5 million de dollars. Au bout du compte, la Cour d'appel a réduit la peine à 18 mois. Ce n'est pas moi qui tranche dans ce genre d'affaire, mais nous envoyons un message clair selon lequel les gens qui se livrent à ce genre de fraude se verront imposer une peine d'au moins deux ans.

Le sénateur Runciman : J'ai deux ou trois petites questions au sujet du premier projet de loi. Si un jeune contrevenant reçoit la peine qui est prévue pour les adultes, est-ce qu'il est visé par le projet de loi?

M. Nicholson : Si le délinquant reçoit la peine prévue pour les adultes, oui.

Le sénateur Runciman : En ce qui concerne le projet de loi C-21 et la peine minimale de deux ans, pouvez-vous nous parler de la démarche qui vous a permis d'établir cette période de deux ans? Je me demande si cette peine est adéquate. Quand est-ce qu'une personne condamnée à deux ans d'emprisonnement obtient normalement sa libération conditionnelle? Après huit mois, non?

M. Nicholson : Chaque affaire doit être tranchée sur le fond, et notre travail, c'est de fournir des lignes directrices.

J'ai dit dans ma réponse à la question du sénateur Carignan que, récemment, en 2004, la sanction maximale était passée de 10 à 14 ans. Ainsi, la personne qui se livre à ce genre d'activité est passible d'une peine de 2 à 14 ans. Ça correspond à la jurisprudence actuelle au Canada.

Ce que je veux dire, c'est que c'est un chiffre de base. Comment en arrive-t-on à ces peines de base en rapport avec la gravité du crime? Je pense que deux ans, c'est un bon point de départ. Comme vous le savez, je ne suis pas le seul à avoir un rôle à jouer à cet égard. Mon collègue, le ministre de la Sécurité publique, a procédé à des changements relativement à l'admissibilité à la libération conditionnelle, ce qui fait aussi partie de votre question. J'ai appuyé ces initiatives.

Il y a des modifications dans différents textes législatifs en ce qui concerne l'inadmissibilité à la libération conditionnelle, mais le projet de loi C-48 porte précisément sur la détermination de la peine. Deux ans, c'est le minimum; c'est la peine minimale qui est imposée.

[Français]

Le sénateur Chaput : Je voudrais poser une question de clarification. Je crois, monsieur le ministre, que vous y avez déjà répondu, mais j'aimerais, encore une fois, le voir clarifier pour moi-même.

Les dispositions du projet de loi C-48, si j'ai bien compris, s'appliquent aussi dans des cas où, à titre d'exemple, un père de famille enlèverait consécutivement la vie à ses enfants et à son épouse. Le projet de loi C-48 s'appliquerait dans ce cas aussi, l'un ayant été commis avant l'autre, n'est-ce pas?

[Traduction]

M. Nicholson : Oui, il s'appliquerait à tous les meurtres.

[Français]

Le sénateur Chaput : Il me semble avoir lu, mais je peux me tromper, que l'Association du Barreau canadien semblait penser autrement. Ils auraient mentionné que les dispositions du projet de loi C-48 semblaient seulement s'appliquer aux délinquants déclarés coupables d'un meurtre auparavant. Avez-vous eu vent de ce que l'Association du Barreau canadien a mentionné?

La présidente : C'était dans une soumission au comité de la Chambre des communes, je crois. C'était bel et bien le Barreau canadien.

[Traduction]

M. Nicholson : Oui, je pense qu'ils ont témoigné devant l'Association du Barreau canadien.

Encore une fois, nous ne voulons pas offrir de rabais pour les vies supplémentaires. Vous avez tout à fait raison de dire que la vie d'une victime de meurtre peut être liée à celle des autres victimes; il peut s'agir de frères ou de sœurs ou encore d'autres membres de la famille.

Le projet de loi insiste sur le fait qu'il s'agit de l'infraction la plus grave qui est prévue par le Code criminel. Les conséquences sont graves, et l'une de celles-ci, c'est que le délinquant fera maintenant l'objet d'une inadmissibilité à la libération conditionnelle consécutive. Je pense que c'est adapté à la gravité des crimes en question.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : D'abord, monsieur le ministre, je vais surtout traiter du projet de loi C-48, les peines consécutives dans les cas de meurtre, car cette demande a été formulée il y a cinq ans par l'Association des familles de personnes assassinées et disparues du Québec. Nous nous sommes d'ailleurs rencontrés, dans votre bureau, pour vous signifier à l'époque nos demandes. Lorsqu'il y a plusieurs meurtres commis par une même personne, je crois que le fait d'avoir des sentences concurrentes ne sert pas la justice, et surtout ne rend pas justice aux victimes. J'irais même plus loin, pour dire que les sentences concurrentes, selon moi, c'est de la justice au rabais.

Je vous donne l'exemple d'une femme qui est assassinée mais également violée, violentée et séquestrer. Parce que le criminel va être condamné à une sentence à vie, on laisse tomber tous les autres crimes; le viol n'est plus pris en compte, ni la séquestration. Par la suite, ces criminels seront admissibles à une possible libération après 15 ans d'emprisonnement. Heureusement, on travaille pour supprimer cette clause. Il n'en demeure pas moins que la notion de peines concurrentes, pour ma part, reste de la justice au rabais, surtout dans le cas de crimes crapuleux.

Je sais qu'un amendement a été demandé par le député Murphy, je crois, à la Chambre des communes, qui voulait laisser aux juges une certaine discrétion, dans le cas d'un deuxième meurtre, pour établir la possibilité d'une libération conditionnelle après 25 ans plutôt que d'appliquer la notion des 25-25.

Selon vous, monsieur le ministre, quelle est l'importance de maintenir le projet de loi dans son entièreté et sans dénaturer ce qu'il contient de fondamental en termes de peines consécutives?

[Traduction]

M. Nicholson : Je crois que cet amendement éventuel va directement au cœur de ce que le projet de loi vise à corriger, c'est-à-dire qu'il ne devrait pas y avoir de rabais dans notre pays. On ne devrait pas pouvoir avoir une peine moindre parce qu'on a tué d'autres personnes. Cette idée selon laquelle on devrait recevoir une peine moindre parce qu'il s'agit de sa deuxième, troisième ou quatrième victime de meurtre va à l'encontre du concept de réprobation morale dont j'ai parlé dans ma déclaration préliminaire. Voici pour ce qui est du meurtrier.

Pour ce qui est des victimes, il est intolérable et inacceptable qu'il n'y ait absolument aucune conséquence pour la personne qui est déclarée coupable d'un deuxième, d'un troisième ou d'un quatrième meurtre. Nous ne voulons pas revenir à ce genre de pratique et dire : « Eh bien, c'était seulement un deuxième meurtre. Par conséquent, votre période d'inadmissibilité à la libération conditionnelle supplémentaire ne serait que de quelques années ou de dix ans de plus. »

Je crois que cela va à l'encontre du fondement même du projet de loi ou de ce qui le justifie et cela devrait être rejeté.

Le sénateur Joyal : L'article 4 du projet de loi C-21 propose un nouveau paragraphe, qui serait le paragraphe 380.2(1). Je parle des deux premières lignes : « Dans le cas où un délinquant est déclaré coupable ou absous [...] »

Il est surprenant de constater que les deux délinquants sont traités de la même façon, quoiqu'il y en ait un des deux qui soit absous. Je peux comprendre que nous souhaitions empêcher un délinquant déclaré coupable de certains actes d'exercer des activités qui pourraient l'amener à manipuler de l'argent. Cependant, si la personne est absoute, alors il est certain qu'elle n'a pas posé le même genre d'acte malveillant que celle qui a été déclarée coupable.

Pourquoi le traitement est-il le même dans les deux cas en ce qui a trait à l'interdiction pour la personne concernée d'exercer même des activités de bénévolat?

M. Nicholson : Si vous continuez de lire le paragraphe, vous verrez qu'il parle du fait que la personne est coupable d'une certaine activité et que le juge peut imposer plusieurs conditions en plus de toute autre condition qui peut être imposée, et ainsi de suite. Un pouvoir discrétionnaire est prévu. C'est à la discrétion du juge, dans chacun des cas. Je pense qu'il devrait en être ainsi.

Si le degré de réprobation morale est moindre, c'est quelque chose qui est pris en considération. Si la personne est absoute selon certaines conditions, le juge en tiendrait compte.

Le sénateur Joyal : Pourtant, je ne vois pas la suite à l'égard de la détermination de la peine. La personne qui est absoute est quand même soumise au même genre de responsabilité que celle qui a été déclarée coupable.

M. Nicholson : Je vais peut-être demander à Mme Kane de citer l'article du Code criminel.

Catherine Kane, directrice générale et avocate générale principale, Section de la politique en matière de droit pénal, ministère de la Justice Canada : La terminologie utilisée dans le projet de loi est la même que celle que nous utilisons constamment dans tout le Code criminel en ce qui concerne les dispositions relatives à la détermination de la peine. L'article 161, par exemple, qui porte sur un type d'ordonnance différent, l'ordonnance d'interdiction, est libellé de la même façon : « Dans le cas où un contrevenant est déclaré coupable, ou absous... » aux conditions et ainsi de suite.

Comme le ministre l'a fait remarquer, la nouvelle ordonnance d'interdiction du projet de loi C-21 est discrétionnaire. Le tribunal ne va y avoir recours que lorsque les circonstances le justifient. Les juges pourraient très bien juger bon de prendre ce genre d'ordonnance d'interdiction même si la personne n'a pas été condamnée à une peine d'emprisonnement ou à une autre peine. Cependant, il est indiqué d'interdire la participation de la personne concernée à certaines activités qui la mettent en contact avec de l'argent et des gens. Cette ordonnance supprime la tentation pour la personne de prendre part à cette activité de nouveau et prévient la victimisation de nouvelles personnes.

Le sénateur Joyal : Disons qu'une personne est absoute et membre d'un groupe de bénévoles dans une collectivité et qu'elle encaisse les billets pour un organisme caritatif quelconque. Vu la nouvelle disposition, cette personne pourrait se voir interdire d'exercer ce genre de responsabilité qu'elle assume de façon bénévole.

M. Nicholson : Ça demeure toutefois à la discrétion du juge, si le juge croit que c'est indiqué. Nous ciblons les gens qui, une fois qu'ils ont pris part à une manœuvre frauduleuse, veulent participer à autre chose du genre.

Le sénateur Joyal : Non, je suis d'accord avec ça.

M. Nicholson : Il faut que le juge ait cette capacité, mais le paragraphe que vous citez dit à deux ou trois reprises que le juge « peut » ou que le tribunal « peut ». Encore une fois, c'est discrétionnaire. Chaque peine imposée doit tenir compte des faits dont le tribunal est saisi.

Le sénateur Joyal : Mon autre question porte sur ce même article 4 et sur le paragraphe 380.3(2) qui est proposé, selon lequel le juge s'enquerrait auprès du poursuivant de la prise de mesures raisonnables pour offrir aux victimes l'occasion d'indiquer si elles réclament un dédommagement.

Est-ce que ce n'est pas du jamais vu, qu'un juge s'enquière auprès du poursuivant? Comment celui-ci serait-il au courant?

Mme Kane : Nous avons la même approche en ce qui concerne les déclarations de la victime. Le juge s'enquiert, habituellement auprès du poursuivant, du fait que la victime a été informée de la possibilité pour elle de formuler une déclaration.

Dans le cadre de la nouvelle disposition concernant le dédommagement, évidemment, le poursuivant dans la plupart des cas de fraude à grande échelle et dans d'autres cas aura déjà rencontré la victime et connaîtra les faits. Il aura donc l'occasion de rappeler à la victime qu'elle peut présenter une demande de dédommagement.

Nous proposons de prévoir un nouveau formulaire dans le Code criminel qui fasse en sorte qu'il soit facile pour les victimes d'établir leur perte, afin que le processus de détermination de la peine ne se transforme pas en une longue enquête visant à établir les dommages. Nous sommes convaincus qu'il ne sera pas trop exigeant pour les poursuivants d'informer le tribunal des mesures prises pour aviser les victimes. Essentiellement, il s'agit d'un mécanisme de protection garantissant que le tribunal ne procédera pas à la détermination de la peine sans s'assurer d'abord que les victimes ont eu l'occasion d'indiquer si elles réclament un dédommagement.

M. Nicholson : J'aime même l'idée qu'il y ait un formulaire. Son utilisation n'est pas obligatoire, mais nous voulons rendre le système le plus convivial possible. Le formulaire va y contribuer.

Le sénateur Joyal : Ce qui me préoccupe davantage, c'est ce que l'Association du Barreau du Québec a mentionné dans sa lettre. Vous pourriez peut-être en tenir compte; c'était en juin 2010, lorsque le projet de loi était devant la Chambre des communes. Les gens du Barreau du Québec étaient préoccupés par le rôle que le poursuivant et le juge auraient maintenant dans le contexte de l'évaluation de circonstances sans lien direct avec eux. Essentiellement, c'est la préoccupation qu'ils ont, et je pense qu'elle est juste.

M. Nicholson : Je pense que vous accordez peut-être trop d'importance à cela, sénateur.

Comme Mme Kane l'a dit au sujet des déclarations de la victime, dans les cas de poursuite concernant les fraudes importantes, ils seraient en communication, et leurs représentants seraient en communication avec les personnes concernées. Nous voulons nous assurer de leur offrir cette possibilité.

Je suis sûr que les membres du Barreau, comme d'autres, ont entendu le témoignage de victimes qui disent qu'elles veulent que le système soit le plus convivial possible. Ce sont les mesures que nous prenons dans ce but.

Les responsabilités de tout un chacun évoluent au sein du système de justice pénale. Nous avons été témoins de ce qui s'est passé à l'égard des déclarations de la victime et des changements dans ce domaine. À mes yeux, il s'agit d'une évolution adéquate dans le domaine en question. Ça met l'accent sur la gravité du type de fraude avec lequel nous sommes aux prises.

Le sénateur Joyal : Le Barreau était davantage préoccupé par l'indépendance professionnelle du poursuivant; voilà essentiellement son argument.

M. Nicholson : Je ne vois pas en quoi l'indépendance d'un procureur de la Couronne serait compromise si les personnes concernées, les victimes dans une affaire où une déclaration de culpabilité a été inscrite, se voient demander si elles ont eu l'occasion de présenter une demande de dédommagement. C'est quelque chose qui ne fait que découler raisonnablement et logiquement de la situation. Je pense qu'il s'agit d'une proposition raisonnable. Nous avons même prévu un formulaire à cet égard pour rendre le système le plus convivial possible.

Le sénateur Frum : Je ne suis pas un membre habituel du comité; je remplace l'élégant sénateur Lang dont vous avez parlé tout à l'heure.

M. Nicholson : Lui direz-vous que j'ai parlé de lui dans ma déclaration préliminaire?

Le sénateur Frum : Je vais le faire, assurément.

Comme je ne connais pas aussi bien le projet de loi que les autres, je veux aborder le sujet sur lequel les sénateurs Chaput et Carignan vous ont posé des questions. Dans le paragraphe 745.51(1) proposé, il semble qu'il pourrait y avoir une ambigüité dans le passage suivant :

Au moment de prononcer la peine conformément à l'article 745, le juge qui préside le procès du délinquant qui est déclaré coupable de meurtre et qui a été déclaré coupable d'un ou de plusieurs autres meurtres [...]

Je pense que là où les sénateurs Chaput et Carignan et où notre présidente voulaient en venir, c'est qu'il y a peut-être une ambigüité possible dans l'expression « Qui a été déclaré coupable ».

N'est-il pas possible, pour reprendre l'exemple donné par le sénateur Chaput, que, s'il s'agit du meurtre de deux enfants au même moment, un avocat de la défense puisse soutenir qu'il n'y avait pas d'antécédents de meurtre?

M. Nicholson : J'imagine que c'est une question de procédure. Comme M. Giokas l'a indiqué, peu importe le déroulement des infractions, il y aurait des plaidoyers distincts et des déclarations de culpabilité distinctes. Même dans le cas du meurtre de frères ou de sœurs que vous donnez en exemple, les déclarations de culpabilité seraient consécutives.

La raison, entre autres, c'est la capacité de la personne qui peut souhaiter interjeter appel de l'une ou plusieurs des peines qu'elle a reçues. Il est important de ne pas faire une déclaration de culpabilité générale pour plusieurs infractions; il faut les traiter de façon distincte. C'est la procédure qui est en place à l'heure actuelle.

Nous avons jeté un coup d'œil là-dessus, et cela va fonctionner à l'égard des procédures qui sont en place en ce moment. Que des meurtres multiples soient commis en même temps ou non, la disposition va s'appliquer.

Le sénateur Frum : D'accord, parce que si le prononcé de la peine se faisait à un seul moment, l'expression « a été déclaré coupable » s'appliquerait à la peine reçue cinq minutes plus tôt pour un premier meurtre, puis...

M. Nicholson : Pour le deuxième meurtre, même si c'est cinq minutes après, la disposition du projet de loi s'appliquerait en ce qui concerne l'inadmissibilité à la libération conditionnelle. Les deux déclarations de culpabilité seraient entièrement distinctes, même si, sur le plan temporel, elles ont lieu à cinq minutes d'intervalle, pour reprendre votre exemple.

La présidente : Avant que nous ne procédions à un deuxième tour, monsieur le ministre, j'ai deux ou trois questions à vous poser.

M. Nicholson : Sur le projet de loi C-48?

La présidente : Oui, au sujet de la question que le juge doit poser au jury aux termes de l'article 4. Il y a un peu de verbiage autour, mais la question que le juge doit poser est la suivante :

Souhaitez-vous formuler, comme vous avez la faculté de le faire, quant au fait que la période d'inadmissibilité à la libération conditionnelle soit purgée consécutivement à celle fixée pour le meurtre précédent, une recommandation dont je tiendrai compte en examinant la possibilité d'ordonner qu'elles soient purgées consécutivement?

Sauf votre respect, je crois qu'il peut être nécessaire d'avoir fait des études postsecondaires d'une durée raisonnable pour comprendre cette question. Avez-vous pour politique de mettre à l'essai des questions du genre pour vous assurer que les jurés comprennent ce que le juge doit leur dire?

M. Nicholson : Comme vous le savez, sénateur, il faut que ce soit passablement technique; idéalement, il s'agit d'éviter les appels, entre autres. Je suis convaincu que les explications et les directives qui sont données et qui l'ont été dans le passé aux jurés fonctionnent et continueront de fonctionner. Peut-être que mes collègues ont d'autres commentaires là-dessus.

La présidente : Nous avons la chance de pouvoir les garder auprès de nous après votre départ. Peut-être qu'ils voudront faire un commentaire.

Je suis particulièrement troublée par la question de la clarté de cette disposition, parce que, d'après ce que je comprends de la procédure, le jury devra formuler la recommandation concernant des périodes simultanées ou consécutives de...

M. Nicholson : Le jury n'est pas tenu de formuler une recommandation, mais il peut le faire.

La présidente : Non, mais il lui sera demandé s'il souhaite formuler cette recommandation.

M. Nicholson : Exactement.

La présidente : Sans pouvoir profiter des observations que la défense ou la Couronne peuvent présenter au juge à cet égard. Le juge sera peut-être en désaccord avec les jurés s'ils formulent une recommandation, vu que le juge disposera de plus d'information que le jury au moment de la recommandation, s'il décide de faire une recommandation. Cela ne contribuera pas à l'accroissement de la confiance à l'égard du système judiciaire au fil du temps.

Avez-vous une opinion là-dessus?

M. Nicholson : Le juge peut être en désaccord avec la recommandation. Cependant, je crois qu'il est approprié de demander au jury s'il a des recommandations. C'est ce que nous permettons. C'est le juge qui a le dernier mot à cet égard et qui peut s'occuper de ça après coup. Demander une recommandation aux personnes qui ont été témoins du déroulement du processus ou qui y ont pris part semble raisonnable.

La présidente : Je ne suis pas sûre que ce soit une réponse. Toutefois, j'ai une liste d'intervenants pour le second tour.

Par considération pour mes collègues, nous allons maintenant céder la parole aux sénateurs Wallace, Joyal, Boisvenu et Baker.

Le sénateur Wallace : Monsieur le ministre, dans le projet de loi C-48, le choix d'imposer une période d'inadmissibilité à la libération conditionnelle à chacun des meurtriers qui soit consécutive plutôt que simultanée est laissé à la discrétion du juge. Pourquoi ne pas rendre cela automatique, vu la gravité des crimes en question?

M. Nicholson : Le projet de loi tient compte du vaste éventail de degrés et de possibilités relativement aux meurtres dans certaines circonstances. C'est grave lorsqu'une personne est condamnée pour meurtre au premier degré à l'emprisonnement à perpétuité sans possibilité de libération conditionnelle pendant 25 ans. Il est donc indiqué que le juge examine les circonstances pour déterminer s'il est indiqué que la disposition en question s'applique. Les dispositions que nous proposons exigent du juge qu'il donne les raisons pour lesquelles il ne croit pas que c'est le cas. Pour la première fois, les juges ont la possibilité de veiller à ce que les auteurs de meurtres multiples ou les récidivistes n'obtiennent pas un rabais et ne passent pas à travers les mailles du système de justice pénale.

Le sénateur Wallace : Est-ce que l'application discrétionnaire plutôt qu'absolue et automatique serait davantage en harmonie avec les autres dispositions du code?

M. Nicholson : Je pense que oui. On dit qu'il peut y avoir des cas où une règle d'admissibilité consécutive obligatoire pourrait ne pas être appropriée. Ce sont les tribunaux qui sont les mieux placés pour trancher.

Le sénateur Joyal : En ce qui concerne le projet de loi C-21, j'ai une question qui a été soulevée par le sénateur Wallace. Au paragraphe 380.4(1), qui porte sur les collectivités, quel est la définition ou le sens de ce terme?

Le paragraphe précise que le tribunal peut prendre en considération la déclaration faite par une personne au nom d'une collectivité sur les dommages ou les pertes causées à celle-ci par la perpétration de l'infraction.

Si, à la place du terme « collectivité », c'était « le groupe de personnes victimes de fraude », alors on comprendrait qui sont les victimes. Cependant, le terme « collectivité » utilisé ici peut renvoyer non seulement aux victimes, mais aussi à toutes les personnes dans l'entourage des victimes qui ont été touchées par les répercussions du crime.

Il faut plutôt s'occuper du groupe de victimes que d'une collectivité en général. Le terme « collectivité » ne semble pas adéquat si nous voulons obtenir le point de vue des personnes qui sont les victimes par rapport au crime.

M. Nicholson : Je pense que le terme « collectivité » est approprié. Je pourrais vous mettre au défi et vous demander : « Qui sont les victimes, exactement? » Est-ce que l'appartenance au groupe des victimes est déterminée par le fait que la personne se sent victimisée? Ce pourrait être un foyer de personnes âgées, par exemple. Imaginez les répercussions que pourrait avoir une fraude dans un foyer de personnes âgées. J'ai parlé d'une église où les fonds de la paroisse sont volés ou font l'objet d'une fraude. Le fait de demander à une personne de prendre la parole au nom d'un groupe est approprié. En fait, ça fait partie des facteurs aggravants. C'est déjà quelque chose à prendre en considération au moment de déterminer la peine imposée au coupable.

C'est quelque chose qui est déjà envisagé par le Code criminel. Pourquoi pas? Nous voulons tendre la main au plus grand nombre de victimes possible — et le plus possible — pour reconnaître la perte qu'elles ont subie. Je ne vois pas vraiment en quoi il serait adéquat de restreindre ou de préciser cette définition. Je veux que la décision soit la plus générale possible, pour être tout à fait franc avec vous.

Le sénateur Joyal : Les personnes qui sont les victimes sont celles qui ont fait l'objet de la fraude.

M. Nicholson : Il peut arriver que la victime fasse partie d'un groupe; ainsi, l'argent ne vient pas vraiment de ses poches. Je vais vous donner un exemple. Disons que la personne fait partie d'un groupe qui a subi un désavantage et un préjudice et qui est dévasté en conséquence; cependant, l'argent ne vient pas vraiment de ses poches. Ça peut être de l'argent qui a été volé à un groupe dont la personne fait partie.

Le sénateur Joyal : Oui, mais le groupe a un représentant. Une église est représentée par le marguillier ou par l'aumônier.

M. Nicholson : Exactement. Ça peut être la personne qui est désignée pour faire la déclaration.

Le sénateur Joyal : Je peux comprendre, parce qu'elle s'exprime au nom du groupe. Cependant, j'ai l'impression que la « collectivité » est un concept tellement vaste que nous englobons beaucoup plus que ce que vise le projet de loi. Le projet de loi vise les victimes de fraude.

M. Nicholson : Lorsque nous avons parlé avec des victimes, j'ai entendu dire qu'il ne s'agit pas seulement de la personne dans le compte de banque de laquelle de l'argent a été pris, par exemple. Ça peut être un frère, une sœur ou un groupe familial. Ça peut être un groupe plus important. Vous pourriez argumenter et dire : « C'est votre mère qui s'est fait voler l'argent; par conséquent, en quoi êtes-vous victime si vous êtes son enfant? » Je ne veux pas dire qu'il faut prouver qu'on a un lien et un intérêt directs. La personne fait partie d'une collectivité ou d'un groupe qui a subi un préjudice. Le bénéfice devrait toujours tendre à inclure les victimes plutôt que de les isoler.

Le sénateur Joyal : Ce sont deux concepts. Je ne suis pas le seul à avoir ce genre de préoccupation. Le Barreau du Québec, dans la lettre qu'il vous a adressée, a soulevé ce point. Selon ses représentants, le terme est trop vague pour être précis. Dans le Code criminel, il est important de comprendre le sens de ce qui est visé par une expression du genre.

La présidente : Sénateur Joyal, seriez-vous d'accord pour laisser le sénateur Watt poser une question complémentaire?

Le sénateur Joyal : Bien sûr

Le sénateur Watt : Monsieur le ministre, en ce qui concerne le fait que vous avez décrit cela comme étant une collectivité, est-ce que le terme « collectivité » s'appliquerait aussi à la direction d'une société en cas de fraude?

M. Nicholson : J'ai besoin d'un peu plus de précisions par rapport à la question que vous posez, sénateur Watt.

Le sénateur Watt : Je parle du conseil d'administration de n'importe quelle grande société, par exemple une ligne aérienne ou une société pétrolière. Est-ce que des « sociétés » pourraient être considérées comme étant des « collectivités »?

M. Nicholson : Je dirais que non, sénateur. C'est la raison pour laquelle nous accordons un pouvoir discrétionnaire aux tribunaux pour qu'ils puissent le déterminer en fonction des affaires dont ils sont saisis. Il pourrait s'agir d'une petite entreprise. Par exemple, disons que les actionnaires d'une société ont été victimes de fraude.

Le sénateur Watt : C'est de cela que je parle.

M. Nicholson : Les actionnaires peuvent être membres d'une entreprise familiale ou d'une petite entreprise. On peut dire que les actionnaires ont été victimes de fraude.

Le sénateur Watt : Il peut s'agir d'une entreprise dont la propriété est collective.

M. Nicholson : Oui. C'est la raison pour laquelle la disposition devient inutile si nous tentons de définir le terme « collectivité » de façon trop étroite. Je suis bien content de laisser les tribunaux appliquer la disposition.

Le sénateur Watt : Si je vous ai bien compris, ça pourrait s'appliquer.

M. Nicholson : Vous avez parlé du membre d'un « conseil d'administration ». Il faudrait que je connaisse les faits relatifs à la situation à laquelle ça s'applique. Si vous examinez le projet de loi et les autres articles du Code criminel qui décrivent des situations semblables à celle-ci comme étant un facteur aggravant, je pense que vous constaterez qu'il s'agit d'un terme qu'il est raisonnable d'utiliser.

Comme le sénateur Joyal l'a dit, il y a des gens qui ne sont pas d'accord. Cependant, nous voulons que le projet de loi inclue le plus de gens possible lorsqu'il s'agit de gens qui deviennent les victimes de crime à col blanc.

Le sénateur Joyal : Je veux que le ministre cite la lettre du Barreau. Il est clair qu'il y a une mauvaise compréhension ou une mauvaise interprétation du propos du Barreau, d'après la réponse que je vous ai entendu donner. Le Barreau déclare :

[Français]

Le Barreau est d'avis que le terme « collectivité » peut porter à confusion. Il faut s'assurer que seules les personnes faisant partie d'un groupe qui a subi des dommages puissent faire une telle déclaration. L'utilisation du terme « collectivité » risque d'agrandir indûment ce groupe.

[Traduction]

L'argument du Barreau, c'est qu'il veut cibler directement les victimes de fraude, et pas dans un contexte si vaste que, au bout du compte, on peut affirmer que tout un quartier a été touché. Qui prend la parole au nom du quartier, le conseiller municipal ou le député? L'imprécision du terme « collectivité » soulève cette question que le Barreau a cernée.

M. Nicholson : Je comprends, mais les tribunaux tiennent déjà compte des déclarations dans la collectivité; ça fait déjà partie du Code criminel. La réponse que je donnerais, c'est que c'est déjà prévu.

Nous voudrions toujours pécher par excès en écoutant les victimes plutôt qu'en les excluant. Ainsi, dans votre exemple, un club, un groupe, une église ou un foyer de personnes âgées pourrait être décrit comme une collectivité. C'est déjà dans le Code criminel. Les tribunaux composent déjà avec ça, et je suis convaincu qu'ils vont être en mesure de continuer de le faire dans le contexte du projet de loi.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Pour le projet de loi C-21, je tiens à vous féliciter, monsieur le ministre, parce que vous savez que les programmes d'indemnisation des victimes d'actes criminels au Canada, il n'y en a pas beaucoup. Comme l'aide aux victimes relève des provinces, il y a très peu dans le Code criminel de mesures où on va demander, après un procès, au criminel d'indemniser ses victimes.

Je vous incite, lorsqu'on fait des projets de loi et des modifications, à ce que la notion d'indemnisation soit toujours présente. Il n'y a presque pas de mesures d'indemnisation pour les victimes. On l'a vu dans les cas de Vincent Lacroix et de Earl Jones et dans les cas de meurtre, d'agression. On n'indemnise pas nos victimes au Canada. Avoir mis dans ce projet de loi un chapitre sur l'indemnisation des victimes, je tiens à vous en féliciter.

Je reviendrai à l'autre loi. Je ne la lis pas comme avocat, je ne suis pas avocat, mais un simple citoyen, sénateur et défenseur des droits des victimes. L'article 745 (21)1) n'aurait-il pas mérité d'être plus clair? Est-ce qu'il aurait pu être écrit de façon à ce qu'un simple citoyen puisse en comprendre la portée immédiatement? On y dit que « Dans le cas ou un jury déclare coupable de meurtres [...] avec un « s », [...] un accusé [...] le juge qui préside au procès[...] » et cetera. Cette phrase peut paraître ambiguë.

Au Québec, tous les procès que j'ai suivis depuis cinq ans, entre autres, des gens qui ont tué deux ou trois personnes, le juge a reconnu coupable les accusés de deux ou de trois meurtres. Le juge ne donnait pas des peines consécutives, c'étaient des peines concurrentes.

Je ne suis pas sûr, comme simple citoyen, que si je lis cela, que le juge pourra se servir comme il faut de cet article pour condamner la personne à deux ou trois sentences consécutives. N'aurait-il pas été possible d'écrire : « Dans le cas où un jury déclare coupable de meurtres [...] avec un « s » [...] un accusé [...] le juge qui préside doit [...] » et cetera. Ce serait vraiment plus clair.

Dans l'autre déclaration, vous avez dit que l'accusé avait été déclaré coupable de meurtre, pas de « s ». On le déclare coupable de plus d'un meurtre, le mot meurtre devrait prendre un « s », à mon avis.

Je lis cela et je regarde la réalité, sur le terrain, où quelqu'un assassine deux ou trois personnes. Je pense à celui qui a assassiné, à Cornwall, ses trois filles, il a été accusé de trois meurtres de façon simultanée et non consécutive. En regardant cela, je ne suis pas sûr que cette personne ne s'en sortira pas.

[Traduction]

M. Nicholson : La personne serait déclarée coupable de chacun des meurtres, peu importe le nombre. Je pense qu'il est important que tous les aspects de l'article 745.21 qui est proposé soient axés sur le jury. Si ce n'est pas clair et exhaustif, il va y avoir des motifs d'appel par la suite.

Cela dit, rien n'empêche un jury d'obtenir des explications supplémentaires, de dire : « Que voulez-vous dire par meurtre consécutif? » On l'a indiqué au jury et lui a fourni des explications supplémentaires, mais il va figurer au compte rendu que tous les éléments de cette recommandation ont été abordés. Par conséquent, il est très important que tout ce qui est écrit soit dit, comme il l'est de dire : « Assurez-vous de poser les questions appropriées au jury, et déterminez ce qui est adéquat dans chaque cas. »

Je pense que le libellé est essentiel pour garantir que c'est complet. Après, rien n'empêche un jury de demander : « Qu'entendez-vous par ``une recommandation quant à l'inadmissibilité à la libération conditionnelle''? Qu'entendez- vous par là? » Ça peut être dans le contexte de la recommandation du jury et des discussions au tribunal, mais il est important que ce soit très clair et exhaustif.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : J'ai terminé.

Le sénateur Carignan : J'ai une question supplémentaire exactement sur le même sujet. Je suis content que le sénateur Boisvenu ait confirmé qu'il a été témoin de condamnations pour des meurtres multiples et que le jugement de condamnation était simultané.

Vous avez l'air en désaccord, monsieur Giokas. L'application de l'article 745.51 du Code criminel, si la déclaration est simultanée, donc déclarer coupable des chefs d'accusation numéro un d'un meurtre à un tel, du numéro deux, meurtre d'un tel et du numéro trois, meurtre d'un tel. Je crains qu'on argumente que cela ne s'applique pas. Je veux que vous me confirmiez si c'est le cas, s'il y a une condamnation simultanée, que l'intention est de couvrir ces situations également.

[Traduction]

M. Nicholson : Il ne peut y avoir de déclarations de culpabilité simultanées dans le cas d'un meurtre, sénateur. La personne doit faire l'objet d'une déclaration de culpabilité distincte. Le procès peut avoir lieu et porter sur un certain nombre de meurtres, mais la personne doit être déclarée coupable de chacun des meurtres. On ne peut pas dire : « Vous êtes maintenant déclaré coupable de quatre meurtres. » Ça ne fonctionne pas comme ça.

[Français]

Le sénateur Carignan : Je suis d'accord, je suis avocat et je sais qu'on ne peut pas déclarer dans le même jugement une personne déclarée coupable avec un chef d'accusation avec trois personnes dans le même chef d'accusation. Mais si les chefs d'accusation sont distincts, l'accusé peut être déclaré coupable de chacun des chefs d'accusation, mais c'est à l'intérieur du même procès, à l'intérieur d'une preuve commune, jugement rendu au même moment et il déclare coupable pour chacun des chefs d'accusation. Mais là on parle d'une fraction de seconde entre chacun des chefs d'accusation. Je comprends l'intention du ministre et de l'article 745.51, que vous visez également ces situations.

Pour moi, c'est primordial, et si je pose la question, c'est que je veux m'assurer que c'est bien cela qui s'appliquera et qu'on ne prétendra pas le contraire. Ce qu'on dit aujourd'hui, évidemment, peut servir comme guide interprétatif s'il y a un débat là-dessus. Alors si je pose la question ici, c'est que je veux qu'il y en ait qui entende cet aspect. Je veux que ce soit bien clair et que vous avez bien compris ma question.

[Traduction]

M. Nicholson : Pouvez-vous me reposer la question, s'il vous plaît?

[Français]

Le sénateur Carignan : Dans le cas d'actes d'accusation concernant plusieurs meurtres et où le juge, dans le même jugement, reconnaît l'accusé coupable à un chef d'accusation numéro 1, soit le meurtre de M. X, et à un chef d'accusation numéro 2, soit le meurtre de Mme Y, pouvez-vous me confirmer que l'article 745.51, va s'appliquer et que telle est l'intention que vous défendez dans ce projet de loi?

[Traduction]

M. Nicholson : Les fonctionnaires m'ont assuré que le libellé va porter exactement là-dessus et que c'est ainsi que la disposition va s'appliquer. Vous n'avez pas besoin de vous inquiéter à ce sujet.

La présidente : Le sénateur Joyal a une question complémentaire là-dessus.

Le sénateur Joyal : Pour illustrer le point soulevé par le sénateur Carignan, si, par exemple, un père tue ses trois enfants et sa femme, est-ce que nous n'envisagerions pas qu'il l'a fait de façon consécutive? Cependant, si le père enferme quatre personnes dans la même pièce et met le feu à la maison, on peut présumer que toutes les personnes meurent en même temps. Dans ce cas, est-ce que ce serait prévu, vu le libellé de la disposition?

M. Nicholson : La disposition s'appliquerait, peu importe si les personnes sont tuées de façon consécutive ou tout en même temps.

Le sénateur Baker : Autrement dit, il va y avoir les chefs d'accusation 1, 2, 3, 4, 5, 6 et 7, non?

M. Nicholson : Exactement.

Le sénateur Baker : C'est exactement ce qui figurerait dans l'acte d'accusation et dans les renseignements.

Je dois vous poser cette question parce qu'il est normal pour nous d'en poser une sur la Charte des droits et libertés et sur le projet de loi C-48. Je vous pose la question, en gardant en tête la décision de la Cour suprême du Canada dans l'affaire R. c. Luxton. Dans cette décision, la Cour suprême du Canada a dit que la période d'inadmissibilité à la libération conditionnelle de 25 ans dans le cas d'une accusation de meurtre au premier degré est constitutionnelle et ne viole pas les articles 7 et 12 de la Constitution — justice fondamentale et peines cruelles et inusitées.

Cependant, dans le jugement rendu par la juge Lamer et appuyé par le juge Sopinka, aux paragraphes 9 et 12, la Cour suprême du Canada a déclaré :

L'art. 672 du Code prévoit qu'après avoir purgé 15 ans de sa peine le délinquant peut demander au juge en chef de la province une réduction du délai préalable à sa libération conditionnelle compte tenu de son caractère, de sa conduite durant l'exécution de sa peine, de la nature de l'infraction pour laquelle il a été condamné et de tout ce qui est utile dans les circonstances. Cela indique que, même dans le cas des auteurs des infractions les plus graves, le Parlement a prévu que l'on doit tenir compte jusqu'à un certain point des circonstances particulières de chaque cas au moment de déterminer la peine.

Ce même raisonnement a été suivi pour affirmer que l'article 12 de la Charte n'était pas violé.

Sans la disposition de la dernière chance et la possibilité d'une période d'inadmissibilité de 25, 50 ou 75 ans, sur quoi vous ou votre ministère vous fondez-vous pour en arriver à la conclusion que le projet de loi C-48 ne viole pas la Charte?

M. Nicholson : Au bout du compte, l'application est discrétionnaire. Ainsi, je suis assez certain que le projet de loi passera avec succès l'épreuve de la constitutionnalité.

Le sénateur Baker : Merci.

La présidente : Merci beaucoup. Les fonctionnaires vont rester avec nous. Je pense qu'il y en a même un ou deux de plus qui vont se joindre à nous.

Nous poursuivons notre étude du projet de loi C-48. J'ai vu que M. Giokas a sursauté lorsque j'ai donné un gros coup de maillet. On m'a dit que je devais frapper fort pour aider les gens qui s'occupent de l'émission. Un petit coup, ça ne va pas, apparemment. Je ne le fais pas pour me donner un air d'autorité.

Nous poursuivons notre étude du projet de loi C-48...

[Français]

... Loi modifiant le Code criminel et la Loi sur la défense nationale en conséquence, nous recevons à présent les fonctionnaires experts, pour nous aider dans notre étude de ce projet de loi.

[Traduction]

Nous recevons Catherine Kane, directrice générale et avocate générale principale, Section de la politique en matière de droit pénal, et John Giokas, avocat, Section de la politique en matière de droit pénal, tous deux du ministère de la Justice. Bienvenue encore une fois à vous deux. Nous recevons le lieutenant-colonel Bruce MacGregor, directeur, Direction juridique de la justice militaire, politiques et recherche, du ministère de la Défense nationale.

J'imagine que vous n'avez pas de déclaration préliminaire, que vous êtes prêts à répondre aux questions. Permettez- moi de poser une question en premier. Je vais me faire plaisir. C'est une question qui s'adresse à vous, lieutenant- colonel MacGregor.

L'article 7 du projet de loi C-48 remplace l'article 149 de la Loi sur la défense nationale. C'est peut-être simplement de l'ignorance crasse de ma part, mais j'ai été arrêtée net lorsque j'ai lu ce qui suit.

Essentiellement, la disposition précise que, lorsqu'une personne reçoit deux peines d'incarcération,

[...] les deux peines d'incarcération sont, sous réserve de l'article 745.51 du Code criminel, exécutées simultanément à compter du prononcé de la plus récente, la plus grave dans l'échelle des peines ayant préséance.

Je ne savais pas que deux choses pouvaient être à la fois simultanées et pas simultanées. Pouvez-vous m'expliquer ce qu'on essaie de me dire dans cette proposition d'article?

Lieutenant-colonel Bruce MacGregor, directeur, Direction juridique de la justice militaire, politiques et recherche, ministère de la Défense nationale : Ça remonte aux années 1950, à la première Loi sur la défense nationale adoptée au Canada. Ce qui explique cela — et je suis retourné voir moi-même, parce que ça m'a aussi semblé bizarre...

La présidente : Il y a une contradiction inhérente.

Lcol MacGregor : L'explication, c'est qu'il peut y avoir deux tribunaux différents ou des conclusions différentes dans les affaires distinctes — une personne peut faire l'objet d'un procès sommaire, d'un procès devant une cour martiale ou devant deux cours martiales différentes —; il peut finir par y avoir deux types d'incarcération différents.

L'article 149 proposé tient compte de cela, du fait qu'il y a différents types d'incarcération; aux termes du Code de discipline militaire, de l'article 139, une personne peut être condamnée à la détention, ce qui est différent de l'emprisonnement, ou encore elle peut être condamnée à un emprisonnement de moins de deux ans, auquel cas la peine serait purgée dans un pénitencier fédéral plutôt que dans une prison militaire. Compte tenu de tous ces types d'incarcération différents, l'article en question est celui qui donne un sens à tout ça.

La présidente : Théoriquement, donc, la personne serait admise au sein du système fédéral, et elle purgerait en même temps sa petite peine de carabousse.

Lcol MacGregor : Exactement. Elle ne purgerait pas une peine de cinq ans d'emprisonnement à Dorchester pour ensuite revenir à Edmonton passer deux jours en détention.

Le sénateur Baker : D'abord, je veux souhaiter la bienvenue aux témoins. Chacun d'entre eux a fait ce que je considère comme étant de l'excellent travail dans le passé à l'égard de projets de loi présentés au comité et à la Chambre des communes.

En ce qui concerne la question de la présidente, je vais demander au lieutenant-colonel MacGregor — qui a accumulé une expérience considérable des procédures judiciaires avant d'occuper son poste actuel —, ce qu'une disposition comportant une remarque sur les peines simultanées fait dans un projet de loi qui porte exclusivement sur les peines consécutives? Pourquoi mettre cette disposition dans ce projet de loi en particulier? Je remarque qu'elle ne figure pas au sommaire.

Lcol MacGregor : La raison pour laquelle la disposition prévoit des peines simultanées, c'est qu'il s'agit d'un complément dans la Loi sur la défense nationale. Nous ne modifierions pas le complément aux fins de l'application du projet de loi; nous conserverions ce qui figure dans la Loi sur la défense nationale. Celle-ci parle de « confusion des peines ».

Le sénateur Baker : Vous avez donc dû prévoir la mesure dans la structure du projet de loi. Pourquoi avez-vous dû faire cela?

Lcol MacGregor : La modification vise à inclure l'article 745.51.

Le sénateur Baker : À titre d'exception.

Lcol MacGregor : À titre d'exception à ce qui constitue le régime de peine simultanée prévu normalement par la Loi sur la défense nationale.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Je vais être très bref, j'ai une question vraiment technique que je poserai à M. Giokas : prenons l'exemple d'un criminel qui serait condamné à une sentence à vie, sans possibilité de libération avant 25 ans, et qui serait libéré après sa 17e année — car il pourrait par exemple bénéficier d'une libération conditionnelle après 17 ans de pénitencier. Il est en liberté conditionnelle de la 18e à la 25e année. Supposons qu'il commet un assassinat pendant la 18e année, alors qu'il lui reste huit ans avant sa libération conditionnelle. Est-ce que ces huit ans vont s'additionner aux 25 ans auxquels le juge pourrait le condamner pour un deuxième meurtre au premier degré?

M. Giokas : Est-ce qu'on se situe avant ou après l'entrée en vigueur?

Le sénateur Boisvenu : Prenons l'exemple de quelqu'un qui est en prison actuellement et qui est libéré demain matin, après 17 ans de prison. Il lui reste huit ans à faire. Il commet un assassinat; est-ce que les huit ans qu'il lui reste de sa libération conditionnelle vont être ajoutés aux 25 ans auxquelles il pourrait être condamné, ce qui ferait 33 ans, ou est- ce qu'il va être simplement condamné à une peine concurrente à la première?

M. Giokas : Selon la loi actuelle, il va commencer une autre période de 25 ans lorsqu'il sera condamné pour le deuxième meurtre. Donc, au total, il aurait servi 17 ans puis 25 ans avant de pouvoir demander encore une fois une libération conditionnelle. Donc cela fait 42 ans. Mais en ce qui concerne les années qui restent lorsqu'il est en liberté, non, il commence un nouvelle période de 25 ans, selon la loi actuelle.

Si le projet de loi C-48 devient loi — mais cela dépend si le premier meurtre a eu lieu après l'entrée en vigueur du projet de loi — un juge aurait la possibilité d'additionner les années.

Le sénateur Boisvenu : Sinon, le deuxième meurtre, comme il serait applicable sur deux lois, il n'y aurait pas d'addition.

M. Giokas : Selon la loi actuelle, non.

[Traduction]

Le sénateur Raine : Je ne suis pas experte, mais je suis curieuse. J'ai l'impression que le libellé de l'article 745.51 est différent en français et en anglais. En anglais, le texte de l'article est « and who has already been convicted », alors que, en français, c'est « a été déclaré coupable », mais sans le mot « déjà ». Je me demandais pourquoi c'est différent.

M. Giokas : Les rédacteurs m'ont dit — et je suis certain que les sénateurs Carignan et Boisvenu seront d'accord — que le français est beaucoup plus logique que l'anglais et qu'il suffit de dire « a été déclaré coupable » pour décrire la même situation. On n'a pas besoin du mot « déjà »; ce serait superflu. C'est ce que les rédacteurs m'ont dit.

[Français]

Et, excusez-moi, également par les sénateurs Chaput et Joyal.

Le sénateur Carignan : Ma question va un peu dans le même sens, à savoir que l'utilisation de « already », en anglais, peut laisser sous-entendre que l'accusé a déjà été trouvé coupable antérieurement. Donc, cela vient appuyer la thèse dont je discutais plus tôt avec le ministre concernant les condamnations dans un jugement simultané, étant donné que, quand l'accusé est condamné, il n'a pas été nécessairement déjà déclaré coupable. Cela rejoint la question du sénateur Raine, qui souligne le fait que l'utilisation du mot « already » dans la version anglaise semble apporter une nuance par rapport à « qui est déclaré coupable de meurtre », et ce, également, pour revenir à l'échange que j'ai eu plus tôt avec le ministre. Toutefois, j'ai entendu votre réponse; je ne sais pas si cela peut susciter d'autres commentaires de votre part.

M. Giokas : J'étais dans la salle de rédaction lors de la rédaction de la loi et j'ai posé la même question. En tant qu'anglophone, j'ai posé la même question et la réponse que j'ai reçue, c'était que le français est plus logique. Je ne suis pas francophone.

Le sénateur Carignan : Comme anglophone, je vous pose la question comme francophone, quand vous lisez, has already been convicted, ces mots signifient-ils que cela peut être dans le cadre de condamnations simultanées?

M. Giokas : Comme je l'ai dit à plusieurs reprises, il n'y a pas de possibilité de condamnations simultanées, elles se suivent, l'une après l'autre.

Le sénateur Carignan : À l'intérieur du même jugement, ce sont des condamnations distinctes, mais rendues à l'intérieur du même jugement.

M. Giokas : Mais ce langage déployé est pour couvrir cette situation et celle de plusieurs procès différents. Parce que dans un cas ou l'autre, la condamnation suit une autre condamnation.

Le sénateur Carignan : Cela ne change rien pour moi.

[Traduction]

Le sénateur Frum : Comme anglophone, je veux poser une question au sujet du choix du mot « already » plutôt que du mot « also ». « Already » contient l'idée du passé. Je suis assise à côté d'un avocat très brillant, et s'il était avocat de la défense dans ce cas-ci, il tiendrait un argument et il ne le laisserait pas tomber. Comme citoyenne tout à fait en faveur de l'intention du projet de loi, je suis préoccupée. N'est-il pas moins ambigu, en anglais, de dire « convicted of a murder who has also been convicted of one or more other murders »?

M. Giokas : Oui, mais « already » contient un élément temporel qui, comme je l'ai dit, était nécessaire dans la version anglaise selon les rédacteurs. Comme ancien avocat de la défense, je peux vous dire que oui, le libellé des dispositions est un terreau fertile. Quiconque a pratiqué le droit sait qu'il n'y a pas de meilleur motif pour un appel que l'exposé d'un juge, ce qui nous ramène à la question qui a été posée lorsque le ministre était ici, c'est-à-dire de savoir pourquoi le libellé est si technique.

Le sénateur Frum : Ma question porte sur l'aspect temporel du mot « already ». Pourquoi utiliser un mot qui indique le temps lorsque ce n'est pas nécessaire?

M. Giokas : Vous me posez des questions qui ont trait à la rédaction. Je ne peux vous donner que la réponse que j'ai obtenue des rédacteurs. Je ne suis pas rédacteur moi-même.

La présidente : Nous voilà repartis, parce que ce sont des questions liées à la rédaction que je vais poser, mais qui me sont inspirées par mes collègues.

J'ai devant moi les articles 4 et 5. En anglais, l'article 4 dit : « an accused who has previously been convicted of murder ».

[Français]

Un accusé déjà reconnu coupable.

[Traduction]

Dans l'article suivant, l'article 5, il est écrit en anglais « an offender who has already been convicted » — dans un cas, c'est « already », alors que dans l'autre, c'est « previously ».

[Français]

Et en français, on écrit, « qui a été déclaré coupable. » Vous avez le mot « déjà » qui ne paraît pas, même s'il paraît dans le paragraphe précédent.

[Traduction]

Pourquoi? Quelle différence pourrait-il y avoir qui justifierait l'utilisation de termes différents dans les deux cas alors qu'il s'agit de la même personne?

M. Giokas : Les deux veulent dire la même chose. Les deux mots supposent des moments différents : « previously » et « already ». Je ne peux pas vous expliquer pourquoi « déjà » figure dans l'article 745.21 en français.

Le sénateur Joyal : C'est parce que, dans le premier cas, à la première ligne, il n'y a pas de verbe.

[Français]

Un accusé déjà reconnu.

[Traduction]

Dans l'autre article, il y a « a été », et c'est le verbe qui indique le temps, c'est-à-dire le passé. C'est essentiellement pour ça que la formulation est différente.

La présidente : Voilà qui nous éclaire. Il ne nous reste que le problème de l'élégante variation constituée par l'utilisation de « previously » et « already ». Je dois compter sur le fait que ces deux mots veulent dire exactement la même chose et que personne ne va couper les cheveux en quatre dans ce cas-ci. Quelqu'un va essayer, j'en suis sûre.

Avez-vous d'autres questions à poser aux fonctionnaires, chers collègues?

Le sénateur Joyal : J'en ai peut-être une à poser à M. Giokas ou à Mme Kane.

Le Barreau était préoccupé par le principe de l'indépendance du poursuivant dans l'exercice de ses fonctions. Si vous me permettez de lire la phrase en question dans la lettre du Barreau au ministre, la voici :

[Français]

Le Barreau entrevoit des problèmes d'ordre déontologiques découlant de l'application de cette disposition.

[Traduction]

Vous vous rappelez sans doute la question que j'ai posée au ministre en rapport avec le fait qu'un juge doit demander au poursuivant si quelqu'un va prendre la parole au nom du groupe. Le Barreau est préoccupé et voit le problème d'ordre déontologique soulevé à l'égard de l'application de l'article. Que répondriez-vous à cette lettre?

Mme Kane : Je crois que vous parlez de l'autre projet de loi, le projet de loi C-21, sur les peines pour fraude.

Le sénateur Joyal : Oui.

Mme Kane : Je peux répondre à votre question tout de suite, mais est-ce que c'est un sujet que vous voudriez aborder de nouveau demain lorsque nous reviendrons pour discuter du projet de loi C-21? Ça dépend entièrement de vous.

Le sénateur Joyal : Je vais poser la question demain.

Mme Kane : Je serai heureuse d'y répondre demain.

Le sénateur Joyal : Oui. Merci.

La présidente : Je crois que vous nous avez forcés à nous soumettre, mais je vais faire une suggestion. Ça revient à la question que j'ai posée au ministre au sujet de la question que le juge doit lire au jury. Je n'ai lu que la version anglaise, mais mes collègues ont eux aussi été frappés par l'opacité de la version française. Je suggérerais fortement au ministère de recourir aux services d'un réviseur professionnel. Il est possible d'être à la fois clair et exact sur le plan technique dans presque toutes les circonstances, à l'exception peut-être de la Loi de l'impôt sur le revenu. Il s'agit d'une question que les juges vont devoir poser à des citoyens du Canada ayant un bagage très variable. Demander aux juges de leur poser une question que, je suis prête à le parier, beaucoup d'entre eux ne comprendront pas semble un peu excessif, alors qu'il aurait été possible de la rédiger de façon plus claire. Voilà la suggestion que je vous fais. Vous en tiendrez compte si vous voulez.

Là-dessus, au nom des membres du comité, merci beaucoup. Il semble que la plupart d'entre vous reviendrez demain, de toute façon.

Le sénateur Joyal : J'ai quelques questions à poser au lieutenant-colonel MacGregor.

Lieutenant-colonel MacGregor, j'ai devant moi l'article 149 de la Loi sur la défense nationale. L'avez-vous en main?

Lcol MacGregor : Oui.

Le sénateur Joyal : Est-ce que les changements proposés visent essentiellement à inclure le nouvel article 745.51 proposé, ou est-ce qu'ils changent quelque chose d'autre dans l'article 149 de la Loi sur la défense nationale?

Lcol MacGregor : Non, sénateur. Le seul changement est le sujet de l'article 745.51 qu'il est proposé d'intégrer au Code criminel.

Le sénateur Joyal : Il s'agit simplement de tenir compte du nouvel article du code pour permettre au juge d'examiner la question d'un double meurtre ou de quelque chose du genre.

Lcol MacGregor : C'est exact.

Le sénateur Joyal : Très bien. Je suis désolé. Je n'avais pas consulté la version originale de l'article 149. Je voulais être sûr de l'avoir bien compris.

Lcol MacGregor : Vous l'avez bien compris.

Le sénateur Joyal : Merci.

M. Giokas : Je veux apporter une précision quant à ces dispositions. J'ai pris note de votre suggestion concernant le fait de rendre le libellé plus clair. Cependant, il s'agit de dispositions qui portent sur la détermination de la peine. Dans cette situation, la Couronne et la défense présentent toutes les deux des observations. Une fois que le juge a présenté son exposé au jury, les deux ont l'occasion de formuler des commentaires. Si la Couronne ou la défense trouve que le juge n'a pas bien exposé la situation dans son exposé, celui-ci leur offre l'occasion de corriger ce qu'il a dit.

Ce n'est pas le cas lorsque le juge fait une déclaration à l'intention du jury et prononce une peine sans entendre ce qu'ont à dire la Couronne et la défense.

La présidente : Non, je comprends.

M. Giokas : Quand j'ai dit plus tôt qu'il n'y a pas de meilleur motif d'appel que l'exposé d'un juge, c'est quelque chose qui se vérifie statistiquement. Les juges sont très prudents lorsqu'il s'agit de s'assurer que leur exposé est équilibré et juste, parce qu'ils ne veulent pas que leur décision soit infirmée en appel.

Je suis d'accord pour dire que le libellé pourrait être moins technique, mais il y a une raison pour laquelle il l'est. Lorsque le juge explique tout cela au jury et réagit aux observations de la Couronne et de la défense, il y a une interaction. C'est ce qui se produit dans le cadre d'un procès; il ne s'agit pas simplement d'un avis sans rien d'autre.

Je voulais le préciser. Il y a des gens qui ont été en cour et qui savent ce qui se passe au cours d'une audience de détermination de la peine.

La présidente : Nous avons tous une attitude professionnelle. J'ai passé la majeure partie de ma carrière à travailler comme journaliste et comme rédactrice, à viser la simplicité de la langue. Je pense encore qu'il s'agit d'un but noble et valable, mais je comprends que les gens qui ont une formation dans le domaine juridique et de la rédaction n'ont pas nécessairement les mêmes réflexes que moi.

Merci beaucoup, en fait, des précisions que vous nous avez données.

[Français]

La présidente : Chers collègues, nous reprenons notre étude du projet de loi C-48, Loi modifiant le Code criminel et la Loi sur la défense nationale en conséquence. Nous accueillons maintenant, de la Commission nationale des libérations conditionnelles, Mme Suzanne Brisebois, directrice générale, politiques, planification et opérations.

[Traduction]

Nous recevons Julie McAuley, directrice, Centre canadien de la statistique juridique, Craig Grimes, analyste principal, Centre canadien de la statistique juridique, Mia Dauvergne, analyste principale, dont nous avons souvent entendu le témoignage, et Rebecca Kong, gestionnaire, Programme des services correctionnels, Centre canadien de la statistique juridique, tous de Statistique Canada.

Vous avez la parole.

Julie McAuley, directrice, Centre canadien de la statistique juridique, Statistique Canada : Merci de nous offrir l'occasion de témoigner devant le comité à l'égard du projet de loi C-48.

Statistique Canada ne prend pas position quant aux modifications proposées dans le cadre du projet de loi. L'exposé que nous avons préparé contient nos données les plus récentes sur les homicides au Canada. Toutes les sources de données sont clairement indiquées sur les diapos, comme toute note pertinente sur les données. Nous vous avons également remis le dernier numéro de Juristat portant sur les homicides au Canada pour que vous puissiez l'examiner. Mes collègues vont m'aider à répondre à toute question que vous nous poserez. Veuillez prendre le document à la deuxième diapo.

À partir de données obtenues auprès des services de police de l'ensemble du Canada, nous sommes en mesure d'examiner les tendances relatives au taux d'homicide. La catégorie des homicides inclut les meurtres au premier degré, les meurtres au deuxième degré, les homicides involontaires coupables et les infanticides.

Après avoir atteint un sommet au milieu des années 1970, le taux d'homicides a décliné de manière générale jusqu'en 1999. Il y a des variations annuelles, mais le taux est demeuré relativement stable depuis. En 2009, les services de police ont fait état de 610 homicides au Canada, c'est-à-dire un de moins que l'année précédente.

L'homicide est l'infraction criminelle la plus grave. Le taux d'homicides d'un pays peut être utilisé comme baromètre pour mesurer l'ampleur de la violence dans cette société. C'est également la seule infraction criminelle pour laquelle il est possible de faire des comparaisons directes entre les pays.

Comme vous pouvez le voir à la diapo 3, le taux d'homicides au Canada correspond toujours au tiers de celui des États-Unis, mais est comparable à celui de la plupart des pays d'Europe.

La diapo 4 présente le nombre d'homicides attribuables à des gangs et d'homicides non attribuables à des gangs au cours de la dernière décennie. Par « attribuables à des gangs », nous entendons les homicides dont la police a déterminé qu'ils étaient liés à un groupe du crime organisé ou à un gang de rue. Les homicides attribuables à des gangs ont augmenté en général au cours de la dernière décennie. Cette tendance à la hausse contraste avec le nombre d'homicides non attribuables à des gangs. En 2009, 20 p. 100 des homicides commis au Canada étaient attribuables à un gang d'après les services de police.

Veuillez prendre la diapo suivante. Au cours des 10 dernières années, la proportion d'homicides ayant fait une seule victime ou plus d'une victime est demeurée relativement stable.

En 2009, 94 p. 100 des homicides ont fait une seule victime. Des 6 p. 100 qui restent, soit 35 incidents ayant fait plus d'une victime, 26 homicides ont fait deux victimes, six ont fait trois victimes et trois ont fait quatre victimes. Qu'ils fassent une seule victime ou plus d'une victime, les homicides sont en général commis par des hommes au début de la trentaine.

Les homicides commis au Canada le sont le plus souvent par une personne connue de la victime. La diapo 6 montre la relation de l'auteur présumé avec la victime pour les cas d'homicide résolus entre 2000 et 2009, autrement dit, les homicides pour lesquels la police a identifié l'auteur présumé.

Entre 2000 et 2009, dans la majorité des cas d'homicide résolus au Canada, l'homicide a été commis par un membre de la famille, ce qui inclut les personnes liées par le sang, par mariage ou par adoption. Durant cette période, ce sont des membres de la famille qui ont commis le plus d'homicides ayant fait plus d'une victime, tandis que des connaissances ont commis le plus d'homicides ayant fait une seule victime. Les connaissances comprennent les amis, les voisins, les symboles d'autorité et les connaissances occasionnelles.

Le nombre de cas d'homicide résolus où l'homicide a été commis par un étranger a augmenté au cours des dernières années. Entre 2000 et 2009, des étrangers ont été accusés de 17 p. 100 des homicides ayant fait plus d'une victime et de 16 p. 100 des homicides ayant fait une seule victime.

Au Canada, les auteurs d'homicide ont généralement utilisé deux moyens : les armes à feu et les armes tranchantes. À la diapo 7, nous pouvons voir que les homicides ayant fait plus d'une victime ont été commis dans la plupart des cas à l'aide d'une arme à feu, tandis que ceux qui ont fait une seule victime ont été le plus souvent commis à l'aide d'un couteau.

Le nombre d'accusations et de causes d'homicide devant les tribunaux de juridiction criminelle pour adultes au Canada a fluctué depuis 2000-2001. Il s'agit des accusations de meurtre au premier degré, de meurtre au deuxième degré et d'homicide involontaire coupable. En 2008-2009, il y a eu 370 accusations d'homicide dans le cadre de 272 causes devant les tribunaux. Il s'agit du nombre d'accusations et de causes devant les tribunaux de juridiction criminelle pour adultes le plus bas depuis 10 ans. Les données sur les homicides recueillies auprès des tribunaux pénaux ne nous permettent pas de distinguer les meurtres au premier degré et les meurtres au deuxième degré, puisque ces données sont recueillies dans le cadre d'un seul article du Code criminel, c'est-à-dire l'article 231.

La diapo 9 montre la proportion de causes avec condamnation pour homicide qui comptent une ou plus d'une accusation d'homicide. En 2008-2009, 45 p. 100 des causes comptant une accusation d'homicide entendues par des tribunaux de juridiction criminelle pour adultes ont entraîné un verdict de culpabilité. De ces causes, 94 p. 100 comptaient une accusation d'homicide avec un verdict de culpabilité, et 6 p. 100 en comptaient plus d'une.

Le nombre d'admissions dans les établissements de détention fédéraux pour purger une peine d'emprisonnement à perpétuité pour meurtre a fluctué au cours des 20 dernières années, de 109 admissions en 1989-1990 à 159 admissions en 2006-2007. En 2008-2009, il y a eu 139 admissions dans les établissements de détention fédéraux pour meurtre. Au total, 4 p. 100 des personnes admises étaient des femmes, et 22 p. 100, des Autochtones. L'âge des personnes admises allait de 19 à 67 ans, l'âge moyen étant de 34 ans.

À la diapo 11, nous pouvons voir que le nombre moyen d'années que passent sous garde les meurtriers condamnés à perpétuité avant leur libération conditionnelle est passé d'environ 12 ans en 1999-2000 à 17 ans en 2008-2009. Pendant cette période, 26 p. 100 des détenus purgeant une peine d'emprisonnement à perpétuité pour meurtre dans un établissement fédéral ont obtenu une libération conditionnelle comme première libération; la vaste majorité d'entre eux ont obtenu une semi-liberté.

Encore une fois, merci de nous avoir offert l'occasion de témoigner devant le comité. Mon exposé est terminé.

La présidente : Nous allons passer directement à vous, madame Brisebois, puis il va y avoir une période de questions pour tous, sans distinction.

Suzanne Brisebois, directrice générale, Politiques, planification et opérations, Commission nationale des libérations conditionnelles : Je vous remercie de m'avoir invitée à venir vous entretenir du projet de loi C-48. Je suis la directrice générale des Politiques, de la planification et des opérations à la Commission des libérations conditionnelles du Canada.

La présidente : Je vous demanderais de ralentir un peu pour faciliter le travail des interprètes.

Mme Brisebois : Désolée.

La présidente : Ce n'est pas la première fois que quelqu'un est interrompu pour cette raison.

Mme Brisebois : Comme notre président a récemment comparu devant le comité, la situation de la Commission en tant que tribunal administratif indépendant, qui rend compte au Parlement par l'entremise du ministre de la Sécurité publique, ne vous est pas inconnue. La Commission est chargée de rendre des décisions de qualité concernant la mise en liberté des délinquants condamnés à des peines de ressort fédéral de deux ans et plus ainsi que des délinquants sous responsabilité provinciale qui purgent des peines de moins de deux ans dans les provinces qui n'ont pas leur propre commission des libérations conditionnelles. La Commission rend également des décisions relatives aux pardons et formule des recommandations en matière de clémence.

La Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, la LSCMLC, guide la Commission dans ses décisions, notamment en prescrivant la protection de la société comme le critère déterminant à considérer pour la prise de décision dans tous les cas. En effet, chaque fois que la Commission est appelée à prendre une décision, elle doit déterminer si le délinquant est susceptible de présenter un risque inacceptable pour la société avant l'expiration de la peine et si cette mise en liberté contribuera à protéger la société en favorisant la réinsertion sociale du délinquant en toute sécurité.

Pour rendre leurs décisions, les commissaires entreprennent donc une évaluation approfondie du risque. Ils se penchent sur tous les renseignements pertinents qui ont été mis à leur disposition. Ces renseignements incluent des choses comme l'information fournie par les tribunaux, les transcriptions des audiences des tribunaux, les commentaires formulés au moment de la détermination de la peine, des rapports de police et l'information fournie par le Service correctionnel du Canada, par exemple les recommandations des agents de libération conditionnelle et des agents de programme. Nous examinons également les rapports psychiatriques et psychologiques, ainsi que les renseignements fournis par les victimes, pour ne nommer que ces sources d'information.

En ce qui concerne le projet de loi C-48 sur lequel vous devez vous pencher aujourd'hui, celui-ci aurait une incidence limitée sur la Commission. Ce n'est pas la Commission qui s'occupe de fixer les périodes d'admissibilité des délinquants. Plutôt, l'admissibilité est déterminée par les tribunaux et la législation, y compris la LSCMLC et le Code criminel. Nous avons seulement à nous prononcer sur les cas qui nous sont soumis par le Service correctionnel du Canada. Si le projet de loi était adopté, la Commission ne procéderait aux audiences pour les cas concernés que beaucoup loin dans l'avenir.

Pour vous donner une idée de notre charge actuelle de travail en ce qui concerne la mise en liberté sous condition, en 2009-2010, la Commission a effectué près de 17 000 examens de cas. Pendant la même période, il y a eu 23 audiences de libération conditionnelle totale pour des délinquants reconnus coupables de plus d'un meurtre.

La présidente : Combien?

Mme Brisebois : Il y a eu 23 audiences de libération conditionnelle totale.

À l'heure actuelle, 4 420 délinquants purgent des peines d'emprisonnement à perpétuité pour des meurtres aux premier et deuxième degrés. Parmi ces délinquants, 421 ont fait plus d'une victime. Aussi, des 421 délinquants en question, 95 sont actuellement en liberté conditionnelle totale. Compte tenu de ces chiffres, le fait de voir les délinquants concernés plus tard au cours de leur peine n'aurait pas d'effet important sur notre charge de travail.

Merci beaucoup. Je serai très heureuse de répondre à toutes vos questions.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : J'ai deux questions qui portent sur les statistiques. J'ai vu que vous aviez une diapositive sur le temps moyen d'incarcération pour un meurtre au premier degré. C'était un peu plus de 12 ans en 1999, maintenant, c'est environ 16 ou 17 ans. Est-ce que vous avez une statistique sur le temps d'incarcération pour un criminel qui commet deux crimes et plus? Cela m'apparaît une statistique globale ici.

[Traduction]

Rebecca Kong, chef, Programme des services correctionnels, Centre canadien de la statistique juridique : C'est le cas. Les meurtres au premier et deuxième degrés sont inclus. Dans l'ensemble de données dont nous disposons, malheureusement, nous ne sommes pas en mesure de déterminer s'il y a eu plus d'une victime.

[Français]

Le sénateur Boivenu : Pourriez-vous transmettre au comité la durée du temps d'incarcération des criminels qui ont commis plus de deux assassinats au Canada au cours des dix dernières années? Est-ce qu'ils purgent 30 ans, 40 ans? Ou encore ils purgent à peu près le même temps qu'une personne qui a commis un assassinat? Y a-t-il une discrimination à ce niveau?

[Traduction]

Mme Brisebois : Nous avons examiné la répartition des cas de délinquants déclarés coupables de meurtre au premier et au deuxième degrés où il y a eu plus d'une victime. En moyenne, ces délinquants ont purgé une peine de 17 ans.

Nous avons examiné 95 cas, et 12 délinquants ont vu leur période d'inadmissibilité réduite au contrôle judiciaire. Pour la première libération conditionnelle totale, la moyenne était de 17 ans.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Vous me dites qu'au Canada, qu'on assassine une personne ou qu'on en assassine deux ou trois, le temps d'incarcération est à peu près le même?

[Traduction]

Mme Brisebois : Ce que je dis est fondé sur les chiffres dont je dispose, qui sont comparables à ceux dont disposent mes collègues.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : À la page 13 du document L'homicide au Canada, une phrase m'a un peu surpris. Le taux des jeunes auteurs présumés d'homicide de 12 à 17 ans est le deuxième en importance en 30 ans. Est-ce qu'à Statistique Canada ou à la Commission nationale des libérations conditionnelles, vous avez observé une augmentation du nombre de meurtres multiples chez les jeunes de 12 à 17 ans depuis dix ans? Est-ce que ma question est claire?

[Traduction]

Mme McAuley : Je ne dispose pas de cette information. Cependant, j'ai le nombre total de jeunes auteurs présumés selon une tendance. Il figure dans le tableau 7 du document en question, à la page 24. Ce sont les jeunes auteurs présumés d'homicides. Il n'y a cependant pas de distinction entre les homicides en fonction du nombre de victimes.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : C'est une statistique qui m'apparaît importante. Il est surprenant de voir que le taux de criminalité chez les jeunes présumés d'homicide est le deuxième en importance. Pour cette clientèle, les 12-17 ans, est-ce qu'il y a une augmentation du nombre de cas où des jeunes vont assassiner deux personnes? Est-ce que vous pouvez nous trouver une donnée là-dessus?

[Traduction]

Mia Dauvergne, analyste principale, Programme des services policiers, Centre canadien de la statistique juridique, Statistique Canada : Est-ce que vous nous demandez si nous avons de l'information sur le nombre de jeunes qui ont commis un homicide faisant plus d'une victime? C'est le cas, et nous pouvons fournir cette information au comité.

La présidente : Est-ce que les données dont vous disposez portent sur les jeunes qui ont subi un procès et reçu une peine comme adultes, ou est-ce que ces données font partie de celles concernant la population adulte en général? Je présume que beaucoup de jeunes qui commettent des meurtres multiples passent par le système pour les adultes. Je me trompe peut-être. Est-ce que vous avez ces chiffres?

Craig Grimes, analyste principal, Centre canadien de la statistique juridique, Statistique Canada : La difficulté qui se pose lorsqu'il s'agit de repérer les jeunes qui subissent un procès et reçoivent une peine comme adultes est que cela se passe quand même devant les tribunaux pour adolescents. Dans le cas d'un meurtre, ce serait différent, parce que la peine imposée aux adultes est l'emprisonnement à perpétuité. Cependant, pour d'autres infractions, c'est beaucoup plus difficile. La personne reçoit une peine, et il n'y a aucune autre information qui nous indique si elle a reçu sa peine comme adulte, puisque ça se passe quand même devant un tribunal pour adolescents.

Théoriquement, nous pourrions retourner voir s'il y a eu des meurtres ou des homicides commis par des jeunes qui se sont vu imposer une peine correspondant à celle qui est imposée aux adultes. Je ne sais pas s'il y en a. Nous pourrions jeter un coup d'œil là-dessus.

La présidente : Nous sommes pressés par le temps, comme d'habitude.

[Français]

La présidente : Mes excuses, sénateur Boisvenu.

Le sénateur Boisvenu : Merci, madame la présidente, et merci à nos témoins aussi.

[Traduction]

Le sénateur Runciman : Ma question concerne les jeunes contrevenants et l'admissibilité à la libération conditionnelle, ainsi que l'effet du projet de loi sur ceux-ci. Il semble que les jeunes contrevenants seraient visés par le projet de loi s'ils subissent leur procès devant un tribunal pour adultes. Prenons l'exemple des auteurs de meurtres multiples. Est-ce que les dispositions du projet de loi priment l'article du Code criminel qui établit les périodes d'inadmissibilité pour les personnes de 18 ans et moins?

M. Grimes : Je ne connais pas la réponse à cette question. Je peux vous parler des chiffres et je peux vous dire d'où les données viennent.

Le sénateur Runciman : Vous avez mentionné l'article 231 dans votre exposé, et je ne suis pas certaine de comprendre le contexte. Vous avez dit que cela ne vous permet pas d'établir une distinction entre les meurtres au premier et au deuxième degrés. Pouvez-vous nous dire quelques mots là-dessus?

Mme McAuley : En ce qui concerne l'information sur les tribunaux et les services correctionnels, les diapositives regroupent les meurtres au premier et au deuxième degrés. Nous ne pouvons distinguer pour vous le nombre de causes entendues par les tribunaux et le nombre d'accusations portées pour les meurtres au premier degré et au deuxième degrés séparément, et nous ne pouvons pas non plus vous fournir d'information sur les services correctionnels à l'égard des personnes qui ont commis un meurtre au premier degré et un meurtre au deuxième degré.

Le sénateur Runciman : Pourquoi est-ce que la définition d'homicide regroupe l'homicide involontaire coupable et l'infanticide dans la législation? Nous examinons un projet de loi qui porte sur les meurtres au premier et au deuxième degrés. Quelle décision a été prise par Statistique Canada à cet égard.

M. Grimes : Ce n'est pas une distinction établie par Statistique Canada en tant que telle. La difficulté que pose la question des meurtres au premier et au deuxième degrés, c'est qu'il n'y a qu'un seul paragraphe du Code criminel qui porte sur le meurtre au deuxième degré. Il s'agit du paragraphe 231(7). En voici le libellé : « Les meurtres qui n'appartiennent pas à la catégorie des meurtres au premier degré sont des meurtres au deuxième degré. » C'est dans la section des définitions.

L'article des peines pour meurtre est l'article 235, qui parle de meurtres au premier et au deuxième degrés. Comme tout figure dans le même article, il est impossible pour nous de faire une répartition. Il y a également dans le code des dispositions qui permettent la réduction de meurtres au premier et au deuxième degrés à homicide involontaire coupable. Ainsi, lorsque Statistique Canada reçoit de l'information sur un meurtre au premier degré ou un meurtre au deuxième degré, si c'est la définition du paragraphe 231(7) qui est utilisée, il est possible que les accusations soient réduites à des accusations d'homicide involontaire coupable. À moins que l'information ne soit mise à jour, il est impossible pour nous de distinguer les deux points. Nous n'avons pas vérifié que cette information reflète l'issue des procès criminels dans ces cas en raison des différentes nuances qui existent à l'égard du meurtre au premier degré, du meurtre au deuxième degré, de la mise en accusation, de la réduction à l'homicide et à l'homicide involontaire coupable pour cet ensemble d'infractions. Du côté des tribunaux, l'infanticide a été supprimé.

Mme McAuley : Sénateur Runciman, nous pouvons vous fournir des données sur chacune de ces infractions. Nous pouvons vous fournir la répartition, si vous le souhaitez.

Le sénateur Runciman : Oui, j'aimerais ça.

Mme McAuley : Entre 2000 et 2009, du nombre total d'homicides, environ 50 p. 100 étaient des meurtres au premier degré, 40 p. 100, des meurtres au deuxième degré, 10 p. 100, des homicides involontaires coupables, et 0,3 p. 100, des infanticides. Aucun cas d'infanticide n'a été porté à l'attention de la police en 2009. Notre définition d' « homicide », qui regroupe ces crimes, est une définition cohérente qui est utilisée partout dans le monde. Nous savons que tous ces crimes vont être portés à l'attention de la police, et il s'agit d'une définition très cohérente que nous utilisons depuis 1960.

Le sénateur Runciman : Vous parliez de 421 auteurs de meurtres multiples qui sont incarcérés à l'heure actuelle, dont 95 ont obtenu une libération conditionnelle totale et dont 326 participent à une forme quelconque de programmes de semi-liberté. Ces délinquants ne seront pas touchés par le projet de loi. Pouvez-vous nous parler des considérations qui interviennent lorsqu'on évalue la demande de libération conditionnelle de l'auteur de meurtres multiples?

Mme Brisebois : Chaque cas est évalué en fonction des critères établis dans la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition. Les commissaires évaluent tous les renseignements accessibles et pertinents à l'égard du risque que pose le délinquant. Ils déterminent si le délinquant poserait un risque indu pour la société s'il était libéré dans la collectivité et si sa libération contribuerait à la protection de la société. Il y a des critères précis dans la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition que les commissaires utilisent dans le cadre de leur processus décisionnel dans tous les cas. Ces critères sont appliqués aux délinquants déclarés coupables d'homicide ainsi qu'aux délinquants déclarés coupables d'autres types d'infractions.

Le sénateur Runciman : Je pense que la plupart des Canadiens seraient inquiets s'ils savaient qu'il y a 95 auteurs de meurtres multiples en libération conditionnelle. Y a-t-il un quelconque profil normal qui réconforterait les Canadiens quant aux raisons pour lesquelles la Commission décide de permettre aux auteurs de meurtres multiples de se réinsérer dans la collectivité?

Mme Brisebois : Je ne peux pas entrer dans les détails des cas, mais, de façon générale, les délinquants libérés dans la collectivité sont ceux dont la Commission juge que le cas peut être géré dans la collectivité. La Commission utilise le critère du risque, et elle juge que les délinquants en question ne présentent pas un risque indu et leur accorde la libération conditionnelle. Je ne peux rien vous dire de plus.

Le sénateur Watt : Vous avez parlé des Autochtones dans votre exposé. Vous avez parlé tellement vite que je ne pense pas avoir tout saisi ce que vous avez dit. Pourriez-vous relire le passage concernant les Autochtones? Tout ce que j'ai compris, c'est que c'était 20 p. 100 à propos de quelque chose.

Mme McAuley : Certainement. Il est question des admissions dans les établissements de détention fédéraux à la diapo 10. Je peux vous donner quelques chiffres, si vous le souhaitez. Ce ne sont pas les chiffres que j'ai lus au début.

Si nous prenons 2008-2009, par exemple, il y a eu 139 admissions dans les établissements de détention fédéraux pour meurtre. Des personnes admises, 22 p. 100 étaient des Autochtones. Si nous prenons la période de dix ans qui va de 1999 à 2008-2009, 18 p. 100 étaient des Autochtones.

Le sénateur Watt : Avez-vous une ventilation des données concernant l'origine de ces Autochtones? Viennent-ils du Sud, du Nord ou entre les deux? Avez-vous une ventilation en fonction de cela?

Mme Kong : Nous n'avons pas d'information sur leur origine. Nous aurions de l'information sur la région du Canada dans laquelle ils sont incarcérés, si ça peut vous être utile. Toutefois, nous n'avons pas d'information personnelle sur leur région de résidence dans les fichiers de données que nous recevons.

Le sénateur Watt : Faites-vous un suivi de l'information que vous recevez quant à leur appartenance à une Première nation ou au fait qu'ils sont Inuits ou Métis? Y a-t-il quelque chose là-dedans que nous pourrions utiliser pour les identifier?

Mme Kong : Les données que nous recevons du Service correctionnel du Canada contiennent effectivement une ventilation en fonction de l'identité autochtone. Habituellement, nous regroupons toutes les données, vu que les chiffres sont petits, mais je peux vérifier si nous pouvons vous fournir une quelconque ventilation, même si c'est pour l'ensemble de la période de dix ans, si vous le souhaitez.

Le sénateur Watt : Je vous en serais reconnaissant.

Mme McAuley : Pour le suivi concernant l'enquête sur les homicides, nous pouvons poser des questions au sujet de l'origine autochtone des suspects pouvant être inculpés. Il s'agit de données fournies par les services de police dans environ la moitié des cas pour ce qui est de l'enquête. Nous pouvons répartir les chiffres pour les Indiens de l'Amérique du Nord, Métis, Inuits esquimaux ou diverses catégories où l'origine n'est pas précisée. Si vous le souhaitez, nous pouvons vous fournir cela.

Le sénateur Watt : Ce serait utile.

Le sénateur Chaput : C'est une question brève. Qu'en est-il de l'âge des Autochtones? Lorsque nous avons parlé de la diapo 10, je crois que vous avez mentionné le fait que la moyenne d'âge était de 34 ans. J'ai pris cela en note. Est-ce que ça s'applique aussi aux Autochtones?

Mme McAuley : Il faudrait que nous examinions cela en fonction du statut d'Autochtone.

Le sénateur Chaput : Pourriez-vous le faire?

Mme McAuley : Oui.

La présidente : Ce serait utile. Comme vous le savez, le comité a une préoccupation constante à l'égard des répercussions du système judiciaire sur les Autochtones en ce qui a trait aux proportions et ventilations. Je vous demanderais de tenir pour acquis que nous sommes toujours intéressés par ces ventilations.

Le sénateur Wallace : Madame Brisebois, j'ai deux ou trois questions concernant votre exposé. J'essaie de me faire une idée de ce qui se passe en ce moment par rapport à la Commission des libérations conditionnelles et au nombre de délinquants, de délinquants ayant commis des meurtres multiples, qui obtiendraient une libération conditionnelle totale ou quelque chose de moindre, comparativement aux conséquences qu'aurait l'adoption du projet de loi C-48. Clairement, le nombre augmenterait, en ce sens que le projet de loi C-48 aura pour effet d'accroître la durée de la peine purgée par les auteurs de meurtres multiples. Dans ce contexte, cela accroîtrait la durée des peines purgées par rapport à ce qui existe en ce moment.

À la deuxième page de votre exposé, vous parlez de la période 2009-2010, au cours de laquelle la Commission a tenu 23 audiences de libération conditionnelle totale pour des délinquants reconnus coupables de plus d'un meurtre. Combien de ces 23 délinquants ont obtenu leur libération conditionnelle?

Mme Brisebois : Je n'ai pas cette information devant moi, mais je peux la faire parvenir au comité.

Le sénateur Wallace : Ce serait très bien, merci. Avez-vous une idée du pourcentage, d'après votre expérience?

Mme Brisebois : J'ai de l'information qui pourrait intéresser le comité relativement aux délinquants dont le cas est examiné en vue de la libération conditionnelle totale. Nous avons jeté un coup d'œil sur une partie de nos données en remontant jusqu'au 1er avril 1994, c'est-à-dire sur une période d'environ 17 ans. Au cours de cette période, 149 périodes de surveillance de délinquants en liberté conditionnelle totale ont été accordées à des délinquants purgeant des peines pour meurtre au premier degré ou au deuxième degré ayant fait plus d'une victime.

De ces cas, 95 délinquants sont actuellement sous surveillance dans le cadre de leur libération conditionnelle totale dans la collectivité, 15 sont décédés, 25 se sont vu imposer une révocation de leur liberté conditionnelle pour manquement aux conditions de celle-ci, 9 ont eu une révocation pour infraction sans violence et 5 ont eu une révocation pour infraction avec violence. De ces cinq infractions avec violence, trois étaient liées à une agression, une était une infraction de nature sexuelle et l'autre était une tentative de meurtre.

Le sénateur Wallace : Ainsi, au cours de cette période de 17 ans, 149 auteurs de meurtres multiples ont obtenu une libération conditionnelle, et 95 de ces 149 délinquants sont maintenant en liberté conditionnelle totale. C'est un pourcentage assez élevé.

J'ai une autre question. À la deuxième page de votre exposé, vous dites que 421 délinquants ont fait plus d'une victime. De ces 421 délinquants, 95 sont actuellement en liberté conditionnelle totale. Le sénateur Runciman a parlé de cela tout à l'heure. Sur les 421, savez-vous combien ont obtenu une libération autre que la libération conditionnelle totale?

Mme Brisebois : Excusez-moi, les 95 délinquants libérés sont en liberté conditionnelle totale.

Le sénateur Wallace : Est-ce qu'il y en a qui ont obtenu une libération moindre que la libération conditionnelle totale, par exemple, une semi-liberté?

Mme Brisebois : Peut-être. Nous ne faisons pas ce genre de ventilation. Pour en revenir à ce que disaient mes collègues sur le plan des chiffres, habituellement, la semi-liberté précède dans bien des cas la participation au programme de libération conditionnelle totale. Pour ce qui est des 95 délinquants en question, nous n'avons pas fait de ventilation pour déterminer lesquels ont obtenu une semi-liberté dans le cadre de la libération conditionnelle totale. Nous voulions examiner le projet de loi en fonction de la date d'admissibilité à la libération conditionnelle totale.

Toutefois, si vous voulez obtenir de l'information supplémentaire à cet égard ou s'il y a des questions là-dessus, je peux voir ce que je peux trouver.

Le sénateur Wallace : Voici ma dernière question là-dessus. Des 421 délinquants dont 95 sont en liberté conditionnelle totale, savez-vous combien il y en a qui ont demandé la libération conditionnelle totale?

Mme Brisebois : Les examens en vue de la libération conditionnelle sont prévus par la LSCMLC. Les délinquants demandent seulement la semi-liberté. La libération conditionnelle totale est prévue par la loi.

Le sénateur Chaput : J'ai une autre question très brève concernant la diapo 10 et le facteur âge. Vous avez dit, je crois, que 22 p. 100 des délinquants sont des Autochtones et que 4 p. 100 sont des femmes. Parmi les 22 p. 100 d'Autochtones, est-ce qu'il y a des femmes, ou est-ce que les femmes autochtones font partie des 4 p. 100 de femmes?

Mme McAuley : Elles font partie des 4 p. 100 et peut-être des 22 p. 100. Toutefois, nous pourrions regrouper les chiffres et vous faire savoir combien de femmes autochtones ont été comptées.

Le sénateur Chaput : Merci. Pourrions-nous aussi avoir le facteur de l'âge?

Mme McAuley : Oui, certainement.

La présidente : Nous allons savoir tellement de choses.

J'aimerais revenir à la question que le sénateur Runciman vous a posée, madame Brisebois, au sujet du type de délinquants que sont ces fameux 95 délinquants. Vous avez expliqué que vous ne pouvez pas nous donner de détails sur leur profil, mais pouvez-vous nous donner une idée des types d'auteurs de meurtres multiples qui finissent par obtenir une libération conditionnelle totale? Est-ce qu'il est plus probable qu'il s'agisse d'une personne qui a tué plusieurs membres de sa famille — peut-être des enfants? Est-ce que c'est plus probable qu'il s'agisse d'un tueur à gages à la solde du crime organisé?

Pouvez-vous nous dire quoi que ce soit pour que nous ayons une idée de ce qui caractérise ces 95 personnes?

Mme Brisebois : Je peux assurément vous faire parvenir cette information à l'égard d'une comparaison concernant le fait qu'il s'agissait d'une connaissance ou d'un membre de la famille.

La présidente : C'est le genre de choses que m'intéresse. Ça ne changera pas le poids moral ou même le poids factuel du projet de loi, mais ça va changer notre compréhension de notre démarche ainsi que le contexte dans lequel un projet de loi comme celui-ci s'inscrit. Ça ferait une différence importante à nos yeux.

Chers collègues, je n'arrive pas à le croire. Tout le monde a tellement bien réussi à poser des questions concises et à répondre de façon concise que je pense que nous allons pouvoir remercier les témoins et les libérer.

Merci beaucoup. Nous avons hâte de recevoir l'information dont nous avons parlé de votre part, et le plus tôt sera le mieux.

Chers collègues, nous avons le plaisir d'accueillir comme témoins pour la prochaine partie de l'audience Willie Gibbs, qui est membre du Comité d'examen des politiques de l'Association canadienne de justice pénale, Leo Russomanno, représentant de la Criminal Lawyers' Association, et Kim Pate, directrice générale de l'Association canadienne des sociétés Elizabeth Fry, qui est souvent venue témoigner ici. Merci beaucoup à tous de vous joindre à nous ce soir.

Est-ce que vous avez des préférences pour ce qui est de l'ordre dans lequel vous allez présenter vos exposés? Sinon, nous allons commencer par vous, monsieur Gibbs.

Willie Gibbs, membre, Comité d'examen des politiques, Association canadienne de justice pénale : Vous avez établi l'ordre en fonction de l'âge, n'est-ce pas?

Merci beaucoup d'offrir à l'ACJP, l'Association canadienne de justice pénale, l'occasion de présenter un mémoire au comité. Je suis heureux de prendre la parole au nom de l'Association pour parler du sujet de la séance. En guise d'introduction, j'aimerais aborder deux points.

D'abord, dans le résumé législatif que nous avons ici, on parle de 1976, de l'époque où les condamnés à perpétuité devaient purger une peine de 10 à 25 ans dans le cas d'un meurtre au deuxième degré avant de pouvoir être admissibles à la libération conditionnelle. Dans le cas d'un meurtre au premier degré, ils devaient purger une peine obligatoire de 25 ans.

Ce qui n'est pas précisé, c'est la raison pour laquelle ce changement a été apporté — à tout le moins, je n'ai pas vu l'explication dans le mémoire. C'est l'année où la peine capitale a été abolie. Avant, comme vous le savez probablement, dans le cas d'un meurtre non qualifié, c'est-à-dire le meurtre au deuxième degré d'aujourd'hui, le délinquant devait attendre pendant sept ans avant d'être admissible à la libération conditionnelle. Dans le cas d'un meurtre qualifié, les délinquants dont la peine était commutée en emprisonnement à perpétuité devaient passer 10 ans en prison.

Lorsque la peine capitale a été abolie, il est clair qu'un compromis a été fait de sorte que, oui, d'un côté, la peine capitale a été abolie, mais de l'autre, il fallait que les condamnés à perpétuité purgent une peine plus longue avant d'être admissibles à la libération conditionnelle. Les peines, surtout dans les cas de meurtre au premier degré, sont devenues deux fois et demie plus longues que dans le passé.

Si les législateurs de l'époque voulaient que les condamnés à perpétuité purgent une peine beaucoup plus longue avant d'être admissibles à la libération conditionnelle, leur souhait a été exaucé. Ça m'amène à mon deuxième point. Si vous jetez un coup d'œil sur le tableau 5 de la page 7 du document jaune, une comparaison a été faite en 1999. Pour le Canada, les chiffres seraient probablement plus élevés. Néanmoins, nous allons nous appuyer là-dessus.

Lorsque je regarde cette comparaison qui a été faite entre plusieurs démocraties occidentales, je trouve frappant, sinon choquant, de constater le rang que nous occupons dans cette liste. Là où la libération conditionnelle existe, nous sommes tout à fait en haut ou en bas de la liste, selon la façon d'envisager la chose. Ça inclut les États-Unis. Je suis désolé que nous n'abordions pas ce sujet dans notre propre mémoire; nous aurions dû le faire. J'ai pensé vous dire cela en guise d'introduction.

Je suis prêt à répondre à toutes vos questions.

Kim Pate, directrice générale, Association canadienne des sociétés Elizabeth Fry : Merci de l'invitation à comparaître et aussi des efforts que vous avez déployés pour veiller à ce que nous puissions comparaître. Je suis désolée de comparaître devant le comité sans un membre du conseil en raison des problèmes d'horaire. Comme vous le savez, nous aimons être accompagnés d'un membre du conseil, mais nous ne pouvons pas toujours le faire.

Nous sommes extrêmement préoccupés par la possibilité que le projet de loi soit encore un autre texte législatif qui semble avoir été créé dans un contexte où il ne répond à aucun besoin.

À l'heure actuelle, les personnes qui ont été déclarées coupables de plus d'un homicide, qu'il s'agisse d'un homicide qualifié ou non, comme le disait l'intervenant précédent, peuvent être détenues au-delà des périodes d'inadmissibilité à la libération conditionnelle prévues actuellement par le Code criminel et le sont effectivement. Comme vous le savez, si la personne est réputée poser un risque permanent pour la société, la sévérité est révélée par le témoignage de l'intervenant précédent de Statistique Canada, qui a montré l'accroissement constant de la durée de la peine précédant une libération conditionnelle sous une forme ou une autre. Il est clair que la Commission des libérations conditionnelles a reçu le message et que les gens ne sont pas libérés au même rythme.

Cette situation nous force à poser la question qui s'impose, c'est-à-dire la suivante : dans quel but élaborons-nous un nouveau projet de loi lorsque l'objectif en matière de politiques publiques qui est proposé peut être atteint, et, selon nous, est atteint actuellement?

Comme nous nous occupons de femmes et de filles marginalisées, victimisées, criminalisées et institutionnalisées, des femmes dont nous nous occupons qui ont été déclarées coupables de plus d'un homicide, dans presque tous les cas il s'agit d'une réaction à une forme ou une autre de violence qui est d'abord perpétrée contre elles. Dans bien des cas, nous affirmerions que la violence a été utilisée comme moyen de défense, quoique l'état du droit pour ce qui est du rattrapage à l'égard de l'autodéfense dans les cas particuliers de violence faite aux femmes avance lentement.

En fait, deux des premiers cas qui ont fait l'objet d'une demande de contrôle judiciaire — puisque cette question est également abordée dans le projet de loi — étaient des cas de délinquantes. Si leurs cas avaient encore été actifs au moment où la décision Gamble de la Cour suprême du Canada est arrivée, elles auraient été libérées immédiatement. Ça n'a pas été le cas; elles ont dû passer par tout le processus de contrôle judiciaire parce qu'elles avaient été déclarées coupables dans le cadre des anciennes dispositions législatives sur le meurtre imputé.

C'est simplement un rappel du fait que, quand quelque chose semble relever de la rhétorique parfois à l'égard de certaines questions, il est important de regarder ce qui se cache derrière. Les femmes, et surtout les femmes autochtones — et les personnes qui ont pu être amenées à participer à des activités liées aux gangs — peuvent être déclarées coupables comme parties au contexte dans lequel elles n'ont pas pris part au meurtre en fait. Cela peut être vrai aussi d'autres personnes participant à ces activités de groupe.

Il est important de signaler que, lorsque le projet de loi était devant le comité permanent de la Chambre des communes, Sharon Rosenfeldt, de Victimes de violence, et moi avons comparu en même temps. Une chose qui est claire, c'est que la plupart des victimes auprès desquelles nous travaillons reconnaissent le fait qu'il y a peu de gens pour qui ce genre de disposition est nécessaire selon elles. On les amène souvent à croire à tort que nous avons besoin d'une nouvelle loi, plutôt qu'à penser que la loi peut être appliquée et qu'elle l'est, et qu'elle devrait être appuyée dans sa version actuelle plutôt que de faire l'objet de ce genre d'exercice visant à créer de nouvelles lois alors que nous n'en avons pas besoin.

J'ai hâte de répondre à vos questions, et merci beaucoup de votre invitation.

Leo Russomanno, représentant, Criminal Lawyers' Association : J'aimerais remercier le comité d'avoir invité la Criminal Lawyers' Association ou CLA. Personnellement, j'aime toujours beaucoup participer à des débats avec les législateurs, comme c'est le cas de la Criminal Lawyers' Association. J'aimerais que vous teniez compte du fait que Joseph Di Luca devait participer à la séance d'aujourd'hui et que ce n'est pas facile pour moi de le remplacer. Toutefois, j'ai examiné tous les documents, et je serai heureux de répondre aux questions.

Je vais commencer par parler un peu de la Criminal Lawyers' Association. Il s'agit d'une organisation sans but lucratif qui a été fondée en 1971 et qui représente plus de 1 000 avocats. Nos objectifs fondamentaux sont l'information, la promotion et la représentation des criminalistes à l'égard d'une vaste gamme de questions touchant le droit pénal et constitutionnel.

Avec les procureurs de la Couronne, nous formons la première ligne du système de justice pénale, ainsi que du système judiciaire. Aller à des conférences comme celles de la Criminal Lawyers' Association est l'une des parties de mon travail que j'aime le plus. J'aime discuter avec d'autres avocats, avec des procureurs de la Couronne et avec des membres de l'appareil judiciaire des nouveaux enjeux. Il ne fait aucun doute que nous surveillons de près ce que font nos législateurs, ainsi que le genre de messages qui sont envoyés au sujet de l'administration de la justice au pays.

Au chapitre de la détermination des peines et des sanctions au sein de notre système de justice pénale, la Criminal Lawyers' Association voit comme l'une de ses caractéristiques principales son équilibre, son caractère modéré et son approche mesurée à l'égard des sanctions; il ne favorise aucune idéologie au détriment de l'autre. Comme avocats, nous avons tendance à chercher des preuves lorsque nous voulons apporter des changements à la loi, dans les cas où il y a quelque chose de bien établi et qu'un changement radical est proposé. Comme avocats, nous examinons la preuve et les raisons pour lesquelles nous apporterions ces changements. Si ça fonctionnait jusqu'à maintenant, y a-t-il un problème à régler dans ce cas-ci? Voilà la question que je pose au comité lorsque j'examine le projet de loi.

La Criminal Lawyers' Association n'est pas en faveur du projet de loi. J'aimerais mettre cette affirmation en contexte de deux manières. D'abord, il s'agit d'un remède pour aucune maladie connue — il n'y a même pas de symptômes, d'après ce que je peux voir. À mon humble avis, il s'agit d'un projet de loi qui vise à chercher un problème.

Il n'y a pas de problème lorsque nous jetons un coup d'œil sur certains des chiffres cités par M. Gibbs, ainsi que sur le témoignage de M. Di Luca devant le comité de la Chambre des communes, qui comportait un chiffre que nous n'avons pas devant nous. Je vais y revenir dans une minute.

La deuxième chose que je veux aborder au sujet du projet de loi, c'est le message qu'il envoie aux Canadiens au sujet de l'administration de la justice et de la crise de confiance perçue à l'égard du système de justice pénale. Selon la Criminal Lawyers' Association, il n'y a pas de crise dans le système de justice pénale. Il y a une crise de confiance; ce sont deux choses distinctes. Que cette crise de confiance découle d'une véritable lacune fondamentale dans le système de justice pénale est une chose; qu'elle soit fondée sur le fait que la population est mal informée, ça en est une autre.

Je reprendrais les commentaires que M. Di Luca a formulés devant le comité de la Chambre des communes, c'est-à- dire que la crise de confiance est due au fait que la population est mal informée. L'une des choses que le projet de loi fait, c'est qu'il exacerbe ce manque d'information au sujet du système de justice pénale.

Je vais simplement citer le titre du projet de loi pour étayer mon affirmation. Le message implicite transmis par ce titre « Peines à rabais en cas de meurtres multiples », c'est que le deuxième meurtre est gratuit. Essentiellement, c'est ce que le titre laisse entendre.

À mon avis, ce n'est pas un bon message à envoyer au sujet de l'administration de la justice au pays. Comme travailleur de première ligne, je peux vous dire qu'il n'y a pas de rabais lorsqu'on commet un deuxième, un troisième ou un quatrième meurtre. Il n'y a pas de rabais du genre.

Je poserais la question suivante aux membres du comité : quel est le problème que le projet de loi vise à régler? Est-ce qu'il y a vraiment un rabais offert aux auteurs de meurtres multiples au Canada?

Ce que je dirais au comité, c'est que c'est une question de perspective. Si l'on faisait en sorte que la population comprenne bien quel est l'enjeu, je suis convaincu que celle-ci se rendrait compte du fait qu'il n'y a pas vraiment de rabais. Les choses sont très différentes en réalité.

Pour en revenir aux chiffres, nous savons qu'environ 75 p. 100 des auteurs de meurtres multiples n'obtiennent jamais de libération conditionnelle. Ce que nous ne savons pas, c'est ce qui suit : les 25 p. 100 qui restent et qui obtiennent la libération conditionnelle, pendant combien de temps attendent-ils avant de l'obtenir?

Voilà le chiffre auquel M. Di Luca a fait allusion dans son témoignage. Je répéterais aussi que c'est le chiffre que nous devons connaître pour tenir ce genre de débat, parce que c'est ce chiffre qui répond à la question suivante : quelle est la prime — ou le rabais, d'après le titre du projet de loi — que les gens obtiennent, si tant est qu'ils en obtiennent une?

Lorsque nous prenons l'autre chiffre qui a été cité par M. Gibbs, nous savons que les Canadiens qui purgent une peine d'emprisonnement à perpétuité obtiennent leur libération conditionnelle après environ 28 ans. C'est dans le haut du spectre par rapport aux autres pays industrialisés. Nous savons donc que la Commission des libérations conditionnelles n'est pas un organisme particulièrement clément, ce qui est bien.

Pour ce qui est de la question de la constitutionnalité, la position de la Criminal Lawyers' Association est qu'il est peu probable que la constitutionnalité du projet de loi pose problème, vu qu'il accroît le pouvoir discrétionnaire des juges. Le problème qui se pose aux yeux de la Criminal Lawyers' Association, c'est qu'il s'agit d'un pouvoir discrétionnaire binaire, c'est-à-dire qu'il semble que ce soit 25 ou 50 ans dans le cas de deux meurtres au premier degré. Cela ne signifie pas nécessairement qu'il ne pourra pas y avoir de problèmes en conjonction avec la suppression de la disposition de la dernière chance.

Je peux renvoyer les membres du comité à une affaire entendue par la Cour suprême du Canada. Je crois qu'il s'agit de l'arrêt R. c. Luxton rendu en 1990, dans lequel la Cour suprême du Canada dit de la disposition de la dernière chance qu'elle fait en sorte que les peines d'emprisonnement à perpétuité échappent à un examen au titre de la constitutionnalité. C'est une question particulière que le comité souhaitera peut-être examiner. Je dirais que le fait que l'application est discrétionnaire est peut-être ce qui sauve le projet de loi, mais le fait qu'elle est binaire — c'est-à-dire que c'est soit 25 ans soit 50 ans — pose particulièrement problème.

J'aimerais que les membres du comité gardent ce qui suit en tête. La CLA ne joue pas sur les mots lorsqu'il s'agit d'accroître la responsabilité dans le système judiciaire et de rétablir la confiance envers le système de justice pénale, mais j'aimerais que vous examiniez divers éléments. Le droit pénal est un instrument qui manque de précision et qui a une incidence importante sur la vie des gens, comme nous le savons tous, et il ne devrait pas être utilisé à des fins politiques.

Les membres du comité devraient aussi garder en tête l'idée de la libération conditionnelle comme récompense, comme une chose qui donne l'espoir aux personnes qui s'apprêtent à purger une peine d'emprisonnement à perpétuité. Ça sert à quelque chose; qu'il s'agisse d'un espoir qui ne sera jamais réalisé ne change rien, en ce sens que le fait de donner l'espoir à une personne qu'elle sortira après 25 ans, plutôt qu'après 50 ans, fait une différence en ce qui concerne le potentiel de réadaptation dans nos établissements. Je dirais qu'il pourrait également y avoir des problèmes de violence dans nos établissements s'il y avait un groupe de gens purgeant essentiellement une peine d'emprisonnement à perpétuité sans possibilité de libération conditionnelle.

Merci de m'avoir permis de témoigner.

Le sénateur Wallace : Merci de vos exposés. Monsieur Russomanno, ma première question s'adresse à vous. Vous avez dit quelque chose qui m'a surpris. J'ai peut-être mal compris ce que vous avez dit, mais j'ai eu l'impression que vous laissiez entendre que les personnes déclarées coupables de meurtres multiples n'obtiennent pratiquement jamais de libération conditionnelle. Ça contredit le témoignage que nous a livré plus tôt cet après-midi Mme Brisebois, de la Commission nationale des libérations conditionnelles du Canada.

Est-ce que j'ai bien compris ce que vous avez dit? Sur quoi cette affirmation est-elle fondée?

M. Russomanno : Je suis désolé; je n'étais pas ici lorsque la représentante de Statistique Canada a témoigné.

Le sénateur Wallace : C'était une représentante de la Commission nationale des libérations conditionnelles, en passant.

M. Russomanno : Oh, la Commission nationale des libérations conditionnelles. Le chiffre que j'ai donné vient du compte rendu d'audiences antérieures du comité de la Chambre. Il faut que je trouve la référence — je crois que c'était le 7 septembre 2010. Je regardais la séance en ligne à l'époque, et je pense que quelqu'un a mentionné cette non- statistique qui n'existait pas.

Je vais corriger ce que j'ai dit. C'était durant le témoignage de M. Di Luca le 2 décembre, lorsqu'il a mentionné le fait qu'il y a un chiffre dont nous ne disposons pas. Au milieu de la séance, quelqu'un a dû aller chercher le chiffre et a dit à M. Di Luca que, en fait, nous savons que 24 p. 100 des auteurs de meurtres multiples sont libérés sous condition.

C'est là-dessus que mon affirmation se fondait. Je pense que c'est un membre du comité qui a cité ce chiffre. Je peux certainement vérifier, si c'est possible. J'aimerais bien savoir quel chiffre a été cité plus tôt aujourd'hui.

Le sénateur Wallace : Le chiffre que nous a donné Mme Brisebois, de la Commission nationale des libérations conditionnelles, c'est qu'il y a 421 délinquants qui ont fait plus d'une victime, et que, de ces 421 délinquants, 95 sont actuellement en libération conditionnelle.

M. Russomanno : Je pense qu'il s'agit du même chiffre; c'est à peu près ça. Lorsque j'ai parlé de 75 p. 100, ça aurait pu être 74 p. 100 ou 76 p. 100; je ne suis pas tout à fait sûr.

Toutefois, je crois que c'est de là que le chiffre vient, parce que je me rappelle que le député qui a cité le chiffre a dit qu'il pensait qu'il s'agissait de seulement 26 délinquants sur 421 et non de 26 p. 100. Il a laissé entendre que c'était un nombre élevé d'auteurs de meurtres multiples qui avaient obtenu leur libération conditionnelle. Ce sont les mêmes chiffres.

Le sénateur Wallace : Merci.

Monsieur Gibbs, j'ai une question à vous poser. L'article 5 du projet de loi prévoit que les périodes d'inadmissibilité à la libération conditionnelle pour les personnes déclarées coupables de meurtre seraient purgées de façon consécutive plutôt que simultanée, comme c'est le cas à l'heure actuelle. Que le mot « rabais » soit le bon ou non, j'ai l'impression — et vous pourriez éclaircir ce point pour moi — que, dans le cadre du système actuel, il semble n'y avoir que peu de conséquences découlant d'un deuxième meurtre.

Une personne est déclarée coupable d'un meurtre et ensuite déclarée coupable d'un autre meurtre.

Si les peines sont concurrentes, les conséquences ne sont pas très importantes sur le plan de l'admissibilité à la libération conditionnelle à l'égard du deuxième meurtre. Peut-être que c'est de là que ça vient. Il y a un rabais ou une absence de responsabilité à l'égard de la peine purgée pour le deuxième meurtre. Pouvez-vous m'éclairer à cet égard?

M. Gibbs : C'est la première fois que j'entends le terme « rabais ». Une personne qui est déclarée coupable de meurtre, que ce soit un meurtre au deuxième degré ou un meurtre au premier degré — disons que c'est un meurtre au premier degré dans ce cas-ci — se voit imposer une peine obligatoire de 25 ans avant d'être admissible à la libération conditionnelle. La personne a amplement le temps de faire quelque chose de sa vie, de réfléchir à l'acte qu'elle a posé et de présenter sa cause à la Commission nationale des libérations conditionnelles. Cependant, même dans ces circonstances, il est très clair qu'il n'y a aucune garantie. Les statistiques montrent que les délinquants qui sont dans cette situation purgent généralement une peine d'au moins 28 ans. Aujourd'hui, c'est probablement plutôt autour de 30 ans, puisque ces statistiques remontent à 1999. Ça fait déjà plus de 10 ans.

Je ne vois pas quel avantage il y aurait à doubler la durée de la période. À moins que la personne ne soit emprisonnée dans la vingtaine ou dans la trentaine, elle va mourir en prison. C'est comme si on lui imposait une peine d'emprisonnement à perpétuité sans possibilité de libération conditionnelle.

Le sénateur Wallace : Ne seriez-vous pas d'accord pour dire que, sans le projet de loi C-48, le deuxième meurtre n'aurait aucune conséquence pour l'accusé sur le plan de la durée de la peine purgée? Les chiffres que vous m'avez présentés ont trait à des cas où il n'y a eu qu'un seul meurtre.

M. Gibbs : Qu'elle ait commis un seul meurtre ou deux meurtres, la personne va purger une peine d'au moins 25 ans. À mes yeux, c'est amplement suffisant. Je ne vois pas quel avantage il pourrait y avoir à prolonger la durée de la peine. C'est une façon d'accroître la sanction et de réduire l'espoir. Si on double la durée de la peine, ou même si on l'augmente de la moitié, il s'agit d'une peine d'au moins 40 ans.

La présidente : Sénateur Wallace, Mme Pate veut intervenir.

Le sénateur Wallace : J'aimerais terminer. Du point de vue de l'accusé ou du condamné, ce que vous dites est vrai. Cependant, du point de vue des membres de la famille des victimes, il semble n'y avoir aucune conséquence. La peine n'est pas majorée s'il y a un deuxième meurtre. Est-ce qu'il y a quelque chose que je ne comprends pas? J'ai écouté ce que vous avez dit, mais je ne vois pas le lien avec ce que je dis.

M. Gibbs : La famille de la victime, dans ce cas-ci, ne voudrait pas qu'il y ait de libération conditionnelle du tout, et on ne peut l'en blâmer. Elle voudrait qu'il n'y ait aucune possibilité de libération conditionnelle. Toutefois, ce n'est pas ce que prévoit la loi au Canada. Nous avons un système de libération conditionnelle régi par des dates d'admissibilité, et ainsi de suite.

Le sénateur Wallace : Exactement. Il faut que le système soit juste. Selon les principes de la détermination de la peine, celle-ci doit être proportionnelle à la gravité de l'infraction et au degré de responsabilité du délinquant. Lorsque deux meurtres ont été commis, l'incidence sur la société est plus grave que lorsqu'il n'y a qu'un meurtre.

Désolé, madame Pate. Je vous ai interrompu tout à l'heure.

Mme Pate : J'essaie d'intervenir et je ne me contiens plus. Sénateur Wallace, je comprends votre question. Je ne pense pas que qui que ce soit pourrait entendre cela et ne pas être d'accord avec le fait qu'il va y avoir une incidence sur la lourdeur de la peine, en fonction du contexte et de ce qui s'est passé. Il va y avoir une incidence. Il s'agit de 421 personnes dont la Commission des libérations conditionnelles a dit qu'elles sont en liberté conditionnelle dans la collectivité. C'est le cas depuis que les dispositions ont été adoptées, c'est-à-dire depuis au moins 35 ans et peut-être même plus. Nous parlions aussi de gens qui sont rendus très âgés, de gens qui étaient des condamnés à perpétuité en libération conditionnelle avant l'abolition de la peine capitale.

Une partie du problème sur lequel nous revenons constamment chaque fois que nous tenons des débats sur ce genre de projet de loi, c'est la perception. Plutôt que de corriger les fausses perceptions, nous les faisons perdurer en disant que ces nouvelles lois sont nécessaires alors que, en fait, nous savons que les gens qui posent les risques en question ne sortent pas. Clifford Olson, Bernardo et Pickton étaient tous connus du système avant de tuer qui que ce soit et ne seront probablement jamais en liberté conditionnelle. Nous avons mis des lois à l'essai, plutôt que d'informer les gens au sujet du fait que les répercussions d'une nouvelle loi du genre pourraient être beaucoup plus importantes sur des personnes qui pourraient finir par contribuer à la vie de la collectivité. Si nous voulons modifier tout le système en place pour qu'il soit fondé sur la justice vengeresse à des cas individuels, alors nous devons tenir un débat clair à cet égard au pays. Nous évitons ce débat en adoptant ce genre de loi. Ces lois exigent une bonne partie de votre temps, de notre temps, ainsi que beaucoup de ressources publiques, alors qu'elles ne changent pas grand-chose sur le plan des répercussions, mis à part l'accroissement de la durée de la période que les gens passent en détention. Il s'agit notamment de gens qui, dans un autre contexte, pourraient sortir et contribuer à la vie de la collectivité.

Il y a eu un meurtre dans ma famille, et je ne veux pas que ce soit une décision prise dans un moment qui ne permet pas de retourner en arrière. Je crois que ceux d'entre vous qui faites les lois et ceux d'entre nous qui travaillons dans le domaine allons faire un pas en arrière et déterminer avec réalisme la meilleure façon d'accroître la sécurité publique, de créer le pays dans lequel nous voulons tous vivre, de ne pas décimer toutes les autres possibilités d'obtenir de l'aide et tous les autres services et de ne pas décimer les principes mêmes qui nous sont chers sur les plans de la justice et des droits de la personne. Le Canada a depuis longtemps une réputation qui est bien connue et qu'il mérite bien, mais qui est en train d'être détruite à l'échelle internationale. Essentiellement, nous devons examiner les raisons pour lesquelles nous cherchons à faire adopter ce genre de dispositions alors qu'elles ne répondent pas vraiment à un besoin.

Le sénateur Wallace : J'aurais d'autres réflexions à faire, mais je vais laisser tomber.

La présidente : Merci, sénateur Wallace.

[Français]

Le sénateur Carignan : Ma question s'adresse aux trois témoins. Elle va un peu dans le même sens que celle du sénateur Wallace. Les témoins précédents nous ont dit que, d'un point de vue statistique, il n'y avait pas vraiment de différence, au niveau du temps purgé, entre une personne qui a été reconnue coupable d'un meurtre et une autre personne qui a été reconnue coupable de meurtres multiples; cela semblait être à peu près de même niveau.

Est-ce que vous ne ressentez pas un malaise vis-à-vis du fait que le temps purgé soit à peu près le même pour quelqu'un qui tue une personne et quelqu'un qui tue deux ou trois personnes? Ne ressentez-vous pas un certain malaise face à cela, au-delà des principes que vous avez mentionnés concernant la réhabilitation et ce que contient la loi actuellement? Quelques-unes de vos réponses étaient : « c'est le système légal que nous avons et nous l'aimons ainsi. » Nous, notre travail est de le modifier pour qu'il corresponde aux valeurs des Canadiens et des Canadiennes.

En résumé, est-ce que vous êtes à l'aise avec le fait qu'on ait à peu près la même peine dans un de meurtre simple ou un cas de meurtres multiples?

[Traduction]

Mme Pate : Si c'était bel et bien ce qui se passait, oui, je le serais. Toutefois, ce n'est pas ce qui se passe. Je suis extrêmement préoccupée par le fait que la perception demeure, selon laquelle c'est ce qui se passe. Si les personnes qui purgent des peines pour meurtres multiples sortaient après 15 ans — disons à l'issue du contrôle judiciaire — ou après 25 ans ou 10 ans, en fonction de l'endroit où elles sont déclarées coupables, ce serait préoccupant.

Ce n'est cependant pas ce qui se passe. Il peut y avoir des cas très isolés et très inhabituels. Le cas d'une femme et d'une jeune personne me vient en tête où, comme le projet de loi le permettrait encore, le juge pourrait utiliser son pouvoir discrétionnaire pour déterminer le contexte dans lequel les actes ont été commis et la situation de la personne, de la victime, toutes ces situations. Le projet de loi le permet encore.

Je dis cela avec le plus grand respect, mais le malaise que j'ai me vient du fait que nous revenons constamment à l'idée de changer les lois alors qu'il n'est pas vraiment nécessaire de les modifier. Il faut vraiment que nous nous attaquions avec bravoure et courage à ce manque d'information qui est perpétué et que, plutôt que de faire des choses comme ce qui est en cours, nous utilisions les ressources pour fournir ce dont les victimes ont besoin dans la collectivité.

J'aimerais beaucoup voir les ressources mises en place pour que, lorsqu'une personne est à risque, elle ne finisse pas par se retrouver dans une situation où elle peut elle-même au bout du compte perpétrer des crimes, être victimisée de nouveau ou quelque chose du genre. Nous nous approchons dangereusement de la suppression de beaucoup de ces services. Je parle non pas des gens qui sont déjà criminalisés et emprisonnés, mais bien de la population du Canada en général.

Je suis extrêmement préoccupée par le fait que le projet de loi s'inscrit dans une continuité. Si quiconque pouvait me dire qui sont les gens qui ont commis des meurtres multiples, qui circulent librement et qui causent des troubles dans nos rues et sèment la peur dans le cœur des gens, je serais aussi préoccupée que les personnes que j'ai entendues exprimer leurs préoccupations. Je ne dis pas que c'est ici que j'ai entendu ces préoccupations. Toutefois, ça fait maintenant 20 ans que des lobbyistes diffusent de l'information erronée sur la Colline du Parlement. Je ne suis pas surprise que bon nombre d'entre vous et beaucoup de députés entendent des versions des faits différentes, mais l'inexactitude et le manque de données probantes dans certains documents qui sont présentés me donnent froid dans le dos.

La présidente : Voulez-vous ajouter quelque chose?

M. Russomanno : Je pense que la réponse de Mme Pate est assez complète. Pour en venir à la question précédente, ça se réduit vraiment à une question d'optique lorsqu'on envisage les meurtres multiples. La peine est l'emprisonnement à perpétuité. Nous sommes tous en mesure de comprendre le non-sens que seraient des peines d'emprisonnement à perpétuité consécutives. Ça n'a pas vraiment beaucoup de sens.

Si l'on prend l'exemple des États-Unis, où une personne peut être condamnée à l'emprisonnement à perpétuité sans possibilité de libération conditionnelle pour avoir commis un seul meurtre, on peut dire que la personne obtient un rabais si elle commet deux meurtres, puisqu'elle devait recevoir une peine d'emprisonnement à perpétuité sans possibilité de libération conditionnelle de toute façon. Ainsi, la personne n'obtient-elle pas un rabais?

Ce n'est pas vraiment de ça qu'il s'agit ici. Il y a deux expédients dans ce cas-ci. Lorsqu'une personne est déclarée coupable de meurtres au premier degré multiples, nous savons tous que la période maximale d'inadmissibilité à la libération conditionnelle est de 25 ans. Toutefois, le fait que la personne ait commis deux, trois ou quatre meurtres n'échappe pas à la Commission des libérations conditionnelles nommée par le gouvernement. C'est ce qui explique, je dirais, la raison pour laquelle les gens qui commettent des meurtres multiples n'obtiennent pas la liberté conditionnelle au même rythme que les gens qui commettent un seul meurtre.

Pour ce qui est des meurtres au deuxième degré, il y a un pouvoir discrétionnaire qui permet d'établir la période d'inadmissibilité entre 10 et 25 ans. Automatiquement, une personne qui commet deux meurtres au deuxième degré ne se verra pas imposer une période d'inadmissibilité à la libération conditionnelle de 10 ans, puisqu'il s'agit du strict minimum. Le fait que la personne ait commis un deuxième meurtre sera automatiquement pris en considération par le juge qui détermine la peine.

Il y a cet expédient par rapport au juge qui impose la peine ainsi qu'à la Commission des libérations conditionnelles. Je n'ai pas vraiment eu l'occasion d'aborder ce point plus tôt. Lorsqu'on parle d'une période d'inadmissibilité à la libération conditionnelle de 50 ans, on offre au juge la possibilité d'envisager les 50 prochaines années. Qui est le mieux placé pour surveiller quelqu'un, pour évaluer ses progrès et voir si la personne pose un risque pour la collectivité? Est- ce le juge 50 ans auparavant, ou est-ce la Commission des libérations conditionnelles, nommée par le gouvernement et dotée des outils nécessaires pour évaluer le risque pour la collectivité? Je dirais que c'est la Commission des libérations conditionnelles, et je ne crois pas qu'il y ait quelque raison que ce soit de douter de la capacité de la Commission de déterminer ce genre de choses.

[Français]

Le sénateur Carignan : Le juge prend sa décision au moment où il a entendu l'ensemble de la preuve sur le caractère répugnant ou ignoble du meurtre ou des circonstances du meurtre et avec toute la connaissance de l'impact sur les victimes.

Cela le place tout de même dans une position privilégiée afin de fixer une période de non admissibilité à la libération conditionnelle, comparativement à la Commission nationale des libérations conditionnelles qui, elle, 25 ans plus tard, se retrouve avec un meurtrier qui est peut-être un manipulateur. Des criminologues disent que beaucoup de ces gens sont de grands manipulateurs. Avec des témoins, une distance et des événements, peut-être est-on moins à même de mesurer, 25 ans plus tard, l'impact qu'un meurtre a pu avoir.

Ne pensez-vous donc pas que le juge est bien positionné lorsqu'il décide de la période d'inadmissibilité?

Dans un deuxième temps, vous avez parlé des statistiques. Vous dites que c'est un nombre de 95 qui sont en libération conditionnelle totale. Toutefois, combien sont en libération conditionnelle, mais pas de façon totale? Je pose la question dans le sens qu'ils ont soit des rapports à produire ou des week-ends seulement de libération. Peut-être le nombre est-il encore plus important, et le nombre de 95 est quand même un nombre relativement important.

[Traduction]

Mme Pate : Je serais d'accord. Dans ce cas, la question devient la suivante : pourquoi intervenir à l'égard des dispositions qui prévoient un examen après 15 ans? C'est la raison même pour laquelle ces dispositions ont été adoptées à l'époque de l'abolition de la peine capitale. Elles l'ont été pour permettre une approche mesurée. Il s'agit d'un critère très strict qui est de nouveau soumis au juge. Il ne s'agit pas seulement d'une apparence de réalité quant au fait qu'une personne puisse bel et bien comparaître devant un jury, dans la collectivité où elle a été déclarée coupable, avec la participation des victimes et la possibilité pour elles de fournir de l'information.

J'ai participé à beaucoup de contrôles judiciaires du genre, et je peux vous dire que le juge examine l'information, et le jury aussi. Je dirais que la personne ne peut pas manipuler tous les membres du jury en présence des victimes venues témoigner et du juge en chef qui détermine si l'affaire peut même être entendue. Il y a tellement d'étapes à suivre avant d'en arriver là.

Pour moi, c'est clairement une raison de plus pour préserver la fonction de contrôle judiciaire. Ça revient exactement à ce que vous disiez par rapport aux raisons pour lesquelles vous commenceriez par dire que les juges ont voix au chapitre.

[Français]

Le sénateur Carignan : Si vous me permettez, quel est l'élément nouveau? Quand le juge va entendre une cause, vous dites qu'il y aura tout ce qui s'est passé dans le procès, y compris le caractère ignoble, et il va donc pouvoir mesurer tout cela. Vous dites également que le criminel va avoir de la misère à manipuler tout ce monde. Évidemment, il ne pourra pas changer la preuve de ce qui a été fait avant, donc quel est l'élément nouveau? Ce sera son comportement à lui. Il pourra laisser croire qu'il ne constitue plus une menace pour la société et ce sera très suggestif. Ce sera dans son comportement. Il pourra être un bon manipulateur. Je peux vous dire que je n'ai pas connu beaucoup de meurtriers dans ma vie, mais parmi les fraudeurs à cravate, comme ceux dont on a parlé, il y en a qui sont vraiment de bons manipulateurs. Il y a quand même un risque que ces gens jouent à la réhabilitation pour pouvoir quitter la prison. Ils pourraient se présenter comme des anges tout d'un coup.

[Traduction]

Mme Pate : La fraude est une question tout à fait différente. Si nous parlons de gens qui sont emprisonnés pour meurtre, je n'ai jamais encore rencontré personne qui puisse passer toute une peine d'emprisonnement à perpétuité à manipuler tout le monde autour de soi. Il est possible, théoriquement, qu'une personne capable de le faire existe. Cependant, d'après mon expérience, et surtout le travail auprès des jeunes, des hommes — et pendant presque l'intégralité des 20 dernières années, les femmes et les filles —, on ne voit pas ce genre de chose.

Il est difficile d'avoir toujours le même comportement, à moins que ce soit un comportement sincère, pendant une période aussi longue. Peu importe qui est en prison — vous, moi, n'importe qui —, si le comportement n'est pas sincère, il est peu probable qu'il demeure constant.

Les gens qui sont emprisonnés sont surveillés dès le jour où ils arrivent en prison par tout un groupe de gens. Je comprends la préoccupation. Si je ne connaissais rien du système, j'aurais probablement la même. C'est pourquoi, encore une fois, je dis que nous devons corriger le problème d'information qui existe, pas l'aggraver.

M. Russomanno : J'ai énormément confiance en notre système de justice et en nos juges. Cependant, la détermination de la peine n'est pas un calcul simple. Lorsqu'on envisage une période de 25 ou de 50 ans, il va toujours y avoir une limite à la capacité d'un juge d'envisager l'avenir; la question de savoir si la période devrait se terminer après 25 ans, 26 ans ou 24 ans ou aller jusqu'à 50 ans; ce n'est pas une science exacte.

Je répondrais à votre question en disant d'abord que j'ai énormément confiance en nos juges; c'est la raison pour laquelle je suis en faveur du pouvoir discrétionnaire. Toutefois, je pense qu'il y a effectivement une limite. Comme j'ai confiance en nos juges, je pense que si le projet de loi est adopté, cette disposition binaire qui permet d'imposer une période de 25 ans, de 50 ans ou de 75 ans ne sera pas utilisée très souvent. Elle ne sera pas utilisée très souvent parce que je crois que nos juges seront extrêmement réticents à envisager une période aussi longue dans l'avenir, sachant ce qu'ils savent.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Merci à vous d'être présents aujourd'hui. Je vais être d'accord sur un point avec vous : tout est une question de perspective. Je vais vous donner la perspective d'un père dont la fille a été assassinée par un récidiviste, et je vais essayer d'être le plus tolérant possible.

Monsieur Russomanno, vous dites qu'il faudrait éduquer le public. J'ai passé six ans à éduquer le public parce que j'étais membre d'une association qui éduquait les familles sur le système carcéral et sur le système de justice. Je vous dirais que plus le public était éduqué, plus il était frustré. Plus il était éduqué, plus il comprenait le laxisme et la tolérance du système, et que tout est axé sur le droit du criminel.

Je comprends que vous êtes de l'autre côté de la clôture. Vous êtes du côté des criminels et vous défendez un peu votre business. Ma question s'adresse à vous trois. On va être d'accord que le Code criminel et les lois, ce n'est pas encore la perfection au Canada, à moins que vous admettiez que nous sommes dans un système qui vise la perfection. Avec quels projets de loi qui visaient à renforcer les sentences ou le Code criminel ou à avoir une approche plus dure envers les criminels étiez-vous d'accord depuis cinq ans? Quels projets de loi avez-vous défendus depuis cinq ans?

[Traduction]

Mme Pate : Lorsque la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition et la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents ont été présentées, il y avait des choses dont nous pensions qu'elles pouvaient être améliorées et des choses avec lesquelles nous étions d'accord. Peu importe lesquelles, il y avait deux gouvernements différents qui présentaient des projets de loi à l'époque, mais il y avait deux projets de loi qui envisageaient les services correctionnels d'une façon qui avait une incidence pour les victimes et qui tenait compte de leur apport, ainsi qu'une façon réaliste d'examiner les moyens d'offrir du soutien aux personnes qui sont le plus à risque, jeunes et adultes.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Je vous parle du Code criminel. On a fait en sorte que le Code criminel soit porteur de justice dans le sens où lorsqu'il y a un crime grave, il y a une sentence plus grave. C'est la base de notre système de justice au Canada. Mon problème n'est pas avec la justice. La justice donne une sentence et ensuite, on a un système carcéral qui administre la sentence. On vient mettre toutes sortes de petits critères qui font que le criminel à qui on a donné 25 ans ferme sans possibilité de libération conditionnelle commence à pouvoir sortir les fins de semaine après dix ans. Après 15 ans, il est admissible à une libération conditionnelle. Les gens ne le savent pas. Quand les gens l'apprennent, ils se demandent s'il y a deux systèmes de justice au Canada : la sentence donnée par un juge, qui est relativement sévère, et le système carcéral qui vient un peu dénaturer l'importance des sentences en ayant ses propres règles du jeu.

La présidente : Sénateur Boisvenu, on commence à être un peu à court de temps.

[Traduction]

Je pense que la question fondamentale, c'est : est-ce que l'un ou l'autre d'entre vous a appuyé un quelconque projet de loi venant accroître les peines ou les rendre plus sévères d'une manière ou d'une autre?

[Français]

Est-ce que cela résume bien votre pensée?

Le sénateur Boisvenu : Vous êtes encore meilleure que moi, madame la présidente.

[Traduction]

Mme Pate : Dans le contexte du travail que j'ai accompli sur la violence faite aux femmes, oui, il y a eu certaines choses concernant des pratiques de mise en accusation obligatoire, lorsque nous n'arrivions pas à faire intervenir la police quand quelqu'un l'appelait. Il y a quelques exemples comme ça.

Bon nombre d'entre nous reconnaissent le fait qu'à moins de faire changer les gens d'attitude et de les informer, on ne modifie pas les comportements dans le système non plus. Ce serait la première chose.

Les projets de loi au sujet desquels j'ai pris la parole, je reconnais qu'il ne semble pas qu'ils modifiaient le Code criminel, mais ils ont une incidence sur le Code criminel aussi. Ce sont des domaines. Croyez-moi, si, au cours des 27 années écoulées depuis que je fais ce genre de travail, j'avais constaté l'existence de répercussions positives, mon point de vue serait entièrement différent aujourd'hui.

M. Russomanno : En ce qui concerne les projets de loi qui visent à accroître les sanctions, non, je ne peux pas dire — et je m'exprime en mon nom personnel — que je suis en faveur de la suppression du pouvoir discrétionnaire, parce que je pense que les juges déterminent les peines correctement. Ça ne signifie pas que je ne suis pas en faveur de peines sévères pour les criminels, surtout lorsque les victimes sont des membres vulnérables de la société — l'exploitation sexuelle des enfants, par exemple. Cependant, je ne pense pas que le pouvoir législatif ait à dire aux juges qu'ils doivent faire quelque chose qu'ils font déjà; c'est mon point de vue personnel.

Je suis en faveur, comme Mme Pate, des changements concernant la suppression du pouvoir discrétionnaire lorsqu'il est question des pratiques de mise en accusation et de voies de fait contre un membre de la famille. Je pense que cela a à voir avec un autre secteur vulnérable de notre société.

En ce qui concerne les peines plus sévères, je pense que s'il y avait un problème, par exemple, si l'appareil judiciaire imposait régulièrement des assignations à résidence ou des probations pour exploitation sexuelle ou fraude grave en milieu de travail — je pourrais citer n'importe quelle catégorie d'infractions graves — s'il y avait vraiment un problème à cet égard, je serais en faveur de l'adoption de ces minimums obligatoires par le gouvernement. Toutefois, il n'y a pas de problème à cet égard, selon moi.

Je veux revenir sur quelque chose aussi.

La présidente : Gardez en tête le fait que nous sommes presque à court de temps et qu'il reste encore une question complémentaire et un intervenant à qui ce sera au tour de poser des questions.

M. Russomanno : D'accord. Pour ce qui est de tout le paradigme des droits, je comprends que les victimes peuvent être extrêmement frustrées dans le système de justice pénale et que le système de justice pénale ne peut pas compenser la perte que les victimes ressentent, mais les droits sont pour tous.

Je ne suis pas en faveur des droits des criminels; la CLA n'est pas en faveur des droits des criminels. Nous ne faisons pas de lobbyisme en faveur des criminels. Nous sommes partisans des droits pour tout le monde. Dans notre société, cela inclut les gens qui sont accusés de crimes. Je n'accepterais pas cette dichotomie des droits des victimes et des droits des criminels.

La présidente : Le sénateur Wallace veut poser une brève question complémentaire.

Le sénateur Wallace : Monsieur Russomanno, j'ai écouté avec intérêt vos déclarations passionnées au sujet du pouvoir discrétionnaire et du fait que, d'une façon quelconque, le projet de loi C-48 supprime ce pouvoir discrétionnaire. Néanmoins, je suis certain que vous savez que l'article 5 est fondé sur un pouvoir discrétionnaire. L'imposition de périodes d'inadmissibilité à la libération conditionnelle consécutives ou concurrentes est discrétionnaire.

Compte tenu de toutes les choses positives que vous avez dites au sujet de l'appareil judiciaire, et c'est celui-ci qui rend les décisions en question, ne seriez-vous pas d'accord pour dire que le projet de loi en tient compte?

M. Russomanno : Je serais certainement d'accord. Je n'ai pas critiqué le projet de loi en disant qu'il limite le pouvoir discrétionnaire.

Le sénateur Wallace : Je pensais que c'était précisément ce que vous aviez dit.

M. Russomanno : Non, c'était ma réponse à la question du sénateur Boisvenu qui m'a demandé si j'étais en faveur de l'accroissement des peines imposées aux criminels. Je parlais des peines minimales obligatoires et de la suppression du pouvoir discrétionnaire dans ces cas.

Le projet de loi permet clairement aux juges de choisir. Dans ma déclaration préliminaire, j'ai laissé entendre que le pouvoir discrétionnaire accordé est peut-être ce qui permet au projet de loi d'échapper à un handicap constitutionnel. Comme la CLA, je préférerais que ce ne soit pas binaire. Je pense que c'est ce qui pose problème. Cependant, je ne pense pas que le projet de loi supprime un pouvoir discrétionnaire.

J'ai décrit les autres problèmes qui se posent selon moi. Je pense qu'il s'agit d'un remède à aucune maladie et qu'il envoie un message au sujet de notre système judiciaire qui, selon moi, ne reflète pas la réalité. Cependant, je ne pense pas que la suppression d'un pouvoir discrétionnaire soit la caractéristique principale du projet de loi.

Le sénateur Wallace : Merci de l'avoir précisé. C'est ce que j'avais compris.

M. Russomanno : Je m'en excuse.

Le sénateur Baker : Je tiens à remercier les témoins de leurs commentaires éclairés au sujet du projet de loi. M. Gibbs a tout à fait raison de replacer dans un contexte historique ce qui s'est passé en 1976 et de dire que les dispositions qui ont découlé de cette décision du pouvoir législatif ont été inscrites dans le code. J'étais député à l'époque, et nous avons supprimé la peine de mort. Il fallait mettre certaines dispositions en place pour être capable de vendre l'idée à la population.

Permettez-moi de poser deux questions. Monsieur Russomanno, vous avez mentionné l'arrêt Luxton de la Cour suprême du Canada. Ne seriez-vous pas d'accord avec moi pour dire que la décision rendue à l'époque était fondée sur la version du code de l'époque, selon laquelle la disposition de la dernière chance n'était pas accessible aux personnes ayant commis plus d'un meurtre. C'était dans le Code criminel. Une personne ayant commis plus d'un meurtre ne pouvait pas s'en prévaloir. Le Code criminel prévoyait aussi, comme vous le savez, qu'une personne déclarée coupable de plus d'un meurtre se voyait imposer une période d'inadmissibilité à la libération conditionnelle obligatoire de 25 ans, comme vous l'avez mentionné.

La décision Luxton tenait aux articles 7 et 12 de la Charte et à la question de savoir s'il s'agissait d'une peine cruelle ou inhabituelle ou en quelque sorte d'une violation d'un principe de justice fondamentale. En ce qui concerne la période de 25 ans obligatoire, vous aviez raison de dire que la Cour suprême du Canada a dit que l'une des raisons pour lesquelles celle-ci était constitutionnelle, c'était qu'il y avait un examen au bout de 15 ans qui était intégré au système. Cependant, ça ne s'appliquait qu'aux meurtres simples; ça ne se serait pas appliqué aux meurtres multiples. S'il s'agissait de meurtres multiples, le délinquant ne pouvait pas se prévaloir de la disposition de la dernière chance.

M. Russomanno : Ce que je sais de la suppression de la disposition de la dernière chance pour les meurtres multiples, c'est que le changement a pris effet en 1996 ou 1997. Qu'on me corrige si je me trompe, puisque c'est une estimation.

Le sénateur Baker : Le changement a pris effet en 1996 ou 1997 aux termes du paragraphe 746(2). Avant ça, il n'y avait rien dans le code.

M. Russomanno : Jusque-là, les auteurs de meurtres multiples ne pouvaient pas se prévaloir de cette disposition. Je pense que l'arrêt Luxton est antérieur à ce changement, auquel cas la Cour suprême du Canada parlait de la possibilité pour toutes les personnes déclarées coupables de meurtre de se prévaloir de la disposition de la dernière chance.

Le sénateur Baker : En fait, vous dites que le projet de loi pose un problème sur le plan de la constitutionnalité.

M. Russomanno : En conjonction avec la suppression de la disposition de la dernière chance, l'arrêt Luxton laisserait entendre qu'il y a peut-être un problème. Essentiellement, comme vous l'avez dit, la constitutionnalité des peines d'emprisonnement à perpétuité obligatoires assorties d'une période d'inadmissibilité à la libération conditionnelle de 25 ans a été remise en question. La Cour suprême du Canada semble avoir fait remarquer que l'existence de la disposition de la dernière chance atténuait à tout le moins en partie la sévérité de la peine, tout comme la décision de la Cour suprême du Canada dans R. c. Lyons a confirmé la constitutionnalité de la législation sur les délinquants dangereux parce que la libération conditionnelle était prévue après cinq ou sept ans...

M. Gibbs : Sept, je crois.

M. Russomanno : Merci. C'était donc quelques années plus tard.

C'est la même idée. Ça pourrait être une préoccupation, en conjonction avec la suppression de la disposition de la dernière chance.

La présidente : Sénateur Baker, le sénateur Carignan brûle de poser une question supplémentaire. Ça vous dérangerait?

Le sénateur Baker : Pas du tout.

[Français]

Le sénateur Carignan : Quant à la question de la peine inusitée et disproportionnée, vous parlez du principe de la lueur d'espoir.

La Cour suprême, dans l'arrêt Ferguson, en 2008, donnait un test à savoir que la peine doit être excessive au point d'être incompatible avec la dignité humaine et qu'elle doit être disproportionnée au point où les Canadiens considéreraient cette peine comme étant odieuse ou intolérable.

Croyez-vous vraiment que les Canadiens considéreraient de ne pas purger les peines de façon concurrente mais de façon consécutive? Pensez-vous réellement que si on menait un sondage parmi les Canadiens, ils trouveraient que c'est disproportionné, que c'est odieux, que c'est intolérable?

[Traduction]

M. Russomanno : Je vais vous donner une réponse brève : la majorité des Canadiens trouveraient peut-être que c'est le cas. Ce n'est pas vraiment la fonction du système judiciaire ou celle de la Charte. Franchement, ceux-ci n'ont pas pour objectif de refléter les points de vue de la majorité des Canadiens.

Le sénateur Baker : Il y a le paragraphe 24(2).

M. Russomanno : C'était ma réponse brève.

Le sénateur Baker : Il s'agit du paragraphe 24(2) de la Charte.

M. Gibbs : Je voulais simplement appuyer ce que mon collègue dit.

Mme Pate : Je pense que la question de l'intolérance est une question de contexte, fondée sur l'information dont le public dispose. Que ce soit notre organisation, moi personnellement ou les enquêtes qui ont été menées, plus on donne d'information au public au sujet du contexte, plus il trouve tolérable une gamme d'options et moins il est susceptible d'exiger la prison seulement et de réagir en faisant de la prison la norme.

Encore une fois, ça revient à ceci : si on demande à quelqu'un, par exemple, si, lorsqu'une personne fait quelque chose de mal, elle devrait aller en prison, beaucoup de gens vont répondre « oui ». Si la question est « Que voulez-vous accomplir par ce moyen? » les gens répondent invariablement en citant toutes sortes d'autres options créatives concernant le fait d'obliger une personne à assumer ses responsabilités, les mesures de réparation, la dissuasion des autres et tous les principes que nous estimons et dont nous faisons la promotion en rapport avec notre Code criminel et nos dispositions relatives à la détermination de la peine, surtout.

Toutefois, faire de la prison la norme ne sera pas nécessairement la première réaction. Toutes les études qui ont été réalisées et, d'après mon expérience, même certaines des collectivités les plus privilégiées et qui n'ont pas nécessairement une grande tolérance pour les gens les plus marginalisés, proposent des mesures très différentes lorsqu'elles disposent d'information et d'une gamme d'options.

La présidente : Nous dépassons rapidement le temps prévu, et le sénateur Baker n'a pas encore tout à fait terminé.

Le sénateur Baker : Une dernière question et observation. Les juges doivent constamment déterminer ce qui pourrait choquer la conscience collective ou faire mal paraître l'administration de la justice.

Ma question concerne les objections formulées par la population à l'égard du projet de loi. Une bonne partie du soutien relatif au projet de loi vient de gens et de groupes. Comme Mme Pate l'a mentionné, Clifford Olson n'obtiendra probablement jamais de libération conditionnelle. Cependant, Clifford Olson, et toutes les autres personnes que Mme Pate a nommées, ont droit, après 25 ans, à un examen tous les deux ans. Dans tous les cas, la famille des victimes souhaite présenter des observations. Les gens se retrouvent dans la même salle que Clifford Olson, qui a dit au début de la séance l'an dernier qu'il faudrait être fou pour lui accorder une libération conditionnelle.

Est-ce qu'une procédure quelconque pourrait être prévue par le code dans le but de prévenir ce genre de situation?

Mme Pate : Sans aucun doute. Toutefois, je formule toujours une mise en garde à cet égard. Le principe qu'on enseigne à tous en droit, c'est que les cas exceptionnels ne devraient pas motiver le droit. Dans ce cas-ci, nous ferions quelque chose de beaucoup plus utile en fournissant le soutien nécessaire aux victimes pour leur expliquer qu'il s'agit d'un droit protégé par la Constitution pour une raison. Nous pouvons évaluer les situations où il y a eu de l'abus dans l'autre sens. En ce qui concerne les deux ou trois cas où ce genre d'abus peut se produire, je préférerais certainement voir toutes les réponses consacrées au soutien des victimes pour qu'elles n'aient pas à subir ce genre de choses. Peut-être s'agit-il d'en faire un processus fermé pour cette période.

Nous voulons conserver les mécanismes de protection où le Canada est fier à juste titre. Je suis sur le point de mener l'enquête concernant Ashley Smith. Parlons de ce qui se passe lorsqu'on abolit les mécanismes de protection de façon implicite, sinon explicite.

Le sénateur Baker : Il y avait une procédure dans le cadre de la disposition de la dernière chance selon laquelle il y avait un processus d'évaluation préalable à l'audience. Il n'y avait pas de droit à une audience. Il fallait présenter une demande à un juge par écrit. Le juge décidait alors selon la prépondérance des probabilités. Il y avait la probabilité, ou quelque chose du genre, que la demande soit accueillie.

Est-ce que ça ne permettrait pas de régler le problème qui fait l'objet de beaucoup de critiques, c'est-à-dire le fait que la procédure actuelle oblige les gens à passer par ce processus tous les deux ans?

Mme Pate : Je ne veux pas parler pour tout le monde. C'est l'une des solutions potentielles; cependant, cela existe déjà. Il ne s'agit pas seulement de la prépondérance. C'est une probabilité raisonnable de succès. C'est une norme passablement élevée.

Le sénateur Baker : Cela s'inscrit dans le cadre de la disposition de la dernière chance.

Mme Pate : C'est exact. Nous devrions faire un pas en arrière et nous demander combien de gens ne s'adressent jamais à la Commission des libérations conditionnelles parce qu'ils ne pensent pas avoir une quelconque possibilité de succès. Je soupçonne que c'est un chiffre que le comité ne connaît pas, et la plupart des politiciens et des gens du milieu de la justice qui élaborent les politiques ne savent peut-être pas ce qu'il en est du point de vue de la sécurité publique. Il y a une énorme proportion de délinquants qui ne se présentent jamais devant la Commission des libérations conditionnelles parce qu'ils ne pensent avoir aucune possibilité de succès.

Le sénateur Baker : Oui. Cependant, ma question porte sur le fait de supplanter cette procédure dans les dispositions obligatoires concernant le droit à un examen tous les deux ans.

Mme Pate : Excusez-moi, sénateur Baker. J'avais compris. Permettez-moi de vous donner l'exemple d'une situation dont je viens de m'occuper.

Nous nous sommes occupés du cas d'une femme qui interjetait appel de la peine et de la déclaration de culpabilité qu'elle avait reçue, et son appel a été accueilli. Cependant, il nous aurait fallu encore six mois pour présenter son cas à la Commission des libérations conditionnelles. Le fait que nous interjetions appel et le fait qu'elle avait eu recours à la force d'une manière que nous avons décrite comme étant défensive ont été utilisés pour affirmer qu'elle niait ce qui s'était passé et minimisait le risque qu'elle posait. Ce n'était pas elle qui le disait. C'était les gens comme moi et d'autres personnes qui travaillaient à son cas. C'était une femme d'Asie du Sud qui était venue ici dans le cadre d'un mariage par courriel et qui avait très bien intégré le racisme et le sexisme à son égard quant à son identité et à ce qu'elle ne devait pas faire. Dans ce contexte, le critère en question n'aurait pas sauvé la situation avec laquelle nous étions aux prises. À la place, ça a passé par tous nos avocats. Habituellement, je ne m'occupe pas des audiences de libération conditionnelle. Cependant, j'étais prête à le faire, parce qu'il n'y avait pas de probabilité raisonnable de succès. Ce ne sont pas les mots qui ont été utilisés; cependant, elle présentait un risque. Ce risque était créé par les critères et les attitudes du genre et le genre de manque d'information qui ont été créés. Lorsque nous avons interjeté appel devant le tribunal, elle a été libérée le lendemain. Ça aurait pris presque un an de plus pour obtenir sa libération conditionnelle.

M. Russomanno : Cette question a également été soulevée pendant la séance du comité du 2 décembre en ce qui concerne un examen du dossier qui peut être effectué au préalable pour la catégorie des cas extrêmes du genre de celui de Clifford Olson.

La CLA n'est pas nécessairement contre ce genre d'examen préalable. Je dis ça compte tenu de la mise en garde que constitue tout le contexte que Mme Pate a mis en place ici au sujet de la façon dont les ressources peuvent être consacrées au soutien aux victimes. De même, il pourrait valoir la peine d'envisager le genre d'examen préalable qui serait de moindre envergure qu'une audience de libération conditionnelle à part entière dans ces cas extrêmes. Le comité pourrait certainement envisager cela.

Le sénateur Baker : Voulez-vous dire que le critère passerait de la prépondérance des probabilités à une certaine probabilité?

Mme Pate : Ça n'aurait pas sauvé le cas dont je parle.

Le sénateur Baker : Vraiment?

Mme Pate : Oui.

La présidente : Merci beaucoup. Nous vous avons retenu pendant plus longtemps que prévu. Toutefois, nous vous sommes extrêmement reconnaissants de votre contribution à nos travaux.

(La séance est suspendue.)

[Français]

(La séance reprend.)

La présidente : Nous reprenons notre étude du projet de loi C-48, Loi modifiant le Code criminel et la Loi sur la défense nationale en conséquence.

Nous accueillons maintenant notre dernière invitée pour ce soir, la dernière mais non la moins importante, Mme Sue O'Sullivan, ombudsman fédéral des victimes d'actes criminels.

[Traduction]

Merci, madame O'Sullivan. Vous nous avez accordé pas mal de temps dernièrement. Ce n'est pas terminé. Nous vous sommes reconnaissants d'être ici ce soir. Veuillez faire votre déclaration préliminaire.

[Français]

Sue O'Sullivan, ombudsman fédérale, Bureau de l'ombudsman des victimes d'actes criminels : Bonsoir madame la présidente, mesdames et messieurs. Merci de me donner l'occasion de vous rencontrer aujourd'hui de nouveau pour discuter du projet de loi C-48, qui habiliterait les juges à imposer, avec la latitude voulue, des périodes d'inadmissibilité de libération conditionnelle consécutives, plutôt que simultanées.

Comme vous le savez, le Bureau de l'ombudsman fédéral des victimes d'actes criminels a été créé en 2007 afin d'aider les victimes d'actes criminels partout au Canada. Nous faisons ceci en appuyant les victimes, tant au niveau individuel, lorsque celles-ci communiquent avec notre bureau pour demander des renseignements ou soumettre une plainte, que collectif, en formulant des recommandations et en fournissant des commentaires sur des projets de loi importants dont celui que vous examinez présentement.

[Traduction]

Permettez-moi de commencer par dire que nous croyons que le projet de loi C-48 est une bonne initiative et nous appuyons l'intention de prévoir que les juges puissent, s'il y a lieu, infliger des périodes d'inadmissibilité à la libération conditionnelle qui sont consécutives plutôt que simultanées. Le projet de loi C-48 vise à traiter deux préoccupations particulières que les victimes ont soulevées à de nombreuses reprises : la nécessité de tenir les coupables responsables de chaque vie enlevée et l'anxiété et la dévastation causées aux victimes lorsqu'on accorde à un délinquant une audience de libération conditionnelle.

Pour ce qui est de la responsabilisation, la plupart des victimes souhaitent que justice soit rendue lorsqu'elles perdent un être cher, ce qui à mon avis est compréhensible. Dans le cas d'un meurtrier en série, les membres de la famille des victimes veulent que l'on accorde de l'importance au fait qu'un de leurs proches a perdu la vie et que l'on tienne le coupable responsable de chaque vie enlevée.

Comme vous le savez sans doute, selon le régime actuel, lorsqu'on condamne un délinquant à l'emprisonnement à perpétuité, il n'est pas admissible à la libération d'office. Si une libération conditionnelle est accordée, il demeure, pour le restant de sa vie sous la supervision du Service correctionnel du Canada.

La période durant laquelle un meurtrier est inadmissible à la libération conditionnelle n'est pas automatiquement prolongée en fonction du nombre de personnes qu'il a tuées. Ainsi, il n'existe pas de conséquences ou d'éléments dissuasifs qui pousseraient une personne à ne tuer qu'une personne plutôt que six, par exemple. C'est clairement une source de frustration pour certaines victimes. Nous avons été témoins de cela en juillet dernier, lorsque les familles des victimes du délinquant Robert Pickton ont exprimé leur frustration relativement au fait qu'on abandonnait les 20 chefs d'accusation additionnels déposés contre lui.

Comme pour toute autre question, ce ne sont pas toutes les victimes qui sont d'accord avec l'idée selon laquelle des peines d'emprisonnement plus longues sont la meilleure solution, mais toutes les victimes à qui j'ai parlé s'entendent sur une chose : elles ne veulent pas que d'autres personnes aient à partager leur sort. Le projet de loi C-48 prévoit qu'un juge peut imposer des périodes consécutives d'inadmissibilité à la libération conditionnelle et veiller ainsi à la protection des victimes et du public. Ce pouvoir discrétionnaire est un élément essentiel du projet de loi. Il permet au juge de rendre une décision en fonction des circonstances particulières et de l'intérêt de tous les Canadiens.

La deuxième préoccupation visée par le projet de loi C-48 est l'anxiété et les difficultés auxquelles les victimes font face lorsqu'elles se préparent et participent à une audience de libération conditionnelle. En novembre dernier, j'ai participé, à titre d'observatrice, à la plus récente audience de libération conditionnelle du tueur en série Clifford Olson. Je sais que nous connaissons tous les crimes horribles qu'il a commis, et je ne tiens aucunement à accorder plus d'attention à lui ou à ses crimes. Je souhaite cependant parler de l'effet émotionnel que de telles audiences de libération conditionnelle ont sur les victimes d'un acte criminel.

Je suppose que vous avez tous, dans une certaine mesure, suivi l'affaire dans les médias. D'après ses commentaires, il est évident que le délinquant n'éprouve aucun remords relativement à ses actes et aucune compassion pour la perte qu'a subie la famille de ces victimes. Néanmoins, il a le droit de demander la libération conditionnelle tous les deux ans, ce qui signifie que la famille de ses victimes doit continuellement être confrontée à sa perte dévastatrice.

Je puis vous assurer, après en avoir discuté avec Sharon Rosenfeldt, que ces audiences sont très difficiles. Certaines victimes choisissent de ne pas participer aux audiences. Pour celles qui choisissent de le faire, qui préparent des déclarations de la victime et qui se retrouvent dans une pièce en compagnie de la personne qui a tué leur fille ou leur fils, l'expérience peut rouvrir des plaies.

L'incidence de ces audiences ne se fait pas uniquement sentir durant les jours au cours desquels la Commission des libérations conditionnelles se réunit et rend sa décision. Elle se manifeste plusieurs années auparavant, car les victimes savent que la période d'inadmissibilité à la libération conditionnelle tire à sa fin. Elle se manifeste des mois à l'avance, lorsqu'on informe les victimes du fait que le délinquant aura droit à une audience et qu'elles doivent se préparer. Et elle continue de se faire sentir après l'audience, période au cours de laquelle les victimes tentent de poursuivre leur vie sur le chemin de la guérison. Ces audiences nécessitent du temps, de l'argent et, la plupart du temps, un déplacement de la part des victimes. Elles posent donc un défi particulier pour les personnes qui ne sont pas bien ou qui ont des problèmes de santé.

Évidemment, notre système de justice doit être équitable pour toutes les parties concernées. Je ne propose pas qu'on enlève aux délinquants toute possibilité de libération conditionnelle. Mais dans des cas tels que ceux-ci, le projet de loi C-48 donnerait aux juges un outil supplémentaire pour garantir que les victimes ne soient pas soumises à ce processus sans raison.

Bien que j'appuie la présente version du projet de loi C-48, je souhaite quand même formuler une brève recommandation à son égard. Je crois comprendre que, selon le projet de loi C-48, les juges qui choisissent d'infliger ou de ne pas infliger des peines consécutives doivent justifier leur décision oralement ou par écrit. Bien que je sois consciente du fait que ces décisions relèvent du domaine public, je laisserais certainement l'analyse de cette question aux experts, mais je recommanderais que les dispositions soient modifiées afin que les victimes aient explicitement le droit d'avoir accès à ces renseignements, si elles le souhaitent.

[Français]

En conclusion, je crois que le projet de loi C-48 aura une incidence positive sur les victimes d'acte criminel. En donnant aux juges le pouvoir discrétionnaire d'infliger des périodes d'inadmissibilité à la libération conditionnelle consécutives plutôt que simultanées, on continuera de tenir les coupables responsables de chaque vie enlevée, et, s'il y a lieu, on retardera ou évitera le traumatisme et la dévastation causée aux victimes par la tenue d'audiences de libération conditionnelle.

[Traduction]

Les victimes méritent d'être considérées au sein du système de justice pénale, et j'espère que j'ai contribué à vous transmettre leurs préoccupations aujourd'hui. Je répondrai avec plaisir à toute question.

Le sénateur Wallace : Ce que vous avez à dire nous est toujours très utile.

Je crois que vous avez fait le tour de la question. Cependant, j'ai trouvé cela intéressant, surtout après ce qu'ont dit les témoins qui ont comparu juste avant vous. D'autres témoins pensaient que les avantages du projet de loi C-48 étaient fondés sur une simple perception et une mauvaise compréhension de la part des personnes qui seraient les promoteurs du projet de loi, quant au fonctionnement du système de libération conditionnelle, de l'importance des périodes d'inadmissibilité à la libération conditionnelle, et ainsi de suite.

Il semble donc que les promoteurs du projet de loi ne fondent pas leur soutien à celui-ci sur quoi que ce soit de réel. Si les gens comprenaient bien le système de libération conditionnelle, ils n'appuieraient pas ce genre de projet de loi. Celui-ci n'offre aucune amélioration ou aucun avantage réel ou concret concernant notre système de justice pénale. J'ai trouvé cela plutôt horrifiant.

Le projet de loi ne me permet pas de tirer cette conclusion, c'est-à-dire qu'il est en quelque sorte fondé sur rien de plus que la justice vengeresse et que c'est à peu près tout. Quel commentaire formuleriez-vous à cet égard?

Mme O'Sullivan : Si je peux me permettre de citer Priscilla de Villiers, les gens dont nous parlons sont « les pires parmi les pires ». Nous parlons de gens qui ont commis des homicides multiples. Fait intéressant, à son audience, Clifford Olson a dit que la raison pour laquelle il était là — il sait qu'il ne sera pas libéré —, c'est qu'il avait le droit d'y être.

J'ai essayé, dans le peu de temps que j'avais, de dire que nous parlons de gens qui ont commis des meurtres multiples. Nous parlons du fait de ne pas forcer la famille des victimes à participer à des audiences de libération conditionnelle lorsque le délinquant ne va pas être libéré, à vivre le traumatisme — il ne s'agit pas seulement du jour de l'audience de libération conditionnelle.

Je peux vous dire, pour avoir discuté avec des gens qui ont vécu la situation, qui se sont mobilisés pour défendre les victimes au pays et qui sont devenus des porte-parole des victimes au Canada, qu'ils connaissent très bien le système de libération conditionnelle et les problèmes qui se posent au sein de celui-ci. Encore une fois, je garde en tête le fait qu'il y a le pouvoir discrétionnaire laissé au juge — nous parlons ici des pires parmi les pires. C'est un petit pourcentage, d'après les données dont je dispose.

Je sais que vous avez reçu des représentants de Statistique Canada; dans 95 p. 100 des cas de personnes incarcérées pour homicide, il n'y a qu'une victime, alors nous parlons d'un très faible pourcentage. Nous parlons du fait de ne pas forcer les familles à revivre toutes ces périodes lorsque nous parlons de ce très faible pourcentage de gens qui ont commis des homicides multiples.

Le sénateur Wallace : Madame O'Sullivan, je sais que vous êtes au courant de ceci : dans le Code criminel, les principes de détermination de la peine sont bien établis à l'article 718. Ces principes exigent que les peines soient proportionnelles à la gravité des infractions et au degré de responsabilité du délinquant.

Voudriez-vous dire quelque chose au sujet du fait que le projet de loi C-48 respecte ces principes, c'est-à-dire qu'il y a une correspondance avec la gravité de l'infraction et le degré de responsabilité du délinquant?

Mme O'Sullivan : Oui. Encore une fois, je suis ici pour parler au nom des victimes et des membres de leur famille à qui j'ai parlé. Au sujet des personnes qui ont commis des homicides multiples, les membres de la famille des victimes parlent du fait qu'ils ne devraient pas avoir à subir ces audiences de libération conditionnelle. Ils ne devraient pas avoir à revivre ce qui s'est passé et à composer avec les répercussions de la participation à ces audiences.

Il y a encore un pouvoir discrétionnaire qui est laissé au juge dans le projet de loi. Le juge doit préciser ses raisons, mais il a encore la possibilité d'exercer ce pouvoir discrétionnaire.

Je peux aussi vous dire que bon nombre des victimes avec qui je parle et qui ont perdu un membre de leur famille en raison d'un homicide disent que, souvent, les gens participent et disent qu'ils le font et s'expriment parce qu'ils veulent se venger ou veulent qu'il y ait une punition. Ils disent en fait que ce n'est pas ce qu'ils veulent.

Je sais que j'ai déjà comparu devant vous et que je vous ai parlé du fait que beaucoup de victimes de délinquants qui sont en prison cherchent de l'information pour savoir comment ils vont. C'est en relation avec la majorité des délinquants.

Ce dont nous parlons ici, c'est d'un très faible pourcentage — les pires parmi les pires. Il s'agit de gens qui vont être là pendant longtemps et qui pourraient y être pendant encore plus longtemps.

Je répondrais à votre question et je dirais que non, je pense que les victimes comprennent le système, comprennent que ces personnes ont enlevé plus d'une vie. Certains des commentaires formulés ici aussi — est-ce que c'est une vie, deux vies, trois vies, l'emprisonnement à perpétuité — il y a une certaine dissuasion si l'on tue plus d'une personne.

Le sénateur Wallace : Et la détermination de la peine reflète la gravité des infractions — deux meurtres, des meurtres multiples, il n'y a pas grand-chose de pire dans notre société.

Le sénateur Baker : J'aimerais remercier Mme O'Sullivan et lui dire qu'elle fait de l'excellent travail lorsqu'elle témoigne devant des comités. Elle témoigne très souvent devant un comité du Parlement.

Vous avez parlé de Clifford Olson, de l'examen qui est prévu ou qui est obligatoire tous les deux ans, si le délinquant souhaite y participer. Nous avons entendu plusieurs témoins dire la même chose que vous, c'est-à-dire qu'il s'agit d'un cas où il n'y aura probablement jamais de libération conditionnelle, comme c'est le cas de beaucoup d'autres personnes qui sont en prison à l'heure actuelle. Néanmoins, ces délinquants suivent cette procédure tous les deux ans et soumettent les membres de la famille à ce processus.

Il ne devrait pas être nécessaire de vivre cela. Tout le monde est d'accord avec vous là-dessus, et, bien entendu, le projet de loi ne va pas régler ce problème. Il va peut-être le régler pour certaines demandes ou certains jugements du juge qui instruit le procès, dans un petit nombre de cas, mais il reste tous les autres cas.

Nous nous demandions s'il devrait y avoir une disposition dans la loi, semblable à ce qui existe ou ce qui existait dans le cas de la disposition de la dernière chance, l'article 745.6, selon lequel la personne qui souhaite se prévaloir de la libération conditionnelle anticipée devrait d'abord présenter une demande au juge, puis le juge devrait décider s'il y a, selon la prépondérance des probabilités, une possibilité raisonnable que la demande soit accueillie avant que le délinquant ne soit autorisé à s'adresser à la Commission des libérations conditionnelles.

Dans les cas du genre, où il n'y a aucun espoir de libération conditionnelle de toute façon, devrait-il y avoir un processus d'examen préalable dans le cadre duquel le juge formulerait un commentaire et un jugement sur la probabilité raisonnable que la demande de libération conditionnelle soit accueillie? Avez-vous réfléchi à quelque chose du genre?

Mme O'Sullivan : Je pense qu'il y a de nombreuses choses qui sont proposées et qui pourraient être réalisées. J'aimerais avoir l'occasion d'en parler davantage avec les victimes.

Je peux préciser, si je peux utiliser un exemple, certains des besoins lorsqu'il s'agit d'informer les victimes au sujet des délinquants sous responsabilité fédérale. Comme vous le savez, j'ai demandé à prendre la parole au sujet du projet de loi C-39, qui porte sur l'information et les besoins des victimes en relation avec les audiences de libération conditionnelle et l'information à ce sujet. Pour être franche, je n'ai pas examiné cette question en rapport avec le projet de loi à l'étude.

Le sénateur Baker : Les témoins précédents ont dit que la norme était trop élevée — c'est ce que j'ai retenu de leur témoignage, c'est-à-dire que la prépondérance des probabilités, une possibilité raisonnable, serait trop sévère et empêcherait certains délinquants de pouvoir s'adresser à la Commission des libérations conditionnelles.

Bien entendu, ce problème est facile à régler : il suffit de changer la norme. Autrement dit, on modifie le niveau de jugement, le degré de la preuve qu'il faut fournir au juge. Ça pourrait être rajusté. Si vous y réfléchissez à un moment donné, faites-nous-en part.

[Français]

Le sénateur Chaput : J'ai été heureuse de vous entendre dire que le projet de loi C-48 aura une incidence positive sur les victimes d'actes criminels.

Vous avez aussi mentionné la chose suivante, à savoir que les victimes méritent d'être considérées au sein du système de justice pénale.

Je suis totalement d'accord avec vous. Il faut éviter, le plus possible, les traumatismes et les effets dévastateurs causés aux victimes par la tenue d'audiences de libération conditionnelle.

Que pensez-vous de l'idée d'inclure cela dans la déclaration sur les répercussions sur la victime comme un élément dont le juge devrait tenir compte lorsqu'il décide de la période d'inadmissibilité à la libération conditionnelle?

D'après vous, cet élément devrait-il être inclus dans la décision du juge?

[Traduction]

Mme O'Sullivan : Toute occasion pour les victimes de participer au système et de faire entendre leur voix est une bonne chose, assurément.

[Français]

Le sénateur Chaput : C'est quelque chose que vous appuieriez? Vous trouvez que c'est une bonne idée?

[Traduction]

Mme O'Sullivan : Oui.

[Français]

Le sénateur Carignan : C'est intéressant d'entendre des avocats d'abord et ensuite d'entendre des victimes et des représentants des victimes. Cela permet, de temps à autre, de mettre en relief certains éléments.

Un terme qu'on a entendu beaucoup de M. Russomanno du Criminal Lawyers' Association était « droit ». Et avec vous, on entend beaucoup le mot « responsabilisation ».

Considérez-vous que ce projet de loi va assez loin au niveau de la responsabilisation des délinquants? Et de façon plus générale, trouvez-vous que le Code criminel va assez loin en matière de responsabilisation du délinquant?

[Traduction]

Mme O'Sullivan : Je pense qu'il existe énormément de problèmes en ce qui concerne la responsabilité. L'idée du projet de loi, c'est qu'il est nécessaire qu'il y ait une responsabilité pour chaque vie enlevée. Nous parlons de l'anxiété et des émotions pénibles que les victimes et les membres de leur famille vivent lorsqu'un délinquant obtient une audience de libération conditionnelle.

J'ai trouvé intéressant que vous utilisiez le mot « droits », parce que c'est une chose dont nous devons parler à l'échelle nationale. Vous avez dit que vous avez entendu les membres du Barreau qui défendent les délinquants et les avocats parler des droits des délinquants. C'est évident qu'ils ont des droits. Nous devons respecter cela. Lorsqu'il s'agit des victimes, cependant, les expressions que nous entendons sont : « nous devrions », « nous pourrions » et « nous devrions envisager ». Nous n'entendons pas dire que « les victimes ont le droit d'avoir [...] » Voilà les expressions que nous devons commencer à entendre au sujet des victimes. Elles ont le droit d'obtenir de l'information, le droit de faire partie du processus et le droit d'être entendues. Il y a aussi des discussions que nous devrions tenir au sujet des droits des victimes. Je vous remercie d'avoir utilisé ce mot. Dans des cas trop nombreux, les victimes l'entendent rarement dans le système de justice pénale. Je sais que nous parlons de l'autre extrémité du système, mais il s'agit du fait qu'elles ont le droit de participer et de faire entendre leur voix. Nous avons même entendu certaines des suggestions en venant ici.

En ce qui concerne certaines des frustrations, je vais donner un exemple, c'est-à-dire la possibilité pour les victimes de formuler une déclaration à l'audience de libération conditionnelle. Nous avons parlé de communication. Tout d'abord, la participation d'une victime à l'audience de libération conditionnelle, c'est une politique, et pas un droit. Où est le droit des victimes de participer à l'audience de libération conditionnelle? Elles sont autorisées à y participer dans le cadre d'une politique, pas parce qu'elles en ont le droit. Je pourrais utiliser cela comme deux ou trois exemples mineurs. Je vais parler de certains des problèmes que nous abordons, par exemple, en ce qui concerne la déclaration de la victime. Les victimes ont l'occasion de faire une déclaration. Leur déclaration de la victime doit être préparée. Le délinquant la reçoit à l'avance et a l'occasion de la consulter. Les victimes peuvent même la récupérer, mais elles ne peuvent pas dire certaines choses dans leur déclaration parce qu'elle est censurée dans certains cas. Je vous donne ces exemples pour répondre à votre question et pour vous dire qu'il y a de nombreux aspects que nous voulons envisager lorsqu'il s'agit des besoins des victimes au sein du système de justice pénale et du système correctionnel.

[Français]

Le sénateur Carignan : Peut-être dans le même sens, au niveau du droit des victimes, avez-vous commencé à penser à utiliser, vous aussi, la Charte pour revendiquer certains droits? Les droits de l'un se terminent où les droits de l'autre commencent. L'article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés dit :

Chacun a droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne [...]

La victime a aussi droit à la sécurité et à la vie. Avez-vous commencé à étudier et approfondir cet aspect pour revendiquer des droits positifs pour les victimes en vous basant sur l'article 7 de la Charte, par exemple?

[Traduction]

Mme O'Sullivan : Certainement, lorsqu'il s'agit d'envisager les priorités de notre bureau pour ce qui est de tenir ce dialogue.

Dans notre ville, il y a des gens qui s'expriment haut et fort. M. Irvin Waller vient de publier un livre sur les droits des victimes. J'ai participé à ce dialogue à l'échelle internationale aussi avec Victim Support Europe, ainsi qu'en Écosse, en Angleterre et au Pays de Galles. Je vais participer à une conférence internationale en mai pour en parler. Ils sont en train de rédiger un manifeste. Ils sont en avance sur nous à bien des égards pour ce qui est de tenir ce dialogue. Il s'agit d'un enjeu dont beaucoup de gens parlent au Canada.

Nous parlions ici aujourd'hui de gens qui ont commis des meurtres multiples. Partout au pays, il ne fait aucun doute qu'il n'y a aucune famille ou victime avec qui j'ai parlé qui ne parle pas de la frustration liée au manque d'accès à certaines choses ou à certains renseignements. Les gens comprennent que, dans certains cas, c'est une question d'équilibre, mais, à l'heure actuelle, on semble favoriser les délinquants plutôt que les victimes. Il s'agit de rétablir l'équilibre et de respecter les besoins du délinquant et de la victime dans le cadre du processus. En ce moment, nous devons rétablir l'équilibre.

La présidente : Madame O'Sullivan, j'ai une question concernant une chose qui me trotte dans la tête. J'aurais dû la poser à la représentante de la Commission des libérations conditionnelles, mais je ne l'ai pas fait, alors je vais vous la poser, parce que je pense que vous comprenez le système.

Est-ce que la Commission des libérations conditionnelles n'a pas le pouvoir de dire, après une audience, lorsque la libération conditionnelle est refusée, que le délinquant ne peut en faire la demande encore une fois dans les deux ans et devra attendre plus longtemps, ou est-ce quelque chose que j'ai imaginé?

Mme O'Sullivan : J'ai M. Théorêt derrière moi — du moins, il était ici.

La présidente : Si vous ne le savez pas, ce n'est pas grave. Évidemment, je ne le sais pas non plus.

Mme O'Sullivan : Je ne suis pas sûre. Le voici. C'est mon ex-représentant du Service correctionnel du Canada.

La présidente : Pouvez-vous vous asseoir et vous identifier, monsieur?

Mme O'Sullivan : Il travaille à mon bureau.

La présidente : Il travaille au Bureau de l'ombudsman fédéral des victimes d'actes criminels.

Louis Théorêt, directeur, Bureau de l'ombudsman fédéral des victimes d'actes criminels : Je travaille au bureau de l'ombudsman.

La présidente : Ma question était vague, mais elle était fondée sur ce qui est seulement l'écho le plus fragmentaire d'un souvenir dans mon esprit. J'ai cette vague impression que la Commission des libérations conditionnelles a le pouvoir, une fois qu'elle a refusé d'accorder la libération conditionnelle à une personne, de dire que cette personne ne pourra pas se présenter devant elle dans les deux ans et devra attendre plus longtemps. Est-ce que j'invente ça?

M. Théorêt : Le délinquant a le droit de se présenter deux ans plus tard.

La présidente : Et la Commission des libérations conditionnelles ne peut prolonger cette période?

M. Théorêt : Il y a certaines conditions. Toutefois, de façon générale, les délinquants ont le droit de se présenter tous les deux ans.

La présidente : C'était donc le fruit de mon imagination. Je vais essayer de retrouver ce à quoi je pensais en fait. J'en ferai part aux membres du comité si ça me semble pertinent.

Merci beaucoup, madame O'Sullivan. Votre présence nous est toujours utile. Nous vous reverrons demain après- midi. Passez une bonne soirée. Nous avons hâte de vous revoir demain.

Nous nous réunirons de nouveau demain matin, à 10 h 30, et nous procéderons à ce moment-là à l'étude article par article du projet de loi C-48.

(La séance est levée.)


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