Délibérations du comité sénatorial permanent des
Langues officielles
Fascicule 2 - Témoignages du 29 mars 2010
OTTAWA, le lundi 29 mars 2010
Le Comité sénatorial permanent des langues officielles se réunit aujourd'hui à 17 h 7 pour faire une étude sur l'application de la Loi sur les langues officielles ainsi que des règlements et instructions en découlant. Sujet : Étude de la partie VII et d'autres enjeux.
Le sénateur Maria Chaput (présidente) occupe le fauteuil.
[Français]
La présidente : Honorables sénateurs, nous avons le quorum et je déclare la séance ouverte.
Je vous souhaite la bienvenue au Comité sénatorial permanent des langues officielles. Je me présente, le sénateur Maria Chaput du Manitoba, présidente du comité.
Pour débuter, j'aimerais vous présenter les membres du comité présents aujourd'hui : les sénateurs Mockler, Fortin- Duplessis, Boisvenu, Champagne, vice-présidente du comité, Seidman, Losier-Cool et Tardif.
Au cours de la 39e législature, le comité sénatorial a entamé une étude sur la mise en œuvre de la partie VII de la Loi sur les langues officielles afin d'examiner les actions prises par les institutions fédérales depuis les modifications qui y ont été apportées en novembre 2005.
Lors de la dernière session, ont été entendus les témoignages de représentants de 11 ministères et organismes fédéraux, des organismes porte-parole des communautés francophones et anglophones, du commissaire aux langues officielles ainsi que d'un ancien juge à la Cour suprême du Canada. Le comité sénatorial voulait en apprendre davantage sur les progrès observés, et les initiatives nouvellement mises en place en faveur du développement des communautés minoritaires de langues officielles et de la promotion de la dualité linguistique.
Pour alimenter sa réflexion, le comité sénatorial a demandé à un groupe d'étudiants de la faculté de droit de l'Université d'Ottawa de venir témoigner à propos d'un projet de recherche portant sur l'analyse de la mise en œuvre de la partie VII.
Le projet a été mené sous la direction du professeur adjoint Mark Power qui a contribué à plus d'une quinzaine de dossiers devant la Cour suprême du Canada, dont plusieurs portaient sur les droits linguistiques.
Le comité a le plaisir d'accueillir quatre étudiants de la Faculté de droit, Section de common law en français de l'Université d'Ottawa afin de nous présenter leur projet de recherche. Il s'agit tout d'abord de M. Richard Léger, étudiant de troisième année du programme, qui est originaire de Caraquet au Nouveau-Brunswick. Il détient un baccalauréat en sciences politiques et économie de l'Université de Moncton; il y a ensuite Matthew Létourneau, originaire de Saint-Paul en Alberta. M. Létourneau a complété son baccalauréat ès arts en français au campus Saint- Jean de l'Université de l'Alberta. Il achève sa deuxième année d'études du programme de common law en français à l'Université d'Ottawa; ensuite vient Mme Monick Corriveau, originaire d'East Angus au Québec. Après avoir passé neuf ans comme journaliste à l'écrit, à la radio et à la télévision — dont huit pour la Société Radio-Canada —, Mme Corriveau a entrepris des études de droit à l'Université d'Ottawa. Maintenant en deuxième année et faisant partie de la première cohorte du programme de droit canadien, elle aura complété un diplôme de common law et de droit civil à la fin de ses études.
Enfin, Mme Mélanie Roy, née à Timmins dans le nord de l'Ontario. Elle a obtenu un baccalauréat ès arts en psychologie et en sciences politiques de l'Université de l'Alberta. Elle termine sa troisième année au programme de common law en français à l'Université d'Ottawa.
J'invite maintenant les étudiants à prendre la parole à tour de rôle et les sénateurs suivront avec des questions.
Richard Léger, étudiant, Université d'Ottawa, Faculté de droit, Section de common law : Madame la présidente, membres du comité, je vous remercie, au nom du groupe, de nous recevoir ce soir. C'est un honneur que peu d'étudiants ont la chance d'avoir et nous sommes très reconnaissants de figurer parmi les témoins prestigieux que le comité à la chance d'entendre.
Le rapport que nous avons écrit tente de répondre au mandat du comité, qu'il a reçu en 2006, peu après la modification de la partie VII soutenue par le regretté sénateur Jean-Robert Gauthier. Le mandat vise l'étude de la mise en œuvre de la partie VII de la Loi sur les langues officielles.
Par rapport à ce mandat, notre rapport tente d'y répondre en tenant compte des développements récents dans le domaine des droits linguistiques. Il interprète et applique les paragraphes 41(1) et 41(2) de la partie VII et fait l'analyse de la force contraignante de la partie VII, au regard de trois grands thèmes : les bénéficiaires de la partie VII de la Loi sur les langues officielles; l'engagement des institutions fédérales, à savoir s'ils devraient mettre plus d'accent sur le volet communautaire; et comment la partie VII de la Loi sur les langues officielles pourrait être appliquée par les institutions fédérales et les tribunaux.
Vous avez à votre disposition, je crois, notre rapport et sa traduction en anglais. Il contient des notices biographiques déjà mentionnées à la page 2, un sommaire exécutif à la page 5 et des tableaux d'analyse à la toute fin que nous allons mentionner plus tard.
Je vais maintenant vous lire le libellé de l'article 41 de la partie VII qui fera l'objet de la discussion d'aujourd'hui et qui se trouve à la page 7 de notre rapport.
L'article 41(1) énonce que :
Le gouvernement fédéral s'engage à favoriser l'épanouissement des minorités francophones et anglophones du Canada et à appuyer leur développement ainsi qu'à promouvoir la pleine reconnaissance et l'usage du français et de l'anglais dans la société canadienne.
Ensuite, l'article 41(2) énonce :
Qu'il incombe aux institutions fédérales de veiller à ce que soient prises des mesures positives pour mettre en œuvre cet engagement.
Juste avant de me lancer dans le vif du sujet, je tiens également à vous aviser que nous avons choisi de faire notre présentation en français, mais que nous sommes bien sûr prêts à répondre tant aux questions en anglais qu'en français.
En ce qui concerne les bénéficiaires, nous proposons d'adopter une définition plus inclusive des bénéficiaires de la partie VII, permettant de mieux identifier les situations dans lesquelles une institution fédérale doit instaurer des mesures positives. Lorsqu'une institution fédérale identifie les bénéficiaires de droits linguistiques de manière trop restrictive, elle mine ou minera l'engagement à favoriser l'épanouissement des minorités, soit l'objectif de la partie VII.
Étant donné la diversité et le dynamisme de ce que sont les communautés minoritaires, une identification mathématique aura de la difficulté à cerner tous les bénéficiaires de la partie VII.
La Cour suprême du Canada affirme que l'identification des bénéficiaires de droits linguistiques doit se faire selon des critères qualitatifs plutôt que selon des critères quantitatifs ou mathématiques. Le critère de base de l'identification des bénéficiaires en droit linguistique, c'est tout simplement la capacité de parler ou d'utiliser la langue, et ce, même à un niveau absolument rudimentaire.
Donc, pour identifier quelle communauté est affectée par une décision d'une institution fédérale, il faut considérer la majorité et la minorité linguistique comme étant deux communautés tout à fait égales qu'il faut servir selon leurs besoins respectifs.
Dans le même sens, une institution fédérale peut manquer à son obligation de prendre des mesures positives en ne remplissant pas son rôle d'appui institutionnel aux minorités. Les institutions fédérales permettent aux communautés minoritaires d'affirmer leur existence, de se rassembler et de contrôler leur destinée. C'est un principe juridique tiré de l'affaire Montfort.
La partie VII pourrait aussi exiger qu'une institution fédérale fournisse des services à des communautés minoritaires qui se trouvent à être menacées d'assimilation ou ignorées par les immigrants ou les immigrants récents ou qui peuvent être considérablement plus grandes si on tenait compte des foyers exogames dans le calcul.
Ici, je parle des services et il y a un lien avec la partie IV qui traite expressément des services et qui a sa propre méthode d'identification des bénéficiaires.
Je vais terminer ici, mais ce n'est qu'un bref survol du sujet. Je vous invite à aborder la question plus en détail.
Matthew Létourneau, étudiant, Université d'Ottawa, Faculté de droit, Section de common law : Madame la présidente, c'est un grand honneur pour moi également de prendre la parole devant vous aujourd'hui et je tiens à vous remercier.
Je suis franco-albertain et mon village natal, Saint-Paul, est situé à 200 kilomètres au nord-est d'Edmonton. Mon village est historiquement à caractère francophone et ma famille y réside depuis cinq générations. Là-bas, toute institution fédérale est importante pour protéger la langue française, tant les bureaux de poste que toute autre institution.
J'ai étudié en français à Edmonton au campus Saint-Jean, là où le sénateur Tardif était doyenne il y a quelques années.
J'aimerais d'abord vous parler des concepts de « demandes importantes » et de « vocation du bureau », retrouvés au paragraphe 21 de la Charte canadienne des droits et libertés et à la partie IV de la Loi sur les langues officielles et à son règlement.
Aujourd'hui, ces concepts utilisent des calculs et des seuils mathématiques pour identifier les bénéficiaires de la Loi sur les langues officielles. Or, nous partageons la vie avec ceux qui modifieraient ces concepts, afin de les rendre plus conformes avec l'engagement du gouvernement envers les minorités linguistiques du Canada.
Pour notre part, nous suggérons que l'évaluation de la « demande importante » se calcule en ayant davantage recours à l'analyse contextuelle, c'est-à-dire que la demande pour des services tels qu'offerts par Postes Canada, par exemple, la demande serait importante dans les communautés dotées d'institutions de la minorité, telles que des centres culturels ou des écoles.
De plus, il y aurait une « demande importante » dans les communautés minoritaires qui sont menacées par l'assimilation, et ce, surtout parce que le taux d'assimilation peut être augmenté lorsqu'il y a omission d'agir, une intervention insuffisante ou la prise de mesures négatives par une institution fédérale à l'égard de la minorité.
Nous proposons ensuite l'idée que la « vocation du bureau » devrait identifier les bureaux qui appuient l'épanouissement de la minorité de façon bénéfique, tangible et durable.
Cette identification reflète la réalité que certaines institutions fédérales sont de véritables points d'accueil pour les minorités et encourage l'usage de la langue minoritaire, particulièrement en région rurale.
Par exemple, tout bureau de recrutement militaire au Canada qui offre ses services dans les deux langues officielles favorise la minorité en la considérant comme étant une communauté tout à fait égale à la majorité.
C'est ainsi que le bureau fédéral dessert les communautés selon leurs besoins respectifs. Cet exemple est conforme à notre définition des bénéficiaires de la Loi sur les langues officielles, ainsi qu'au principe juridique d'égalité réelle. Enfin, nous appuyons la thèse que l'engagement du gouvernement envers les minorités doit se faire en collaborant davantage avec les communautés et les institutions des minorités linguistiques afin de respecter leurs besoins particuliers et surtout de contrer efficacement l'assimilation. Une institution fédérale doit collaborer avec les institutions de la minorité qui font déjà cela et qui le font bien. Les minorités linguistiques sont les mieux placées pour identifier les mécanismes les plus susceptibles de faire échec à l'assimilation. Les exemples qui illustrent cela sont nombreux. Je serais heureux d'en parler durant la période des questions.
Toute démarche vers l'égalité réelle devrait inclure une collaboration avec la minorité. Nous croyons que toute institution fédérale qui interagit avec les minorités linguistiques devrait réorienter sa politique pour adopter un devoir de collaboration vers le communautaire.
Monick Corriveau, étudiante, Université d'Ottawa, Faculté de droit, Section de common law : Madame la présidente, bonjour. Je suis originaire d'East Angus au Québec. Si on compare la Loi sur les langues officielles à un coffre à outils, la partie VII représente un nouvel outil essentiel pour promouvoir l'épanouissement des langues officielles. Il faut souligner que la partie VII n'est pas n'importe quel outil. C'est un outil spécial, fondamental, indispensable et dont on devrait se servir. Il faut savoir comment on devrait s'en servir. C'est un peu ce qu'on vous propose ce soir, un genre de manuel d'instructions.
Le libellé de la partie VII précise qu'une institution fédérale doit prendre une mesure positive pour favoriser l'épanouissement des minorités de langue officielle. Plusieurs se demandent : qu'est-ce qu'une mesure positive au sens de la partie VII. Cela constitue une mesure prise et mise en application par une institution fédérale dont les effets sont bénéfiques, durables et tangibles pour les minorités de langue officielle. Le rôle de la partie VII est de veiller à ce que les institutions fédérales tiennent compte dans toutes leurs démarches des deux communautés linguistiques qu'elles doivent desservir.
Depuis 2005, il existe un recours judiciaire en cas de violation de la partie VII et c'est ce que représente l'outil dont je vous parle. Comment s'en sert-on? D'abord deux choses : il faut que l'institution fédérale réponde à la définition prévue à la Loi sur les langues officielles. Ensuite, il faut que l'action du gouvernement nuise à l'épanouissement des minorités de langues officielles. Qu'arrive-t-il si une institution fédérale prend une mesure négative? Une mesure négative est tout à faire le contraire de la définition que je viens de vous donner. Essentiellement, c'est lorsque l'institution fédérale nuit à l'épanouissement des minorités de langues officielles. Lorsqu'elle le fait, elle devrait le justifier, selon nous. Pour y arriver, elle devrait répondre à trois questions.
Est-ce que l'objectif poursuivi est suffisamment important pour justifier une mesure négative? L'objectif poursuivi par l'institution fédérale sera suffisamment important s'il se rapporte à une préoccupation réelle ou urgente. Il faut noter que les considérations budgétaires d'une institution fédérale ne devraient pas justifier à elles seules une atteinte à l'engagement de favoriser l'épanouissement des minorités de langues officielles, mais il faut quand même être réaliste.
Prenez l'image d'une balance, elle peut pencher d'un côté comme de l'autre. Idéalement, on cherche un équilibre. Il est possible d'imaginer qu'une crise financière soit tellement grave que les institutions fédérales seraient poussées à prendre des mesures correctives et donc porter atteinte à l'engagement de favoriser l'épanouissement des minorités qui est codifié à la partie VII.
La condition ici, c'est que les mesures prises soient proportionnelles tant à la crise financière qu'à l'incidence sur les droits garantis à la partie VII.
Deuxième question : existe-t-il un lien rationnel entre la mesure négative de l'institution fédérale et l'objectif suffisamment important de cette mesure négative? Cela signifie que la mesure négative utilisée ne doit pas être arbitraire, inéquitable ou fondée sur des considérations irrationnelles pour réaliser l'objectif. Au minimum, la partie VII devrait servir de mécanisme pour diminuer l'incidence de décisions inéquitables ou arbitraires pour les minorités de langue officielle.
Troisième question : est-ce que la mesure négative constitue une atteinte minimale à l'épanouissement des minorités de langue officielle? Une mesure négative ne devrait porter atteinte à l'épanouissement des minorités que dans la mesure où c'est nécessaire à la réalisation de l'objectif de l'institution fédérale. En d'autres mots, une institution fédérale devrait poursuivre son objectif en prenant les moyens les moins attentatoires pour le réaliser. En revanche, si la mesure négative porte atteinte à l'épanouissement de la minorité elle n'est pas minimale.
Pour conclure, si l'institution fédérale ne réussit pas à démontrer qu'une décision est suffisamment importante pour justifier une atteinte à la partie VII dans ce cas, la Cour fédérale pourra accorder une réparation qu'elle estime convenable et juste eu égard aux circonstances, comme le prévoit le paragraphe 77,4 de la Loi sur les langues officielles. Au contraire, une demande présentée par la minorité de langue officielle à la Cour fédérale qui ne franchirait pas les trois normes que je viens de vous expliquer serait tout simplement déboutée.
L'objectif de l'analyse est d'offrir aux fonctionnaires fédéraux et aux juges une façon concrète de soupeser — et je reviens à mon image de la balance — d'une part l'importance pour les institutions fédérales de gouverner et d'autre part l'importance de l'engagement de favoriser l'épanouissement des minorités. Voilà pourquoi la partie VII est selon nous un outil spécial, fondamental et indispensable dont on devrait se servir.
Brièvement, je vais vous expliquer un peu d'où vient notre analyse. Elle a été inspirée d'une analyse déjà utilisée par la Cour suprême depuis 1986. Ce sont de nouveaux critères que personne n'a évoqués lorsqu'il est question de langue officielle. Je n'irai pas en détail sur l'analyse, cela me fera plaisir de répondre ultérieurement à vos questions. D'ailleurs, nous avons préparé des exemples concrets de l'application que je vous propose ce soir. Nous serons donc heureux de répondre à vos questions plus tard.
Mélanie Roy, étudiante, Université d'Ottawa, Faculté de droit, Section de common law : Madame la présidente, j'aimerais saisir l'occasion de remercier ce comité de nous avoir invités ce soir. Le sujet que nous souhaitons aborder se rattache intimement à la réalisation du mandat de ce comité puisque nous parlons d'une manière concrète de la possibilité qu'un juge ou un fonctionnaire puisse faire la mise en application de la partie VII de la Loi sur les langues officielles.
Les institutions fédérales peuvent être tenues de prendre des mesures positives si elles interviennent de façons insuffisantes ou si elles omettent de prendre des mesures positives. Ces omissions d'agir ou ces interventions insuffisantes surviennent pour diverses raisons. Certaines sont fondées alors que d'autres ne le sont pas. Mais qu'est-ce qu'une intervention insuffisante? Nous suggérons qu'une intervention insuffisante existe lorsqu'une institution fédérale qui intervient déjà dans un secteur donné est incapable de fournir des services dans la langue de la minorité de façon égale à ceux offerts dans la langue de la majorité. Qu'entendons-nous par une omission d'agir? Selon nous, une omission d'agir existe lorsqu'une institution fédérale qui n'intervient pas dans un secteur donné omet carrément de prendre les mesures qui favorisent l'épanouissement des minorités de langue officielle. Aux fins de notre présentation d'ouverture, nous nous tenons seulement à l'explication d'une intervention insuffisante. Par contre, si vous avez des questions par rapport à comment développer une analyse portant sur des omissions d'agir, il nous fera un plaisir de discuter du sujet avec plus amples détails.
Donc si vous tournez les pages du rapport, à la page 38, le tableau G.1.2 schématise l'analyse que nous proposons.
La Loi sur les langues officielles s'applique lorsqu'il est question d'une institution fédérale et lorsque l'intervention nuit à l'épanouissement des minorités de langues officielles. Par contre, dans les cas où il sera question d'une intervention insuffisante, il sera également indiqué de poser les deux questions suivantes. La première question est celle de savoir si une institution fédérale intervient déjà dans un secteur donné. Si l'institution fédérale intervient déjà, nous parlons effectivement d'une intervention insuffisante. Il sera plus facile pour un fonctionnaire ou un juge de conclure que l'institution fédérale en question sera tenue de prendre des mesures positives si cette institution fédérale intervient déjà dans un secteur donné puisqu'elle n'aura donc qu'à modifier des programmes existants.
La deuxième question est de savoir si l'objet ou l'effet de l'intervention insuffisante de l'institution fédérale nuit de façon suffisamment importante à l'épanouissement des minorités de langues officielles pour justifier l'intervention de la partie VII.
Lorsque l'effet ou l'objet de l'intervention insuffisante ne nuira pas de façon importante à l'épanouissement des minorités de langues officielles, aucune violation de la partie VII n'aura été établie. Par contre, lorsque l'effet ou l'objet de l'intervention insuffisante nuit de façon suffisamment importante aux minorités de langues officielles, la partie VII aura été brimée et la cour fédérale pourra prononcer une ordonnance qu'elle estime convenable et juste eu égard aux circonstances.
Comme Monick l'a mentionné, nous avons développé des exemples afin d'illustrer davantage les trois situations que nous avons soulevées par cette analyse. Donc nous parlons de mesures négatives, des interventions insuffisantes et des omissions d'agir.
De nouveau, nous tenons à remercier les membres de ce comité. C'est vraiment un honneur et un privilège de pouvoir témoigner devant vous.
J'aimerais rappeler aux membres de ce comité que nous sommes prêts à répondre aux questions dans les deux langues officielles. Nous vous invitons à poser des questions sur le contenu de notre rapport et de notre déclaration d'ouverture.
La présidente : Merci beaucoup. Nous allons passer immédiatement aux questions et j'ai déjà plusieurs noms de sénateurs qui ont indiqué qu'ils ont des questions à vous poser. Donc n'ayez aucune inquiétude, vous recevrez plusieurs questions.
La première question sera posée par la vice-présidente de notre comité, le sénateur Champagne.
Le sénateur Champagne : Bonjour à vous quatre. Je vous remercie d'être là, mais surtout d'avoir accepté le défi que nous vous avons lancé en vous demandant de préparer ce rapport. Je suis membre de ce comité depuis maintenant cinq ans. Et chaque fois que nous rencontrons des gens qui viennent de différents ministères ou institutions et qu'on essaie de parler de mesures positives, on voit les visages de tout le monde qui se transforment en point d'interrogation en se demandant ce qu'est une mesure positive.
J'ai lu votre rapport du premier mot jusqu'au dernier. J'y ai consacré mon dimanche après-midi parce que j'y suis revenue à certains moments pour m'assurer que j'avais bien compris.
Finalement, lorsqu'on prend le texte officiel de la loi, on peut plus facilement, à mon avis, voir ce qu'est une mesure positive. Il y a mesure négative, intervention insuffisante ou omission — vous l'avez bien dit —, et la mesure positive est bénéfique, tangible et durable.
Finalement, si on regarde le texte, la question qu'on pourrait peut-être se poser dans les différents ministères c'est : en agissant d'une certaine manière, est-ce que je favorise l'épanouissement de cette minorité? Ou est-ce que je nuis ou est-ce que je n'y change rien? Si je suis obligée de trouver une mesure positive, c'est que je vais vouloir aider à l'épanouissement.
Vous mettez beaucoup l'accent sur les communautés, sur le communautaire, sur comment les gens devraient... En fait, je vais y revenir, je vais me garder une deuxième question pour le deuxième tour.
C'est évident que l'idéal est d'en arriver à l'égalité réelle pour les communautés, qu'elles soient minoritaires où qu'elles soient. Croyez-vous qu'on pourra y arriver? Je pense que vous nous offrez de bonnes pistes. Je trouve que c'est un rapport extraordinaire et vous nous avez épargné les grands termes légaux. Ceux d'entre nous qui ne sont pas avocats ont apprécié. Pensez-vous que si on réussit à faire en sorte que les gens des ministères ou des institutions lisent, comprennent et agissent comme vous le suggérez, nous arriverons un jour à l'égalité réelle? Allez, soyez optimiste!
M. Léger : J'aimerais l'être. Je ne peux pas dire que je suis pessimiste non plus, mais on philosophait un peu sur le sujet et on se disait que ce qui est important au fond c'est de savoir qu'on marche quand la bonne direction. Si on va dans la direction de l'égalité réelle, on sait que la décision prise est la bonne. C'est ce que cela dit, en gros, dans la partie VII que ce n'est pas chaque décision qui doit absolument atteindre l'égalité réelle sur-le-champ, et cela ne doit pas être la préoccupation principale de chaque institution de l'atteindre dans les plus brefs délais, mais de savoir si la décision qu'on est en train de prendre marche vers l'égalité réelle et si oui, c'est la décision à prendre.
M. Létourneau : De mon côté, je suis optimiste qu'on peut y arriver. Je pense que ce que cela prendrait c'est un changement de mentalité et c'est exactement ce qu'est la partie VII. Je pense que les minorités le vivent, savent c'est quoi cette mentalité. C'est un changement d'esprit, c'est d'aller chercher toutes ses ressources, de travailler ensemble et de bâtir tout parce qu'il n'y a personne d'autre qui le fera pour nous.
En extrême minorité, c'est souvent la seule option. S'il faut un club de musique, ce sont les membres de la communauté qui vont s'organiser pour le bâtir.
Donc c'est de penser comme ça. Qu'est-ce que mon action fait positivement? Est-ce qu'elle est bénéfique, tangible et durable? Oui. Mais c'est vraiment miser sur le fait que tout ce qu'on fait, ce n'est pas juste une procédure, un calcul, ce n'est pas une fonction gouvernementale, mais cela a un impact véritable sur la minorité et cela peut enrichir.
Juste le fait d'aller à un bureau de Postes Canada et de poster sa lettre en français, parfois, c'est extraordinaire. Et le plus que cela se fait, le plus que cela attire d'autre monde et c'est ainsi qu'on va y arriver. Je connais beaucoup d'immigrants qui sont arrivés ou d'autres membres de la majorité qui aiment plus se définir ou parler la langue de la minorité.
C'est un changement de mentalité, selon moi.
Mme Corriveau : En fait, tout ce que je voulais ajouter, par rapport à cela, et vous mentionniez tout à l'heure les mesures positives, déjà, la partie VII est en train de prouver qu'elle fonctionne. La cour fédérale, récemment, nous a donné un exemple avec l'affaire Picard. L'affaire Picard, vous êtes un peu au courant, pour la résumer brièvement, c'est un ingénieur qui voulait demander un brevet, le formulaire de demande de brevet était seulement disponible dans la langue dont elle a été demandée. Autrement dit, si la demande est en anglais, l'information sur le brevet est en anglais. La décision Picard est venue un peu changer cela, appliquer la partie VII. Ils ont dit que dorénavant, toutes les demandes de brevet seront traduites dans les deux langues ou du moins l'information essentielle, c'est-à-dire le résumé des brevets sera disponible dans les deux langues. C'est une preuve d'une mesure positive selon nous, et c'est une preuve que cela fonctionne.
Donc encore une fois, comme Richard le disait, je pense que c'est un pas vers une égalité réelle.
Le sénateur Champagne : On veut que les gens le fassent de façon positive et non pas parce qu'ils risquent d'avoir des ennuis s'ils ne le font pas étant donné que c'est justiciable.
La présidente : Madame Roy, aviez-vous quelque chose à ajouter pour répondre à la question du sénateur Champagne?
Mme Roy : Pour ma part, étant vraiment optimiste, je partage les sentiments de Matthew. C'est vrai que la partie VII est un pas dans la même direction. Mes collègues ont bien résumé les sentiments que nous partageons collectivement.
Le sénateur Tardif : Je tiens à vous féliciter, chers étudiants et étudiantes de cet excellent travail et de votre excellente présentation. Je tiens aussi à reconnaître le travail et le rôle important de votre professeur, le professeur Powers, qui a su vous appuyer et vous diriger de si bonne façon. C'est une excellente initiative.
J'aimerais aussi vous dire à quel point il me fait chaud au cœur de vous voir vous exprimer en français avec tellement d'aisance et d'intelligence sur un sujet qui favorise l'épanouissement des minorités de langues officielles au Canada. Bravo! Cela fait réellement chaud au cœur.
Vous nous avez présenté un document qui identifie de façon très claire ce qu'est une mesure positive, ce qu'est une mesure négative et ce que l'on peut considérer comme étant des situations d'omission d'agir; des exemples très concrets. Vous nous avez parlé très clairement de la portée de la partie VII et des relations de la partie VII avec d'autres parties de la Loi sur les langues officielles.
J'ai plusieurs commentaires et questions. Je sais que le temps est limité. Vous avez indiqué à plusieurs reprises, dans le document, que des mesures négatives pourraient constituer une atteinte minimale à l'épanouissement des minorités de langues officielles. Selon vous, qu'est-ce qui constitue une atteinte minimale? Quels en seraient les critères?
Mme Corriveau : On a développé un exemple concret de l'application d'une mesure négative dans le critère que je vous ai énuméré tout à l'heure. Si vous permettez, je peux vous donner un exemple de ce que cela pourrait avoir l'air.
L'affaire Forum des maires de la péninsule acadienne canadienne c. Canada, l'Agence d'inspection des aliments, offre un exemple. Au Nouveau-Brunswick, l'Agence canadienne d'inspection des aliments a transféré quatre postes d'inspecteurs saisonniers de son bureau de Shippagan, situé au nord-est vers son bureau de Shediac au sud-est, mais la gestion des employés a été confiée au bureau de Blacks Harbour qui lui est situé au sud-ouest. L'agence prétendait que le transfert était nécessaire en raison, d'abord, du déclin des pêches et du transfert des produits de la pêche vers les usines de transformation du sud-est de la province.
Si je reprends l'analyse du début, brièvement, l'agence, effectivement, constitue une institution fédérale au sens de la Loi sur les langues officielles. La décision de transférer des ressources humaines nuit-elle à l'épanouissement de la minorité de la péninsule acadienne? Oui. La décision de l'agence d'éliminer des postes bilingues dans la péninsule acadienne a un effet néfaste parce que les possibilités d'emploi sont particulièrement précaires dans la péninsule acadienne en raison de la faiblesse de l'économie.
Cette décision nuit donc au statut et à l'usage des deux langues officielles dans la péninsule et donc, nuit à l'épanouissement des minorités.
L'objectif poursuivi par l'agence est-il suffisamment important pour justifier une mesure négative? Oui. La décision de l'agence est reliée à une préoccupation réelle ou urgente, celle du déclin du secteur de la pêche et du transfert de l'industrie de la transformation. Il s'agit effectivement d'une préoccupation réelle puisque l'institution fédérale doit pouvoir gouverner et jouir d'un pouvoir discrétionnaire pour remplir son mandat.
Existe-t-il un lien rationnel entre la décision de l'agence de transférer ses employés et son objectif de tenir compte du déclin du secteur de la pêche et du déplacement de l'industrie? Non. Voici pourquoi.
Il est normal et rationnel que l'agence souhaite tenir compte du déclin du secteur des pêches parce que l'agence veut maximiser ses ressources humaines selon ses besoins. Pourtant, le nombre de postes ne change pas. C'est tout simplement un transfert d'une région à l'autre. Le caractère bilingue des postes non plus. Les gestionnaires à Blacks Harbour doivent voyager pour s'occuper des employés qui ont tout simplement été transférés. À quel coût?
La décision de muter les employés dans une région plutôt qu'une autre n'est pas rationnelle parce que l'agence n'a pas été en mesure de démontrer une économie réelle.
L'atteinte à la minorité de la péninsule acadienne est minimale? Non. L'agence ne tient pas compte dans sa décision du nombre d'employés bilingues restants pour lui permettre d'offrir un service dans les deux langues officielles conformément à la partie IV. Quatre emplois sont perdus dans la péninsule, l'une des régions les plus économiquement défavorisées au pays. Les conséquences de la mutation sont énormes et l'agence aurait pu, à tout le moins, déménager des postes dans une autre région, à Shediac ou dans la péninsule où on en avait vraiment besoin. L'agence aurait dû à tout le moins, consulter la minorité avant de prendre sa décision.
Le sénateur Tardif : Je vous remercie. Oui, j'avais lu l'exemple. Le critère à ce point serait-il la consultation auprès de la communauté avant de prendre une décision? Quel est le lien entre la partie IV et la partie VII? Comment en arrivez- vous au fait que la partie VII doit bonifier les exigences de la partie IV?
M. Létourneau : Ici, en regardant les deux parties, il est clair que la partie VII va avoir un impact sur la partie IV. Dans l'exemple donné, c'est plus qu'une question d'offrir un service dans la péninsule acadienne ou au Nouveau-Brunswick. Pour des raisons procédurales, la partie VII doit bonifier la partie IV. Nous pensons que c'est le cas puisque, comme on vient de l'illustrer, l'engagement du gouvernement veut dire qu'il va consulter parce qu'il a une obligation de consulter au paragraphe 41(3). Selon nous, l'engagement va un peu plus loin. Cela va viser cette institution en tenant compte de ses intérêts et du contexte et demandera de travailler plus directement pour en venir à une solution bénéfique, tangible et durable pour ces francophones qui vont perdre leur emploi, et qui vont subir les effets de cette mesure négative, non seulement économiquement, mais aussi dans le contexte de la langue. Cette mesure négative va nuire à la langue, à l'épanouissement et à l'obligation de la partie VII. Nous croyons que dans les calculs de la partie IV cela ne serait pas assez pour adresser cet engagement. Donc les deux travaillent de pair.
M. Léger : La partie IV elle-même parle des services. Elle traite les services un peu plus froidement que la partie VII ne le ferait. On se demande tout simplement si le bureau en question ou l'institution fédérale a une demande importante à laquelle il devrait répondre ou la vocation du bureau. Mais c'est quand même assez restreint. Par ailleurs, des tribunaux ont déjà reconnu que le règlement qui identifie les bénéficiaires de la partie IV n'est pas assez agressif.
Il est arrivé à quelques reprises que le règlement de la partie IV, qui identifie les bénéficiaires, n'ait pas rempli son objectif.
La partie VII ne parle pas seulement des situations où la demande est importante, elle parle de celles où ces services peuvent être utilisés pour favoriser l'épanouissement des minorités, donc accomplir l'objectif de la partie VII. On a donc une considération supplémentaire. Les services ne sont pas là uniquement par gentillesse, mais pour contribuer au développement des communautés minoritaires. Ce principe est reconnu juridiquement et sociologiquement. Les minorités, pour se développer, ont besoin de l'appui d'institutions fortes. À mon avis, c'est en ce sens que la partie VII peut bonifier la partie IV.
Le sénateur Fortin-Duplessis : Je me joins aux autres membres du comité pour vous souhaiter la plus cordiale bienvenue. Je tiens à vous féliciter de votre travail sérieux.
Vous dites, au paragraphe 35 de la page 16 de votre excellent mémoire, que les institutions fédérales permettent aux minorités de langue officielle du Canada d'affirmer leur existence, de se rassembler, d'avoir l'impression de contrôle sur leur destiné. La partie VII doit réaliser cela de concert avec la partie IV, qui porte sur les communications.
Ma question est un peu philosophique, mais elle va, à mon sens, au cœur du problème. Comme vous le savez, la Loi sur les langues officielles aura 41 ans cette année. Ces 40 dernières années ont effectivement bien démontré que les demandes des dirigeants des communautés francophones auprès de leurs membres, de leur base, pour se faire servir en français, ont mené à l'assimilation de beaucoup de francophones vivant en milieu minoritaire. Se faire servir en français par nos gouvernements ne constitue pas, après tout, qu'une infime partie du quotidien pour la grande majorité des francophones qui ne s'affairent pas à cette offre de service. C'est pourtant ce qui oriente la grande majorité des revendications des groupes de pression.
On a constaté aussi que les médias avec lesquels nous nous associons ont un immense impact au quotidien. Ces médias accusent un retard lamentable du point de vue francophone et ne font l'objet d'aucunes revendications de la part de nos groupes de pression, parties prenantes du statu quo de ces médias. Demander à être servi en français sur un site web à jour ne semble pas compter beaucoup.
Ces mêmes actions produisent les mêmes résultats. Ne faudrait-il pas penser à changer le cadre de référence si les francophones désirent conserver leurs acquis et enregistrer des gains? Il faudrait peut-être sortir des sentiers battus et penser à faire davantage la promotion du français plutôt que celle du bilinguisme. Qu'en pensez-vous?
M. Léger : Avec tout le respect que je vous dois, je ne suis pas d'accord avec la prémisse que les institutions fédérales ont un rôle minime à jouer dans l'épanouissement des communautés minoritaires. Ce principe est tiré de l'affaire Montfort, où on reconnaît que l'hôpital avait un rôle immense à jouer dans la communauté francophone. On parlait de l'image selon laquelle la communauté se reconnaissait et se rassemblait à l'hôpital. Il ne s'agit pas seulement d'un service, mais d'un moment-clé dans la vie, au cours duquel on est reconnu par une institution ayant un poids énorme.
J'irais même plus loin. Pour une communauté minoritaire, l'ultime reconnaissance est le fait que son gouvernement tout entier lui appartient et qu'elle appartient aussi à ce gouvernement.
Le fait de se faire servir par l'ensemble des institutions fédérales, sur une base quotidienne et régulière en français, dans sa langue, renforce ce sentiment. On a alors un sentiment d'appartenance à son gouvernement, plutôt que d'être un citoyen de deuxième classe. On a alors le sentiment de ne pas devoir s'assimiler pour travailler, pour instruire ses enfants ou voyager à travers le pays. On peut alors affirmer, « c'est mon pays aussi ». À mon sens, les institutions fédérales peuvent atteindre cet objectif.
Une excellente façon de respecter la partie VII est de se soucier des services offerts au Canada en matière de langues officielles.
M. Létourneau : J'aimerais ajouter quelques mots.
Le sénateur Fortin-Duplessis : J'aurais toutefois un petit commentaire.
La présidente : Allez-y.
Le sénateur Fortin-Duplessis : Je laisserai d'abord M. Létourneau s'exprimer.
M. Létourneau : Je comprends où vous voulez en venir et je partage votre avis. Les institutions fédérales n'ont pas à elles seules ce rôle. Toutefois, chaque occasion de s'exprimer dans sa langue est précieuse pour les minorités. Comme mon collègue l'a soulevé, il est important de sentir que la langue est valorisée. La partie VII cherche justement à valoriser la langue de la minorité.
Je suis d'accord avec le fait que le cadre de référence doit changer. On constate que certaines communautés francophones sont plus affectées que d'autres par l'assimilation. Je n'hésiterai pas, particulièrement en présence du sénateur Tardif, à citer le succès, à Edmonton, du campus Saint-Jean. Le campus Saint-Jean fonctionne très bien grâce à sa communauté. La présence des institutions fédérales telles les bureaux de poste, les bureaux de recensement, Statistique Canada, joue un rôle dans cette communauté, mais le succès tient à plus encore. Chaque fois qu'une mesure est prise, on collabore et on examine la situation.
Dans notre document, on cite l'exemple d'un projet gouvernemental qui visait à promouvoir l'enseignement du français en Alberta. Ce projet ciblait le campus Saint-Jean pour jouer un rôle actif.
La promotion devrait donc se faire en misant sur la dualité linguistique plutôt que sur le bilinguisme. Il suffit de créer des espaces bien intégrés, mais qui opèrent et font vivre la langue de la minorité.
Le sénateur Fortin-Duplessis : J'avais une courte réponse aux propos de M. Léger. Vous nous avez cité un bel exemple. Il va de soi que vous n'êtes pas obligé d'être d'accord avec mes propos.
M. Léger : Je ne dis pas que je ne suis pas d'accord.
Le sénateur Fortin-Duplessis : Vous savez, la situation n'est pas la même partout au pays. Dans les petites communautés où le nombre de personnes n'est pas suffisant, on ne retrouve pas de services en français. Il y a beaucoup d'inégalité à travers le pays et la situation n'est pas toujours rose.
M. Léger : En effet, la possibilité d'aller plus loin au niveau des services serait idéale. Matthew a d'ailleurs cité des exemples intéressants.
Le sénateur Fortin-Duplessis : Ces exemples sont très positifs.
Le sénateur Losier-Cool : Ma question fait suite à vos réponses. Vous avez donné certains exemples et mentionné l'hôpital Montfort. Dans votre réflexion, dans vos recherches et lors de vos discussions, avez-vous réalisé à quel point notre avancement est dû au fait que nous soyons allés devant les tribunaux? On a dû aller devant les tribunaux et rien ne nous a été donné. D'ailleurs, vous en êtes la preuve. Je me souviens m'être battue pour les écoles en français, pour que nous ayons nos écoles et notre système d'éducation — vous l'aurez sans doute appris dans vos classes de français. Cette question a-t-elle surgi dans vos réflexions?
M. Léger : Oui, au début de notre travail, on suivait le cours de droit linguistique avec le professeur Power puis on avait l'évolution des droits linguistiques au tout début puis une séance avec le juge Bastarache qui nous a parlé de ses expériences personnelles. C'est sûr qu'on ne l'a pas vécu personnellement, mais on est au courant de l'évolution ardue des droits linguistiques. L'évolution devant les tribunaux a pris du temps. Il y a eu beaucoup de changements dans les dernières 25 années sinon plus. La partie VII peut même être l'aboutissement de tout cela et peut même être un paradoxe dans le sens que c'est un petit peu demander aux fonctionnaires de s'occuper de prendre une mesure positive avant qu'on ait besoin de le demander devant les tribunaux et en même temps c'est un outil percutant pour aller devant les tribunaux s'ils ne le font pas.
Le sénateur Losier-Cool : C'était le cheminement de ma question, qui m'amenait à la partie VII. Je reviendrai sur une autre question plus tard. Madame Corriveau, vous vouliez ajouter à cela?
Mme Corriveau : Mon collègue a vraiment tout résumé. La partie VII est un moyen de procéder qui permet d'éviter le recours aux tribunaux. Si cela ne fonctionne pas, ultimement, on peut aller en Cour fédérale, mais on souhaite offrir aux fonctionnaires les outils nécessaires afin qu'ils prennent cette décision en connaissance de cause et qu'ils puissent envisager les impacts qu'elle aura sur la communauté. La partie VII, c'est surtout cela, toujours avoir conscience de l'impact d'une décision sur la communauté.
Le sénateur Boisvenu : Je félicite nos témoins et leur souhaite la bienvenue, plus particulièrement à Mme Corriveau, qui habite la plus belle région du Canada. Elle protège très bien sa minorité anglophone d'ailleurs et elle devrait être citée en exemple.
Une loi a de l'importance si ce qu'elle a à protéger est important. Votre étude n'est pas une étude sociologique ou psychologique du comportement humain des gestionnaires fédéraux.
Ma première question : à travers les travaux que vous avez entrepris, avez-vous rencontré certains de ces gestionnaires? Ma deuxième question : avez-vous vu chez ces gestionnaires fédéraux une sensibilité par rapport aux minorités ou par rapport au contenu de votre projet? Et ma troisième question : progressons-nous ou régressons-nous par rapport à cette sensibilité de nos gestionnaires fédéraux à respecter leur mandat de protéger les minorités culturelles ou linguistiques à l'intérieur de la mission de leur organisation?
Mme Corriveau : Pour votre première question, rencontrer les gestionnaires n'était pas nécessairement l'objectif de notre travail. Remarquez que cela aurait pu être intéressant effectivement. Quant à savoir si on progresse ou si on régresse, nous gardons un esprit positif. Je ne sens pas une complète fermeture d'esprit de la part du gouvernement face à l'offre de services en français. Des fois, on a cet objectif, mais on ne sait pas comment s'y prendre. Peut-être qu'on a simplement besoin d'un outil supplémentaire. Cet outil est peut-être la partie VII pour prendre en considération les besoins réels des deux communautés qu'on a à desservir.
M. Létourneau : J'ai remarqué dans mes recherches que des initiatives avaient déjà été prises à l'intérieur de bien des institutions. Il y a le Bulletin 4142, ainsi que des grilles d'analyse qui ont été mises de l'avant pour tenter de respecter un peu plus la partie VII. Ce que nous avons proposé aujourd'hui va au-delà de cela. Il s'agit de vraiment changer la mentalité et non pas d'adopter une procédure de plus. Il faut que les choses bougent pour qu'il y ait progression partout. Le travail avance sur certains plans dans des communautés. J'ai vu aussi comment à Saint-Paul les effets de l'assimilation commencent à se faire sentir. La culture est toujours là, dans ma famille on chante les mêmes belles chansons, mais on parle de moins en moins en français. Honnêtement, il y a progression par endroits, mais régression ailleurs.
M. Léger : C'est vrai qu'on n'a pas rencontré des gestionnaires. À la base, c'était un travail juridique et dont on va passer les détails, mais la démarche qu'on propose c'est le souci du travail du gestionnaire. Ce n'est pas de lui lancer une tonne d'obligations quant au souci des minorités. C'est d'établir une obligation, puis dans la démarche que Monick a expliquée tout à l'heure, il arrive une étape où il y a obligation de faire quelque chose. Ce n'est pas tant quelles sont les autres obligations du gestionnaire, mais de quoi d'autre le gestionnaire doit-il tenir compte dans sa décision. Il y a des cas où il faudra ignorer la mesure positive qui pourrait être prise parce qu'il y a d'autres considérations dont il faut tenir compte. On n'a pas rencontré de gestionnaires, mais on sait que leur travail est très compliqué et qu'ils ont énormément d'obligations à soupeser et on n'ignore pas cela. Ce ne serait pas sérieux d'ignorer cela.
Les gestionnaires sont sensibilisés à la question? La partie VII est toute neuve. J'imagine qu'ils aimeraient avoir un outil pour soupeser ces considérations.
[Traduction]
Le sénateur Seidman : Merci de la prévenance et de l'érudition avec laquelle vous vous êtes penché sur le sujet ce soir dans votre rapport.
Lorsque le juge Bastarache a témoigné devant nous, il a parlé avec éloquence de ces questions. Il a conclu en disant qu'il vaudrait peut-être mieux avoir moins de règlements et mettre davantage l'accent sur la culture des collectivités, la sensibilisation et l'acceptation.
Au paragraphe 5 de la partie A.1 du résumé de votre rapport, vous proposez, « une réorientation de l'engagement des institutions fédérales en favorisant un plus grand accent sur le communautaire. » Pouvez-vous expliquer ce que vous voulez dire par cela?
M. Létourneau : Le sens de ce passage a peut-être un lien avec la question du sénateur Boivenu. La promotion de la langue française ou de l'anglais dans un environnement minoritaire fonctionne bien lorsque les institutions gouvernementales tirent des leçons de la collectivité, laquelle est confrontée aux défis et travaillent fort pour les relever quotidiennement. Nous avons présenté des exemples, surtout dans la partie E de notre rapport. J'attire votre attention au paragraphe 97. Nous dressons la liste de quelques exemples, ils sont peut-être peu nombreux, mais ils pourraient aider à expliquer ce que nous proposons.
Par exemple, j'aimerais parler de l'école Sainte-Anne qui, je pense, se situe en Nouvelle-Écosse. Il y a un aspect de promotion dans la loi portant création de cette école qui la lie à une institution fédérale. Cela lui permet de devenir un centre culturel qui influe directement sur l'institution fédérale. L'institution obtiendra de l'information et relaiera les renseignements sur ce qui se passe de manière à avoir une incidence positive, tout en respectant les obligations provinciales en matière d'éducation. Le campus Saint-Jean, l'exemple que j'ai présenté au paragraphe 37, citation 32, a vu le jour dans le cadre d'un accord signé entre le Canada et l'Alberta en vue de promouvoir la langue française.
L'aspect promotion est directement lié à la partie VII de la Loi sur les langues officielles : recenser les collectivités où ça fonctionne et faire ce qu'elles peuvent avec ce qui est en place. C'est l'aspect communautaire parce que, personnellement, j'ai vu que c'est ce qui fonctionne le mieux.
La présidente : L'accord de Saint-Jean constitue-t-il un exemple de mesures positives?
[Français]
M. Létourneau : Absolument. Cela répond aux critères.
Le sénateur Mockler : Vous avez fait une très belle présentation et je vous encourage à continuer. Je dois vous dire aussi que vos interventions me réjouissent. Nos communautés seront entre bonnes mains. Toutefois, nous devrons constamment lutter pour nos droits, car ils ne sont pas « vendables ».
J'ai participé, alors que j'étais ministre, à la modernisation de la Loi sur les langues officielles au Nouveau- Brunswick, loi qui, en 1988, nous a permis d'effectuer la gestion de nos propres écoles en français, chez nous au Nouveau-Brunswick.
Que pensez-vous de la définition dite « inclusive » de la francophonie, élaborée par le commissaire aux services en français en Ontario? Croyez-vous qu'il serait possible d'appliquer cette définition? On parle des gouvernements à la fois au provincial et au fédéral avec diverses responsabilités constitutionnelles; pensez-vous que cette définition s'applique aux services offerts par le gouvernement fédéral à l'ensemble des communautés de langues officielles en situation minoritaire au pays?
M. Léger : Je ne connais pas tous les détails de la Loi sur les langues officielles en Ontario, mais si je me souviens bien d'une présentation du commissaire Bilodeau, l'une des grandes préoccupations concernait les foyers exogames, donc les mariages mixtes et l'incapacité préalable à la modification pour être en mesure des les comptabiliser. Évidemment, le critère du règlement de la partie IV de la Loi sur les langues officielles fédérales, c'est la langue parlée à la maison. Il y avait quelque chose de similaire, si je ne me trompe pas, pour la Loi ontarienne.
C'est justement un critère qui ne comptabilise pas, la plupart du temps, les foyers exogames. Les études publiées sur le sujet mentionnent que les foyers exogames auront tendance à employer la langue majoritaire à la maison. Cela n'empêche pas que les enfants ou un des deux conjoints peut parler la langue minoritaire. Nous savons également que le principe juridique nous dit que s'il a la capacité même rudimentaire à parler la langue, il devrait être un bénéficiaire des droits linguistiques prévus dans la loi, qu'elle soit ontarienne ou fédérale.
Donc oui, c'est une bonne idée de s'inspirer de ce qui se fait ailleurs. Des failles ont été illustrées par la jurisprudence canadienne dans la Loi sur les langues officielles fédérales. Ce qui se fait en Ontario, c'est une des inspirations possibles, puis il faudrait aussi tenir compte des immigrants récents qui n'ont peut-être pas encore choisi une langue ou qui pourraient faire Partie d'une communauté ou d'une autre. Il faudrait tenir compte d'une multitude de facteurs parfois difficiles à prévoir.
Le plus gros problème, c'est peut-être que le règlement est trop technique ou statique. Il essaie d'identifier les bénéficiaires une fois pour toutes puis pour tout le monde et ce n'est pas évident. Je dirais que de se préoccuper des foyers exogames est un déjà un pas dans la bonne direction.
La présidente : J'aimerais vous faire remarquer, honorables sénateurs qu'il nous reste à peine 15 minutes.
Le sénateur Losier-Cool : Je vous félicite à mon tour. J'applaudis votre vision. Je me rappelle toutes ces luttes que nous avons faites et je crois qu'on ne l'a pas fait pour rien. Vous en êtes la preuve.
Je voudrais revenir sur les paragraphes 16 et 17 alors qu'on essaie d'identifier ce qui est une mesure positive ou ce qui n'est pas une mesure négative. Vous avez dit que les objectifs d'une mesure positive étaient qu'elle soit bénéfique, durable et tangible. Nous avons déjà, lors d'une autre réunion du comité, parlé d'impact et vous avez parlé d'impact linguistique.
Prenons l'exemple du ministère de l'Environnement; suite à un impact environnemental du fédéral, on pourrait avoir un impact linguistique. Mais à ce moment-là, comment va-t-on le mesurer, à savoir s'il est bénéfique, durable, tangible? Est-ce qu'un impact linguistique peut se mesurer comme un impact environnemental?
Mme Corriveau : Je pense que oui; et l'exemple le plus concret de cela est survenu il y a quelques années alors que le gouvernement a décidé d'abolir ou de réduire le programme de contestation judiciaire. C'était un impact linguistique et, selon nous, l'équivalent d'une mesure négative pour l'épanouissement des minorités de langues officielles. Si cette situation avait été analysée à l'aide des critères énumérés tout à l'heure, nous aurions clairement pu déterminer que c'est un impact linguistique au même niveau qu'un impact environnemental pour une communauté. Le fait de perdre les ressources pour faire valoir un droit fondamental est un impact linguistique.
Le sénateur Losier-Cool : Vous répondez à ma prochaine question, car je voulais un exemple d'un tel impact linguistique.
Mme Roy : Effectivement, on pourrait développer des méthodes afin de mesurer l'impact linguistique de nos minorités de langues officielles.
Historiquement, nous savons ce qu'ont été les effets de l'assimilation. Les minorités, pour reprendre les termes jurisprudentiels, sont les mieux placées pour identifier les façons de contrer les défis de l'assimilation et donc, pour développer des méthodes afin de mesurer l'impact linguistique. Il faudrait puiser dans l'historique, savoir que certaines situations sont plus aptes à causer des problématiques plus durables pour les minorités.
Le sénateur Losier-Cool : Je reviens à vos trois objectifs pour qu'une mesure soit positive : durable, bénéfique et tangible. Durable jusqu'à quel point? Prenons l'exemple d'une activité saisonnière. Cela peut être quelque chose pour encourager la participation des groupes linguistiques, c'est tangible, on le voit bien. Il peut s'agir d'un festival des maringouins bilingues. Ce serait bénéfique, et ça pique. Mais à quel point serait-ce durable? Faut-il toujours que ce soit durable pour que ce soit une mesure positive?
Mme Roy : Selon moi, non. Je ne suis pas certaine qu'il faille que cela dure jusqu'à l'infini. Les droits linguistiques sont vraiment malléables et flexibles. Il est impossible de prévoir quelque chose qui serait à ce point durable. Dans notre analyse, l'élément durable de notre définition de mesure positive était de savoir que d'une manière ou d'une autre, les minorités visées par la mesure positive seraient capables de bénéficier à long terme de la mesure entreprise par l'institution fédérale.
La présidente : Il ne nous reste que quelques minutes pour la deuxième ronde des questions. Je demanderais aux honorables sénateurs de s'adresser à une personne en particulier en lui posant des questions précises. Je demanderais aux témoins de répondre de la façon la plus concise possible.
Le sénateur Champagne : Monsieur Létourneau, vous parliez de l'Université Sainte-Anne en Nouvelle-Écosse. Ils font vraiment leur part pour la francisation. Ils accueillent chaque année de jeunes Louisianais qui viennent y parfaire leurs études en français.
Dans votre texte, on parle de ce devoir de consultation à la lumière du principe d'égalité réelle. Vous mettez beaucoup l'accent sur l'importance du communautaire. Cela ferait peut-être en sorte que des villes comme Kootenay, en Colombie- Britannique, où il y a deux écoles françaises et un centre culturel français à obtiendrait le statut de « coin bilingue » qui lui est pourtant refusé.
Vous parlez de collaborer avec les hôpitaux. Là on a un problème de juridiction, la santé étant de juridiction provinciale, mais il me semble que si on allait voir les gens qui ont fait ces écoles et ce centre communautaire francophones, on pourrait faire un acte positif et donner le statut de bilingue à ce coin que ce soit au bureau de poste ou autre. Qu'entendez-vous par mettre l'accent sur le communautaire?
M. Létourneau : Vous avez entièrement saisi ce que nous proposons. Là où il y a des institutions, il y a deux écoles. Il va y avoir des élèves, mais aussi un corps professoral qui travaille en français. S'il y a un bureau de poste, d'autres gens pourront travailler de façon bilingue. Il faut faire preuve d'imagination et se dire qu'il y a peut-être des immigrants francophones qui veulent s'installer en Colombie-Britannique, pour l'exemple de Kootenay, alors pourquoi ne pas les diriger là où il y a des écoles françaises? Donc, bâtir une communauté, peut-être les aider, mais ne pas empêcher ces tentatives, c'est ce qu'est la partie VII.
Le sénateur Champagne : Favoriser l'épanouissement. Vous avez bien raison.
Le sénateur Tardif : Le commissaire aux langues officielles a affirmé ne pas être impressionné par la façon dont le gouvernement gère la mise en œuvre de cette partie de la loi. La réponse a été lente et minimaliste selon lui.
Que faudrait-il sur le plan des institutions fédérales, et du gouvernement, pour assurer la mise en œuvre de vos suggestions? Vous avez indiqué que c'était un manuel d'instruction, de directives. Que faut-il? Quels sont les éléments manquants pour assurer la pleine mise en œuvre de la partie VII de la Loi sur les langues officielles?
Mme Corriveau : Je ne veux pas faire d'esprit de bottine, mais je dirais un dialogue, un consensus sur une façon de procéder avant de prendre des décisions, sur une façon de réfléchir, sur des réflexes à avoir avant de prendre une décision. Ce serait déjà un pas dans la bonne direction.
M. Léger : Je pense qu'on s'entend sur la même chose. Ce serait la façon de le faire. Il s'agit surtout de comprendre que c'est un changement d'attitude, une nouvelle façon de procéder, c'est de se poser la question avant de prendre la décision. Comme les études d'impact environnemental, faire une étude d'impact linguistique pour voir ce qu'il faut faire pour favoriser l'épanouissement des minorités. Il faut changer la façon de penser et d'agir dans le processus décisionnel. Il faut que cela aille aussi profondément que cela.
Le sénateur Tardif : Comment arrive-t-on à faire changer une attitude sur le plan de la bureaucratie et de l'appareil gouvernemental?
M. Létourneau : On n'a malheureusement pas une formation en gestion publique. Toutefois, un site web identifie les bureaux qui desservent la communauté en langue française. Un exemple qui m'est venu à l'esprit au cours des recherches, ce serait d'avoir une base de données des communautés qui seront en mesure de collaborer et de développer les politiques plus axées sur les besoins particuliers, une base de données plus intéressante, trouver les institutions qui font bien leur travail et aider les institutions fédérales prises dans les mêmes choses.
La présidente : Si vous aviez d'autres idées ou d'autres réponses à la question posée par le sénateur Tardif, vous pourriez faire parvenir vos réponses à la greffière de notre comité qui les distribuera aux membres du comité.
Le sénateur Fortin-Duplessis : Mélanie, pouvez-vous nous résumer les principales conclusions de votre projet de recherche?
Mme Roy : Les principales conclusions de notre travail de recherche sont que la partie VII joue un rôle plus large dans la Loi sur les langues officielles et donc, pour tenir compte des objectifs de la Loi sur les langues officielles, il faut vraiment appliquer la partie VII dans toutes les parties, notamment dans la prestation de services. La première conclusion, c'est vraiment que la partie VII joue un rôle plus large, dans le sens qu'il faut identifier les bénéficiaires de façon plus flexible, plus inclusive et moins mathématique.
Une autre conclusion de notre travail est d'offrir un modèle d'analyse, donc non seulement un modèle qui pourrait être utilisé sur le plan juridique, mais avant que cela en arrive là, un fonctionnaire ou une institution fédérale, devrait pouvoir puiser de l'information sur ce qu'on tente de fournir, de façon à pouvoir faire la mise en œuvre de la partie VII.
Une troisième conclusion, et je voulais ajouter cela en réponse à la question du sénateur Tardif, c'est que je crois que, pour être efficace et moins lent, il y parmi les institutions fédérales un devoir de collaboration non seulement avec les organismes des minorités de langues officielles, mais également entre elles; elles doivent ouvrir un réseau de communication entre institutions fédérales pour faire la mise en œuvre de la partie VII de la manière la plus efficace possible.
Le sénateur Mockler : Lorsqu'on parle de mesures positives, est-ce que vous pouvez me dire quels sont vos commentaires sur le nouveau programme d'appui aux droits linguistiques — pour ma part je crois à la modernisation de nos institutions — qui remplace le programme de contestations judiciaires. Est-ce que c'est une mesure positive?
M. Létourneau : C'est une question un peu difficile, cela a beaucoup changé depuis la dernière version, on a changé certaines choses. Parlant de mesure positive, ce n'est pas vraiment un pas allant au-delà de ce qui était déjà en place. Cela a aussi changé pour explorer des causes types. Il y a un aspect du programme qui est très bon, c'est qu'il cherche à résoudre les problèmes de façon alternative, c'est encourageant. Mais parlant d'examiner les causes types, bien qu'on veuille éviter les tribunaux autant que possible et avoir une culture positive en vertu de la partie VII, je ne suis pas certain qu'on puisse parler de mesure positive, pas encore.
Le sénateur Mockler : Il s'agirait peut-être d'avoir des outils pour avoir un équilibre.
Mme Corriveau : Exactement.
La présidente : Merci sénateur Mockler d'avoir gardé votre intervention si brève.
J'aimerais, au nom de mes honorables sénateurs, vous féliciter de votre excellent travail, de la qualité de vos présentations et du sérieux de vos propos et aussi de vos réponses.
Comme vous l'avez vu, les honorables sénateurs auraient pu continuer à vous poser des questions, mais le temps nous manque. Alors en leur nom, je vous remercie très sincèrement et je remercie de façon tout à fait particulière votre professeur, M. Mark Power qui vous a, à mon avis, habilement dirigés, car vous y avez apporté une contribution personnelle, une contribution en termes de votre expérience de vie et ensuite une contribution collective.
Alors merci beaucoup et bon succès. Nous suspendons la séance pour quelques minutes et nous reprendrons avec le prochain témoin.
(La séance est suspendue.)
(La séance reprend.)
La présidente : Honorables sénateurs, nous reprenons notre réunion. Comme vous le savez, le comité étudie présentement la mise en œuvre de la partie VII de la Loi sur les langues officielles au sein des diverses institutions fédérales. Nous accueillons maintenant un représentant de Statistique Canada, M. Réjean Lachapelle, conseiller spécial au sujet des données des langues officielles, qui nous parlera de l'état de la mise en œuvre de la partie VII au sein de son organisation, en plus des résultats de certaines enquêtes concernant les langues officielles publiées par Statistique Canada récemment.
Monsieur, le comité vous remercie d'avoir accepté l'invitation à comparaître. Je vous invite à prendre la parole et les sénateurs suivront avec des questions.
Réjean Lachapelle, conseiller spécial, Statistique Canada : Madame la présidente, c'est moi qui vous remercie de nous avoir invités. Je comparais devant vous à titre de responsable du dossier démo-linguistique à Statistique Canada depuis 1984. Cela fait assez longtemps. Je prendrai d'ailleurs ma retraite demain. Si je témoigne à nouveau devant le comité, ce sera à un autre titre.
Le sénateur Losier-Cool : C'est une belle façon de finir votre carrière.
M. Lachapelle : Dans le cadre de ses activités, Statistique Canada contribue activement à renseigner la population canadienne sur la situation des langues officielles au pays. En collaboration avec des représentants du Secrétariat des langues officielles de Patrimoine canadien et d'autres ministères et organismes clés du gouvernement fédéral, nous consultons régulièrement les utilisateurs de nos données, tant au sein des communautés de langue officielle en situation minoritaire que dans les universités ainsi que dans les ministères et organismes des gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux.
[Traduction]
Statistique Canada travaille activement à la collecte et à la diffusion de statistiques sur les minorités de langues officielles. Grâce au recensement et aux études de cas qui intéressent les minorités de langues officielles, comme l'enquête postcensitaire sur la vitalité des minorités de langues officielles, nous offrons de l'information utile pour l'évaluation et l'élaboration de programmes et de politiques en matière de langues officielles au Canada. Nous offrons notamment ces renseignements pour la mise en œuvre et l'évaluation de la Feuille de route pour la dualité linguistique canadienne. Nous profitons des différentes tribunes auxquelles nous sommes invités pour renseigner les utilisateurs sur les sources de données disponibles et pour promouvoir l'utilisation de données et de recherches quantitatives sur les langues officielles. Nous offrons notre soutien et notre collaboration aux utilisateurs.
Les champions des langues officielles à Statistique Canada diffusent un message annuel à tous les employés pour accroître leur sensibilité aux besoins des communautés de langues officielles minoritaire et pour inciter les employés à atteindre l'objectif du plan d'action de l'agence, que vous avez reçu.
En juillet dernier, le nouveau statisticien en chef, M. Munir Sheikh, a transmis un message sur l'avancement de l'anglais et du français dans la société canadienne. Il a notamment invité les employés à mettre davantage l'accent sur le volet linguistique lorsqu'ils recueillent des données de sondage et également à accroître la dimension de l'échantillon, avec l'aide de nos partenaires, dans des sondages importants pour les minorités, afin de permettre une analyse plus fine du point de vue des langues officielles.
En 2008, Statistique Canada a actualisé l'information dans son dépliant sur les langues, qui a été largement distribué. Je vais fournir des exemplaires de ce dépliant à la greffière. Le dépliant contient des renseignements généraux sur la disponibilité et l'utilisation de données sur les minorités de langues officielles. Par ailleurs, nous publions aussi de façon régulière de courts articles sur des sujets d'intérêt pour les communautés minoritaires dans le Bulletin 41-42 de Patrimoine canadien. Le DVD intitulé Portrait des communautés de langues officielles au Canada, regroupe des données du recensement de 2006 qui peuvent intéresser les groupes de personnes appartenant à des minorités de langues officielles. Ce DVD a été publié en mars 2009 après que nous avons fait des consultations auprès des principaux utilisateurs des éditions précédentes sur la façon dont nous pouvions améliorer le produit pour le rendre plus facile à utiliser et accroître son potentiel analytique. En août 2009, nous avons publié à l'intention des utilisateurs spécialisés de bases de données un document intitulé Sources de données de Statistique Canada sur les minorités de langues officielles.
[Français]
Patrimoine canadien a organisé en janvier 2008 un symposium national sur la recherche dans le domaine des langues officielles. Statistique Canada a participé à son organisation et a contribué à son succès par des exposés généraux et une participation active aux ateliers. Ce fut une occasion de présenter les tendances qui ressortent des données du recensement de 2006 et de celles de l'enquête posttransitaire sur la vitalité des minorités de langue officielle, données qui avaient été rendues publiques dans les deux cas un mois plus tôt, en décembre 2007.
Je cite un des rapports du commissaire aux langues officielles, rapport qui date d'un an et demi :
Cette enquête constitue une mesure positive en elle-même. Celle-ci a été rendue possible grâce à l'appui et au soutien du Secrétariat des langues officielles et de plusieurs ministères et organismes fédéraux, y compris le Commissariat aux langues officielles.
En plus de la publication initiale qui s'intitule Les minorités prennent la parole : Résultat de cette enquête, diffusée en décembre 2007, nous avons présenté de très nombreux exposés sur ces différentes facettes dans des assemblées ou des réunions scientifiques.
Statistique Canada n'est pas financé pour ses activités relativement aux langues officielles par la Feuille de route pour la dualité linguistique canadienne. Nous avons néanmoins obtenu un appui financier à long terme du secrétariat des langues officielles de Patrimoine canadien pour le soutenir dans ses activités d'analyse, de planification et d'évaluation.
Pour des projets particuliers comme l'enquête sur la vitalité des minorités de langue officielle, il nous faut un appui financier des ministères et organismes fédéraux intéressés. Il en va de même pour les études analytiques approfondies. Ainsi, grâce à la demande et au soutien financier de Santé Canada, nous avons pu mener une étude intitulée Professionnels de la santé et minorités de langue officielle au Canada - 2001 et 2006. Celle-ci fut diffusée en avril 2009.
La contribution proactive de Statistique Canada à la mise en œuvre de l'article 41 de la Loi sur les langues officielles repose donc sur le soutien financier des ministères et organismes fédéraux financés par la Feuille de route. Nous avons toujours pu compter sur leur appui, en particulier sur celui du secrétariat des langues officielles de Patrimoine canadien. Je vous remercie.
La présidente : Merci, monsieur Lachapelle. Nous débutons maintenant la période des questions avec le sénateur Tardif.
Le sénateur Tardif : Monsieur Lachapelle, merci d'être ici aujourd'hui et je tiens à vous souhaiter une heureuse retraite.
Je tiens aussi à vous féliciter parce que je vois aussi que le commissaire aux langues officielles a fait l'évaluation de Statistique Canada sur votre rendement par rapport à la mise en œuvre de la Loi sur les langues officielles et de façon générale, vous avez une cote de bon à exemplaire, et surtout par rapport à la partie VII. Je vois aussi que le fait que vous ayez entrepris des études de recherche relativement aux communautés de langue officielle pourrait être un signe de mesures positives et d'appui envers ces communautés.
Pouvez-vous me dire si vous entretenez une relation avec les gouvernements provinciaux et, si oui, comment vous entrez en relation avec les gouvernements provinciaux pour la mise en œuvre de la partie VII?
M. Lachapelle : En fait, il y a des rencontres annuelles avec des ministres responsables au sein des gouvernements provinciaux sur la promotion des langues officielles et, en particulier, des minorités francophones à l'extérieur du Québec. En général, quand on nous demande de faire des présentations sur des tendances nationales tirées de nos données, on y va très volontiers. C'est notre méthode d'entendre beaucoup de suggestions. C'est à l'occasion de ces rencontres qu'on nous présente des résultats, ce qui me paraît une façon très efficace de procéder. On a des liens plus suivis avec l'Ontario, le Québec ainsi que le Nouveau-Brunswick. À certaines occasions, des organismes nous téléphonent et nous échangeons avec eux pour essayer de mieux connaître quelles sont leurs préoccupations. Pour l'Ontario, en particulier, on a examiné la situation de très près. On leur a fourni les données nécessaires pour qu'ils puissent mettre en place ce qu'ils ont appelé la définition inclusive de francophone.
Le sénateur Tardif : Je reconnais tout à fait l'importance de votre travail. Dans cette définition inclusive de la francophonie, croyez-vous qu'il y a un lien entre la partie VII et la partie IV, dans le sens que la partie VII pourrait servir à bonifier la partie IV de la Loi sur les langues officielles sur les communications et les services?
M. Lachapelle : À Statistique Canada, nous devons garder la plus grande neutralité à l'égard de toutes les politiques. Nous ne pouvons nous prononcer sur aucune politique de manière directe ou indirecte quel que soit le palier gouvernemental. Presque tous les bureaux statistiques ont cette orientation. Comme on doit faire de la collecte auprès de l'ensemble de la population, on doit obtenir le soutien de toutes les Canadiennes et de tous les Canadiens, en particulier quand on fait un recensement. Tout le monde considère que notre organisme doit être très neutre sur ce plan. Cela ne nous empêche toutefois pas de contribuer à éclairer la situation. Par exemple, pour la partie IV, immédiatement après l'adoption de la loi en 1988, je me souviens d'avoir eu des rencontres personnelles avec le Conseil du Trésor qui cherchait des informations sur comment, du point de vue quantitatif, on pourrait trouver une nouvelle définition de francophone. Parce qu'à l'époque, l'ancienne loi de 1969 définissait comme francophones les personnes de langue maternelle française. Cela découlait des recommandations de la Commission Laurendeau-Dunton.
À cette époque, le gouvernement fédéral était préoccupé d'élargir la définition de francophone et d'anglophone pour tenir compte du fait qu'il y avait une croissance de la population de langue maternelle autre que française et anglaise, ce qu'on appelle souvent les allophones afin de savoir quelle orientation prenait cette sous-population quant aux services en français ou en anglais. Selon l'idée de mettre en place une nouvelle définition, qui est devenue la première langue officielle parlée, Statistique Canada a préparé une publication qui a servi au Conseil du Trésor pour faire une consultation. Mais dans cette publication, nous avions présenté une gamme de définitions pour être bien sûrs que le Conseil du Trésor en choisirait une qui ne serait pas celle de Statistique Canada.
C'est ainsi que la première langue officielle parlée a été définie de façon générale par nous en utilisant l'ensemble des données qui étaient disponibles à cette époque. En ce sens, cela a été utilisé dans le règlement pour mettre en œuvre la partie IV.
Quant à la partie VII, certains ont mentionné que pour les bénéficiaires, on pourrait considérer une définition différente des langues officielles. Notre rôle consiste à dire quelles sont les données dont nous disposons et comment on peut les agencer, quels sont les avantages et les inconvénients des différents agencements et à souligner aussi le fait que les recensements canadiens, souvent on ne le sait pas, mais sont de très loin ceux qui comportent le plus d'informations linguistiques dans le monde. Nous avons sept questions linguistiques. De nombreux pays n'en ont qu'une. Aux Nations Unies, on propose généralement aux pays qui souhaitent avoir une question linguistique, une gamme de trois orientations. Dans des variables types, nous avons une question, parfois deux, parfois trois et parfois quatre.
Le sénateur Fortin-Duplessis : Soyez le bienvenu, monsieur Lachapelle.
J'aurais une question sur les projections. Dans son étude sur la diversité de la population canadienne d'ici 2031, Statistique Canada a manqué une occasion de jeter plus de lumière sur l'évolution linguistique du pays au cours des 20 prochaines années. On y parle d'ethnies, d'allophones, de minorités visibles, de confessions religieuses, mais pourquoi alors ne pas avoir extrapolé des projections pour l'évolution du français et de l'anglais comme langue maternelle? Il me semble que personne ne l'ait demandé.
N'oublions pas qu'au dernier recensement, les personnes de langue maternelle française ne représentaient plus que 22 p. 100 de la population canadienne, environ 21 p. 100 si on se fie à la langue la plus souvent parlée à la maison. Or cette proportion est en chute depuis des décennies. En 1961, plus de 28 p. 100 des Canadiens se disaient de langue maternelle française. Après cela, plus de 26 p. 100 identifiaient le français comme langue la plus souvent parlée à la maison en 1961. On peut s'attendre à une nouvelle baisse en 2011. Cette situation est pour le moins très inquiétante et elle mériterait qu'on fasse des projections jusqu'en 2031. J'aimerais vous entendre sur le manque de projection pour l'évolution du français et de l'anglais comme langues maternelles dans la population canadienne d'ici 2031.
M. Lachapelle : La raison pour laquelle nous n'avons pas fait de projection par langue maternelle est que plusieurs auraient critiqué ces projections, parce que la langue maternelle est jugée comme un indicateur imparfait de ce que constituent les minorités de langue officielle, les groupes de langue officielle et qu'il faut considérer, d'ailleurs, la première langue officielle parlée, qui est une variable plus complexe utilisée par le gouvernement fédéral et qui répartit les allophones entre le français et l'anglais, et constitue une variable qui tient mieux compte de l'usage des langues dans la sphère publique.
Il faut se rappeler la baisse de la proportion de la langue maternelle française. Elle est connue depuis longtemps et est prévue depuis longtemps. J'ai écrit un gros ouvrage avec Jacques Henripin à la fin des années 70 dans lequel nous avons prévu de façon très simple que le poids de la langue maternelle française, sa proportion, allait continuer de diminuer pour une raison simple.
Nous avons assisté à un changement absolument majeur dans la démographie canadienne au début des années 1960. On a assisté à une chute énorme de la fécondité.
Ce n'est pas particulier au Canada. Cela s'est trouvé dans le monde entier; dans les pays développés et même ailleurs maintenant. Et cette baisse, pour les francophones plus que pour les anglophones, a été très élevée.
Par exemple, pour les francophones de l'extérieur du Québec, on avait en moyenne, à la fin des années 1950, cinq enfants par femme. On est passé en 15 ans à moins de deux. Et maintenant, c'est 1,5. Et en plus, à l'extérieur du Québec, en gros, 70 p. 100 des femmes transmettent leur langue maternelle aux enfants; c'est donc en plus du 1,5 qui est très en dessous du seuil de remplacement des générations. La forte fécondité était le seul facteur très favorable au français de façon traditionnelle.
Parmi les autres facteurs, la migration internationale ne l'a jamais été puisque la proportion des immigrants de langue maternelle française a toujours été faible et que les transferts linguistiques et les déplacements entre des tierces langues se font beaucoup plus vers l'anglais et c'était encore plus le cas dans le passé.
On s'attend donc à cette baisse et on s'attend également à ce qu'il y ait une baisse des effectifs dans les prochaines années. Le défi n'est pas là. Le défi est de dire que lorsqu'une population comme le Canada reçoit un très grand nombre d'immigrants depuis la fin des années 1980, depuis 20 ans, on assiste à une poussée des allophones en nombre et en proportion.
À preuve, même la proportion de la population de langue maternelle anglaise est en baisse rapide. Et c'est le cas des majorités forcément quand les migrations qui deviennent le principal facteur d'accroissement sont le fait de populations qui n'ont pas pour langue maternelle le français et l'anglais. C'est presque automatique. Je me souviens d'avoir écrit des pages sur ce sujet il y a 30 ans.
Mais le défi n'est pas là. Le défi est d'essayer de comprendre comment va évoluer non seulement la population selon la langue maternelle et selon la langue parlée à la maison — c'est les informations que l'on a — mais comment elle va évoluer dans la sphère publique. Et dans la sphère publique, on le voit quand on prend la première langue officielle parlée où on essaie de répartir les allophones entre le français et l'anglais.
Par exemple, il n'y a plus de baisse de l'anglais à l'échelle du pays ou à l'extérieur du Québec. Et quant au français au Québec, c'est la concurrence habituelle entre le français et l'anglais. Ces deux grands facteurs : chute de la fécondité à partir de la fin des années 1950 a transformé le paysage, puis nouvelle transformation poussée de l'immigration internationale à partir de la fin des années 1980.
Il y a peut-être un troisième élément, mais qui aide mieux à comprendre la situation québécoise : l'énorme poussée des pertes migratoires de la population anglophone entre environ 1966 et 2001. Mais c'est un phénomène qui s'est beaucoup atténué entre 2001 et 2006. Il faut revoir tout cela et cela demande des études extrêmement approfondies qui n'ont pas encore été faites. On aurait pu faire quelque chose d'extrêmement simple, mais on aurait fait l'objet de critiques très dures. Il aurait fallu mettre sur pied une équipe de recherche particulière et cela se fera soit à l'extérieur de Statistique Canada, soit à l'intérieur.
C'est un sujet qui m'intéresse personnellement beaucoup. Vous avez raison en ce sens qu'on assiste à une poussée énorme des allophones. On prévoit que d'ici 2031 — c'est déjà passé à 20 p. 100 actuellement — ce sera plus de 30 p. 100. Il va de soi que les deux autres groupes vont diminuer en importance.
Cela ne veut pas dire que les langues française et anglaise seront moins utilisées dans le domaine public, dans les échanges avec le gouvernement, puisque les institutions, essentiellement, offrent des services en français et en anglais.
Le sénateur Fortin-Duplessis : Cela m'inquiète. Dans un article que j'ai lu, on dit qu'il n'y a plus que 15 p. 100 des nouveaux arrivants qui choisissent la langue française. Tous les autres choisissent la langue anglaise : dans l'autre partie du pays — davantage vers les provinces de l'Ouest — il y a beaucoup d'immigrants qui ne se donnent même pas la peine d'apprendre ni le français ni l'anglais. Cela m'inquiète. Si vous êtes préoccupé, je le suis aussi.
M. Lachapelle : Ce n'est pas que je suis préoccupé; le sujet m'intéresse pour faire des projections, essayer d'y voir clair, mieux comprendre les conséquences d'une très forte immigration pour parer à la décroissance démographique.
Le sénateur Boisvenu : J'ai une question qui sera la plus embêtante de votre carrière — sans doute la dernière plus embêtante, mais je tenais à vous la poser parce qu'un déclin a une fin.
Il n'y a pas de déclin observé sur de longues périodes de 30 ou 40 ans qui n'ont pas de fin. Il y a une fin quelque part, particulièrement lorsqu'on parle de langues et lorsqu'on parle de minorités.
À la page 8 du rapport qu'on nous a remis, les données du dernier recensement ne semblent pas annoncer de très bonnes nouvelles aux communautés francophones en situation minoritaire. Je pense à l'Ouest canadien en particulier. Le Nouveau- Brunswick est assez dynamique encore; à cause de la proximité du Québec, mais aussi à cause de la communauté francophone du Nouveau-Brunswick qui est très dynamique avec un taux de croissance très faible et une utilisation du français de moins en moins présent à la maison.
À quand prévoyez-vous votre dernier recensement dans lequel l'indice de la francophonie sera à zéro dans l'Ouest canadien?
M. Lachapelle : Des phénomènes qui aboutissent à zéro, on n'en connaît pas.
Le sénateur Boisvenu : Ou du moins que ce soit ténu au point que ça n'ait plus d'importance?
M. Lachapelle : Il n'y a pas que l'importance numérique. Je suis démographe; je crois que c'est une discipline importante et qu'on traite de phénomènes importants. Mais il y a quand même d'autres façons d'examiner la réalité. Je suis généralement ouvert.
Le sénateur Boisvenu : En dehors du côté folklorique que vont représenter éventuellement ces communautés, un moment arrivera où, si on n'a pas d'éléments dynamiques pour dynamiser et protéger ces communautés, pour avoir des gestionnaires dans le domaine gouvernemental qui vont s'en faire aussi une mission, éventuellement le nombre va devenir presque absent, et ce même pour la réalité quotidienne.
M. Lachapelle : En Colombie-Britannique et en Alberta, ce sont des provinces où le nombre de francophones a augmenté à cause des apports migratoires importants. Il est certain que nous ne sommes plus dans la période du Canada français historique où a eu lieu le peuplement de l'Ouest et où les gens arrivaient du Québec et créaient un village entièrement francophone. Tout cela s'est lentement démantelé. Les gens sont dans les grandes villes. Mais quand vous allez dans ces endroits, vous voyez des activités, un dynamisme certain. On a parlé ici du campus Saint- Jean. Il faut voir ce qui se fait; des efforts sont faits pour essayer de créer un quartier francophone ou un peu plus francophone que la moyenne autour de ce campus. Il se fait des efforts partout.
Vous avez raison, il y a des tendances lourdes également, mais il faut essayer de marier les deux. Statistique Canada a produit des données.
C'est certain que de façon démographique, j'ai été habitué à cela, on présente des données qui ne sont pas toujours réjouissantes. Pas seulement, d'ailleurs, pour les communautés francophones. Vous savez que, concernant cette chute de la fécondité qui s'est retrouvée un peu partout dans le monde, il y a de nombreux pays développés, ou parties de pays développés, comme en Italie ou en Espagne, où les taux de fécondité sont si faibles, bien inférieurs à ce que l'on a, qu'ils vivent des phénomènes de décroissance. Comment s'y adaptent-ils? Il y a le Pays Basque, la Catalogne. Ce n'est pas seulement sur le plan linguistique. En ce sens, c'est un défi que tous les pays développés ont à surmonter : faire face au vieillissement de la population. Pour les minorités c'est souvent un défi plus grand.
Je vous donne un exemple qui va dans votre sens — en même temps ce n'est pas à moi ou à Statistique Canada d'indiquer comment relever ce défi, mais c'est un défi : le groupe d'âge 45-49 ans né à la fin des années 60 avait un effectif au recensement de 2006 près de trois fois plus élevé au groupe d'âge des 0-4 ans. Il y a une chute énorme, reliée à la baisse de la fécondité. Il y aura dans les prochaines années un défi pour faire face au vieillissement de la population. Ce défi se retrouve au Québec, de façon plus atténuée, dans de nombreux pays européens également ou au Japon. Donc ce n'est pas un phénomène qui est propre aux minorités. C'est un phénomène large, mais c'est un défi et il faut mettre en place des expériences, des solutions, être ouvert également à ce qui se passe ailleurs pour essayer de trouver des inspirations.
Comme je vous le dis, pour notre part, nous essayons de présenter le portrait et également d'être ouverts à d'autres points de vue.
Le sénateur Boisvenu : Mais vous n'êtes pas optimiste.
M. Lachapelle : Je suis de nature très optimiste, vous ne pouvez pas vous imaginer à quel point!
Le sénateur Boisvenu : Il faut l'être, à la veille de la retraite!
Le sénateur Champagne : Monsieur Lachapelle, bonsoir. Moi, je serais parmi les très optimistes et je vous avoue que j'ai beaucoup de difficulté avec les assertions de mon collègue, tout à l'heure. Je me pose aussi beaucoup de questions quant aux questions que Statistique Canada pause. Vous dites que personne n'a autant de différentes questions quant à la langue parlée; pourtant on voit, par exemple, en ce moment en Alberta ou en Colombie-Britannique, la quantité d'écoles d'immersion qui existent, où les jeunes viennent apprendre le français. Pour ma part je m'inquiète pour les francophones du Québec qui n'apprennent pas l'anglais et vont avoir un problème parce qu'ils n'auront pas la dualité linguistique.
Dernièrement, il y a quelques mois, je m'en allais à Victoria, sur l'île de Vancouver, et le petit avion était rempli de jeunes qui venaient de passer un mois en France. Je suis allé leur poser des questions et tout le monde parlait très bien français. Je serais curieuse de revoir — j'ai probablement rempli votre questionnaire à un moment ou à un autre — comment les questions sont formulées. Par exemple, la première langue parlée, c'est une chose. Mais dans les cas de couples exogames — c'était mon cas — j'ai élevé mes deux enfants avec un père anglophone. Je leur parlais français, leur père leur parlait anglais, nous nous parlions en anglais; mes enfants ont été élevés dans les deux langues constamment. Je ne sais pas comment mon fils répondrait à la question aujourd'hui : « quelle est la première langue que tu as parlé à la maison », car les deux langues se parlaient constamment. Je vous avoue que je suis très fière des deux adultes parfaitement bilingues que j'aurai à ma table pour Pâques.
Dans les cas des couples exogames qui parlent les deux langues à la maison constamment, où sont-ils comptabilisés? Ces jeunes qui ont peut-être parlé l'anglais, mais qui parlent très bien français maintenant, où est-ce qu'ils sont comptabilisés et où seront-ils comptabilisés quand, eux aussi, ils auront fondé des familles?
Je m'inquiète des questions qui vous font arriver à des résultats aussi tristes, aussi déprimants pour qui veut la survie et la vitalité de la langue française au Canada.
M. Lachapelle : Le recensement canadien posait traditionnellement, jusqu'au recensement de 1961, deux questions. Les deux questions ont été sensiblement maintenues par la suite et on en a ajouté d'autres. Quelles étaient ces deux questions? Cela a commencé au recensement de 1901, puis il y a eu un peu de variations. La première question était : connaissez-vous assez bien le français et l'anglais pour soutenir une conversation? Et on offre quatre possibilités de réponse : français seulement, anglais seulement, anglais et français, ni anglais ni français. On fait sensiblement cela à tous les recensements depuis un siècle, c'est à peu près la même question. Cela a peu changé depuis 1971. C'est la question sur la connaissance, la capacité de parler, ce qu'on appelle souvent le bilinguisme officiel.
On a une question traditionnelle, qui se retrouve d'ailleurs à l'article 23 de la Charte et dont la définition se retrouvait dans la première Loi sur les langues officielles, celle de 1969, sur ce qu'on appelle la langue maternelle. Au Canada, on a une définition un peu curieuse, par rapport aux standards internationaux, mais qui tient à notre histoire. Chaque pays a son histoire. On demande : quelle langue avez-vous apprise en premier lieu à la maison dans l'enfance et que vous comprenez encore? Et on accepte lesréponses multiples. On ne les accepte pas depuis toujours car, évidemment, quand c'étaient des agents recenseurs qui faisaient du porte-à-porte, ils s'assuraient semble-t-il qu'il n'y ait qu'une réponse, mais depuis au moins le recensement de 1981, on accepte les réponses multiples, et les réponses multiples sont données. Les analystes font ensuite des répartitions pour essayer de maintenir la comparabilité dans le temps.
Les tendances dont je parle sont fondées sur des informations, on a posé la question depuis très longtemps. Si on changeait de question, je peux vous dire qu'on devrait faire de nombreuses consultations auparavant, d'autant qu'on irait à l'encontre de la définition qui se trouve à l'article 23 de la charte.
On a ensuite des questions qui ont été rajoutées à la demande de la commission royale d'enquête. À la suggestion de la commission Laurendeau-Dunton, c'est une question sur la langue parlée le plus souvent à la maison. Et on a rajouté, à la demande du commissariat et des minorités, d'autres questions. Par exemple, le commissariat et les minorités mentionnaient qu'il y avait des interprétations, pas par Statistique Canada, mais par d'autres, qui donnaient à penser que lorsqu'on ne parlait pas le français le plus souvent on l'avait abandonné. Donc, on a rajouté une question en 2001, « quelles sont les autres langues que vous parlez régulièrement à la maison? », qui complète mieux le portrait de la situation. On a aussi ajouté, à cette question du recensement de 2001, deux questions sur la langue utilisée au travail : la langue utilisée le plus souvent au travail et les autres langues utilisées régulièrement au travail.
Tout cela nous donne un portrait assez général de la situation. Comme je vous le dis, certaines des questions n'ont à peu près pas changé depuis un siècle.
Le sénateur Champagne : Il faudrait repenser certaines des questions pour s'assurer que nous ayons une idée claire des francophones qui parlent encore la langue et savoir quelles régions du pays on pourrait déclarer régions bilingues pour éviter de voir ce qu'on a vu cette semaine à Kootenay, où il existe deux écoles françaises et un centre culturel, mais où rien ne se fait en français.
Il est dommage que vous partiez à la retraite. Avec l'expérience que vous avez, vous pourriez suggérer des questions et aider les institutions gouvernementales et les différents ministères à trouver les mesures positives à adopter pour favoriser l'épanouissement et en arriver à l'égalité réelle entre le français et l'anglais dans notre beau grand pays.
Le sénateur Losier-Cool : Ça tombe bien parce que ma question fait suite à celle du sénateur Champagne. En ce qui concerne la première langue officielle parlée, je crois que même le commissaire aux langues officielles et la Fédération des francophones voudraient revoir ce questionnaire.
Tout comme le sénateur Champagne, je déplore le fait que vous partiez à la retraite. Mais peut-être aurez-vous dans le futur un statut de consultant qui vous ferait rencontrer ces groupes.
Je reviens sur la définition inclusive de la francophonie. Vous avez dit tout à l'heure que vous avez travaillé avec l'Ontario. Est-ce que cette définition pourrait s'appliquer ailleurs au Canada?
M. Lachapelle : Essentiellement, l'Ontario a mis en place une définition dite inclusive et nous avons fourni les données. En Ontario, certains étaient préoccupés par le fait qu'ils utilisaient seulement la langue maternelle pour définir les francophones.
Ils voulaient être inclusifs et élargir la définition pour y inclure essentiellement les personnes de langue maternelle autre que française et anglaise, qui ont une certaine connaissance et une certaine proximité avec le français. Ce qu'ils ont fait en apportant ce changement, c'est exactement ce que le gouvernement fédéral avait fait à la fin des années 1980.
Ils ont adopté notre manière de compiler ces données. Comment les compile-t-on? On considère une personne francophone en trois temps : une personne qui a indiqué à la question sur la connaissance des langues officielles qu'elle pouvait parler seulement le français, qu'elle parle seulement l'anglais et pour les personnes qui déclarent parler anglais et français, on va examiner la langue maternelle.
Donc une personne bilingue de langue maternelle française est toujours classée comme une personne qui ne parle que le français. Ensuite, suivant cette méthode, bon nombre de personnes ne sont pas classées. En particulier, ce sont des personnes de langue maternelle autre que française et anglaise et qui parlent leur propre langue à la maison.
Dans un premier temps, s'ils parlent l'anglais à la maison, ils sont placés du côté anglais. S'ils parlent le français à la maison, ils sont placés du côté français. Et s'ils parlent toujours leur tierce langue, mais qu'ils ont une connaissance du français et de l'anglais, ils sont maintenus dans cette catégorie, anglais ou français. Pour cette portion très particulière d'allophones qui parlent leur tierce langue à la maison, ils les ont compilés moitié au français, moitié en anglais.
Dans les ménages mixtes que les gens mentionnent, pour considérer qu'il s'agit d'un ménage mixte, il faut qu'un des membres soit déclaré de langue maternelle. Cette personne est comprise dans les francophones, bien entendu. L'autre, s'il est mixte, il est de langue maternelle anglaise, il est de la communauté anglophone. Quant aux enfants, cela dépend essentiellement de leur langue maternelle.
La présidente : Le temps passe et nous n'avons plus tellement de temps. Je suis originaire de l'Ouest, je n'ai pas l'intention de mourir, mes enfants et mes petits-enfants non plus.
Lorsqu'on considère les petites communautés de langue officielle en milieu minoritaire, il semble que deux concepts viennent jouer encore plus fortement lors d'un recensement et qu'ils ont un impact plus prononcé sur les petites communautés.
J'aimerais que vous m'expliquiez ce que signifie l'impact de l'arrondissement aléatoire. Qu'est-ce que cela veut dire concrètement? Il y a ensuite la marge d'erreur sur le calcul. Ces deux concepts jouent un rôle. Quel est leur impact? Il est sûrement plus prononcé?
M. Lachapelle : L'arrondissement aléatoire est très faible. Il a été introduit en 1971 pour préserver la confidentialité des données. À cette époque, on a commencé à répondre aux demandes de gens qui voulaient des compilations spéciales, des tableaux complexes.
Dans le cas où une personne demande la population d'une région et demande ensuite la population de cette région moins un village, si on ne fait pas d'arrondissement aléatoire, par soustraction cette personne peut obtenir toutes les caractéristiques des personnes de ce village. C'est donc pour éviter ce genre de chose qu'on fait de l'arrondissement aléatoire.
En général l'effet est simple parce que si une cellule est inférieure à dix, le chiffre, de façon aléatoire, mais en tenant compte de sa proximité par rapport à zéro et à dix, est arrondi à zéro ou à dix. C'est indépendant. Dans un tableau cela peut être dix et dans l'autre zéro, sauf que si c'est vraiment zéro, ce sera toujours zéro.
Pour tous les autres chiffres, ils sont arrondis de façon aléatoire. Supposons que dans une cellule on a le nombre 18, on va l'arrondir à 15 ou à 20. Il sera arrondi à 20 avec une probabilité égale à trois sur cinq et à 15 avec une probabilité égale à deux sur cinq. Mais c'est assuré que ce soit de façon aléatoire et que si on recompile le même tableau, il y aura des variantes pour éviter les problèmes de confidentialité.
La présidente : C'est minime, si je comprends bien. Cela joue très peu.
M. Lachapelle : Cela joue très peu.
La présidente : Et pour l'autre facteur, soit la marge d'erreur?
M. Lachapelle : Il y a une marge d'erreur pour la simple et bonne raison que les questions linguistiques sont posées dans ce qu'on appelle le questionnaire complet qui comporte 50 questions. Ce questionnaire complet est remis à un ménage sur cinq.
Cela se fait depuis longtemps. Il est possible que certains ménages n'aient jamais reçu le questionnaire complet. Si vous avez reçu le questionnaire complet, vous vous en souviendrez parce qu'il y a beaucoup de questions complexes sur les activités et sur le revenu.
Le questionnaire abrégé comporte très peu de questions et dans ce cas, il diminue le fardeau de réponses des Canadiens. Les études ayant démontré que d'ordinaire, pour la plupart des applications, un échantillon au cinquième est suffisant. Aux États-Unis c'était traditionnellement un échantillon au sixième, mais cela varie d'un pays à l'autre en fonction des besoins et des traditions.
La présidente : Est-ce que la marge d'erreur a très peu d'impact?
M. Lachapelle : Tout dépend. Si vous êtes dans un petit village, la marge d'erreur existe. Les gens m'ont posé la question.
On leur a parlé de cette question au moment où ils ont fait la règlementation. En tant que statisticien, il y a des possibilités de tenir compte de cela puisqu'on a une information, une seulement. On en utilise trois pour définir la première langue officielle parlée, mais on a quand même une information importante dans le questionnaire abrégé. On a une question sur la langue maternelle qui est toujours là. Les questions linguistiques au Canada sont des sujets très sensibles. On pose la même question, mais dans deux contextes différents, on obtient des variations dans les réponses parce que les gens sont sensibles. Par exemple, on a beaucoup plus de réponses multiples quand on pose la question sur la langue maternelle : Quelle langue avez-vous apprise en premier lieu en famille dans l'enfance et que vous comprenez encore? On obtient beaucoup plus de réponses multiples quand on pose cette question seule que lorsqu'on la pose dans le contexte d'un bloc de questions sur les langues.
La présidente : S'il n'y a pas d'autres questions, monsieur Lachapelle, je tiens à vous remercier très sincèrement. C'est toujours très intéressant de vous entendre. Maintenant, de là à dire que je comprends tout ce que vous avez dit, je vais sûrement relire attentivement les transcriptions de ce comité.
Merci beaucoup. Bonne retraite, bonne chance dans votre retraite. Bon succès, bonne santé et merci beaucoup.
M. Lachapelle : C'est moi qui vous remercie.
(La séance est levée.)