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Délibérations du comité sénatorial permanent des
Langues officielles

Fascicule 4 - Témoignages du 26 avril 2010


OTTAWA, le lundi 26 avril 2010

Le Comité sénatorial permanent des langues officielles se réunit aujourd'hui à 17 h 5 pour faire une étude sur l'application de la Loi sur les langues officielles, ainsi que des règlements et instructions en découlant. Sujet : étude de la partie VII et d'autres enjeux.

Le sénateur Maria Chaput (présidente) occupe le fauteuil.

[Français]

La présidente : Honorables sénateurs, il y a quorum. Je déclare donc la séance ouverte.

Je vous souhaite la bienvenue au Comité sénatorial permanent des langues officielles qui étudie présentement la mise en œuvre de la partie VII de la Loi sur les langues officielles au sein de diverses institutions fédérales.

Nous accueillons aujourd'hui deux représentants de la Fédération des associations de juristes d'expression française de common law : Me Josée Forest-Niesing, présidente de la Fédération et Me Rénald Rémillard, directeur général.

Quoique la Fédération des associations de juristes d'expression française de common law a déjà comparu devant le comité le 25 février 2008, le comité désire réentendre ces témoins à cette étape-ci de l'étude afin de voir s'il y a eu des progrès dans la mise en œuvre de la partie VII et pour entendre la Fédération au sujet de la portée de cette partie de la Loi sur les langues officielles.

Le comité vous remercie d'avoir accepté l'invitation à comparaître et je vous invite à prendre la parole pour qu'ensuite les sénateurs puissent vous poser des questions.

Josée Forest-Niesing, présidente, Fédération des associations de juristes d'expression française de common law : Madame la présidente, permettez-moi de vous parler brièvement de la FAJEF : une organisation qui regroupe sept associations de juristes d'expression française et qui a pour mandat de promouvoir et de défendre les droits linguistiques des minorités francophones, notamment — mais pas exclusivement — en matière d'administration de la justice. Bien que composée largement de professionnels, la FAJEF a un mandat communautaire.

À titre d'information, il y a des associations de juristes d'expression française dans quatre provinces de l'Ouest, en Ontario, au Nouveau-Brunswick et en Nouvelle-Écosse. Les sept associations de juristes d'expression française représentent ensemble environ 1 400 juristes et le nombre de juristes augmente généralement chaque année. La FAJEF est aussi membre de la FCFA : la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada.

Notre présentation portera évidemment sur la partie VII de la Loi sur les langues officielles et plus particulièrement, sur certaines mesures qui ont été prises en matière de langues officielles en justice par le gouvernement fédéral depuis les dernières années.

Permettez-moi d'abord de vous parler du Fonds d'appui en matière de langues officielles. Comme vous le savez probablement déjà, Justice Canada fournit un appui financier dans le cadre de son Fonds d'appui en matière de langues officielles.

D'ailleurs, la FAJEF et son réseau bénéficient de ce fonds par un financement de base et aussi pour le financement de nombreux projets ayant pour objectif d'assurer l'accès à la justice en français. Concrètement, ce fonds d'appui permet aux intervenants universitaires et communautaires, y compris les associations de juristes d'expression française, d'avoir des projets pour promouvoir, entre autres, les carrières en justice, la formation en français juridique auprès de nombreux intervenants dans le secteur de la justice (procureurs de la Couronne, greffiers, avocats de la défense, huissiers, et cetera) et fait de la sensibilisation du public d'expression française quant aux droits linguistiques judiciaires.

Il y a quatre ans, Justice Canada a aussi annoncé, à titre de « mesure positive », que 250 000 dollars par année seraient affectés à des projets de langues officielles dans le cadre du fonds du droit de la famille axé sur l'enfant. Cette mesure très appréciée nous a permis, depuis plusieurs années, de traiter davantage de la question de la justice familiale.

D'ailleurs, nous avons pu organiser un premier colloque pancanadien en français sur la justice familiale, à Moncton, en 2008. Un autre colloque national en français sur la justice familiale est prévu, à Ottawa, en octobre 2010. Pour la première fois, grâce à ce financement, nous aurons une journée de formation en médiation familiale.

Grâce à ces projets, une collaboration très intéressante s'est aussi tissée avec la section québécoise de l'Association francophone internationale des intervenants auprès des familles séparées.

En termes de consultations avec la CFA — la Communauté francophone et acadienne —, il existe déjà un processus de consultation avec Justice Canada. Ce mécanisme et, à un plus grand degré, les communications informelles et fréquentes avec Justice Canada ont été particulièrement fructueux.

C'est aussi grâce à ces consultations que nous avons pu souligner l'importance d'accentuer de façon très importante, avant l'adoption de la Feuille de route en matière de dualité canadienne, la formation en français dans le domaine de la justice.

Plus récemment, le ministère de la Justice a aussi partagé avec nous ses orientations en matière de vulgarisation de renseignements juridiques, qui, nous sommes heureux de le dire, tiennent compte de l'importance des communautés de langues officielles.

Enfin, Justice Canada a aussi pu aider la FAJEF et son réseau à développer des liens avec d'autres ministères par le biais de rencontres ou encore de financements conjoints, notamment en matière de prévention du crime et aussi auprès de Citoyenneté et Immigration Canada. Bref, nous trouvons que Justice Canada est proactif et très ouvert au dialogue en matière de langues officielles.

Nous ne voulons pas terminer sur une note négative, mais nous tenons quand même à souligner deux lacunes importantes en matière de justice.

Il s'agit premièrement du processus de nomination des juges à la magistrature fédérale. Nous voudrions que le processus de nomination des juges à la magistrature fédérale soit modifié pour mieux tenir compte des obligations linguistiques judiciaires. La capacité bilingue des candidats devrait être évaluée. Également, le nombre nécessaire de juges bilingues, afin d'assurer un accès égal à la justice en français au Canada, devrait être dressé pour chacune des provinces ou régions, ce qui n'est pas le cas à l'heure actuelle.

En deuxième lieu, les communautés francophones et acadienne se préoccupent depuis plusieurs années de la GRC et des relations que celle-ci entretient avec elles. Au provincial, il existe présentement trois tables de concertation entre les communautés francophones et la Gendarmerie Royale du Canada, notamment en Saskatchewan, en Nouvelle-Écosse et au Manitoba. À notre connaissance, ces tables fonctionnent très bien. Toutefois, au national, nous discutons depuis environ deux ans de la mise sur pied d'une table nationale de concertation entre la Gendarmerie royale du Canada et les communautés francophones et acadienne, mais le dossier n'avance malheureusement pas. Nous croyons qu'à titre d'institution nationale, la GRC devrait être nettement plus proactive, en particulier à l'échelon national.

Voilà donc nos quelques commentaires préliminaires. Il nous fera plaisir de répondre à vos questions maintenant.

La présidente : Merci beaucoup, maître.

Le sénateur Champagne : Je vous remercie d'être venus nous voir en cette belle journée. J'aimerais aborder deux points avec vous.

Premièrement, votre fédération a comme objectif d'encourager la mise en place d'une jurisprudence en faveur du développement et de l'épanouissement des communautés francophones et acadienne ainsi que de sensibiliser les membres des communautés francophones quant à leurs droits linguistiques et l'importance de l'accès à la justice en français. En juin 2008, le gouvernement a annoncé la création du programme d'appui aux droits linguistiques qui a remplacé l'ancien programme de contestation judiciaire. Le ministre du Patrimoine et des langues officielles a annoncé, en septembre dernier, que l'Université d'Ottawa a été choisie comme gestionnaire du nouveau programme. Il a donné un fonds de 1,5 million de dollars par année pour essayer de trouver et de décider des cas qui devraient être entendus. Cependant, ce volet de médiation qui est prévu dans le programme a soulevé bien des questionnements auprès de certains spécialistes. Nous avons entendu ici l'honorable juge Michel Bastarache qui, lui, n'était vraiment pas d'accord avec le volet médiation. Que pensez-vous de ce programme? Selon vous, faisons-nous vraiment un pas en avant ou si nous tournons en rond?

Mme Forest-Niesing : L'aspect médiation est certainement un élément qui tient compte de la réalité de tout l'appareil judiciaire actuel. Les mesures alternatives de résolution de conflits s'introduisent dans plusieurs aspects différents, notamment en droit de la famille et dans d'autres domaines où les contentieux peuvent être très chauds, très serrés.

Le sénateur Champagne : Très émotifs.

Me Forest-Niesing : Très émotifs. Tout à fait. Quand les émotions s'en mêlent, les modes alternatifs de résolution se compliquent un peu. Je pense que le temps va nous permettre de mieux évaluer si nous faisons un pas vers l'avant. Je vois cela de façon positive : on tient compte de la tangente vers les modes alternatifs de résolution de conflits et malgré le fait qu'une cause en est à l'étape de la demande au programme d'appui, donc déjà bien avancée dans le processus, et que les positions adverses sont peut-être bien ancrées, on laisse la place au dialogue pour tenter d'en arriver à une résolution. Le fait que ce soit obligatoire au niveau de la procédure ne peut pas nuire, selon moi.

Si j'ai bien compris — et Me Rémillard pourra me corriger si j'ai tort —, on évalue le potentiel de règlement assez tôt dans le processus de cette démarche et, effectivement, s'il n'y a vraiment pas de place pour une négociation, on accepte donc cette réalité et on passe à l'avancement de la cause.

Rénald Rémillard, directeur général, Fédération des associations de juristes d'expression française de common law : Je crois que la question de la médiation fait partie du processus. On peut voir l'avantage d'une médiation, non quand on regarde l'interprétation ou l'ampleur d'un droit existant, mais par la mise en œuvre de celle-ci. Par exemple, si on sait l'état du droit, on connaît l'étendue de ce droit, dans certains cas, si on parle de questions de financement, il y a des causes, parfois, qui vont porter sur les questions de gymnase, par exemple, le partage d'un local, c'est vraiment la mise en œuvre de ce droit, alors la médiation peut avoir sa place dans ce contexte. Ce sont les tribunaux qui vont définir l'ampleur d'un droit.

Tant que le processus tient compte de ces contraintes, de ces objectifs différents, à ce moment-là, la médiation a sa place, mais elle n'est pas nécessairement appropriée dans tous les cas. Et une des choses que l'on retrouve dans le nouveau programme d'appui — c'était un des éléments du processus —, c'est que la médiation ne devienne pas obligatoire si elle n'est pas appropriée.

À ce stade-ci, on verra comment cela va se dérouler, mais cela fait certainement partie de la conception du processus de médiation et on verra si les résultats iront dans ce sens, une fois que le programme d'appui sera vraiment mis sur pied et qu'il y a plusieurs causes qui vont progresser.

Le sénateur Champagne : Merci beaucoup. J'aimerais aborder un autre sujet plus tard. Je vais tout de même laisser la place et donner mon nom pour le deuxième tour.

La présidente : Question supplémentaire?

Le sénateur Tardif : J'avais une question supplémentaire à celle du sénateur Champagne au sujet de la médiation dans ce programme.

Si je comprends bien, les cas qui seront examinés par ce programme sont des causes types, ce sont des cas qui traitent de matières constitutionnelles, qui vont voir à l'étendue de la protection de ce droit. Et donc, les cas qui découlent de la Loi sur les langues officielles ou de l'application de la loi ne sont pas considérés comme étant acceptables devant le programme de médiation.

Comment se fait-il, alors, que l'on puisse parler de médiation lorsqu'on ne traite pas de ce type de cas? Cela me semble contradictoire.

M. Rémillard : Oui. Je sais qu'il y avait des causes par le passé. Lorsque j'étais directeur du programme de contestation judiciaire, il y avait des causes qui touchaient davantage la mise en œuvre. Je donne l'exemple d'un gymnase ou d'un laboratoire qui connaît le droit à la gestion scolaire — on sait qu'on a droit à des locaux —, mais dans certains cas, cela devient assez pointu de s'assurer que ce droit constitutionnel est respecté. Et une des choses que l'on définissait, c'est que cela doit se faire à la lumière des circonstances particulières de cette province ou de cette localité.

Alors, c'est une cause type, mais avec une application très limitée, avec des situations de faits très limitées, qui se rapprochent beaucoup de la mise en œuvre d'un droit, mais non à la définition et à l'interprétation de l'ampleur de ce droit.

Dans ce contexte, c'est peut-être dans la minorité de cas, mais la médiation pourrait avoir sa place. Parce qu'il ne suffit pas que de déterminer l'ampleur du droit, mais c'est vraiment d'assurer, d'une certaine façon, la mise en œuvre. Dans bien d'autres situations, ce n'est pas le cas parce que si c'est définir l'ampleur du droit, à ce moment-là il n'y a que les tribunaux qui peuvent le faire.

Le sénateur Tardif : On n'a pas utilisé les mêmes critères dans ce nouveau programme qu'antérieurement dans le programme de contestation judiciaire. Les cas ne sont pas tous admissibles.

M. Rémillard : Non.

Le sénateur Tardif : Alors, si j'ai bien compris, ce type de cas où l'on plaidait la mise en œuvre de l'application de la loi ne sont plus admissibles comme tels?

M. Rémillard : Les mêmes critères et l'ampleur sont à peu près identiques dans l'ancien programme de contestation judiciaire que le nouveau programme d'appui aux droits linguistiques. Ce sont essentiellement les mêmes droits constitutionnels.

Il n'y a pas eu vraiment de divergence ou de différence par rapport à ce qui existait avec le mandat du programme. On ajoute le volet promotion qui est bonifié et évidemment toute la question de la médiation.

Mais si on regarde le processus, il y a beaucoup de détails dans la façon dont cela va fonctionner. À ce moment-là, le processus a été négocié et développé avec une certaine préoccupation — comme je vous dis, cela va peut-être être différent lorsqu'il y aura des causes, on va voir ce que nous donnera l'expérience —, mais ces préoccupations ont tout de même été prises en considération lorsqu'on a élaboré ce mécanisme.

Il y a eu des pourparlers, des négociations, des consultations entre les communautés qui ont justement été pris en compte lorsque ce processus du nouveau programme d'appui aux droits linguistiques a été mis sur pied.

Est-ce que cela va donner les résultats escomptés? C'est un peu difficile de le savoir à ce stade-ci parce qu'on va voir la façon dont ce sera appliqué.

Le sénateur Tardif : Mais il semble quand même y avoir une contradiction entre les propos de l'ancien juge Bastarache et l'orientation, ici. Ce serait donc intéressant de revoir tous les documents à cet effet.

La présidente : Sénateur Tardif, c'était une question supplémentaire. Maintenant, vous étiez sur la liste pour votre question.

Le sénateur Tardif : Je voudrais davantage d'explications. Lors de votre présentation sur le processus de nomination de juges à la magistrature fédérale, vous avez indiqué que ce processus devrait être modifié afin de mieux tenir compte des obligations linguistiques judiciaires. Et que présentement il y avait un problème. Pouvez-vous nous donner plus de détails?

Mme Forest-Niesing : Je peux commencer et je suis certaine que Me Rémillard aura aussi des commentaires.

Dans chacune des provinces et à l'échelle nationale, pour la nomination des juges par le fédéral, le fait qu'il n'existe présentement aucun moyen d'évaluer les compétences linguistiques des candidats — chose que nous voudrions voir changer — mène malheureusement au résultat d'avoir un nombre insuffisant de juges bilingues, capables d'entendre des causes dans les deux langues.

Dans les régions désignées où il est possible de demander un procès en français, pour entendre un procès et pour que le procès chemine du début à la fin, il faut plus d'un juge, puisque les règles de procédure exigent que le juge qui entend le procès ne soit pas le même qui traite de l'enquête préliminaire.

Donc il faut au moins deux juges. Il faut aussi avoir un coussin assez confortable pour permettre de tenir compte des absences en raison de congés de maladie ou en raison de déplacements pour desservir une région géographique plus grande. Et trop souvent, ceux qui choisissent de procéder en français anticipent des délais et des problèmes. Moi-même, en pratique privée, il m'est arrivé plusieurs fois d'arriver avec le client, alors que toute la préparation est faite, que tout le monde est prêt à commencer, on s'adresse au tribunal en français et on se fait arrêter parce qu'on a oublié qu'on avait demandé un procès en français, résultat : on n'est pas prêt à nous recevoir, il faut demander un ajournement. Alors, ou bien on revient une autre journée ou bien on accepte de procéder en anglais, ce qui est tout à fait inacceptable.

Le sénateur Tardif : Est-ce que vous me dites que le problème serait qu'il y aurait un manque d'infrastructures de la part des provinces pour accommoder ce type de demandes?

Mme Forest-Niesing : Je reconnais que oui, il y a certainement un problème au niveau de l'infrastructure dont une solution possible serait d'évaluer les compétences des candidats. Une autre serait de désigner des postes bilingues dans les régions où l'on détermine qu'il y a une pénurie de juges, de décider d'avance combien il en faudra pour que le système fonctionne de façon adéquate et satisfaisante.

Et pour ce faire, je crois qu'en désignant le poste de juge, la question n'est plus posée, on demande un candidat qui possède déjà les capacités linguistiques nécessaires.

Le sénateur Tardif : Est-ce que je peux poser une question supplémentaire? On parle souvent de « mesures positives » lorsqu'on traite de la partie VII et les changements qui y ont été apportés depuis quelques années afin de favoriser l'adoption de « mesures positives » pour l'épanouissement des communautés francophones et anglophones en situation minoritaire.

À votre avis, la nomination de juges à la Cour suprême qui sont capables de comprendre les deux langues officielles constitue-t-elle un exemple de « mesure positive »?

Mme Forest-Niesing : Tout à fait. J'inviterais Me Rémillard à commenter.

M. Rémillard : Cette question comporte différents éléments, dont le droit d'être entendu et compris. Le fait de pouvoir être compris sans interprétation, au niveau pratique, a ses avantages. Plusieurs avocats vous diront, à la lecture de la transcription, qu'on remarque souvent des problèmes et des lacunes avec les interprétations. L'interprétation ne capte pas toujours les nuances et elle n'est pas le moyen idéal de communiquer. Lorsqu'on s'adresse à une personne, de façon officieuse, on le fait dans la langue de l'interlocuteur. Et ce n'est pas par hasard; c'est pour se faire comprendre le mieux possible sans interprétation.

Évidemment, il y a tout l'aspect symbolique. On s'attend à ce que la plus haute institution juridique au Canada soit apte à nous entendre dans les deux langues officielles.

En plus de cette composante symbolique, il y a certaines considérations d'ordre pratique.

Le droit d'être entendu et compris est accepté à la Cour fédérale, à la Cour fédérale d'appel et aussi lors de procès criminels. C'est un droit important. Pourquoi ne le serait-il pas également à la Cour suprême du Canada?

Le sénateur Fortin-Duplessis : Ma question fait suite à celle du sénateur Tardif, mais sous un autre angle.

À votre avis, les services de formation offerts aux avocats et aux jeunes juges, dans toutes les provinces du Canada, permettent-ils l'apprentissage de la seconde langue officielle adéquate, de sorte que ces personnes soient prêtes, par la suite, à siéger?

M. Rémillard : J'ai déjà posé la question à un juge en chef à savoir si effectivement c'était le cas. Ce juge m'a répondu qu'il connaissait quelques exemples de personnes qui, avec de la formation, avaient réussi à maîtriser la langue suffisamment pour entendre les causes, mais avec beaucoup d'efforts.

L'apprentissage d'une deuxième langue officielle, même lorsqu'on est nommé juge, n'est pas chose facile.

On retrouve certains cas de personnes qui deviennent suffisamment à l'aise dans la seconde langue pour entendre les causes, mais ce n'est pas la norme.

Le sénateur Fortin-Duplessis : Ce n'est pas tout le monde.

M. Rémillard : Certaines personnes ont les aptitudes pour apprendre une deuxième langue. C'est une question d'habileté, de volonté et d'efforts. À mon avis, ces trois facteurs entrent en ligne de compte. Il semblerait que c'est chose possible. Je me posais d'ailleurs la même question.

Le sénateur Fortin-Duplessis : Certains devront travailler fort!

M. Forest-Niesing : Il faut bien sûr la volonté et la capacité. Mais malgré ces qualités, l'apprentissage d'une langue seconde ne doit pas faire abstraction de l'aspect culturel. La compréhension de la culture qui accompagne la langue peut certainement influencer la réception et l'interprétation des témoignages rendus dans cette langue. De ce point de vue, exiger l'apprentissage d'une langue seconde peut comporter certains risques.

Le sénateur Fortin-Duplessis : Plusieurs croient que la Loi sur les langues officielles doit être complètement repensée, étant donné la situation dans l'Ouest canadien et aussi pour lutter contre l'anglicisation de Montréal.

À votre avis, le commissaire aux langues officielles devrait-il avoir un pouvoir exécutoire? Je vous rappelle ce point, car il s'agissait d'une recommandation que nous a faite l'an dernier la Fédération des communautés francophones et acadiennes du Canada. J'aimerais avoir votre opinion à ce sujet.

M. Rémillard : Nous sommes membres de la FCFA. C'était effectivement une des recommandations qui avaient été faites dans un des rapports. À titre de membre de la FCFA, nous appuyons cette recommandation.

La question de la Loi sur les langues officielles soulève, depuis plusieurs années, toutes sortes de propositions réformes ou de modifications de la part de la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada et d'autres organismes. On entend les mêmes propos au sujet du règlement et des pouvoirs du commissaire aux langues officielles.

Je pense qu'il faut une vue d'ensemble, car plusieurs facteurs sont à considérer. Il ne suffit pas de changer un élément, il faut une certaine cohérence en regard de la Loi sur les langues officielles. Il faut toujours considéder l'ensemble de cette loi et ses différentes composantes.

Votre question est très pointue. Il ne faut pas oublier de considérer tous les éléments de la Loi sur les langues officielles afin d'assurer leur cohérence. C'est un aspect qu'on ne doit pas négliger dans toute modification ou réforme.

Le sénateur Losier-Cool : J'aimerais parler un peu du Fonds d'appui en matière de langues officielles que vous avez mentionné dans votre présentation.

Pourriez-vous me donner un exemple concret de projet que ce Fonds d'appui permettra de mettre en place? Il peut s'agir d'un appui à ceux qui désirent faire carrière dans le domaine juridique. Ce Fonds d'appui peut-il servir à former plus de juristes dans les deux langues officielles?

M. Rémillard : Lorsqu'on parle de carrières dans le domaine juridique, on ne parle pas uniquement des carrières comme avocat ou avocate. Le terme est très large. On parle aussi du personnel de soutien, des greffiers et greffières, ainsi que des interprètes. On parle donc de l'ensemble des carrières au sein du système d'administration de la justice.

En tant que fédération, nous trouvons important d'augmenter la capacité du système d'administration de la justice. De ce fait, nous encourageons les carrières auprès de trois clientèles cibles que nous identifions comme suit : les nouveaux arrivants francophones, les produits ou les gens issus de l'immersion, et aussi ceux qu'on peut appeler les francophones traditionnels ou issus des communautés francophones plus traditionnelles. On vise à les exposer davantage. Ce projet fut mis de l'avant notamment en Ontario et prend de l'ampleur. D'ailleurs, une étude est en cours à ce sujet pour voir comment encourager ces carrières auprès des trois clientèles identifiées. L'idée est d'essayer de mousser et d'intéresser les jeunes à considérer ces carrières.

Il s'agit d'une façon de s'assurer que nos jeunes se trouveront des emplois. Cet effort contribuera également à ouvrir l'accès à la justice en français. Tout le monde gagne à augmenter la capacité du système d'administration de la justice, tant au provincial qu'au fédéral.

Cette initiative sur la promotion des carrières est fort positive.

Le sénateur Losier-Cool : Pourriez-vous définir ce Fonds d'appui comme une « mesure positive »?

M. Rémillard : Je crois qu'il contribue, à tous les niveaux, à l'essor des communautés francophones et acadienne et au rayonnement de la francophonie.

Le sénateur Losier-Cool : Avez-vous procédé à des consultations avec les universités pour savoir s'ils peuvent offrir davantage de formations juridiques bilingues?

M. Rémillard : Les universités sont toujours invitées. Une rencontre officielle a lieu une fois par année à laquelle les gens des communautés sont invités et les associations de juristes s'y trouvent. Des universités, notamment celle d'Ottawa, de Moncton et les universités anglophones comme McGill sont également présentes.

Nous tenons avec ces gens des discussions par rapport à des enjeux dans le domaine de l'administration de la justice. Concernant des discussions bilatérales, il n'y a pas vraiment un forum spécifique pour cela. Cela se fait parce que les associations de juristes ont soit des points d'ancrage ou de contact avec ces universités et il y a des juristes qui chevauchent ces deux mondes.

Le sénateur Losier-Cool : Est-ce courant aujourd'hui, dans les universités, que soient donnés des cours de formation juridique bilingues ou bien des cours pour ceux qui veulent apprendre une formation juridique dans les deux langues officielles?

M. Rémillard : Il y a des facultés de droit bilingues ou en français comme à Ottawa, à Moncton et McGill; et à Weston, par exemple, il y avait un cours de français juridique. Je sais par ailleurs qu'il y a un intérêt de la faculté de droit de l'Université du Manitoba d'offrir des cours en français. Nous n'entendions pas parler de cela il y a 5, 10, 15 ou 20 ans.

Il y a maintenant des professeurs de droit ayant fait partie de programmes d'immersion qui aimeraient enseigner des cours en français et les facultés de droit commencent à être de plus en plus intéressées. Je ne peux pas parler pour l'ensemble des facultés, mais cet intérêt commence à faire son chemin dans plusieurs universités.

Le sénateur Rivard : Je voudrais revenir sur la question de la nomination des juges. Je crois comprendre que votre opinion porte sur les juges nommés au fédéral; au Québec c'est la Cour supérieure et en Ontario il s'agit de la Cour de l'Ontario, ainsi que pour les cours d'appel. Vous proposez qu'il y ait un nombre suffisant de juges bilingues.

Nous avons la chance aujourd'hui, à cette table, qu'il y ait quatre provinces représentées : le Québec en majorité, le Nouveau-Brunswick, l'Alberta et le Manitoba. Je crois que, dans toutes ces provinces, un prévenu peut exiger et obtenir d'être entendu en français.

Que ce soit au Québec pour quelqu'un qui veut avoir accès à un juge en anglais ou si on parle d'un prévenu à Terre- Neuve-et-Labrador qui nécessiterait un juge en français à la Cour supérieure et qui ne peut pas l'obtenir, à votre connaissance y a-t-il des provinces où la difficulté est tellement grande pour avoir accès à un juge qu'un prévenu ne peut pas être entendu dans la langue officielle de son choix?

Mme Forest-Niesing : C'est toujours un problème aigu, parce que la pénurie de juges est un problème qui existe depuis très longtemps. Les solutions à ce problème ne sont pas tellement évidentes dans le contexte actuel. Je vous donne l'exemple de l'Ontario.

En Ontario, il y a des régions désignées en vertu de la Loi sur les services en français. Dans ces régions désignées, on s'attend à ce qu'il y ait un nombre suffisant de juges. Je peux vous parler de ma propre expérience professionnelle. Par exemple, à Sudbury en Ontario, où j'ai pratiqué pendant presque 20 ans en pratique privée, nous avons régulièrement des embûches, et cela malgré la bonne volonté de tous ceux qui participent à l'avancement d'une cause : le client, l'avocat et tous les membres de l'appareil judiciaire.

Comme je l'ai dit tout à l'heure, il faut plus d'un juge. Et il en faut plus que deux, trois ou quatre pour prévoir et permettre que l'appareil fonctionne de façon efficace. Dès qu'il y a le moindre problème, que ce soit un déplacement, des vacances ou un congé de maladie, tout à coup nous sommes paralysés puisqu'il n'y a qu'un juge en mesure d'entendre une cause. Le problème persiste, mais nous aurions des solutions à proposer.

Le sénateur Rivard : À quelque niveau que ce soit : la Cour de l'Ontario ou la Cour supérieure du Québec, pensez- vous que la traduction simultanée est une option raisonnable ou doit-il y avoir des juges bilingues qui s'expriment clairement et qui peuvent comprendre sans traduction simultanée?

Je vous vois approuver. Je vous parle maintenant de la Cour suprême. Il y a neuf juges à la Cour suprême et seulement un, présentement, est unilingue anglophone. Je me pose des questions, à savoir si les huit autres juges peuvent entendre une cause et comprendre tout sans mettre l'oreillette, donc en ayant une connaissance suffisante de la langue pour rendre un jugement en toute connaissance de cause, avec tous les mots juridiques? Il y a même des avocats qui me disent qu'ils auraient peut-être besoin à l'occasion, dans leur langue maternelle, d'un dictionnaire pour bien comprendre.

Quelle est votre opinion à ce sujet?

Mme Forest-Niesing : Au moment où j'occupais la présidence de l'AJEFO, nous étions à négocier un protocole d'entente avec la Police provinciale de l'Ontario pour assurer un service en français.

Je vais vous relater un exemple qui va peut-être vous faire rire un peu — ça m'a fait rire — et pleurer en même temps. Il y a eu un appel au commissariat de la police provinciale de la part d'une dame qui a dit en français :

Mon mari vient de prendre le bois avec sa carabine. Je suis très inquiète. Pourriez-vous envoyer quelqu'un?

Elle l'a dit de cette façon. La personne qui était responsable d'envoyer le policier a rapporté l'incident en anglais : « Armed theft of wood » — mon mari a pris le bois avec sa carabine.

Cela vous donne une petite idée du sens que va prendre la réponse. Il y a une très grande différence entre comprendre le français, le canadien-français, le français du nord de l'Ontario et le français du Manitoba qui est différent de celui du nord de l'Ontario. Chaque région donne une saveur différente à la langue et, pour bien comprendre, je crois qu'une traduction est très souvent insuffisante.

Je vais aller plus loin en parlant de la traduction pour vous expliquer que, trop souvent, malgré des talents extraordinaires et une capacité excellente en traduction, on perd parfois le sens de la phrase au complet, donc le sens du témoignage, et cela affecte le résultat d'un contentieux.

Le sénateur Rivard : Selon votre commentaire, vous démontrez quasiment hors de tout doute la grande difficulté que nous aurons à trouver neuf juges compétents et parfaitement bilingues pour la Cour suprême. C'est tout un défi qui nous guette.

Mme Forest-Niesing : Oui, je suis d'accord; c'est un défi. Mais je ne suis pas d'accord avec plusieurs opinions exprimées récemment dans les manchettes disant que c'est impossible. Cela ne l'est pas puisque des procès en français dans les provinces de l'Ouest ont déjà lieu et qu'ils se déroulent uniquement en français, sans l'aide d'interprètes.

Et si c'est possible dans les provinces de l'Ouest, sachant que le défi est le plus grand, pour le Canada et pour le tribunal principal, il ne faudrait pas que ce soit une embûche.

[Traduction]

Le sénateur Seidman : Merci beaucoup d'être ici ce soir.

En réponse à une question concernant le manque de juges bilingues à la Cour suprême, vous avez parlé des lacunes que vous avez détectées dans le processus de nomination des juges à la magistrature fédérale. Je pense qu'on vient tout juste d'en parler aussi.

Vous avez parlé des services de traduction offerts à la Cour suprême. Êtes-vous au courant de plaintes formulées par des avocats ou des juges de la cour au sujet de la qualité des services de traduction?

[Français]

M. Rémillard : Je peux répondre. Il y a certainement déjà eu des témoignages ici, sinon devant d'autres comités, où il y a eu des lacunes.

Ce que j'entends, c'est que ce n'est pas nécessairement des gens qui ont comparu, mais je peux vous dire que devant d'autres tribunaux, que ce soit au niveau de la Cour du Banc de la Reine ou ailleurs, presque tous les avocats, lorsqu'ils parlent de services d'interprétation, vous disent qu'ils préfèrent ne pas utiliser d'interprétation, parce qu'il y a toujours quelque chose de perdu dans l'interprétation. Il y a des nuances, une fluidité perdue, on n'est pas aussi confortable, on ressent justement cette gêne.

Je pense que Me Forest-Niesing a aussi mentionné que dans certains cas, il y a des nuances à apporter à ce que l'on entend, sur l'exactitude de ce qu'on est en train de faire, dire ou de représenter.

Il y a toujours une perte d'un côté de l'interprétation, même si c'est la meilleure interprétation possible. Mais il y a des nuances. Chaque langue a son génie propre, sa façon de s'exprimer. Quand on prend un concept dans une langue et qu'on essaye de le transposer dans une autre langue, il y a des nuances qui vont nous échapper, c'est inévitable.

Mme Forest-Niesing : J'ajouterais à cela un dernier détail. Si nous avions, à la Cour suprême, des juges bilingues, cela éliminerait le besoin de se fier à une traduction. Dans le contexte actuel où la traduction est essentielle, je ne suis pas convaincue que c'est la meilleure utilisation des ressources.

[Traduction]

Le sénateur Seidman : Je comprends ce que vous dites, et je ne veux nullement vous contredire. Toutefois, ma question est vraiment très précise : avez-vous entendu des plaintes concernant les services de traduction, formulées par un juge de la cour ou un avocat, qui dépendrait de ces services de traduction?

[Français]

M. Rémillard : À part la plainte qu'on avait entendue de Me Michel Doucette lors d'une comparution, je n'ai jamais entendu personne dire ça. Mais il faut réaliser qu'en ce qui concerne notre effectif à la fédération, il y a des avocats qui vont comparaître devant la Cour suprême du Canada, mais ce n'est pas la vaste majorité.

Mme Forest-Niesing : Pour ma part, je ne connais aucun cas de plainte concernant la qualité de la traduction à la Cour suprême.

Le sénateur De Bané : Au sujet de ce programme d'appui aux droits linguistiques annoncé par le gouvernement il y a deux ans, l'ancien juge Bastarache de la Cour suprême a dit qu'il ne voyait pas comment ce programme pouvait être utile s'il a pour objet de se servir de médiation pour interpréter une loi, tester sa validité constitutionnelle, et qu'il faut davantage s'intéresser à la mise en œuvre de la loi.

Il a dit qu'il voyait une contradiction fondamentale dans le nouveau programme. Il a ajouté :

Comment voulez-vous négocier l'étendue ou l'existence d'un droit ou la constitutionnalité d'une loi? Cette tâche me paraît impossible.

La médiation peut se faire sur la mise en œuvre de la loi. Si l'on ne parle pas de la mise en œuvre du droit et qu'on ne s'entend pas sur la façon de l'appliquer, pourquoi impose-t-on la médiation et la discussion? De quoi va-t-on discuter? Qu'est-ce que vous pensez de cette analyse de l'ancien juge de la Cour suprême?

Mme Forest-Niesing : C'est clair que pour les causes où il ne s'agit que d'une analyse de mise en œuvre, la médiation pourrait avoir un certain succès. Par contre, je suis d'accord, en ce qui concerne les causes où l'on est fondamentalement en désaccord sur l'interprétation de la loi même, ou du droit constitutionnel en question, que la médiation ne pourrait possiblement pas s'appliquer, ne pourrait pas être le meilleur moyen d'en arriver à un résultat satisfaisant.

Pour ces causes, je comprends que le programme d'appui, malgré qu'il impose l'obligation de passer par la médiation d'abord, n'impose pas qu'on reste assis à la table à se regarder dans le blanc des yeux si on a un différend impossible à régler. Et après avoir fait un survol et une analyse initiale, on ne tarderait pas à passer à l'étape suivante.

Le sénateur De Bané : En tant que membre de la Fédération des associations de juristes d'expression française de common law, avez-vous une opinion sur les éléments manquants à la partie VII afin qu'elle donne son plein effet? Est-ce que vous avez étudié cela?

Mme Forest-Niesing : On ne s'est pas prononcé là-dessus, mais je n'aurais aucune hésitation à vous dire que le processus de consultation est essentiel au succès et à la mise en œuvre.

Le sénateur De Bané : Le processus de consultation que vous avez actuellement avec Patrimoine canadien et Justice Canada n'est pas satisfaisant?

Mme Forest-Niesing : Ce n'est pas du tout ce que je dis. Nous avons un excellent mécanisme de consultation avec Justice Canada. D'autres consultations seraient certainement utiles dès qu'il s'agit d'entreprendre d'autres mesures. Il est mieux de poser la question et de consulter avant l'exécution d'un tel geste afin de ne pas brimer les droits linguistiques et d'en prendre connaissance à l'avance.

Le sénateur De Bané : Excellent. Maître Rémillard, aimeriez-vous ajouter à ce que la présidente a dit?

M. Rémillard : Oui. À la fédération, on a deux rôles possibles. D'une certaine façon, on est un peu les meneurs du dossier du secteur de la justice. Il n'est pas de notre mandat de donner notre avis juridique par rapport à la partie VII. Notre mandat principal est plutôt de mener le secteur de la justice, et on travaille en étroite collaboration avec la FCFA, évidemment parce qu'on a une spécialisation, une expertise.

Ce n'est pas foncièrement le mandat de la Fédération des associations de juristes, c'est vraiment le secteur de la justice. On travaille beaucoup avec Justice Canada, je dirais, un peu comme on peut travailler dans le secteur de l'immigration, un peu comme on peut travailler dans le secteur de la santé. Notre relation avec Justice Canada est très bonne.

Des consultations annuelles sont organisées officiellement, mais je dirais qu'il ne s'agit que d'une partie de la relation. Les relations sont beaucoup plus régulières et officieuses, si l'on veut. Nous avons un dialogue continu. Il ne s'agit pas d'une réunion par année, puis c'est fini. Je pense qu'on est très chanceux. Ils nous aident aussi à ouvrir des portes auprès d'autres ministères, d'autres institutions. Nous bénéficions d'une belle ouverture de leur part. On parlait tantôt de toute la question de l'immigration, il y a les carrières en justice, par exemple, il y a le volet des nouveaux arrivants. Nous travaillons sur un projet actuellement, soutenu par un financement conjoint de Justice Canada et de Citoyenneté et Immigration Canada, sur la promotion de carrière et le volet des nouveaux arrivants. Voilà donc un exemple d'initiative très intéressante où Justice Canada tient un rôle de facilitateur qui nous permet d'ouvrir des portes.

Le sénateur De Bané : Je suis très heureux d'entendre ces commentaires extrêmement positifs. D'autre part, qu'est-ce qu'on peut améliorer? Y a-t-il des choses qui pourraient être mieux faites à l'avenir? Avez-vous porté certaines situations à l'attention du commissaire aux langues officielles? Est-ce que des ministères, contrairement à Justice Canada, laissent à désirer?

Le comité tente de voir comment la partie VII pourrait être encore plus effective. Certains ministères devraient-ils prendre exemple sur Justice Canada et améliorer leur collaboration? Voilà au fond la raison d'être de notre comité, faire en sorte qu'il y ait une égalité réelle pour les francophones et les anglophones de ce pays qui sont en situation minoritaire.

C'est le temps de nous dire ce que vous exprimez quand vous êtes entre vous, les choses qui devraient être faites. C'est le temps de le dire devant tous mes collègues pour qu'on puisse réfléchir à tout cela.

M. Rémillard : Je pense qu'on a soulevé les lacunes avec la GRC. Au provincial, des tables de concertation ont été mises sur pied depuis quelques années, au Manitoba et ensuite en Saskatchewan et en Nouvelle-Écosse. À l'échelle nationale, l'avancée semble être beaucoup plus difficile avec la GRC. Quelques tentatives ont été faites, mais cela n'a pas été vraiment fructueux. Ce n'est pas très prometteur, je ne sais pas si on aura des résultats. Ce sont les communautés qui nous ont exprimé cette insatisfaction.

Le sénateur De Bané : Je peux vous assurer que le commissaire de la GRC, M. William Elliot, est très sensibilisé à ces questions. Quelles mesures concrètes aimeriez-vous le voir étudier? Je suis certain qu'il va le faire avec énormément d'ouverture et d'esprit d'accueil. Soyez-en sûr! M. Elliot est très sensible à tout cela. Il parle français. Je le connais personnellement et je peux vous dire qu'il serait certainement très ouvert. Donc, faites-nous savoir ce qui vous manque et je suis sûr que vous allez trouver chez lui une oreille attentive.

Mme Forest-Niesing : Je suis très heureuse et je me réjouis de ce que vous nous indiquez. Je vous dirais que le point de départ serait justement la création d'une table de concertation à l'échelle nationale entre la GRC et les communautés francophones et acadienne. Cette table de concertation pourrait ensuite, de façon plus précise, identifier les lacunes et tenter d'apporter les solutions appropriées.

Le sénateur De Bané : Je porterai votre témoignage à son attention. Comme vous le savez, il est lui-même un juriste, un avocat. Je suis sûr qu'il va étudier cela avec grande attention.

Le sénateur Losier-Cool : Une question supplémentaire : Sans parler de la GRC, avez-vous identifié des secteurs ou des métiers judiciaires — que ce soit les greffiers ou les huissiers — où les lacunes linguistiques sont plus évidentes? Y a- t-il des métiers de la justice qui présentent plus de lacunes?

M. Rémillard : Oui. D'ailleurs, une analyse semble indiquer que ce problème se concentre davantage autour du personnel de soutien, de l'appareil judiciaire administratif : les agents de probation, les greffiers et greffières, surtout dans l'Ouest canadien où c'est peut-être encore plus sérieux, et dans certains cas aussi dans d'autres provinces. Cela semble être la tendance lourde, si l'on veut.

Au niveau du bilinguisme des avocats et avocates, c'est la pertinence par rapport à la Cour suprême du Canada. Nous observons des changements démographiques importants et en constante évolution. On le voit de plus en plus. Je vous donnais l'exemple du Manitoba où quatre ou cinq professeurs à la faculté de droit de l'Université du Manitoba sont bilingues. De plus en plus, le nombre de membres bilingues — surtout en Ontario et dans l'Ouest — augmente grâce, entre autres, au système d'immersion. Plusieurs de nos présidents et présidentes des associations de juristes sont des produits de l'immersion. Nous notons cela dans l'ensemble du système. Nous remarquons quand même une évolution depuis de nombreuses années. Les résultats de l'immersion demandent un peu de temps, mais on le constate de plus en plus dans l'ensemble du système de l'administration de la justice. Au niveau du personnel de soutien, il semble y avoir davantage de lacunes et il faudrait se concentrer davantage sur ce secteur.

Le sénateur Losier-Cool : Au mois de septembre, nous allons visiter les anglophones du Québec sur la question de la Loi sur les langues officielles. Existe-t-il une association comparable à la vôtre au Québec que nous pourrions rencontrer? Je comprends que vous êtes un organisme de la FCFA. Au Québec, y a-t-il un réseau anglais?

M. Rémillard : Il n'y a rien d'équivalent. Il n'y a pas d'association de juristes d'expression française au Québec. Il existe quelques associations, mais il ne s'agit pas du même regroupement, du même milieu associatif. Toute la question de la justice, généralement, lorsqu'on rencontre nos collègues du Québec, on nous dit que nous sommes structurés de façon très différente. Nous ne fonctionnons pas de la même façon. Il n'existe pas d'équivalent aux associations de juristes au niveau du Québec.

Le sénateur Losier-Cool : Merci.

La présidente : Merci. Avant de procéder au deuxième tour de questions, j'aimerais pousser un peu plus loin le concept et la définition de « mesures positives » avec vous deux. Je comprends que ce n'est pas dans vos responsabilités de définir pour les autres ministères ce qu'est un concept, une « mesure positive », mais je suis sûre que vous avez tenu à un moment donné des discussions à cet effet. Le comité se rend compte, en effectuant son étude de la partie VII, que justement les divers ministères ont une volonté d'acquérir des « mesures positives », mais la question qu'ils se posent, c'est : Qu'est-ce que cela veut dire et de quelle façon pouvons-nous le faire?

Si je m'adressais à vous, non officiellement, dans votre esprit, qu'est-ce qu'un concept de « mesures positive »?

Me Forest-Niesing : La première chose qui vient à l'esprit d'une personne qui entend le terme « mesure positive », c'est qu'il faut que ce soit bénéfique, que cela ait une retombée positive pour les communautés francophones. Le terme « mesure » sous-entend qu'il faut agir, être proactif et innover.

À part ça, comme vous le savez très bien, personne ne s'entend sur la définition, d'après les témoignages que vous avez reçus et d'après le fait que le tribunal n'ait jamais eu à trancher la question. Comme je l'indiquais, effectivement il faut que ce soit innovateur, proactif et bénéfique.

La présidente : C'est une très bonne réponse, madame Forest-Niesing.

Maître Rémillard, voulez-vous ajouter quelque chose?

Me Rémillard : La définition d'une « mesure positive », c'est un peu comme du Jello; c'est difficile à cerner. On sait ce que c'est, mais c'est difficile à cerner. Presque intuitivement on sait qu'il y a des « mesures positives ».

Par exemple, il y a eu des consultations avec Justice Canada et d'autres ministères sur la question de la prévention du crime. Il faut dire que c'est une initiative qui est venue du ministère. On a vraiment convoqué des représentants des différents ministères sur la question de la prévention du crime.

On a invité le ministère de la Sécurité publique ainsi que la GRC et on a parlé pendant une journée complète au mois d'octobre dernier de la question de la prévention du crime. Honnêtement, cela représente quelque chose d'assez nouveau pour les communautés. La prévention du crime n'est peut-être pas sur notre écran parce qu'historiquement on s'est concentrés sur d'autres domaines.

Lorsque je suis sorti de cette rencontre, je voyais le potentiel que toute l'idée de prévention du crime, surtout à la lumière des changements démographiques importants qui s'en viennent et qu'on constate déjà dans plusieurs communautés. Il faut se positionner, il faut penser autrement.

Et dans ce cas, le ministère de la Justice a vraiment pris les devants en consultant les intervenants communautaires et différents ministères. Je crois que cela nous a poussés à commencer à réfléchir différemment. Et en soi, je pense que c'est une « mesure positive ».

À ma connaissance, quelques projets ont découlé de cette initiative et cela va nous permettre d'avancer à l'intérieur de ce dossier au cours des prochaines années. C'est un exemple et il est peut-être plus facile de donner des exemples plus concrets que d'arriver avec des définitions plus difficiles à donner.

Le sénateur De Bané : Une question supplémentaire. Dans quelle mesure le mot « mesure positive » ne réfère-t-il pas à ce que j'appellerais la dimension réelle des choses?

Nous avons évidemment l'aspect formel qui dit que toute personne possède la liberté de parole de ceci et de cela. Ce sont des droits formels. Et par « mesure positive », on peut faire référence à l'aspect réel des choses. Tout le monde possède la liberté de parole, mais entre la liberté formelle, le droit formel et le droit réel, il me semble que le terme « mesure positive » apporte la dimension de la réalité vivante et non seulement les droits formels.

Que peut-on faire pour que ce droit soit une réalité vivante dans un milieu donné? C'est l'aspect réel des choses par rapport à l'aspect formel. Ce que Carl Marx a apporté, longtemps après la Révolution française, c'est très beau : liberté, égalité, fraternité. Mais tout cela se trouve au niveau des droits formels. Qu'en est-il du côté réel des choses? Comment traduire ce droit formel afin qu'il soit une réalité vivante? Je pense que c'est la piste de réflexion que je laisse.

Mme Forest-Niesing : Tantôt je disais que cela se faisait par la consultation. Une « mesure positive » ne passe pas nécessairement par le déménagement d'une montagne. C'est tout ce qui vise à sensibiliser, d'une part, et à recevoir de l'information qui permettra vraiment de prendre le pouls et de bien connaître la réalité à la base communautaire. Je crois que c'est une consultation, un réel dialogue, un échange sur les besoins qui peut mener à la sensibilisation.

On parle de projets de carrière dans le domaine de la justice, mais chaque fois qu'il y a une consultation sur le sujet, une composante de la communauté est sensibilisée. Et si on ne sensibilise que deux ou trois communautés qui n'étaient pas préalablement conscientes de leurs droits linguistiques, on a fait un travail. J'interpréterais cela comme étant une « mesure positive ».

Le sénateur De Bané : Merci beaucoup.

Le sénateur Champagne : Mme Forest-Niesing, avec votre paragraphe traitant du processus de nomination des juges à la magistrature fédérale, vous avez ouvert une belle boîte de Pandore. Comme vous le savez, nous sommes présentement à étudier un projet de loi qui voudrait qu'un juge nommé à la Cour suprême soit bilingue à un point tel qu'il n'ait pas besoin des services d'un interprète.

Par contre, vous nous avez dit qu'en tant qu'avocate vous aviez parfois de la difficulté à trouver un juge bilingue. Vous demandez que le nombre nécessaire de juges bilingues soit établi pour chaque province et pour chaque région.

Lorsqu'on vous a demandé s'il allait être impossible de trouver des juges bilingues, vous avez dit : « Non, mais ce ne sera pas nécessairement facile. » Quand j'examine ce projet de loi, je veux toujours y proposer un amendement. Je me dis qu'on commence par le toit alors que c'est par le bas qu'il faut commencer.

Je crois que c'est dans les petits tribunaux comme les cours d'appel qu'il faut exiger et encourager le bilinguisme. Des gens accéderont à la profession de juge et ce ne sera même plus un problème de demander à nos juges à la Cour suprême d'être bilingues. Je me dis que c'est peut-être ce qu'il faut faire avec ce projet de loi. C'est ma façon de le voir.

En tant que francophone, évidemment je ne suis pas contre la nomination de juges bilingues à la Cour suprême, mais je n'ai pas l'impression qu'on commence par le bon bout. On met la charrue avant les bœufs. Allons-y avec nos avocats des cours inférieures, exigeons d'eux le bilinguisme et lorsqu'ils accéderont à la magistrature, ce sera la chose la plus normale du monde.

À mon avis, ce projet de loi est bien en avant de son temps. Il faudrait l'amender et demander qu'il s'applique à des tribunaux inférieurs. D'après vous, est-ce que je propose quelque chose d'intelligent?

Mme Forest-Niesing : Votre raisonnement est très intelligent, certainement. Dans un monde idéal, tout se ferait en même temps. Je suis tout à fait d'accord sur le fait qu'il faut s'attaquer au problème de la pénurie de juges au niveau de toutes les nominations fédérales. C'est clair et c'est un problème qui ne va pas disparaître et qui pourrait contribuer à la logique que vous exprimez.

Par contre, mon inquiétude est que, dans un pays où il y a une Loi sur les langues officielles, si le plus haut tribunal du pays n'est pas en mesure d'entendre une cause dans l'une ou l'autre des langues officielles sans l'aide d'une interprétation, à part tous les autres problèmes dont nous avons discutés — la question de bien comprendre la langue, bien comprendre la culture qui l'accompagne, la question du sens et des risques de traduction — quel exemple donnons-nous? Si je regarde plus loin en avant, présumons que le projet de loi est adopté et que cela devient une exigence, tout jeune juriste qui aspire à l'ascension au plus haut tribunal de notre pays saura qu'il doit avoir la sagesse d'apprendre les deux langues de notre pays pour être en mesure d'être considéré comme candidat.

Il y a aussi le fait que, concernant la population francophone, la définition de francophone change et évolue. Il y a une plus grande francophonie, il ne s'agit pas seulement des francophones traditionnels que nous connaissons, car à cette base s'ajoutent les immigrants d'expression française, les personnes issues de familles exogames et les personnes issues du système d'immersion.

Présentement, les personnes qui voudraient être considérées comme candidats à un poste au sein d'une institution fédérale, pour la plupart, apprennent le français pour améliorer leurs chances d'être sélectionnées, sachant que c'est un atout qui va certainement leur apporter un bénéfice.

Le sénateur Champagne : Et vous n'avez pas de crainte que, à un moment donné, on fasse passer la compétence linguistique avant la compétence juridique?

Mme Forest-Niesing : C'est un argument que plusieurs invoquent pour se prononcer contre ce projet de loi et je le reçois avec beaucoup de difficulté. D'abord, comme je l'indiquais, lorsqu'on sélectionne un candidat pour pourvoir à un poste à la Cour suprême, on choisit parmi des candidats hautement qualifiés.

Le sénateur Champagne : On a eu la chance, avec un juge comme Antonio Lamer, d'avoir quelqu'un pour qui le bilinguisme était chose normale. Je l'ai connu lorsqu'il faisait son droit à l'Université de Montréal et, comme sa mère était anglophone et son père francophone, le bilinguisme était naturel pour lui. Mais des Antonio Lamer, il y en a n'a pas beaucoup. Et même celui-là n'y est plus, malheureusement.

Comme vous voyez, mon idée n'est pas encore définie quant à ce que je ferai quand viendra le moment voter sur ce projet de loi. Mais je trouve que vous m'avez offert une porte de sortie merveilleuse en disant qu'on va commencer un peu plus bas puis, lorsque des juges monteront, on aura des juges officiellement bilingues à la Cour suprême. Merci.

La présidente : Vouliez-vous ajouter quelque chose, maître Rémillard?

M. Rémillard : Oui. Dans l'Ouest canadien, l'argument que l'on entend souvent c'est qu'il n'existe pas de juges francophones. Depuis deux ans, il y a eu des cours d'appel qui ont entendu des causes en français sans l'aide de l'interprétation. Au Manitoba, en Alberta, dans les Territoires du Nord-Ouest et au Yukon. Alors, cette capacité existe. Elle est beaucoup plus avancée qu'on a tendance à le penser. Ce sont des cours d'appel, ce sont des gens qui ont été entendus en français, sans l'aide de l'interprétation, dans la région qui est la plus anglophone du pays.

Il difficile à ce moment-là de dire : « On est capable d'être entendus en français sans l'aide de l'interprétation en Alberta, au Manitoba, dans les Territoires du Nord-Ouest, au Yukon, mais pas à la Cour suprême du Canada ». Il semble y avoir une contradiction entre les deux. Cette capacité existe, je pense que c'est un choix à faire. En fin de compte, est-ce qu'on a le droit d'être entendu et compris sans l'aide de l'interprétation devant la Cour suprême du Canada?

Le sénateur Champagne : Ce n'est que l'avocat qui va plaider. On ne voit pas Monsieur et Madame Tout-le-Monde venir raconter leur problème à la Cour suprême du Canada. Ce sont des avocats. Les juges ont les documents, ils ont lu tous les procès qui ont précédé l'arrivée de ce cas à la Cour suprême, donc ils sont très au courant de ce que c'est, et qu'on le dise dans une langue ou dans l'autre, dans la majorité des cas, cela ne les dérangerait pas tellement. Cela ne dérangerait pas l'issue du procès. Mais on rêve en couleur et on dit que ce serait magnifique que tous nos juges soient bilingues.

Le sénateur Tardif : J'avais une question supplémentaire avant de poser ma question. Est-ce que ce n'est pas le cas présentement, selon le Code criminel, que les gens ont déjà le droit d'être entendus et compris dans la langue officielle de leur choix?

M. Rémillard : Oui.

Le sénateur Tardif : Alors, cette capacité est déjà à la base. En Alberta, si quelqu'un veut se présenter devant une cour criminelle, il a le droit d'être compris et entendu en français. Et cela se fait présentement. Donc, la base est là. Est- ce que j'ai bien compris?

M. Rémillard : Oui, au niveau du Code criminel, c'est un droit qui existe.

Le sénateur Champagne : Mais le Code criminel, ce n'est pas la Cour suprême.

Le sénateur Tardif : Non, mais ce sont des avocats qui font leur plaidoirie dans cette langue et qui pourraient éventuellement, selon le cas, se rendre devant une cour d'appel ou jusqu'à la Cour suprême.

Voici la question sur laquelle je voulais revenir : vous avez indiqué que vous avez beaucoup de succès avec Justice Canada au niveau des consultations qu'ils mènent avec votre association et que cela va bien. Pour revenir à la question de définition, est-ce que le ministre de la Justice vous a donné des critères par rapport à ce que vous devez faire quand vous mettez en place des « mesures positives » ou les paramètres d'une action de « mesures positives »? Avez-vous reçu ce type d'information du ministre de la Justice?

M. Rémillard : Non, pas comme tel. C'est vraiment une relation qui a été établie, qui a été créée. En d'autres mots, ce n'est pas devenu un débat foncièrement juridique, c'est devenu un débat beaucoup plus pratique. Nous sommes axés sur le côté pratique. Nous travaillons ensemble. Nous avons créé une relation où nous exprimons nos besoins et il y a une relation continue avec le ministère pour être capable de dire comment on peut être capable de faire des choses ensemble. C'est beaucoup plus terre-à-terre comme approche. C'est peut-être un peu ironique parce que les gens penseraient qu'on aurait tendance à avoir des débats très juridiques, étant donné que nous sommes des juristes. Mais l'approche a été plus concrète et c'est vraiment en travaillant ensemble qu'on a établi ce genre de relation.

Le sénateur De Bané : J'aurais une réflexion. Cela m'est venu en écoutant ma collègue, le sénateur Champagne. Lorsque les neuf juges de la Cour suprême se retirent pour délibérer autour de la table de la salle de conférence, je serais très étonné qu'un traducteur soit présent pour les entendre délibérer entre eux. Et je comprends davantage le commentaire de madame le sénateur lorsqu'elle dit que, lorsqu'ils délibèrent entre eux et qu'il n'y a pas d'interprète, s'ils veulent s'exprimer dans leur langue maternelle il faut qu'ils soient tous à l'aise avec les deux langues officielles du pays, tel que la loi suprême, la Constitution, le prescrit.

La présidente : Sur ce, j'aimerais, au nom des membres du comité, vous remercier très sincèrement pour votre témoignage. Vous avez répondu à nos questions de façon très intelligente et aussi très humaine. Alors merci beaucoup et à une prochaine fois peut-être.

Honorables sénateurs, la séance est levée.

(La séance est levée.)


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