Délibérations du comité sénatorial permanent des
Langues officielles
Fascicule 4 - Témoignages du 11 mai 2010
OTTAWA, le mardi 11 mai 2010
Le Comité sénatorial permanent des langues officielles se réunit aujourd'hui à 9 h 1 pour faire une étude sur l'application de la Loi sur les langues officielles, ainsi que des règlements et instructions en découlant. Sujet : Étude de la partie VII et d'autres enjeux.
Le sénateur Maria Chaput (présidente) occupe le fauteuil.
[Français]
La présidente : Honorables sénateurs, il y a quorum. Je déclare donc la séance ouverte.
Nous accueillons aujourd'hui l'honorable James Moore, C.P., député, ministre du Patrimoine canadien et des Langues officielles ainsi que les gens qui l'accompagnent : M. Pablo Sobrino, sous-ministre adjoint, Politique stratégique, planification et affaires ministérielles et M. Hubert Lussier, directeur général, Programmes d'appui aux langues officielles. Le comité arrive au terme dans son étude sur la mise en œuvre de la partie VII de la Loi sur les langues officielles, à la lumière des modifications qui y ont été apportées en 2005. Le comité a entendu plusieurs témoins à ce sujet dans les derniers mois. Le ministre du Patrimoine canadien et des Langues officielles est l'acteur clé de la mise en œuvre de la partie VII de la loi.
Bien que le comité ait déjà questionné le ministre sur son rôle dans la mise en œuvre de cette partie de la loi, il voulait en apprendre davantage sur les progrès et les initiatives récentes du ministère. De plus, cette comparution est une occasion pour le comité d'entendre le ministre au sujet du rapport annuel qu'il a déposé au Parlement récemment ainsi que sur d'autres questions relevant de sa mission en matière de langues officielles.
Monsieur le ministre, le comité vous remercie d'avoir accepté notre invitation à comparaître aujourd'hui. Je vous invite maintenant à prendre la parole.
L'honorable James Moore, C.P., député, ministre du Patrimoine canadien et des Langues officielles : Madame la présidente, je suis heureux de témoigner devant vous ce matin. Je remercie le comité d'avoir organisé cette rencontre à un moment où je suis libre. Vous êtes très flexible et je l'apprécie beaucoup.
Aujourd'hui, j'aimerais vous présenter comment notre gouvernement fait preuve de leadership en matière de langues officielles. Je vous fais part notamment de notre action dans le cadre de la Feuille de route pour la dualité linguistique canadienne et de nos réalisations en culture.
De plus, durant les Jeux olympiques et paralympiques d'hiver de 2010, le regard du monde entier s'est tourné vers nous. Ces Jeux ont été les plus bilingues de l'histoire des Jeux olympiques. Je crois qu'ils démontraient bien notre volonté de concrétiser la vision d'un Canada fort et fier de ses deux langues officielles. Et j'en discuterai brièvement avec vous.
[Traduction]
Il y a 40 ans, notre pays s'est donné une Loi sur les langues officielles qui fait désormais partie de notre réalité et qui reflète les valeurs canadiennes d'équité et de respect. Beaucoup a été accompli depuis, et nous continuons de travailler activement dans cette direction.
Notre gouvernement a fait preuve de leadership dans l'exercice de ses responsabilités en vertu de la loi. Plus que jamais, l'ensemble des ministères et des agences du gouvernement tient compte de la place des langues officielles et des besoins des communautés de langue officielle en situation minoritaire dans leurs activités et leurs programmes.
Un Guide à l'intention des institutions fédérales, créé en 2007, a été largement distribué, et je suis fier d'annoncer qu'un nouveau résumé des pratiques exemplaires sera offert au public et aux organismes du gouvernement du Canada au cours des prochaines semaines. C'est un document très utile qui fait la promotion des pratiques exemplaires, tout en donnant des exemples concrets de ce que nos organismes peuvent faire pour continuer de prendre les devants dans l'appui aux communautés en situation minoritaire et la promotion de nos deux langues officielles.
Je sais que c'est quelque chose que les comités de la Chambre des communes et du Sénat ont tous deux recommandé — c'est-à-dire, le maintien d'un dialogue robuste entre les communautés et les ministères. Cet élément est d'ailleurs au coeur de l'étude que vous menez actuellement au comité, et je peux vous assurer que nous prenons d'ores et déjà des mesures énergiques en ce sens.
[Français]
De plus, notre gouvernement a pris un engagement sans précédent en faveur des langues officielles en présentant sa Feuille de route pour la dualité linguistique canadienne. Cet engagement renforce notre capacité d'unir nos efforts et d'obtenir des résultats réels au sein des communautés de langues officielles en situation minoritaire.
Voici quelques réalisations importantes dans certains secteurs. En santé, notre gouvernement a consacré plus de 174 millions de dollars à la formation, à la création de réseaux et à l'accès aux services de santé. Tout le monde y gagne. Les francophones de l'extérieur du Québec et les anglophones au Québec ont davantage accès au service de santé dans leur langue. Et les professionnels de la santé peuvent développer leurs compétences tout en contribuant à l'avenir de leur communauté.
[Traduction]
Pour vous donner un autre exemple, de plus en plus, on peut faire des affaires en français dans l'Ouest du pays. Grâce aux investissements du gouvernement, en 2008, 1 600 emplois francophones ont été créés ou améliorés et 716 entreprises francophones ont été fondées, ont maintenu leurs activités ou les ont améliorées.
Du côté des arts, le volume de productions audiovisuelles en français produites à l'extérieur du Québec a connu une forte croissance, passant de moins de 50 heures en 2003 à 110 heures en 2009. Ce que cela veut dire, dans les communautés, ce sont des emplois — des emplois pour des scénaristes, des comédiens, des techniciens et pour d'autres travailleurs du secteur des arts et de la culture. Ce sont aussi des services et des occasions d'affaires pour un secteur qui emploie plus de 650 000 personnes dans tout le Canada — un secteur qui correspond à trois fois celui des assurances et à deux fois celui de la foresterie.
[Français]
Plusieurs téléséries méritent d'être mentionnées : Belle-Baie, une coproduction Québec-Nouveau-Brunswick diffusée sur les ondes de Radio-Canada a été tournée en Acadie et à Montréal. Une autre télésérie Francoeur, nous parle de l'Ontario français. Elle a été diffusée sur les ondes de Radio-Canada et de TFO. En 2008-2009, 14 films de l'Office national du film ont été produits ou coproduits par des artistes des communautés francophones hors Québec et 12 films ont été produits ou coproduits par les artistes des communautés anglophones du Québec. Ces films ont connu beaucoup de succès auprès de la critique et du public, notamment le film franco-ontarien Entre les lignes et le film québécois Nollywood Babylone. Toutes ses œuvres sont le mémoire de leur communauté. Comme vous pouvez le constater, la promotion de nos langues officielles et l'appui aux communautés de langues officielles en situation minoritaire ont été la priorité de notre gouvernement et le demeurent.
[Traduction]
Le discours du Trône est clair. L'engagement de notre gouvernement à l'égard du bilinguisme est fondamental, et pour nous, le bilinguisme est un élément fondamental de la société canadienne. Notre Feuille de route pour la dualité linguistique canadienne 2008-2013 nous permet de concrétiser cette vision. Cet engagement pangouvernemental sans précédent de 1,1 milliard de dollars mobilise 15 ministères et agences du gouvernement. À ce jour, plus de 71 p. 100 des engagements de la Feuille de route présentée en juin 2008 ont fait l'objet d'une annonce officielle et détaillée par mon ministère ou par les ministères concernés, ce qui représente un investissement de plus de 792 millions de dollars. D'ailleurs, les Canadiens ont accès à cette information dans la section consacrée au Secrétariat des langues officielles du site Web de Patrimoine canadien.
[Français]
Puisque votre comité a consacré un rapport récent aux dossiers culturels, permettez-moi d'y revenir en soulignant ce que la Feuille de route accomplit dans ce domaine.
J'ai annoncé l'an dernier la mise en œuvre du Fonds de développement culturel. Ce fonds, doté d'un budget de 14 millions de dollars sur quatre ans, vient renforcer les arts, la culture et le patrimoine au sein des communautés minoritaires.
Plusieurs organismes, partout au pays, ont reçu du financement pour leurs projets grâce à ce fonds. En Alberta — madame le sénateur Tardif est peut-être familière avec ceci —, l'Uni Théâtre invite les jeunes francophones à se plonger dans l'écriture. Les meilleurs textes sont mis en scène et les pièces sont présentées durant un festival. C'est un projet qui enrichit la vie des jeunes et qui prépare la relève francophone. Cet événement a reçu l'argent grâce à notre Feuille de route pour les langues officielles.
Au Manitoba — votre province, madame la présidente —, l'organisme culturel Le 100 Nons offre aussi des possibilités d'apprentissage à sa communauté. Il créé des espaces de diffusion de la chanson qui contribuent à la vitalité du français dans les régions rurales et urbaines de la province.
En Nouvelle-Écosse, le Conseil des arts de Chéticamp travaille à la création d'une douzaine d'installations artistiques qui seront placées dans le village pour rappeler la culture francophone et les traditions acadiennes. Le sénateur Comeau — qui n'est pas ici aujourd'hui —, un membre de longue date de ce comité, est sûrement familier avec ce programme.
[Traduction]
Ce ne sont que quelques exemples. Et je suis heureux de dire que d'autres programmes, comme des Vitrines musicales et le Programme national de traduction pour l'édition du livre, jouent déjà leur rôle de promotion des artistes et des oeuvres francophones hors Québec, et anglophones, au Québec. Ce qui se fait dans nos communautés francophones et anglophones dans tout le Canada est un reflet de ce que nous sommes.
Voilà qui m'amène à vous parler des Jeux olympiques et paralympiques. En février et en mars, le regard de plus de 3 milliards de personnes dans le monde s'est tourné vers le Canada durant les Jeux olympiques et paralympiques d'hiver. Notre gouvernement a investi de façon inégalée pour que ces jeux soient les plus bilingues de l'histoire. L'Olympiade culturelle a présenté quelque 650 spectacles sur scène, dont plus du tiers ont été donnés par des artistes francophones. Les relais des flammes olympique et paralympique, les 15 installations olympiques et tous les sites olympiques ont offert une expérience bilingue et des services aux Canadiens et aux visiteurs dans la langue officielle de leur choix. À la Place de la Francophonie, des milliers de visiteurs ont pu constater le talent de nos artistes francophones et la vitalité de nos communautés, notamment celles de ma province natale de Colombie-Britannique. De plus, l'Agence des services frontaliers du Canada a élaboré une trousse d'information sur les langues officielles à l'intention de ses employés. Elle s'est assurée que des agents bilingues seraient à Vancouver. Et, de concert avec ses partenaires, elle a distribué un guide de poche sur le tourisme francophone.
[Français]
Les Canadiens qui n'ont pas eu la chance de se rendre à Vancouver et à Whistler ont pu suivre les compétitions chez eux, dans la langue officielle de leur choix, grâce à l'entente conclue entre CTVglobemedia et ses partenaires.
Je tiens à ajouter que nous sommes heureux du travail réalisé par le COVAN. Nous pouvons tous être fiers que les Jeux olympiques de Vancouver aient établi une nouvelle norme en matière de bilinguisme sur la scène internationale lors du plus grand événement sportif international. En accueillant le monde entier, nous avons donné une image bilingue de notre pays. Ces Jeux ont été les Jeux pour tous les Canadiens, et je suis particulièrement très fier de cet engagement et de tout ce que nous avons accompli en ce domaine.
Si vous me permettez, j'ai quelques citations. Graham Fraser a dit, et je cite :
Je suis très impressionné par le niveau du bilinguisme aux Jeux olympiques. Je suis très heureux que le gouvernement fédéral ait pris les mesures afin d'assurer que les Jeux olympiques soient tous bilingues.
Pascal Couchepin, le Grand Témoin de la Francophonie qui était présent aux Jeux olympiques, a dit :
Ces Jeux olympiques de Vancouver sont la voie à suivre en matière de diversité linguistique. Il est difficile de faire mieux.
En terminant, j'aimerais vous remercier encore une fois de m'avoir donné l'occasion de vous présenter ce que fait notre gouvernement pour montrer la voie à suivre en matière de langues officielles. Je suis maintenant prêt à répondre à vos questions.
La présidente : Merci beaucoup, monsieur le ministre. Honorables sénateurs, M. Moore doit nous quitter à dix heures, alors j'aimerais vous demander, s'il vous plaît, de poser des questions aussi brèves que possible afin que tous aient la chance de poser des questions au ministre.
Le sénateur Fortin-Duplessis : Monsieur le ministre, vous avez comparu en octobre 2009 devant le Comité permanent des langues officielles de la Chambre des communes. Vous avez admis, lors de votre comparution, les délais de paiement aux organismes francophones qui reçoivent des fonds du gouvernement. Vous avez même déclaré que c'était inacceptable. Le but de cette comparution, en octobre, était de redresser les problèmes de retard concernant le financement.
Les organismes qui travaillent au service de la communauté fransaskoise font face à des délais importants. Hier, nous avons rencontré M. Michel Dubé, de l'Assemblée communautaire fransaskoise, et je lui ai demandé s'il avait pu voir une amélioration. De votre côté, pouvez-vous nous dire si vous avez amélioré ce point depuis votre comparution devant le comité de la Chambre des communes?
M. Moore : Oui, on a fait des changements. Il y avait des préoccupations qui étaient soulignées par d'autres organismes. Comme vous le savez, plusieurs de ces organismes reçoivent seulement leurs fonds des gouvernements. Lors d'une crise économique, il est très important qu'ils reçoivent cet argent efficacement. On a changé notre manière de livrer la marchandise pour ces organismes. Par exemple, nous fournissons maintenant des concessions plutôt que des contributions. On a réduit la bureaucratie. Le nombre de demandes, de placement, de multi-années continue à se développer encore tout en réduisant la bureaucratie.
Depuis avril 2010, on a des nouvelles normes de service. On a changé notre système. Maintenant, le processus est beaucoup plus rapide. Une date de remise pour toutes les provinces pour 2011-2012 est maintenant la norme. Cela réduit le temps accordé aux tâches administratives. Peut-être que M. Sobrino pourrait parler des autres changements qu'on a mis sur pied.
Pablo Sobrino, sous-ministre adjoint, Politique stratégique, planification et affaires ministérielles, Patrimoine canadien : J'ajouterais qu'au début d'avril, 90 p. 100 des organismes avaient reçu une approbation de financement, ce qui n'était pas le cas l'an passé. Le traitement de chaque dossier pouvait prendre 30 semaines, on est maintenant descendu à 24 semaines. On a accéléré le processus d'un mois et demi.
Le sénateur Fortin-Duplessis : Hier, M. Michel Dubé, de la Saskatchewan, a mentionné que les petits organismes qui veulent des subventions pour pouvoir continuer à survivre, ont parfois de la difficulté à remplir leur demande. M. Dubé a suggéré l'émission d'un chèque unique dans la province parce que l'Assemblée communautaire fransaskoise fait l'évaluation de tous les projets et elle est en mesure de voir quels sont les organismes qui travaillent bien et ceux qui ne travaillent pas bien.
Je ne sais pas si c'est une idée qui peut déranger la fonction publique, parce que c'est sûr que cela doit réduire des postes. L'idée serait que Patrimoine canadien recevrait les demandes d'un seul organisme pour tous les organismes qui fonctionnent très bien. J'aimerais entendre ce que vous pensez de ce chèque unique.
M. Moore : Nous avons des obligations et des réglementations provenant du Conseil du Trésor sur la façon dont nous octroyons le financement à chacun des organismes. À l'heure actuelle, lors d'investissements, nous octroyons 50 p. 100 des fonds de façon immédiate, et ce, dans le cadre d'ententes pluriannuelles. Je crois que c'est la meilleure manière de procéder. M. Lussier peut-il ajouter quelques mots sur le cas de la province de la Saskatchewan?
Hubert Lussier, directeur général, Programmes d'appui aux langues officielles, Patrimoine canadien : Le ministre a raison; les exigences par rapport aux demandes que devraient soumettre les différents groupes ressembleraient beaucoup à ce qu'elles doivent fournir aujourd'hui, même si c'était l'organisme représenté par M. Dubé qui était finalement le fournisseur du service. Nous devons faire en sorte que les groupes, lorsqu'ils font une demande, présentent une demande complète avec des renseignements d'ordre financier sur les résultats; et la simplification qu'espère M. Dubé n'aurait pas vraiment lieu.
Le sénateur Tardif : Monsieur le ministre, je vous remercie de votre appui à L'Uni Théâtre; c'est une initiative très intéressante.
Le rapport annuel sur les langues officielles 2007-2008 vient d'être déposé. J'ai eu l'occasion, hier soir, de lire les deux volumes.
Le volume 2, qui porte sur les réalisations des institutions fédérales désignées, surtout sur la mise en œuvre de l'article 41, contient une compilation des résultats de chacune des institutions fédérales désignées.
Ne croyez-vous pas que votre ministère devrait exiger davantage une évaluation critique de ce que fait chacune des institutions fédérales pour atteindre les résultats voulus; et en particulier une évaluation de la mise en œuvre des « mesures positives » de chacune de ces institutions fédérales dans les dernières années?
M. Moore : Notre engagement envers les ministères et les agences est clair; nous avons des attentes et ils comprennent leurs responsabilités.
Comme vous le savez, le commissaire aux langues officielles Graham Fraser produit des rapports sur chacun des organismes. Nous avons également de notre côté des engagements avec les ministères et les agences, mais la chose la plus importante et sur laquelle nous mettons le plus d'énergie est de trouver la meilleure manière de faire des investissements et de travailler avec les ministères et les agences pour qu'ils puissent avoir toute l'aide, l'expertise et les fonds nécessaires afin qu'ils soient en mesure de faire ce qu'il faut pour administrer leurs programmes et politiques d'une manière efficace et responsable tout en protégeant nos langues officielles. C'est ce que nous faisons.
Les Jeux olympiques et paralympiques d'hiver de 2010 ont été un succès avec le concours de plusieurs agences et ministères; nous le soulignons. Nous travaillons avec eux pour les aider à servir les Canadiens de la meilleure manière possible.
M. Lussier : Je rajouterais une chose, monsieur le ministre; votre sous-ministre écrit à ses collègues des institutions et ministères désignés chaque année pour leur faire des commentaires critiques — dans le bon sens du terme — sur les plans et les rapports qu'ils nous soumettent. Il y a donc un échange continu sur la qualité de ce qui est fait par ces ministères et institutions.
M. Moore : Mais soyons clairs, nous ne sommes pas des policiers. Nous sommes le ministère qui veut aider les autres agences ou ministères à livrer les services dans les deux langues officielles. C'est la responsabilité de chacun des ministres, sous-ministres et ministères de se conformer à leurs engagements en regard des langues officielles.
Le sénateur Tardif : Si votre ministère ne joue pas le rôle du policier, qui joue ce rôle dans le cas où des institutions fédérales ne respectent pas leurs engagements selon la partie VII de la Loi sur les langues officielles et ne mettent pas en place des « mesures positives » ou prennent des décisions qui ont un impact négatif sur les communautés?
M. Moore : Nous le sommes tous. C'est la raison pour laquelle votre comité existe. C'est aussi pour cela qu'il y a un commissaire aux langues officielles, un comité à la Chambre des communes, des rapports de la Chambre des communes. C'est pour cela que tout le monde doit être disponible pour communiquer avec le public et les comités. C'est pour cela que je travaille et que communique avec tous les ministères et toutes les agences afin de leur rappeler leur responsabilité concernant le renforcement de leur mandat pour fournir les services dans les deux langues officielles du Canada.
[Traduction]
Je n'ai pas pour responsabilité de raconter les erreurs des uns et des autres et de les leur reprocher publiquement. En tant que ministre, il m'incombe de travailler avec les responsables des divers ministères et organismes fédéraux afin de m'assurer qu'ils disposent du financement nécessaire. Ce financement est versé sur cinq ans sous forme d'enveloppes budgétaires qui sont à la fois utiles et responsables, afin qu'ils reçoivent l'appui nécessaire qui va leur permettre d'assurer la prestation des services et de remplir leur mandat dans les deux langues officielles du Canada. Voilà ma responsabilité.
[Français]
Le sénateur Tardif : Ne croyez-vous pas que Patrimoine canadien a un rôle spécial de leadership et de coordination par rapport à tous les autres ministères et qu'il lui revient de jouer ce rôle de leadership et de coordination?
M. Moore : Absolument, et je crois que nous démontrons ce leadership chaque jour lorsque nous prenons des engagements avec les ministères; quand je parle avec mes collègues du Cabinet et mon équipe, pour travailler avec eux, pour écrire des lettres, faire des pressions et leur dire qu'ils doivent fournir leurs services dans les deux langues officielles du Canada.
Également, le premier ministre a clairement démontré ce leadership dans un moment de crise économique mondiale avec notre plan économique anticrise. Nous avons pris la décision non pas de procéder à des compressions budgétaires ou même au statu quo, mais plutôt d'augmenter nos engagements et investissements de 20 p. 100 pour les langues officielles du Canada. Cela démontre un fort niveau de leadership.
Le sénateur Losier-Cool : J'ai une question précise concernant le rapport annuel. J'ai essayé de trouver dans le rapport le montant correspondant au financement octroyé au Fonds canadien pour les radios communautaires. Pourriez-vous nous dire de quel ordre est cette contribution?
M. Moore : C'est environ 650 000 $.
Le sénateur Losier-Cool : Merci.
Le sénateur Champagne : Vous avez tout à fait raison lorsque vous dites que nos Jeux olympiques et paralympiques d'hiver de 2010 ont été les plus bilingues dans les deux langues officielles, non seulement de notre pays, mais les langues officielles de l'olympisme. Si on pense aux sites, pour chaque discipline il y avait toujours quelqu'un qui présentait les gens en français et en anglais.
Par contre, nous avons tous été extrêmement déçus de l'absence du français lors des cérémonies d'ouverture. Au cours des semaines, nous avons vu une amélioration; à la clôture des Jeux olympiques et à l'ouverture des Jeux paralympiques.
Au lendemain des cérémonies d'ouverture, vous vous êtes déclaré désolé. Moi, j'étais tout simplement furieuse, car nous avions vu en comité les gens du Comité d'organisation des Jeux olympiques et paralympiques d'hiver de 2010 à Vancouver et ils nous avaient assurés, à grands coups de poing sur la table, que ce serait un spectacle bilingue. De toute évidence, on n'a pas eu la gentillesse de vous montrer le programme de ces cérémonies d'ouverture.
Pourtant, le gouvernement avait mis beaucoup d'argent. Je pense que je disais, dans un courrier qui vous était adressé, qu'à Broadway, les anges qui investissent dans un spectacle ont la chance de voir ce qui se passe avant la première du spectacle. De toute évidence, vous n'avez pu voir à l'avance ce qu'on allait nous présenter. Peut-être auriez-vous élevé la voix un peu, et comme vous n'êtes pas un tout petit monsieur, le contenu francophone des cérémonies d'ouverture aurait été un peu plus étoffé, n'est-ce pas?
M. Moore : Notre engagement avec COVAN était clair. Il contenait beaucoup de détails quand même. Je ne sais pas si vous avez reçu une copie du contrat que nous avons signé avec COVAN en matière de langues officielles pour les cérémonies d'ouverture et de fermeture.
Lorsque j'ai dit que j'étais désolé du contenu francophone aux cérémonies d'ouverture, c'était à deux niveaux. Premièrement, le spectacle était extraordinaire et formidable, mais le contenu francophone presque inexistant était problématique.
Le sénateur Champagne : Sauf une chanson.
M. Moore : J'étais désolé de cet aspect de la cérémonie d'ouverture. Les déclarations du comité émettaient le même message en privé et en public également.
Donc, oui, j'étais désolé, mais ce fut le seul aspect, aspect très important quand même, mais le seul aspect qui n'était pas parfaitement bilingue. Les autres spectacles, chacun des événements sportifs, la télédiffusion, la signalisation, tous les bénévoles, l'équipe des sites web étaient parfaitement bilingues.
Il ne faut pas oublier qu'en Colombie-Britannique, il y a moins de 60 000 francophones. Il s'agit d'à peu près 2 ou 3 p. 100 de notre population. La ville de Vancouver est presque entièrement anglophone au travail. Les organisateurs ont travaillé avec des partenaires afin d'améliorer les capacités bilingues, selon un standard responsable pour un tel événement. C'était très difficile, mais on a vraiment réussi à plusieurs niveaux. Des engagements spéciaux ont été pris, comme la Place de la francophonie où l'on a vu des spectacles extraordinaires de francophones venant de partout au pays. Plusieurs anglophones ont vu les spectacles des francophones et des Acadiens de partout au pays. J'ai moi-même assisté au spectacle extraordinaire de Louis-José Houde.
Je suis désolé pour la cérémonie d'ouverture, mais si on regarde la cérémonie de fermeture c'était beaucoup mieux.
[Traduction]
Comme nous l'avons tous constaté, John Furlong est loin d'être bilingue. Malgré tout, il est monté sur l'estrade devant un public international, et sous le regard de plusieurs milliards de personnes, pour prononcer un discours dont les première et dernière phrases, de même que certains messages clés, étaient en français. Ce Canadien a fait preuve de courage en faisant l'effort de prononcer ces quelques phrases en français devant un grand public et de s'exposer un peu au ridicule. À mon avis, le ridicule dont il a fait l'objet était fort malheureux et c'est le genre de comportement qui est plutôt digne d'une cour d'école. Il a appris un peu de français, il est monté sur l'estrade et il a fait l'effort de parler français par respect et ayant compris que ce qui s'est produit n'aurait pas dû se produire. Il s'est exposé aux rires et au ridicule, ce que j'ai trouvé fort malheureux, mais il nous a montré qu'il savait exercer ses responsabilités et j'estime que c'est quelque chose que les Canadiens qui occupent des postes de direction devraient faire plus souvent. John Furlong mérite nos plus sincères félicitations pour ce qu'il a fait ce soir-là.
Le sénateur Champagne : Je ne savais pas qu'on l'avait tourné en ridicule pour la qualité de son français. J'aurais simplement voulu qu'il fasse la même chose aux cérémonies d'ouverture.
[Français]
Concernant le programme de contestation judiciaire, on voit finalement que la hargne et la grogne du début sont en train de s'effriter et les gens nous parlent de ce nouveau programme qui s'appelle le PADL. Je comprends que vous ne l'avez annoncé finalement que le 5 janvier 2010, donc c'est récent, quand vous avez dit que tout était en place et que l'Université d'Ottawa serait l'établissement indépendant qui assurerait la prestation du programme. Les gens nous disent que les formulaires pour avoir accès à ce programme sont extrêmement difficiles de compréhension, que c'est difficile au niveau bureaucratique de savoir si oui ou non on est admissible ou si le problème dont nous voulons qu'on discute est acceptable. Je comprends qu'il ne date que de quatre ou cinq mois, mais vous y avez quand même pensé depuis un bon moment, puisque le programme de contestation a été aboli depuis un certain temps. Peut-être que M. Lussier pourra nous le dire, mais je me demande si on a fait le maximum pour que les formulaires soient faciles de compréhension. Déjà que le somme de 1,5 million de dollars n'est pas énorme, il faudrait au moins que ce soit disponible et que les gens sachent s'ils y ont droit.
M. Lussier : Le programme a été ouvert officiellement en décembre 2009 pour les clients qui voulaient faire une demande. Le ministre avait annoncé l'attribution à l'Université d'Ottawa de la gestion du programme quelques mois plus tôt, en septembre, si je me souviens bien.
À l'égard des formulaires, le principe de livraison du programme fait en sorte que c'est l'Université d'Ottawa qui est responsable de la production de ces outils. Les gouvernements sont susceptibles d'être poursuivis avec des fonds offerts par le programme, il y avait donc besoin de créer une distance raisonnable entre la gestion du programme et le contributeur qui est Patrimoine canadien. Je n'ai pas vu, je n'ai pas joué sur la définition des critères des formulaires d'application et il ne serait pas approprié que nous le fassions, cependant, d'expérience, je sais que les premiers essais de production de formulaire sont rarement les meilleurs et qu'il y a toujours place à l'amélioration. Il y a quand même des éléments neufs dans ce programme, notamment l'insistance sur le recours à des règlements hors cour, lorsque c'est possible.
Le sénateur Champagne : La médiation, si possible.
M. Lussier : Cela introduit un niveau de subtilité supplémentaire dont il a fallu tenir compte lorsque ces formulaires ont été créés.
Le sénateur Rivard : J'ai eu l'occasion de rencontrer le ministre Moore en 2001, il était venu à Jonquière dans le cadre d'une élection partielle, et son français était à ce moment-là passable. Malgré ses occupations comme député et ensuite comme ministre, il a su s'entourer de francophones et a probablement suivi des cours de français. Je vous félicite, monsieur le ministre, c'est un exemple qui devrait être suivi par plusieurs.
D'ailleurs, j'adresse le même compliment à notre premier ministre dont la langue première est l'anglais et qui se débrouille très bien en français aujourd'hui.
Pour en venir à ma question, maintenant, dans le cadre du plan d'action économique pour 2009-2010, les contributions aux grands événements ont augmenté sensiblement. C'était dans le but de compenser une certaine partie des commanditaires qui s'étaient désistés. Notre plan d'action économique se termine en 2010, et je crains que pour 2011, nous devions revenir aux niveaux de 2008 et 2007.
J'ose espérer que les promoteurs des grands événements savent qu'ils auront un défi pour compenser une aide qui pourrait être diminuée à moins que vous nous rassuriez en nous disant qu'on va continuer à augmenter ou du moins, demeurer au même niveau.
J'appréhende une certaine « révolution » de la part de ces promoteurs qui se comportent comme si nos aides vont demeurer et même augmenter.
M. Moore : On parle du programme pour les grands festivals?
Le sénateur Rivard : Des grands événements et grands festivals.
M. Moore : Ce programme est administré par Tony Clement et son équipe à Industrie Canada et nous à Patrimoine canadien. Oui. Lorsque nous sommes entrés dans la crise économique, nous avons examiné la meilleure manière de faire des investissements et les arts et la culture est un secteur clé.
Comme je l'ai dit dans mon discours, ce secteur représente 650 000 emplois au Canada. Il s'agit de 46 milliards de dollars de notre économie. C'est une grande partie de notre économie. Un plan d'action anticrise qui n'a pas de chapitre pour les investissements dans les arts et la culture n'est pas un vrai plan d'action. C'est la raison pour laquelle nous avons fait des investissements sans pareil dans ce secteur. Notre niveau d'investissements est sans précédent dans chaque domaine de ce secteur.
D'anciens gouvernements ont pris des décisions dans un moment de crise économique où on a décidé de couper dans les arts et la culture.
Le sénateur Robichaud : Quel gouvernement?
M. Moore : Vous pouvez...
Le sénateur Robichaud : Pourquoi le mentionner alors?
M. Moore : C'est un gouvernement libéral qui a coupé Radio-Canada de 40 p. 100, soit 4 000 emplois.
Le sénateur Robichaud : Cela vous plaît de dire cela?
M. Moore : Quatre mille emplois, 40 p. 100, 414 millions de dollars qui ont été coupés.
Le sénateur Robichaud : Incroyable!
M. Moore : C'est la vérité, sénateur Robichaud. Le Parti libéral a décidé de couper le budget de Radio-Canada de 414 millions de dollars et notre gouvernement a décidé d'augmenter le budget de la Société Radio-Canada et le budget et le financement pour les arts et de la culture.
Le sénateur Robichaud : Oui, parce qu'on vous avait sorti du trou qui nous avait été laissé par Brian Mulroney. Ça, par contre, vous ne le dites pas.
M. Moore : Je crois que c'est au sénateur Rivard de poser des questions, mais si vous voulez un débat sur la question.
Le sénateur Robichaud : N'importe quand.
M. Moore : N'importe quand parce que le Parti libéral a coupé la Société Radio-Canada de façon irresponsable, condamné par les communautés culturelles du Québec.
Le sénateur Robichaud : Comme on vous a condamné d'ailleurs.
M. Moore : C'était inexcusable.
La présidente : Sénateur Robichaud.
Le sénateur Robichaud : Excusez-moi, madame la présidente.
M. Moore : C'était vraiment irresponsable et encore, Radio-Canada est en train de récupérer les dommages faits par le Parti libéral du Canada.
Alors, nous avons décidé de faire des investissements clés. Donc, à votre question précise, il s'agit d'un programme pour les grands festivals. C'est un investissement sur une période de deux ans seulement spécifiquement pour le Plan d'action économique anticrise. Nous avons plusieurs investissements sur une période de deux ans, par exemple pour l'infrastructure, mais aussi pour les arts et la culture.
Dans notre Plan d'action économique, nous avons décidé de faire des investissements sur cinq ans. C'est un montant sans précédent garanti sur cinq ans pour, entre autres, le Conseil des arts Canada, nos investissements pour la musique, pour l'entraînement des jeunes et pour les espaces culturels.
Je peux vous lire des citations de communautés artistiques de chaque coin de notre pays qui sont très contentes et fières des engagements avec le gouvernement fédéral pour livrer la marchandise pour les arts et la culture.
Le sénateur Tardif : Monsieur le ministre, pouvez-vous m'indiquer la part francophone dans le domaine des arts et de la culture à l'extérieur du Québec dans les communautés de langues officielles?
M. Moore : C'est 14 millions de dollars. Vous parlez de la Feuille de route n'est-ce pas?
Le sénateur Tardif : Là où vous donnez des sous, monsieur le ministre. S'il s'agit de la Feuille de route, d'accord. Accordez-vous un montant pour la part francophone incluant le Québec et l'extérieur du Québec?
M. Moore : Chacun des organismes, par exemple le Conseil des arts ou le Fonds des nouveaux médias. Par exemple, le Fonds des nouveaux médias représente 350 millions de dollars d'investissements avec nos partenaires du secteur privé. Un tiers de ces fonds est consacré au contenu francophone et 5 p. 100 est pour les communautés de langues officielles hors Québec. Il y a des pourcentages écrits dans les conditions pour livrer l'argent à ces organismes. Nous le faisons régulièrement pour chacun de nos investissements.
M. Sobrino : Dans toute notre programmation en arts et culture, il y a un volet pour les communautés en situation minoritaire et, en plus, on a un investissement spécifique dans la Feuille de route qui est au-delà de ce qu'on investit au jour le jour. Je pourrais vous revenir avec des chiffres.
Le sénateur Tardif : Si vous pouviez nous envoyer cette information, ce serait fort apprécié.
La présidente : Vous allez faire parvenir ces chiffres au comité?
M. Sobrino : Oui.
[Traduction]
Le sénateur Seidman : Au volume 1 du rapport annuel de 2007-2008 sur les langues officielles, je constate que la direction générale de votre ministère qui est chargée d'administrer les Programmes d'appui aux langues officielles a effectué des analyses et des recherches intéressantes concernant l'évolution socioéconomique de la communauté anglophone du Québec entre 1971 et 2001. À la page 22 du rapport, on lit ceci :
L'étude démontre l'important effet qu'a eu l'exode des Anglophones du Québec durant cette période. Ainsi la communauté anglophone demeurée au Québec a subi une polarisation sociale marquée : un plus grand nombre d'Anglophones que la normale se retrouvent dans les strates sociales élevée et faible. Ce phénomène soulève des défis particuliers en matière de politique publique.
C'est une constatation particulièrement intéressante qui est confirmée de plus en plus par de récentes études publiées dans les différents médias du Québec.
Je voudrais donc savoir comment cette constatation pourrait influencer la façon dont les institutions fédérales mènent leurs consultations auprès de ces communautés au Québec, et même par rapport à l'élaboration et la mise en oeuvre de mesures positives dans ce contexte.
M. Moore : L'exemple que vous citez est particulièrement pertinent. Souvent on mène des consultations, mais face à ce genre de constatations... Je vais vous livrer directement le fond de ma pensée à ce sujet. Il y a beaucoup de communautés où les gens peuvent croire que le niveau d'appui économique est suffisant et qu'il n'est pas nécessaire que le gouvernement y investisse de l'argent. Mais un certain degré de richesse dans une communauté en situation minoritaire ne signifie pas nécessairement que les pouvoirs publics ont nécessairement tout mobilisé afin de protéger, de promouvoir et de préserver la langue. Le rythme de cette mobilisation est important également.
Les constatations qui découlent de recherches de ce genre sont importantes. Il ne suffit pas de dire qu'il y a X pourcentage de francophones dans telle communauté en situation minoritaire, ou X pourcentage d'anglophones qui font partie de telle communauté et qui possèdent tant de richesse, et donc nous n'avons pas besoin de nous en faire. Pour le gouvernement, la question est de savoir jusqu'à quel point les langues officielles du Canada sont appuyées, favorisées et célébrées dans les communautés, et quels moyens sont les plus efficaces pour y parvenir, vu la dynamique de ces communautés?
La plus importante localité francophone à l'ouest de la rivière Rouge est celle de Maillardville. Y vivent de nombreux citoyens ayant des noms de famille comme Laframboise et Lefebvre qui sont fiers de leur patrimoine francophone. Ils participent pleinement à la vie de leur localité et font l'impossible pour mobiliser leurs concitoyens et les jeunes, pour appuyer les étudiants et pour s'assurer de la vigueur du fait français chez eux. Mais, face à un gouvernement provincial qui ne fournit aucune aide, il incombe au gouvernement fédéral, qui a une responsabilité particulière dans ce contexte, de s'assurer que les besoins sont satisfaits.
Dans d'autres régions du pays, il peut y avoir une communauté anglophone en situation minoritaire qui ne fait pas autant la promotion de sa langue, ou ne l'appuie pas avec autant d'énergie que d'autres mais, une analyse brute des statistiques peut ensuite nous permettre de constater l'inverse. Les statisticiens nous ont permis de comprendre la différence entre une analyse statistique ou dynamique des données, de même que la nécessité d'effectuer une analyse dynamique complète des différents groupes qui se trouvent en situation minoritaire. C'est un travail compliqué qu'entreprend notre ministère afin que nous nous fassions une idée précise de la santé des communautés et de la mesure dans laquelle il convient d'y investir des crédits fédéraux et de les aider à non seulement soutenir, mais aussi célébrer, les deux langues officielles du Canada.
J'espère qu'il y avait dans cette explication la réponse à votre question.
Le sénateur Seidman : Pourrions-nous parler un peu de mesures positives? Vous avec été particulièrement proactif dans ce domaine, et nous avons beaucoup parlé de mesures positives, et de leur importance, notamment avec les témoins que nous avons reçus. Pourriez-vous nous expliquer ce que cela signifie pour vous et ce que vous faites afin de favoriser l'adoption d'une telle approche?
M. Moore : Il y a toutes sortes de groupes communautaires d'un bout à l'autre du pays. À Nanaimo, par exemple, l'association francophone a un local de 1 200 pieds carrés dans un petit centre commercial, où on peut se procurer des livres, CD, DVD, et cetera, en français. C'est un endroit tranquille où les francophones de cette localité peuvent se parler en français et que les étudiants de l'école élémentaire d'immersion d'en face peuvent fréquenter pour baigner dans un environnement francophone. La bibliothèque publique est une institution pour anglophones; le personnel de cette dernière est unilingue anglophone et tous les livres sont en anglais.
Lorsque j'étais à l'école d'immersion française, dès qu'on passait la porte de la classe, l'usage de l'anglais était proscrit; un étudiant qui osait prononcer un mot en anglais se voyait infliger une détention de cinq minutes. L'immersion totale en français était essentielle pour être en mesure d'apprendre le français dans un environnement presque exclusivement anglophone à l'extérieur des écoles.
Pour les étudiants, il est donc essentiel de pouvoir poursuivre leur étude du français après 15 heures de l'après-midi en fréquentant ce genre de lieu, pendant une heure ou une heure et demie à la fin des classes, en attendant que leurs parents viennent les chercher, où ils baignent dans un environnement francophone. Quand on se rend aux locaux de ces organismes, on est accueilli par une personne qui vous dit : « Bonjour; je suis le directeur général, l'enseignant et le comptable. » C'est la même personne qui fait tout. Dans bien des cas, ces organismes réussissent à survivre grâce au courage et l'impulsion donnés par de telles personnes, qui y arrivent, bien souvent en suant sang et eau. Ces personnes sont fières de leur patrimoine et ne veulent pas le voir disparaître des petites localités du Canada.
Nous avons donc garanti aux organismes de ces localités une aide financière sur cinq ans pour appuyer l'utilisation des langues officielles. Ainsi, ils n'auront pas à s'inquiéter de l'élimination de leur financement d'une année à l'autre. Nous avons aussi augmenté de 20 p. 100 le montant du financement. Les groupes en question reçoivent 50 p. 100 des crédits immédiatement. Nous sommes étalement en train de simplifier le processus de demande, pour que les organismes puissent se concentrer sur leur véritable mission, soit de défendre et de promouvoir fièrement l'enseignement du français aux jeunes d'une petite localité de la Colombie-Britannique, par exemple, qui autrement seraient peut-être hostiles à l'idée d'être fier de son patrimoine francophone.
Le sénateur Seidman : C'est un bon exemple que vous nous citez là.
[Français]
La présidente : Voilà un très bon exemple de « mesure positive ». Il ne nous reste que cinq minutes avant que le ministre ne quitte. Je vous demanderais donc de poser des questions précises et concises.
Le sénateur De Bané : Nous vivons à une époque où les médias de communication occupent une place importante. Il a fallu attendre 50 ans avant que la chaîne française de Radio-Canada diffuse le téléjournal de Saint-Boniface.
Récemment, l'Université de Moncton a réalisé une étude sur la couverture du fait français au Canada hors Québec par la Société Radio-Canada. Ils en sont venus à la conclusion que la Société Radio-Canada consacre à peine 2 p. 100 de sa couverture au fait français à l'extérieur du Québec.
Je ne sais pas si vous êtes au courant, mais tous les jours une émission intitulée L'essentiel des nouvelles Canadiennes et internationales est diffusée sur les ondes de la radio de Radio-Canada. Cette émission diffuse les nouvelles canadiennes et internationales, alors que les nouvelles du Québec sont diffusées dans le cadre d'une autre émission. Les nouvelles du Canada et de l'étranger sont regroupées.
J'ai rédigé une lettre au président de Radio-Canada et, selon les propos de ses collaborateurs, j'ai compris qu'il ne s'intéresse pas au contenu et laisse ce domaine à Montréal. Lui s'occupe de l'aspect gestion financière.
Peut-être que Radio-Canada devrait plutôt s'appeler Radio-Québec, puisque ce qu'elle diffuse est la perspective québécoise du monde et que le Canada fait partie de la scène internationale.
Je comprends très bien que, pour cette société, vous nommiez le conseil d'administration et eux s'occupent de gérer la boîte. Toutefois, je ne vois aucune comparaison entre Radio-Canada, pour expliquer le Canada, et par exemple Euronews qui diffuse les nouvelles des 27 pays de l'Union européenne.
Combien de fois ai-je vu à la télévision anglaise, en première nouvelle, la mort d'un soldat canadien en Afghanistan, alors que durant le même bulletin de nouvelles, diffusé à la même heure au réseau français, on n'y faisait aucune allusion.
Il est temps qu'on se réveille. Vous qui nommez les membres du conseil d'administration, assurez-vous qu'ils aient la même perspective que vous. Il faudrait que le président arrête de s'enorgueillir de ne pas toucher au contenu, du fait que ces questions ne sont pas de son domaine et qu'elles sont envoyées à Montréal. En réponse à ma lettre, c'est ce qu'il m'a répondu : « j'ai transmis votre lettre à Montréal ». Je lui ai écrit à titre de président en citant des cas qui me semblaient inacceptables. Qu'un animateur à la radio dise chaque jour, en parlant de la langue anglaise, que c'est du chinois, l'une des deux langues officielles du pays...
J'ai écrit à Montréal et n'ai même pas eu un accusé réception. Imaginez-vous le tollé si à la CBC on parlait de la langue française comme du chinois. Je n'ai même pas eu d'accusé réception, monsieur le ministre!
La présidente : Votre question, s'il vous plaît, sénateur?
M. Moore : Que dois-je faire?
Le sénateur De Bané : Demandez-vous si quelqu'un à Montréal, dans la haute direction, fut en poste à Vancouver, Calgary, Edmonton ou Winnipeg. Ces gens sont à Montréal, mais est-ce qu'on ne peut pas nommer des gens d'ailleurs pour ces régions? Le correspondant de Radio-Canada à Edmonton pourrait être l'expert en matière d'énergie et celui à Toronto pourrait être l'expert en commerce international.
La présidente : Sénateur, excusez-moi.
Le sénateur De Bané : Mais je lui explique, madame! Voilà ce qu'il faudrait faire, cher ami, plutôt que de tout limiter à une seule vision.
La présidente : Avez-vous une question?
Le sénateur De Bané : Va-t-on attendre encore 50 ans avant que Radio-Canada s'occupe de Saint-Boniface, comme il vient de le faire?
M. Moore : C'est un bon éditorial. Je ne sais pas quoi dire.
Radio-Canada est un organisme très important pour les langues officielles du Canada. Je puis vous dire, lorsque je retourne à Vancouver, la troisième plus grande ville du Canada, que sans Radio-Canada, le français n'existerait pas dans les régions du Canada. Il est essentiel que Radio-Canada comprenne son importance dans le domaine des langues officielles du Canada.
Si vous avez des préoccupations spécifiques, je sais que M. Lacroix est disponible et pourrait comparaître dans le cadre de l'une de vos réunions.
Vous n'êtes pas sans savoir, tel qu'en font foi les journaux, que vous n'êtes pas les seuls à avoir des préoccupations sur la façon dont Radio-Canada prend ses décisions relativement au contenu de ses émissions. En tant que radiodiffuseur public qui reçoit 1,1 milliard de dollars des contribuables, cette société devrait faire l'objet d'un débat.
Il est important que les députés et vous les sénateurs puissiez tenir un débat public sur le contenu que diffuse Radio- Canada. C'est un organisme extrêmement important, un outil de communication indispensable pour témoigner de nos préoccupations, de notre avenir, de nos succès et autres. Nous devons nous assurer que le contenu canadien soit respecté dans les deux langues officielles. C'est un point clé.
Je vous encourage à parler à M. Lacroix et à tout le conseil de Radio-Canada, car c'est leur responsabilité, leur devoir et leur travail de vous écouter. Engagez-vous, car c'est le Parlement, la Chambre des communes et le Sénat, qui décident d'augmenter ou non leur budget et la façon dont cela doit se faire. C'est aussi basé sur une loi. Ils doivent respecter leur mandat. Cela relève aussi de votre responsabilité en tant que défenseur des droits des communautés de langue officielle en situation minoritaire.
Le sénateur Robichaud : Je vous prie, monsieur le ministre d'excuser mon interruption, mais vous comprendrez qu'à mes yeux, lorsque quelqu'un essaie de s'élever en abaissant les autres, cela me pique au vif.
Vous dites que vous avez signé une entente avec le Comité d'organisation des Jeux olympiques et paralympiques d'hiver de 2010 à Vancouver. Quelle part de responsabilité y avait-il pour le ministère de vérifier ce qui allait se passer dans les deux langues officielles, prenons par exemple la cérémonie d'ouverture.
M. Moore : Ce que nous avions demandé verbalement ou par écrit n'est pas ce qu'on a vu à la cérémonie d'ouverture des Jeux. Cela m'a beaucoup déçu, car ce n'était pas ce qui avait été prévu.
Le sénateur Robichaud : Nous n'aurons pas d'autres Jeux olympiques de sitôt, mais s'il y a d'autres événements de grande envergure, ne devrions-nous pas inclure un mécanisme par lequel on pourrait s'assurer que cela ne se reproduise plus? On n'a pas respecté les directives écrites, mais on s'en est rendu compte trop tard.
M. Moore : Il y a des façons de s'assurer que tous les engagements soient respectés et la plupart ont été respectés. Je ne peux pas parler pour eux, mais je dois vous dire qu'on a rencontré des problèmes techniques et avec quelques artistes concernant leurs engagements.
Il y a aussi que pour le Comité des Jeux olympiques au plan international, les normes quant au respect des langues officielles sont beaucoup moins élevées que celles que voulait le gouvernement du Canada. Notre engagement est différent.
[Traduction]
La norme appliquée par le Comité international olympique en ce qui concerne le bilinguisme et le respect de la place égale du français et de l'anglais est loin d'être aussi rigoureuse que celle qu'on applique au Canada et à laquelle s'attendent les Canadiens. Rétrospectivement, je vous dirais que, à mon avis, dans bien des cas, le COVAN visait plutôt la norme de bilinguisme du COI plutôt que la norme canadienne. À cet égard, il a largement dépassé les exigences du COI dans tous les domaines, mais il est vrai que les cérémonies d'ouverture ont été décevantes.
Il convient de noter, cependant, que les Jeux paralympiques n'ont qu'une langue officielle, soit l'anglais. Les Jeux olympiques ont deux langues officielles, le français et l'anglais, dans cet ordre-là. S'agissant des Jeux paralympiques, vous aurez remarqué que du début à la fin...
[Français]
De la cérémonie d'ouverture à la cérémonie de clôture, tous les événements, engagements et aspects des Jeux paralympiques ont été parfaitement bilingues, et ce, malgré que ce n'était pas un mandat imposé par la norme internationale.
Le sénateur Robichaud : Vous dites que le Comité d'organisation des Jeux olympiques et paralympiques d'hiver de 2010 à Vancouver voulait juste rencontrer les standards du Comité international. Notre comité a rencontré les organisateurs plusieurs années avant les Jeux pour s'assurer que tout se ferait dans les deux langues officielles et qu'on nous avait assuré que cela se ferait. C'est pour cela qu'on est un peu désappointé de voir que même si le comité avait rencontré les responsables, on n'avait quand même pas réussi à atteindre ce niveau.
Pour maintenir la présence des francophones, on doit souvent faire des efforts un peu plus soutenus que ceux de la moyenne.
M. Moore : Pour être clair, ce fut une réussite. Ce sont les Jeux les plus bilingues de l'histoire.
Le sénateur Robichaud : Cela, je ne le conteste pas.
M. Moore : Il faut être précis. Nous parlons seulement des cérémonies d'ouverture, à part cela, c'était parfait.
Le sénateur Robichaud : Je suis d'accord avec cela.
M. Moore : Les cérémonies d'ouverture sont un cas isolé. Ils sont maintenant ouverts aux critiques. Mais le reste des Jeux olympiques et paralympiques fut une grande victoire selon Pascal Couchepin.
Le sénateur Robichaud : Les Jeux ont été une réussite, je suis d'accord avec vous.
La présidente : Je vous remercie très sincèrement, monsieur le ministre, au nom des membres du comité, d'être venu ce matin et d'avoir répondu aux multiples questions. J'aimerais vous demander de vous assurer que le financement, qui est prévu dans la Feuille de route, que vous avez reconduit jusqu'en 2013 ainsi que le financement prévu dans les autres ententes que vous avez reconduites, comme celles sur les arts et la culture, continue et soit respecté. C'est toujours inquiétant, car d'autres programmes seront revus. Nous sommes entre vos mains et comptons sur vous, monsieur le ministre.
(La séance est levée.)