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Délibérations du comité sénatorial permanent des
Langues officielles

Fascicule 5 - Témoignages


OTTAWA, le lundi 31 mai 2010

Le Comité sénatorial permanent des langues officielles se réunit aujourd'hui à 17 h 4 pour étudier l'application de la Loi sur les langues officielles ainsi que des règlements et instructions en découlant. Sujet : rapport annuel 2009-2010 du commissaire aux langues officielles

Le sénateur Maria Chaput (présidente) occupe le fauteuil.

[Français]

La présidente : Honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Comité sénatorial permanent des langues officielles. Je me présente, je suis la sénatrice Maria Chaput, du Manitoba, présidente du comité.

Pour débuter, j'aimerais vous présenter les membres du comité qui sont ici aujourd'hui. À ma gauche, Mme le sénateur Andrée Champagne, du Québec — qui est aussi la vice-présidente du comité —, Mme le sénateur Suzanne Fortin- Duplessis, du Québec, Mme le sénateur Judith Seidman, du Québec, et le sénateur Pierre-Hugues Boisvenu, du Québec. À ma droite, vous avez Mme le sénateur Claudette Tardif, de l'Alberta, et Mme le sénateur Rose-Marie Losier-Cool, du Nouveau-Brunswick.

Nous accueillons aujourd'hui le Commissaire aux langues officielles, M. Graham Fraser, qui comparaît pour nous présenter les principales conclusions du rapport annuel sur les langues officielles, publié la semaine dernière.

Monsieur Fraser, c'est toujours avec un très grand plaisir que le comité vous accueille. Vous êtes accompagné aujourd'hui de quatre hauts fonctionnaires du commissariat. Il s'agit de Mme Ghislaine Charlebois, commissaire adjointe à la Direction générale de l'Assurance de la conformité, de Mme Lise Cloutier, commissaire adjointe à la Direction générale des services corporatifs, de Mme Johane Tremblay, avocate-conseil principale et directrice des Affaires juridiques, et de M. Sylvain Giguère, commissaire adjoint à la Direction générale des Politiques et des Communications. Bienvenue à toute l'équipe.

Monsieur le commissaire, je vous invite maintenant à prendre la parole et les sénateurs suivront avec des questions.

Graham Fraser, commissaire aux langues officielles, Commissariat aux langues officielles : Madame la présidente, je vous remercie. Il me fait toujours plaisir de comparaître devant vous, surtout après le dépôt d'un rapport annuel.

[Traduction]

Je suis ravi de me trouver ici aujourd'hui pour vous présenter les conclusions du volume I de mon quatrième rapport annuel. Vous noterez que le volume I du rapport annuel ne contient pas les bulletins de rendement des institutions fédérales ni les données sur les plaintes. Ces informations seront transmises à l'automne, dans le volume II de mon rapport annuel.

Le présent volume du rapport annuel traite de trois enjeux distincts qu'on doit aborder globalement. Que le gouvernement néglige l'un d'eux, et on connaîtra des reculs sur les autres plans. On ferait bien de garder cela en tête, au moment où les organismes et ministères examinent leurs budgets de près.

Ainsi, si les universités ne préparent pas leurs étudiants adéquatement, le gouvernement et le secteur privé auront du mal à embaucher les employés bilingues dont ils ont besoin. Si les gestionnaires et les superviseurs n'encouragent pas leurs employés à utiliser la langue officielle de leur choix, les services bilingues au public en souffriront et le développement des communautés de langue officielle sera touché. Si les dirigeants des institutions fédérales n'assument pas pleinement leurs responsabilités découlant des changements apportés à la gouvernance des langues officielles, la performance du gouvernement dans ce domaine va se détériorer rapidement. Tout est lié.

[Français]

La question de la langue de travail au sein des institutions fédérales est importante. Depuis 1988, les employés du gouvernement fédéral, dans certaines régions du pays, ont le droit de travailler en français ou en anglais, selon leur préférence. Or, seulement 67 p. 100 des francophones disent se sentir à l'aise d'intervenir en français dans les réunions, et la même proportion d'anglophones affirment qu'ils ont accès à toute leur formation professionnelle en anglais.

La situation de la langue de travail est certes complexe. Il n'existe pas de solution unique à l'ensemble des problèmes, mais je présente plusieurs pistes dans mon rapport. Si un leadership solide des hauts dirigeants de l'administration publique est nécessaire, les superviseurs et les gestionnaires ont aussi un rôle à jouer dans leurs interactions quotidiennes avec leurs employés. Le succès d'un milieu de travail bilingue passe par une relation respectueuse entre collègues.

Dans bien des cas, le maintien d'une culture de travail unilingue nuit aux efforts visant à offrir des services bilingues de qualité à la population. Un milieu de travail bilingue offre aux deux communautés linguistiques la possibilité de contribuer pleinement dans leur première langue officielle au développement et à la mise en œuvre de politiques et programmes qui servent tous les Canadiens et Canadiennes. Quarante pour cent des postes de la fonction publique fédérale requièrent le bilinguisme. Le secteur privé a également des besoins importants en main-d'œuvre bilingue et multilingue.

Comme plus grand employeur du pays, le gouvernement fédéral doit travailler avec les universités et les gouvernements provinciaux pour que les étudiants de tout le pays aient accès à de meilleures possibilités d'apprentissage du français et de l'anglais, langue seconde. En offrant de meilleures possibilités d'apprentissage aux étudiants, on améliore le rendement des futurs travailleurs canadiens. Mais pour ce faire, il faut de la planification, de la coordination et un fort leadership gouvernemental.

[Traduction]

Le succès de la mise en œuvre de la loi repose aussi sur l'application des principes de saine gouvernance. Les processus qui peuvent paraître purement bureaucratiques ont souvent une incidence sur la vie quotidienne des gens vivant à des milliers de kilomètres des centres de décision. C'est pourquoi, dans mon rapport, je consacre un chapitre aux changements qui ont eu lieu récemment dans la façon dont les organismes centraux du gouvernement fédéral s'acquittent de leurs responsabilités linguistiques.

Combinée à la disparition de l'Agence de la fonction publique du Canada et de son unité de langues officielles, la réduction récente de l'effectif du Centre d'excellence en langues officielles du Secrétariat du Conseil du Trésor a entraîné une perte d'expertise considérable pour les institutions fédérales, qui tentent d'améliorer leur rendement en matière de langues officielles.

S'il est trop tôt pour évaluer l'incidence définitive que ces changements auront sur la façon dont le gouvernement fédéral s'acquitte de ses obligations, je déplore qu'ils aient été mis en place sans que soient consultés, par exemple, les responsables des langues officielles au sein des ministères et organismes fédéraux. C'est mal démarrer une initiative qui, à la base, comportait des risques.

[Français]

Dans ce contexte, les dirigeants des institutions doivent faire preuve de vision.

S'ils agissent sans un plan clair assurant des résultats, il faut s'attendre à des reculs.

Ainsi, la délégation de responsabilité ne doit pas mener au laisser-aller. Le gouvernement doit montrer comment cette nouvelle approche permettra une mise en œuvre plus efficace de la Loi sur les langues officielles et l'épanouissement des communautés de langues officielles.

Les leaders des communautés de langues officielles ont par ailleurs exprimé des inquiétudes en ce qui concerne les retards dans la mise en œuvre de la Feuille de route pour la dualité linguistique 2008-2013.

Les graves retards dans la signature d'ententes entre les institutions fédérales et les organismes communautaires sont également une source de préoccupation. Les dirigeants de certains organismes œuvrant à renforcer la vitalité des communautés de langues officielles sont allés jusqu'à utiliser leur propre carte de crédit dans l'attente du financement du gouvernement. Lorsque le financement dont ces organismes ont besoin pour offrir des services essentiels n'arrive que très tard dans l'année, c'est la communauté tout entière qui en paye le prix.

Malgré ces retards préoccupants dans la réalisation des engagements vis-à-vis des communautés de langues officielles, j'ai néanmoins constaté avec satisfaction que le gouvernement s'est engagé, dans le discours du Trône, à maintenir la Feuille de route intacte. Par la même occasion, le gouvernement proclamait que « les deux langues officielles du Canada font partie intégrante de notre histoire et nous confèrent un avantage unique dans le monde ».

Une telle affirmation signifie pour moi que le français et l'anglais font partie non seulement de notre histoire, mais aussi de notre avenir. Pour soutenir cette vision, le gouvernement doit agir avec clairvoyance. Il doit soigneusement évaluer les décisions qui pourraient avoir des retombées sur la dualité linguistique canadienne. Le processus de prise de décision doit être transparent.

[Traduction]

Les politiques linguistiques font parfois l'objet de débats. Ces débats nous permettent de rappeler les valeurs fondamentales qui sont au centre de notre politique linguistique canadienne.

Après avoir fait l'objet de discussions à la Chambre des communes, un projet de loi sur le bilinguisme des juges à la Cour suprême du Canada est maintenant entre vos mains au Sénat et au cœur des débats. Ma position sur la question est claire : les juges de la plus haute cour du pays doivent posséder une connaissance suffisante des deux langues officielles pour instruire les appels sans avoir recours à l'interprétation. Pour siéger à la Cour suprême, le bilinguisme est une compétence fondamentale; c'est une question de justice et d'égalité.

Ce débat montre bien la pertinence des thèmes abordés dans mon rapport. En effet, les universités doivent préparer les futurs juristes à œuvrer dans un système de justice où les citoyens ont le droit d'être entendus dans la langue officielle de leur choix. De plus, pour travailler efficacement et mettre pleinement à profit l'expertise de chacun, les juges doivent pouvoir discuter entre eux des affaires dans la langue officielle de leur choix.

En fait, ce débat peut être compris sous l'angle du privilège des avocats d'accéder aux postes de juges de la plus haute cour du pays... ou sous l'angle du droit des citoyens et de leurs avocats d'être entendus à la plus haute cour du pays dans la langue officielle de leur choix. Le gouvernement doit se pencher sur cet enjeu et sur ses obligations en vertu de la Loi sur les langues officielles en tenant compte de l'esprit de la loi et des valeurs qu'elle incarne. Je suis disponible pour en discuter plus en détail si vous le souhaitez.

[Français]

Les Jeux olympiques et paralympiques d'hiver de 2010 ont parfaitement illustré le défi que le gouvernement doit relever afin de pleinement mettre en œuvre la Loi sur les langues officielles. En abordant la loi comme une série de règles, on peut certes mettre en place les détails administratifs, mais on s'expose à oublier l'essentiel. C'est ainsi qu'à Vancouver un grand nombre de services ont été offerts en français comme en anglais, alors que la cérémonie d'ouverture a suscité de nombreuses critiques et plaintes qui font actuellement l'objet d'une enquête. Heureusement, nos athlètes eux-mêmes, par leur bilinguisme inspirant, nous ont rappelé que la dualité linguistique est une valeur à cultiver.

[Traduction]

J'aimerais maintenant utiliser le temps qu'il nous reste pour répondre à vos questions.

[Français]

La présidente : Merci beaucoup, monsieur le commissaire. La première question sera posée par la vice-présidente de notre comité, le sénateur champagne.

Le sénateur Champagne : Vous vous doutez bien que la majorité d'entre nous avons été très occupés au cours de la fin de semaine à lire ce premier volume de votre rapport.

Deux points en particulier ont retenu mon attention, sans doute à cause du fait qu'ils sont reliés intimement à ce sujet qui nous occupe et nous préoccupe beaucoup au Sénat en ce moment et dont vous venez de parler, le projet de loi C-232.

Vous insistez sur la difficulté que rencontrent certains élèves à parfaire leurs connaissances linguistiques acquises au primaire et au secondaire alors qu'ils poursuivent des études universitaires. En fait, vous dites que très peu d'établissements postsecondaires donnent à leurs étudiants la possibilité de suivre des cours de leur champ de spécialisation dans la langue de leur choix.

Si, comme vous l'avez déclaré et répété, vous souhaitez faire du bilinguisme un critère de nomination à la Cour suprême, je me demande si au lieu de nous attaquer au haut de la pyramide il ne faudrait pas plutôt intensifier nos efforts au bas de la pyramide. On pourrait commencer par s'assurer que nos futurs avocats et juges puissent apprendre à plaider dans nos deux langues officielles alors qu'ils sont jeunes plutôt que d'attendre à un âge plus avancé. À mon avis, des efforts devraient être déployés à ce niveau.

Comment devrions-nous agir pour faire en sorte que les élèves aient le choix d'étudier dans la langue officielle de leur choix lorsqu'ils arrivent à l'université, afin de devenir des professionnels qui puissent pratiquer dans les deux langues?

M. Fraser : D'abord, je dirai que ce que vous dites est vrai. Il faut commencer tôt. Toutefois, l'un n'exclut pas l'autre. L'importance du bilinguisme des juges de la Cour suprême est une responsabilité pour tous les paliers de gouvernement et pour le gouvernement qui nomme des juges à la Cour suprême. Une institution canadienne judiciaire est responsable de la formation des juges. Or, on m'a révélé que des cours intensifs de langues ciblent les juges en particulier. Cette formation intensive se concentre sur les connaissances nécessaires aux juges pour pouvoir bien saisir les interventions devant les tribunaux. Plusieurs juges des cours de première instance, du banc de la reine, des cours supérieurs, des cours suprêmes provinciales et fédérales ont suivi ces cours. Par conséquent, huit juges sur neuf à la Cour suprême sont suffisamment bilingues pour satisfaire ces critères.

Lorsqu'on parle d'exigences en matière de bilinguisme pour certaines fonctions, dans certains cas je suis un peu sur la défensive. On dira que ce facteur est important pour les représentants du pays et parfois pour des raisons symboliques, mais qu'il est souvent difficile d'aller plus loin.

Une des compétences essentielles d'un juge à la Cour suprême est la compréhension du pays et de son paysage juridique. Nous avons au Canada deux systèmes juridiques qui se rencontrent à un seul endroit : la Cour suprême. Lorsqu'on passe du niveau provincial ou de la Cour fédérale à la Cour suprême, une des compétences essentielles est celle de l'écoute.

Le sénateur Champagne : Toutefois, on se rend compte qu'à la Cour suprême on n'entend pas monsieur et madame Tout-le-Monde avec les expressions et les accents régionaux.

Ces cas ont déjà été étudiés et décidés par des cours inférieures; les juges ont lu des documents volumineux et ils écouteront des avocats, des plaideurs chevronnés. Vous parlez de la nécessité de tester un cadre commun en matière de langue au Canada pour — et je vous cite — établir un niveau de compétence en langue seconde indispensable à l'admission, que ce soit à une institution postsecondaire ou, alors, que ce soit à la Cour suprême.

Qui sera le juge? Qui décidera de la qualité du bilinguisme des gens? Qui va organiser ce cadre commun? Qui va dire que telle personne est assez bilingue pour être à telle cour, mais pas à la Cour suprême? Qui pourrait organiser ce cadre commun de connaissance de la langue?

M. Fraser : Je pense qu'il s'agit de deux questions distinctes.

La question du cadre commun en est une qui a été posée dans le contexte de l'apprentissage aux niveaux primaire, secondaire et postsecondaire, ce qui est un emprunt d'un système développé en Europe dans le but d'avoir une référence commune du niveau acquis.

Actuellement, les étudiants qui suivent des cours de français en Alberta, au Manitoba ou en Ontario, ou en anglais au Québec, à la fin de l'année, savent qu'ils parlent mieux que tel camarade dans leur classe, mais ils n'ont pas nécessairement une référence qui leur donne confiance qu'effectivement ils ont acquis un niveau reconnu de façon internationale.

Edmonton Public Schools est la seule commission scolaire qui a vraiment fait des progrès en utilisant ce cadre. Lorsqu'ils ont commencé à intensifier leurs cours d'immersion, il y a 10 ans, ils ont emprunté le cours de la Commission de la fonction publique du Canada. Par la suite, la Commission de la fonction publique du Canada a décidé qu'ils n'avaient pas le droit, en vertu de la loi, de prêter leur système de test. C'est avec grand regret qu'Edmonton Public Schools est allé ailleurs, en Europe, pour utiliser leur cadre commun de référence. Tout cela est traité dans notre rapport, dans le contexte d'occasions d'apprentissage pour des étudiants.

En ce qui concerne les nominations des juges à la Cour suprême, c'est une autre chose. Il y a déjà un processus d'évaluation des compétences des juges mené par le ministre de la Justice, en consultation avec le Barreau canadien. Il y a un comité de sélection qui fait tout cela de façon discrète.

Moi, je prétends que maintenant que le débat est lancé, d'une certaine façon, on ne peut pas dire que, dorénavant, on pourra éviter cette question en battant ce projet de loi. La question est sur la table maintenant et elle deviendra nécessairement un sujet de discussion, quoi qu'il arrive avec les prochaines nominations des juges. Donc, d'une certaine façon, si le projet de loi est adopté, qu'il devient législation, il sera plus facile pour le gouvernement, pour les parlementaires et pour le ministère de la Justice d'examiner discrètement la question linguistique lors de l'évaluation des compétences des juges.

Certains prétendent que les juges actuels de la Cour suprême n'auraient pas été nommés si ce critère avait été en place au moment de leur nomination. Moi, je ne suis pas d'accord. Je crois que les juges eux-mêmes ne sont pas les bonnes personnes pour évaluer leur niveau de bilinguisme.

Lorsque j'ai été moi-même nommé à ce poste, mon niveau de connaissance du français m'inquiétait quelque peu. Je craignais de me faire évaluer formellement. Quel embarras si j'échouais le test pour les fonctionnaires! Je me suis rendu compte par la suite que je n'aurais pas dû m'inquiéter à ce sujet. Je me base sur ma propre expérience pour dire que les individus ne sont pas nécessairement les bonnes personnes pour dire : « Vous savez, je n'aurais pas été à un niveau approprié au moment où j'ai été nommé. »

Les juges de la Cour suprême, actuellement, sont des gens qui, dans certains cas, ont suivi des cours intensifs avant d'être nommés et qui ont fait en sorte qu'après leur nomination, ils ont très vite accédé à un niveau de bilinguisme suffisant pour remplir leurs fonctions.

Le sénateur Champagne : Merci beaucoup. J'irai un peu plus loin au deuxième tour. Je vais quand même donner la chance à mes collègues.

Le sénateur Fortin-Duplessis : Merci beaucoup, madame la présidente.

En tout premier lieu, monsieur le commissaire, je veux vous féliciter pour la qualité de votre rapport. J'ai particulièrement apprécié les insertions de curriculum vitae de personnalités qui ont réussi et qui ont atteint des niveaux vraiment impressionnants dans leur carrière grâce à leur parfait bilinguisme.

L'une des initiatives de la Feuille de route sous la responsabilité de l'École de la fonction publique du Canada, vise à élargir l'accès aux produits d'apprentissage par le truchement des universités canadiennes. Nous savons aussi, parce que vous l'avez même mentionné à un moment donné, que l'École est connue à travers le monde pour ses outils de formation linguistique. Que pensez-vous de cette initiative et quelles sont les retombées favorables qui pourraient en découler à long terme?

M. Fraser : Je suis très impressionné par l'initiative. Ce projet pilote implique 11 universités, je crois, à travers le pays, et veut faire en sorte que des étudiants, après avoir accédé aux mêmes outils d'apprentissage que les fonctionnaires, à un certain moment donné de leurs études, puissent se qualifier pour l'accréditation linguistique que donne la Commission de la fonction publique du Canada.

Je pense que c'est vraiment un pas dans la bonne direction d'arriver à un point où on reconnaît la capacité des universités d'enseigner le français tout comme on le lui reconnaît en droit, en génie ou en médecine; par la fonction publique, dans tous les autres domaines, on accepte l'accréditation donnée par les universités sans exiger que les nouveaux fonctionnaires suivent une deuxième formation et une deuxième accréditation.

Il s'agit donc d'un projet pilote qui nous permettra de voir si on peut relier la formation linguistique aux études universitaires pour faire en sorte que les nouveaux employés arrivent à la fonction publique avec une certaine accréditation linguistique.

Nous en sommes à la première année de cette expérience, il est donc trop tôt pour en évaluer les résultats.

Le sénateur Fortin-Duplessis : Madame la présidente, j'aurais une question d'un autre ordre.

Comme vous l'avez souligné dans votre dernier rapport, le soutien du gouvernement de 1,1 milliard pour les langues officielles est le montant le plus important jamais investi par un gouvernement dans l'histoire du Canada.

Aujourd'hui, plus de 70 p. 100 des engagements pris dans la Feuille de route sont réalisés et financés. Cela représente plus de 792 millions de dollars.

Que pensez-vous du Plan d'évaluation et de responsabilisation du gouvernement qui sert à mesurer l'efficacité de la Feuille de route?

M. Fraser : Je ne peux pas vous donner une réponse définitive parce que l'évaluation n'a pas pu être faite encore. Je pense qu'il est important de faire en sorte qu'il y ait autant de transparence possible, que les gens soient redevables vis- à-vis ces dépenses, mais nous ne sommes pas encore en position, à ce que je sache, de vous rapporter les résultats de façon formelle.

Comme on l'a dit dans le rapport, et comme je l'ai mentionné dans ma déclaration, il y a eu des problèmes de retard de financement. Le ministre a reconnu la nature du problème et nous étions contents de voir cette reconnaissance. On voit déjà certains signes d'amélioration. Quand j'ai fait des consultations avec la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada et le Quebec Community Groups Network, ils ont tous les deux affirmé qu'on voyait effectivement des signes encourageants, mais c'était juste des signes avant-coureurs. C'est pour cela qu'on demande au ministre de nous rapporter à la fin de l'année financière quelles sont les mesures concrètes qui ont été prises pour faire en sorte que cette situation ne se répète pas.

Le sénateur Fortin-Duplessis : Il est peut-être trop tôt pour vous poser la question, mais que pensez-vous des résultats ultimes, intermédiaires et immédiats énoncés dans le plan?

M. Fraser : On ne peut pas faire une évaluation pour l'instant, mais on fera le suivi. Je constate que l'on suit de près le déroulement du plan à Patrimoine canadien. Nous aussi. On est à peu près à mi-chemin entre 2008 et 2013 donc ce n'est pas tout à fait encore prêt. Il y a un processus d'évaluation en cours à Patrimoine canadien. C'est le moment de commencer à dire : qu'est-ce qu'on fait par la suite, quels sont les programmes à continuer et les choses qui ont du potentiel pour devenir des programmes permanents?

La présidente : J'aurais une question supplémentaire à la question de Mme le sénateur Fortin-Duplessis. Est-ce que vous seriez d'accord, monsieur le commissaire, si je vous disais que ce n'est pas nécessairement les sommes d'argent reliées à la Feuille de route qui sont problématiques, car il y a quand même un certain montant d'argent relié à la Feuille de route? Ne serait-ce pas plutôt la coordination au sein de l'appareil gouvernemental qui pourrait se faire de façon plus appropriée, plus forte ou plus claire?

M. Fraser : C'est toujours un défi. Il faut toujours tenir compte des obligations de responsabilité et de transparence, et faire en sorte que toutes ces obligations ne deviennent pas des freins à l'efficacité des programmes. On a déjà vu, par le passé, l'élimination de certains postes au sein du gouvernement faisant en sorte que des sommes d'argent ont été consacrées sans la même surveillance, ce qui a créé certaines inquiétudes à l'époque.

Il y a toujours un équilibre à trouver. Si à un moment donné on est trop prudent ou on exige trop de vérifications, cela peut imposer un fardeau extrême à des groupes qui dépendent de bénévoles ou des gens qui travaillent pour des organismes non gouvernementaux. Il est parfois difficile de trouver un équilibre en ce sens.

La présidente : D'après vous, quel pourrait être le meilleur équilibre?

M. Fraser : C'est toujours à voir et à revoir. Il faut faire en sorte que l'importance de la responsabilité et de la transparence n'impose pas un fardeau extrême. Je ne peux pas vous donner un cadre théorique pour dire comment cela devrait être. C'est souvent un défi de gestion. Cela exige une certaine confiance dans des groupes qui ont été responsables dans le passé, une confiance envers des organisations qui ont toujours démontré un sens des responsabilités avec l'argent des contribuables. Cela prend une certaine confiance, de la part des fonctionnaires, dans le fait que ces organisations continueront de fonctionner de façon responsable.

Le sénateur Tardif : Bonjour, monsieur le commissaire, à vous et aux membres de votre équipe. Il y a eu plusieurs changements durant l'année 2009 par rapport à la gouvernance des langues officielles par le gouvernement actuel. Il y a eu l'abolition de l'Agence de la fonction publique et le transfert de ses responsabilités, ainsi que la baisse d'expertise du Centre d'excellence en langues officielles au bureau des ressources humaines qui relève du Conseil du Trésor, si je comprends bien. Toutefois, il y a eu diminution des effectifs; une diminution de 60 p. 100, sauf erreur, au Centre d'excellence entre 2008 et 2009.

M. Fraser : Je pense que c'est de 2006 à 2009.

Le sénateur Tardif : On dit que c'est passé de 30 à 13 employés.

M. Fraser : Oui, et avant cela c'était 74 employés.

Le sénateur Tardif : C'est passé de 30 à 13 employés de 2008 à 2009, une baisse de près de 60 p. 100.

M. Fraser : Oui, c'est cela, excusez-moi.

Le sénateur Tardif : C'est votre rapport que je cite. Vous avez parlé de certains risques associés à ce transfert de responsabilités. Est-ce que vous pourriez nous donner davantage de détails par rapport à ce que vous voyez comme étant les risques associés au transfert de responsabilités et le fait que les effectifs ont été diminués et n'ont pas été concentrés dans un seul endroit, comme par le passé avec l'agence de la fonction publique?

M. Fraser : J'ai pris soin, dans le rapport, de ne pas condamner la décentralisation en tant que phénomène. Tout est dans la façon de faire une décentralisation. On a déjà vu, dans la transformation des responsabilités des langues officielles aux soins du gouvernement, d'abord le transfert de l'unité qui était au Conseil privé à Patrimoine canadien. Cela m'inquiétait un peu, car souvent, quand un message vient du Conseil Privé, c'est traité avec sérieux. J'ai déjà parlé aux fonctionnaires qui ont commencé à travailler, qui ont été mutés d'autres ministères au Conseil privé et qui ont été étonnés de la vitesse avec laquelle leurs messages téléphoniques ont reçu une réponse. Ici à Ottawa, les agences centrales ont une importance psychologique.

En soi, cela m'a préoccupé un peu. Vous vous rappellerez peut-être qu'on a commandé une étude du professeur Savoie; il a mitigé mes craintes en parlant de l'importance de l'horizontalité et comment cela pouvait marcher. Le Centre d'excellence — qui est passé, comme vous le dites, de 30 à 13 employés, et auparavant de 74 à 30 employés, donc une diminution constante depuis 4 ou 5 ans — était une organisation dans laquelle des gens avaient des responsabilités de portefeuilles de certains ministères.

Donc lorsque les champions des langues officielles au sein des ministères avaient des questions sur la façon d'exiger le respect de la loi par leur ministère, ils pouvaient téléphoner directement une personne qui avait cette expertise et demander des conseils sur la façon de gérer une situation.

Maintenant, il a été décidé — et cela va de pair qu'avec d'autres décisions du gouvernement de responsabiliser les ministères — qu'ils avaient des obligations, ils doivent les connaître et c'est à eux de les respecter.

Cela veut dire que des gens qui, dans le passé, avaient recours à des conseils d'experts au Secrétariat du Conseil du Trésor n'ont plus accès à cette expertise, même si le Secrétariat du Conseil du Trésor continue d'avoir la même responsabilité pour faire en sorte que la loi soit respectée et que les ministères respectent leurs obligations.

Cela nous préoccupe. C'est une évidence que les ministères n'ont plus les mêmes ressources — et il n'y a pas eu de transfert d'argent par la même occasion.

Sylvain Giguère, commissaire adjoint, Direction générale des Politiques et des Communications, Commissariat aux langues officielles : Dans les ministères, deux ou trois personnes s'occupent des langues officielles et doivent développer l'expertise que 30 ou 40 personnes avaient avant. Chaque ministère doit avoir son expertise. Donc il compte sur l'entraide. Ils forment un groupe d'entraide pour trouver des solutions, car les experts qu'on avait par portefeuille ne sont plus là.

Le sénateur Tardif : Si je comprends bien, il n'y a pas eu de ressources pour accompagner cette restructuration? Alors, les ministères sont laissés à eux-mêmes pour trouver cette expertise et les fonds. Ils ne sont qu'une ou deux personnes responsables dans des ministères qui sont énormes.

M. Fraser : Oui.

Le sénateur Tardif : Vous avez indiqué dans votre rapport qu'il y a aussi des fonctions au Secrétariat du Conseil du Trésor qui n'existent plus maintenant, comme offrir des services d'interprétation de la Loi sur les langues officielles, jouer un rôle clé dans les Rendez-vous de la Francophonie et recenser des pratiques exemplaires, tout cela n'existe plus? Qui est responsable d'assurer ce rôle de coordination et de s'assurer que cela se fait lors de la délégation des responsabilités aux divers ministères?

M. Fraser : En ce qui concerne les meilleures pratiques et c'est indiqué dans le rapport, l'ancien greffier a demandé à Monique Collette de l'APECA de faire un recensement des meilleures pratiques dans le domaine de la dualité linguistique et de la diversité culturelle. Une de nos recommandations dans le rapport est que tous les sous-ministres devraient utiliser cette collection de meilleures pratiques et les faire reprendre au sein des ministères. Je crains que ce rapport, qui est très valable, reste sur les tablettes et qu'il ne soit pas un outil aussi valable qu'il devrait l'être en ce qui a trait aux meilleures pratiques.

Cependant, comme vous le dites, il y a d'autres activités, comme la Semaine de la Francophonie, où effectivement, il y a eu un rôle de coordination et d'autres activités qui ont impliqué une coordination difficile à percevoir. Techniquement, la loi n'a pas été modifiée, donc le Secrétariat du Conseil du Trésor continue d'avoir les mêmes responsabilités qu'auparavant.

La présidente : D'après vous, le gouvernement démontre-t-il un intérêt d'utiliser le rapport de Madame Monique Collette et de le considérer comme guide?

M. Fraser : J'espère bien, mais c'est pour encourager que cela se fasse que nous avons pris soin de le mentionner et de le rappeler aux sous-ministres. Il m'est arrivé qu'un sous-ministre me demande si on avait de meilleures pratiques. Je lui ai alors parlé de la collection des meilleures pratiques de Mme Collette.

C'est important pour moi de rappeler au gouvernement les ressources déjà existantes. Si ce rôle de coordination, ce centre d'expertise ont été diminués en importance, cela veut dire qu'il y a moins de personnes influentes pour jouer ce rôle de rappeler aux sous-ministres adjoints, aux directeurs, les outils qui existent.

La présidente : Vous l'avez inclus dans vos recommandations?

M. Fraser : Oui.

Le sénateur De Bané : Monsieur le commissaire, j'aimerais revoir avec vous certaines pages du chapitre 2 et particulièrement, j'aimerais que vous nous expliquiez aussi la page 22.

Vous indiquez que le gouvernement fédéral doit corriger le tir. Pourquoi exprimez-vous dans ce chapitre qu'il faut changer le tir sur les inquiétudes que vous voyez à l'horizon? Vous n'étiez pas sûr que tout aurait des effets négatifs, mais vous dites avoir des inquiétudes et qu'il faut changer le tir.

À la page 22, vous parlez un peu de changements majeurs. J'aimerais que vous nous les expliquiez en langage que nous puissions comprendre.

M. Fraser : J'ai pris soin de ne pas dire que des changements administratifs, des transformations de structure sont nécessairement en soi condamnables. Lorsqu'on voit une tendance qui était au centre des décisions au Conseil privé, lorsqu'il y avait un Centre d'excellence au Secrétariat du Conseil du Trésor qui était assez substantiel, puis qu'on déménage un bureau à Patrimoine canadien, qu'on éparpille un peu les ressources, on dit aux ministères qu'ils possèdent ces responsabilités, qu'on n'aura plus les mêmes ressources pour vous aider dans vos responsabilités, cela risque de diminuer l'importance que le gouvernement accorde aux langues officielles.

J'ai toujours pensé que lorsqu'un message provient du centre aux ministères, il est traité avec beaucoup plus d'importance que s'il vient de l'intérieur.

Si quelqu'un occupe un poste de directeur, il a moins d'influence vis-à-vis un sous-ministre adjoint que si c'est un sous-ministre adjoint au Conseil privé qui prend le téléphone ou qui envoie le message. C'est la nature humaine.

Comme on le dit à la page 22, le Centre d'excellence en langues officielles continue d'avoir les mêmes responsabilités, mais avec moins de personnel. C'est une tendance qui m'inquiète. Comment peut-on dire que le dossier des langues officielles est traité avec les mêmes responsabilités si on n'y consacre pas les mêmes ressources à l'intérieur? Ou quand on consacre les mêmes ressources, mais pas au même niveau de l'administration? C'est donc une préoccupation que j'exprime dans ce chapitre.

Il en va de même avec d'autres transformations qui peuvent être considérées par le gouvernement dans un contexte économique difficile. On a déjà vu cela avec la privatisation des autorités portuaires où il y avait des obligations qui existaient, qui étaient des obligations cohérentes, des obligations uniformes qui étaient suivies par le ministre des Transports de l'époque. Quand on a donné la responsabilité de gérer les aéroports aux autorités indépendantes, elles avaient les mêmes responsabilités, sans les mêmes directives et sans le même suivi. Chaque autorité aéroportuaire interprète ses obligations de façon différente. Chaque autorité donne la responsabilité des langues officielles à un département différent. Certains traitent cela comme si c'était la responsabilité du ministère des Affaires juridiques, d'autres disent que cela relève des affaires gouvernementales. Il y a tout un éventail de réactions. Certains parlent de la responsabilité et disent que c'est une valeur, d'autres disent que c'est un fardeau.

De la même façon, au sein du gouvernement, il est inévitable qu'il y ait des changements de structure, des changements de responsabilité et certains changements au sein des ministères. Cependant, on a vu des exemples qui nous ont fait penser qu'il fallait avertir le gouvernement que nous sommes un peu inquiets des tendances que l'on a observées.

Le sénateur De Bané : Il y a 40 ans, on a dit : « Le Conseil du Trésor aura autorité en matière de langues officielles, donc il peut donner des ordres aux différents ministères. » Cela a été fait d'une façon délibérée afin d'avoir quelqu'un pour donner des ordres. À part les agences centrales, les ministères qui ont une autorité sur tous les autres sont autonomes; chacun vis-à-vis de l'autre. Personne ne peut donner des ordres à l'autre, sauf une agence centrale. Aucun ministère ne peut donner des ordres au ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, sauf le Conseil privé, le Conseil du Trésor, et cetera. Cela m'inquiète aussi qu'on dise à chaque ministère de faire ceci ou cela, mais qui va leur taper sur les doigts s'ils ne le font pas? C'est ce qui est inquiétant.

L'autre jour, on a reçu le sous-ministre des Affaires étrangères. Je lui ai demandé pourquoi, une ambassade qui, à Paris, annonce dans sa langue, soit en français, annonce seulement en anglais à Ottawa? Il m'a répondu : « Personne ne nous a tapé sur les doigts pour qu'on le fasse. Je vais essayer de voir si on peut faire quelque chose. »

Monsieur le commissaire, il y a tellement de questions qu'on voudrait vous poser. Je vais essayer de résumer ma pensée avec une chose. Vous, qui êtes le commissaire et qui pensez à ce dossier — avec toute votre équipe —, vous semblez être distrait par d'autres priorités. La question qui m'obsède est la suivante : dans quelle mesure les différentes institutions du gouvernement — et Dieu sait s'il y en a — sont conscientes que la loi suprême du pays proclame que ce pays a deux langues officielles et qu'il doit en être le haut-parleur dans tout ce qu'il fait? Que le pays doit être une caisse de résonance de ces deux langues, de ces deux cultures? Je ne suis pas sûr que cette disposition, qui est dans la loi suprême, soit la priorité qu'elle devrait être. Est-ce que vous pouvez me faire part de vos réflexions sur ce sujet?

M. Fraser : Une des raisons pour lesquelles je fais un effort particulier pour souligner la question de leadership, qui est un thème récurrent dans mon rapport, c'est que j'ai constaté à quel point un leader, dans le secteur public — cela peut être un ministre, un sous-ministre, un directeur — peut transformer pour le meilleur et pour le pire, la question des langues officielles.

Je peux vous donner un exemple d'un ancien ministre de Travaux publics et Services gouvernementaux Canada, mais du gouvernement présent. Lorsqu'il est arrivé en poste, il était choqué de découvrir que son ministère avait obtenu la note « pauvre » pour sa performance. L'année suivante, cela a été la note « moyenne » et l'année qui a suivi, c'était une note « bonne ». Souvent, les ministres sont des gens compétitifs qui n'aiment pas recevoir de mauvaises notes. Un ministre m'a déjà dit : « Je n'ai pas reçu une note ``pauvre'' de ma vie, c'est la première fois et je ne l'accepte pas. » Avec cet exemple, j'ai découvert qu'il y a certains ministres et certains sous-ministres qui prennent le dossier au sérieux. Après nos rencontres avec eux, on reçoit des appels d'autres employés du ministère qui nous disent : « On sait que vous avez eu une discussion avec le ministre ou avec le sous-ministre et voici ce qu'on propose de faire. »

S'il y a des exemples positifs comme ceux-là, il y a également d'autres exemples qui sont moins positifs. Quelqu'un qui prend cela vraiment au sérieux peut être remplacé par quelqu'un pour qui c'est un dossier secondaire.

Je vais répéter une chose que j'ai souvent dite. Je trouve exemplaire le comportement public du premier ministre, en ce qui a trait à la dualité linguistique.

Toutefois, cette considération n'est pas uniforme à travers le gouvernement. Lorsqu'on voit des exemples positifs de leadership, on tente de les souligner. Lorsque des institutions traînent de la patte, on l'indique également. Toute la question de l'évaluation des institutions sera traitée dans le volume II.

Le sénateur De Bané : Je partage votre point de vue sur cette façon exemplaire avec laquelle le premier ministre incarne les deux cultures, les deux langues officielles. Il le fait de façon constante.

Sur la question du leadership, le premier ministre et le greffier du Conseil privé communiquent par lettres ou par document écrits, le premier ministre aux ministres et le greffier aux sous-ministres, les priorités qui leur sont assignées. Cette lettre du premier ministre est adressée à chaque ministre et indique les sujets sur lesquels accorder une très grande importance. Puisque nous parlons de leadership, il serait souhaitable, monsieur le commissaire, que le premier ministre pour ses collègues du Cabinet, et le greffier pour les chefs des différents ministères, écrivent dans leur lettre annuelle qu'il s'agit d'un sujet très important et qu'ils soient évalués sur ce dossier, entre autres. Vous ne devriez pas hésiter à leur demander d'inclure ce sujet. Après tout, cette dimension fait partie de la Constitution.

M. Fraser : J'ai soulevé cette question en ce qui concerne l'évaluation du rendement des sous-ministres par le passé. Je ne l'ai pas répété cette année. Vous ne serez pas surpris d'apprendre que le premier ministre ne m'envoie pas de copie conforme de ses lettres aux ministres et aux sous-ministres.

Le sénateur De Bané : C'est confidentiel, bien sûr.

M. Fraser : Il s'agit d'un document confidentiel. Comme citoyen, je serais parfois curieux de connaître le contenu de ces lettres, mais il faudra attendre 30 ans pour lire ces correspondances dans les archives.

Le sénateur De Bané : Je ne demande pas que vous soyez autorisé à voir ces lettres hautement confidentielles. Toutefois, vous pourriez dire, « je demande instamment que ce sujet fasse partie des priorités assignées aux ministres ». Et si le premier ministre vous répond en disant qu'il a tenu compte de votre recommandation, nul besoin de voir la lettre. Il va sans dire que ces lettres sont très confidentielles.

Alors, voilà ce que j'aimerais, car si cette requête se trouve dans la lettre du premier ministre, chaque ministre devra y accorder toute l'importance.

M. Fraser : J'en prends note.

Le sénateur Losier-Cool : Ma question fait suite à celle du sénateur De Bané et concerne l'importance d'une directive claire et nette pour tous. Cela éviterait l'exemple que vous avez cité du ministre qui, ne sachant pas, a obtenu une piètre évaluation. C'est pourquoi j'appuie la proposition du sénateur De Bané. J'espère que vous en tiendrez compte dans votre prochain rapport, monsieur le commissaire. Cette question est importante. À mon avis, ce serait faire preuve de leadership. Je crois que les ministres et les personnes responsables seraient très heureux d'avoir une directive claire et nette pour tous.

M. Fraser : Nous prenons note de votre recommandation et nous verrons ce que nous pouvons faire.

[Traduction]

Le sénateur Seidman : À l'automne 2010, notre comité compte se déplacer pour aller rencontrer les communautés anglophones du Québec et s'informer de leur vitalité.

M. Fraser : C'est une excellente chose.

Le sénateur Seidman : Selon vous, à la lumière de votre examen, de vos travaux et des consultations que vous avez menées pour votre rapport, quels sont les principaux défis qu'ont à relever ces communautés?

M. Fraser : Je suis content que vous ayez utilisé le mot « communautés », car ce qui est particulièrement frappant, chez les communautés anglophones du Québec, c'est à quel point elles peuvent être différentes les unes des autres, selon l'endroit où elles se trouvent. J'ai toujours pensé que les communautés anglophones du Québec souffraient d'un niveau d'incompréhension plus élevé que bien d'autres communautés linguistiques minoritaires. Une récente étude a révélé que, pour la toute première fois, le niveau de revenu de la communauté anglophone était inférieur à celui de la majorité francophone. C'est Jack Jedwab, de l'Association d'études canadiennes, je crois, qui a donné suite à ces résultats à l'aide d'un sondage ayant permis de conclure que 99 p. 100 des francophones interrogés estimaient que la communauté anglophone était plus riche que la majorité francophone. Les mythes sont tenaces.

Nous avons effectué des études sur la vitalité des communautés anglophones du Québec, en examinant tout particulièrement les cas de communautés en dehors de l'île de Montréal. Une de ces communautés anglophones était en Basse-Côte-Nord, une autre à Québec et une autre encore dans les Cantons de l'Est. Chacune de ces communautés est confrontée à une variété de défis. Celle qui est aux prises avec les difficultés les plus importantes est la communauté de la Basse-Côte-Nord, où l'on trouve 5 000 anglophones. En une courte période de temps, la communauté anglaise de Québec est rapidement devenue très bilingue. Ce n'est pas le cas en Basse-Côte-Nord, où l'on trouve des communautés très isolées. On vivait de la pêche, mais la ressource s'est tarie, comme partout ailleurs. Environ 80 p. 100 des membres de cette communauté sont unilingues, ce qui fait en sorte qu'ils trouvent difficile d'obtenir des services du gouvernement du Québec ou, dans certains cas, des bureaux régionaux du gouvernement fédéral. Tant leur représentant à l'Assemblée nationale que leur député fédéral sont francophones unilingues, de sorte qu'ils éprouvent tous les problèmes communs aux communautés rurales isolées et tributaires des ressources de n'importe où au pays, l'isolement créé par la barrière linguistique en plus. Cela signifie qu'alors que ces communautés tentent de passer d'une économie basée sur les pêcheries à une économie de services tout en s'ouvrant au tourisme, elles sont d'autant plus handicapées qu'elles n'ont pas les compétences linguistiques nécessaires pour traiter efficacement avec le gouvernement provincial et accéder à divers fonds dont elles pourraient peut- être bénéficier pour aller chercher des touristes francophones. Elles ont tous ces problèmes, auxquels s'ajoutent l'exode des jeunes et le vieillissement de la population.

Un autre problème particulier est vécu de façon similaire par un certain nombre de communautés isolées, particulièrement dans l'Est du Canada, où un grand nombre des maris et des pères passent une grande partie de l'année en Alberta, à travailler dans l'industrie des sables bitumineux. Il y a des villages où l'on a des problèmes liés à la situation monoparentale des familles tout au long de l'année scolaire, alors que les maris et les pères sont partis gagner de l'argent. Ensuite, ceux-ci reviennent et injectent tout à coup des fonds dans la communauté. La province de Terre-Neuve-et- Labrador a effectué des études sur la question, car ce phénomène s'observe non seulement en Basse-Côte-Nord, mais aussi à Terre-Neuve et dans certaines régions du Nouveau-Brunswick et de la Nouvelle-Écosse.

Dans les Cantons de l'Est, une partie de la difficulté de la communauté à accéder aux ressources communautaires est due à la façon dont elle est disséminée sur une vaste étendue de territoire. Les Cantons de l'Est occupent un territoire équivalant à celui de la Belgique, et la communauté anglophone n'a plus de centre unique comme c'était le cas autrefois. Elle compte des membres à Brome, Bolton, Sherbrooke et Granby, et dans toute une série de petites communautés où les anglophones deviennent de plus en plus minoritaires. Lorsqu'elles sont dispersées sur un aussi grand territoire, les minorités linguistiques ont du mal à accéder aux ressources.

À Québec, le problème relevé dans le cadre de l'étude sur la vitalité se situait sur le plan du leadership et du renouvellement du leadership en matière de ressources communautaires. Je voudrais simplement souligner que la communauté anglophone de la ville de Québec a récemment subi une perte importante avec la mort de sœur Marianna O'Gallagher, qui se consacrait à l'histoire de la communauté irlandaise-anglaise de la ville de Québec. C'était une personne dotée d'une énergie remarquable, qui a consacré une énorme partie de sa vie à faire connaître l'histoire et les institutions de la communauté anglophone de Québec. J'espère que vous ne m'en voudrez pas d'avoir profité de l'occasion pour mentionner sa contribution.

Le système d'éducation fait face à des difficultés. En dehors de l'île de Montréal, surtout, le réseau scolaire de la minorité anglophone est aux prises avec un double défi. Quelque 20 p. 100 des enfants qui ont le droit d'aller à l'école anglaise fréquentent l'école française parce que leurs parents jugent que le système scolaire anglophone ne les préparera pas adéquatement à demeurer au Québec et à y travailler en français.

En même temps, un nombre important d'élèves qui grandissent en français dans des familles exogames ou qui ont des parents francophones vont à l'école anglaise, car, comme leurs parents sont allés à l'école anglaise, ils ont le droit, en vertu de la Constitution, d'y envoyer leurs enfants. Ces enfants, qui représentent environ 20 p. 100 de la population des écoles anglaises, parlent français à la maison et, en réalité, apprennent l'anglais en tant que langue seconde dans de petites communautés où le français est fortement majoritaire.

Ainsi, ces écoles ont une double difficulté. Elles ne bénéficient pas de la pleine capacité de la population admissible à l'école anglaise, et en même temps, elles accueillent des élèves qui ont le droit de fréquenter ces écoles, mais n'ont pas les compétences linguistiques voulues. Elles ne reçoivent pas de financement supplémentaire pour l'apprentissage de l'anglais en tant que langue seconde, alors qu'elles comptent quelque 20 p. 100 d'élèves qui sont francophones dans tous les autres aspects de leur vie. Je pourrais continuer comme ça pendant un certain temps. Veuillez me pardonner si j'ai utilisé une trop grande partie de votre temps.

Le sénateur Seidman : Pas de problème. Je me bornerai à dire que j'apprécie votre point de vue franc et éclairant. Peut-être pourrons-nous en discuter en plus grand détail lorsque nous aurons véritablement entrepris l'étude.

M. Fraser : J'en serais heureux. Si vous voulez bien communiquer avec moi et mon bureau, je pourrai vous transmettre une plus grande partie de l'information que nous avons accumulée. La communauté anglophone de Québec est souvent mal comprise, et c'est une communauté qui me tient fortement à cœur.

Dans une grande mesure, j'ai acquis une expérience de la vie dans une communauté de langue minoritaire lorsque j'ai vécu à Québec, où je faisais partie de la minorité anglophone. J'ai vécu à Québec pendant sept ans, et à Montréal pendant trois ans, alors dans une large mesure, c'est une expérience qui m'est utile pour comprendre la vie dans les communautés minoritaires.

[Français]

Le sénateur Champagne : Permettez-moi un petit commentaire rapide avant de passer à un autre sujet, puisque vous en avez parlé tout à l'heure. Je vais revenir aux Jeux olympiques et paralympiques de 2010.

M. Fraser : Oui.

Le sénateur Champagne : Nous nous souvenons parfaitement de la déception de tout le monde quant au pauvre contenu francophone de la cérémonie d'ouverture des Jeux olympiques. C'était terrible. Les choses se sont améliorées aux cérémonies de clôture. Aux cérémonies d'ouverture des Jeux paralympiques, le français avait une place importante. J'ai fermé la télé ce soir-là en me disant que lorsqu'on arrivera à la clôture des Jeux paralympiques, tout se fera en français.

Lors de la comparution du ministre du Patrimoine canadien, James Moore, il y a quelques semaines, j'ai essayé de savoir comment il se faisait que le gouvernement du Canada, en tant que bailleur de fonds, n'avait pas insisté pour être mis au courant du contenu de la cérémonie d'ouverture des Jeux olympiques.

On m'a dit, par la suite, qu'un artiste francophone se serait désisté à la dernière minute ou qu'il y avait eu un problème de négociation de cachet.

J'ai fait une comparaison avec les anges de Broadway — c'est ainsi qu'on surnomme les bailleurs de fonds là-bas —, et je n'ai pas eu à réfléchir longuement pour conclure que, si on leur interdisait de voir la pièce qu'ils financent avant la première, aucun argent ne serait déboursé. Après avoir soumis au ministre que notre situation était comparable, sa réponse fut tout simplement que notre Loi sur les langues officielles était bien différente selon votre interprétation, la mienne ou celle des gens du COVAN.

J'ai été ravie d'entendre qu'une enquête est en cours à ce sujet. On en saura peut-être un peu plus long.

Je sais que vous êtes aussi déçu que nous de ce qui s'est passé, alors que les yeux du monde étaient rivés sur le Canada, le soir de la cérémonie d'ouverture. Je ne peux m'empêcher de vous demander un commentaire à ce sujet.

M. Fraser : Comme vous, j'ai eu une réaction émotive et je me suis exprimé le lendemain, tout comme l'a fait le ministre.

Le sénateur Champagne : Le ministre était désolé; moi, j'étais furieuse. Voilà la différence!

M. Fraser : Je me suis exprimé de façon assez franche le lendemain. Par la suite, nous avons reçu des plaintes et la nature du processus de leur traitement était telle qu'il a fallu que je sois plus discret par la suite. Donc, je ne reviendrai pas sur mes commentaires.

Le sénateur Champagne : Nous peut-être, mais pas vous.

M. Fraser : Je peux vous dire que l'analyste responsable du rapport d'enquête a terminé ses entrevues. Il en est à l'étape de la rédaction.

Le sénateur Champagne : J'ai trouvé d'ailleurs très malheureux que des gens fassent des commentaires très durs à l'endroit de M. Furlong, alors que j'ai trouvé qu'aux cérémonies de clôture, il a fait des efforts extraordinaires pour s'exprimer en français.

M. Fraser : Pour répéter ce que j'ai dit dans ma présentation, je trouve regrettable que la cérémonie d'ouverture ait fait de l'ombre sur ce qui a été réussi. J'étais à Vancouver pour la première partie des Jeux et j'ai été vraiment impressionné par les efforts de tout et chacun. Personnellement, j'ai assisté à l'une des parties de l'équipe féminine canadienne de hockey contre la Suisse. Je suis arrivé à français.

La dame m'a répondu : « I don't speak French. Do any of you speak French? » Et tout de suite, quelqu'un a pu me servir. Il lui a fallu plus de temps pour savoir exactement où je devais aller que pour me servir en français. Elle a trouvé les informations et m'a accompagné dans la bonne section. La personne qui m'a répondu était une étudiante anglophone de la Colombie-Britannique qui parlait un français châtié. Je me suis dit que c'est ainsi que les choses devraient fonctionner en pareilles circonstances.

Le sénateur Champagne : L'expérience fut fantastique. Sur le site des Jeux et lors de la présentation des athlètes gagnants, tout s'est bien déroulé.

M. Fraser : J'ai pris soin de noter, dans ma préface, à quel point les institutions ont fait des efforts supplémentaires pour que ce soit le cas. À mon avis, cela démontre qu'avec la volonté et le leadership on peut réussir.

Le sénateur Champagne : J'ai vécu une expérience absolument extraordinaire à Vancouver. En arrivant aux douanes, j'ai rempli le petit formulaire comme tout le monde, mais je l'ai rempli en français. En arrivant au guichet, on m'a prié d'attendre et on a été me chercher une personne. Une grande dame s'est avancée, qui parlait un français à faire honte à bien des gens. Elle m'a expliqué qu'elle avait étudié le français au Saguenay. Elle parlait un français vraiment extraordinaire et je me suis dit : voilà la personne idéale pour vous accueillir. Vous auriez été fier et auriez vu qu'on peut quand même faire de très bonnes choses puisqu'on arrive à faire en sorte que de jeunes femmes nous accueillent aux douanes en français.

J'aimerais revenir à la question de la nomination de juges bilingues. Vous dites que ceux et celles dont le rôle est d'interpréter l'esprit et la lettre de nos lois doivent être bilingues. Que dites-vous de ceux qui conçoivent nos lois et les écrivent? N'en serait-il pas de même pour tous les députés, tous les gens qui espèrent une nomination au Sénat, tous ceux qui aimeraient un poste non seulement à la Cour suprême, mais à la fonction publique? Ne devraient-ils pas être bilingues? Pas de bilinguisme, pas de salut. Voilà ce vers quoi on se dirige. Si on commence en haut de la pyramide, comme je l'indiquais tout à l'heure, à mon avis on ne commence pas au bon endroit.

Vous avez indiqué que 40 p. 100 des fonctionnaires sont bilingues. Plusieurs ne sont pas dans des régions désignées bilingues, bien sûr. Ne devrait-on pas appliquer ce critère, par exemple, à ceux qui sont en lice pour des élections? Encore une fois, qui va juger du bilinguisme de ces candidats?

M. Fraser : En un mot, non, je ne prétends jamais que ce devrait être le cas pour les députés, les sénateurs ou les ministres. Ces personnes jouissent des mêmes droits que les citoyens. La nature même de la Loi sur les langues officielles dit que ce sont les institutions qui doivent être bilingues et non les individus. C'est le droit du citoyen qui prime sur celui des fonctionnaires de travailler dans sa langue. Tout le système est basé sur ce principe.

Le sénateur Champagne : Est-ce qu'un juge nommé à la Cour suprême automatiquement perd ses droits de citoyen de s'exprimer dans la langue de son choix?

M. Fraser : Non, absolument pas.

Le sénateur Champagne : Alors pourquoi ne peut-il pas utiliser l'interprétation simultanée?

M. Fraser : Vous faites une distinction entre le droit d'utiliser sa langue et l'importance de comprendre les gens qui comparaissent devant la Cour suprême. Une chose que j'ai remarquée dans ce débat, c'est que tous les arguments que j'ai entendus, incluant les arguments que vous venez d'exprimer...

Le sénateur Champagne : Est-ce que le juge perd son droit comme citoyen lorsqu'il arrive à la Cour suprême?

M. Fraser : Non. Il existe une règle de bilinguisme à la Cour suprême. Toutefois, celle-ci s'applique uniquement aux francophones. Actuellement, avec un juge unilingue, tous les francophones sont obligés de travailler en anglais lors de conversations avec les autres juges. Le projet de loi envisage une situation où chaque juge pourra utiliser la langue officielle de son choix et savoir qu'il sera compris.

On entend parfois des arguments à l'effet qu'il s'agit d'une exigence extrême de bilinguisme. Or, je ne crois pas que ce soit le cas. C'est un bilinguisme passif qui est exigé. Il n'est pas si difficile de se trouver dans une situation où on comprend l'autre personne sans avoir nécessairement l'obligation de s'exprimer dans l'autre langue.

Le sénateur Champagne : Le juge peut donc s'adresser à un des avocats qui est présent dans la langue de son choix?

M. Fraser : Absolument.

Le sénateur Champagne : L'avocat peut, s'il le veut, utiliser l'interprétation simultanée. Toutefois, s'il répond en français au juge, selon le projet de loi, le juge n'aura pas la même possibilité?

M. Fraser : Le projet de loi prend l'exigence qui s'applique maintenant aux juges de la Cour fédérale. La Cour fédérale a l'obligation d'instruire un procès avec des juges capables d'entendre des témoignages dans les deux langues officielles sans interprétation. On a pris cette phrase qui s'applique à la Cour fédérale et on l'a appliquée à la Cour suprême. Cette obligation existe déjà.

Étant donné le grand nombre de juges à la Cour fédérale, il est plus facile de former des panels de juges en fonction des audiences. Or, nos deux systèmes juridiques se rencontrent au sommet, soit à la Cour suprême. Un tiers des appels provenant des tribunaux provinciaux sont du Québec et dans ces causes toute l'argumentation est préparée en français.

Un avocat m'a déjà expliqué qu'après avoir plaidé une cause en première et deuxième instance, lorsqu'il arrive à la Cour Suprême il se pose un défi stratégique, car cet avocat ne dispose que de 10 minutes. Il sait qu'il devra s'adresser à au moins un des juges à travers un filtre, soit celui de l'interprétation simultanée. Pour les huit autres juges, ce filtre n'existera pas. Alors que faire? Devra-t-il utiliser les deux façons ou devra-t-il se répéter? Quelle stratégie devra-t-il utiliser pour s'adresser au juge et établir ce lien que tout avocat veut établir lorsqu'il fait une présentation devant n'importe quelle cour?

Comme je l'ai dit dans ma déclaration liminaire, il y a deux façons de voir le problème. Y a-t-il un droit d'être nommé à la Cour suprême? Devrait-on être plus préoccupé par le droit des juges ou par le droit des citoyens?

Le sénateur Champagne : La question est de savoir si nous devrions être plus préoccupés par l'habileté linguistique d'un juge ou par ses connaissances juridiques.

M. Fraser : Je suis profondément convaincu que dans un pays bijuridique et bilingue, la connaissance linguistique est une compétence juridique. Je ne crois pas qu'on puisse dire qu'il y ait les connaissances juridiques et ici, à part, il y ait la question linguistique dans un contexte où il faut travailler avec les collègues qui parlent une autre langue, qu'un tiers des appels provinciaux viendront à la cour dans une autre langue, quand des piles de dossiers ne sont pas nécessairement traduits.

Un sommaire écrit par les clercs dit qu'on ne peut pas dire qu'un juge unilingue est aussi compétent qu'un juge qui a les compétences linguistiques des deux langues officielles.

Le sénateur Champagne : Dans un monde meilleur, nous serions tous bilingues. Il y a quelques semaines, nous recevions des avocats francophones en common law, qui nous racontaient les problèmes qu'ils avaient à trouver des juges bilingues parce que les procès étaient retardés, car il n'y avait personne de disponible. Quand vous dites, Justice delayed is justice denied, je nous souhaiterais tous qu'ils soient merveilleusement bilingues et de merveilleux juristes. On commence en haut de la pyramide et je ne suis pas certaine que ce soit là que nous devions commencer.

M. Fraser : Il y a 22 ans, lorsque la Loi sur les langues officielles a été amendée, on a soulevé cette exception faite pour la Cour suprême. Et à ce moment-là, le ministre de la Justice de l'époque, Ray Hnatyshyn a dit que nous n'étions pas prêts encore pour remplir cette exigence que nous le serions peut-être plus tard. Nous sommes maintenant 22 ans plus tard.

Je crois que ce débat en soi est très sain. Il a envoyé un message très puissant au gouvernement, aux juges, aux avocats et aux étudiants en droit. Quoiqu'il arrive avec le projet de loi, le message est envoyé et il sera difficile de ne plus considérer cette question de la compétence juridique. J'ai déjà entendu un vice-doyen d'une faculté de droit dire :

[Traduction]

« Cela a été un signal d'alarme pour nous ».

[Français]

Je suis impressionné par la nature très civile du débat au Sénat sur cette question de la part des deux côtés de la Chambre qui s'affrontent sur la question. Des gens se sont préoccupés du débat en disant que ce serait une loi de division. La nature du débat démocratique est divisée. Entretenir un débat public sur une question aussi cruciale fait qu'on se divise, qu'on prend position, qu'on en débat. Mais ce qui me frappe, c'est que tout ce débat a été maintenu il y a 40 ans sur la Loi sur les langues officielles, et on a dit alors exactement la même chose : on aura plus de candidats qui travailleront pour le gouvernement fédéral, jamais plus des gens de l'Ouest ne seront des fonctionnaires. On a maintenant un juge en chef de la Cour suprême qui vient de l'Alberta, un greffier qui vient de la Saskatchewan, le général en chef des Forces canadiennes du Manitoba, le premier ministre de l'Alberta, le ministre de Patrimoine canadien de la Colombie-Britannique, le premier ministre de l'Alberta, le ministre de Patrimoine canadien de la Colombie-Britannique, le ministre de l'Immigration vient de l'Alberta. Ils sont tous capables et ont tous décidé que pour occuper un poste d'importance nationale, ils devaient être en mesure d'écouter et de comprendre les gens dans l'autre langue officielle.

[Traduction]

Le sénateur Champagne : Je peux le faire aussi.

[Français]

Le sénateur Tardif : Vous avez indiqué dans votre rapport que 67 p. 100 des francophones ne se sentaient pas à l'aise d'utiliser leur langue en milieu de travail. Que faire pour s'assurer qu'on ait davantage d'insistance sur la possibilité d'utiliser, par exemple le français à la fonction publique ici, au gouvernement et dans toutes nos institutions fédérales?

M. Fraser : La question de la langue du travail est très complexe. J'ai constaté que d'accorder ce droit aux employés dans des régions désignées bilingues était un geste radical. Quand on y pense, on se rend compte que, pour un fonctionnaire, un employé, la grande partie de milieu de travail est définie par d'autres : la politique du gouvernement du jour, le ministre, le sous-ministre, les directives du Secrétariat du Conseil du Trésor. Son lieu de travail est défini par des règlements de Travaux publics et Services gouvernementaux : chaque direction a certaines règles de style quant à la rédaction de notes synthèses, il y a des normes, des règlements. Toutefois, il y a une chose pour laquelle l'employé a la capacité d'intervenir et c'est lorsqu'il dit qu'il veut travailler dans sa langue dans des régions désignées bilingues, qu'il veut intervenir aux réunions dans sa langue, écrire ses notes de synthèse dans sa langue et recevoir ses données de rendement dans sa langue. Ce geste est à contre-courant de tous les autres éléments décidés par les autres. Dans ce contexte, c'est un geste radical et assez contradictoire avec tous les autres éléments du lieu de travail.

Il n'est donc pas surprenant qu'il y ait beaucoup d'employés qui décideront d'utiliser la langue du superviseur sachant que certains sont mal à l'aise et qu'il ne veut pas être perçu comme un trouble fête, la personne têtue qui insiste sur ses droits. Il veut faire un peu comme tout le monde.

Je ne suis pas étonné de voir un pourcentage considérable de gens qui disent ne pas se sentir tout à fait à l'aise. Il y a des éléments de nature humaine qui sont assez profonds ici. Il y a un autre élément également. De mon expérience, une relation humaine se fait dans une langue. Si on est dans un groupe de travail et que Jacques connaît Harry et Harry s'en va en formation linguistique et revient avec son niveau CBC, ce n'est pas parce que Harry a reçu une formation linguistique que leurs rapports humains, qui se sont créés d'abord en anglais, seront tout à fait transformés.

C'est un défi. Cela revient à la question du leadership où c'est la responsabilité du gestionnaire de faire ce qu'on appelle, vis-à-vis les services au public, « l'offre active ». C'est la responsabilité du sous-ministre adjoint de faire en sorte qu'aux réunions, non seulement on tolère, mais on accueille l'utilisation des deux langues officielles. Il devrait être très clair que, lorsque le gestionnaire ouvre la discussion en français avec les francophones et en anglais avec les anglophones, c'est pour créer une atmosphère de travail établie selon des règles de conversation humaine non écrites, et qu'on s'attend à ce que les gens utilisent la langue officielle de leur choix. Ce n'est pas facile, car il y a toutes sortes d'autres courants qui sont tout aussi naturels. C'est exactement la même chose au Québec. Les anglophones sont tout aussi réticents à utiliser l'anglais aux réunions au Québec que les francophones le sont ici à Ottawa.

Le sénateur Tardif : Vous avez tout à fait raison de dire que cela incombe au ministère et à l'agence de faire l'effort, parce que souvent, l'individu se sent démuni et cela prend parfois des actes courageux pour aller au-delà et s'affirmer en ce sens.

M. Fraser : Je sais aussi qu'il y a parfois une frustration qui est exprimée par la direction dans certains ministères et dans certaines agences. Récemment, j'ai visité une agence où le chef de l'agence est quelqu'un qui a vraiment à cœur l'utilisation des langues officielles. Dans sa présentation, il a dit, de façon très ouverte : « J'ai une frustration. En fait, j'en ai plusieurs, mais je vais en mentionner une. » Il a dit : « Pour l'amour de Dieu, est-ce que les francophones peuvent utiliser leur langue dans les réunions? » Une de ses frustrations, en tant qu'anglophone parfaitement bilingue — il y a consacré beaucoup d'efforts —, c'est que malgré tout cela, les francophones choisissent d'utiliser la langue de la majorité.

Le sénateur Tardif : J'aurais quelques explications pour cela. Je pense que c'est la force de l'assimilation, mais ce serait tout un autre débat.

M. Fraser : Tout à fait, mais comme vous le savez, c'est un sujet qui est très complexe. Il y a un travail sociolinguistique à faire afin de comprendre tous ces éléments.

Le sénateur Tardif : Je voulais faire un lien avec la question du projet de loi C-232. Ne croyez-vous pas aussi que c'est une question de langue de travail? Lorsque les juges se rencontrent pour délibérer, s'il y a un juge unilingue anglophone, cela veut dire que la langue de travail change et la personne qui voudrait s'exprimer en français serait obligée de changer en anglais lors des délibérations parce qu'il n'y a pas de traduction ni d'interprétation dans ces discussions privées. C'est aussi une question de respect de la langue de travail pour les juges de la Cour suprême du Canada.

M. Fraser : Je suis tout à fait d'accord. Effectivement, la seule mention de la Cour suprême dans le rapport annuel porte sur ce sujet. Mon seul regret, c'est que ce soit le genre de coquille qu'on voit seulement quand c'est publié et qu'il est trop tard. Comme vous avez pu le constater, dans le rapport annuel, on donne la raison pour laquelle le commissaire appuie le projet de loi. C'est une raison parmi d'autres, mais la mention qui est faite dans le rapport annuel, c'est en référence à la question de la langue de travail.

Le sénateur Fortin-Duplessis : Monsieur le commissaire, vous allez être un peu surpris par la question que je vais vous poser. Imaginons un peu l'impact que vous, en tant que commissaire aux langues officielles, pourriez avoir auprès des élites institutionnelles responsables pour nos communications, telles que Hubert Lacroix, Sylvain Lafrance et Julie Miville-Deschênes de Radio-Canada, Konrad von Finkenstein, le ministre James Moore à Patrimoine canadien, l'Association de la presse francophone et la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada si vous aviez votre propre blogue. Comment choisiriez-vous de vous exprimer? Ce serait vraiment fascinant à regarder. Utiliseriez-vous le français et l'anglais ou encore, ce serait en simple redondance? De plus, imaginons la réaction de nos médias. Un officiel de la francophonie qui choisit de s'exprimer directement sur Internet sans communiqué de presse, en français ainsi qu'en anglais, un peu comme un citoyen engagé doit fonctionner en 2010. À quand votre blogue, monsieur le commissaire?

M. Fraser : On a eu cette discussion quand je suis arrivé au commissariat. Ma réaction a été de dire qu'il fallait que je fasse la transition du journalisme au commissariat, qui exige déjà un certain effort. Je suis très conscient de la période de temps que cela prend pour écrire pour le public.

J'ai dit : « Attendons de voir avant de me consacrer à cela. » Depuis ce temps, on a vu l'évolution de GCPEDIA et d'autres éléments que j'ai suivis avec fascination. Cependant, une chose que j'ai remarquée, c'est qu'on est en difficulté actuellement avec notre système de GI-TI. Actuellement, on est en discussion avec le Conseil du Trésor pour obtenir des fonds afin de mettre à jour nos systèmes de communication. Depuis un certain temps, des gens m'ont conseillé de ne plus penser à ce qu'on pourrait faire. Parce que dans l'état actuel des choses, il serait difficile d'embarquer dans un tel projet pour des raisons bassement technologiques.

Je regarde avec un grand intérêt l'évolution de tout l'aspect de Canada 2.0, gouvernement 2.0, toute la question de l'interaction immédiate entre les gens en position de responsabilités et les citoyens impliqués. Je note que mon homologue provincial, en Ontario, François Boileau, commissaire au service en français, a un blogue. Je suis très conscient du défi que cela représente. On continue d'y réfléchir, mais avant de même entretenir une discussion de fond là-dessus, il faut qu'on puisse avoir la capacité technologique de le considérer.

Lise Cloutier, commissaire adjointe, Direction générale des Services corporatifs, Commissariat aux langues officielles : Nous travaillons avec le Secrétariat du Conseil du Trésor afin de faire une présentation au Comité consultatif pour la surveillance et le financement des hauts fonctionnaires du gouvernement en septembre dans le but de faire une demande de fonds pour remettre à jour notre plate-forme technologique. Toute la question des nouveaux médias sociaux nous tient beaucoup à cœur. Cependant, advenant une décision positive pour le financement, on est à au moins deux ans avant de pouvoir voir la plate-forme nécessaire pour actualiser nos moyens de communication avec les Canadiens et les Canadiennes.

Le sénateur Fortin-Duplessis : Justement, François Boileau en a fait un succès. C'est positif. Je penserais que pour vous ce le serait aussi.

La présidente : J'ai une question complémentaire à celle du sénateur Fortin-Duplessis : où se situent le français et la dualité linguistique dans cette ère où la capacité technologique nous permet une interaction immédiate? Quelqu'un songera-t-il à développer des balises afin d'éviter que ces nouveaux outils ne servent pas uniquement à l'assimilation?

M. Fraser : C'est une question très importante. C'est une des questions qui préoccupent beaucoup les ministères et les gens qui sont en avant-plan de l'interaction entre les institutions fédérales et la population via les médias sociaux.

Certaines institutions non gouvernementales ont déjà fait certains essais. Quelqu'un de l'organisation Ingénieurs sans frontières m'a raconté que des communautés d'usagers ont contribué à créer des discussions en ligne. Certains ont dit qu'ils feraient en sorte qu'elles puissent être traduites.

Un consultant en médias sociaux m'a dit aussi que la correction des ébauches se faisait maintenant de façon collective. Il lance ses interventions sur son blogue et ce sont les lecteurs qui les corrigent. C'est vrai que cela représente des dangers pour la langue française et c'est une question qui préoccupe tout le monde. Il n'y a pas de réponse facile.

Si je faisais un blogue, il est évident que je serais tenu de le faire dans les deux langues, mais de quelle façon le faire, fera nécessairement partie de nos réflexions dès lors que nous aurons la capacité technologique de considérer cette question. Pour l'instant nous n'en sommes pas là.

Le sénateur Losier-Cool : On parle tellement de « mesures positives » que cela pourrait entrer dans le mandat du comité d'étudier l'usage de la technologie et du bon français en tant que « mesures positives »? C'est peut-être aux Canadiens de le faire. Il ne faut pas se fier aux francophones, car ils ont plus tendance à adopter les termes anglais. Ce sera une suggestion donc pour le Sous-comité du programme et de la procédure.

Le sénateur De Bané : J'aimerais beaucoup qu'un jour vous nous fassiez part de vos réflexions sur le point suivant : pourquoi y a-t-il dans ce pays, et on ne se rend pas compte à quel point, un blocage dans le fait de communiquer dans les deux langues, lesquelles représentent deux des plus grandes civilisations de l'humanité? Un exemple m'a sauté aux yeux. Sur la rue Bank, ici, à 100 pieds de la rue Wellington, à 100 pieds du Parlement, il y a une enseigne du Mouvement Desjardins. Plus francophone que cela, il n'y en a pas au Québec. Cette enseigne est seulement en anglais. Pourquoi? Parce qu'ils sont arrivés à la conclusion que ce serait négatif de s'afficher en français. Pourtant, il suffirait du centième de l'énergie investie pour apprendre l'autre langue.

En Europe, chacun comprend qu'il doit apprendre deux, trois ou quatre langues. Qu'est-ce qui amène ce genre de blocage ici et amène le Mouvement Desjardins à s'afficher uniquement en anglais? Vous qui êtes un joueur important de la scène canadienne, pourriez-vous nous expliquer pourquoi ce qui devrait être considéré comme une occasion unique est considéré comme un fardeau?

Le sénateur Champagne : Ils ont quand même fait un effort dans une enseigne anglophone.

M. Fraser : Je vais vous raconter une expérience vécue par des gens de la Péninsule acadienne. Ces gens avaient eu énormément de problèmes avec des compagnies de propriété québécoise qui sont convaincues que le français arrête à la frontière québécoise puis qu'à l'extérieur du Québec c'est en anglais seulement. Ils ont eu plus de problèmes avec Jean Coutu, Rona et autres — vous avez mentionné Desjardins — qu'avec des multinationales américaines. La chaîne de restauration McDonald, par exemple, fait des études de marché avant d'établir ses succursales. Leur évaluation se fait de façon très neutre, sans préoccupation du territoire ou autres. Dans une région, où ils ont découvert que 98 p. 100 de la population était francophone, ils ont fait en sorte que le service soit disponible en français.

Vous avez mentionné une institution financière, mais en marchant le long de la rue Bank, j'ai vu de l'affichage de la CIBC en français; sur la rue Sparks, j'ai vu de l'affichage de RBC en français. D'autres institutions financières ont donc fait un effort dans la région de la capitale nationale.

À Vancouver, l'une des choses qui m'a frappé, c'est l'effort fait par des commanditaires des Jeux olympiques d'annoncer dans les deux langues.

Il y a eu des publicités de Coke en français et en anglais. Il y a eu de l'affichage bilingue de la ville de Vancouver, de La Baie, bref, de gens qui n'avaient pas d'obligations en vertu de la Loi sur les langues officielles mais qui, dans l'esprit de la loi, dans l'esprit des Jeux olympiques...

Le sénateur Champagne : Ils ont eu peur de vous.

M. Fraser : Je ne crois pas.

La présidente : Monsieur le commissaire, je n'ai pas à vous dire à quel point les membres du comité apprécient toujours votre comparution. En leur nom et en mon nom personnel, je vous remercie et je remercie les membres de votre équipe.

(La séance est levée.)


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