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Délibérations du comité sénatorial permanent des
Langues officielles

Fascicule 7 - Témoignages du 13 septembre 2010 (séance du matin)


QUÉBEC, le lundi 13 septembre 2010

Le Comité sénatorial permanent des langues officielles se réunit aujourd'hui, à 9 h 25, pour étudier l'application de la Loi sur les langues officielles ainsi que des règlements et instructions en découlant. (Sujet : Les communautés anglophones du Québec.)

Le sénateur Maria Chaput (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente : Honorables sénateurs, mesdames et messieurs, je vous souhaite la bienvenue à cette séance du Comité sénatorial permanent des langues officielles. Je suis le sénateur Maria Chaput du Manitoba et je préside le comité. Plusieurs membres du comité m'accompagnent et je les invite à se présenter.

[Français]

J'aimerais commencer par mon extrême droite.

Le sénateur Champagne : Bonjour, je suis le sénateur Champagne.

[Traduction]

Le sénateur Seidman : Je suis le sénateur Judith Seidman.

[Français]

Le sénateur Fortin-Duplessis : Bonjour, je suis très heureuse d'être avec vous ce matin. Je suis le sénateur Suzanne Fortin-Duplessis et j'ai également occupé les fonctions de députée à la Chambre des communes du Parlement canadien pendant neuf ans.

[Traduction]

Le sénateur De Bané : Je suis le sénateur Pierre De Bané. J'ai grandi et vécu à Québec pendant de nombreuses années. C'est donc avec beaucoup d'émotion que je me joins à vous aujourd'hui. J'ai commencé ma carrière en politique comme député dans la circonscription de Matapédia—Matane, située dans la péninsule gaspésienne. En ma qualité de sénateur, je représente maintenant la région de Bécancour, au Québec. Je suis très heureux d'être ici et de pouvoir entendre ce que vous avez à dire à propos de la situation de votre communauté anglophone, de vos aspirations et des difficultés auxquelles vous êtes confrontés. Merci beaucoup d'avoir accepté de nous rencontrer.

Le sénateur Fraser : Je suis le sénateur Joan Fraser, et je viens de Montréal. J'ai été nommée au Sénat il y a presque exactement 12 ans. Avant cela, j'ai travaillé pendant longtemps comme journaliste à Montréal et, durant cette période, je me suis énormément intéressée à la situation des communautés anglophones au Québec. D'ailleurs, je m'y intéresse encore beaucoup. Je me réjouis donc de siéger de nouveau à ce comité dans le cadre de cette étude.

Le sénateur Dawson : Je suis le sénateur Dennis Dawson. Je suis né et j'ai grandi à Québec. J'ai fait le guide touristique officiel dans l'autobus ce matin et j'en ai profité pour amener les sénateurs faire un tour à partir de la circonscription de Louis-Hébert, où j'ai eu le plaisir de travailler comme député pendant de nombreuses années, avant que Mme Duplessis ne me mette à la retraite, en 1984.

Je suis ravi d'être ici aujourd'hui. Je suis certain que mes collègues apprécieront non seulement les audiences, mais aussi l'atmosphère qui règne ici, au Morrin College. Je crois qu'ils pourront ainsi mieux connaître Québec et mieux comprendre son histoire et son rôle.

La présidente : Il y a plusieurs mois, le comité a jugé nécessaire de mener une étude sur les communautés anglophones en situation minoritaire. En vertu de la Loi sur les langues officielles, le gouvernement fédéral s'engage à favoriser l'épanouissement des minorités francophones et anglophones du Canada, et à appuyer leur développement. L'un des mandats du comité est d'étudier l'application de la loi et à en faire rapport.

Au printemps 2010, le comité a convenu de se déplacer dans des communautés anglophones du Québec afin de se pencher sur ce qui nuit à leur développement et à leur épanouissement. À l'époque, le comité avait décidé d'entreprendre cette étude et de parcourir le Québec avant que le Sénat ne reprenne ses travaux le 27 septembre.

C'est donc un plaisir d'être ici à Québec ce matin. Nous allons également nous rendre à Sherbrooke et à Montréal. Nous voulons mener une étude exhaustive sur la situation des communautés anglophones au Québec et explorer divers secteurs d'activité ayant une incidence sur leur développement et leur épanouissement, notamment le développement communautaire, l'éducation, la jeunesse, les arts et la culture, et la santé.

Permettez-moi donc de vous énoncer les trois objectifs que s'est fixés le comité dans le cadre de cette étude.

Le comité désire tout d'abord tracer un portrait global de la situation des communautés anglophones du Québec en examinant différents secteurs qui touchent à leur développement. Il veut ensuite cerner les enjeux propres aux communautés anglophones du Québec et identifier des correctifs jugés nécessaires à leur développement. Enfin, le comité s'engage à présenter des recommandations au gouvernement fédéral en vue d'appuyer le développement et de favoriser l'épanouissement des communautés anglophones en situation minoritaire.

Pour commencer, je voudrais d'abord souhaiter la bienvenue aux représentantes du Quebec Community Groups Network, qui s'adresseront au comité avant le premier témoin prévu.

Chers collègues, les représentantes du QCGN feront une déclaration, mais sachez que nous n'aurons pas la possibilité de poser des questions à ce moment-là.

J'inviterais donc Mme Linda Leith, présidente du QCGN, qui est accompagnée de Mme Sylvia Martin-Laforge, directrice générale, à prendre la parole.

Accueillons également M. Jean-Sébastien Gignac, qui témoignera tout de suite après les représentantes du Quebec Community Groups Network.

Linda Leith, présidente, Quebec Community Groups Network : Mesdames et messieurs, membres du Comité sénatorial permanent des langues officielles, bonjour.

La communauté anglophone du Québec est ravie de vous accueillir ici cette semaine. Nous avons rendu visite à votre comité à Ottawa à maintes reprises au cours des dernières années, et c'est avec plaisir que nous vous accueillons chez nous. C'est une occasion particulièrement heureuse puisque vous êtes venus nous parler d'un sujet qui nous est cher, soit l'application de la Loi sur les langues officielles ainsi que des règlements et des directives qui concernent notre communauté, l'une des deux communautés minoritaires de langues officielles du Canada.

Votre visite ici et votre étude des réalités des communautés anglophones au Québec sont cruciales, puisqu'elles orientent les politiques fédérales vers les communautés anglophones du Québec, au moment où la Feuille de route pour la dualité linguistique canadienne est formulée. Nous nous réjouissons de constater que votre étude met l'accent sur le développement et l'épanouissement de nos communautés ainsi que sur des aspects que nous jugeons essentiels, comme le développement de la communauté, l'éducation, la jeunesse, les arts et la culture ainsi que la santé.

Près de 1 million de Canadiens dont la première langue officielle est l'anglais vivent au Québec. Nous constituons une partie intégrale et inséparable du patrimoine québécois et nous travaillons côte à côte avec nos voisins francophones dans les secteurs de la pêche, de l'agriculture, de l'exploitation minière, de la construction des villes et du commerce dans tout le Canada, aux États-Unis et dans le reste du monde. Ceux parmi nous qui vivent au Québec aujourd'hui représentent une lignée historique qui est intimement liée à l'histoire et au patrimoine du Québec. Depuis la communauté irlandaise qui a participé à la construction de la Cathédrale Notre-Dame-de-Québec à Québec jusqu'à la communauté noire du Québec, dont les racines remontent à plus de 300 ans, les Québécois anglophones ont travaillé aux côtés de leurs concitoyens francophones à bâtir cette magnifique société. Dans la province, les Québécois anglophones continuent de laisser leur marque dans un grand nombre de domaines, comme la médecine, la science, la technologie, l'architecture, la finance et l'industrie aérospatiale. Il suffit de penser à la longue liste de Québécois anglophones qui ont reçu le Prix du Québec, le prix le plus prestigieux décerné par le gouvernement du Québec dans tous les domaines de la culture et de la science.

La communauté anglophone du Québec est consciente que le soutien de l'épanouissement et du développement de la communauté minoritaire canadienne de langue anglaise constitue un défi pour le gouvernement du Canada. Aux termes de la Loi sur les langues officielles de 1988, le gouvernement a pour mandat de prendre des mesures positives afin de favoriser « l'épanouissement des minorités francophones et anglophones du Canada » et d'appuyer leur développement dans le respect de l'autorité et des pouvoirs des provinces. La tension inhérente aux affaires des communautés minoritaires de langue anglaise du Canada, qui sont, par coïncidence, toutes situées au Québec, est évidente.

Concrètement, cette tension se ressent au gouvernement fédéral dans la prestation des services et le soutien de notre communauté dans les régions provinciales de sa compétence, ou encore là où les responsabilités et les pouvoirs fédéraux et provinciaux sont partagés. De plus, le gouvernement du Canada a l'habitude de déléguer la prestation des services et l'exécution des programmes à d'autres entités, dont le gouvernement provincial, qui ne sont pas nécessairement assujetties à des dispositions linguistiques claires en ce qui concerne la protection des intérêts de notre communauté minoritaire de langue officielle. Nous estimons que les fonds fédéraux viennent avec toutes les responsabilités qui incombent au gouvernement du Canada. Autrement, le gouvernement pourrait simplement transférer les fonds et se libérer de ses obligations envers les communautés minoritaires de langue officielle. Pendant que vous êtes ici, portez attention aux difficultés qu'ont rencontrées les membres de notre communauté qui ont tenté d'obtenir des services d'emploi et de développement économique dans leur langue officielle, et vous vous rendrez compte des répercussions de cette pratique.

Nous voulons que le comité comprenne que toutes les institutions fédérales devraient tenir compte des besoins et des intérêts de nos communautés dans leurs processus de prise de décision au moyen d'un processus proactif de consultation, que les gouvernements fédéral et provinciaux devraient coopérer davantage en ce qui a trait à la mise en application de la partie VII de la Loi sur les langues officielles, que l'égalité de statut et d'usage du français et de l'anglais dans les bureaux du gouvernement fédéral au Québec est importante et que la prestation des services devrait être liée au développement de la communauté. C'est l'une des raisons pour lesquelles le QCGN soutient pleinement le projet de loi d'initiative parlementaire du sénateur Chaput, qui complète les parties IV et VII de la Loi sur les langues officielles.

Nous estimons aussi que les communautés minoritaires de langue officielle devraient avoir leur mot à dire dans les arrangements intergouvernementaux qui les concernent, comme l'Entente Canada-Québec relative à l'enseignement dans la langue de la minorité. La totalité des fonds fédéraux transférés au Québec pour notre communauté devrait être utilisée à cette fin, dans un processus entièrement transparent, de l'attribution des fonds jusqu'à la prestation des services.

Vous remarquerez aussi que notre communauté ne peut pas profiter des stratégies de renouvellement offertes aux communautés minoritaires de langue française dans le cadre du financement des programmes par le ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration en raison de l'Accord Canada-Québec, qui a été confectionné à l'image de l'Entente Cullen-Couture de 1978. L'immigration au Québec est pour la province une façon de préserver son importance démographique au Canada et de garantir l'intégration des immigrants, dans le respect de l'identité distincte du Québec. Le gouvernement de la province ne s'en est jamais servi pour renouveler les communautés de langue anglaise, dont un grand nombre disparaissent lentement sous, notamment, la pression démographique.

Les initiatives récentes de Citoyenneté et Immigration Canada que vous a présentées la professeure Michèle Vatz- Laaroussi sont des façons, pour le ministère, de soutenir notre communauté de façon modeste, grâce au financement de la recherche liée à l'étude de la diversité. Un soutien équivalent à celui dont profitent nos homologues francophones ne semble cependant pas possible.

Je porte la question à votre attention pour souligner que notre communauté ressent les ramifications des ententes bilatérales signées par les gouvernements du Canada et du Québec. Même lorsque les fonds fédéraux visent à soutenir la communauté, dans le domaine de l'éducation par exemple, aucun mécanisme ne permet de garantir que les fonds sont dépensés de façon transparente au Québec. Nous nous retrouvons très souvent coincés au cœur de la relation entre le Canada et le Québec, ce qui n'est pas une position confortable, comme vous pouvez l'imaginer.

De plus, le soutien financier qu'apporte le gouvernement fédéral à notre communauté, par l'intermédiaire de la province, n'est pas institutionnalisé, et nous sommes donc particulièrement vulnérables aux caprices politiques des partis au pouvoir.

Malgré les réussites ponctuelles, l'intégration collective de la communauté anglophone dans l'identité du Québec ne semble pas être réussie. Les membres de notre communauté représentent moins de 2 p. 100 des fonctionnaires du Québec, et seulement 7,6 p. 100 de l'administration publique centrale fédérale au Québec. Nous sommes sous- représentés dans les corps de métier et les syndicats. Nous sommes l'objet de stéréotypes persistants, selon lesquels nous sommes riches, blancs, choyés et gâtés. Bien évidemment, aucun de ces qualificatifs n'est fondé. De plus, 20 p. 100 des Québécois anglophones sont aussi des membres d'une minorité visible, ce qui fait de nous l'une des communautés minoritaires de langue officielle les plus diversifiées de tout le Canada. Comme la plupart des minorités, nous souffrons aussi d'une exclusion sociale, économique et politique, en particulier sur l'île de Montréal, pour les membres de notre communauté issus des minorités visibles, et de façon plus générale, en dehors de l'île de Montréal, où notre communauté est confrontée à des taux élevés de chômage, de sous-emploi et de pauvreté par rapport à la majorité.

Pour comprendre la communauté anglophone du Québec dans le contexte de l'architecture des langues officielles du Canada, il ne faut pas percevoir la valeur centrale de la langue du point de vue de la survie et de la protection, mais plutôt sur le plan de l'épanouissement et de la durabilité de la communauté. De plus, nous vivons dans un cadre qui n'a pas été conçu pour soutenir notre communauté et aux côtés de beaucoup de gens qui ne nous comprennent pas. Enfin, nous occupons un espace politique particulièrement difficile, au cœur de la relation entre le Canada et le Québec.

Il faut concevoir les politiques et les programmes nationaux en gardant ces réalités en tête afin de tenir compte de nos circonstances uniques. Nous vous demandons de penser à ces besoins dans la réalisation de votre étude, en particulier lorsque vous discutez avec les personnes chargées de formuler ces politiques et ces programmes au sein du gouvernement du Canada.

Posez-vous les questions suivantes : comprennent-elles les réalités que j'ai mentionnées ici? Ont-elles repensé l'architecture des langues officielles d'une manière qui corresponde à l'esprit et à la lettre de l'engagement du gouvernement canadien envers l'épanouissement et le développement de la communauté minoritaire de langue anglaise?

Cette semaine, nos dirigeants communautaires, des bénévoles dévoués qui travaillent avec assiduité pour le compte de la communauté anglophone du Québec, s'adresseront à vous. S'il vous plaît, portez attention aux difficultés très réelles auxquelles ils sont confrontés lorsqu'ils tentent d'aider ce qu'un auteur a récemment appelé la « minorité invisible ». Écoutez à quel point nos jeunes se sentent exclus d'une société dans laquelle nous essayons si fort de les intégrer. Comprenez les sacrifices que doivent faire les parents et les élèves pour rester liés à leurs communautés anglophones. Constatez la contribution que nous faisons au Québec et au Canada, et écoutez nos témoignages de réussite.

Je vous remercie de rendre visite à notre communauté cette semaine, et je me réjouis à l'idée de passer du temps avec vous.

[Français]

La présidente : Je remercie Mme Laforge d'avoir lancé le débat. Nous allons maintenant passer à notre premier témoin.

[Traduction]

J'aimerais souhaiter la bienvenue à M. Jean-Sébastien Gignac, directeur général de Voice of English-speaking Québec.

Monsieur Gignac, le comité tient à vous remercier d'avoir accepté de comparaître ce matin. Comme vous le savez, vous êtes invité à faire une déclaration d'environ cinq minutes, après quoi les membres du comité enchaîneront avec leurs questions.

Jean-Sébastien Gignac, directeur général, Voice of English-speaking Québec : Bonjour. Je vous remercie de me donner cette occasion de représenter ma communauté et de vous entretenir des difficultés auxquelles nous sommes confrontés, en tant que communauté linguistique en situation minoritaire à Québec et dans la région de Chaudière- Appalaches.

Voice of English-speaking Québec est un organisme autonome à but non lucratif qui se consacre à la préservation de la communauté anglophone de Québec et de la région de Chaudière-Appalaches.

Nous avons une petite équipe très dévouée, composée de cinq personnes, qui est dirigée par un fort conseil d'administration comptant 18 membres de la communauté. Nous disposons de solides partenariats avec plus de 50 organisations autant francophones qu'anglophones, dont l'une d'elles est ce magnifique centre culturel. Notre association compte plus de 1 200 membres.

Pour commencer, je vais vous présenter brièvement la communauté anglophone locale. Nous parlons ici d'une population d'environ 12 000 habitants, ce qui représente un peu moins de 2 p. 100 de la population totale.

Malgré la petite taille de notre communauté, nous avons la chance de pouvoir compter sur plusieurs établissements et organisations clés. Nous avons un hôpital, un centre de santé et de services sociaux, plusieurs écoles secondaires et primaires, et un cégep. Comme je l'ai dit plus tôt, on compte plus de 60 groupes et organisations au service de la collectivité.

Par ailleurs, il est important de savoir que tous les cinq ans, 25 p. 100 de la population de la région se renouvelle grâce aux nouveaux arrivants. Il est essentiel de bien comprendre ce phénomène. L'approche de Québec, qui est une philosophie communautaire dont je vais vous parler brièvement, est la clé du dynamisme et du succès de notre communauté.

Nous sommes fiers d'être une petite minorité linguistique dynamique et intégrée, mais non assimilée. Nous devons faire preuve d'imagination. Les solutions d'hier ne seront pas nécessairement valables demain. Nous travaillons en partenariat avec les principaux intervenants anglophones et francophones de notre région. Nous estimons que des institutions fortes mèneront à une collectivité forte, et nous bénéficions d'une profonde culture d'engagement communautaire.

Je vais maintenant vous faire part de quelques-unes des difficultés auxquelles nous sommes confrontés. Tout d'abord, en ce qui concerne nos jeunes, nous observons un exode massif, qui pourrait s'expliquer notamment par des possibilités de formation en anglais limitées. On remarque également un faible niveau de maîtrise du français écrit. Ces deux derniers éléments entraînent d'autres problèmes. Nos jeunes ont une perception négative de leur capacité à être compétitifs sur un marché du travail majoritairement francophone et de l'importance grandissante du bilinguisme dans ce marché du travail.

En ce qui concerne les aînés, sachez qu'on n'offre pratiquement aucun service ni aucune activité en anglais aux 50 à 65 ans qui, par conséquent, sont souvent victimes d'isolement social. En outre, les aînés âgés de 65 ans et plus ont souvent des capacités langagières limitées, ce qui cause des difficultés dans les établissements de soins de longue durée. De plus, comme nous n'avons pas nécessairement un secteur anglophone dans cette région, la dispersion géographique entraîne également un problème d'isolement social.

Le vieillissement de la population est un autre facteur à prendre en considération. Les activités culturelles et récréatives offertes en anglais sont limitées. Nos organisations communautaires sont sous-financées ou non financées, ce qui compromet leur existence et intensifie la pression exercée sur les organisations qui servent notre communauté, telles que la Citadel Foundation.

Dans l'ensemble, notre communauté ne reçoit tout simplement pas des services de la même qualité ni aussi variés que la majorité francophone. Il est difficile de se faire servir en anglais dans de nombreux ministères, particulièrement au niveau provincial. La plupart des services destinés aux jeunes sont seulement offerts en français. Pour vous donner un exemple, le seul cégep de la région qui ne dispose pas d'un amphithéâtre est le cégep anglophone.

J'ai indiqué plus tôt que les nouveaux arrivants étaient essentiels au renouvellement et au dynamisme de cette communauté. Les nouveaux arrivants anglophones et allophones doivent également faire face à d'importantes difficultés, telles que les barrières linguistiques, l'isolement social, l'employabilité et le manque considérable d'information sur les services offerts.

Cela dit, j'aimerais prendre quelques instants pour vous montrer à quel point cette région a su relever des défis avec dynamisme. Comme vous le savez, les nouveaux arrivants sont très importants pour notre région. Lorsque nous nous sommes rendu compte qu'ils étaient aux prises avec d'importantes difficultés et que nous n'étions pas en mesure de leur fournir tous les services dont ils avaient besoin, plutôt que de simplement aller cogner à la porte du fédéral, nous nous sommes adressés au conseil municipal et nous lui avons expliqué la situation, en sachant qu'il prônait le bilinguisme et l'intégration des nouveaux arrivants anglophones. Nous avons ainsi pu mettre en œuvre le projet de promotion du bilinguisme et d'intégration des nouveaux arrivants. À notre avis, ce projet pourrait servir d'étude de cas sur les mesures que devraient prendre les gouvernements et les collectivités pour améliorer la vitalité des communautés linguistiques minoritaires. Ce projet est financé par la Ville de Québec, le ministère du Patrimoine canadien et la Citadel Foundation, et nous comptons également sur le soutien de nombreux partenaires, dont les centres culturels, les cégeps et les commissions scolaires. Les objectifs du projet sont de faciliter l'intégration des nouveaux arrivants à la communauté anglophone et à la communauté francophone majoritaire, de créer de nouveaux services qui répondent directement aux besoins des nouveaux arrivants avant et après leur arrivée, et d'élaborer de nouveaux services qui répondent aux besoins des employeurs qui embauchent de nouveaux arrivants, ce qui est très important. On observe un nombre croissant d'employeurs qui recrutent des anglophones. Il est important que notre communauté puisse leur en offrir un peu plus.

Je vais maintenant vous parler des secteurs qui nécessitent un investissement supplémentaire ou une intervention prioritaire par le gouvernement fédéral. Comme je l'ai dit plus tôt, les jeunes n'ont accès à presque rien en anglais, et nous estimons qu'ils devraient avoir davantage accès à des services d'employabilité. Il faudrait également mieux les sensibiliser à l'importance du bilinguisme dans cette région et créer davantage de possibilités de formation.

Par ailleurs, nous devons offrir à nos aînés des services leur permettant de maintenir leur autonomie et davantage d'activités culturelles en anglais, de même que des possibilités de formation et de perfectionnement pour les bénévoles et les organisations communautaires bénévoles.

Enfin, en ce qui a trait aux nouveaux arrivants, nous avons récemment pallié la situation, mais il n'en demeure pas moins que des ressources supplémentaires sont nécessaires afin de mieux les intégrer et d'inciter les employeurs à les recruter.

Ces quatre derniers éléments entraînent un autre problème majeur, soit celui de l'employabilité des anglophones dans la région. Nous devons donc élaborer des services de développement économique et d'employabilité à l'intention de la communauté anglophone dans les différentes régions du Québec, non seulement dans cette région, qui est importante, mais aussi ailleurs dans la province.

Pour ce qui est du soutien offert par le gouvernement du Québec, je vais passer rapidement puisque, à l'heure actuelle, on n'a effectué aucun investissement à cet égard. De plus, nous sommes d'avis qu'on ne nous consulte pas assez et que les investissements de la part du gouvernement provincial sont clairement insuffisants dans cette région.

Tout à l'heure, j'ai expliqué un concept qu'on appelle l'approche de Québec. Je crois que c'est principalement ce qui nous a permis d'entretenir une très bonne relation avec la majorité francophone. C'est une relation fondée sur le partenariat, le dialogue et la compréhension mutuelle.

Cette réussite tient au fait que l'accent a été mis sur la collaboration plutôt que sur la compétition au cours des 30 dernières années. La communauté anglophone est perçue de plus en plus comme un atout et non comme une menace. Le besoin de ressources bilingues est également grandissant. Je le répète, les anglophones sont bien intégrés, mais pas assimilés, et nous en sommes fiers.

En terminant, j'aimerais énoncer trois éléments clés que j'estime importants pour notre région. Premièrement, les ministères et organismes fédéraux doivent consulter les organisations communautaires de Montréal et des régions. C'est pourquoi nous sommes ravis de l'occasion qui nous est offerte aujourd'hui de comparaître devant vous.

Deuxièmement, étant donné la démographie de notre communauté, des investissements massifs devront être effectués pour nos aînés, car les ressources et les services destinés à cette tranche de la population sont insuffisants.

Enfin, si nous souhaitons que des communautés anglophones s'établissent au Québec, à l'extérieur de Montréal, il nous faudra offrir davantage de services à l'intention des jeunes et des nouveaux arrivants et de services d'employabilité dans les régions situées à l'extérieur de l'île dans un proche avenir.

Au nom de la communauté anglophone et de l'organisme, j'aimerais vous remercier encore une fois pour cette merveilleuse occasion qui m'est offerte de représenter ma communauté et de discuter de certains des défis auxquels elle est confrontée.

[Français]

La présidente : Merci beaucoup, monsieur Gignac. La première question sera posée par le sénateur Fortin-Duplessis.

Le sénateur Fortin-Duplessis : Merci, madame la présidente. Avant de poser ma question, j'aimerais expliquer la raison pour laquelle le comité s'est déplacé jusqu'ici.

Je ne sais pas si vous vous rappelez cette journée où dans le Toronto Star ou dans le Globe and Mail, il était raconté qu'une dame dont la mère souffrait d'Alzheimer a été obligée de se rendre à 300 kilomètres plus loin, dans la région de Toronto, pour trouver un centre d'accueil pour sa mère.

Cette histoire m'a complètement révoltée. J'ai pensé qu'il serait peut-être intéressant de se rendre partout au Canada pour voir la façon dont cela se passe pour les francophones hors Québec et pour les anglophones dans la province de Québec.

Ma première question concerne la santé et l'accueil aux personnes âgées. Je pense que le Québec compte un plus grand nombre de personnes âgées que dans le reste du Canada. Les parents de plusieurs de mes amis n'arrivent pas à obtenir une place en centre d'accueil au Québec et même à Montréal, car il n'y a plus de place et les soins ne sont pas disponibles.

Pourriez-vous nous décrire davantage les défis auxquels font face les aînés et les personnes défavorisées issues des communautés anglophones?

M. Gignac : À ce niveau, les défis sont multiples. Dans notre région, on parle d'une petite communauté et je dois dire que nous sommes chanceux d'avoir une résidence pour personnes âgées qui offre des services bilingues.

Ceci étant dit, l'accessibilité représente en soi un problème. La demande est tellement forte que beaucoup de nos aînés n'auront malheureusement jamais accès à cette institution, qui s'appelle le St. Brigid's Home. C'est une des problématiques.

En ce qui concerne les aînés et les soins de santé et les services sociaux, il est déjà difficile pour la population en général d'avoir accès à des soins. C'est donc d'autant plus difficile pour la population anglophone. Souvent, en vieillissant, les personnes âgées d'aujourd'hui ont un niveau de français, qui n'est pas nécessairement aussi élevé que celui de nos jeunes d'aujourd'hui. Pour ces personnes âgées, il devient excessivement problématique d'expliquer ses problèmes de santé ou de comprendre ce que les professionnels de la santé vont livrer comme message pour expliquer ce que les gens devraient faire.

Il y a aussi tout le côté paperasse pour avoir accès aux soins de santé ou pour faire les demandes pour avoir accès aux institutions, qui est également très problématique. Ce qui explique en partie ce phénomène, c'est que beaucoup de membres de la famille de nos personnes âgées ne vivent plus dans la région. Donc, ils n'ont plus le support immédiat de leur famille. Cela rend la situation d'autant plus difficile.

De façon générale, que ce soit sur le plan des services de santé, des services sociaux ou toute autre forme de services, on en a si peu dans notre région pour les personnes âgées qui sont anglophones ou allophones.

[Traduction]

Le sénateur Fortin-Duplessis : Je connais la résidence St. Brigid's Home et je sais qu'elle fournit d'excellents services, mais je suis certaine que bien des gens n'y ont pas accès.

M. Gignac : C'est exact. Il est vrai que ces services sont excellents, mais le problème, c'est qu'un nombre appréciable de nos aînés n'y ont pas accès.

[Français]

Le sénateur Fraser : Si vous me le permettez, j'ai trois petites questions : deux pour M. Gignac et une pour Mme Leith. Je vais poser les trois questions tout de suite et, ensuite, je vais attendre les réponses.

Monsieur Gignac, dans votre présentation, vous avez parlé d'une perception négative de l'importance du bilinguisme dans le marché du travail chez les jeunes. C'est un peu ambigu dans ma tête. Est-ce qu'ils sont contre le bilinguisme ou est-ce qu'ils n'ont pas compris l'importance du bilinguisme?

Deuxièmement, vous avez parlé à plusieurs reprises du besoin de services d'employabilité. De quoi s'agit-il exactement? Est-ce de la formation ou de l'aide afin de créer des réseaux?

[Traduction]

Madame Leith, dans votre exposé, qui était fort intéressant, vous avez fait quelques affirmations dont j'aimerais parler. Je crois qu'elles ont peut-être un lien entre elles. À la page 4, il est écrit :

[...] nous vivons dans un cadre qui n'a pas été conçu pour soutenir notre communauté et aux côtés de beaucoup de gens qui ne nous comprennent pas.

Un peu plus loin, on peut lire « nos jeunes se sentent exclus d'une société dans laquelle nous essayons si fort de les intégrer. » Pourriez-vous en dire un peu plus long à ce sujet, s'il vous plaît?

[Français]

M. Gignac : Sur le plan de la perception, il s'agit réellement d'une perception négative de l'importance du bilinguisme. Ils ne comprennent pas qu'ils sont un atout hautement recherché dans notre région. Bien sûr, si on prend la région de Québec, il y a moins de postes bilingues qu'à Montréal, par exemple. Toutefois, il y a si peu d'individus qui peuvent occuper ces postes, qui ont les qualifications et qui sont bilingues, qu'ils ont plus de perspectives d'avenir ici, si on considère le poids relatif, et c'est ce qu'ils ne comprennent pas.

Bien sûr, ils ont une vision très négative de leur niveau de français, de la qualité de leur français. Je leur dis toujours que ce n'est pas la majorité de la population francophone qui a nécessairement un haut niveau de français écrit. Ils doivent aussi comprendre cela. C'est dans ce sens que la perception est négative. Dans le fond, ils pensent que le gazon est plus vert ailleurs. Ce qui n'est pas nécessairement le cas, à notre humble avis.

Sur le plan de l'employabilité, on aurait besoin de services directs pour nos jeunes en termes de formation, de réseautage, de préparation à l'entrée sur le marché du travail et de tout ce qui a trait au secteur de l'entrepreneuriat afin de les aider à fonder une entreprise dans notre région.

[Traduction]

Mme Leith : Je vous remercie pour votre question, madame le sénateur Fraser.

Lorsque j'ai mentionné que nous vivons dans un cadre qui n'a pas été conçu pour soutenir notre communauté, je voulais dire qu'il a été conçu en fonction du lien qui existe entre la communauté et la fragilité de la langue, bien entendu, la fragilité de la langue française à l'extérieur du Québec. La situation au Québec est tout à fait différente, ce n'est pas la fragilité de la langue anglaise qui représente un problème pour nous. Les difficultés auxquelles nous sommes confrontés sont d'un autre ordre. J'ai essayé d'expliquer un peu quelles sont ces difficultés. Vous en avez entendu parler et on vous en parlera encore beaucoup.

À mon avis, le cadre a été conçu davantage pour les francophones habitant à l'extérieur du Québec plutôt que pour les anglophones qui vivent dans la province. C'est ce que je voulais dire. Peut-être que Mme Martin-Laforge aura quelque chose à ajouter à cet égard.

Pour ce qui est des jeunes qui se sentent exclus d'une société dans laquelle nous essayons si fort de les intégrer, il faut souligner qu'une grande proportion d'anglophones du Québec sont bilingues et qu'au cours des 50 dernières années environ, les Québécois d'expression anglaise ont déployé beaucoup d'efforts pour s'intégrer. Certains ont bien réussi et d'autres y sont moins bien parvenus. Ce qui est triste et qui constitue pour nous tous un problème, c'est qu'un grand nombre de jeunes Québécois d'expression anglaise, même s'ils sont bilingues, estiment que les possibilités qui s'offrent à eux au Québec ne sont pas celles qu'ils veulent ni dont ils ont besoin. Ils se sentent véritablement exclus. Les nouvelles lois linguistiques et d'autres changements sont une source de découragement pour eux. Beaucoup d'efforts ont été faits, mais d'importantes difficultés persistent.

Madame Martin-Laforge, voulez-vous ajouter quelque chose?

Sylvia Martin-Laforge, directrice générale, Quebec Community Groups Network : Je vais vous donner un exemple concernant les jeunes et les écoles. Au cours de la prochaine semaine, si vous écoutez les audiences sur le projet de loi 103, vous constaterez que la langue est devenue un outil au Québec. Les francophones veulent apprendre l'anglais pour devenir bilingues et les anglophones veulent apprendre le français pour la même raison. Le bilinguisme sert à décrocher des emplois. C'est beaucoup moins lié à la communauté et à la culture qu'à un moyen d'obtenir un bon emploi.

Au sein de la communauté anglophone, on enseigne de plus en plus en français dans les écoles. C'est très important, bien sûr, mais il faut veiller à maintenir les écoles anglophones. Les francophones hors Québec comprennent ce que signifie une augmentation du nombre de programmes d'immersion. Plus on enseigne en anglais dans les écoles francophones du reste du Canada, plus il faut s'inquiéter de ...

[Français]

...l'aménagement linguistique à l'intérieur de l'école. Pour nous, au Québec, un aménagement linguistique à l'intérieur de l'école anglaise, ce n'est pas fait. On n'a pas développé de programme qui nous permette d'apprendre le français tout en gardant nos références culturelles profondes par rapport à notre patrimoine qui est anglais/français.

[Traduction]

Le sénateur Seidman : Je vous remercie beaucoup d'être ici aujourd'hui. Je crois que c'est le début d'un processus très important.

Je vais d'abord revenir sur votre exposé, monsieur Gignac. Le Commissariat aux langues officielles a effectué, en 2006 je pense, une étude à partir de laquelle ont été élaborés des indicateurs de vitalité pour les communautés de langue officielle en situation minoritaire. Au Québec, on a étudié les communautés anglophones de trois régions : les Cantons de l'Est, la Basse-Côte-Nord et Québec. On a déterminé que les jeunes constituaient la priorité en ce qui a trait à la vitalité.

J'ai trouvé cela fort intéressant quand vous avez dit que tous les cinq ans, 25 p. 100 de la population de votre région est renouvelée grâce aux nouveaux arrivants. Pouvez-vous donner des explications à cet égard? J'aimerais aussi m'attarder plus particulièrement sur votre conclusion. Vous avez dit :

Si nous souhaitons que des communautés anglophones s'établissent au Québec, à l'extérieur de Montréal, il nous faudra offrir davantage de services à l'intention des jeunes et des nouveaux arrivants et de services d'employabilité dans les régions situées à l'extérieur de l'île dans un proche avenir.

M. Gignac : Les jeunes forment un groupe très important au sein de notre communauté, et il faut mentionner que nous avons un cégep anglophone qui offre avant tout des cours préuniversitaires. Il n'existe pas d'université anglophone, et c'est pourquoi la plupart de nos jeunes quittent la région pour aller étudier ailleurs. Ce n'est pas une situation propre à la communauté anglophone. On observe aussi ce phénomène au sein de la communauté francophone. Par contre, chez la majorité francophone, un pourcentage élevé des jeunes quittent la région avant l'âge de 24 ans, mais ils y reviennent avant l'âge de 35 ans, contrairement aux jeunes issus de la communauté anglophone. Une fois qu'ils quittent la région, la grande majorité d'entre eux n'y reviennent pas. C'est pourquoi les nouveaux arrivants sont tellement importants pour notre communauté. Nous savons que nous ne pouvons pas compter seulement sur les jeunes pour maintenir la taille de notre communauté. Nous avons besoin des nouveaux arrivants.

C'est à cause du dynamisme de l'économie locale que nous en accueillons un nombre sans précédent. Nous comptons de plus en plus de grandes sociétés. Par exemple, les entreprises situées dans le Parc technologique du Québec métropolitain embauchent beaucoup de gens qui viennent de l'extérieur de la région. C'est grâce à cela que nous accueillons des nouveaux arrivants. Ces personnes viennent s'installer ici avec leur famille, et c'est une des raisons pour lesquelles nous avons été en mesure de maintenir la taille de notre communauté ces cinq dernières années.

Si on examine les données des recensements de 2001 et de 2006, on constate que pendant cette période, pour la première fois depuis plus de 150 ans, la population de la communauté anglophone est demeurée stable dans la région. Cela est dû aux nouveaux arrivants.

Pour répondre à l'autre question, je vous dirais que le gouvernement provincial s'enorgueillit du fait que les nouveaux arrivants s'intègrent bien. À l'échelle de la province, c'est vrai; les nouveaux arrivants restent au Québec. Le problème c'est qu'ils vivent presque tous à Montréal. Lorsqu'ils arrivent au Québec, ils s'installent dans notre région et ils y restent pendant deux ou trois ans et ensuite ils vont s'établir à Montréal. Aux yeux de la province, cela ne constitue pas un problème, mais du point de vue de notre région, c'est terrible parce que notre communauté diminue. Nous bénéficions de beaucoup plus de services qu'auparavant. Pour vous donner une idée, au sein de mon organisme, il y avait dans le passé un employé à temps partiel qui travaillait avec les nouveaux arrivants. Maintenant j'en compte un et demi, ce qui signifie que nous avons davantage de temps et de ressources pour les nouveaux arrivants, mais nous avons besoin de bien plus pour mieux réussir à les intégrer dans notre région.

En ce qui concerne les jeunes, il ne s'agit pas, je le répète, de les contraindre à rester dans leur région, ni de les convaincre de ne pas aller s'établir ailleurs. C'est inutile, car des jeunes des collectivités francophones et anglophones s'en iront. Il nous incombe de les convaincre que, s'ils décident de revenir, des perspectives d'emploi s'offriront à eux parce que le bilinguisme est un atout dans leur région, et qu'ils y seront ainsi promis à un bel avenir.

Le sénateur Seidman : Vous avez vraiment la même vision des choses que moi face à ce problème, que je considère crucial. Mme Leith pourrait peut-être s'en inspirer, parce qu'il est question de transparence, ce à quoi elle a fait allusion. Nous parlons des nouveaux arrivants qui, peut-être, relèveraient d'un ministère si le gouvernement fédéral transférait les pouvoirs aux gouvernements provinciaux. Quelles solutions concrètes pourriez-vous proposer? D'après vous, que pouvons-nous faire pour vous aider à résoudre le problème particulier auquel sont confrontés les jeunes et les nouveaux arrivants?

M. Gignac : Le terme « nouvel arrivant » ne désigne pas uniquement les immigrants. Nous l'employons à la fois pour les migrants et les immigrants. Au cours des dernières années, de 65 à 75 p. 100 de nos nouveaux arrivants sont des migrants canadiens et non des immigrants. Il est important de le souligner, car ces migrants canadiens constituent une proportion importante de nos clients et de nos nouveaux arrivants dans la région.

En ce qui concerne les jeunes, la clé, je le répète, ce sont les perspectives d'emploi. Contrairement aux jeunes francophones, nos jeunes anglophones ne reviennent pas dans leur région, parce qu'ils estiment qu'ils n'y trouveront pas un bon emploi pour lequel leur bilinguisme constituerait un atout. Il faut mieux leur expliquer les perspectives qui s'offrent à eux. Nous devons les aider à mieux se préparer à entamer leur carrière dans leur région. Nous devons les appuyer s'ils veulent devenir les entrepreneurs de demain.

Quant aux nouveaux arrivants, notre région a su réussir par le passé à aider celui qui est sur le marché du travail. Nous n'avons pas obtenu les mêmes résultats avec la famille. Les actifs peuvent habituellement compter sur un réseau social au travail, ce qui n'est pas nécessairement le cas pour les autres membres de la famille auxquels il faut offrir davantage de services directs pour les aider à se trouver un emploi et à se créer un réseau social leur permettant de rencontrer des personnes aux prises avec les mêmes problèmes. Ainsi, ils n'auront pas l'impression d'être les seuls dans cette situation.

C'est ce que vivent également les familles de militaires. Notre région, vous le savez probablement, compte une base militaire. Le ou la militaire n'éprouve pas trop de problèmes, grâce à son réseau, ce qui n'est pas le cas du conjoint ou de la conjointe. Il faut offrir davantage de services directs pour les aider avant et après leur arrivée.

Le sénateur Seidman : Je comprends. Vos propos ont contribué à préciser ce que vous entendez par « nouvel arrivant ».

Je pourrais peut-être terminer par une question que j'adresserai à Mme Leith à propos de la transparence, car je sais que cette question revient constamment sur le tapis. C'est un aspect important. Je voudrais savoir quelles solutions concrètes elle nous propose d'adopter pour améliorer la situation.

Mme Leith : Lorsque j'ai évoqué la transparence, je visais surtout le secteur de l'éducation. En ce qui concerne le renouvellement de la population et les jeunes, je vous signalerai que le mémoire que j'ai mentionné et dont l'auteure est la professeure Michèle Vatz-Laaroussi contient des pistes de solution. Je pense que vous devriez le parcourir. Il vous indiquera les mesures de soutien pertinentes dont ont besoin les collectivités anglophones.

Le sénateur Seidman : Merci infiniment.

Le sénateur De Bané : Monsieur Gignac, notre comité, vous le savez, a distribué un communiqué portant sur les séances que nous tiendrons au Québec cette semaine. Des représentants des médias régionaux sont-ils présents dans la salle?

M. Gignac : Je crois que oui.

Le sénateur De Bané : Il n'y a que les représentants de la CBC/Société Radio-Canada.

M. Gignac : À ma connaissance, oui.

Le sénateur De Bané : C'est décevant que les autres médias ne soient pas présents.

Lorsque vous dites qu'environ 25 p. 100 de la population de votre région se renouvellent tous les cinq ans, entendez- vous par là que les nouveaux arrivants sont des immigrants ou des Canadiens d'autres provinces?

M. Gignac : Environ 70 p. 100 d'entre eux sont des Canadiens venant pour la plupart des autres provinces. J'ignore le pourcentage exact. Des gens des autres régions du Québec viennent également s'établir ici, mais la majeure partie de ces 70 p. 100 sont des migrants canadiens.

Le sénateur De Bané : Votre mémoire énumère tout ce qui doit être corrigé. La liste est longue. Si vous deviez choisir deux ou trois priorités, lesquelles auraient votre préférence?

M. Gignac : Je mettrais d'emblée la priorité sur les nouveaux arrivants, parce que leur présence est essentielle au renouvellement de notre population, puis sur les jeunes qui sont tout aussi importants. Nous devons mieux les convaincre que la région a beaucoup à leur offrir. Enfin, je mettrais l'accent sur les personnes âgées, qui reçoivent tellement peu. Compte tenu de la situation démographique de notre province et particulièrement de celle de notre communauté linguistique, nous devons en faire davantage à ce chapitre. Par « nous », j'entends notre localité, nos organisations communautaires et le gouvernement.

Le sénateur De Bané : Vous avez notamment formulé une proposition qui a grandement suscité mon intérêt, soit le jumelage de programmes entre les collectivités francophones et anglophones ainsi que la tenue d'activités sociales bilingues. Des initiatives ont-elles été mises en œuvre à cet égard pour favoriser le rapprochement entre ces deux groupes, de façon à ce qu'ils puissent apprendre à se connaître et à s'entraider?

M. Gignac : Le programme de jumelage a débuté en avril dernier. Il a reçu l'appui de Patrimoine canadien et de la Ville de Québec.

Comme nos services s'adressent à notre collectivité anglophone, nous recevons, ces dernières années, davantage d'appels de la part de francophones qui veulent perfectionner leur anglais. C'est bien de suivre des cours de langue, mais nous estimons qu'un programme de jumelage qui favorise la tenue d'activités regroupant les deux groupes linguistiques constitue une solution intéressante : il n'y a pas la pression de suivre un cours en classe, de se présenter aux examens et d'être évalués. C'est très important pour la majorité francophone ainsi que pour la minorité anglophone, particulièrement les nouveaux arrivants, car la plupart de nos concitoyens qui vivent ici depuis cinq ans sont bilingues.

C'est le premier projet à être mis en œuvre depuis 25 ans. C'est un important projet de jumelage pour que les membres des collectivités anglophone et francophone puissent améliorer respectivement leur français et leur anglais. Le bilinguisme est en vogue dans la région. Les francophones veulent perfectionner leur anglais parce qu'ils en connaissent l'utilité sur le marché du travail. Nos anglophones ont toujours voulu apprendre le français. C'est une question de survie lorsque vous ne représentez que 2 p. 100 de la population. Vous n'avez pas les moyens de ne pas être en mesure de parler aux autres 98 p. 100 : vos voisins, vos collègues et vos éventuels employeurs. C'est un exemple judicieux. Le problème sautait aux yeux, et nous avons élaboré une solution concrète : un programme de jumelage s'adressant aux deux collectivités.

Une autre solution consiste à offrir aux deux communautés linguistiques des activités sociales et culturelles pour permettre aux membres des deux collectivités respectives de se perfectionner dans l'autre langue ailleurs que dans une classe.

Le sénateur De Bané : Je suis tout à fait d'accord avec vous : l'anglophone qui s'établit à Chicoutimi doit apprendre le français et le parler. Inversement, le francophone qui s'installe à Calgary doit apprendre l'anglais. Nos institutions doivent cependant être en mesure de satisfaire aux besoins des deux communautés : c'est très important et c'est une caractéristique fondamentale de notre pays. C'est pourquoi non seulement la Loi sur les langues officielles mais également notre constitution — loi suprême du pays — reconnaissent que l'anglais et le français sont nos deux langues officielles. Nous devrions en tirer les conclusions qui s'imposent.

Je prie pour que nous n'adoptions jamais le modèle belge en vertu duquel il y a une région exclusivement flamande et une région française. Vous ne pouvez pas parler français dans la région flamande. J'espère que nous n'adopterons jamais un tel modèle. Les anglophones devraient se sentir chez eux partout au pays, notamment au Québec.

À propos, je trouve fort regrettable que seule la CBC soit ici. Il y a un réseau de la Société Radio-Canada à Québec. Il compte un grand nombre de journalistes. Aux termes de la loi la constituant la CBC/Société Radio-Canada — loi adoptée par le Parlement canadien —, la CBC/Société Radio-Canada est tenue d'assurer la couverture de l'actualité dans l'ensemble du pays. L'absence de la Société Radio-Canada aujourd'hui et le fait qu'elle s'en remette à la CBC parce que c'est le réseau anglais m'amènent à conclure que la SRC échoue lamentablement à la tâche et se désintéresse d'une partie de la réalité québécoise.

[Français]

Je voudrais vous dire que j'ai été très impressionné. Vous nous avez présenté un mémoire de très grande qualité qui couvre énormément de sujets. Je tiens à vous remercier.

La présidente : Vous avez une question supplémentaire, sénateur Fraser?

Le sénateur Fraser : Il s'agit plutôt d'une observation au sujet de la presse. Il est certain que nous aimerions tous avoir 50 journalistes dans la salle pour répandre la bonne nouvelle de notre visite. J'aimerais vous rappeler que la journaliste de CBC, qui est présente, a dit qu'elle était ici aussi pour la Société Radio-Canada. Depuis les compressions des dernières années, les réseaux anglais et français de Radio-Canada se partagent quelquefois les tâches au pays, et depuis quelques années, à l'étranger.

Je suis entièrement d'accord avec le fond de la pensée de mon collègue, mais en toute justice, je voulais aussi prêcher un petit peu pour la Société Radio-Canada.

[Traduction]

Le sénateur Dawson : Je ne suis pas un membre régulier du comité. Ma présence ici aujourd'hui m'éclaire davantage sur certains points. Je fais allusion à des propos que j'ai entendus, notamment à ceci :

De plus, le gouvernement du Canada a l'habitude de déléguer la prestation des services et l'exécution des programmes à d'autres entités, dont le gouvernement provincial...

Il me paraît évident que deux exemples de cet état de fait sont l'entente Cullen-Couture sur l'immigration et celle plus récente sur la main-d'œuvre. Ces deux ententes ont été, je pense, passablement fructueuses. Je les défends encore bec et ongles, mais cette citation m'a fait comprendre finalement que, à la suite de l'entente sur la main-d'œuvre, l'anglophone de la ville de Québec pouvait se rendre au centre de main-d'œuvre canadien, boulevard Laurier, et exiger d'y être servi en anglais, ce qui n'est plus possible depuis que la prestation de ces services a été déléguée au gouvernement provincial, celui- ci n'étant pas tenu de répondre dans leur langue aux membres des minorités linguistiques dans les régions. Le problème ne se pose pas à Montréal, mais bien sûr, dans les régions et, surtout, ici même à Québec, des préjudices accessoires s'observent, ce service n'étant désormais plus offert. Pourquoi? Parce que ce droit n'est plus reconnu alors qu'il était auparavant accordé en vertu de la loi fédérale avant cette délégation. De plus, on est déjà aux prises avec un problème lorsque, au Québec, seulement 7,6 p. 100 des fonctionnaires fédéraux sont anglophones ou bilingues et uniquement 2 p. 100 des employés provinciaux le sont. Résultat? Le niveau de service diminue.

Je suis encore convaincu de la valeur de ces ententes. Je ne veux pas en arriver à des conclusions engageant les autres membres du comité, mais je crois que, dans toute entente analogue ultérieure, l'article 2 devrait préciser l'intention du gouvernement fédéral — et cela ne saurait avoir un caractère accessoire — en ce qui concerne les services aux minorités, dont les minorités francophones du reste du Canada qui vivent probablement la même situation. Lorsque ce pouvoir a été transféré, l'intention était tout autre : faciliter l'accès aux services. De toute évidence, ce transfert a entraîné un profond effet discriminatoire sur les anglophones du Québec et, fort probablement, sur les francophones de l'ensemble du Canada.

Une telle délégation est plus fréquente au Québec. Le gouvernement québécois continue de formuler des demandes en ce sens. Il continuera vraisemblablement de le faire. J'estime qu'il faudrait s'engager fermement à ce qu'aucun préjudice accessoire ne découle de toute entente ultérieure conclue avec une province, particulièrement avec le Québec, et à ce que le niveau de service n'en souffre pas — il devrait plutôt s'améliorer. Tant sur le plan des lois que sur celui des droits, les services offerts aux anglophones par le gouvernement du Québec n'équivalent pas de toute évidence ceux du gouvernement fédéral. De plus, même si c'est un droit garanti par la loi, il faut que le nombre le justifie.

Je le répète, je ne suis pas un membre régulier du comité, mais tel est le message que je voulais vous transmettre.

[Français]

La présidente : Quelle est votre question, sénateur?

Le sénateur Dawson : Ma question s'adresse au porte-parole de Voice of English-Speaking Quebec. Il est fait mention du centre culturel Morrin Centre. Il y a dû y avoir une évolution, si l'on compare la communauté anglophone de Québec d'il y a dix ans à celle d'aujourd'hui. La collaboration entre les gouvernements et la communauté anglophone de Québec a certainement progressé. En ce sens, y a-t-il eu évolution ou régression selon vous?

M. Gignac : La situation s'est certainement améliorée à plusieurs niveaux. Je suis certain que l'emploi que j'occupe présentement est plus facile que ce qu'il était il y a dix ou 15 ans pour la personne qui l'occupait, parce que la majorité francophone est de plus en plus ouverte à la minorité. La communauté anglophone est un peu sous utilisée dans notre région. C'est un atout qu'on n'utilise pas. C'est important.

Cela dit, il y a le palier des employeurs, des gens qui travaillent au niveau du développement économique, qui sont très ouverts à nous. L'ouverture du gouvernement provincial est encore très faible. On a encore beaucoup de travail à faire à ce niveau. Par exemple, un nouvel arrivant, qui veut savoir s'il a accès à la francisation pour pouvoir améliorer son employabilité, va se présenter chez Emploi Québec où personne ne va pouvoir lui parler en anglais. Cette personne ne comprend pas le français et veut avoir accès au perfectionnement du français et ne peut pas comprendre ce que la personne lui dit. On est dans un cercle vicieux. On aimerait être en mesure d'accompagner ces personnes, au moins pour les premières rencontres, pour faciliter ce contact et passer l'information à savoir s'ils ont accès à ces programmes, d'une part, et si oui comment le faire, d'autre part. La personne appelle et ne peut parler à personne à emploi Québec qui pourrait lui répondre en anglais. Souvent cela mène à ne pas avoir accès aux services ou à une incompréhension sur la raison de leur non accessibilité.

Le sénateur Dawson : Visiblement, il y a un affaiblissement au niveau provincial. Aux paliers municipal et fédéral, est-ce la même dépendance?

M. Gignac : Au palier municipal cela va très bien. L'administration actuelle est très ouverte à tout ce qui est promotion du bilinguisme et intégration des nouveaux arrivants anglophones. On voit une nette amélioration

C'est la première fois, à toute fins pratiques, que la ville de Québec commet des sommes substantielles à un programme d'intégration aux nouveaux arrivants anglophones. C'est vraiment pour les anglophones et les allophones. Ce n'est pas pour les arrivants tous azimuts. C'est vraiment pour notre population. En soi, c'est un indicateur clair qu'il y a des changements au niveau municipal. Au fédéral, il y a un projet appuyé par Patrimoine canadien, en plus de l'appui qu'il offre déjà pour nos fonctions principales. Sur ce plan, le gouvernement fédéral nous appuie de façon très efficace.

On pourrait faire plus et il y aurait plus à faire, mais aux paliers fédéral et municipal, cela s'est amélioré dans les dernières années pour nous.

Le sénateur Champagne : Merci pour vos présentations. Cela commence bien notre tournée.

Je vais continuer dans la même ligne de ce que disait le sénateur Dawson. On parlait de l'emploi et des problèmes que cela suscitait. Au sujet des nouveaux arrivants, dans sa présentation, Mme Leith disait que, à cause de cette entente — parce qu'au Québec on ne fait jamais rien comme tout le monde —, il est difficile d'avoir accès, par exemple, aux programmes d'Immigration Canada qui facilitent la venue d'immigrants.

La semaine dernière, j'étais au Manitoba, où on a organisé un programme absolument extraordinaire pour attirer des immigrants francophones dans la région de Saint-Boniface. Comme le disait Mme Vatz-Laaroussi, attirer des immigrants anglophones à Québec est vraiment ce que vous devriez faire. Cela apporterait beaucoup et ce serait important pour nous.

[Traduction]

Madame Leith, vous m'avez ouvert les yeux lorsque, dans votre déclaration, vous avez évoqué la différence entre les problèmes des francophones hors Québec et ceux des anglophones du Québec. Pour les premiers, c'est une question de survie et de protection, tandis que pour les seconds, c'est une affaire d'épanouissement et de durabilité de la communauté. La différence est vraiment importante. Cela m'a ouvert les yeux. Nous devrions établir clairement cette distinction. Vous m'avez certes convaincue.

Je terminerai par une question à laquelle vous voudrez peut-être répondre tous les trois ou essayer d'y répondre. Ma question n'est pas facile. Lorsqu'on évoque les nouveaux arrivants, le point névralgique semble-t-il, on parle d'intégration et d'assimilation. Quelle est la différence entre les deux?

Mme Martin-Laforge : Dans les mémoires présentés par le QCGN aux gouvernements fédéral et provincial, il est question d'une situation gagnant-perdant. Ce n'est pas de cela qu'il s'agit. C'est plutôt de la capacité de parler l'une ou l'autre langue. Le biculturalisme n'est pas à la portée de tous. Cependant, il y en a une part en chacun d'entre nous.

Dans ses rapports, le commissaire Fraser décrit des faits. Je ne peux parler que de ma situation, mais je pense que d'autres la partagent. Parfois, je pense en anglais et uniquement en anglais. Parfois, je pense en français et uniquement en français. Je disais au sénateur Fortin-Duplessis qu'à mes vieux jours, et c'est à cause de mes références culturelles comme ma Mère l'Oie...

[Français]

Même si je parle très bien français, j'aimerais, à cause de mes références culturelles, habiter une résidence pour aînés où je pourrais parler en anglais.

[Traduction]

Je parlais de mes références culturelles et de ma Mère l'Oie. C'est un enjeu important au Québec parce que bon nombre d'entre nous sont dans cette situation.

En ce qui concerne les nouveaux arrivants, les jeunes et ce qu'on vous avez dit tous les deux au cours des dernières minutes, je vous dirai qu'il faut probablement effectuer davantage de recherches et d'analyse à propos de la communauté anglophone du Québec. Nous vous avons indiqué que l'aspect linguistique est entré en ligne de compte dans l'élaboration de l'ensemble des programmes et des politiques. Au Québec, ce n'est pas le gouvernement provincial qui effectuera ces recherches et cette analyse. Il ne le fait pas. Il dénombre chacun d'entre nous, mais il n'en analyse pas les résultats de manière à nous aider à nous épanouir et à nous renouveler.

[Français]

Parce que cela ne fait pas partie de l'aménagement linguistique de la Loi 101.

[Traduction]

Le gouvernement fédéral s'acquitte de cette responsabilité par ses diverses études recherches et analyses, qui permettent aux sénateurs et aux députés de proposer des politiques et des programmes nationaux, parce que nous faisons partie du Canada. Il peut s'agir d'une loi, d'un programme ou d'une politique, mais il n'en demeure pas moins que celle-ci ou celui-ci doit pouvoir s'appliquer à une communauté linguistique d'une province où vit une autre communauté linguistique. Recherche et analyse sont nécessaires. Cela contribuerait à faire bouger les choses, et nous serions ainsi tous informés.

Mme Leith : En réponse à votre épineuse question sur les nouveaux arrivants, l'intégration et l'assimilation, je vous ferai valoir notamment que c'est avant tout une affaire d'identité pour les anglophones du Québec. Il reste encore beaucoup à accomplir à ce chapitre. Entre autres, nous souhaitons mettre l'accent — et nous espérons que vous nous emboîterez le pas — dans des domaines susceptibles de renforcer ce sentiment d'identité des anglophones du Québec, c'est-à-dire l'éducation, les jeunes, les arts et la culture. J'ajouterai que c'est également une question de sentiment de fierté, car les choses n'ont pas toujours été évidentes pour nous, particulièrement ces dernières années, en raison des préjugés dont font l'objet les anglophones du Québec. Effectivement, nombreux sont ceux qui sont réticents à reconnaître qu'il y a des anglophones et ce, même si nous parlons anglais. Nous vous avons proposé d'intervenir dans certains domaines de façon à contribuer à créer et à renforcer ce sentiment d'identité qui favorisera l'intégration sans assimilation.

M. Gignac : Je voudrais aussi répondre. C'est une question à la fois importante et difficile. Je peux donner comme exemple ma situation.

Je travaille à titre bénévole pour la communauté anglophone dans laquelle je compte beaucoup d'amis. Mais, le français est ma langue maternelle et je ne m'intégrerais jamais à la communauté anglophone à cause de mon identité. Je suis un francophone qui parle aujourd'hui assez bien l'anglais. Mon travail consiste à représenter et à défendre une communauté importante pour ma région.

La même chose est vraie pour les nouveaux arrivants dans la communauté. Nous voulons, bien sûr, qu'ils s'intègrent dans la communauté anglophone. Toutefois, nous n'essaierons pas de les empêcher de s'intégrer dans la communauté francophone qui est majoritaire. Comme je l'ai dit, comment pourrions-nous leur dire de ne pas parler à 98 p. 100 de leurs voisins ou collègues? Je suppose qu'ils s'intégreront — et qu'ils feront des jurons en français de temps en temps — mais ils demeureront des anglophones. Espérons qu'ils feront encore partie de notre communauté et qu'ils y apporteront leur contribution.

En fin de compte, je ne suis pas en désaccord total avec ce qu'a dit Mme Martin-Laforge. Il est important de pouvoir faire de la recherche et de disposer de plus d'outils pour élaborer des plans d'action, mais dans ma région c'est maintenant qu'il nous faut des services. Nous avons fait de la recherche pour les nouveaux arrivants, nous avons fait de la recherche pour les jeunes. C'est quelque chose qu'il est important de continuer à faire. Nos communautés changent constamment, mais le moment est venu d'avoir des services directs dans les régions.

Le sénateur Champagne : Si quelque chose devait ressortir de cette discussion, ce serait un nouveau slogan qui éliminerait le concept selon lequel à Rome, il faut vivre comme les Romains. Si l'on vit au Québec, il faut parler français. Voilà ce dont il faut se débarrasser et la communauté anglophone au Québec, dans toutes les régions de la province, s'en porterait mieux.

J'ai élevé deux enfants à Saint-Lambert, juste en dehors de Montréal. On y trouvait partout des inscriptions Français- Anglais. Le premier jour de notre emménagement, ma fille m'a dit « Je ne veux pas vivre ici, tout le monde parle anglais. » Deux ans plus tard, tout le monde était bilingue. Et je crois au bilinguisme. Au Québec, on peut parler les deux langues. Espérons que nous trouverons des solutions qui vous permettront d'aider tous les autres. Je vous remercie pour vos réponses.

[Français]

La présidente : Il reste exactement deux minutes. J'accepterai une très courte question de la part du sénateur Fortin Duplessis et, s'il reste une demi-minute, peut-être pourrai-je accepter une question du sénateur Fraser.

Le sénateur Fortin-Duplessis : Votre organisme a comparu devant le comité en mars 2009. Vous aviez alors souligné le manque de transparence dans l'utilisation des fonds transférés par le gouvernement fédéral pour l'enseignement dans la langue de minorité. Selon vous, quels moyens ou mécanismes vos partenaires et amis d'Ottawa pourraient-ils établir afin que vous puissiez suivre la façon dont les fonds sont utilisés de sorte que vous soyez certains au moins d'avoir votre part?

Mme Martin-Laforge : Ce n'est pas seulement les communautés anglophones du Québec qui demandent au gouvernement fédéral que les communautés en situation minoritaire soient impliquées dans les accords fédéral- provinciaux en éducation. Les francophones hors Québec demandent cela depuis toujours. Il faudrait trouver une façon, dans le processus de consultation, de rejoindre toutes les communautés afin que soient bien comprises les activités dont il est question et qu'on puisse cibler les fonds nécessaires.

[Traduction]

La question est bien plus large. Il me semble que vous en avez parlé plus tôt. Les francophones du Québec suivent certains modèles et vous avez suggéré des façons de faire la même chose. Il s'agit d'un endroit où les francophones du Québec et la communauté anglophone du Québec pourraient chercher ensemble des idées pour assurer la transparence relative à ces fonds.

Le sénateur Fraser : À propos des personnes qui vont ailleurs pour suivre des études, nous savons que beaucoup continueront à le faire et ce n'est pas forcément négatif. Savez-vous s'il y a eu des discussions concernant l'ouverture d'une université constituante anglophone ici, tout comme l'Université du Québec a des constituantes dans toutes les régions du Québec? Le Collège Champlain, au niveau du cégep, a fait un travail remarquable sur ce plan. A-t-on pensé à faire la même chose au niveau universitaire? Vous pouvez répondre par « oui », « non », « je ne sais pas » ou vous pouvez écrire au comité plus tard si vous n'avez pas de détails.

M. Gignac : Oui, il y a eu des discussions à ce sujet. Il n'y a pas très longtemps que j'étudiais encore à l'université. Les étudiants universitaires ne cherchent pas seulement à faire des études dans leur langue maternelle. Ils recherchent un ensemble d'éléments. Pour eux, étudier à Montréal, à Concordia ou à McGill offre une vie estudiantine et tout ce qui vient avec. Nous continuons d'aider nos jeunes. Il nous faudrait plus qu'une constituante, il nous faudrait une vraie université pour réussir, et cela coûterait très cher. Malheureusement, ce n'est évidemment pas possible maintenant.

[Français]

La présidente : Cela dit, je dois maintenant interrompre les discussions. Je remercie nos témoins, Mme Leith, et Mme Laforge, qui a lancé le débat.

[Traduction]

Monsieur Gignac, je vous remercie de votre déclaration.

En tant que présidente du Comité sénatorial permanent des langues officielles, j'accueille deux organisations de la région de la Gaspésie. Des représentants de Vision Gaspé — Percé Now et du Committee for Anglophone Social Action sont avec nous.

Je suis le sénateur Maria Chaput du Manitoba, présidente du comité. Je suis accompagnée ce matin de plusieurs membres du comité que j'invite à se présenter.

Le sénateur Champagne : Je suis le sénateur Champagne, vice-présidente du comité. Je suis ravie de pouvoir entendre vos témoignages puisque nous n'avons pas pu nous déplacer dans votre région de la province.

Le sénateur Seidman : Je suis le sénateur Seidman de Montréal et je suis aussi anglophone. Je suis désolée que nous n'ayons pas pu venir dans votre région. C'est une région que j'ai visitée et qui est d'une beauté spectaculaire. Bienvenue. Nous avons hâte d'entendre vos témoignages.

[Français]

Le sénateur Fortin-Duplessis : Je suis le sénateur Suzanne Fortin-Duplessis. J'ai occupé les fonctions de députée à la Chambre des communes du Parlement canadien pendant neuf ans.

[Traduction]

Je suis très heureuse d'être ici aujourd'hui. Je suis un sénateur du Québec.

Le sénateur De-Bané : Je suis le sénateur Pierre De Bané. Pendant 16 ans, j'ai été député à la Chambre des communes pour la circonscription de Matane—Matapédia. Je suis très heureux que nous ayons la possibilité d'entendre les aspirations de la communauté anglophone qui, depuis si longtemps, a été une communauté importante de la Gaspésie.

Le sénateur Fraser : Bonjour. Je suis Joan Fraser, sénateur de Montréal. Nous sommes heureux de l'occasion d'entendre ce que vous avez à dire.

Le sénateur Dawson : Je suis Dennis Dawson, sénateur de la ville de Québec. J'ai été député parlementaire dans les années 1970. CASA été représenté par Bernie St-Laurent qui travaille maintenant à la SRC. CASA est une institution qui a une longue histoire pour les anglophones du Québec et j'ai hâte d'apprendre où vous en êtes aujourd'hui.

[Français]

La presidente : Nous allons maintenant entendre les présentations de nos prochains témoins.

[Traduction]

Vision Gaspé — Percé Now est représentée par M. Gary Briand, vice-président, et Mme Tracey Leotta, directrice générale. Le Committee for Anglophone Social Action est représenté par Ronald Mundle, président, et Cathy Brown, directrice générale.

Le comité vous remercie d'avoir accepté son invitation de comparaître ici ce matin. La réunion se fera sous forme de table ronde. Il sera demandé à chacun d'entre vous de faire une déclaration de cinq minutes qui sera suivie par des questions posées par les membres du comité.

Honorables sénateurs, je vous rappelle que pour cette réunion, nous devons poser des questions brèves et avoir de bonnes réponses, car nous sommes tenus de respecter le temps qui nous est imparti.

Monsieur Briand, vous pouvez commencer.

Gary Briand, vice-président, Vision Gaspé — Percé Now : Bonjour tout le monde. Je comparais aujourd'hui à titre de vice-président de Vision Gaspé — Percé Now, une organisation communautaire qui représente quelque 2 300 anglophones dans l'extrême Est du Québec. Je suis accompagné aujourd'hui de Mme Tracey Leotta, directrice générale de VGPN.

Constituée en 2004, notre organisation a fait des progrès remarquables dans l'amélioration de l'accès aux services médicaux pour les anglophones vivant dans notre région. Nous avons aussi fait une intervention appuyée au niveau des écoles locales pour lutter contre les problèmes liés à la consommation accrue de drogues et de boissons alcoolisées chez nos adolescents.

Nous avons réussi à améliorer l'affichage en anglais au CSSS de la Gaspésie et nous avons lancé des programmes d'exercice pour les personnes âgées et organisé des ateliers sur la prévention et le contrôle du diabète.

Nous avons formé des groupes de revendication anglophones dans les secteurs de Gaspésie et de Percé. Nous sommes infiniment reconnaissants pour l'aide financière versée par l'entremise du CHSSN (réseau communautaire de santé et de services sociaux) et visant à améliorer la vie des anglophones dans notre territoire.

Nous faisons cependant face à des défis considérables. En premier lieu et ce qui nous préoccupe le plus, c'est la perpétuation de notre culture. En tant que descendants d'immigrants originaires du Jersey, d'Écosse et d'Irlande, nous tenons à nos traditions. Cependant, nous ne pouvons trouver nulle part des fonds qui nous permettent d'introduire notre jeunesse à notre patrimoine culturellement riche. Très peu de fonds sont versés pour la musique, l'art dramatique et les chorales.

Comme vous le savez, les droits d'auteur pour les représentations sont considérablement élevés. Nous devons avoir accès à des capitaux de démarrage pour dynamiser notre communauté en organisant des manifestations culturelles. De telles activités permettront de cimenter le passé de notre communauté et joueront un rôle inestimable pour transmettre aux jeunes de nos communautés l'histoire de leurs ancêtres. Il faut trouver un moyen pour que la minorité anglaise au Québec ait accès à des fonds destinés à des activités culturelles.

La santé mentale est pour les anglophones un deuxième domaine qui nécessite une solution urgente. Nous devons former des personnes à une approche d'équipe pour présenter des ateliers aux jeunes et aux personnes âgées. Si la première initiative est à caractère préventif, l'incapacité des intervenants professionnels locaux à régler dans la langue maternelle d'un patient ses problèmes de santé mentale constitue une autre vraie préoccupation. Bien trop souvent, les Gaspésiens sont inscrits sur une liste d'attente de deux ans pendant que leur santé mentale se détériore et avant que les autorités sanitaires locales ne les renvoient vers des installations médicales éloignées à Montréal ou à Québec.

En outre, le problème de la santé mentale n'est pas soulevé dans les écoles locales. Manquant de ressources qualifiées, les écoles ignorent les questions de santé mentale ou les passent sous silence. Ne pouvons-nous pas trouver une solution au manque de services?

La tendance largement répandue d'abandonner les études avant l'obtention d'un diplôme d'études secondaires est une autre préoccupation de la communauté. Un taux ahurissant de 56 p. 100 de notre population n'a pas de diplôme d'études secondaires. Aucun organisme n'a fait une étude pour en trouver les raisons. Vision a besoin d'aide pour régler ce problème.

Le grand nombre de personnes très âgées dans notre communauté est aussi un sujet de préoccupation. Elles vivent en couple, sont veuves ou veufs et ont très peu de rapports sociaux. Leurs enfants et petits-enfants habitent loin dans les grandes villes du Canada, à des milliers de kilomètres de la Gaspésie. Par conséquent, les personnes âgées n'ont personne qui prenne soin d'elles, personne pour les transporter chez un médecin et personne à qui parler.

Vision doit mettre en place une structure pour éliminer l'isolement des personnes âgées. Les divers ministères doivent communiquer avec Vision et lui accorder des fonds qui permettraient de régler ce problème courant et persistant.

Il faut des fournisseurs de soins pour les personnes âgées. Beaucoup de personnes sont prêtes à consacrer du temps pour fournir des soins et rendre visite à domicile, ces personnes doivent être formées. Il faut aussi convaincre les personnes âgées des bienfaits des soins qui leur sont prodigués. De petits cours de formation dans le domaine des soins à domicile doivent être organisés dans notre région.

Le dernier point que nous allons soulever concerne le changement démographique dans le secteur Gaspésie-Percé. La population anglophone compte 32 p. 100 de personnes âgées de 65 ans ou plus. Environ 27 p. 100 de la population locale est âgée de 25 à 44 ans. Le taux de naissance est toujours faible. Qui héritera de nous? Nos maisons et nos terres seront inoccupées, pourtant, malgré le dépeuplement de notre région, le Québec envoie tous les nouveaux immigrants dans des régions proches des grands centres urbains.

Ici en Gaspésie, nous avons l'incroyable possibilité du biculturalisme. Nos institutions sont largement intégrées. Bien que nous reconnaissions que le Québec oblige tous les immigrants à suivre des cours de français, beaucoup de nouveaux immigrants aimeraient pouvoir améliorer leur anglais ou le maîtriser.

La Gaspésie pourrait représenter l'environnement idéal pour eux puisque nos ancêtres ont vécu une expérience similaire. N'est-il pas possible qu'Ottawa encourage le Québec à accepter que l'Est du Québec est l'endroit idéal pour accueillir de nouveaux immigrants? Cessons tous d'avoir une perception limitée vis-à-vis l'immigration.

Voilà, mesdames et messieurs, qui conclut notre exposé aujourd'hui. Nous vous remercions de nous avoir donné l'occasion de vous parler. Mme Tracey Leotta ou moi serons heureux de répondre à vos questions.

La présidente : Merci beaucoup, monsieur Briand.

Monsieur Mundle, nous ne vous voyons pas à l'écran. Cependant, si vous m'entendez, nous pouvons commencer par votre déclaration.

Il semble y avoir des difficultés techniques, nous allons donc poser des questions à M. Briand et à Mme Leotta.

Le sénateur Seidman : Merci pour votre émouvant exposé. Il a été très apprécié. Je voudrais que vous me donniez plus de renseignements.

À notre précédente réunion, nous avons parlé des préoccupations relatives aux langues officielles du Canada. Il a été dit que nous ne tenions pas vraiment compte de la valeur centrale de la langue au plan de la survie et de la protection, mais au plan de préoccupations portant sur la vitalité et la durabilité des communautés. J'aimerais en parler un peu avec vous.

Même si la survie de l'anglais ne nous inquiète pas puisque c'est la langue parlée par la majorité au Canada, le problème est peut-être plus profond. Ce qui vous inquiète peut-être, c'est la survie de la communauté. Qu'en pensez- vous?

M. Briand : Comme je l'ai dit, notre population est vieillissante. Nos jeunes ont déménagé, en grande partie, dans les grandes villes et ceux que nous perdons ne sont pas remplacés.

J'ai dit que le Québec devait songer à l'Est du Canada comme endroit d'accueil des immigrants. Nous pouvons voyager dans toute la Gaspésie, aussi loin que Rimouski, avant de trouver un nouvel immigrant. Ils ne viennent tout simplement pas en Gaspésie — non pas parce qu'ils ne sont pas intéressés, mais surtout parce que le Québec ne fait montre d'aucune crédibilité en ce qui concerne nos besoins et nos efforts visant à repeupler la Gaspésie, l'extrême Est.

Le sénateur Seidman : Vous dites que le gouvernement du Québec n'accorde aucune crédibilité à vos besoins. Que peut faire le gouvernement du Canada pour vous aider à les remplir?

M. Briand : Puisque, si je comprends bien, l'immigration représente largement 99 p. 100 — et je ne suis pas une autorité constitutionnelle responsable de l'immigration au Québec —, je crois bien qu'Ottawa devrait engager des discussions avec le Québec pour encourager cette province à ne pas se limiter à la région centrale du Québec pour y faire établir les nouveaux Canadiens. Il faut que les institutions fédérales l'encouragent. Voilà ce que je dis.

Le sénateur Seidman : Je comprends très bien. Je ne sais pas si vous avez pu entendre ce que nous disions plus tôt au sujet des conséquences imprévues découlant des ententes conclues entre le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux. Il se peut que nous voyions de nouveau, comme le sénateur Dawson l'a sagement dit, ce genre de conséquences. Je vous remercie, monsieur.

La présidente : On me dit que le son fonctionne maintenant. Avant que les sénateurs posent des questions, j'aimerais demander à M. Mundle de faire sa déclaration. Je crois que M. Mundle et Mme Brown sont avec nous.

Ronald Mundle, président, Committee for Anglophone Social Action : Ronald Mundle fera la déclaration et Cathy Brown répondra aux questions, au besoin. Sachez tout d'abord que nous avons eu des difficultés techniques.

Bonjour, honorables sénateurs. C'est avec un grand plaisir que nous avons accepté votre invitation afin de pouvoir donner notre avis sur la façon dont le gouvernement du Canada peut améliorer la vitalité des communautés anglophones minoritaires au Québec et au Canada en les aidant à se développer.

Je suis le président de CASA, le Committee for Anglophone Social Action située en Gaspésie au Québec. Fondée en 1975, CASA est la plus ancienne association régionale au Québec. Notre organisation est dirigée par des bénévoles représentant des communautés allant de Matapédia à la ville de Gaspé, soit une distance de 400 kilomètres. CASA conçoit et élabore des programmes en collaboration avec des entreprises et de nombreuses organisations publiques, parapubliques et sans but lucratif. Nous œuvrons afin d'assurer que les communautés anglophones situées sur la côte de la Gaspésie reçoivent des renseignements et des services appropriés en vue d'aider les organisations et institutions locales essentielles à la durabilité et au développement des communautés.

En 2006, le nombre de personnes résidant sur la côte de la Gaspésie et ayant l'anglais comme première langue s'élevait à 8 570 soit 12,4 p. 100 de la population de la région. La communauté anglophone qui a une vieille histoire et une longue présence en Gaspésie a contribué à la vitalité de la région depuis plusieurs générations.

En dépit des problèmes sociaux économiques et démographiques qui touchent particulièrement ce groupe minoritaire de langue officielle, les Gaspésiens anglophones s'adaptent aux réalités actuelles et veulent demeurer un élément essentiel de la vitalité de la région. Les Gaspésiens anglophones tiennent beaucoup à travailler avec la majorité francophone dans la recherche de nouvelles possibilités et contribuer à la viabilité et au développement de la côte gaspésienne.

Au fil des ans, les anglophones et francophones ont pu travailler ensemble et collaborer de manière efficace et efficiente. Pour que cette situation puisse continuer à l'avenir, CASA a ciblé la jeunesse de notre région comme l'un des principaux bénéficiaires. En plus de faire face à des problèmes similaires à ceux rencontrés par leurs homologues francophones, nos jeunes sont confrontés à des défis particuliers systémiques et ont besoin d'une aide ciblée pour les relever. Par conséquent, pour assurer son avenir, notre communauté a besoin d'une aide financière continue.

Un taux incroyable de 61 p. 100 d'anglophones diplômés d'universités québécoises vont vivre dans d'autres régions du Canada. Ceux qui n'ont pas terminé avec succès les études requises sont les plus susceptibles de rester. En règle générale, plus la personne est instruite, plus il y a de chances qu'elle quitte la région — c'est la fuite des cerveaux.

Il est intéressant de noter qu'une étude faite récemment montre que 6 p. 100 des diplômés bilingues obtiennent les meilleurs emplois et 8 p. 100 d'entre eux sont mieux rémunérés que les personnes unilingues. Les gens de notre communauté le savent déjà et reconnaissent l'importance des langues pour entrer dans le marché du travail.

La côte gaspésienne est un atout et pour la province de Québec et pour le Canada. Le magazine National Geographic l'a récemment placée au troisième rang des meilleures destinations touristiques au monde. La baie de Gaspé est le deuxième plus grand port naturel au monde. Ces éléments forment l'assise du développement et de l'amélioration des infrastructures pour l'industrie touristique telles que les routes, les voies ferrées et les installations maritimes. Les visiteurs viendront dans notre région et continueront à le faire si l'accès est facile par la route et s'ils sont bien accueillis par une population qui parle leur langue.

Notre voisin du Sud, les États-Unis, est l'une des plus grandes sources de touristes pour notre pays. Il faudrait donc, pour répondre à des besoins qui croissent rapidement dans cette région, octroyer des fonds supplémentaires pour financer l'enseignement d'une deuxième langue aux employés de l'industrie touristique.

Nous avons remarqué des résultats positifs dans certains secteurs qui bénéficient de fonds récurrents. Pour assurer l'efficacité du travail effectué par CASA dans cette vaste région, nous vous demandons d'examiner attentivement la démographie de la région que nous devons desservir. Nos communautés ne peuvent pas continuer à recevoir des fonds et des subventions qui ont été calculés il y a 50 ans. C'est à partir de nouvelles recherches que les besoins nécessaires pour continuer à renforcer les capacités et être au service de la côte gaspésienne seront remplis. Nous devons seulement accepter que les dollars durement gagnés par les contribuables restent dans notre province et soient retournés dans nos régions pour servir et bâtir nos communautés.

CASA remercie DEC et Service Canada pour les fonds qui nous ont été versés jusqu'à présent relativement à la feuille de route. Ces initiatives fondées sur les priorités identifiées dans la feuille de route ont largement contribué à un nouvel élan dans nos communautés. Il semble, cependant, qu'il y ait une lacune puisque certaines régions n'ont pas pu participer avec succès aux programmes à cause du manque de communication de l'information. Il faudrait utiliser de meilleurs moyens de communication pour mieux informer les organisations communautaires anglophones.

Je vous remercie beaucoup de votre attention. Mme Cathy Brown et moi-même serons heureux de répondre à vos questions.

La présidente : Merci, monsieur Mundle.

Honorables sénateurs, je vous rappelle que les témoins que nous voyons l'écran représentent le groupe Vision Gaspé — Percé Now. Nous n'avons pas de canal vidéo pour l'autre groupe, le Committee for Anglophone Social Action. Nous pouvons les entendre, mais nous ne pouvons pas les voir. C'est un peu comme communiquer avec Dieu. Vous l'entendez, mais vous ne pouvez pas le voir.

Honorables sénateurs, je donne la parole en premier au sénateur Fortin-Duplessis.

[Français]

Le sénateur Fortin-Duplessis : Merci beaucoup madame la présidente. Ma question concerne l'exode des jeunes. Ceux qui ont de meilleures notes et qui sont le plus instruits partent plus vite de la Gaspésie. Vous avez mentionné aussi que vous aviez des jeunes qui avaient des problèmes de drogue et d'alcool — et je sais qu'on en a partout dans la province du Québec; et dans toutes les régions c'est un petit peu la même chose. Je voudrais savoir si les jeunes, qui ont décroché, quittent, eux aussi, la Gaspésie pour essayer de trouver un emploi ailleurs, ou s'ils restent en Gaspésie.

[Traduction]

Tracey Leotta, directrice générale, Vision Gaspé — Percé Now : Généralement, ce sont les jeunes qui préfèrent rester dans la région plutôt que de la quitter.

La présidente : Avez-vous quelque chose à ajouter en réponse à cette question, monsieur Mundle ou bien monsieur Briand?

M. Briand : Je rejoins ce qu'a répondu Tracey Leotta. Les jeunes qui abandonnent leurs études avant d'obtenir un diplôme d'études secondaires ont tendance à rester dans notre région. Ils finissent par toucher l'aide sociale. Ils se cantonnent à des métiers inférieurs et saisonniers et mènent un type de vie stérile.

M. Mundle : Je ne peux qu'être d'accord avec M. Briand et Tracey Leotta. Ceux qui ne quittent pas la région ont tendance à y rester et occupent des emplois peu rémunérés.

[Français]

Le sénateur Fortin-Duplessis : Qu'est-ce qu'on peut faire pour vous aider, pour aider ces jeunes?

[Traduction]

M. Briand : Permettez-moi de répondre. À mon avis, l'abandon des études secondaires est un problème si grave que nous ne pouvons le régler qu'en faisant une vaste étude. Nous devons faire de la recherche pour savoir pourquoi les jeunes, particulièrement les garçons, abandonnent leurs études avant d'obtenir un diplôme d'études secondaires. Je crois qu'une telle étude peut être faite par des organismes de financement. Nous avons besoin qu'un intervenant travaille en notre nom.

Mme Leotta : En plus d'une étude cherchant les raisons de l'abandon scolaire chez les jeunes, nous devons aussi déterminer pourquoi le système d'éducation ne répond pas aux besoins de tant de jeunes. Je crois que l'étude devra incorporer ces deux recherches car assurément il y a un problème dans le système d'éducation. Il ne répond pas de manière satisfaisante aux besoins de nos jeunes étudiants.

[Français]

Le sénateur Fortin-Duplessis : Je vous remercie de vos réponses. Je vais donner la chance aux autres sénateurs de vous poser des questions.

[Traduction]

Le sénateur Fraser : J'ai deux ou trois questions. La première relève des faits. M. Briand a mentionné 2 300 anglophones dans l'extrême Est du Québec et M. Mundle a parlé de 8 570 résidents sur la côte gaspésienne dont la première langue officielle est l'anglais. Est-ce que les 2 300 font partie des 8 570 ou pouvons-nous additionner ces deux chiffres et obtenir un total supérieur à 10 000?

Je continue avec ma principale préoccupation liée au taux d'abandon scolaire.

Monsieur Briand, il me semble vous avoir entendu dire que 56 p. 100 de votre population n'a pas de diplôme d'études secondaires. Je me demande si le taux d'abandon scolaire était plus élevé dans le passé quand l'industrie de la pêche prospérait et qu'il y avait plus d'emplois disponibles qui n'exigeaient pas de diplôme d'études secondaires, si le taux d'abandon scolaire est resté stable ou s'il est maintenant supérieur à ce qu'il était durant les générations précédentes. Parallèlement, quelles sont les possibilités d'emploi dans la région de Gaspé pour les jeunes, détenteurs ou non d'un diplôme d'études secondaires?

Il y a tout un paquet de questions, mais répondez comme bon vous semble, je suis sûre que nous apprécierons tous vos réponses.

M. Briand : Vous avez posé trois questions. Je réponds à la première.

Je crois que les 2 300 dans l'Est du Québec dont j'ai parlé sont inclus dans les 8 000 résidents mentionnés par M. Mundle. L'ensemble de la population anglophone est d'environ 8 000 et quelques, comme l'a indiqué M. Mundle.

En ce qui concerne la question sur l'abandon scolaire, le taux d'abandon a enregistré une augmentation considérable depuis 1999. Avant cela, beaucoup de jeunes ne fréquentaient pas l'école secondaire. Cependant, dans les années 1990, l'école secondaire a gagné en popularité et au début des années 1990 rares étaient les étudiants qui abandonnaient leurs études. Pour répondre à la question brièvement : oui, le taux d'abandon scolaire de notre région a augmenté dramatiquement depuis les années 2000 environ.

Vous avez posé une question sur les emplois. Si les jeunes qui abandonnent leurs études secondaires à la neuvième ou à la dixième année trouvent du travail, c'est du travail saisonnier dans le secteur de la transformation du poisson. La pêche est pratiquement nulle, mais la transformation du poisson est encore une industrie très importante et lucrative dans le secteur de Gaspé. Ils trouvent des emplois à temps partiel dans ce secteur ou dans l'industrie des services, mais ils ne trouvent pas d'emplois sûrs à long terme et bien rémunérés.

J'espère que cela répond à votre question, madame le sénateur.

Le sénateur Fraser : En mentionnant les emplois saisonniers peu rémunérés, faisiez-vous allusion exclusivement aux possibilités offertes aux jeunes décrocheurs ou est-ce le lot de tous les jeunes de la région?

M. Briand : C'est pratiquement vrai pour tous les jeunes de la région.

Le sénateur Dawson : J'ai dit plus tôt me souvenir que CASA a été fondée en 1975. D'un point de vue historique, y avait-il un sentiment d'urgence à agir il y a près de 30 ans quand CASA a été fondée? Pouvez-vous comparer l'évolution historique de la situation sur la Côte-Nord et dans la région de Gaspé?

D'abord, en se basant sur les faits, les chiffres que vous avez cités sont ceux de la situation présente. Comment se comparent-ils à ceux d'il y a 25 ou 30 ans? Comment se comparent les services à ceux qui étaient offerts il y a 25 ou 30 ans?

M. Briand : Permettez-moi de répondre car je suis l'un des trois fondateurs de CASA.

Nous avons commencé à nous rencontrer en 1973 et l'organisation a été constituée en 1975. À cette époque, la population totale de la Gaspésie, en commençant à Sainte-Flavie près de Rimouski et en faisant une boucle tout autour de la côte, s'élevait à 123 000. Dans ces 123 000, il y avait 13 800 anglophones. Aujourd'hui, il y en a 8 000. Cependant, la population totale de la Gaspésie a diminué de 96 000 personnes, donc la Gaspésie s'est considérablement dépeuplée.

Cette tendance s'est un peu affaiblie ces trois dernières années, particulièrement dans le secteur de Gaspé où une nouvelle industrie a attiré du monde. En fait, la population de la ville de Gaspé a augmenté, mais dans l'ensemble de la Gaspésie, la population est encore considérablement faible par rapport ce qu'elle était en 1975.

J'espère que cela répond à la question que vous avez posée.

Le sénateur Dawson : Cela m'amène à une question et une observation supplémentaires. Je vous ai aussi demandé la façon dont les services se comparent à ceux offerts de 1973 à 1975 quand CASA était mise sur pied et comment les services sont fournis aujourd'hui.

Cela me place en un peu dans une situation de conflit d'intérêts car je suis le président du Comité sénatorial permanent des transports et des communications. Nous avons fait un rapport sur le Canada numérique, un plan pour une société numérique, qui dit que dans ce domaine, le Canada est en retard sur le reste du monde. Il n'y a pas seulement les problèmes techniques que nous avons eus ce matin, mais plus important encore, les problèmes de services, compte tenu du fait que notre pays est un grand pays qui a des disparités régionales. Nous devons utiliser les outils numériques qui existent aujourd'hui, des services vidéo à tous les services Internet, mais nous avons pris tellement de retard que nous avons des problèmes techniques. Les problèmes que nous avons rencontrés aujourd'hui sont un bon exemple.

Les téléconférences comme celle d'aujourd'hui sont courantes dans un pays aussi vaste que le Canada, mais nous traînons tellement que nous avons des problèmes techniques. Ce qui est plus important, c'est que les problèmes de service sur la Côte-Nord de Gaspé qui frappent la communauté anglophone peuvent être contournés si nous offrions des services numériques car nous sommes en 2010 et les outils existent. Cependant, notre gouvernement — et c'est vrai pour tous les gouvernements car il ne s'agit pas d'une question partisane — a omis de moderniser ces outils. Le site Web s'appelle « Plan pour un Canada numérique. »

M. Briand : Je voudrais répondre à la dernière question du sénateur Dawson car j'ai oublié de le faire dans ma précédente réponse. Les services se sont-ils améliorés depuis la fondation de CASA? Absolument.

En voici un parfait exemple. En 1975, SRC avait une station de télévision anglaise en Gaspésie qui s'appelait Service du Nord de Radio-Canada. Grâce aux efforts de CASA et la coopération de la SRC, nous avons réussi à avoir un service complet de SRC émis à partir de Montréal. Le service de télévision a explosé dans la Gaspésie, et ce, sans problème.

Nous avons maintenant des téléphones et des téléphones cellulaires. Seule une petite zone située entre Gaspé et Murdochville n'est pas desservie par le système cellulaire, mais cela doit être réglementé.

D'autres secteurs ont connu de grandes améliorations. Par exemple, l'accès au régime d'assurance-maladie et aux services médicaux en Gaspésie est bien meilleur pour les anglophones. Absolument. Les services, au plan de l'information communiquée en anglais aux citoyens par le biais de Communication Québec, les services fédéraux, sont très bien fournis. Je les en félicite.

Somme toute, sénateur Dawson, il y a eu 100 p. 100 d'amélioration au niveau des services.

M. Mundle : Comme vous le savez, la vidéoconférence et nos lignes téléphoniques ici à New Carlisle nous ont causé beaucoup de problèmes.

Cependant, pour répondre à votre question sur CASA, l'organisation s'est élargie depuis 1975, au cours des 35 dernières années. Ce que nous avons fait et ce que nous essayons de faire avec les moyens dont nous disposons est incroyable. CASA s'est agrandie et continuera de s'agrandir parce que nous nous développons et nous élaborons un nouveau plan stratégique visant à répondre aux besoins de nos communautés.

Le sénateur Champagne : J'étais heureuse de vous entendre tous les deux dire qu'il y a eu des améliorations au niveau de certains des problèmes que vous avez soulevés. D'après ce que vous avez tous les deux dit, les problèmes portaient sur l'éducation, les jeunes qui abandonnaient leurs études trop tôt, les services de santé, les services sociaux destinés aux jeunes et aux personnes âgées et l'immigration. Tous ces services sont fournis à l'aide de l'argent du gouvernement fédéral qui est distribué par le gouvernement provincial.

Si vous me dites que de grands progrès ont été réalisés et que nous avons amélioré la situation, alors vous m'en voyez ravie. Cependant, comme vous l'avez dit plus tôt, monsieur Briand, j'ai l'impression que vous voulez que nous exercions plus de pression sur le gouvernement provincial pour que l'utilisation de cet argent soit plus transparente et aussi pour l'encourager à vous en verser un peu plus. La même chose s'applique aux nouveaux arrivants; espérons que vous aurez un nouveau groupe d'anglophones qui deviendra bilingue, de nouveaux résidents en Gaspésie. Voulez-vous encore que nous poussions le gouvernement du Québec à vous verser un peu plus d'argent?

M. Briand : De l'influence, c'est ce dont nous avons besoin.

Le sénateur Seidman : Monsieur Mundle, j'ai posé une question à M. Briand avant que vous ne soyez en ligne. J'ai remarqué que vous avez dit à la fin de votre déclaration que certaines régions n'ont pas pu participer aux programmes de manière satisfaisante parce que l'information n'a pas été bien communiquée et que les organisations communautaires anglophones doivent être mieux informées grâce à l'utilisation de meilleurs moyens de communication. Vous faites référence à DEC, Développement économique Canada et Service Canada en ce qui a trait aux fonds dans le cadre de la feuille de route. Pouvez-vous nous donner plus de renseignements à ce sujet? Je voudrais en savoir plus sur le manque de communication et la façon dont nous pouvons améliorer cet état de fait.

Cathy Brown, directrice générale, Committee for Anglophone Social Action : Bonjour. En réponse à cette question, à titre de directrice générale de CASA, je fais beaucoup de réseautage avec mes homologues, les directeurs généraux de toute la province de Québec. CASA a eu de la chance, comme M. Mundle l'a mentionné, d'accepter des fonds par l'entremise de Développement économique Canada et de Service Canada. Cependant, de mes discussions avec les directeurs généraux des autres associations régionales, je conclus qu'ils ne semblent pas être au courant des programmes. Mes conversations avec eux m'ont inspirée et nous avons échangé des idées sur les possibilités d'accès à cet argent.

Aussi, après avoir parlé personnellement à Service Canada et à DEC, il a été conclu que les renseignements n'avaient pas tous été communiqués de façon méthodique. Je crois que des efforts doivent faits pour améliorer cette situation.

Le sénateur Seidman : Pouvez-vous préciser ce que vous voulez dire par « tous les renseignements n'ont pas été communiqués de façon méthodique »? Nous essayons d'obtenir des renseignements concrets afin de pouvoir améliorer les choses. C'est une semaine très importante au plan des engagements et j'aimerais savoir concrètement ce que vous voulez dire par là.

Mme Brown : Quand nous avons demandé des fonds à Développement économique Canada, notre agent du bureau régional m'a spécifiquement dit que notre projet répondait probablement aux critères énoncés dans la feuille de route. Je suis convaincue que les administrateurs d'organisations à but non lucratif ne savent pas quel ministère est responsable de quel programme dans la feuille de route.

Par exemple, le C.A.M.I., le Conseil des Anglophones madelinots, ignorait qu'il pouvait solliciter le DEC pour obtenir de l'argent mis spécifiquement de côté pour les minorités linguistiques dans le cadre de la feuille de route.

Je ne sais pas si on doit recourir à des communiqués ou à plus de courriels de la part de nos bureaux régionaux, mais je crois qu'il doit y avoir une meilleure communication entre les ministères fédéraux dans nos régions et les organismes sans but lucratif locaux qui veulent faire une demande de fonds en vertu de la feuille de route .

Le sénateur Seidman : Merci. C'est utile.

La présidente : J'aimerais remercier les quatre témoins qui sont présents ici aujourd'hui. Si vous estimez avoir d'autres questions ou de l'information que vous aimeriez partager avec le comité, nous vous serions reconnaissants de faire parvenir le tout à notre greffière, n'importe quelle question dont vous voulez saisir le comité.

J'aimerais accueillir notre prochain groupe de témoins. Je suis le sénateur Maria Chaput du Manitoba et je suis la présidente du présent comité. Je suis accompagnée ce matin de quelques-uns des membres du comité et je les inviterais à se présenter.

Le sénateur Champagne : Je suis le sénateur Champagne. J'habite en Montérégie. J'ai été députée pendant neuf ans, de 1984 à 1993. Je suis au Sénat depuis cinq ans. Je suis enchantée de vous écouter aujourd'hui et j'espère que nous serons utiles.

Le sénateur Seidman : Je m'appelle Judith Seidman. Je suis un nouveau sénateur de Montréal, une anglophone, et je suis très intéressée par ce que vous avez à nous dire aujourd'hui.

[Français]

Le sénateur Fortin-Duplessis : Je suis le sénateur Susanne Fortin-Duplessis. Je réside ici, en banlieue de Québec. Mon territoire sénatorial est Rougemont. J'ai été aussi membre du Parlement canadien durant neuf ans.

[Traduction]

Le sénateur De Bané : Je m'appelle Pierre De Bané. Je suis un sénateur du Québec. Avant de devenir sénateur, j'ai été député de la circonscription de Matapédia—Matane, juste en face de la Côte-Nord. Je suis très intéressé d'entendre parler des défis auxquels est confrontée la collectivité anglophone de la Côte-Nord.

Le sénateur Fraser : Je m'appelle Joan Fraser. Comme le sénateur Seidman, je suis une Montréalaise anglophone. Avant mon arrivée au Sénat il y a 12 ans, j'ai passé la plus grande partie de ma carrière comme journaliste à Montréal. J'ai hâte d'entendre ce que vous aurez à nous dire ce matin.

Le sénateur Dawson : Je m'appelle Dennis Dawson. Je suis un sénateur de la ville de Québec. J'ai été député de la ville de Québec il y a 30 ans. Je suis heureux d'être ici pour entendre vos explications concernant la situation de la collectivité anglophone de la Côte-Nord en 2010.

La présidente : J'aimerais maintenant souhaiter la bienvenue à deux organismes de la région de la Basse-Côte-Nord qui se joignent à nous par vidéoconférence, la North Shore Community Association et la Coasters' Association.

La North Shore Community Association est représentée par Marc Deslauriers, président, et Jody Lessard, coordonnatrice. La Coasters' Association est représentée par Anthony Dumas, président, Cornella Maurice, directrice générale, et Kimberly Buffitt, agente de développement, santé et services sociaux.

Le comité vous remercie d'avoir accepté son invitation à comparaître ce matin. Cette réunion aura lieu sous forme de table ronde. Chacun d'entre vous aura à faire un exposé d'environ cinq minutes et ensuite, les membres du comité vous poseront des questions.

Marc Deslauriers, président, North Shore Community Association : Merci, madame la présidente.

La North Shore Community Association a été créée en 2000 et son mandat est de représenter les intérêts de la population anglophone de la Côte-Nord. Il y a une petite différence ici : géographiquement, notre Côte-Nord s'arrête à Havre-Saint-Pierre. Le territoire de la Coasters' Association est l'ensemble de la Basse-Côte-Nord. Nous incluons également Fermont. Pour ceux et celles d'entre vous qui savent où se trouve Fermont, c'est la même chose que de voyager de Baie-Comeau à Montréal, seulement nous, nous le faisons de Baie-Comeau à Fermont. Cela vous donne une petite idée de la grandeur du territoire que nous représentons.

On compte environ 1 560 anglophones sur le territoire de la NSCA comparativement à environ 89 000 francophones. L'objectif que nous asseyons d'atteindre, c'est d'élaborer et de maintenir une base de connaissances sur la collectivité anglophone de la Côte-Nord; améliorer l'accès à la connaissance en ce qui a trait aux services et aux ressources s'adressant à la collectivité anglophone au sein de la région; accroître la cohésion et la participation dans la collectivité anglophone; appuyer et mettre en valeur la collectivité anglophone ainsi que son héritage et sa culture; et renforcer la communication et la visibilité au sein de la collectivité anglophone.

Notre principale force organisationnelle, c'est la longévité du personnel et du conseil d'administration, qui mène à une représentation et à une compréhension stables des collectivités. Les tâches, responsabilités et initiatives multiples et variées des personnels et du conseil constituent une force typique des collectivités plus éloignées ou plus petites. En d'autres mots, nous portons de nombreux chapeaux.

Des développements récents dans le domaine de la santé et des services sociaux ont permis d'accroître les services et l'information disponibles à certains des groupes démographiques qui en ont le plus besoin. Nous avons également une excellente collaboration avec la Coasters' Association. Il y a une mobilisation des groupes de personnes âgées et un fort engagement de la part de la population âgée dans notre secteur est, ce qui veut dire Sept-Îles, la région de Mingan.

Pour ce qui est des forces de la collectivité, la collectivité de Baie-Comeau est passablement intégrée, dynamique et a une bonne relation de réciprocité avec la majorité linguistique. Le secteur Est est très vivant et distinct du point de vue culturel et linguistique. Il y a des occasions et il y a une volonté de collaborer dans presque tous les domaines : patrimoine et culture, ressources humaines; santé et services sociaux, jeunesse, personnes âgées, tourisme, et ainsi de suite. Il y a une forte cohésion autour des pôles communautaires, les églises, les écoles, les groupes de personnes âgées et autres.

Ce dont nous avons besoin, c'est d'un meilleur accès aux programmes et aux services offerts dans notre propre langue par les ministères et organismes fédéraux et provinciaux et autres. Des services d'approche communautaire sont essentiels dans chacune des régions de la Côte-Nord. Cela leur permettra de créer une base de connaissances plus riche sur les ressources de langue anglaise et leur donnera l'occasion de bâtir un sentiment d'appartenance à leurs collectivités.

Nous devons promouvoir la participation communautaire dans le secteur de la jeunesse qui appuiera le développement communautaire, enrichira la vie communautaire par le biais d'événements culturels et sociaux, accroîtra l'accès aux arts et à la culture de langue anglaise, favorisera la conservation et la sensibilisation à l'égard du patrimoine et de la culture des anglophones. Il y a également un besoin permanent de services en matière de santé et de services sociaux en langue anglaise et destinés à la minorité linguistique pour qu'elle sache à quels services elle peut et devrait avoir accès.

Le résultat souhaité, c'est de bâtir des partenariats avantageux parmi les groupes membres, les ministères et organismes gouvernementaux de la Côte-Nord par le biais d'une accessibilité accrue à des ressources anglaises dans les secteurs de la culture, du patrimoine, de l'éducation, de la jeunesse et de la santé et des services sociaux; de faire naître une collectivité mobilisée dont les membres jouent des rôles actifs qui seront utiles pour la collectivité anglaise; et de favoriser une présence plus cohérente, plus active et plus visible de la communauté anglophone sur la Côte-Nord.

Voilà essentiellement ce qu'est la North Shore Community Association.

La présidente : Merci, monsieur Deslauriers.

Anthony Dumas, président, Coasters' Association : Bonjour à vous, sénateurs et collègues de la North Shore Community Association. Je suis heureux d'avoir l'occasion de vous faire un exposé aujourd'hui. C'est une excellente façon de marquer le 22e anniversaire de la Coasters' Association qui a été créée en 1988.

La Coasters' Association est un organisme sans but lucratif situé dans la Basse-Côte-Nord du Québec, 360 kilomètres de terrain accidenté pratiquement dénué de routes s'étirant de Kegaska à Blanc-Sablon, à la frontière du Labrador, comptant une population totale variant de 5 000 à 6 000 personnes selon la saison et 14 collectivités isolées. La Coasters' Association a créé un conseil de direction formé de représentants de cinq municipalités de la région et qui est également conçu pour représenter la jeunesse, les personnes âgées et les personnes handicapées comme groupe prioritaire.

La vision de la Coasters' Association est d'améliorer la qualité de vie dans la Basse-Côte-Nord du Québec en suscitant et en appuyant le développement et le leadership communautaires. Le message clé, c'est que depuis un peu plus de deux décennies, la Coasters' Association a travaillé sur les questions de langues officielles pour ses membres anglophones. Maintenant que le défi est devenu de plus en plus exigeant, nous travaillons au nom de la population entière — les collectivités minoritaires anglophone, francophone et autochtone de la région — étant donné que nous traitons de questions semblables.

La plus importante de ces questions est l'isolement, surtout l'absence de routes pour avoir accès au monde extérieur et, plus important encore, entre nos propres collectivités. Il en coûte moins cher à un représentant de la Coasters' Association pour se rendre en avion à Beijing qu'à Montréal, dans notre propre province.

Le facteur isolement limite l'accès aux programmes et aux services accessibles, ce qui entraîne une infrastructure déficiente, un manque de ressources et des coûts élevés pour tout, le transport, l'alimentation, les fournitures et les occasions pour notre jeunesse dans les domaines de l'éducation, du loisir et de l'emploi. Nous avons besoin de routes, ce qui est probablement la première fois que vous entendez une telle demande de la part d'un groupe de langue officielle.

Nombreux sont ceux de la Basse-Côte-Nord qui ont le sentiment que nous sommes pénalisés à cause de notre langue. Comme je l'ai dit à maintes reprises, la Basse-Côte-Nord est anglophone à 85 p. 100 et, aujourd'hui, nous n'avons rien. Jacques Cartier est passé à Blanc-Sablon en navire en 1534, et aujourd'hui, en 2010, nous sommes toujours en navire.

Nous devons stopper l'exode qui vide nos collectivités. En 2003, le moratoire sur la pêche à la morue a eu pour effet que 50 p. 100 de la population quittent la région pour un travail saisonnier. Lorsque je dis : « quittent la région », je veux dire quittent la province de Québec parce que nous pouvons travailler partout au Canada sauf dans notre propre province. Un grand nombre de nos jeunes partent pour ne plus revenir. Notre qualité de vie, nos occasions d'emploi et notre capacité à soutenir notre collectivité et notre économie sociale dépendent de notre économie.

Il a fallu beaucoup de temps pour développer une solution de remplacement à la pêche. Bien que nous ayons récemment fait des progrès dans le développement de ressources forestières non ligneuses, l'industrie des baies sauvages, et dans la mise à niveau d'un port pour petits bateaux avec l'aide du gouvernement fédéral, on nous a refusé de l'aide dans le domaine des télécommunications sous forme d'Internet haute vitesse. Encore aujourd'hui sur la côte, certaines collectivités ne captent toujours pas la station de base de la SRC.

Un pas en avant et un pas en arrière ne nous aideront pas à freiner l'exode. Notre existence même en tant que communauté de langue officielle en situation minoritaire est loin d'être assurée dans 20 ans.

Nous avons également des défis à relever concernant notre capacité à participer à des activités avec le monde à l'extérieur de la Basse-Côte-Nord. Une réunion d'une demi-journée à l'extérieur de la côte demande trois jours de voyage, à moins que ce soit l'hiver et qu'il y ait beaucoup de neige. L'hiver dernier, à cause du réchauffement climatique, il n'y avait pas de neige et nous ne pouvions pas voyager d'une collectivité à l'autre. Cela n'était jamais arrivé auparavant. Les personnes qui sont capables de nous représenter et qui sont disponibles pour s'assurer que la situation de la Basse-Côte-Nord reçoit la même attention au niveau régional, provincial et fédéral que les autres régions sont à bout de souffle.

Sans la capacité de participer, il est beaucoup plus difficile de bâtir sur nos réalisations et de tirer profit des occasions qui s'offrent à nous. Pour nous aider à surmonter les défis liés à l'isolement, à l'exode et à la participation efficace, nous croyons que le gouvernement fédéral devrait prendre plus de mesures positives pour permettre aux collectivités anglophones du Québec de profiter des occasions et de maximiser le potentiel de développement de leurs collectivités. Nous croyons que nous devrions recevoir plus de financement de base et de projets à plus long terme pour nous permettre d'avoir une participation plus efficace au nom de nos collectivités.

Nous croyons que le gouvernement fédéral devrait prendre les mesures nécessaires pour s'assurer que les collectivités éloignées de la Basse-Côte-Nord sont traitées équitablement, en particulier en apportant des modifications à des critères qui souvent s'avèrent un obstacle pour obtenir de l'aide, malgré certains des avantages liés au fait d'être désigné minorité de langue officielle. Nous croyons que le gouvernement fédéral devrait prendre les mesures d'actions nécessaires pour faire pression sur le gouvernement provincial afin qu'il termine la route 138 pour mieux servir la collectivité minoritaire anglophone du Québec.

La Coasters' Association croit que la force des partenariats a démontré à maintes et maintes reprises que nous pouvons nous tirer d'affaires nous-mêmes en faisant face aux défis quotidiens, mais nous avons également besoin de contributions planifiées, à long terme et équitables de la part du gouvernement fédéral pour que cela puisse faire une différence et permettre d'en faire davantage en moins de temps, en aplanissant la route pour nous.

Votre présence ici aujourd'hui nous inspire et nous vous remercions. La Coasters' Association est bien placée pour accomplir de grandes choses dans les années à venir avec votre appui. Ensemble, nous pouvons aller de l'avant et faire une différence.

Je termine en vous invitant à venir visiter la merveilleuse Basse-Côte-Nord dans un proche avenir. Merci beaucoup.

La présidente : La première question sera posée par le sénateur Fortin-Duplessis.

[Français]

Le sénateur Fortin-Duplessis : Merci, madame la présidente. Merci à vous tous pour les deux mémoires que vous avez présentés. J'ai deux questions qui s'adressent aux deux groupes.

La première est la suivante : est-ce que les soins de santé, dans votre langue, sont disponibles dans votre secteur?

Et, y a-t-il des places dans les résidences pour personnes âgées, pour les aînés anglophones de votre communauté?

[Traduction]

Kimberly Buffitt, agente de développement, santé et services sociaux, Coasters' Association : Cela dépend des services. Certaines des infirmières dans nos villages éloignés parlent anglais dans les cliniques. Cependant, pour la plupart de nos services — nous les appelons les services extrarégionaux —, nous devons voyager à l'extérieur du territoire; par exemple, si vous avez un cancer ou si vous êtes enceinte. Une femme doit partir d'ici un mois avant la date d'accouchement prévue et se rendre, disons, à Sept-Îles ou à Québec pour accoucher. Cela crée deux niveaux en matière de santé et de services sociaux. Lorsque les gens quittent le territoire pour obtenir ces services, il leur est extrêmement difficile d'avoir accès à des services dans leur langue, depuis les services de première ligne, à la réception, jusque sur les étages de l'hôpital.

Nous avons de nombreux exemples de cela. Un rapport a été rédigé sur les services régionaux à Gaspé, à Baie- Comeau et aux Îles-de-la-Madeleine. Il soulignait des éléments clés sur l'accès aux services lorsque nous sommes à l'extérieur du territoire. Cela nous amène à la question des aéroports pendant les voyages. Vous devez comprendre qu'un bon nombre de ces gens sont des personnes âgées qui quittent le territoire pour la première fois. Beaucoup n'ont pas un niveau d'éducation très élevé. Une personne de La Tabatière a appelé à notre bureau pour dire qu'elle envoyait son père âgé de 75 ans à Québec par avion, que ce dernier ne savait ni lire ni écrire en français et qu'on s'attendait à ce qu'il se rende à l'hôpital à Québec. Cela crée un problème énorme. En raison des budgets du ministère de la Santé, bon nombre de ces personnes ne peuvent être accompagnées. Cela crée beaucoup de difficultés dans notre territoire.

Cornella Maurice, directrice générale, Coasters' Association : J'aimerais ajouter aux propos de Mme Buffitt. Nous avons également d'autres problèmes dans le domaine de la santé, un des principaux problèmes est lié à la traduction des documents. Il y a un problème sérieux dans la Basse-Côte-Nord. Comme l'a dit le président, 85 p. 100 de notre clientèle est anglophone, et de nombreux programmes et services nous font défaut. Nous n'avons pas accès aux mêmes programmes et services que les gens qui vivent dans les régions urbaines. Même dans le cas des programmes de santé, nous ne recevons pas les services de manière appropriée dans notre langue.

Je ne creuserai pas beaucoup la question des personnes âgées, puisque les questions à leur sujet ont été mentionnées. Les personnes âgées de la Basse-Côte-Nord aimeraient recevoir des soins à domicile prodigués par leur famille, mais cela n'est pas possible. Il faut que ce soit des personnes différentes qui travaillent avec elles, ce qui est difficile à trouver. S'il était possible que ce soit les membres de leur famille qui s'occupent des personnes âgées, nous ne perdrions pas autant de gens, ce qui freinerait l'exode de notre population. Nous avons des parents qui partent pendant quatre à six mois par année, laissant les personnes âgées se débrouiller seules et s'occuper de leurs petits-enfants ou de leurs neveux et nièces. Il y a plusieurs problèmes concernant les personnes âgées.

Mme Buffitt : En ce qui concerne les personnes âgées, il y a de longues listes d'attente pour obtenir des soins ou pour être placé dans un foyer. Elles restent dans leur domicile, alors, elles dépendent du système de soins à domicile. Il y a des foyers seulement à Harrington Harbour et à Blanc-Sablon. Nous avons des couples qui ont été mariés pendant 60 ans dont l'époux a été placé à Blanc-Sablon et l'épouse, à Harrington Harbour. Ils ne se reverront probablement jamais à cause de la distance et de l'absence de routes; ils ne peuvent pas voyager d'un endroit à l'autre, ce qui est traumatisant pour eux.

Dans le cas des personnes handicapées, il n'y a pas du tout d'endroit pour les accueillir, alors, elles sont placées à Baie-Comeau ou à Sept-Îles. Nous avons eu des cas où des enfants ne parlent plus l'anglais et sont incapables de communiquer avec leurs parents. Il y a un cas où la fille est traitée depuis si longtemps à Sept-Îles qu'elle ne peut plus parler anglais et les parents ont besoin d'un interprète pour lui parler.

M. Dumas : De plus, les gens de la Basse-Côte-Nord ont un faible revenu. J'ai constaté que certaines personnes qui déménagent dans une résidence doivent obtenir un divorce. Elles ont été mariées pendant 60 ans, mais pour survivre et conserver un revenu, elles doivent divorcer formellement. Je ne trouve pas cela correct. Nous essayons d'obtenir de meilleurs services pour nos aînés, mais le parcours est jonché d'obstacles.

[Français]

Le sénateur Fortin-Duplessis : Je vous remercie beaucoup. Vous décrivez une situation qui me touche énormément. C'est vraiment triste de voir les couples de gens âgés qui finissent par être placés dans des endroits différents et qui ne peuvent plus se voir. Les distances sont difficiles. Merci beaucoup pour vos franches réponses.

[Traduction]

Le sénateur Fraser : J'ai quelques questions. La première n'est qu'un rappel parce que même si, à l'exception honorable de notre présidente, nous sommes tous des sénateurs du Québec, nous sommes tous des sénateurs du Sud du Québec. Pourriez-vous nous parler des distances qui sont en cause? À quelle distance se trouve Harrington Harbour? C'est très, très loin, mais de combien de kilomètres parlons-nous?

M. Dumas : De Blanc-Sablon à Harrington Harbour, il y a environ 250 kilomètres.

Mme Buffitt : Étant donné que nous n'avons pas de routes — Harrington Harbour, par exemple, est situé sur une île —, nous devons prendre l'avion, disons, de Blanc-Sablon à Chevery. Le billet d'avion aller-retour coûte environ 800 $. Nous devons ensuite prendre un bateau à Chevery pour nous rendre sur l'île où se trouve Harrington Harbour. Si le temps est mauvais, nous devons alors prendre un hélicoptère jusqu'à l'île. Certains jours, il est impossible de s'y rendre.

Il y a l'exemple d'un homme dont la fille était très malade à cause d'un empoisonnement de sang. La glace était en train de se briser. Deux hommes ont pris un bateau avec des lampes de poche et se sont frayé un chemin dans la glace pour pouvoir amener la fille jusqu'à l'aéroport de Chevery, où l'attendait un avion d'évacuation sanitaire pour l'amener à Québec. Dans mon esprit, l'accès, ce n'est pas cela.

Le sénateur Fraser : Non, pas du tout.

Ma seconde question concerne l'accès à l'éducation. Je suppose que chaque collectivité possède une école élémentaire — corrigez-moi si j'ai tort —, mais qu'en est-il de l'école secondaire? Après l'école secondaire, y a-t-il un cégep de langue anglaise pour les habitants de la Côte-Nord?

Mme Buffitt : Les villages ont tous une école élémentaire. Certaines écoles ne comptent que six enfants. Dans le cas des collectivités plus rurales, comme Kegaska et Mutton Bay, les enfants sont retirés de leur foyer à l'âge de 14 ans et ils sont placés en résidence jusqu'à la fin de leur secondaire 5. Ensuite, nos jeunes doivent quitter le territoire pour aller à l'école. La plupart d'entre eux ne peuvent pas revenir à la maison souvent à cause des coûts élevés du transport, dont ne tient pas compte le système de prêts et bourses. Un billet d'avion jusqu'à Montréal coûte 1 800 $. Même si vous avez le maximum de la bourse, on parle de 4 000 $ en billets d'avion.

M. Dumas : De plus, le problème pour notre jeunesse, c'est que la Basse-Côte-Nord est anglophone à 85 p. 100. Les jeunes qui quittent la Basse-Côte-Nord pour apprendre un métier ont de la difficulté à intégrer la main-d'œuvre.

Pour un étudiant anglophone sur la côte, il y a un problème avec la Commission de la construction du Québec — je ne dis pas qu'elle n'est pas séparatiste. J'ai deux fils. L'un d'eux a deux métiers et l'autre, un. Aujourd'hui, aucun des deux n'a reçu de carte de la CCQ. Dans la Basse-Côte-Nord, tous les travailleurs déménagent à l'extérieur de la province. Ils peuvent travailler de Vancouver à Terre-Neuve, mais pas au Québec.

Nous avons un projet à La Romaine. La commission scolaire a investi beaucoup d'argent dans le domaine de l'emploi et de l'immigration pour former notre jeunesse pour qu'elle puisse travailler à La Romaine. Jusqu'ici, la région fournit beaucoup moins que 1 p. 100 de tous les travailleurs au projet hydroélectrique de La Romaine. Si nous avons 6 personnes qui travaillent, sur 1 000 employés, c'est bon.

Le sénateur Fraser : Qu'est-ce que la CCQ?

M. Dumas : C'est la Commission de la construction du Québec.

Mme Buffitt : C'est l'organisme responsable d'attribuer les cartes qui permettent aux gens de travailler.

Le sénateur Fraser : Je voulais que cela figure au compte rendu parce que nos délibérations sont publiques. De cette façon, plus de personnes que celles qui sont présentes ici aujourd'hui seront en mesure de les consulter.

Je vais poser la question que le sénateur Seidman pose toujours, qui est une question centrale. Compte tenu de ces problèmes extraordinaires auxquels vous êtes confrontés, que peut faire le gouvernement fédéral pour vous aider?

M. Dumas : Nous sommes tous Canadiens. La Basse-Côte-Nord vote toujours à 99.9 p. 100 contre la séparation.

C'est notre dernier espoir. La Basse-Côte-Nord veut que le gouvernement fédéral discute avec le gouvernement provincial et change le visage de la question de la langue sur la Basse-Côte-Nord. Pourquoi la Basse-Côte-Nord ne se développe-t-elle pas? Pourquoi les travailleurs de la Basse-Côte-Nord n'ont-ils pas d'emplois? Nous estimons — et j'estime personnellement — que nous avons été pris en otage pendant trop longtemps. Lorsque je dis cela, j'ai le cœur gros.

C'est ce que pense, je dirais, 90 à 95 p. 100 de la population de la Basse-Côte-Nord. Nous voulons travailler et nous voulons faire partie du Québec et du Canada, mais nous sommes plutôt dans le tiers monde. Nous avons frappé à la porte de la province pendant de nombreuses années, mais il n'y a pas de réponse.

Par conséquent, ce matin, nous demandons aux sénateurs de discuter avec le gouvernement provincial et de nous aider à devenir égaux à toutes les autres personnes au Québec. Notre but est de vivre dans nos collectivités et de parler la langue que nous parlons.

Mme Buffitt : Je pense que M. Dumas affirme que la Basse-Côte-Nord a des difficultés avec des choses aussi fondamentales que l'eau potable. Nos villages n'ont pas d'eau potable, de systèmes d'égouts ou d'accès à certains soins médicaux, à des camions à incendie ou à des services d'ambulances. Nous nous battons juste pour obtenir des choses élémentaires. Lorsque vous regardez les autres programmes, il y a de si nombreux défis.

Mme Maurice : Sur une note positive, la Coasters' Association existe depuis 22 ans, depuis 1988, et elle a fait une différence avec l'aide des investissements du gouvernement fédéral dans certains programmes et services. Sans nous, j'ignore où nous serions, et nous sommes très fiers de cela. Cependant, je pense qu'il est nécessaire d'avoir plus de financement de base et à long terme pour des projets visant à amener plus de programmes et services à la Basse-Côte- Nord pour aider nos jeunes, nos personnes âgées, nos personnes handicapées, et tout le reste.

En ce moment, le gouvernement provincial participe pour une période de cinq ans à l'établissement de l'industrie des baies sauvages, et Québec s'est engagé, pour une période de 10 ans, dans le programme concernant le mode de vie sain. De nombreuses choses positives surviennent sur la Basse-Côte-Nord à cause de la Coasters' Association.

Nous avons pris les 197 000 $ provenant de Patrimoine canadien et les avons fait fructifier à plus de 1 million de dollars maintenant. Nous faisons du bon travail, mais nous avons besoin de plus d'aide. Il y a des choses qui s'arrêtent simplement parce qu'il y a des programmes qui ne durent qu'un an ou deux et ne peuvent pas être renouvelés. Nous avons tout juste le temps de mobiliser la collectivité et de mettre les choses en branle, les gens sont heureux et fiers de ce qui arrive, et puis, tout s'arrête. Je pense que c'est là où le gouvernement fédéral peut vraiment nous aider. Lorsqu'il donne son appui, le gouvernement provincial cherche à voir où il peut intervenir, et vice versa.

Nous venons tout juste d'avoir une réunion le 2 septembre, alors, il est bien que nous ayons cette rencontre avec vous aujourd'hui. Nous avons réussi à réunir toute la côte pour la toute première fois. Nous avions des organismes provinciaux, fédéraux et autres prêts à s'engager à nous aider.

Vingt-deux ans plus tard, nous assistons toujours à l'exode de notre population. Nous devons trouver des façons — peu importe si c'est dans le domaine de l'éducation, de la santé ou de la création d'entreprises — pour ramener ces gens au bercail ou, au moins, les garder ici. La langue est un des problèmes, comme le transport en est un. Nous avons de nombreux problèmes. Nous avons beaucoup de chemin à faire, mais votre aide, sous des formes modestes, fera une différence maintenant. J'espère qu'après aujourd'hui, cela fera une grande différence pour nous.

M. Dumas : Une personne s'est présentée au bureau vendredi. Elle venait tout juste de démarrer une entreprise et s'était inscrite dans le programme de la CSST pour ses employés. Elle est unilingue anglophone, et son mari est anglophone à 100 p. 100. La réponse qu'ils ont reçue, c'est que le formulaire d'inscription au Québec existe uniquement en français et qu'il n'existe pas de formulaire en anglais. Nous avons dû trouver quelqu'un pour traduire le formulaire pour qu'ils puissent le remplir. Il n'est pas acceptable qu'aujourd'hui, un gouvernement du Québec ne réponde toujours pas aux besoins de la collectivité anglophone.

Le sénateur Fraser : Monsieur Deslauriers, avez-vous quelque chose à ajouter?

M. Deslauriers : J'aimerais ajouter quelque chose qui n'a pas été dit, et cela concerne les facteurs socioéconomiques de cette région. Sur la Côte-Nord, nous avons de grandes entreprises — comme Alcoa, Alouette et d'autres — qui embauchent un pourcentage élevé de nos travailleurs et les rémunèrent très bien. Il n'y a pas de culture de la petite entreprise ici; ce sont des multinationales.

La population générale a diminué de plus de 110 000 personnes à environ 91 000 au cours des 15 dernières années. Cela est arrivé à la suite de l'exode de nos jeunes, du départ de nos retraités pour des raisons personnelles et également pour des problèmes de santé qui ne peuvent être traités ici. Nous travaillons en collaboration avec le CSSS. Les choses vont très bien. Nous travaillons également en collaboration avec la Coasters' Association et le CSSS dans toutes les régions de la Côte-Nord. Les choses avancent. Cela prend du temps, mais on y arrive.

Si le gouvernement fédéral estime qu'il peut intervenir, il devrait peut-être chercher à trouver un moyen de donner à nos jeunes l'occasion de revenir dans la région, de nous aider à implanter ici une culture de la petite entreprise. Alors, la région ne dépendrait plus d'une seule industrie ni d'un seul employeur. La Basse-Côte-Nord souffre beaucoup à cause de la pêche. C'est sa principale industrie. D'autres industries examinent la situation, bourgeonnent et finiront par venir, mais à l'heure actuelle, nous en sommes encore au même point.

Nous avons besoin d'incitatifs économiques pour aider les petites entreprises à s'implanter, non pas des programmes mur à mur comme ceux qui sont offerts par Développement économique Canada, mais des programmes plus souples pour aider les gens et les jeunes à lancer leur petite entreprise. Cela aiderait la région énormément et apporterait un changement de façon de faire, non seulement pour la population anglophone, mais également pour la population générale.

Nous avons besoin d'être intégrés dans cette communauté également. Nous n'estimons pas que nous ne le sommes pas, mais beaucoup de gens dans la région ici à Baie-Comeau sont bilingues. À Sept-Îles, c'est un problème différent, mais nous avons des services, bien qu'ils ne couvrent pas tous nos besoins. C'est le problème socioéconomique que nous devons chercher à résoudre.

M. Dumas : Un exemple en ce qui concerne le programme de Développement économique Canada, c'est que nous estimons que les critères pour les programmes au Québec ne répondent pas aux critères de la Basse-Côte-Nord. La Basse-Côte-Nord est constituée de collectivités de pêcheurs. La côte du Labrador a également l'APECA en vertu du même programme, mais ses critères sont différents.

Nous savons que Baie-Comeau, Saint-Gabriel-de-Valcartier et Havre-Saint-Pierre sont toutes des villes minières. La Basse-Côte-Nord est isolée. Nous n'avons pas les mêmes critères et nous aimerions voir s'il y a de la flexibilité parce que nous vivons la même situation qu'à Terre-Neuve, qu'en Nouvelle-Écosse et qu'au Nouveau-Brunswick dans le secteur des pêches et même, du tourisme. Nous avons débattu de cette question il y a quelques années en vertu du même programme, et encore aujourd'hui, nous avons besoin de cette souplesse.

Le sénateur Champagne : Ma question m'est venue à l'esprit en écoutant Mme Maurice parler du caractère élémentaire des services dans votre région. Vous déploriez l'absence d'événements sociaux et culturels. Évidemment, la langue est souvent un problème, mais là où il n'y avait pas de problème — et vous me permettrez de vous le rappeler —, c'est dans le domaine de la musique. J'aimerais vous ramener à il y a quatre ou cinq ans, lorsque trois musiciens sont arrivés et sont allés de Havre-Saint-Pierre jusqu'à Sept-Îles, Chevery, Blanc-Sablon et Harrington Lake. Ils ont voyagé par bateau, par avion et par hélicoptère et ils ont interprété de la musique classique dans les écoles pour toutes sortes de personnes là-bas —, évidemment, ils ont également ajouté certains airs comme le thème de l'émission The Simpsons.

Je me souviens que c'était un événement très populaire à ce moment-là. Cet événement était organisé par un homme du nom de George Zukerman, bassoniste, et je pense qu'il était accompagné d'un flûtiste et de quelqu'un qui jouait d'un instrument à clavier. La raison pour laquelle je connais très bien cette histoire, c'est que l'homme qui jouait de l'instrument à clavier était mon mari. J'ai tellement entendu parler de ce voyage qui allait de Blanc-Sablon à Chevery, de l'autre côté de la rivière où il n'y avait pas de pont et ils ont dû prendre un avion, et ainsi de suite. J'ai une très bonne idée par l'intermédiaire de mon mari de ce que vous vivez constamment.

Comme je l'ai dit, cette tournée a été organisée par George Zukerman, mais elle a été financée par le Conseil des Arts du Canada et la Guilde des musiciens a également donné beaucoup d'argent à cette fin. Enfin, après les élections provinciales, Jean Charest a décidé qu'il ne nous laisserait pas utiliser 10 000 $ pour cette entreprise.

Vous ne devez pas avoir ce type d'événements très souvent. J'ignore si c'est quelque chose dont vous vous souvenez ou si c'est quelque chose que vous encourageriez. C'était un type d'événement différent — pas de barrières linguistiques —, mais il s'agit certainement d'une occasion très intéressante pour votre population.

Mme Buffitt : Cela se fait encore aujourd'hui. Geordie Productions présente une pièce de théâtre chaque année pour nos jeunes. Ces gens voyagent d'une école à l'autre et se donnent tout le mal de visiter les villages et de présenter du théâtre et de la musique. La collectivité en est très heureuse.

Je pense que Mme Maurice et moi faisions allusion aux CLSC sur le territoire, financés par l'intermédiaire de Patrimoine canadien. Cela, combiné au fait que nous sommes ici aujourd'hui, a ouvert la porte à ces occasions pour les arts et les échanges et d'autres choses que nos enfants n'avaient jamais eu la chance de connaître auparavant parce que nous n'avons pas accès à des musées et à des choses du genre. Grâce à la vidéoconférence et à d'autres médias, nous pouvons maintenant voir différentes parties du monde.

Le sénateur Champagne : Si j'avais su que vous seriez ici aujourd'hui, je vous aurais apporté une photo d'un petit garçon âgé de sept ou huit ans qui soufflait dans un basson. Vous auriez dû voir ses yeux.

Jody Lessard, coordonnatrice, North Shore Community Association : Je suis la coordonnatrice des programmes de la North Shore Community Association et je m'inquiète du temps qui file. Je ne suis pas certaine si nous respectons l'horaire, parce que nous avons dit 12 h 45.

J'aimerais ajouter à ce que la Coasters' Association a dit. Le service est offert par l'intermédiaire de Geordie et, en fait, Geordie vient sur la Côte-Nord et ensuite, présente tout cela sur la Basse-Côte-Nord.

C'est le seul spectacle de langue anglaise dans nos écoles, une fois par année. Geordie fait cela. À part cela, nos jeunes n'ont pas d'exposition au théâtre de langue anglaise.

Je demanderais à M. Deslauriers, qui est également commissaire à la Commission scolaire Eastern Shores, de parler davantage des besoins de nos jeunes dans le domaine de l'éducation.

Je voulais parler un peu des besoins dans le domaine de la santé et des services sociaux ici, sur la Côte-Nord. Nos travaillons depuis un an et demi en collaboration avec le Réseau communautaire de santé et de services sociaux de la ville de Québec pour mettre sur pied une initiative de réseautage et de partenariat. Nous faisons beaucoup de travail en collaboration avec la Coasters' Association et avec nos centres de santé et de services sociaux locaux.

Sur la Côte-Nord, nous avons des services de première ligne. Le problème, c'est que ces services ne sont pas offerts en anglais. La population anglophone ne peut avoir accès à ces services dans sa langue. Nous devons nous assimiler à la communauté francophone. Nous aimerions avoir un petit document, un dépliant ou un outil promotionnel quelconque en anglais sur la santé qui pourrait être distribué dans les écoles ou qu'on pourrait se procurer au CLSC pour recevoir des services d'accueil et d'aide en anglais. Ce sont là quelques-uns des besoins de base auxquels nous aimerions qu'on réponde, car nous avons droit de recevoir des services de santé et des services sociaux en anglais. Nous travaillons en collaboration avec les établissements de santé et des associations régionales comme la Coasters' Association pour rendre ces services plus accessibles.

Au cours des deux dernières années, nous avons également ciblé les aînés dans le cadre de nos évaluations, de nos études et de nos projets. Comme l'a dit Mme Maurice toutefois, si nous obtenons du financement pour un projet d'une durée d'un an, après, il n'y a plus rien. Nous devons trouver du financement ailleurs pour continuer de venir en aide à la communauté et à nos aînés.

À Sept-Îles, les aînés représentent 22 p. 100 de la population anglophone. Nous avons travaillé très fort pour mobiliser la communauté et nous y sommes parvenus. Nous avons répondu à leurs besoins et à leurs préoccupations qui concernent surtout les services de santé et les services sociaux. Ils peuvent fraterniser, faire des sorties, rencontrer d'autres gens, mais ils n'ont toujours pas de centre de jour en anglais. S'ils veulent s'intégrer aux groupes d'aînés, ils doivent se rendre dans les centres de jour en français. Ils ont besoin d'avoir leur propre centre de jour. Nous nous y employons, mais nous éprouvons des difficultés à trouver les fonds nécessaires. Le gouvernement pourrait sans doute nous orienter vers les services et les sources de financement disponibles qui nous permettraient de rendre ces services plus accessibles pour les aînés. À Sept-Îles, nous avons un groupe important d'aînés à aider qui ont besoin, entre autres, de services de santé et de services sociaux.

Je vais maintenant céder la parole à M. Deslauriers qui vous parlera du secteur de l'éducation et de celui de la jeunesse.

M. Deslauriers : Comme nous sommes isolés, nos enfants peuvent aller au collège ici, ou au cégep, en français pendant un an ou deux, mais après il n'y a plus rien. Et lorsqu'un enfant ou un jeune adulte quitte la région, il y revient rarement. S'il le fait, c'est en grande pompe : il revient muni de diplômes au sein d'une famille qui est presque complètement formée. Il faut que nos jeunes puissent faire des études supérieures dans une des collectivités de la Côte- Nord, que ce soit à Sept-Îles ou à Baie-Comeau, grâce à un partenariat avec une université, soit l'Université de Rimouski, de Chicoutimi ou McGill. Il faut toutefois que les cours soient donnés en anglais pour leur donner la chance de réussir. Nous avons une communauté dynamique, mais il faut s'en occuper parce qu'elle est en train de mourir. Nous ne sommes pas encore morts — nous luttons encore — mais je ne pense pas être en mesure de pouvoir le faire à 94 ans. Il faut que nous agissions, et vite.

La présidente : Je prolonge la durée de la réunion de quelques minutes parce que nous avons commencé en retard. Je vais permettre au sénateur Seidman de poser une dernière question.

Le sénateur Seidman : Je suis convaincue de parler en notre nom à tous en vous écoutant et en vous disant que vos témoignages sont très touchants. Vous avez des inquiétudes très sérieuses et importantes. De toute évidence, vous avez beaucoup de défis à relever dans les grands domaines dont vous nous avez parlé, soit la jeunesse, les services de santé et les services sociaux, le renouvellement de la communauté et le développement économique. Il n'est pas inutile de répéter ici, je pense, pour tenter de résumer le tout.

Revenons donc à la question qu'a posée le sénateur Fraser, et qui est, comme elle l'a mentionné, la dernière question que j'ai posée à la toute fin aux témoins qui ont comparu ce matin. Si on vous demandait quels sont les deux plus grands défis que vous avez à relever et quelles suggestions concrètes vous pouvez nous faire pour vous aider, que répondriez-vous?

M. Deslauriers : À mon avis, la grande priorité est de poursuivre le développement des communautés. Si nous ne le faisons pas, nos communautés vont mourir. C'est la première priorité.

La deuxième priorité est l'éducation. Nous devons pouvoir faire instruire nos jeunes, nous devons concentrer davantage nos efforts sur eux et nous devons faire en sorte qu'ils puissent demeurer dans la région plus longtemps. Si nous poursuivons nos efforts pour assurer le développement des communautés et si nous réussissons à leur offrir un meilleur système d'éducation, alors peut-être — je dis bien peut-être — réussirons-nous à créer plus de débouchés pour les encourager à demeurer dans la région afin d'y fonder une famille et d'y vivre jusqu'à leurs vieux jours. Je crois que ce sont là les deux grandes priorités.

M. Dumas : J'ajouterais le développement des communautés et l'exode de nos jeunes.

Sur la Basse-Côte-Nord, ce qui constitue la grande priorité, c'est une forme quelconque de développement des communautés, comme la création d'entreprises et l'accès aux marchés pour nos produits. Lorsqu'une bouteille de bière coûte moins cher qu'une boisson embouteillée ou un verre de lait, il y a un problème. Au Québec, la vente des boissons alcoolisées est régie par la SAQ, la Société des alcools du Québec, si bien que le prix d'une caisse de bière à Montréal est le même qu'à Blanc-Sablon. Par contre, le prix d'un litre de lait à Montréal est deux fois moindre qu'à Blanc-Sablon. Dites-moi quelle est la différence?

Il nous faut un accès routier pour pouvoir acheminer notre morue. À Montréal et à Québec, on achète de la morue des pêcheurs russes et norvégiens mais pas des pêcheurs de la Basse-Côte-Nord. Pourquoi? Nos poissons sont de qualité supérieure et ils sont vendus au Japon, en Chine et aux États-Unis, mais pas au Québec.

Les priorités sont donc les jeunes, les aînés et les routes.

La présidente : La séance touche à sa fin. Je tiens à vous remercier tous pour vos exposés et votre participation et pour nous avoir fait part non seulement de vos idées mais aussi des défis que vous avez à relever. Vous pouvez être certains que nous en avons pris bonne note.

(La séance est levée.)


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