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Délibérations du comité sénatorial permanent des
Langues officielles

Fascicule 7 - Témoignages du 14 septembre 2010 (séance du matin)


QUÉBEC, le mardi 14 septembre 2010

Le Comité permanent des langues officielles s'est réuni aujourd'hui à 9 h 10 afin d'étudier l'application de la Loi sur les langues officielles ainsi que des règlements et instructions en découlant. (Sujet : Les communautés anglophones du Québec.)

Le sénateur Maria Chaput (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente : Bienvenue au Comité permanent des langues officielles. Je suis le sénateur Chaput, du Manitoba, et j'assure la présidence de ce comité.

Plusieurs collègues et membres du comité se joignent à moi ce matin en cette deuxième journée d'audiences à Québec. Je les invite à se présenter.

[Français]

Le sénateur Champagne : Bonjour, je suis le sénateur Andrée Champagne. J'habite la région de la Montérégie. Je suis la vice-présidente de ce comité. Après tout ce qu'on nous a dit de vous hier, nous sommes absolument impatients de vous écouter.

[Traduction]

Le sénateur Seidman : Bonjour, monsieur La France. Je m'appelle Judith Seidman, et je suis originaire de Montréal. Je suis impatiente d'entendre votre témoignage aujourd'hui. Comme l'a déjà souligné le sénateur Champagne, nous avons eu un bref aperçu de votre témoignage hier.

[Français]

Le sénateur Fortin-Duplessis : Bonjour, monsieur La France. Je suis le sénateur Suzanne Fortin-Duplessis. J'ai été nommée au Sénat il y aura deux ans en janvier, et j'ai été aussi députée fédérale de la circonscription de Louis-Hébert. Je suis bien contente de vous entendre ce matin.

Le sénateur De Bané : Mon nom est Pierre De Bané, membre du Sénat. J'étais auparavant membre de la Chambre des communes. Je me félicite tous les jours d'habiter un pays où les deux langues sont parmi les plus belles du monde entier et qui sont les deux seules langues parlées sur les cinq continents. Je suis très heureux de vivre dans un pays où il y a ces deux langues, le français et l'anglais, qui sont les langues qui ont le plus illustré la civilisation occidentale.

[Traduction]

Le sénateur Fraser : Bonjour. Je m'appelle Joan Fraser, et je suis originaire de Montréal. Je siège au Sénat depuis maintenant 12 ans.

[Français]

Pendant de longues années, j'ai été journaliste à Montréal.

Le sénateur Dawson : Dennis Dawson, sénateur de Québec. Comme certains de mes collègues ici, j'ai été député à la Chambre des communes avant d'être nommé au Sénat. J'ai travaillé dans le milieu scolaire où j'ai été président de la Commission des écoles catholiques de Québec, donc le milieu de l'éducation et les relations Canada-Québec dans le domaine de l'éducation m'intéressent et m'ont toujours intéressé. Et comme je l'ai dit tout à l'heure, les attentes sont élevées.

La présidente : Aucune pression, monsieur La France. Merci, honorables sénateurs, de vous être présentés.

Le comité a cru très important de rencontrer des représentants du gouvernement du Québec. Ceci fait partie de l'étude que le comité entreprend sur la communauté anglophone en milieu minoritaire au Québec.

[Traduction]

Le comité a invité quatre ministères provinciaux à venir témoigner, et j'aimerais remercier le ministère de l'Éducation, du Loisir et du Sport d'avoir accepté l'invitation. Le comité souhaite la bienvenue à M. Léo La France, sous-ministre adjoint des Services à la communauté anglophone et des Affaires autochtones.

Monsieur La France, le comité vous invite à décrire les services que votre secteur offre à la communauté anglophone. Les membres du comité auront ensuite des questions à vous poser.

[Français]

Leo La France, sous-ministre adjoint, Services à la communauté anglophone et affaires autochtones, ministère de l'Éducation, du Loisir et du Sport : Madame la présidente, je vais faire ma brève allocution en français et suite à cela, il me fera plaisir de répondre à vos questions en français ou en anglais.

Comme vous dites, la pression est haute — je ne m'y attendais pas ce matin —, mais je peux au moins essayer, en cinq ou dix minutes, de vous décrire un peu notre service au sein du ministère.

Sur le plan des services à la communauté anglophone et aux affaires autochtones, il y a deux directions. D'abord, la Direction des politiques et projets. Cette direction est responsable de l'adaptation et du soutien aux autres secteurs du ministère, c'est-à-dire qu'elle s'occupe du matériel didactique et de l'évaluation. C'est une petite boîte, mais ce sont des professionnels qui travaillent avec leurs collègues dans les autres secteurs. On fait le suivi des programmes du secteur de la formation professionnelle offerts par les commissions scolaires et des programmes techniques qui sont offerts dans les cégeps de la province.

Au niveau des autres secteurs, notre relation est plus à distance étant donné que l'enseignement supérieur s'occupe beaucoup de la communauté anglophone. Toutefois, on a certains liens avec l'Entente Canada-Québec.

Notre deuxième direction est la Direction de la traduction, laquelle s'occupe de la production en langue anglaise. Tout ce qui peut et doit être traduit, d'après la politique linguistique du ministère — sauf la documentation en administration —, est traduit pour la communauté anglophone. S'il y a des documents ou des communiqués de presse qui doivent être disponibles pour le grand public, c'est notre boîte qui en fait la traduction.

Sur le plan des affaires autochtones, il y a des communautés qui sont francophones et des communautés qui sont anglophones. On a la responsabilité d'offrir des services aux deux communautés. Il y a une différence entre les Autochtones qui sont dits « treaty school » et « non-treaty. » Certains sont directement sous la responsabilité du gouvernement fédéral, et on essaie de les aider, surtout sur le plan de la diplomation. Cependant, pour les autres, dont la Commission scolaire Crie et la Commission scolaire Kativik, on travaille directement avec eux afin d'offrir des services éducatifs en langue anglaise. Notre priorité, au sein du ministère, est d'assurer un suivi à l'Entente Canada-Québec.

Il faut se rappeler que l'Entente Canada-Québec ne concerne pas seulement la langue seconde, mais plutôt les langues secondes. On offre aussi un soutien au service préscolaire-primaire et secondaire afin d'aider la communauté francophone qui offre les programmes en anglais dans les commissions scolaires.

Quant aux partenaires avec lesquels on travaille, on a mis certaines structures en place. Une d'elles est la CELA, la Commission en langue anglaise. Cette commission a été établie pour aviser la ministre. Elle est représentative du milieu anglophone — universités, cégeps, et cetera — et conseille la ministre sur différentes politiques. À chaque année, elle soumet un rapport annuel à la ministre. Pendant l'année, si la ministre décide de consulter la communauté anglophone, c'est ce comité qui revoit les politiques du ministère ou qui donne son avis. Ce n'est pas du même niveau que le Conseil supérieur, on s'entend, mais c'est quand même représentatif du milieu anglophone.

On a aussi créé un comité qu'on appelle le LCEEQ, Leadership Committee for English Education in Quebec. Pour ce comité, on a demandé la représentation des universités, des cégeps, des commissions scolaires, du système scolaire privé, des directions d'école, des syndicats des enseignants et des directeurs des services complémentaires, qui examinent surtout l'adaptation scolaire. C'est l'occasion d'avoir un comité qui comprend des directeurs généraux des commissions scolaires et des directeurs de services éducatifs, qui représentent vraiment la communauté anglophone. Au Québec, on est en train de revoir l'évaluation. Cependant, ce groupe a quand même écrit un mémoire au ministère sur l'évaluation et sur la façon dont les choses se passent en milieu anglophone. Je suis très chanceux d'avoir ce comité qui donne le pouls de la population avec laquelle on travaille.

J'ai omis de dire qu'en ce qui concerne la CELA, il y a également des parents qui y sont membres.

J'essaie d'être présent aux réunions avec les associations des écoles privées étant donné que nous desservons également ce milieu. Je rencontre assez régulièrement les groupes de l'Association des écoles privées et de l'Association des écoles juives. Je rencontre les DG des commissions scolaires de façon régulière. On m'invite également aux réunions des directeurs des services éducatifs et des directeurs des services complémentaires quand il y a des questionnements à ce sujet.

Il y a aussi un comité pour l'éducation des adultes et pour la formation professionnelle dans le milieu anglophone. Sur invitation, il m'arrive d'assister à leurs réunions.

J'ai toujours été présent aux réunions de The Quebec Federation of Home and School Associations, qui tient plusieurs réunions pendant l'année. L'Association des commissions scolaires anglophones du Québec a aussi beaucoup d'activités et j'essaie d'être présent à leurs rencontres.

Je pense qu'on a une bonne relation avec les syndicats des enseignants qu'on rencontre également. Bien qu'on ne soit pas toujours d'accord, on a au moins l'heure juste.

Pour nous, l'Entente Canada-Québec est un gros morceau. On vient de négocier la nouvelle entente 9.13, Entente concernant une nouvelle relation entre le gouvernement du Québec et les cris du Québec, pour laquelle on a tenu des consultations avec tous nos partenaires de façon assez régulière. On fait approuver le texte écrit, pas seulement par le gouvernement fédéral, mais aussi par le ministère de l'Éducation, des loisirs et du sport et par le secrétaire aux affaires internationales et canadiennes.

Je vais terminer en mentionnant les enjeux qui ont été identifiés à l'intérieur de l'entente et à l'intérieur de notre communauté, cette dernière ayant demandé qu'on travaille avec elle.

Les manuels scolaires ont joué un rôle important pour notre communauté au Québec. Notre ministère a réussi cette année à faire en sorte que le matériel en français et en anglais soit disponible en même temps pour le début de l'année scolaire. Cela a toujours été un enjeu pour la province et pour notre communauté. Il y avait toujours un délai étant donné que les programmes et le matériel linguistique étaient produits en français et traduits par la suite.

Quant à la formation des enseignants, bien qu'il y a ait toujours une formation donnée pour l'enseignement primaire et secondaire, il est important pour nous de s'assurer que les adaptations nécessaires et la traduction de la documentation se fasse dans un délai raisonnable pour s'assurer que nos enseignants reçoivent les documents en même temps que leurs collègues francophones. L'adaptation scolaire et l'intégration pour les membres de la communauté anglophone sont des enjeux très importants. On croit avoir beaucoup à offrir sur ce plan.

En ce qui a trait à la nouvelle loi au Québec sur les ententes de partenariat, c'est mon secteur qui est responsable de ces ententes signées avec les commissions scolaires.

On essaie d'être présent dans les régions étant donné les grandes différences entre les milieux urbains et ruraux, surtout en milieu anglophone. Il est important pour nous d'être présents. On était présents à Gaspé la semaine dernière où il y avait un congrès pour la Commission scolaire Eastern Shores où tous les enseignants de la côte et de Gaspé étaient invités. On a pu entendre nos collègues.

Sur le plan de l'évaluation des apprentissages, il y a beaucoup de changements au niveau de la province. Il faut s'assurer que l'interprétation se fasse avec notre communauté.

J'ai mentionné plus tôt que la formation professionnelle et technique était importante pour notre réseau. Nos élèves doivent avoir la possibilité d'apprendre en anglais et il doit y avoir des emplois en anglais. C'est à nos élèves d'avoir la qualité du français nécessaire pour pouvoir poser leur candidature à ces postes, mais il est important qu'ils puissent apprendre dans leur langue maternelle.

On doit s'assurer que nos communautés reçoivent toutes les communications envoyées par le ministère. Il existe le plan d'action Agir autrement pour le milieu défavorisé. On a un rôle à jouer qu'on appelle New approaches, new solutions et cela nous permet de travailler avec nos commissions scolaires anglophones.

Pour moi, il est important d'être présent dans nos réseaux afin d'entendre ce que les membres ont à dire et de rapporter leur message au ministère. C'est mon rôle. Je peux maintenant répondre à vos questions.

La présidente : Merci beaucoup, monsieur La France. La première question sera posée par le sénateur Fortin- Duplessis.

Le sénateur Fortin-Duplessis : Merci d'être présent ce matin. Vous avez mentionné que vous aviez assisté à une réunion en Gaspésie. Hier, nous avons entendu, par vidéoconférence, des témoins qui demeuraient en Gaspésie. Une chose m'a vraiment frappée. On a mentionné qu'il y a un haut taux de décrochage de la part des étudiants anglophones en Gaspésie et ce, à cause de la drogue, de l'alcool, et cetera. Une fois que ces jeunes ont décroché, ils ne s'intéressent plus aux études et un jour, ils ont besoin de l'aide sociale pour survivre. Selon vous, y a-t-il plus de décrocheurs étudiants anglophones que de décrocheurs francophones?

M. La France : Si vous le permettez, dans mon texte j'ai oublié de parler des centres scolaires et communautaires. Cela va être important pour répondre à votre question.

Pour le moment, les centres scolaires et communautaires sont une entité qui n'existe qu'à la Commission scolaire de Montréal, surtout en milieu anglophone. C'est quelque chose qui s'adapte à la communauté puisque l'école doit faire partie de la communauté. Les gens de la communauté et des services sociaux ont accès à l'école. C'est un moyen qui permet de réduire le taux de décrochage.

En ce moment, le taux de décrochage est une priorité pour la ministre de l'Éducation. Le plan d'action du ministère contient 13 voies de réussite, mais si on examine le taux de décrochage comparable dans les régions, je dirais qu'en ce moment le taux de décrochage en milieu scolaire anglophone est moins élevé que celui du milieu scolaire francophone.

Je dirais qu'il y a encore beaucoup de décrocheurs et qu'il faut trouver des éléments de solution. J'espère qu'on verra les résultats du plan d'action avant 2020, parce dans les conventions de partenariat on a identifié des cibles pour l'année 2020. Chaque commission scolaire a soumis, dans sa convention de partenariat, ce qu'elle entend faire cette année pour réduire le taux de décrochage.

Je vous dirais qu'on est sur la bonne voie même si le taux de décrochage se maintient depuis plusieurs années. C'est pourquoi il faut mettre en place de nouvelles initiatives afin de résoudre le problème de décrochage scolaire.

Le sénateur Fortin-Duplessis : Je vous posais la question parce que, selon les témoignages entendus, dans le coin de Sept-Îles et en descendant, il y a moins de décrochage qu'en Gaspésie.

J'aurais une question un peu plus délicate. Est-ce que le gouvernement provincial considère les communautés anglophones comme étant une clientèle à part entière, avec des besoins particuliers, ou bien est-ce qu'il les traite exactement comme la clientèle francophone et ce à la grandeur de la province?

M. La France : Vous avez raison, la question est délicate.

Le sénateur Dawson : On ne parlera pas du Canada.

M. La France : C'est cela. Je peux vous dire que j'en suis à ma quatrième année au sein du ministère, mais que c'est ma 38e année dans une commission scolaire. Lorsque j'étais directeur général de commission scolaire, je n'ai jamais senti que la clientèle anglophone était traitée différemment. Que ce soit sur le plan du financement ou de tous les programmes mis en place, on avait accès à tout.

Le seul bémol se situe au niveau de la disponibilité du matériel scolaire en anglais, car il existe quand même une politique linguistique qu'il faut respecter. D'un côté comme de l'autre, on est sur le point de régler le problème parce que, pendant plusieurs années, il y a eu beaucoup de revendications du milieu anglophone. On a réussi à résoudre le problème en début d'année scolaire l'année passée et pour cette année, on peut dire que c'est réglé.

Bref, selon mon expérience je ne sens pas qu'un milieu soit mieux traité que l'autre.

Le sénateur Fortin-Duplessis : On a vu hier qu'au collège St. Lawrence, il n'y avait pas d'équipement aussi sophistiqué que dans les cégeps francophones. On a aussi entendu dire qu'il manquait d'autobus et que les élèves devaient faire une heure et demie de route pour pouvoir se rendre en classe et une autre heure et demie pour revenir à la maison, ce qui faisait trois heures de voyagement par jour. Selon moi, ce sont des inégalités.

M. La France : Je vous comprends sur ce point et je pense que vous trouveriez aussi des inégalités dans certaines commissions scolaires francophones en région. J'en ai vues. Pour ce qui est du transport scolaire, la grosse difficulté se trouve en milieu anglophone. Il y a neuf commissions scolaires anglophones contre 60 commissions scolaires francophones et le problème des longues distances de transport réside surtout dans le milieu anglophone.

Lorsqu'on constate que des élèves doivent parcourir de longues distances, on se rend compte qu'il faut de bénéficier d'un financement égal, mais le financement est égal. La difficulté, ce sont les territoires que desservent les commissions scolaires et le nombre de petites écoles qui existent en région.

Certaines commissions scolaires francophones en région vous diraient elles aussi que les élèves parcourent de trop longues distances en autobus. Toutes les commissions scolaires anglophones, si elles ne sont pas en milieu urbain, font face au même problème. Et quand on regarde le cas d'une commission scolaire de 80 élèves de la maternelle au secondaire V, on constate la même dynamique.

Je suis d'accord avec vous pour dire qu'il n'est pas acceptable que des élèves voyagent trois heures par jour dans un autobus. C'est pourquoi il faut étudier cette dynamique.

La présidente : J'aimerais ajouter une question additionnelle à celles de la sénatrice Fortin-Duplessis. Comme vous le savez, je suis francophone du Manitoba et je crois qu'en termes de division scolaire, nous vivons un peu le même genre de situation.

Ma question est délicate mais je vais quand même la poser. Vous avez mentionné le mot « égalité ». Dans mon esprit l'expression « égalité entre deux communautés » peut vouloir dire que les deux communautés reçoivent le même financement par étudiant.

Dans le cas d'une communauté de langue officielle en milieu minoritaire, quand on parle d'égalité avec la communauté majoritaire, on doit aller plus loin et tenir compte des besoins particuliers. Dans la situation que vit présentement la communauté anglophone du Québec, est-ce que le mot « égalité » va au-delà de la notion de financement égal et considère les besoins particuliers de chaque communauté de langue officielle?

Si vous ne vous sentez pas à l'aise de répondre à cette question, sentez vous bien libre.

M. La France : Je suis complètement à l'aise d'y répondre. J'ai peut-être employé le mauvais mot. On devrait plus parler d'équité. Chaque commission scolaire reçoit du financement et a des responsabilités en vertu de la Loi sur l'instruction publique, entre autres, celle d'être équitable dans la distribution de ses ressources. Sur le plan de l'équité, la même chose s'applique au ministère de l'Éducation du Québec avec les règlements budgétaires.

En ce qui concerne le voyagement pour la formation, des mesures sont mises en place pour desservir les régions. C'est une question d'interprétation. On parle d'équité, mais cela ne signifie pas que le financement est équitable. Une personne peut croire que ça l'est, mais les gens qui reçoivent le financement ne le voient pas de la même façon.

À mon avis, le plus important serait de parler d'équité et de transparence. Le mot « transparence » a son importance pour le réseau dans lequel je travaille.

[Traduction]

Le sénateur Fraser : Concernant la traduction et les manuels, je crois vous avoir entendu dire que le problème avait été résolu. J'espère que c'est exact. Comment se fait-il qu'année après année, les écoles anglaises ont eu des problèmes parce que les manuels officiels imposés par le gouvernement n'étaient pas disponibles en anglais? On disait aux écoles que les manuels en question seraient disponibles dans un an ou un an et demi. Comment était-ce possible? Quels étaient les problèmes? Quels sont les problèmes aujourd'hui?

M. La France : J'ai passé toute ma carrière dans le réseau anglophone, et je peux vous assurer que le problème des manuels existe depuis 25 ans, et peut-être plus. Selon moi, il y a plusieurs raisons à cela.

D'abord, les programmes n'étaient pas les mêmes partout dans la province. Le secteur anglophone offrait de nombreux programmes d'immersion, mais le problème était que le matériel de classe mis à leur disposition n'était offert qu'en français. Ils ne disposaient d'aucun matériel de classe en anglais. Bon nombre de nos enseignants ne voulaient pas de manuels. Ça ne réglait pas le problème.

Si on regarde ce qui se fait depuis 10 ans, le problème est clair. En raison du temps qu'il faut pour traduire un manuel et en raison des coûts, les éditeurs s'attendaient à avoir un certain soutien. Les programmes et les manuels étaient rédigés en français. Donc, pour que tous les étudiants fassent les mêmes examens provinciaux, il aurait fallu fournir des manuels non pas identiques, mais similaires.

Il était difficile de trouver une solution à ce problème. Dès son arrivée au ministère, Mme Courchesne a fait de ce dossier une de ses priorités, et c'est à partir de ce moment que nous avons cherché des solutions. Nous avons rencontré les éditeurs, et le secteur anglophone a mis sur pied un nouveau comité chargé d'étudier la question. Le comité était composé de directeurs généraux de commission scolaire et d'école privée, et nous avons demandé au syndicat des enseignants d'y participer. Des directeurs d'école se sont également joints au comité. Nous voulions analyser la situation, et c'est à ce moment que nous avons commencé à trouver des solutions au problème.

Je ne saurais contester le fait que ce problème existe depuis un certain nombre d'années. Cependant, dans notre étude, nous avons constaté que certaines raisons étaient, selon nous, inutiles. Nous avons étudié comment procéder à la traduction, étant donné la rapidité avec laquelle la réforme a été mise en œuvre. Lorsqu'un manuel francophone était prêt à être mis à la disposition des enseignants au mois de juin, il était impossible de le faire traduire à temps pour le mois de septembre. Il a donc fallu trouver des mesures de rechange. Mme Courchesne a également mis sur pied un comité directeur provincial qui a maintenant pour mandat d'examiner la prochaine génération de manuels, et si les manuels ne sont pas disponibles simultanément en français et en anglais, ils ne sont pas distribués.

Nous avons étudié de nombreuses solutions, y compris faire rédiger les livres en français et en anglais pour ensuite les comparer.

Le marché anglophone au Québec n'est pas très gros, et nous ne pouvons pas utiliser les mêmes manuels que le reste du pays. Il nous faut des livres rédigés expressément pour le Québec. Les coûts, étant donné le nombre d'élèves, ont toujours fait problème, mais cela n'a pas empêché la ministre d'insister pour que les élèves aient accès au matériel nécessaire.

Le sénateur Fraser : Vous dites qu'enfin, on veut que le matériel scolaire soit disponible simultanément dans les deux langues.

M. La France : C'est ce que nous proposons. La nouvelle ministre n'a pas encore été informée de cette proposition, alors j'espère que je ne m'avance pas trop, mais je crois que c'est une des solutions envisagées. De plus, il y a un comité directeur chargé de se pencher précisément sur cette question. Si les programmes ne sont pas modifiés, nous avons déjà les manuels approuvés. Les derniers manuels de physique et de chimie ont été approuvés, je crois, au mois d'août.

Le sénateur Fraser : Une chose est certaine, ce n'est pas la dernière fois que les manuels scolaires vont être changés.

Selon moi, il y a deux façons de procéder. La première serait d'attendre que toutes les écoles aient reçu leurs manuels avant de procéder aux changements du côté francophone. La deuxième serait de procéder aux changements du côté francophone et de permettre aux écoles anglophones de conserver l'ancien programme. Au moins, elles auraient des manuels jusqu'à ce que les nouveaux soient disponibles. Savez-vous si cette deuxième option a été envisagée? Cela rejoint d'une certaine façon les propos du sénateur Chaput, soit que « équité » ne veut pas nécessairement dire « uniformité ». Vous voyez ce que je veux dire?

M. La France : Oui, certaines de ces possibilités existaient. Lorsqu'un nouveau programme était créé, on disposait d'une fenêtre de deux ans avant sa mise en œuvre. Malheureusement, cette fenêtre était insuffisante à cause de la traduction, et cela faisait partie du problème. L'autre problème était que la communauté anglophone ne voulait pas attendre. La communauté anglophone, et tout particulièrement les écoles primaires, appuyait la réforme et voulait aller de l'avant.

Ce qui est déjà fait en partie et ce que nous proposons, et si notre proposition est retenue, c'est de retarder la mise en œuvre de tout nouveau programme pour une période de deux ans. Cela laisserait suffisamment de temps pour produire le matériel scolaire dans les deux langues et permettrait de mettre ces programmes à l'essai. Cette solution nous permettrait également de former les enseignants et de nous assurer que lorsque les programmes sont mis en place dans les écoles, que ce soit du côté francophone ou anglophone, tout le travail a été fait pour une mise en œuvre réussie.

Nous voulons corriger certaines choses du passé et faire les ajustements nécessaires pour l'avenir.

[Français]

Le sénateur Fraser : Madame la présidente, j'aurai une autre question mais je vais m'inscrire à la deuxième ronde de questions.

Le sénateur Dawson : Monsieur La France, vous avez fait référence à votre passé et j'aimerais savoir dans quelle commission vous étiez.

M. La France : Mon expérience est variée. J'ai travaillé comme enseignant et comme directeur des services éducatifs. J'ai aussi été directeur général de la Commission scolaire Lester B. Pearson dans l'ouest de l'île.

Le sénateur Dawson : Donc, de façon pratico pratique, on peut dire que vous avez vécu la situation avant votre arrivée au ministère?

M. La France : Oui, je l'ai assez vécue je dirais. Et quand on parle de manuels scolaires, je peux vous dire que j'ai vécu la situation de l'intérieur.

Le sénateur Dawson : On a fait des farces tout à l'heure concernant les attentes, mais hier, Ron Corriveau, Steven Burke et Jean Robert ont fait l'éloge de votre sensibilité.

Il est évident que votre expérience passée dans un milieu anglophone vous rend beaucoup plus sensible à la question. D'ailleurs, je vous remercie parce que c'est toujours difficile pour de hauts fonctionnaires du gouvernement du Québec de comparaître devant des comités parlementaires, soit du Sénat ou à la Chambre des communes, et je dois vous dire qu'on apprécie énormément votre présence. J'aimerais lire un passage d'un témoin qui a comparu hier.

[Traduction]

Le gouvernement du Canada a l'habitude de déléguer la prestation des services et l'exécution des programmes à d'autres entités, dont le gouvernement provincial [...]

[Français]

Un représentant d'association disait hier que lorsque le gouvernement canadien décide de transférer aux provinces des responsabilités traditionnellement exercées par le fédéral, les droits linguistiques qui existent chez la minorité anglophone au Québec et dans les autres provinces chez les francophones disparaissent lors du transfert des responsabilités.

Autrement dit, si vous étiez chômeur et que vous débutiez un programme de formation, lorsque c'était de juridiction fédérale et que vous étiez un anglophone, vous alliez au centre de la main-d'œuvre et vous aviez le droit d'être servi en anglais. Ce n'était pas un privilège, mais bien un droit.

Et l'un des effets pervers du transfert des responsabilités aux provinces, c'est que l'anglophone du Québec perd ce droit. Je ne vous dis pas que le gouvernement du Québec les négligeait, mais il le faisait selon sa bonne volonté, dans le cas où le nombre le justifiait et dépendant des circonstances géographiques. Cela agaçait un peu les associations. Auriez-vous des commentaires à faire sur cette difficulté qu'ont les anglophones du Québec?

M. La France : Quand j'étais directeur d'une commission scolaire, on parlait du premier plan stratégique des commissions scolaires au niveau de la formation professionnelle. Il y a eu des ententes avec le ministère pour s'assurer que la province rende disponibles des programmes pour les commissions scolaires anglophones.

Il y a la possibilité de faire des prêts de cartes d'une commission scolaire à l'autre étant donné que parfois le nombre d'étudiants n'est pas assez élevé pour ouvrir une cohorte. Il y a la Commission scolaire New Frontiers, qui fait des prêts de cartes à Eastern Shores pour s'assurer que des programmes puissent être offerts aux anglophones.

Parmi les solutions envisagées, il y eu l'entente Canada-Québec au niveau des infrastructures. Il y avait là un problème parce qu'il faut dire que le milieu anglophone ne voyait pas la formation professionnelle comme une option. Les parents anglophones disaient que leurs enfants étaient pour aller à l'université.

Dès les débuts, il y a eu les commissions scolaires English Montreal et New Frontiers et, par la suite, d'autres commissions scolaires ont fait leur apparition. Il y a eu du rattrapage à faire et le premier plan stratégique entre l'entente Canada-Québec et le ministère de l'Éducation visait à s'assurer de la disponibilité des programmes en milieu anglophone à travers la province.

À mon arrivée au ministère, on a commencé à analyser d'autres solutions parce qu'on n'était pas vraiment dans une période économique favorable pour commencer à investir dans les infrastructures. Alors, il a fallu regarder d'autres possibilités, d'autres options.

Au ministère de l'Éducation, il y a ce qu'on appelle des agents de développement, qui sont embauchés dans les commissions scolaires francophones parce que certains centres nationaux de commissions scolaires francophones ont la responsabilité d'offrir le programme anglais si la cohorte existe.

Nous nous sommes dit que si la cohorte existe, on veut que des agents de développement soient disponibles pour aller chercher des élèves pour s'assurer qu'une cohorte existe. C'est un peu la dynamique prévue. On n'est vraiment pas dans une dynamique où on va se mettre à construire beaucoup de centres. Les investissements ne seront pas de la taille qu'ils étaient auparavant et on essaie de trouver d'autres solutions pour aider nos élèves à étudier dans leur langue.

Le sénateur Dawson : Il y avait aussi un sentiment d'absence de transparence dans les transferts de paiements entre le gouvernement canadien et le gouvernement du Québec. Existe-t-il une façon de s'assurer que la communauté anglophone reçoive sa juste part des transferts? Je prends l'exemple que la sénatrice Fortin-Duplessis vous a donné tout à l'heure, que dans un cégep francophone, le fait de ne pas avoir une salle communautaire, comme c'est le cas au cegep St. Lawrence, ce serait probablement inacceptable dans quelque communauté que ce soit, que ce soit pour 1 000 élèves ou que ce soit pour 4 000 élèves. Étant donné que les transferts fédéraux sont faits via une enveloppe et un gros chèque, y a-t-il une façon de vérifier que la communauté anglophone reçoit sa juste part?

Ma dernière question concerne un autre sujet. Vous avez parlé du Conseil supérieur de l'éducation et du Groupe de travail chez les anglophones. Est-ce qu'il serait exagéré de ma part de dire que le Conseil supérieur de l'éducation s'occupe de l'éducation francophone et que l'allophone, l'autochtone et l'anglophone, ne font pas partie de leur mandat?

M. La France : En ce qui concerne le mandat du Conseil supérieur de l'éducation, il y a une présence anglophone et le conseil cherche à avoir une présence autochtone.

J'ai fait une présentation devant le Conseil supérieur de l'éducation pour le sensibiliser sur le fait autochtone. Ça adonne bien parce que la présidente du Conseil supérieur est au même étage que moi à Montréal, alors on a l'occasion de se parler souvent.

Je dirais que le Conseil supérieur est très conscient de la présence du milieu anglophone. L'autre groupe, quand on parle de la CÉLA, a été établi carrément pour parler du milieu anglophone et pour étudier ses recommandations. Je ne dirais pas qu'on a un grand nombre de représentants, mais c'est représentatif.

Sur le plan du financement, je peux répondre pour l'entente Canada-Québec. Je dois rendre des comptes au gouvernement fédéral en signant des états financiers chaque année au niveau de l'entente Canada-Québec pour l'enseignement dans la langue des minorités et des langues secondes.

Pour les autres, je ne suis pas en mesure de répondre parce que ce n'est vraiment pas ma responsabilité.

Le sénateur De Bané : Monsieur La France, en ce qui concerne le taux de décrochage, vous vous rappelez sans doute d'une déclaration qu'avait faite M. Jacques Parizeau et qui avait fait beaucoup de bruit. Il avait déclaré que le taux de décrochage dans les écoles francophones était deux fois plus élevé que celui des écoles anglophones. Est-ce que cela reflète bien ce qu'il a dit il y a un an?

M. La France : Je ne pense pas vouloir m'avancer sur le sujet.

Le sénateur De Bané : C'était dans les journaux et il avait été particulièrement sévère envers le ministère et avait employé l'expression « gâchis du ministère de l'Éducation ».

M. La France : Je peux vous dire qu'en termes de statistiques sur les milieux anglophone et francophone, si on compare les régions en milieu urbain, en ce moment le taux de réussite est plus élevé en milieu anglophone. Je pense que ces statistiques sont publiques. Mais de là à dire que le taux de décrochage dans le milieu francophone a doublé par rapport à celui du milieu anglophone, je ne suis pas convaincu de cela.

On dit souvent qu'on ne devrait pas se péter les bretelles. Le milieu anglophone a du travail à faire, car il y a au-delà de 20 p. 100 de nos élèves qui décrochent quand même et il faut trouver le moyen de les raccrocher.

Le sénateur De Bané : Monsieur La France, quels sont les effectifs du ministère de l'Éducation du Québec et quelle partie de cet effectif est sous votre direction en tant que sous-ministre adjoint pour les services aux anglophones et aux communautés autochtones?

M. La France : Je ne suis pas en mesure de vous donner des effectifs au niveau du ministère, mais je peux vous donner mes effectifs au niveau de la Direction de la politique et des projets. On a une douzaine de professionnels. On a aussi ce qu'on appelle les agents de développement qui oeuvrent dans le domaine du soutien en formation professionnelle pour soutenir différents programmes tels l'aide à la lecture, le soutien aux commissions scolaires, le soutien aux commissions scolaires dans les conventions de partenariat et l'aide aux élèves en difficulté d'apprentissage. Ces agents de développement travaillent avec les directions d'école pour voir à l'organisation scolaire.

J'ai une douzaine de traducteurs et j'ai deux professionnels aux affaires autochtones. Cela résume les effectifs de mon secteur.

Le sénateur De Bané : Vous m'avez donné la ventilation des différentes catégories dans la direction que vous dirigez. Cela totalise environ combien de personnes?

M. La France : Je vous dirais une trentaine de personnes au maximum.

Le sénateur De Bané : Quel est l'effectif du ministère? Est-ce que c'est 500, 1 000 ou 1 500 personnes?

M. La France : Je devinerais si je vous le disais parce qu'en ai aucune idée. Je n'ai jamais posé cette question.

Le sénateur De Bané : Ce sont des chiffres publics qui figurent dans les livres bleus.

M. La France : Je comprends, mais je n'ai pas connaissance de ces chiffres.

Le sénateur De Bané : Votre direction compte donc environ une trentaine de personnes.

Avez-vous étudié les structures qui s'occupent des minorités de langue officielle au sein des différents ministères de l'éducation du Manitoba, de l'Ontario et du Nouveau-Brunswick?

Si oui, avez-vous pu comparer les différences de fonctionnement entre le Québec et ces trois autres provinces? Le Nouveau-Brunswick est, bien sûr, un cas à part puisque dans la Constitution, de par sa volonté, il s'agit d'une province bilingue. Cette province compte donc deux sous-ministres de l'éducation : un pour le réseau français et l'autre pour le réseau anglais.

Si vous pouviez commenter la façon de faire des autres afin que nous ayons une meilleure idée de comment ils s'occupent de leur minorité en langue officielle, ce serait utile.

M. La France : J'ai participé à la signature du protocole de l'entente Canada-Québec que l'on présentait aux ministres et sous-ministres pour la dernière phase de l'entente Canada-Québec, mais de là à dire que j'ai étudié les systèmes dans les provinces, non. Nous avons toutefois eu l'occasion d'échanger de façon informelle alors que nous prenions part à la phase de négociation du protocole. J'ai plusieurs collègues à travers le Canada et j'ai eu l'occasion d'échanger avec eux, mais nous n'avons pas spécifiquement parlé du système d'éducation. Il était surtout question de soutien aux langues officielles, dans le cadre de l'entente Canada-Québec, pour soutenir les différentes communautés avec lesquelles nous travaillons au Canada dans les différentes provinces et territoires.

Le sénateur De Bané : Je vois. En ce qui concerne le ministère de l'Éducation du Québec, on nous a parlé hier de la sous- représentation des Québécois de langue maternelle anglaise au sein des effectifs de la fonction publique. Sont-ils présents au ministère de l'Éducation ou s'agit-il d'un groupe très microscopique?

M. La France : Nous sommes, évidemment, présents au sein de notre direction parce que nous travaillons de concert avec les milieux anglophones et tout notre personnel doit être en mesure de travailler en anglais avec la communauté anglophone.

Je ne peux pas vous parler des employés que comptent les autres directions du ministère, mais nous pouvons, dans notre direction, interagir avec les deux milieux avec lesquels nous travaillons.

Le sénateur De Bané : En plus d'être à l'aise pour communiquer en anglais avec votre clientèle, y a-t-il plusieurs fonctionnaires de langue maternelle anglaise dans votre direction?

M. La France : Au sein de ma direction, nous sommes deux fonctionnaires. Je suis le sous-ministre adjoint et directeur de la DPP, ainsi que directeur des affaires autochtones. Nous comptons également la directrice, Mme Michaud, qui est à la DPLA et qui est anglophone. Pour ma part, ma mère est anglophone et j'ai fait une partie de mes études en langue anglaise.

Le sénateur De Bané : Concernant les états financiers que vous signez au gouvernement du Canada et faisant suite aux ententes entre les deux ordres de gouvernement, y aurait-il quelque empêchement légal à ce que ces états financiers destinés au gouvernement canadien soient connus par la communauté anglophone? Je présume que non. Il n'y a rien là de confidentiel.

M. La France : Non.

Le sénateur De Bané : Certains nous ont dit hier qu'ils aimeraient beaucoup savoir combien ils reçoivent et ce qu'ils font avec cet argent. Évidemment, nous ne sommes pas au niveau des gouvernements supérieurs. Ils pourraient donc obtenir copie de cela, s'ils le demandaient?

M. La France : C'est la direction des ressources financières qui s'occuperait de fournir cette information. Je ne m'avancerais pas sans que ce soit eux qui le fassent.

En ce qui a trait aux projets, j'ai toujours été transparent puisque nous identifions les projets et les montants octroyés à ces projets. Toutefois, il faut se rappeler que ce n'est pas que les services pour les communautés anglophones, qui bénéficient des fonds de l'entente Canada-Québec. Nous devons transférer des fonds au ministère de l'Enseignement supérieur pour la formation professionnelle et technique, ainsi qu'au ministère des Communications. Ce n'est donc pas toujours évident parce qu'il y a des fonds transférés.

Cependant, étant celui qui signe les documents, je m'assure, concernant les états financiers, de ce qui est acheminé dans les autres directions et pour les services des communautés anglophones ou pour l'enseignement de langue anglaise dans les commissions scolaires francophones.

Le sénateur De Bané : Je poserai d'autres questions lors du deuxième tour.

[Traduction]

Le sénateur Seidman : Je vous remercie beaucoup, monsieur La France. J'ai remarqué que vous êtes sous-ministre adjoint, Services à la communauté anglophone et affaires autochtones. C'est bien. C'est intéressant parce que les communautés anglophones minoritaires au Québec se disent généralement grandement préoccupées par l'éducation. Vous pouvez donc imaginer la frustration, étant donné que ce sont les provinces qui en sont responsables. Il y a aussi les accords de transfert, dont tout le monde semble s'inquiéter et qui font l'objet de questions.

La consultation et la transparence sont des principes fondamentaux auxquels on peut penser. Mais comment peut- on s'assurer qu'ils soient respectés compte tenu des influences politiques? Je vais laisser tomber le sujet, étant donné que d'autres membres viennent d'en parler.

Au dire des témoins qui ont comparu devant le comité, la relation entre les anglophones et le gouvernement du Québec quant aux services publics est généralement individuelle, plutôt que collective. En d'autres mots, le gouvernement provincial ne semble pas considérer les communautés anglophones comme une clientèle distincte ayant des besoins particuliers. Étant donné le poste que vous occupez, j'aimerais entendre vos commentaires.

M. La France : La signification du mot « service » est une source de débats internes; remarquez que je suis le seul sous-ministre adjoint dont le titre contient ce mot. C'est ainsi parce que ce sont les différents secteurs du ministère qui prennent la plupart des décisions ayant trait aux programmes, entre autres.

Je fais tout ce que je peux. C'est la meilleure réponse que je peux vous donner. J'ai essayé de nommer tous mes partenaires, ceux que je rencontre et avec qui je travaille, et je demeure présent dans notre réseau; je prends le temps d'écouter tout le monde. Je rencontre aussi des groupes de parents. J'essaie ensuite de transmettre le message au ministère. Lorsque je rencontre le sous-ministre, j'ai l'occasion de lui faire part de certains des soucis exprimés par les gens du milieu.

Nous avons essayé de concevoir le comité de leadership sur l'éducation en milieu anglophone de façon à pouvoir partager une partie de notre travail avec le réseau; nous voulions que les membres n'aient pas l'impression de devoir tout faire seuls.

Avons-nous réussi? Visiblement non, mais je pense que certains membres du réseau, du moins les partenaires dont j'ai parlé aujourd'hui, diront que nous avons été présents et que nous avons tout fait pour porter leurs préoccupations à l'attention du ministère.

Le sénateur Seidman : Vous dites donc qu'un processus de consultation existe entre vous, la communauté et les intervenants qui se trouvent entre les deux. Ce qui me préoccupe vraiment, ce sont les influences politiques aux échelons supérieurs; que se passe-t-il à ce niveau?

M. La France : Il me semble que le sous-ministre, que je rencontre couramment, écoute ce que je lui dis. De plus, j'ai souvent l'occasion de rencontrer le ministre et de lui faire part des inquiétudes de la communauté.

Ceci étant dit, il y a certaines décisions politiques sur lesquelles je ne pourrai avoir aucune influence. Je crois toutefois que mon travail consiste à présenter les sources de préoccupation de la communauté aux instances supérieures du ministère et à collaborer avec elles pour trouver des pistes de solutions. Je crois vraiment que nous allons dans la bonne direction. Je pense même que certaines solutions ont été adoptées.

Toutefois, même lorsque j'étais directeur général d'une commission scolaire, les gens ne pensaient pas que je faisais quoi que ce soit pour eux. Il est parfois difficile de savoir qui est écouté, à quel endroit, et quel est finalement le message retenu.

Je ne sais pas si j'exprime bien ma pensée. Tout au long de ma carrière, j'ai toujours eu l'impression que lorsqu'on parle de services, on essaie de rejoindre le plus de gens possible pour leur dire ce qui a été fait et pour établir la communication; malheureusement, nous n'y arrivons pas.

Le sénateur Seidman : Je saisis bien ce que vous dites et je suis consciente que vous devez travailler très fort pour y arriver. Votre travail est ingrat à bien des égards, car la communauté s'impatiente.

Puis-je vous demander s'il y a quoi que ce soit que nous puissions faire pour vous aider ou pour simplifier votre travail? Aimeriez-vous peut-être nous demander quelque chose qui vous faciliterait la tâche?

M. La France : Votre question est très brillante, mais il est également très difficile d'y répondre. Je crois que vous comprenez comment les choses se passent aujourd'hui et comment elles se passaient auparavant. Dans ce contexte, nous devons trouver comment être utiles à la communauté. Je ne suis pas certain qu'il me serait d'un grand secours de vous répondre publiquement. Sans être exagérément optimiste, je pense que nous allons dans la bonne direction. Selon moi, le message commence à passer.

Lorsque je travaillais au sein de commissions scolaires, j'avais l'impression que les gens du ministère étaient là pour m'aider. Je veux dire que la plupart des gens font bien leur travail, et qu'ils nous aident à faire avancer les choses. Parmi tous les employés du ministère avec qui j'ai travaillé, je n'ai rencontré personne qui soit mesquin. C'est peut-être ce que je devrais commencer par dire. Par contre, les instances fédérales et provinciales sont différentes. Depuis toujours, l'éducation est un sujet extrêmement délicat. Lors de la négociation d'ententes, il faut s'assurer de servir notre communauté et veiller à ce qu'elle obtienne du financement fédéral sans empiéter sur les responsabilités provinciales en matière d'éducation. Je serais aux anges si vous pouviez m'aider à trouver cet équilibre.

Le sénateur Seidman : Très bien, je vais y réfléchir un moment pour essayer de comprendre exactement ce que vous voulez dire.

M. La France : Je ne sais pas si je peux être clair sans trop l'être.

Le sénateur Seidman : Nous voyons bien que tout cela est très délicat sur le plan politique, et nous comprenons pourquoi les exposés sur le sujet étaient tellement empreints de frustration.

M. La France : C'est pourquoi je vous dis que, dans le cadre de mes fonctions, je veux m'assurer d'être là pour écouter ce que les gens ont à dire, puis je veux transmettre le message aux employés du ministère, y compris au ministre lui-même. Il restera quand même certaines décisions de nature politique sur lesquelles je n'aurai aucune influence.

Le sénateur Seidman : Je vous suis reconnaissante de votre sincérité et de votre franchise. Merci beaucoup.

[Français]

La présidente : Je crois, monsieur La France, que votre présence ici aujourd'hui veut beaucoup dire et cela ajoute à ce que vous avez dit. Je vous en remercie encore une fois.

Le sénateur Champagne : Monsieur La France, en vous écoutant depuis tantôt, je me remémore ce qu'on nous a dit hier à votre sujet. Ce que vous nous dites avoir tenté de faire depuis que vous êtes en poste au ministère, vous l'avez réussi parce que tous les gens qui étaient là n'avaient que des choses élogieuses à nous dire à votre sujet concernant votre coopération et votre ouverture d'esprit. Il est évident que nous ne pouvons échapper à la question de la transparence. C'est celle qui nous vient en premier.

Les gens nous disent que le gouvernement fédéral injecte des fonds au niveau postsecondaire, en provenance de budgets pour les langues officielles, la formation ainsi de suite. Mais on ne peut pas toujours savoir qui en a, effectivement, bénéficié, et ce, tant concernant les fonds provenant du palier fédéral que du palier provincial. Nous le savons en gros.

Lorsqu'on demande de l'argent à un gouvernement pour un projet, on n'aime jamais se faire dire que le budget est écoulé et qu'on a plus d'argent. C'est évident. Ce qu'on a semblé nous dire hier — et c'est peut-être la femme de théâtre en moi qui s'est rebiffée — c'est pourquoi y aurait-il des choses que les commissions scolaires ou les institutions francophones auraient beaucoup plus de facilité à obtenir du ministère que les communautés anglophones? Même si elles se disent que vous avez des oreilles et le cœur bien grand, vous avez peut-être, vous aussi, les mains liées par un budget auquel vous devez vous conformer. Avez-vous l'impression, parfois, que c'est plus facile pour les groupes francophones d'obtenir des choses que pour les groupes anglophones?

On en revient peut-être au point le plus frappant de ce qu'on a entendu hier concernant le campus St. Lawrence, qui compte 4 000 étudiants et qui ne peut pas avoir une petite salle où on peut faire du théâtre et de la musique.

Hier, je disais à la blague qu'il était plus facile de construire un grand amphithéâtre de 400 millions de dollars qu'un amphithéâtre pour lequel vous demandez 12 millions de dollars, et pour lequel on vous suggère de couper le coût de presque la moitié ou même des deux tiers.

Avez-vous cette impression que, si vous aviez à faire la même demande pour un groupe francophone, ce serait plus facile que pour un groupe anglophone?

M. La France : Pour l'avoir vécu personnellement en tant que directeur d'une commission scolaire, ainsi qu'au ministère; que vous soyez francophone, anglophone ou autochtone ou peu importe, lorsque vous faites la demande pour des fonds pour quoi que ce soit, c'est inscrit dans un plan quinquennal. Ce même plan quinquennal se retrouve au ministère et les sous-ministres adjoints sont au courant. Ce plan quinquennal parle d'infrastructures sur cinq ans, dix ans et cetera. Chaque commission scolaire ou cégep doit mettre ses projets de l'avant. Je peux vous dire que certaines années ce sont les Autochtones qui ont obtenu davantage que les francophones. Et pour l'avoir vu de mes propres yeux, c'est vraiment un exercice que de dire quels projets seront privilégiés et approuvés.

J'essaie de faire la même chose avec le cégep St. Lawrence que ce qui a été fait avec le cégep Dawson, à Montréal, pour lequel il y a eu la construction d'un amphithéâtre avec la contribution tant du gouvernement fédéral que provincial.

Nous avons eu des discussions avec Patrimoine canadien au niveau du cégep St. Lawrence et les discussions sont entamées aussi avec le ministère de l'Enseignement supérieur, pour voir comment cela pourrait être inclus dans le plan quinquennal. Toutefois, je n'ai pas noté de favoritisme. C'est vraiment un plan quinquennal du ministère. Vous devez faire une demande concernant votre projet, vous devez compléter les formulaires requis et le ministère prend ensuite une décision.

Je ne dirai pas qu'il n'y a pas une certaine influence politique pour certains dossiers; je ne suis pas si naïf. Mais pour la plupart, l'étude du ministère est faite par des architectes et des ingénieurs. Ils procèdent à l'étude du projet et peuvent en retour demander à la commission scolaire des pièces justificatives s'il en manque.

J'ai eu connaissance de la construction d'au moins cinq écoles anglophones sur une période de dix ans alors que j'agissais à titre de directeur général de la commission scolaire. Je peux donc vous dire qu'il y a eu des infrastructures pour le milieu anglophone.

Le sénateur Champagne : Peut-on estimer quels seront les critères privilégiés pour ce plan quinquennal?

M. La France : C'est à chaque direction d'établir ses priorités. Je ne peux pas vous dire si au ministère de l'Enseignement supérieur le projet, dont vous parlez, sera au milieu ou en au haut de la liste. Je n'en ai aucune idée. Il est, toutefois, certain que la proposition sera étudiée et mise de l'avant. Je pourrais ajouter que le soutien du gouvernement fédéral ne peut pas nuire.

Le sénateur Champagne : Cela veut dire que si votre demande n'est pas approuvée dans le cadre de ce plan quinquennal, il y aura toujours une prochaine fois comme dans l'adage qui dit : « Vingt fois sur le métier remettez votre ouvrage. Polissez-le sans cesse et le repolissez. »

M. La France : Aussi, concernant le cégep St. Lawrence, il s'agit justement du genre de projet qui pourrait être approuvé à l'intérieur d'une entente Canada-Québec, car on parle d'un soutien pour la communauté anglophone et pour le Québec. Cela fait toujours partie de la discussion.

Le sénateur Champagne : Voilà un bon conseil. Merci.

La présidente : Nous passons maintenant à un deuxième tour de table et nous allons le débuter avec le sénateur Fraser.

[Traduction]

Le sénateur Fraser : Monsieur La France, je vais vous poser une série de questions de fait. Ceux qui viennent du Québec comprendront que certaines sont à saveur politique, mais j'aimerais que vous me donniez simplement les faits. Je ne vous demande pas d'avis politique.

Au Québec, qui a le droit de fréquenter les écoles de langue anglaise?

M. La France : Tous les étudiants, si le projet de loi 103 est adopté.

Le sénateur Fraser : Et pour l'instant?

M. La France : Tous les étudiants du Québec dont l'un des parents a réalisé la majorité de ses études en langue anglaise au Canada.

Le sénateur Fraser : La langue maternelle n'est pas un critère.

M. La France : Non, mais elle l'a déjà été. À une époque, il fallait toujours évaluer si les étudiants avaient été en immersion, puis on établissait des pourcentages. Les étudiants des écoles ontariennes qui assistaient à des cours en français plus de 50 p. 100 du temps n'étaient pas admissibles, même si la commission scolaire était anglophone. Ce n'est plus le cas aujourd'hui : il faut que la commission scolaire soit anglophone, peu importe la région au Canada, et que les études aient été réalisées majoritairement en anglais.

Le sénateur Fraser : Est-ce tout le système scolaire anglophone ou seulement les écoles primaires?

M. La France : Seulement le niveau primaire.

Le sénateur Fraser : J'aimerais connaître les pourcentages, mais aussi les tendances. Combien y a-t-il d'élèves dans les écoles du Québec, et quelle proportion fréquente les écoles anglophones? Avez-vous ce renseignement?

M. La France : Certainement. On parlait d'environ un million d'élèves, dont 10 p. 100 sont inscrits à des écoles anglophones. Aujourd'hui, cela se situerait davantage entre 12 et 13 p. 100.

Le sénateur Fraser : Que s'est-il passé?

M. La France : On observe une baisse de l'achalandage dans toutes les écoles. La dernière fois que j'ai vérifié, on parlait de 12 ou 13 p. 100.

Le sénateur Fraser : Ce sont des données plutôt récentes.

M. La France : N'empêche que la situation peut avoir changé depuis car cette année, les deux plus importantes commissions scolaires anglophones de l'île de Montréal subiront des pertes de l'ordre de 500 à 600 élèves dans un cas, et de 1 000 dans l'autre.

Le sénateur Fraser : Était-ce avant l'adoption du projet de loi 103?

M. La France : Je parle de cette année. Nous ne pourrons pas mettre la main sur les chiffres exacts avant le 30 septembre, mais nous savons que les deux plus grandes commissions scolaires de Montréal ont vu leur nombre d'élèves diminuer de façon constante. Du côté anglophone, une seule commission scolaire a connu une augmentation, et c'est la Commission scolaire Sir Wilfrid Laurier. Parmi les huit autres, seule la Commission scolaire Eastern Shores a enregistré une légère hausse, et il s'agit ici d'une commission scolaire comptant près de 1 100 élèves.

Le sénateur Fraser : En raison du vieillissement de la population, de moins en moins d'enfants et de jeunes fréquentent les établissements scolaires. Cependant, est-il juste de dire que la clientèle des écoles anglophones au Québec a connu une baisse plus marquée que celle des écoles francophones au cours des 20 dernières années?

M. La France : Les écoles francophones ont également vu leur nombre d'élèves diminuer.

Le sénateur Fraser : J'aimerais que vous me donniez la proportion. La baisse des inscriptions est-elle plus prononcée dans les écoles anglophones que francophones, ou est-elle comparable?

M. La France : C'est difficile à dire; tout dépend de l'angle sous lequel on se place. Si vous examinez la question dans les régions francophones, vous constaterez une diminution énorme du nombre d'écoliers à certains endroits, à un point tel qu'il est difficile de maintenir ouverte la dernière école du village. Vous devrez mener votre analyse.

Grâce aux ententes de partenariat, nous allons bientôt en savoir beaucoup plus, étant donné que les commissions scolaires ont cerné des secteurs précis. Elles doivent examiner le taux de réussite scolaire, et cetera.

L'analyse devrait donner des résultats particulièrement intéressants. Mises à part les commissions scolaires Sir Wilfrid Laurier et de la Seigneurie-des-Milles-Îles, rares sont celles qui ont enregistré une hausse du nombre d'inscriptions.

À mon avis, on ne peut faire fi du type de programmes que l'on retrouve dans les commissions scolaires. Par exemple, sur l'île de Montréal, on remarque que les établissements anglophones offrent un nombre croissant de programmes en français et d'immersion française, sans quoi les parents choisiront d'inscrire leurs enfants dans des établissements francophones. Il nous est impossible de connaître le nombre exact, puisque les parents doivent avoir fait la demande d'un certificat d'admissibilité. On se retrouve donc avec une panoplie de chiffres, et je me demande dans quelle mesure ils sont fiables. D'après mon expérience, ils sont passablement fiables, et les parents agissent ainsi afin que leurs enfants puissent demeurer dans la province.

Le sénateur Fraser : Bien sûr, n'importe quel parent peut comprendre.

Pourriez-vous faire parvenir au comité les chiffres les plus récents au sujet du nombre d'élèves?

M. La France : Avec plaisir. Mon assistante m'accompagne aujourd'hui, et je suis certain qu'elle va me le rappeler.

Le sénateur Fraser : On estime que le projet de loi 103 devrait avoir une incidence sur quelque 500 enfants par année. Est-ce que c'est réellement le chiffre sur lequel vous vous fondez?

M. La France : C'est l'information qu'on nous a donnée.

Le sénateur Fraser : Est-ce une estimation réelle ou une invention des journaux?

M. La France : Les commissions scolaires nous ont fourni les données.

Le sénateur Fraser : D'accord.

M. La France : Par contre, nous ne savons pas à quel point elles sont fiables.

Le sénateur Fraser : J'aimerais revenir sur la fameuse question du Collège Champlain, campus St. Lawrence où, non seulement l'auditorium, mais aussi le gymnase ne respectent pas les normes. Le ministère a-t-il établi des normes régissant les installations que devraient compter un cégep? Ces normes s'appliquent-elles? Si oui, comment? À votre avis, qu'est-ce qui arrive lorsque, pour quelque raison historique que ce soit, les installations d'un cégep ne sont pas conformes aux normes? A-t-on mis en œuvre des programmes particuliers pour améliorer la situation? Si oui, quelle est leur incidence sur la population anglophone? Je pense que vous savez où je veux en venir.

M. La France : Ce dont vous parlez, c'est assurément la façon dont la documentation est préparée pour que le ministère puisse se pencher sur la situation. Ce cégep n'a pas vu sa clientèle diminuer; à ce moment-là, on ne peut pas faire de prévisions. Un très grand nombre d'étudiants francophones se sont inscrits à cet établissement et, par conséquent, ces dernières années, le nombre d'étudiants a bondi. Cela fait partie des arguments qu'a invoqués le directeur dans la proposition qu'il a soumise au ministère, lorsqu'il compare son établissement à d'autres cégeps, et la demande des responsables d'Enseignement supérieur renferme une comparaison par rapport aux normes dont vous parlez.

Le sénateur Fraser : D'après ce que je comprends, le directeur examine la situation des autres établissements semblables et réclame les mêmes installations, n'est-ce pas?

M. La France : C'est exact. Sachez que ces normes existent.

Le sénateur Fraser : Vraiment?

M. La France : Absolument. Elles figurent dans le plan quinquennal. Comme je l'ai dit plus tôt, mon service et Patrimoine Canada ont tenu des discussions sur la possibilité d'appuyer ce projet dans un avenir rapproché. Je ne peux pas vous en dire plus pour l'instant.

Le sénateur Fraser : C'est très bien. Tout comme la présidente et d'autres membres du comité l'ont fait, je vous remercie d'avoir accepté de comparaître aujourd'hui. Ce n'est pas tous les jours qu'un comité parlementaire fédéral a l'occasion de rencontrer des représentants de ministères provinciaux, surtout un ministère aussi résolument provincial que l'éducation. Nous vous en sommes très reconnaissants.

M. La France : J'espère être encore ici un petit bout de temps.

Le sénateur Fraser : Je trouve que vous gérez la situation magnifiquement bien.

[Français]

La présidente : Sénateur Fortin-Duplessis, est-ce que vous voulez poser un une question supplémentaire ou une autre question?

Le sénateur Fortin-Duplessis : Une autre question.

La présidente : Nous allons donc passer au sénateur De Bané.

Le sénateur De Bané : Monsieur La France, est-ce que j'ai bien compris que dans la direction que vous dirigiez, qui compte une trentaine de personnes, deux de ces personnes, soit vous-même et une autre, sont de langue maternelle anglaise? Est-ce que c'est bien résumé?

M. La France : Je parlais au niveau des fonctionnaires.

Le sénateur De Bané : Oui, c'est cela.

M. La France : Si on parle au niveau des professionnels, dans la trentaine, je dirais peut-être que, à l'exception de trois ou quatre personnes, le reste de l'équipe est de langue maternelle anglaise, mais est bilingue et peut fonctionner en français aussi.

Le sénateur De Bané : Et quelle différence faites-vous entre professionnels et fonctionnaires?

M. La France : Ça dépend. Moi, je parlais de gestionnaires. Il y a deux gestionnaires. Comme sous-ministre adjoint, je suis aussi gestionnaire de deux directions et j'ai une gestionnaire qui s'occupe de la Direction de la production en langue anglaise (DPLA). En ce qui a trait à l'autre groupe, ce sont des professionnels qui ont une fonction qui touche des dossiers spécifiques qu'on leur attribue à chaque année.

Le sénateur De Bané : Donc, la direction que vous dirigez comprend deux grandes divisions : un groupe de professionnels et un groupe de fonctionnaires?

M. La France : Oui.

Le sénateur De Bané : C'est bien cela?

M. La France : C'est cela, oui.

Le sénateur De Bané : Et, est-ce que ces deux directions totalisent trente personnes?

M. La France : Oui.

Le sénateur De Bané : Les deux font trente?

M. La France : Oui.

Le sénateur De Bané : Dans le groupe de fonctionnaires, il y a deux personnes de langue maternelle anglaise. Et du côté des professionnels?

M. La France : Sur le reste de l'équipe, il y en a probablement cinq qui sont francophones, mais qui parlent anglais couramment, et le reste de l'équipe est anglophone. Mais la langue du ministère est le français, alors mon équipe doit fonctionner en français.

Le sénateur De Bané : Mais oui. Mais voyez-vous, nous sommes le Comité sénatorial sur les langues officielles. On a reçu récemment le commissaire aux langues officielles, M. Graham Fraser, qui nous disait que, évidemment, la majeure partie des effectifs de sa direction étant des francophones de langue maternelle française, et le défi est de s'assurer qu'on fonctionne dans les deux langues.

Je suis sûr qu'au Manitoba, en Ontario et au Nouveau-Brunswick, la plus grosse partie des effectifs des directions, qui s'occupent des écoles françaises, sont également de langue maternelle française. Est-ce que j'ai fait des études là- dessus? Non. Mais je suis prêt à parier qu'il en est ainsi.

Depuis une trentaine d'années, il me semble que le Québec a souvent dit qu'il voulait augmenter les effectifs de langue maternelle anglaise. Je sais que ce n'est évidemment pas votre direction, mais y aurait-il moyen de les amener à intégrer davantage de Québécois de langue anglaise?

Cela étant dit, je voudrais amener le sujet dont vous avez traité. Vous nous avez donné le tableau d'ensemble des transports en autobus des jeunes étudiants. Et vous avez dit que ce problème existe autant chez les étudiants francophones que chez les étudiants anglophones.

Auriez-vous une idée, monsieur La France, du nombre d'étudiants, dans cette province, toutes langues confondues — francophones, anglophones —, qui doivent faire trois heures d'autobus par jour pour aller à l'école?

M. La France : Honnêtement, je ne pourrais pas vous le dire.

Le sénateur De Bané : Qui dois-je consulter pour le savoir?

M. La France : Vous devriez probablement écrire à chacune des commissions scolaires, parce que ce sont eux qui auraient ces statistiques. Quand on regarde des commissions scolaires éloignées, ce qu'ils tentent de faire c'est de combiner les services de transport scolaire, parce que ce faisant, ils peuvent bénéficier d'un plus grand nombre d'autobus.

Vous voulez certainement parler de la Commission scolaire Central Québec. Monsieur Corriveau a probablement le plus grand territoire de la province à couvrir. C'est un territoire énorme et il doit transiger avec, si je ne me trompe pas, cinq commissions scolaires. Là-dessus, il y a des échanges et des représentations qui se font au ministère pour voir ce qu'on peut faire pour les soutenir.

Le sénateur De Bané : J'ai une dernière question, madame la présidente. Je vous remercie de l'information que vous nous avez donnée suite aux remarques des sénateurs Champagne et Fraser. Si je comprends bien, c'est au St. Lawrence College de préparer un dossier complet concernant l'auditorium, de l'envoyer aux autorités compétentes du ministère. Cela entrera alors dans le réseau et il y aura un dialogue qui s'établira entre le collège et les autorités du ministère. C'est la façon normale de procéder? C'est bien cela?

M. La France : Absolument. En parallèle, il y a des discussions qui vont avoir lieu avec Patrimoine canadien afin de voir s'ils peuvent nous apporter du soutien. Si vous avez une influence, cela nous aiderait.

Le sénateur De Bané : Absolument. Je vous remercie beaucoup de nous avoir expliqué le bon chemin et la façon de procéder pour que quelque chose puisse être compatible avec le processus administratif. Et, si nous pouvons faire quelque chose à Ottawa, ce sera notre rôle de le faire.

M. La France : Je peux vous dire que le processus est entamé avec Patrimoine canadien. Le processus avec l'enseignement supérieur est aussi entamé. On va voir la suite des choses, mais le processus ne sera pas fait à part. C'est carrément la façon dont cela fonctionne à l'intérieur du ministère.

Le sénateur De Bané : Monsieur La France, vos lumières nous sont très utiles. Je vous remercie beaucoup de cet échange.

M. La France : Cela m'a fait plaisir.

Le sénateur Fraser : C'est très intéressant qu'il y ait des négociations ou des discussions avec Patrimoine canadien. Mais s'il s'agissait d'un cégep francophone, est-ce qu'il faudrait également se tourner vers Patrimoine canadien pour avoir le financement pour un amphithéâtre ou un gymnase?

M. La France : Non et ils n'ont pas besoin de se tourner vers Patrimoine canadien non plus, mais cela peut donner une petite poussée. C'est tout ce que je veux dire. La demande va être dans le plan quinquennal comme toutes les demandes. Mais si on peut revenir d'un autre angle aussi à l'intérieur du ministère, c'est là-dessus que le processus est le même, mais cela aide toujours.

Le sénateur Fraser : Si on peut, on va aider. Merci.

Le sénateur Fortin-Duplessis : Monsieur le sous-ministre, quels sont les domaines où les besoins en matière de formation sont les plus élevés au niveau de l'éducation au Québec tant francophone qu'anglophone?

M. La France : Maths/sciences. Au niveau de mathématiques/sciences, c'est probablement les domaines dans lesquels nous éprouvons le plus grand besoin. Au niveau des universités aussi, on a eu des discussions avec les universités de formation des élèves. On est même au point, au Québec, où on doit engager des enseignants d'autres disciplines ou des enseignants d'ailleurs pour pouvoir combler les besoins qu'on a en enseignement des maths/sciences. Dans ce domaine, c'est vraiment une priorité.

Étant donné le niveau d'intégration des élèves avec des difficultés d'apprentissage, une autre priorité serait d'avoir la possibilité de donner à tous nos enseignants des stratégies pour travailler avec ces élèves qui sont en difficulté, ce qu'on appelle en anglais « the differentiated classroom, » être capable de travailler avec des enfants de différents niveaux.

Je n'hésite pas à dire que tous nos enfants ont des besoins spéciaux et que là-dessus, il faut qu'on identifie les élèves dans une seule classe. Il est important que nos enseignants aient les stratégies et les moyens possibles pour travailler dans ce genre de classe, parce que c'est vraiment la nouvelle classe.

On s'attend beaucoup d'un enseignant. On s'attend que l'enseignant fasse beaucoup plus qu'enseigner maintenant. Il faut qu'il soit sociologue, il faut qu'il soit psychologue. Dans certains cas, si on parle de la région du nord, l'enseignant doit aussi être capable de donner un soutien linguistique. On a des besoins en orthophonie à travers la province. Quand on regarde dans les communautés autochtones où la langue maternelle n'est ni le français ni l'anglais et qu'on n'a pas de gens formés pour les soutenir, je pense alors qu'il faut se centrer sur nos élèves en maternelle, première, deuxième années. Si on peut les rattraper très jeune, on a de la chance. Ce sont ces enseignants qu'il faut équiper.

À l'autre bout, maths/sciences, c'est carrément un besoin que j'ai au niveau de ma province.

Le sénateur Fortin-Duplessis : Et selon vous, est-ce que des études ou des campagnes de promotion sur les besoins en matière de formation seraient nécessaires?

M. La France : Je ne suis pas sûr de bien comprendre votre question.

Le sénateur Fortin-Duplessis : Pour essayer d'amener des étudiants vers certaines disciplines, qui seraient les plus importantes pour le futur, dans la province de Québec, est-ce que vous jugez que des études ou des campagnes de promotion seraient nécessaires afin de sensibiliser ces élèves?

M. La France : Vous avez absolument raison. On a besoin aussi d'avoir des campagnes pour convaincre les jeunes hommes d'aller en enseignement, surtout en enseignement du primaire. On a de la difficulté à avoir des garçons qui enseignent dans nos écoles primaires. Je peux vous dire que moi-même, je rencontre des élèves d'université quand j'ai l'occasion de le faire. C'est important de faire cette promotion. Mais tant qu'on ne fera pas dans le public la promotion et la valorisation de nos enseignants, on va toujours avoir de la difficulté. Pour moi, c'est une priorité. Tout le monde a été à l'école, tout le monde a une opinion, et à mon avis, il faut valoriser la fonction de l'enseignant.

Le sénateur Fortin-Duplessis : C'est peut-être la cause pour laquelle les étudiants masculins décrochent tellement. Maintenant, s'ils avaient des professeurs masculins, je crois que le décrochage serait peut-être moindre, parce qu'il y aurait quand même un homme à qui s'identifier.

M. La France : Je suis un de ceux qui croient qu'il faut avoir un équilibre, il faut avoir les deux. Et c'est important, surtout au primaire, qu'on ait cet équilibre au sein du personnel d'une école. On voit de plus en plus que cet équilibre n'existe pas.

Le sénateur Champagne : Vous parliez, monsieur La France, que vous avez des besoins, par exemple, en orthophonie. Vous nous dites que vous avez des lacunes en nombre de professeurs au niveau des maths et des sciences. Une matière, moi, qui m'intéresse toujours, c'est la langue écrite, que ce soit l'anglais ou le français. Il est vrai que l'apprentissage du français écrit est peut-être plus difficile. Est-ce que, à votre niveau, on porte attention à ce genre de problème? Parce qu'on se rend compte qu'on a des élèves qui sortent de cégeps francophones, et même de l'université, et qui ne savent pas écrire. Je me demande si le problème est similaire en anglais. Est-ce que c'est une maladie connue et courante ou est-ce qu'on peut corriger le tir?

M. La France : Je peux vous dire que les neuf commissions scolaires ont signé les conventions de partenariat avec la ministre. Il y a cinq catégories qui ont été identifiées. Une des catégories a été l'amélioration de la réussite scolaire, d'avoir un taux de réussite en moyenne de 80 p. 100 d'ici l'année 2020. Ce qui veut dire que toutes les commissions vont relever les taux de réussite.

En ce qui concerne l'enseignement de la langue et de la qualité de la langue, c'est une des priorités. Les commissions scolaires anglophones ont dit que pour nous, ce n'est pas juste la langue maternelle, ils ont décidé d'identifier les deux. Alors quand on parle des commissions scolaires francophones, c'est le français qui est leur priorité dans leurs conventions de partenariat. Les commissions scolaires anglophones ont dit que c'est le français et l'anglais et que l'on doit regarder la qualité de la langue entre les deux. Étant donné que ce sont des commissions anglophones, on parle de langue maternelle. Sur ce point, je peux vous dire que oui, c'est une priorité.

Les autres points, je peux vous les nommer rapidement : c'est au niveau de la formation professionnelle, on aimerait avoir plus d'élèves de moins de 20 ans, qui s'inscrivent en programme de formation professionnelle; un autre point, c'est celui du soutien aux élèves en difficultés d'apprentissage; et, finalement, c'est le programme Écoles en forme et en santé, et c'est carrément de mettre en place des programmes qui vont contrer la violence en milieu scolaire. Dans certaines régions, dans certains secteurs, ceci devient un problème, qui est de plus en plus un enjeu au niveau de la violence à l'école.

Quand on parle du Programme écoles en forme et en santé, c'est tout ce qui touche à la non-violence, s'assurer que nos enfants qui n'ont pas la chance d'avoir de bons repas puissent en avoir. Quand on parle de l'école en forme, on parle de la santé physique des Québécois et de s'assurer que l'école s'occupe de cela aussi.

Ce sont les cinq catégories. Je vous les ai nommées, et ce n'est pas un, deux, trois, quatre, cinq, c'est carrément les cinq. Les commissions scolaires doivent arriver à des propositions et des statistiques, qui vont faire la preuve qu'il y a eu de l'amélioration dans chacune de ces catégories.

Le sénateur Champagne : En-dehors de la grande région de Montréal, est-ce qu'il y a, dans vos écoles, des endroits où il y a concentration sports ou concentration musique? Est-ce que cela existe en-dehors du secteur de Montréal?

M. La France : Oui, on a des programmes de sports-études, arts-études, et on a de nouveaux programmes qui sont en train d'être mis sur pied. Au niveau d'arts-études et sports-études, oui, cela existe.

Le sénateur Champagne : La Montréalaise vous remercie de l'instruire.

Le sénateur Dawson : J'ai parlé tout à l'heure de l'effet pervers de la dévolution des régimes fédéraux, main-d'œuvre et immigration, vers la province. Et plus tôt, on a parlé de M. Corriveau et du problème de transport pour sa commission scolaire. Oui, ils ont probablement l'une des plus grandes commissions scolaires, mais c'est le résultat d'une décision qui a eu un effet pervers. C'était la Commission des écoles catholiques de Québec, les découvreurs, qui avaient la responsabilité de transporter les élèves dans le temps, dans les commissions scolaires dites « catholiques ».

Le jour où les gouvernements ont eu une entente et que le Parlement a accepté de modifier la constitution pour créer une commission scolaire « anglophone », ces gens se sont retrouvés avec un problème de transport. Je ne pense pas que l'intention était malicieuse. Mais l'effet pervers a fait que des élèves qui, auparavant, avaient un transport régional adéquat dans une heure, qui est déjà beaucoup, mais qui avaient une heure de transport entre l'école, que ce soit St. Patrick High School, ou une école élémentaire, ils se sont ramassés du jour au lendemain à faire une heure et demie en autobus parce qu'ils n'étaient plus membres de la régionale XYZ, ils devenaient membre d'une commission scolaire. Ce n'était pas une volonté de l'étudiant et encore moins des parents.

Je pense qu'il est important de voir si le ministère peut comprendre qu'il y a un coût. Le coût s'est ajouté au budget de transport de ces gens parce que ce n'était pas l'intention, ni du gouvernement du Québec et certainement pas du gouvernement canadien, de leur donner un handicap. Je ne sais pas si vous avez un commentaire à faire sur la notion de transport de cet effet pervers.

M. La France : Je ne connais pas le problème, alors je ne pourrais pas répondre intelligemment à cela. Toutefois, ce que je peux m'assurer, c'est de voir avec M. Corriveau si on peut rencontrer les instances à l'intérieur du ministère pour examiner le problème. Ce n'est pas un problème qui relève de ma direction, mais je peux m'assurer qu'on ait des discussions à ce sujet.

La présidente : Monsieur La France, s'il y a des informations que vous pouvez ou désirez partager avec le comité à cet effet, vous pourriez les faire parvenir à notre greffière?

M. La France : Certainement.

[Traduction]

Le sénateur Seidman : J'aimerais poser une question complémentaire afin de clarifier quelque chose au sujet des paiements de transfert. Certains sénateurs vous ont posé des questions très précises sur la façon de procéder, par souci de transparence. Je ne suis pas certaine d'avoir bien saisi, alors j'aimerais y revenir brièvement.

Dans un budget, chaque montant est indiqué, ligne par ligne. On sait exactement où va l'argent. En ce qui concerne les paiements de transfert, inscrit-on un seul gros montant ou est-ce que tout y est défini clairement? Pourriez-vous nous décrire un peu le fonctionnement?

M. La France : Absolument. Nous avons négocié le protocole relatif à cette entente. Toutefois, je ne peux pas parler pour les autres paiements de transfert, étant donné que cela ne relève pas de ma responsabilité. J'aimerais vous en dire davantage, mais je peux seulement parler de l'entente sur les langues. Dans ce cas-ci, les montants sont établis dans le protocole. Nous négocions un protocole que nous présentons aux ministres. Ensuite, le gouvernement fédéral nous fixe une fourchette, puis nous indique la taille de notre budget, et nous nous entendons sur la répartition de ce budget entre les provinces et les territoires. Le budget couvre une période de quatre ans. Nous discutons avec les provinces et les territoires, puis nous arrivons à une entente. Chacun des représentants retourne ensuite dans sa province ou son territoire. On s'entend sur la façon dont le financement sera divisé.

Une fois que tout cela est terminé, chaque province et territoire doit négocier ses ententes bilatérales, et c'est à ce moment-là que nous nous penchons sur la destination de leurs paiements de transfert. Au Québec, une somme est allouée précisément au ministère des Finances en raison du coût de l'éducation dans le secteur anglophone, coût qui s'élève probablement à plus de 700 ou 800 millions de dollars. Cela fait partie du soutien versé à cette fin.

À partir de là, mon secteur reçoit une certaine somme établie en fonction de consultations menées avec le milieu, puis un autre montant est alloué aux secteurs de l'enseignement primaire et secondaire pour l'adaptation de programmes ou toute autre adaptation dont le secteur anglophone a besoin. Je transfère une partie de l'argent au secteur de l'enseignement supérieur et aussi à des projets qui concernent précisément le secteur anglophone. Les projets sont approuvés au cas par cas. Je dois envoyer les états financiers au gouvernement fédéral chaque année; il les approuve, et nous recevons seulement les fonds une fois que nous avons montré ce que nous allons en faire.

Le sénateur Seidman : Votre réponse aide énormément. La somme globale va-t-elle aux finances?

M. La France : Non, une partie de la somme sert aux coûts de soutien et d'infrastructure relatifs au secteur anglophone. Je reçois l'autre partie et, à la suite de consultations menées au ministère et à l'externe, nous déterminons les priorités auxquelles on sent que nous devons travailler en ce qui concerne le secteur anglophone. J'établis quels projets nous allons financer et j'alloue de l'argent au secteur des communications afin qu'il crée des publications pour le secteur anglophone, lorsque la politique linguistique le permet.

Le soutien du Collège St. Lawrence relève de l'enseignement supérieur. Pour les exigences d'un projet de ce genre, chaque année, nous nous adressons à nouveau au gouvernement fédéral dans le but d'obtenir des fonds complémentaires, pour montrer les nouveaux projets que nous proposons ou nos suggestions.

Par le passé, les fonds complémentaires ont servi à financer, par exemple, l'auditorium du Collège Dawson et les « Community Learning Centres », les centres d'apprentissage communautaires. Il y en a maintenant 22 un peu partout dans la province. Voilà des exemples de financement complémentaire.

Le sénateur Seidman : Y a-t-il une somme globale mise de côté pour les communautés minoritaires de langue anglaise?

M. La France : Oui.

Le sénateur Seidman : Une somme globale provient des paiements de transfert.

M. La France : Oui. Je ne veux pas me tromper, mais nous désignerons probablement 120 projets précis. Il pourrait s'agir d'une campagne de publicité qui soutient l'éducation de langue anglaise; il pourrait s'agir d'appui. Toutes les commissions scolaires anglophones ont dû signer des ententes de partenariat selon lesquelles elles doivent prendre en considération la possibilité d'offrir de l'aide. Il pourrait s'agir de soutien additionnel requis par les CLC, les Community Learning Centres, ou par quoi que ce soit; nous examinerons la question. Il pourrait y avoir des professionnels dans mon secteur. Deux ou trois projets portent sur des échanges entre les écoles francophones et anglophones. Il y a une liste de projets précis et il y a aussi des projets généraux au moyen desquels les manuels sont traduits.

La présidente : J'ai une question complémentaire à celle du sénateur Seidman au sujet des projets que vous acceptez suivant l'entente. Si l'entente signée dure quatre ans, acceptez-vous des projets qui dureront plus d'un an ou faut-il redemander des fonds chaque année?

M. La France : De façon générale, je dirais que la réponse est oui. Le seul problème en ce qui a trait à l'entente actuelle, c'est qu'elle a été signée le 30 mars dernier. Dans le cadre de celle-là, j'hésitais un peu à accepter des projets de quatre ans sans savoir si elle serait signée.

Nous avons travaillé pendant un an et nous étudions actuellement certains des projets que nous poursuivrons sur quatre ans. Normalement, nous examinerions le processus de quatre ans et nous déterminerions si les projets que nous voulons entreprendre se dérouleront sur quatre ans.

Un projet me vient à l'esprit. Je veux le mentionner parce qu'il fait partie de notre mission. Au printemps, nous organisons des symposiums avec tous les enseignants des programmes de sciences et de mathématiques. Vers la fin du mois de juin, nous réunissons tous les enseignants anglophones de sciences et de mathématiques qui souhaitent participer. Nous examinons les programmes, le matériel disponible, et cetera. Ce projet s'échelonne sur trois ans. Les projets ne sont pas toujours de quatre ans, mais nous tentons de prendre des décisions en ce sens.

La difficulté, c'est de choisir des programmes qui touchent la majorité des gens. Il s'agit d'une entente de quatre ans, et je peux vous montrer le nombre de demandes que je reçois. Nous devons tenter de trouver des moyens de soutenir les structures en place dans le secteur anglophone. Voilà sur quoi nous fondons nos décisions relatives aux projets : au montant d'appui fourni. Lorsque je rencontre les directeurs généraux, je leur demande : « Êtes-vous tous d'accord, les neuf? Sinon, nous devrions peut-être nous tourner vers autre chose. »

Ce sont là certaines des façons dont j'essaie de procéder, car il faut éviter les projets ponctuels, qui ne se répètent pas et n'offrent pas de soutien.

La présidente : Prenez-vous en considération les conséquences du projet sur la collectivité?

M. La France : Absolument.

La présidente : Merci.

Le sénateur Fraser : Contrairement à ce qu'il peut vous sembler, nous n'allons pas vous retenir le reste de votre vie.

Pouvez-vous nous en dire plus au sujet des centres d'apprentissage communautaires, des CLC? Je crois que vous avez mentionné la Commission scolaire English-Montréal et une autre pendant votre déclaration. Vous avez parlé de celles-là et d'autres commissions scolaires qui ont fait leur apparition plus tard. À mon avis, il y a peut-être là une clé du développement communautaire.

M. La France : Il y a 22 CLC dans les 10 commissions scolaires. J'ai dit dix, mais en fait, il y a seulement neuf commissions scolaires de langue anglaise. La Commission scolaire du Littoral compte 13 écoles, dont 9 sont anglophones. Nous soutenons donc les CLC pour la Commission scolaire du Littoral.

C'est mon prédécesseur, Noel Burke, qui a mis sur pied les CLC. Le projet visait à permettre à chaque commission scolaire et à chaque école d'examiner la façon dont elle fournirait des services et dont elle emploierait les ressources existantes de la collectivité. Au départ, l'idée était de se servir de l'école après les heures de classe. Or, deux choses se sont produites avec les fonds que nous avons envoyés. D'abord, les écoles devaient être dotées de l'équipement nécessaire pour que les CLC puissent communiquer entre eux par vidéoconférence, ce qui rendait possible, notamment, d'offrir de la formation aux enseignants. Les centres sont ensuite devenus accessibles dans certaines collectivités et dans des collectivités éloignées, où le CLSC a déclaré que le programme était avantageux et qu'il pouvait maintenant y avoir recours pour renseigner les parents au sujet des soins de santé et autres.

Nous n'avons pas adopté une approche « à taille unique » dans le cadre de ce projet. Nous avons déclaré : « Nous allons vous fournir l'argent nécessaire pour embaucher un coordonnateur. Vous aurez un centre de vidéoconférence, et nous aurons une équipe centrale qui voyagera partout dans la province, qui travaillera à l'établissement de votre CLC et qui mettra tout par écrit. » Il existe un document — un classeur à trois anneaux très épais — qui porte sur les CLC et sur les façons dont ils diffèrent dans leur fonctionnement d'une collectivité à l'autre. Le centre se sert peut-être de l'école après les heures de classe. Il offre peut-être un programme de vaccination pour les nourrissons. Il sert peut-être à la Ligue La Leche. Il peut faire n'importe quoi. Nous n'avons pas imposé de limites. Nous avons dit : « Vous pouvez utiliser le CLC. » Puis, nous avons engagé un coordonnateur, dont la tâche est d'organiser les activités en collaboration avec l'école.

Sans que vous puissiez en visiter un, je dois vous dire qu'il n'y en a pas deux pareils; les 22 sont différents.

Le sénateur Fraser : C'est là l'aspect essentiel, qu'ils soient dans la communauté.

M. La France : Ils sont centrés sur la communauté. Ils servent à la faire participer et à l'introduire dans les écoles. Les anglophones du Québec ont toujours jugé que la communauté est importante.

Le sénateur Fraser : Et les écoles.

M. La France : C'est lié aux écoles. Notre plus grande préoccupation, c'est qu'il y ait de la distance. Nous avons de la difficulté à parler d'écoles communautaires dans le secteur anglophone en ce moment, et les CLC tentent en quelque sorte de faire ressortir cet aspect.

Le sénateur Fraser : S'agit-il d'un projet coûteux? On dirait que non.

M. La France : La mise de fonds initiale est probablement de 100 000 $ par centre communautaire. Par la suite, il faut payer le salaire annuel du coordonnateur. Pour le reste, c'est la commission scolaire qui doit investir dans le projet. Nous avons établi un programme de diminution du financement sur une période de cinq ans afin que les centres deviennent autonomes. Initialement, la période était de trois ans, après quoi on n'accordait plus de fonds. Or, nous avons effectué une analyse et nous avons découvert qu'ils ne pouvaient pas y arriver en trois ans; nous avons donc prolongé la période jusqu'à cinq ans. Au cours de la sixième année, le financement diminue, et il diminue à nouveau au cours de la septième. Je reçois maintenant des demandes de passer à la prochaine étape. J'ai des demandes qui visent l'ouverture de 15 nouveaux centres. En ce moment, je n'ai pas les fonds nécessaires, mais nous examinons la question.

Le sénateur Fraser : Donc le programme fonctionne?

M. La France : Il fonctionne — pas dans 100 p. 100 des cas, mais presque. Nous le considérons comme une réussite.

La présidente : C'est bien. Le comité visitera un CLC jeudi, à Saint-Robert.

M. La France : Notre coordonnatrice sera probablement présente. S'il y a quelqu'un qui peut vous parler des CLC — elle est là depuis le premier jour. Depuis le début, elle pilote le projet de main de maître.

Le sénateur Fortin-Duplessis : Pouvez-vous partager avec nous des histoires de réussite du secteur de l'éducation? Nous allons finir sur une note positive.

M. La France : Vous avez combien de temps?

Je pense que les CLC sont certainement une histoire de réussite dans notre secteur. Les manuels et les salles de classe dont on dispose aussi. De plus, nos parents croient en la nécessité de la formation professionnelle et c'est là, je pense, un aspect auquel nos commissions scolaires ont travaillé très fort.

Je pense qu'au fil des ans, le terme « réforme » est devenu quelque peu péjoratif dans la province. Or, pour ce qui est du secteur anglophone, particulièrement en ce qui concerne l'école élémentaire, la réforme a été une réussite.

Lorsque l'on examine la façon dont on travaille avec les élèves, la réforme se penche sur la différenciation de l'instruction et sur l'augmentation des possibilités offertes à nos élèves. Selon moi, il s'agit là d'une réussite. Il reste à voir ce que le public pensera, mais je crois qu'il existe là de vraies possibilités.

À mon avis, l'une des plus grandes histoires de réussite — et j'espère que les gens qui le constateront penseront la même chose —, c'est que nous sommes assez peu nombreux, dans notre collectivité, pour pouvoir nous réunir et discuter. Lorsqu'il est possible de parler à neuf commissions scolaires en même temps et dans la même salle, de se pencher sur leur avis, pour moi, c'est une réussite parce que je peux dire à un ministre ce que le réseau que je représente pense. Ce que j'ai à dire peut ne pas leur plaire, mais dans la plupart des cas, il est possible de procéder de cette façon. C'est important, selon moi. Le fait de pouvoir procéder ainsi a une valeur fondamentale.

Aussi, je pense que je dois mentionner le taux de réussite des élèves du secteur anglophone parce qu'il est ce qu'il est. Il y a encore beaucoup de chemin à faire — en fait, je ne devrais pas dire « beaucoup », car 20 p. 100, c'est mieux que ce qui se passe dans d'autres secteurs. Toutefois, nous devons examiner le dossier. Nous devons nous concentrer à nouveau sur les mathématiques et sur les sciences, ainsi que sur l'exode des cerveaux qui se produit dans notre province. Nous devons nous pencher là-dessus.

En outre, bon nombre des élèves qui sortent de nos écoles sont bilingues. Je crois que ce fait en dit long.

[Français]

Le sénateur Dawson : J'aimerais faire un petit commentaire et, en même temps, poser une question. On espère que dans deux ans, quand il va revenir nous voir, le « success story » sera l'auditorium du Cégep St. Lawrence.

La présidente : Sur ce, monsieur La France, je tiens à vous exprimer notre reconnaissance. Vous avez été quelques heures avec nous et vous avez su répondre avec beaucoup de doigté et d'honnêteté aux questions posées par mes collègues. C'est très apprécié. Vous aurez beaucoup contribué à éclaircir certaines de nos questions.

De la part de tous les membres du comité, je tiens à vous remercier et à vous souhaiter bon succès lorsque vous retournerez à votre travail cet après-midi. Merci beaucoup, monsieur La France.

M. La France : C'est moi qui vous remercie, cela m'a fait plaisir.

[Traduction]

La présidente : Pour ceux et celles qui n'ont pas eu l'occasion de visiter le Centre Morrin hier, M. Jacobs a offert de donner une courte visite guidée après la séance.

Nous sommes maintenant libres jusqu'à 13 heures.

(Le comité suspend ses travaux jusqu'à 13 h 10.)


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