Aller au contenu
 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
Langues officielles

Fascicule 8 - Témoignages du 16 septembre 2010


SHERBROOKE, le jeudi 16 septembre 2010

Le Comité sénatorial permanent des langues officielles se réunit aujourd'hui, à 9 h 6, pour étudier l'application de la Loi sur les langues officielles ainsi que des règlements et instructions en découlant (Sujet : les communautés anglophones du Québec).

Le sénateur Maria Chaput (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente : Honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Comité sénatorial permanent des langues officielles.

Je vais d'abord mentionner que vous pouvez écouter l'interprétation à l'aide d'écouteurs que vous trouverez à l'arrière de la salle. Vous pouvez entendre l'interprétation en français au canal 1 et l'interprétation en anglais au canal 2, et vous pouvez écouter la langue d'origine au canal 4.

Je suis le sénateur Chaput, du Manitoba, et je suis la présidente du comité. Je suis accompagnée ce matin, pour cette deuxième journée d'audiences à Sherbrooke, de plusieurs collègues, qui sont membres du comité et que j'invite à se présenter.

[Français]

Le sénateur Fortin-Duplessis : Je suis le sénateur Suzanne Fortin-Duplessis. J'habite à Québec dans l'arrondissement de Sainte-Foy-Sillery-Cap-Rouge, où est sise l'Université Laval, avec laquelle j'ai eu des liens très étroits tout au long de ma carrière, puisque j'ai été également députée pendant neuf ans dans le comté de Louis-Hébert, qui inclut Sainte- Foy, Sillery et Cap-Rouge.

[Traduction]

Le sénateur Seidman : Bonjour. Je m'appelle Judith Seidman; je suis un sénateur du Québec. Je suis une anglophone de Montréal, alors je suis particulièrement ravie d'assister à ces audiences. Hier après-midi, j'ai dit qu'il s'agissait pour moi d'une expérience un peu cathartique, et j'ai donc hâte de vous entendre.

Le sénateur Fraser : Je m'appelle Joan Fraser et je suis moi aussi une anglophone de Montréal. Cela fait 12 ans que je siège au Sénat. Avant d'être nommée sénateur, j'étais journaliste à Montréal et je dois dire que, pendant un bon nombre d'années, à diverses périodes, M. Goldbloom et moi avons travaillé ensemble, mais je ne crois pas que cela aura une incidence sur les délibérations d'aujourd'hui, madame la présidente.

Le sénateur De Bané : Je suis Pierre De Bané. Je suis un sénateur du Québec. Avant d'être nommé à la Chambre haute, j'étais député à la Chambre des communes. Je suis d'avis que nous sommes choyés de vivre dans un pays où les deux langues officielles comptent parmi les plus importantes en Occident. Elles sont parlées sur les cinq continents, et je n'arrive pas à comprendre pourquoi un grand nombre de nos compatriotes ne se rendent pas compte que le fait d'avoir ces deux langues constitue un atout extraordinaire.

La présidente : Je tiens à souhaiter la bienvenue aux représentants de l'Université Bishop's, c'est-à-dire Michael Goldbloom, principal et vice-chancelier; Michael Childs, vice-principal académique; Catherine Beauchamp, doyenne, faculté d'éducation; et Victoria Meikle, secrétaire générale et vice-principale aux relations avec les gouvernements et à la planification.

Permettez-moi d'abord de vous dire que c'est un grand plaisir pour nous de tenir des audiences publiques au sein de votre université. C'est un endroit magnifique et tout à fait approprié puisque nous étudions les communautés anglophones du Québec. Le comité vous remercie d'avoir accepté son invitation à comparaître devant lui aujourd'hui. Je vous invite à faire un exposé d'environ cinq minutes, après quoi les membres du comité vous poseront des questions.

Honorables collègues, je vous rappelle que cette séance se termine à 10 heures environ.

Monsieur Goldbloom, la parole est à vous.

[Français]

Michael Goldbloom, principal et vice-chancelier, Université Bishop's : Madame la présidente, nous sommes très heureux de vous accueillir dans notre université aujourd'hui. Comme vous avez déjà présenté mes collègues, je vais passer directement au texte.

[Traduction]

Nous allons d'abord dresser un portrait de notre université. L'Université Bishop's a été fondée en 1843 dans le but d'offrir principalement des programmes de premier cycle, avec résidence, dans des domaines de culture générale. Bishop's est l'une des plus vieilles universités québécoises. Elle est la seule université au Québec et l'une des rares au Canada à se concentrer sur des programmes de premier cycle, mais il existe aux États-Unis de nombreuses institutions de premier cycle bien connues et jouissant d'une bonne réputation. Vous en connaissez sûrement quelques-unes, notamment Amherst, Middlebury, Swarthmore, Williams et bien d'autres.

À l'Université Bishop's, nous préparons des jeunes de partout au Canada et du monde entier à assumer leur rôle dans la société en tant que professionnels et citoyens.

Essentiellement, le modèle d'éducation de l'Université Bishop's consiste à rassembler des étudiants brillants issus de divers milieux et d'excellents professeurs afin qu'ils puissent apprendre les uns des autres dans différents cadres, tant officiels qu'informels, soit en classe ou ailleurs.

Nos programmes sont conçus de façon à faire connaître aux étudiants des notions fondamentales dans une vaste gamme de disciplines et à créer des situations dans lesquelles ces notions doivent être soutenues et peuvent être approfondies.

[Français]

Parmi nos 2 000 étudiants, 44 p. 100 sont des Québécois, moitié francophone, moitié anglophone; 43 p. 100 sont originaires du reste du Canada et 13 p. 100 sont des étudiants internationaux.

[Traduction]

Je suis ravi d'annoncer qu'après avoir traversé une période difficile, l'Université Bishop's est revenue sur la bonne voie. Pour l'année scolaire 2010-2011, nous accueillons 2 000 étudiants, parmi lesquels on compte le plus grand nombre d'étudiants en première année de toute notre histoire.

Nous avons aussi élaboré une stratégie en matière de recherche axée sur quatre thèmes, sur lesquels travailleront la plupart de nos chercheurs et universitaires. Il s'agit de l'astrophysique et la cosmologie; la construction des différences sociales et culturelles, y compris la façon dont les différences construites sont bousculées et transcendées; les changements climatiques et environnementaux multi-échelles; et enfin, la santé et le bien-être psychologiques.

Nous avons dressé un plan pour atteindre l'équilibre budgétaire en 2012-2013, ce qui nous permettra de commencer à combler le déficit accumulé.

Au cours de la dernière année, nous avons revu tous nos textes réglementaires et nous avons restructuré notre conseil d'administration. Tout en respectant les contraintes imposées par notre plan financier, nous avons recruté d'excellents administrateurs afin de détenir toute l'expertise dont nous avons besoin pour gérer l'université. Nous avons un projet ambitieux qui est celui d'installer un système de chauffage et de climatisation géothermique, ce qui nous permettra de réduire notre consommation d'énergie de 62 p. 100 et, par conséquent, de diminuer notre empreinte carbone et les coûts de l'énergie.

Enfin, pour ce qui est de notre réputation, je peux vous dire que l'Université Bishop's a été la seule parmi 52 universités canadiennes à occuper un des six premiers rangs dans chacune des cinq catégories d'indicateurs que comporte le National Survey of Student Engagement, une enquête menée auprès d'étudiants en dernière année. Bishop's arrive en tête de toutes les universités au Canada pour ce qui est d'offrir un milieu créant des conditions favorables. Notre université est arrivée au second rang en ce qui a trait à la relation entre les étudiants et les professeurs. Elle s'est aussi classée deuxième relativement à l'apprentissage actif et coopératif et sixième pour ce qui est d'offrir un enseignement stimulant et une expérience d'apprentissage enrichissante.

Nous sommes particulièrement fiers que Bishop's se soit classée première parmi toutes les universités canadiennes, car 91 p. 100 de nos étudiants ont répondu oui à la question suivante : Si vous deviez recommencer, choisiriez-vous la même institution?

Comme je l'ai dit, Bishop's est une université axée sur la formation de culture générale qui attire des étudiants de partout au Canada et du monde entier. Nous offrons d'excellents programmes en administration des affaires et en éducation et nous sommes la seule université québécoise située à l'extérieur de Montréal où l'enseignement, la gestion et les activités quotidiennes s'effectuent en anglais.

Nous entretenons des liens privilégiés avec d'autres institutions des Cantons-de-l'Est et nous entretenons également des rapports avec des communautés anglophones ailleurs au Québec.

Un certain nombre de projets de recherche menés dans nos domaines stratégiques portent sur des régions en particulier. Par exemple, conjointement avec l'Université de Sherbrooke, nous menons actuellement une étude sur l'accès aux soins de santé chez la petite et de plus en plus vieillissante population anglophone des Cantons-de-l'Est. Le Centre de recherche des Cantons-de-l'Est, affilié à notre université, assure la préservation des documents historiques concernant la communauté anglophone de la région.

[Français]

Les citoyens de Sherbrooke sont très fiers du fait que leur ville offre la possibilité aux jeunes de poursuivre leurs études, depuis la maternelle jusqu'à l'université, en français ainsi qu'en anglais.

[Traduction]

L'Université Bishop's est en train de mettre sur pied un centre d'apprentissage innovateur qui répondra aux besoins de notre université et de la communauté anglophone d'une manière intégrée et qui nous permettra d'obtenir du soutien auprès de diverses sources.

Le centre d'apprentissage nous permettra de répondre à trois grands besoins. Premièrement, nous pourrons améliorer les services offerts aux étudiants de l'université en rassemblant, sous un même toit, diverses ressources en matière de soutien aux études; deuxièmement, nous pourrons répondre aux besoins des étudiants et des collectivités de la région sur le plan de l'accès à un plus grand nombre de ressources documentaires; et enfin, nous pourrons ainsi atteindre les communautés anglophones de la région et de régions éloignées puisque nous disposerons de dispositifs de communication de haute qualité, ce qui constitue un élément sur lequel vous devriez vous pencher.

S'agissant de notre faculté d'éducation, sa mission est de former des professeurs et des administrateurs d'écoles pour les commissions scolaires anglophones du Québec, particulièrement celles situées à l'extérieur de Montréal.

Plus de la moitié des étudiants inscrits à la faculté d'éducation proviennent du Québec, et chaque année, plus de 250 diplômés du premier cycle obtiennent un poste au sein d'une des neuf commissions scolaires anglophones que compte le Québec. La majorité de nos étudiants en éducation trouvent un emploi au Québec dès l'obtention de leur diplôme.

La faculté d'éducation de l'Université Bishop's offre divers programmes de maîtrise adaptés aux obligations professionnelles des professeurs et administrateurs d'écoles qui travaillent au sein des commissions scolaires anglophones. Ces programmes comportent une concentration en leadership, une qualité que doivent posséder les futurs administrateurs des écoles anglophones du Québec.

L'Université Bishop's contribue de diverses façons à la vitalité de la minorité anglophone du Québec, principalement en continuant d'offrir une éducation de très grande qualité aux excellents étudiants qui choisissent d'étudier chez elle.

Nous allons aborder plusieurs aspects concernant le soutien accordé par le gouvernement fédéral à notre université. La majeure partie du soutien qu'obtiennent les universités provient du gouvernement du Canada, comme vous le savez, et l'Université Bishop's, entre autres, en bénéficie grandement.

Il existe plusieurs manières dont le gouvernement fédéral peut à notre avis offrir un appui supplémentaire à notre université. Premièrement, il y a les coûts indirects liés à la recherche. En assumant ces coûts, le gouvernement fédéral éviterait aux universités d'avoir à trouver du financement pour les couvrir.

Deuxièmement, pour prospérer au cours des prochaines décennies, les universités canadiennes devront attirer un nombre grandissant d'étudiants brillants de premier cycle de partout dans le monde. Pour réussir à les attirer, des représentants des universités doivent se rendre dans les collectivités où se trouvent les étudiants qu'ils souhaitent recruter. L'aide du gouvernement fédéral pour le recrutement d'étudiants étrangers aiderait grandement les petites universités et permettrait en même temps d'attirer au Canada davantage d'étudiants étrangers.

En appuyant les étudiants canadiens qui n'ont pas les moyens d'assumer les coûts associés à un séjour d'un an ou d'un semestre à l'étranger, on pourrait ainsi accroître le nombre de jeunes Canadiens pouvant vivre l'expérience d'un séjour à l'étranger durant leurs études. Cette expérience deviendra de plus en plus importante pour les étudiants s'ils souhaitent devenir des professionnels et des dirigeants efficaces dans notre société.

Quant à la mobilité des étudiants au sein du Canada, il faut penser que pour les étudiants issus de milieux modestes, la décision de s'inscrire à une université située près de chez eux plutôt que dans une autre province peut être fondée en majeure partie sur le coût que représentent les déplacements entre leur région d'origine et celle où se trouve l'université d'une autre province. En fournissant une aide financière pour les déplacements aux étudiants qui fréquentent une université dans une province autre que la leur, le gouvernement fédéral contribuera à renforcer les liens entre les membres de communautés linguistiques minoritaires et ceux de communautés majoritaires et à accroître la vitalité des communautés minoritaires.

Par ailleurs, le soutien du gouvernement fédéral à l'égard de la formation en langue seconde accroîtra notre capacité d'attirer et de retenir des professeurs et des administrateurs de grand talent en facilitant leur intégration et celle de leurs familles dans nos communautés linguistiques minoritaires.

Grâce à l'aide du gouvernement fédéral pour l'achat et l'utilisation de dispositifs de communication de haute qualité, nous serions mieux à même de maintenir les liens qui existent entre les communautés linguistiques minoritaires et d'appuyer plus efficacement les programmes offerts aux communautés anglophones du Québec. Nous pourrions aussi plus facilement obtenir la participation d'anciens étudiants et d'amis d'autres villes, provinces et même pays au sein de nos conseils d'administration et autres structures de gouvernance.

En terminant, permettez-moi de dire que la présence d'institutions solides et prospères est essentielle à la vitalité des communautés linguistiques minoritaires. C'est en étant une des meilleures universités au Canada et ailleurs qui offre d'excellents programmes dans des domaines de culture générale aux étudiants de premier cycle que l'Université Bishop's apporte sa plus importante contribution. Au cours des deux dernières années, nous avons connu un certain nombre de réussites qui nous encouragent à voir grand. Les liens privilégiés que nous entretenons avec les communautés anglophones du Québec et la responsabilité particulière que nous avons à leur égard se manifestent très clairement dans le rôle que joue notre faculté d'éducation relativement à la formation de professeurs et d'administrateurs d'écoles pour les écoles anglophones de la province.

Étant donné ses relations avec d'autres organismes communautaires, notre centre d'apprentissage nous permettra de jouer un rôle similaire pour la population de l'ensemble de la province.

Voilà un bref aperçu de l'Université Bishop's.

[Français]

Je vous remercie de votre attention; mes collègues et moi seront heureux de répondre à vos questions.

Le sénateur Fortin-Duplessis : En tout premier lieu, j'aimerais vous dire que la renommée de votre université a franchi vos portes. Même avant de venir ici, on savait à quel point vous étiez performant, et j'ai vu que, pour vous, l'excellence était le but que vous visiez. Ce matin, dans le Globe & Mail, j'ai également vu que le rang des universités canadiennes, par rapport aux autres universités ailleurs dans le monde, est vraiment très élevé. C'était plaisant de lire, ce matin, que les universités canadiennes sont performantes.

J'ai toujours été vraiment près de l'Université Laval, mon université, et je trouve que la recherche est une chose tellement importante dans tous les domaines. Comment qualifieriez-vous l'avancement de la recherche des communautés anglophones du Québec?

M. Goldbloom : Je vais passer la parole à notre vice-principal académique, M. Childs.

Michael Childs, vice-principal académique, Université Bishop's : Je peux dire d'abord, qu'il y a une reconnaissance du fait que la recherche visant la population anglophone minoritaire du Québec n'est pas à la hauteur, à ce jour, des problèmes et des situations. Je pense que les universités anglophones du Québec — et toutes les universités du Québec, peut-on dire — ont un rôle à jouer pour redresser cette situation. C'est probablement encore plus vrai si on parle des communautés anglophones éparpillées un peu partout dans la province. À l'Université Bishop's, nous avons fait des recherches sur la population de l'Estrie. Nous avons, depuis 30 ans, un centre de recherche dans les Cantons-de-l'Est qui publie un journal présentant des recherches sur les différents aspects des communautés anglophones, leur histoire, leur situation sociale, économique et ce genre de choses.

Notre nouveau groupe de recherche a déjà amorcé quelques projets intéressants sur les problèmes spécifiques de la population anglophone. Par exemple, deux de nos professeurs en psychologie ont mené une étude sur l'accès aux soins en santé mentale dans la population, et on est en train de commencer un projet beaucoup plus grand en conjonction avec l'Université de Sherbrooke sur l'accès au système de santé plus largement.

Cela dit, comme je l'ai expliqué plus tôt, il reste beaucoup à faire, et une de nos ambitions serait d'axer nos centres et groupes de recherche, pas tout le temps mais spécifiquement, sur les questions régionales et les questions concernant la population anglophone.

Le sénateur Fortin-Duplessis : Hier, nous avons rencontré des groupes, et parmi eux, une dame nous a lu un mémoire concernant la santé mentale. Vous avez mentionné ce sujet aussi. Est-ce qu'il y a, dans votre université, d'autres secteurs qui ont des besoins plus pressants en matière de recherche? Vous dirigez la recherche dans différents domaines, mais y en a-t-il qui sont plus pressants? Vous avez identifié les maladies mentales, et d'après la dame qui nous a présenté son mémoire, c'est quelque chose d'urgent. Il doit y avoir d'autres domaines, n'est-ce pas?

M. Childs : Comme je l'ai dit, la santé, de façon plus globale, est, à mon avis, une question qui concerne de près la population anglophone, notamment l'accès aux services sociaux et aux services de santé dans leur langue.

Je peux dire que, probablement, la question de l'accès à l'éducation après les années d'université, pour une population qui est éparpillée partout dans la région en petits groupes, est une question très difficile et il doit y avoir des recherches sur cela certainement.

Le sénateur Fortin-Duplessis : Avez-vous quelque chose à ajouter, monsieur Goldbloom?

M. Goldbloom : D'une façon générale, il y a du chemin à faire, à mon avis, pour avoir une connaissance profonde de la réalité de la communauté d'expression anglaise au Québec. Il y a eu des efforts. Je sais que le commissaire aux langues officielles a commencé à faire des études sur différentes communautés. Il y a un centre de recherche à Concordia, et nous avons notre centre ici. Il y a donc des bases sur lesquelles on peut construire quelque chose, mais je crois que la réalité de cette communauté, qui a vécu des changements énormes depuis 30, 40 ans, n'est pas aussi bien comprise et communiquée.

Il y aura donc un centre de recherche sur la communauté anglophone du Québec quelque part, que ce soit peut-être dans une université ou avec une collaboration entre plusieurs universités. Je considérerais cela comme très important. Il y a beaucoup de questions dont je ne connais pas les réponses. Les réponses sont probablement connues, mais quel pourcentage de nos étudiants éligibles à l'école anglophone sont à l'école française? Combien de nos étudiants bilingues choisissent quand même de quitter le Québec? Et si oui, pourquoi? Il y a toute une gamme de questions.

Je pense que les Townshippers vous ont présenté le profil des gens de l'Estrie. Il serait positif à long terme d'avoir un centre bien financé pour favoriser l'évolution de cette communauté.

Le sénateur Fortin-Duplessis : Je vous remercie. J'aurai peut-être d'autres questions plus tard.

[Traduction]

Le sénateur Fraser : Merci. Parmi vos étudiants, 91 p. 100 disent que si c'était à refaire, ils poursuivraient à nouveau leurs études à l'Université Bishop's. Je vous félicite de cette performance remarquable, surtout quand on sait que les étudiants se révoltent habituellement contre l'établissement d'enseignement auquel ils sont associés; c'est assez incroyable.

Tout cela est très intéressant, mais je me demandais si vous pourriez nous parler davantage de deux ou trois points. Tout d'abord, l'un des quatre sujets faisant partie de votre stratégie de recherche m'a semblé potentiellement intéressant pour les travaux du comité. Il s'agit de la construction des différences sociales et culturelles, ainsi que la manière dont elles sont remises en question et surpassées.

Jusqu'à maintenant, ces recherches ont-elles porté des fruits? Avez-vous terminé certains travaux qui pourraient nous être transmis?

M. Childs : Pas expressément sur les groupes de langue minoritaire de la région ou de la province.

Au fond, ces quatre sujets ont été choisis selon les champs d'intérêt des facultés. Dans le cadre d'un processus de consultation à partir de la base, on leur a demandé de se faire part les unes aux autres de leurs intérêts méthodologiques, théoriques et thématiques afin de sélectionner des sujets interdisciplinaires sur lesquels elles voudraient peut-être travailler ensemble.

On a vite constaté que bon nombre de facultés, comme l'histoire, la sociologie, les études littéraires et l'éducation, se penchaient souvent sur le même genre d'enjeux multiculturels, mais à partir d'angles différents. On se demande notamment comment les différences se traduisent sur le plan culturel et comment elles sont entretenues par la société, remises en question et surpassées. On s'intéresse entre autres aux processus en place à l'époque romaine, au Moyen- Âge, dans d'autres réalités culturelles ou d'autres pays, dans le cadre de conflits ethniques qui sévissent ailleurs, et cetera. Ce sujet est directement lié à beaucoup de problèmes auxquels nous sommes confrontés au Canada. Des recherches ont déjà porté sur le sujet, mais c'est la première fois que les groupes travaillent ensemble.

L'un de leurs objectifs est de faire connaître ces enjeux aux gens de la région pour qu'ils sachent ce qu'on peut apprendre des études historiques, littéraires et sociologiques réalisées ailleurs sur le respect des différences et sur le travail pluraliste et harmonieux dans un milieu culturel diversifié.

Le sénateur Fraser : À moyen et à long terme, on peut difficilement penser à un seul travail de recherche universitaire plus utile et pertinent pour un pays comme le nôtre et pour nos travaux. Si vous publiez des bulletins ou autre chose, vous pourriez nous ajouter à votre liste d'envoi.

M. Childs : Certainement.

Le sénateur Fraser : Le centre d'apprentissage semble fantastique, mais en quoi consiste-t-il vraiment?

M. Childs : Le concept n'est pas complètement nouveau. En Amérique du Nord, aux États-Unis comme au Canada, plusieurs universités possèdent des centres d'apprentissage. Au Canada, le plus connu est probablement celui de l'Université de la Colombie-Britannique.

Comme nous l'avons dit dans notre exposé, notre centre d'apprentissage poursuit trois objectifs différents, mais mutuellement complémentaires. Tout d'abord, nous voulons rassembler au même endroit les divers services d'aide aux étudiants afin que ceux qui éprouvent des difficultés en écriture, en mathématiques, en calcul ou dans un autre domaine disposent d'un centre d'aide commun.

Le deuxième objectif est de réserver plus d'espace à la bibliothèque pour les archives locales. Le centre sera un endroit essentiel pour ceux qui veulent en savoir plus sur leur collectivité. Le troisième objectif — c'est la raison pour laquelle le centre est lié à la bibliothèque — est de repenser la bibliothèque au complet pour en faire un centre d'apprentissage ainsi qu'un centre de diffusion du savoir, non seulement à l'intention de la population étudiante et de la collectivité immédiate, mais également le plus loin possible, à l'intention d'un plus vaste public. L'Université de la Colombie-Britannique y arrive notamment grâce à ses installations de vidéoconférence de pointe. Les collectivités de la côte du Pacifique, entre autres, ont accès à des renseignements en ligne.

Le sénateur Fraser : Le centre n'offrira pas nécessairement de cours, mais il rassemblera les ressources et permettra aux personnes intéressées de suivre un apprentissage dans la collectivité ou à l'université.

M. Childs : C'est exact. Lier l'éducation communautaire à un tel centre permet à la communauté de préciser ses besoins à l'université. Le centre d'apprentissage est une façon de faire le lien avec la communauté, que ce soit à la bibliothèque, dans la collectivité si elle n'est pas trop loin, ou bien à distance.

Le sénateur Fraser : Avez-vous dit que le centre a été mis sur pied sans aucune subvention fédérale?

M. Goldbloom : Non, car le centre est encore à l'état de projet. Des discussions préliminaires ont été entamées sur le sujet avec les employés municipaux et le gouvernement fédéral. Puisque le projet en est toujours à un stade précoce, nous sommes en train d'élaborer le plan que nous présenterons au gouvernement pour l'encourager à nous appuyer.

L'Université Bishop's est un établissement d'apprentissage pour la collectivité avoisinante. Nous nous efforçons de fournir non seulement des possibilités de formation et d'échanges culturels aux anglophones du secteur, mais aussi une programmation en anglais. Nous avons prévu une série de conférences données par d'éminents invités. D'ailleurs, il y en a une ce soir.

Plusieurs événements culturels ont lieu sur le campus. L'année dernière, nous avons commencé à donner des conférences à la bibliothèque où le public était invité. Nous voulons favoriser ce genre de diffusion externe. Mme Beauchamp pourra vous dire ce que la faculté d'éducation fait pour y arriver. Nous croyons qu'il y a, à cet égard, un lien entre la technologie et le centre d'apprentissage. En nous servant mieux de la technologie, nous pourrons offrir davantage de possibilités d'apprentissage et de formation aux membres de la communauté anglophone qui ne se trouvent pas à proximité de l'université. Étant donné que nous sommes la seule université anglaise hors de l'île de Montréal, cette responsabilité particulière nous incombe. Tout cela coûte cher. Nous essayons d'examiner en détail ce que nous voulons faire en matière d'éducation permanente.

Nous possédons un petit campus à Knowlton, où nous offrons des programmes universitaires et de l'éducation permanente. Toutefois, nous voulons atteindre les membres de la communauté anglophone partout dans la province grâce à la technologie et aux centres d'apprentissage.

Le sénateur Seidman : J'aimerais vous poser une question concrète, puis j'aurai une question plus générale sur la vue d'ensemble dont il a été question.

Un grand problème est sans cesse soulevé lors de nos déplacements — nous sommes allés dans la région de la ville de Québec, où nous avons discuté par vidéoconférence avec la Gaspésie et la Basse-Côte-Nord; nous sommes présentement dans les Cantons-de-l'Est; puis nous irons à Montréal —, et il en est aussi question au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie. Il s'agit d'un problème lié aux jeunes, soit le taux élevé de décrochage, en particulier chez les garçons. C'est un problème de plus en plus criant, particulièrement ici, au Québec.

Prenez-vous des mesures à cet égard? Par exemple, menez-vous des recherches qui nous aideront à mieux comprendre les risques et peut-être à trouver des solutions? Qu'en pensez-vous?

Catherine Beauchamp, doyenne, faculté d'éducation, Université Bishop's : En tant que doyenne de la faculté d'éducation, je pourrais vous en parler. À l'heure actuelle, aucun de nos membres ne mène de recherches là-dessus. Toutefois, les questions dont vous parlez sont très importantes à nos yeux, étant donné que nous formons des professeurs pour les écoles du Québec. Nous portons à ce genre de choses une attention qui se sent dans nos cours.

Nous n'effectuons pas nécessairement de recherche traditionnelle sur la question, mais nous collaborons notamment avec les enseignants associés des écoles qui reçoivent nos étudiants pour résoudre les problèmes qui ont émergé en matière d'éducation. Nous abordons le sujet avec nos élèves-maîtres afin qu'ils informent les enseignants associés du travail que nous accomplissons sur le sujet et de la façon dont l'école peut nous aider. Nous avons mis en place un projet continu dans le cadre duquel des enseignants associés reçoivent une formation à l'université, puis retournent dans leur école pour former les autres enseignants associés. Ils pourront ainsi informer les autres sur notre travail et sur la façon d'aider un nouveau professeur confronté à certaines de ces difficultés.

Nous entretenons des liens étroits avec les neuf commissions scolaires du Québec, ce qui permet à nos étudiants d'effectuer des stages partout dans la province. Nous maintenons des relations durables avec deux ou trois d'entre elles et pouvons ainsi travailler avec leurs enseignants et nos élèves-maîtres. Nous ne menons pas de recherche à proprement parler, mais ces échanges font partie de notre quotidien.

Le sénateur Seidman : C'est important aussi. Votre mission vous permet de jouer un rôle primordial dans l'éducation et la formation des enseignants. Vous avez donc une très belle occasion d'élaborer une partie du programme, ou bien de sensibiliser les enseignants au problème pour qu'ils apprennent à y faire face.

Mme Beauchamp : Tout à fait. À nos yeux, cela fait effectivement partie intégrante de notre mandat. La faculté d'éducation a pour mission de former les chefs de file des écoles de demain; bien entendu, nous voulons qu'ils soient au courant de ces enjeux.

Le sénateur Seidman : J'ai une autre question qui découle de questions précédentes.

Hier, des représentants de la Townshipper's Association nous ont justement dit avec éloquence combien il est important que les communautés anglophones minoritaires jouent un rôle actif et non passif dans leur propre vie au sein de la communauté québécoise. Comme je l'ai dit, nous avons rencontré des communautés de la ville de Québec, de la Basse-Côte-Nord et de la Gaspésie. Certains sujets ont été soulevés par toutes les communautés. Si nous parlons de plusieurs communautés, c'est parce que nous savons que les groupes anglophones minoritaires ne forment pas une seule communauté homogène, étant donné qu'ils habitent différentes régions et se heurtent à des problèmes distincts. Toutefois, certains thèmes sont récurrents. Nous avons tous pris note des mots clés, je crois, et le résultat est incroyable. Nous savons que la jeunesse est un indicateur de la vitalité d'une population minoritaire; or, les jeunes sont aux prises avec de sérieux problèmes. On constate des iniquités en matière de santé, d'éducation et de création de petites entreprises.

Hier, on nous a dit — et ce n'était pas la première fois depuis le début des audiences — que les anglophones ne se sentent pas intégrés à l'histoire du Québec et qu'ils éprouvent un faible sentiment d'appartenance. Ils ne veulent pas être associés au mot « anglophone ». On remarque un sentiment d'isolation qui, dans certains cas, met en péril la survie même des communautés.

C'est le portrait qui nous est présenté. J'évolue dans le monde universitaire, et les universités ont toujours joué un rôle particulier dans ma vie. J'ai été professeure universitaire, ce que j'ai toujours considéré comme étant ma profession à bien des égards, puis j'ai travaillé en recherche dans le domaine de la santé. À mes yeux, l'université est un lieu d'innovation et de défense d'intérêts, et elle joue en quelque sorte le rôle d'un centre communautaire.

Étant donné la mission et le mandat de votre université — vous avez déjà abordé la question —, y a-t-il un désir de créer le genre d'espace dont la Townshipper's Association a fait allusion hier? Existe-t-il un groupe proactif qui puisse proposer des options de politique gouvernementale valables et objectives pour aider la communauté anglophone à assumer un rôle actif et non passif et à prendre le contrôle de sa propre destinée?

M. Goldbloom : En un mot, oui. Pour vous donner une réponse plus longue, je crois tout d'abord que nous, qui connaissons les communautés de minorité linguistique au pays, pouvons tous admettre que la santé des établissements d'enseignement est absolument nécessaire à la santé de ces communautés. Notre première responsabilité est donc de nous assurer que notre université est solide et qu'elle vise toujours l'excellence. C'est l'un des grands apports que nous pouvons fournir à la communauté anglophone des petites agglomérations, de même qu'à l'ensemble de la communauté anglophone.

À l'université, nous encourageons entre autres nos étudiants à prendre part aux activités de la collectivité locale. Plus particulièrement, nous mettons l'accent sur l'apprentissage par l'expérience. C'est notamment grâce à M. Childs que nos programmes de formation donnent l'occasion à nos étudiants de dénicher des emplois dans le secteur privé ou public, ce qui favorise la sensibilisation de la population. Les jeunes sont plus susceptibles de rester dans la région et d'y jouer un rôle actif si leurs études leur ont permis de sortir de l'université pour s'investir dans la collectivité locale. Cela représente des défis linguistiques, mais nos étudiants sont nombreux à être bilingues. C'est ce que nous faisons, et nous voulons en faire encore plus.

À mon avis, l'une des raisons pour lesquelles la situation à Sherbrooke est exceptionnelle même si la population anglophone a diminué considérablement, c'est que bien des gens de l'université occupent des fonctions importantes à la direction de différents organismes, comme à l'hôpital, à la Chambre de commerce et pour les Jeux du Canada, qui auront lieu ici. Je crois que tout cela démontre que l'université permet déjà à la communauté d'agir et de prendre ses responsabilités, et qu'elle veut en faire plus à cet égard.

Je crois fermement que la communauté anglophone du Québec a grandement besoin de la recherche dont vous parlez. Toutefois, il faut bien faire la distinction entre la recherche universitaire et la défense d'une idéologie. Nous ne sommes pas un organisme de défense; nous laissons la Townshipper's Association et le Quebec Community Groups Network, ou QCGN, assumer ce rôle. Plus particulièrement, les universités anglophones du Québec devraient augmenter leur capacité de recherche sur les communautés anglophones du Québec, ce qui à notre avis est important. Nous sommes prêts à collaborer avec d'autres établissements d'enseignement pour augmenter la capacité de recherche actuelle.

Le sénateur Seidman : Avez-vous envisagé de vous associer en quelque sorte avec une université montréalaise pour mettre en place un programme d'études anglophone, par exemple?

M. Goldbloom : Je ne sais pas s'il en a été question précisément. Il existe un centre de recherche; vous en apprendrez davantage à ce sujet lorsque vous visiterez Concordia. Nous devons en savoir plus pour déterminer comment nous pourrions collaborer avec eux.

Le sénateur De Bané : J'ai bien compris ce que vous avez dit à ma collègue, le sénateur Seidman. Vous représentez une université, qui, elle, poursuit une mission. Je comprends cela. Toutefois, comment avez-vous réagi, hier, lorsque le porte-parole de la Townshipper's Association, à la page 4 de son exposé, avant de citer la page 87 d'une étude de Joanne Pocock, a dit que les Québécois anglophones sont les moins susceptibles de considérer que les intérêts de leur communauté sont représentés par leur gouvernement provincial?

Dans les Cantons, 77,4 p. 100 des résidants anglophones de l'Estrie qui ont répondu à l'Enquête sur la vitalité des communautés réalisée en 2005 ont indiqué qu'ils considéraient que l'avenir de la communauté anglophone est menacé dans leur région.

Je comprends que votre université n'est pas un organisme de défense. Je connais l'excellente réputation de Bishop's depuis des années. Toutefois, je ne m'étais pas rendu compte que votre grand nombre d'étudiants québécois est composé d'anglophones et de francophones en parts égales. Les étudiants francophones du Québec, représentant 50 p. 100 des étudiants québécois de l'université, sont évidemment au courant de la grande richesse que leur confèrent leurs études à l'Université Bishop's. L'Association des anciens diplômés de Bishop's peut-elle les encourager à joindre le geste à la parole pour qu'ils expliquent à leurs concitoyens à quel point ces deux cultures importantes constituent un atout de taille pour la province?

J'ai remarqué que la jeune génération est beaucoup plus ouverte à cette perspective que les générations précédentes.

[Français]

Ils ne sont pas emprisonnés dans des schèmes mentaux qui remontent à une période qui n'existe plus.

[Traduction]

J'ignore comment vous auriez réagi si vous aviez été à Québec avec nous, lorsque nous avons rencontré les dirigeants de la commission scolaire. Ils nous ont parlé de leurs problèmes, comme les trois heures que les élèves passent en autobus par jour — une heure et demie pour se rendre à l'école le matin et une heure et demie pour en revenir en fin de journée —, ou comme le pouvoir infime du ministre de l'Éducation au Québec. Même s'il y a un million de Québécois anglophones, environ 30 personnes seulement s'occupent des écoles anglophones au ministère de l'Éducation, dont deux anglophones; c'est tout. Que représentent ces chiffres si on les compare aux ressources que consacrent aux élèves francophones le ministère de l'Éducation du Manitoba, l'Office des affaires francophones de l'Ontario ou le ministère de l'Éducation du Nouveau-Brunswick à Fredericton?

[Français]

Je comprends que ce n'est pas à vous de faire ce travail de promotion, docteur Goldbloom. Toutefois, compte tenu de cette nouvelle atmosphère, de l'ouverture de la jeune génération, qui comprend que c'est une grande richesse d'avoir deux cultures, il faudrait que l'Association des anciens diplômés de Bishop's les encourage à expliquer cela à leurs concitoyens.

Cela me trouble de voir ce sentiment de découragement chez la population, en général, des Cantons-de-l'Est. À Québec, on m'a dit que la communauté était invisible. À mon avis, il faut qu'on trouve une façon de corriger ces choses.

[Traduction]

M. Goldbloom : Vous m'avez demandé comment je réagis à cela : je suis troublé, tout comme vous. Vous savez probablement que j'ai déjà défendu la cause dans le cadre de ma carrière, et que j'ai essayé d'aider les jeunes Québécois anglophones à s'impliquer davantage dans la société. C'est bouleversant de se rendre compte des réalités auxquelles ces communautés sont confrontées, surtout nous qui pensions que le bilinguisme était le vrai défi, et que les efforts déployés pour s'assurer que nos jeunes parlent français constituaient la clé du succès à long terme de la communauté. Vous avez certainement entendu les représentants de la Townshipper's Association en parler; c'est démoralisant de constater que les jeunes anglophones des petites agglomérations qui veulent faire carrière là-bas sont découragés même s'ils ont un excellent français. En tant que Québécois anglophone, je trouve la situation extrêmement troublante et inquiétante.

Ceci étant dit, que pouvons-nous y faire en tant qu'université? Nous ne sommes pas très gros. Je ne veux pas me perdre en superlatifs, mais j'imagine que notre université est probablement celle qui regroupe une plus grande proportion d'étudiants tant anglophones que francophones au pays. Les jeunes anglophones qui étudient là-bas peuvent interagir avec un grand nombre de francophones; je pense que les relations qu'ils établiront leur donneront envie de faire partie de la société québécoise. Nous ne sommes pas un organisme de défense, mais nous avons consciemment déployé des efforts pour augmenter le nombre d'étudiants francophones. Une grande partie de nos étudiants anglophones, surtout ceux qui ne viennent pas du Québec, choisissent Bishop's pour en apprendre davantage sur le Québec. Ils veulent pouvoir étudier en anglais dans un environnement francophone. Je pense que l'université contribue énormément à l'avenir de ces communautés.

Encore une fois, le sénateur Fraser a eu la gentillesse de souligner la grande satisfaction de nos étudiants. Qu'est-ce qui explique notre bon rendement? Eh bien, c'est en partie parce que nous sommes un petit établissement où les gens ont l'occasion de bien se connaître. Nous encourageons les jeunes à assumer des rôles de premier plan, et nous les poussons notamment à s'impliquer non seulement à Bishop's, mais aussi au sein de la collectivité — c'est d'ailleurs la réponse que j'ai donnée au sénateur Seidman. Nos étudiants participent à d'innombrables activités sociales dans l'arrondissement de Lennoxville et dans l'ensemble de l'agglomération. Je crois que les jeunes peuvent acquérir chez nous les compétences nécessaires pour avoir le goût de rester et de jouer un rôle actif dans la province.

À mon avis, nous contribuons de bien des façons si on pense à tous les étudiants de notre Faculté d'éducation qui finissent par enseigner partout dans la province.

Oui, tout ce découragement me trouble. Nous ne sommes pas un organisme de défense, mais nos anciens élèves sont fiers de leur établissement d'enseignement. Mme Meikle, secrétaire générale chez nous depuis trois semaines, a constaté une chose que je ne remarque presque plus : le niveau de bilinguisme à l'intérieur de nos murs. Chez nous, presque tout le monde parle les deux langues officielles, y compris les enseignants recrutés hors du Québec.

Sur le campus, je crois que nous fournissons un modèle et une expérience qui devraient donner le goût aux jeunes de rester et de s'impliquer activement dans la communauté, ainsi que les compétences pour y arriver.

Le sénateur De Bané : Je vous remercie beaucoup de vos réflexions. Comme vous le savez, monsieur Goldbloom, nous vivons à l'ère des communications médias; la façon dont un enjeu est formulé aura certainement une grande influence sur sa présentation.

Au Québec, certains s'obstinent à croire que l'anglais est une menace à la langue française et n'hésitent pas à le clamer haut et fort. Heureusement, ces gens appartiennent, pour la plupart, à la vieille génération. Les jeunes sont beaucoup plus ouverts. Il faut donc montrer à ces gens qu'au contraire, l'utilisation des deux langues est un atout extraordinaire et non pas une menace. En Europe, il n'est pas rare de voir des jeunes parler trois, quatre, voire cinq langues.

Je sais que cette inquiétude s'inscrit dans un contexte historique, mais tout cela, c'est du passé. N'empêche, il y a encore des gens qui refusent de l'admettre. À l'époque où j'étais étudiant, nous avions manifesté pour réclamer l'inscription en français « gouvernement du Canada » sur les chèques fédéraux. Aujourd'hui, en vertu de la Constitution, les deux langues ont un statut égal. Le monde a changé, les choses ont évolué, et la question des écoles et des droits des minorités est désormais inscrite dans la Constitution.

Par exemple, sachez que dans les pays scandinaves, 99 p. 100 des gens parlent l'anglais, en plus de leur langue nationale. Ils n'ont pas le sentiment que leur langue est menacée pour autant. Pourquoi se contenter d'écouter ce que disent ces gens plutôt que de s'estimer chanceux de parler les deux langues les plus importantes du monde occidental?

Je suis certain que vous comprenez. En ce qui me concerne, en tant que député, maintenant que nous avons réglé les deux questions les plus fondamentales, j'aimerais savoir ceci :

[Français]

Comment enlever ces démons et voir les choses de façon positive?

[Traduction]

Je tiens à vous féliciter. J'admire ce que vous faites en ce qui a trait à votre contingent québécois, dont la moitié est anglophone et l'autre francophone.

[Français]

Cela veut dire à quel point vous êtes une institution moderne, ouverte et sensible à son milieu. Félicitations.

M. Goldbloom : Je vous remercie.

La présidente : Le temps file, et j'ai deux sénateurs qui aimeraient poser une question. Puis-je vous demander de garder vos questions brèves et concises?

[Traduction]

Le sénateur Fraser : Je prends bonne note de vos recommandations, dont certaines me semblent intéressantes, mais j'aurais une question à vous poser sur le contexte financier en général.

Étant donné que vous êtes une petite université et une université de premier cycle, j'imagine que vous devez vous battre lorsqu'il est question d'argent. Les bourses de recherche postdoctorale et la physique nucléaire, c'est beaucoup plus attirant, n'est-ce pas? C'est souvent ainsi que pensent les responsables du financement, mais je ne partage pas du tout ce point de vue.

Malgré ces contraintes, est-ce que le fait que vous soyez une université anglophone dans une province francophone vous occasionne d'autres difficultés au moment d'obtenir des fonds?

M. Goldbloom : De prime abord, je dirais que non, sénateur Fraser, mais je dois y réfléchir plus longuement.

Du point de vue du financement, je pense que les difficultés auxquelles nous sommes confrontés sont les mêmes que toutes les universités au Québec. De plus, comme vous l'avez dit plus tôt, le modèle de financement, non seulement pour les universités québécoises, mais aussi canadiennes, privilégie les universités de grande taille et les études supérieures. Par conséquent, si c'était à recommencer, en fonction de ce modèle, qui s'applique non seulement au Québec, mais aussi dans les autres provinces, jamais un petit établissement de premier cycle ne serait mis sur pied.

La solution à nos problèmes financiers serait d'augmenter radicalement le nombre de nos étudiants, par contre, en agissant de la sorte, nous passerions à côté de notre mission fondamentale. Nous estimons que cette université est un excellent milieu d'apprentissage pour beaucoup de jeunes étudiants.

Je pense que d'autres universités au Québec et d'autres petites institutions libérales axées sur les arts comme celles que l'on retrouve dans les Maritimes, notamment les universités Mount Allison et Acadia, sont aux prises avec les mêmes difficultés. Ce sont également de petits établissements de premier cycle.

Outre ces difficultés, je ne vois pas d'autres problèmes liés au financement, du moins, qui soient attribuables à la minorité linguistique. Chose certaine, il y a des coûts fondamentaux qui ne changent pas, peu importe que l'université compte 2 000 ou 70 000 étudiants. Les universités ont toutes besoin d'un directeur — j'ose espérer —, d'un vice- directeur, de professeurs, de doyens d'écoles et de responsables des installations. Puisque nous recrutons des étudiants non seulement au Québec, mais aussi ailleurs au pays et dans le monde, cela exige des ressources. Ce sont donc des coûts fixes que nous devons tous assumer.

Nous voulons faire comprendre au gouvernement du Québec qu'il y a des coûts de base pour le fonctionnement d'une université qui demeurent les mêmes, peu importe la taille de l'établissement, et qui n'ont aucun lien avec l'aspect linguistique.

Nous sommes confrontés à d'autres difficultés. Comme nous l'avons déjà dit, il est certes plus difficile de recruter des gens, particulièrement lorsque l'apprentissage d'une nouvelle langue est en cause. Récemment, nous avons réussi à convaincre une Montréalaise, qui a vécu à Edmonton ces 10 dernières années, de se joindre à notre équipe, mais elle et sa famille sont confrontés à un problème de langue. La réalité est que, la plupart du temps, les deux conjoints travaillent maintenant. Il devient donc doublement difficile de recruter un professeur dans une institution anglophone, étant donné que vous voulez également trouver un emploi pour son conjoint. Il ne s'agit donc pas de problèmes de financement gouvernemental, mais d'une réalité à laquelle doit faire face un établissement dont la langue est minoritaire dans une communauté majoritairement francophone.

Quelqu'un est-il en désaccord avec moi sur la question du financement?

M. Childs : Non.

Mme Beauchamp : Non.

[Français]

Le sénateur Fortin-Duplessis : En page 7, au paragraphe 3 de votre mémoire, vous mentionnez que pour les étudiants qui viennent d'un milieu modeste, que le coût des déplacements, de l'aller-retour, peut être déterminant dans la décision de s'enregistrer dans une université près de chez eux plutôt que d'aller dans une autre province.

Quelle est la proportion d'étudiants qui viennent des Cantons-de-l'Est et qui serait inscrite à votre université par rapport à ceux qui viendraient d'autres régions du Canada? Avez-vous ces statistiques?

M. Childs : Pour cette région en comparaison avec le reste du Canada et du Québec aussi?

Le sénateur Fortin-Duplessis : Oui.

M. Childs : Je dirais que c'est peut-être autour de 15 p. 100, qui viennent directement de cette région, par exemple, du cégep Champlain, ici à Lennoxville, des cégeps de Sherbrooke et de Granby, et d'autres sources similaires directement de la région.

Le sénateur Fortin-Duplessis : Cela donnerait donc 85 p. 100, qui viennent de l'extérieur de la région?

M. Childs : Oui, de Montréal, de Gaspé, de Québec et du reste du Canada.

La présidente : Je tiens à vous remercier très sincèrement d'avoir accepté de comparaître devant notre comité ce matin. Vous avez pris le temps de vous préparer et de nous donner une présentation qui était très bien, même excellente.

Nous savons à quel point vous êtes occupés, c'est d'autant plus apprécié. Vous avez démontré l'engagement que vous avez envers le travail que vous accomplissez et pour cela nous vous en remercions. Continuez votre excellent travail.

M. Goldbloom : Vous aussi.

La présidente : Honorables sénateurs, nous reprendrons la séance dans cinq minutes.

[Traduction]

La présidente : Je vous souhaite la bienvenue à cette séance du Comité sénatorial permanent des langues officielles. Je suis le sénateur Maria Chaput, du Manitoba, et je préside le comité. Plusieurs membres du comité m'accompagnent ce matin et je leur demanderais de se présenter.

[Français]

Le sénateur Fortin-Duplessis : Je suis le sénateur Susanne Fortin-Duplessis, de la région de Québec. J'ai été aussi membre du Parlement canadien durant neuf ans.

[Traduction]

Le sénateur Seidman : Je suis le sénateur Judith Seidman. Je viens de Montréal et je suis anglophone. Je trouve que ce voyage dans les Cantons-de-l'Est — de même que notre visite à Québec et notre vidéoconférence avec des représentants de la communauté anglophone de Gaspé — se révèle une expérience des plus enrichissantes, et je suis impatiente d'entendre ce que vous avez à nous dire.

Le sénateur Fraser : Je m'appelle Joan Fraser et, avant d'être nommée au Sénat, j'ai été journaliste pendant de nombreuses années à Montréal. Vous avez donc en face de vous une autre Montréalaise anglophone. Je suis ravie d'être ici aujourd'hui. L'un des sujets sur lesquels nous voulons en apprendre davantage est bien entendu l'éducation, et Dieu sait qu'il y a beaucoup à dire là-dessus. Merci d'être ici aujourd'hui.

Le sénateur De Bané : Je suis Pierre De Bané, membre du Sénat du Canada, anciennement député à la Chambre des communes. Je fais partie de ceux qui sont convaincus que nous sommes privilégiés de pouvoir parler deux langues dans notre pays, soit les deux langues les plus importantes du monde occidental.

Je suis particulièrement heureux, monsieur Kaeser, de vous rencontrer puisque mon fils, Jean-Manuel, a étudié au Collège Champlain. Il a eu la chance de fréquenter votre école. Je me réjouis donc de pouvoir entendre ce que vous avez à dire.

La présidente : Je tiens à souhaiter la bienvenue au directeur du campus Lennoxville du Collège régional Champlain, M. Paul Kaeser.

Monsieur Kaeser, le comité vous remercie d'avoir accepté de comparaître aujourd'hui. Vous êtes invité à faire une déclaration d'environ cinq minutes, après quoi les membres du comité enchaîneront avec leurs questions.

Paul Kaeser, directeur, campus de Lennoxville, Collège régional Champlain : Merci beaucoup. C'est un plaisir d'être ici aujourd'hui.

Avant de commencer, sachez que j'ai toujours habité dans les Cantons-de-l'Est. J'ai étudié au Collège Champlain, à l'Université Bishop's et à l'Université de Sherbrooke. J'ai entrepris ma carrière et fondé ma famille ici dans la région.

Sénateur De Bané, je suis heureux que votre fils ait fréquenté notre collège.

Le Collège régional Champlain est un établissement public postsecondaire anglophone qui offre des programmes de formation préuniversitaire ou technique de niveau collégial. Les étudiants peuvent s'inscrire à un programme régulier ou à un programme d'éducation permanente. Grâce à sa structure multirégionale unique, le collège répond aux besoins des diverses communautés linguistiques et culturelles, et contribue à l'éducation ainsi qu'au développement socioéconomique de trois régions.

Aujourd'hui, je représente le campus de Lennoxville du Collège régional Champlain. Tout d'abord, permettez-moi de dire que l'éducation relève exclusivement de la compétence provinciale et que notre collège respecte entièrement ce principe.

Le campus de Lennoxville est un établissement relativement petit qui compte environ 1 100 étudiants. Nous offrons un programme d'enseignement pré-universitaire à près de 1 000 étudiants et des programmes techniques d'une durée de trois ans aux 100 autres.

La principale clientèle du collège vient de la région de l'Estrie ou des Cantons-de-l'Est. Lorsqu'il s'agit d'enseignement pré-universitaire, nous sommes en mesure de répondre aux besoins de la majorité des étudiants anglophones de la région. En revanche, avec seulement quatre programmes techniques, il nous est beaucoup plus difficile de satisfaire tout le monde. C'est malheureux, mais les étudiants qui veulent suivre d'autres programmes doivent quitter la région pour poursuivre leurs études dans de plus grands centres. Le plus souvent, ils ne reviennent pas en Estrie pour se trouver un emploi ou élever leur famille.

Il faut reconnaître qu'il est impossible d'offrir un vaste éventail de programmes techniques dans toutes les régions de la province, compte tenu des coûts que cela implique. Il faut toujours dépenser dans la mesure de nos moyens. Malgré tout, il y a des progrès à faire.

En août dernier, on a instauré un programme de soins infirmiers au campus de Lennoxville. Il s'agit d'un programme technique d'une durée de trois ans menant à un diplôme en soins infirmiers. Cela signifie que ceux et celles qui souhaitent étudier dans ce domaine en anglais n'ont plus besoin d'aller à Montréal ou ailleurs. Nous prévoyons qu'une importante proportion de ces infirmiers et infirmières, une fois qu'ils auront terminé leurs études, se joindront au personnel de l'un des établissements de santé de la région et pourront ainsi offrir des services en anglais à ceux qui en ont besoin. Cependant, nous sommes conscients qu'un petit groupe de 30 à 40 infirmiers et infirmières par année ne permettra pas de combler le manque de personnel ni de garantir un accès à des services en anglais. Néanmoins, je considère qu'il s'agit d'un pas dans la bonne direction.

Par ailleurs, les programmes tels que l'Entente Canada-Québec et le programme de réinvestissement fédéral ont été extrêmement bénéfiques pour le campus de Lennoxville. Ils nous ont permis d'accroître le niveau des services de soutien offerts à nos étudiants. À mon avis, leur financement devrait être maintenu et même augmenté.

Nous avons également bénéficié du Programme infrastructures Canada. Grâce au financement fourni par ce programme et aux fonds de la province, nous avons pu entreprendre la rénovation de nos laboratoires de sciences, depuis longtemps nécessaire.

Au fil des années, le Collège Champlain a établi des liens étroits avec la communauté ainsi que des relations de travail productives avec les groupes d'intervenants et les institutions anglophones et francophones de partout dans les Cantons- de-l'Est. Nous collaborons étroitement avec d'autres universités, des cégeps et des écoles secondaires. Nous siégeons également à un certain nombre de comités consultatifs régionaux à titre de partenaire égal.

J'estime que le campus de Lennoxville du Collège Champlain, en tant qu'établissement d'enseignement anglophone de la région de l'Estrie, a un rôle de plus en plus important à jouer, en ce sens qu'il contribue non seulement à notre sentiment d'appartenance à une communauté et à notre identité régionale, mais aussi à l'économie de la région. Peu importe si nos étudiants, une fois diplômés, se trouvent un emploi dans la région ou partent s'établir ailleurs dans la province ou dans le monde, nous avons à cœur de leur offrir le meilleur enseignement possible, en fonction de nos moyens.

[Français]

Le sénateur Fortin-Duplessis : Monsieur Kaeser, soyez le bienvenu devant notre comité. Je vais faire un petit aparté avant de poser ma question.

À l'aube de la rentrée scolaire 2010, la population collégiale semble s'être enrichie. La Fédération des cégeps enregistre une hausse de 2,2 p. 100 des inscriptions dans les 48 établissements de son réseau, pour un total de 172 518 étudiants, dont près de 80 000 nouveaux inscrits. Les statistiques l'indiquent : détenir une formation postsecondaire est de plus en plus essentielle sur le marché du travail. Dans un tel contexte, toute hausse de la population étudiante ou collégiale constitue une excellente nouvelle. Emploi Québec prévoit la création de 271 000 nouveaux emplois, mais c'est en citant des études supérieures d'ici 2018.

Pour le Collège Champlain, quelles sont vos priorités pour la prochaine année?

[Traduction]

M. Kaeser : Merci, sénateur. Comme je l'ai déjà dit, le Collège Champlain a mis sur pied un nouveau programme de soins infirmiers au début de l'automne. Évidemment, la mise en œuvre d'un tel programme ne doit pas être prise à la légère. Nous devons nous assurer de bien outiller nos étudiants et étudiantes pour leur permettre d'obtenir leur diplôme au terme de leurs trois années d'études. Notre priorité est de veiller à ce que notre programme soit bien enseigné afin que nos étudiants n'aient pas de difficulté à réussir l'examen de l'Ordre des infirmières et infirmiers du Québec.

Bien entendu, nous consacrons beaucoup d'efforts au recrutement pour que les étudiants venant d'ailleurs et ceux qui arrivent des écoles secondaires sachent ce que le collège a à leur offrir. Nos autres priorités sont d'établir des liens et d'offrir davantage de possibilités à nos étudiants afin de les encourager à poursuivre leurs études et ainsi de prévenir le décrochage scolaire.

[Français]

Le sénateur Fortin-Duplessis : Est-ce qu'il serait impertinent de vous demander quelles autres niches vous voulez aller chercher dans le futur? Cette année, vous avez ajouté la formation d'infirmière, ce qui est très important, parce qu'on l'a vu, dans les groupes que nous avons rencontrés, c'est le plus grand défi. Les personnes âgées anglophones malades ont de la difficulté à être servies dans leur langue. En plus de la formation des 100 infirmières, que vous prévoyez pour l'an prochain, avez-vous des choses nouvelles que vous aimeriez ajouter ou une formation nouvelle?

[Traduction]

M. Kaeser : Pour l'instant, nous sommes à examiner les besoins actuels du marché local. Je pense que c'est ce qui importe. Nous explorons également d'autres options, possiblement dans le domaine médical, d'autres programmes techniques, mais il est encore trop tôt pour se prononcer. Nous devons savoir, d'une part, s'il y a une clientèle intéressée par ce genre de programmes et, d'autre part, si la région offre des débouchés.

Le sénateur Fraser : Si je ne me trompe pas, votre campus est situé juste ici, à même le campus universitaire?

M. Kaeser : Absolument.

Le sénateur Fraser : Lorsque nous étions à Québec, vos homologues du campus St. Lawrence nous ont dit que certaines de leurs installations étaient bien inférieures aux normes acceptables pour un établissement de cette taille. On a beaucoup discuté de l'absence d'un auditorium adéquat et d'autres problèmes, notamment le fait que leur gymnase n'est pas conforme aux normes. Votre situation est-elle comparable ou acceptable, étant donné que vous êtes associé à l'Université Bishop's?

M. Kaeser : Nous sommes extrêmement choyés d'avoir une aussi belle relation avec l'Université Bishop's et de pouvoir profiter de ses installations, en vertu des accords que nous avons conclus par l'intermédiaire du ministère de l'Éducation, du Loisir et du Sport. Nous sommes probablement l'un des seuls cégeps de la province à avoir accès à des installations universitaires. Le gymnase ou la bibliothèque, par exemple, offrent à nos étudiants des installations de premier ordre.

Avec l'aménagement du nouveau gymnase et de l'aréna, en toute honnêteté, c'est le paradis sur terre. Nous sommes très privilégiés. Le pavillon Johnson est situé juste à côté; il s'agit d'un projet conjoint entre l'Université Bishop's et le Collège Champlain visant à rénover nos laboratoires pour que les étudiants en sciences puissent avoir accès à du matériel ultramoderne, ce qui est important.

Je tiens à ajouter que le partenariat que nous avons établi avec l'Université Bishop's est une excellente chose car lorsqu'on entreprend un projet, on nous consulte toujours en tant que partenaire.

Le sénateur Fraser : Vous l'avez peut-être déjà dit, et si c'est le cas, je suis désolée, mais je n'ai pas entendu. Pourriez- vous me dire combien de vos étudiants sont francophones?

M. Kaeser : Je dirais que près de la moitié de nos étudiants parlent français. Quarante pour cent d'entre eux ont reçu une éducation en français. Ce sont les plus récentes statistiques que j'ai trouvées.

Le sénateur Fraser : Toutefois, vous ignorez si le français est leur langue maternelle. Certains d'entre eux sont des anglophones qui ont fréquenté une école francophone pour parfaire leur connaissance du français.

M. Kaeser : Exactement. Il est difficile de savoir s'il s'agit de leur langue maternelle, mais nous pensons que cela se situe autour de 50 p. 100.

Le sénateur Fraser : Il y a probablement plus d'anglophones.

M. Kaeser : Je dirais que c'est un bon mélange des deux.

Michael Goldbloom nous a parlé plus tôt d'un campus pratiquement bilingue, si l'on considère que les professeurs, le personnel et les étudiants parlent couramment les deux langues. Au campus de Lennoxville du Collège Champlain — qui est situé à un bâtiment d'ici —, nous observons le même phénomène. Les étudiants s'expriment dans les deux langues, tout comme les administrateurs.

Le sénateur Fraser : Savez-vous quelle est la proportion des étudiants qui habitent au Québec?

M. Kaeser : Nous aimerions le savoir, mais il faut dire que nos systèmes de données actuels ne nous rendent pas la tâche facile. Comme ils ne sont pas encore interreliés, ce n'est que par le bouche à oreille que nous apprenons qui s'en va à l'Université Bishop's ou à McGill. Il n'y a pas de système de renseignements généraux — à cause des aux lois sur la protection des renseignements personnels — qui nous permette d'assurer un suivi après le départ des étudiants.

Le sénateur Fraser : Vous m'avez l'air d'un homme qui adore son travail et la région des Cantons-de-l'Est, qui est considérée comme un petit coin de paradis, mais vous devez tout de même avoir des problèmes. Quels sont-ils?

M. Kaeser : Notre problème réside dans le recrutement du corps professoral. Étant donné que nous sommes un petit établissement et que la charge de travail est parfois petite, il est difficile de trouver des professeurs anglophones qui acceptent de travailler à temps partiel. Il est un peu plus facile de pourvoir un poste à temps plein, mais encore faut-il que le conjoint du professeur, s'il y a lieu, réussisse à se trouver un emploi. Ce sont les principales difficultés auxquelles nous sommes confrontés.

Le sénateur Fraser : Nous savons tous que l'éducation est de compétence provinciale. Le comité n'a pas l'intention secrète de revoir la Constitution, mais sachez que nous relevons du Parlement du Canada. Par conséquent, qu'est-ce que le gouvernement fédéral peut faire pour vous aider?

M. Kaeser : Comme je l'ai dit plus tôt, les programmes qu'a mis en place le gouvernement fédéral — soit l'Entente- Canada-Québec et le programme de réinvestissement — sont essentiels. Ils nous sont extrêmement profitables. La réduction ou l'abolition de ces programmes serait, dans certains cas, catastrophique.

Le sénateur Seidman : J'abonde dans le même sens que le sénateur Fraser. Après vous avoir écouté, vous et vos homologues de Québec, je constate que le campus St. Lawrence a d'importants problèmes sur le plan des installations que vous, clairement, n'avez pas. Vous êtes donc chanceux. Votre emplacement sur le campus de l'université offre de grands avantages aux étudiants qui fréquentent votre collège.

Je connais assez bien cette situation. On assiste au même phénomène dans l'ouest de l'île de Montréal, où un collège est situé à même le campus universitaire. Ils sont eux aussi très privilégiés.

J'aurais aimé savoir la proportion d'étudiants francophones par rapport au nombre d'anglophones. Mais si je comprends bien, il vous est difficile de nous fournir ces données.

M. Kaeser : Nous avons les chiffres, et c'est pourquoi je dis que c'est environ 50/50. Cela dépend de la façon dont les étudiants ont rempli leur formulaire d'inscription au départ.

Le sénateur Seidman : Toutefois, on ignore si ce sont des francophones dont la langue maternelle est le français ou des anglophones qui ont appris le français à l'école.

M. Kaeser : C'est exact.

Le sénateur Seidman : Une autre chose que j'ai remarquée, dans le cadre d'une étude sur l'accès à l'enseignement postsecondaire qu'a entreprise le comité sénatorial des affaires sociales dont je fais partie, c'est que la province de Québec se démarque du reste du pays à ce chapitre. Nous pouvons nous estimer chanceux d'avoir des cégeps, le système collégial actuel, parce que nous avons une composante de formation technique dans notre réseau pré- universitaire que les autres provinces n'ont tout simplement pas. Cette formation technique fait une énorme différence. Vous avez parlé de cette composante et vous avez expliqué, d'une façon intéressante, que vous adoptez une certaine approche dans laquelle vous tenez compte des besoins de la communauté pour le choix des programmes. C'est ce que nous appelons, dans un certain sens, la recherche appliquée, et je trouve que c'est très intéressant.

Vous avez instauré un programme de soins infirmiers. Quels autres besoins décelez-vous dans votre communauté que vous pourriez satisfaire dans vos programmes?

M. Kaeser : Nous essayons, autant que possible, de répondre aux besoins de la population locale, en collaboration avec les écoles secondaires et la commission scolaire. Nous essayons d'être à l'écoute des habitants des Cantons-de- l'Est et de recueillir leurs idées de programmes.

La recherche appliquée est intéressante. On s'en sert également comme modèle de gestion pour élaborer quelque chose qui soit rentable car, de toute évidence, personne ne veut mettre sur pied un programme qui échouera au fil des années.

Il est difficile de cerner exactement les besoins de la communauté. En ce qui a trait au programme de soins infirmiers, même si certains diront qu'il s'agissait d'une décision facile à prendre, compte tenu de la grande demande pour cette profession, il n'en demeure pas moins que nous devions vérifier auprès des hôpitaux s'ils étaient prêts à accueillir des stagiaires. Il faut examiner attentivement tous les aspects.

Même le programme de sciences infirmières a éprouvé un problème de locaux. Nous avons dû en trouver sur le campus, pour créer les laboratoires de sciences infirmières. La mise sur pied d'un programme peut sembler facile, mais il faut tenir compte des locaux, trouver des enseignants et, peut-être, prévoir des stages en milieu professionnel. C'est donc une question à laquelle il m'est difficile de répondre.

Le sénateur Seidman : Offrez-vous des programmes de développement économique, par exemple? Disons, de formation du personnel de la petite entreprise ou quelque chose de ce genre?

M. Kaeser : Nous offrons le programme de techniques comptables et de techniques de gestion, qui donne d'assez bons résultats. Les élèves font des stages en milieu de travail. Nous nouons des liens avec la chambre locale de commerce, dont les représentants viennent parler aux élèves du démarrage d'une petite entreprise. Ainsi, les élèves intéressés constateront qu'on peut obtenir pour cela une aide financière ou autre. Nous essayons également de promouvoir ce genre d'entreprise. Au sortir d'un programme technique, la plupart des élèves, cependant, à l'âge de 18 ou de 19 ans, préfèrent parfois poursuivre des études universitaires ou même aller quelque temps sur le marché du travail, pour se donner une formation solide dans le domaine des affaires avant de faire le saut et de créer leur propre entreprise.

Le sénateur Seidman : Avez-vous plus de difficultés à retenir les garçons que les filles? Ce problème existe-t-il dans votre collège?

M. Kaeser : Je ne perçois pas ce problème à Lennoxville. Il n'existe pas.

Nous avons, entre autres choses, beaucoup investi dans l'athlétisme et les sports. Je dirais que presque le quart de nos 1 100 élèves pratiquent l'athlétisme ou un sport de compétition. Cela les incite à persévérer et à étudier. Ils nouent des liens et des rapports et ils restent.

Le sénateur Seidman : C'est excellent; merci beaucoup.

La présidente : Combien d'années vous a-t-il fallu pour mettre le programme de sciences infirmières sur pied, planification comprise?

M. Kaeser : Deux ans et demi, un record.

La présidente : Comment est-ce que cela a débuté? Qu'avez-vous fait en premier?

M. Kaeser : Nous avons d'abord obtenu l'appui de la communauté pour le programme, autrement dit, des lettres d'appui de divers organismes de toute l'Estrie : maisons de retraite, universités locales, cégeps et établissements de santé.

Ensuite, je faisais partie d'un certain nombre de comités, ici, en Estrie, qui s'intéressaient à la formation technique et qui ont aidé à obtenir les autorisations gouvernementales. Par leur truchement, j'ai été en mesure de parachever et de présenter le projet et d'obtenir les autorisations, en étroite collaboration avec le bureau local du ministère de l'Éducation, du Loisir et du Sport, le MELS. Le député local a donné un bon coup de pouce, et nous avons présenté un dossier bien étoffé à Québec.

La présidente : C'est parce que vous avez suivi la bonne démarche que votre programme est maintenant couronné de succès, n'est-ce pas?

M. Kaeser : On réussit toujours en s'y prenant de la bonne manière.

Le sénateur De Bané : Monsieur Kaeser, pendant notre visite de l'Estrie, nous rencontrons les représentants de seulement deux établissements d'enseignement : ceux de l'Université Bishop's, que nous avons déjà entendus, et vous.

Pouvez-vous nous donner un tableau complet des trois ordres d'enseignement non universitaires : le primaire, le secondaire, les cégeps et tout le reste? Votre responsabilité officielle, la principale, consiste à diriger le campus du collège régional Champlain à Lennoxville. Cependant, pouvez-vous nous présenter une vue d'ensemble de ce qui existe dans la région? Plus tard, j'aimerais connaître les tendances démographiques, et cetera. Je tiens au moins à avoir une idée du nombre d'écoles primaires, de commissions scolaires, d'établissements d'enseignement primaire et secondaire, de cégeps, de campus ainsi qu'une idée de la population totale. Qu'en était-il il y a cinq et dix ans, quelles sont les tendances, et cetera? Il nous faut ce panorama qui nous fait encore défaut.

M. Kaeser : Vous me prenez au dépourvu, parce que je n'ai pas tous ces détails, toutes les statistiques à ma portée.

On dit de Sherbrooke que c'est une ville de savoir. Compte tenu de la population de toute la région environnante, elle se distingue en effet par le nombre de ses établissements d'enseignement. Il y a d'abord l'Université Bishop's et l'Université de Sherbrooke, puis le cégep de Sherbrooke et le Collège régional Champlain de Lennoxville. Nous trouvons ensuite la commission scolaire Eastern Townships, celle des Sommets et celle des Hauts-Cantons. Les écoles sont très nombreuses.

Le sénateur De Bané : C'est le réseau anglophone qui m'intéresse.

M. Kaeser : Le réseau anglophone, c'est surtout la commission scolaire Eastern Townships. Je laisse à M. Murray, qui me suivra, le soin d'en parler plus en détail. Je pense que ce serait plus approprié.

Le sénateur De Bané : La commission scolaire Eastern Townships s'occupe principalement de l'enseignement primaire et secondaire?

M. Kaeser : Oui, à peu près dans le triangle situé entre Granby, Drummondville et ici.

Le sénateur De Bané : Elle nous fera une description du réseau. Son territoire correspond-il à toute l'Estrie?

M. Kaeser : Oui.

Le sénateur De Bané : Le collège régional Champlain, combien de campus compte-t-il?

M. Kaeser : Il en possède trois : St. Lawrence, St. Lambert et ici.

Le sénateur De Bané : Je vois. Plus tard aujourd'hui, nous serons à St. Lambert.

On nous dit que la communauté anglophone de l'Estrie représente environ 8 p. 100 de la population. Cela vous semble-t- il exact?

M. Kaeser : Je ne connais pas le chiffre exact, mais je pense que c'est à peu près cela.

Le sénateur De Bané : En chiffres absolus, cette population est-elle stable, augmente-t-elle, diminue-t-elle, et cetera?

M. Kaeser : D'après le nombre de demandes que le collège reçoit, je pense que, actuellement, elle est stable.

Le sénateur De Bané : En votre qualité de Townshipper actif, comment décririez-vous le moral de la population à l'extérieur de l'établissement que vous dirigez? Est-il bon? Traduit-il de l'inquiétude? Qu'en pensez-vous? Vous êtes tout à fait libre de répondre.

M. Kaeser : D'après les échanges que j'ai avec les élèves, au collège, ils sont encouragés. Beaucoup prévoient de fréquenter Bishop's, beaucoup cherchent de l'emploi dans la région et beaucoup espèrent y demeurer. Je ne sens pas de découragement. Je sens que le moral est bon.

Le sénateur De Bané : Je pose la question parce que, hier, l'Association des Townshippers nous a fait un long exposé. Elle nous a notamment parlé de déclin démographique, de chômage élevé, de revenus faibles, de faible scolarité, de l'accès aux services de santé, de l'exode, de la marginalisation de la jeunesse, d'un sentiment de discrimination et d'un manque d'appui et de visibilité pour les artistes anglophones. Très peu de contacts sont noués avec les jeunes immigrants.

Son exposé portait sur environ 18 sujets. Je dirais qu'elle a davantage parlé de la population adulte, et non des élèves. Le pourcentage de retraités est supérieur à la moyenne, et cetera. C'est un pourcentage notable.

Elle nous a fait un état des lieux. À la lecture de tous ces sujets, les uns après les autres, je me suis dit : « Mon Dieu! Voilà une région qui a de profondes racines dans l'histoire de notre pays, une région où la communauté anglophone était dynamique. »

D'après vous, nous ne devrions pas être pessimistes. Il y a des difficultés, mais le moral tient le coup?

M. Kaeser : J'ai parlé du moral des élèves que j'ai rencontrés. Il m'est difficile de faire des observations sur l'opinion de l'Association des Townshippers. Je n'ai pas lu son mémoire. Comme vous l'avez dit, elle a passé en revue 18 éléments. J'ignore quelle recherche elle y a consacrée. Le Collège régional Champlain n'est pas un groupe de défense de telle catégorie de citoyens et il ne fait pas ce type de recherche; il se cantonne dans sa mission. Il m'est difficile de formuler des observations. Cependant, en ce qui concerne le moral des élèves que je vois, je le considère comme bon.

Le sénateur De Bané : Bien. Je vous remercie beaucoup et je suis heureux que mon fils ait fréquenté votre collège. Il a ensuite obtenu un baccalauréat en commerce, puis une maîtrise en administration des affaires à l'Université Western Ontario, mais il a beaucoup aimé son passage au Collège Champlain.

M. Kaeser : J'en suis heureux. Merci.

Le sénateur Fraser : Je reviens à la formation professionnelle et technique. Vous offrez quatre programmes, parmi lesquels les sciences infirmières. Je tiens à poser un complément de questions sur ce programme, mais quels sont les trois autres?

M. Kaeser : Nous avons un programme d'informatique et un programme de counseling en soins spéciaux. J'oublie l'autre.

Le sénateur Fraser : Cela vous reviendra. Permettez-moi de poser ma série de questions sur les sciences infirmières. Pendant que vous penserez à vos réponses, le nom de l'autre programme vous reviendra.

Le programme de sciences infirmières se donne-t-il en anglais?

M. Kaeser : Oui.

Le sénateur Fraser : Je suppose que lorsque vous avez demandé des appuis pour le programme, vous n'avez pas eu de difficulté à en obtenir de diverses organisations anglophones, de la Townshippers' Association, ainsi de suite. Les établissements francophones de soins de santé vous ont-ils appuyé?

M. Kaeser : Sans aucune réserve.

Le sénateur Fraser : Puis-je vous demander pourquoi? Est-ce parce qu'ils ressentaient le besoin d'avoir du personnel bilingue?

M. Kaeser : Ils savent qu'il est important pour eux d'avoir des employés bilingues pour aider à répondre aux besoins de la population anglophone.

Le sénateur Fraser : Et je pense que c'est important pour le plan d'accès, bien que je déduise qu'on l'a rédigé à nouveau.

Votre programme comprend-il de la formation en français, pour que vos diplômés puissent travailler dans des établissements francophones et, de façon plus immédiate, puissent obtenir le certificat nécessaire de compétence en langue française, sans lequel ils ne peuvent pas se trouver du travail?

M. Kaeser : Le nom des autres programmes m'est revenu. Il s'agit des techniques de gestion comptable, des systèmes d'information sur ordinateur, de counseling en soins spéciaux et de sciences infirmières. Ce sont les quatre programmes.

Pour répondre à votre question sur la formation en français, le programme est évidemment donné en anglais, mais on donne un certain nombre de cours en français, à l'intérieur du programme, qui visent à aider les élèves à satisfaire aux conditions d'obtention de leur certification.

Le sénateur Fraser : J'ignore qui donne les tests. C'était l'Office québécois de la langue française, mais, maintenant, c'est quelqu'un d'autre.

M. Kaeser : Je pense que c'est maintenant l'Office des professions.

[Français]

Le sénateur Fortin-Duplessis : Monsieur Kaeser, nous avons interviewé par vidéoconférence le groupe de Vision Gaspé, qui représentait des organismes sans but lucratif, qui répondent aux intérêts des communautés anglophones de la Gaspésie. De plus, je lisais récemment, qu'au cours des trois dernières décennies et demie, plus d'un quart de million de Canadiens français ont quitté le Québec, et l'exode continue. La population anglaise qui reste est plus vieille que sa cohorte française, parce que beaucoup de ceux qui partent sont plus jeunes et plus instruits et donc plus mobiles.

Cela m'a fait mal au cœur lorsque j'ai entendu cela. Les jeunes qui restent sont moins bien instruits, souffrent d'un taux plus élevé de chômage et, bien souvent, aboutissent à l'aide sociale. Personnellement, l'exode des jeunes anglophones, même si je suis canadienne-française, m'inquiète et m'attriste.

Pouvez-vous nous dire si cet exode est attribuable à la situation de l'emploi, à l'existence de débouchés ailleurs, à l'absence des infrastructures ou bien à la difficulté de rester ensemble dans une même région?

[Traduction]

M. Kaeser : Je ne pense pas avoir les qualités me permettant de répondre à la question concernant la Gaspésie, sénateur. Je me sentirais plus à l'aise si on parlait de notre région et s'il s'agissait de trouver les causes d'un éventuel exode.

Aujourd'hui, les jeunes sont extrêmement mobiles. Une fois leur formation terminée, rien de plus facile pour eux que de partir avec leur baluchon. Le fils du sénateur De Bané est un excellent exemple d'étudiant qui est allé parfaire son instruction ailleurs. Je ne sais pas où il travaille maintenant.

Le sénateur De Bané : À Toronto.

M. Kaeser : Ils sont extrêmement mobiles.

Aujourd'hui, ce n'est pas seulement la province, mais tout le Canada et le reste du monde qui s'ouvrent aux étudiants, une fois leurs études terminées. Je pense que, à certains égards, notre culture — la culture d'Internet et tout le reste — a suscité une curiosité extrême pour tout ce qui se passe hors de nos frontières.

D'après moi, pour retenir les jeunes dans une région, il faut, en grande partie, commencer à faire germer la volonté de s'instruire à l'école primaire et secondaire, puis la soutenir au cégep et enfin à l'université.

Nous commençons peut-être à comprendre la désaffection relative des programmes techniques. Tous cherchent une réponse à cette énigme. Nous commençons à comprendre que c'est une question culturelle. Elle commence à se poser à l'école primaire ou même secondaire, où on ne reconnaît pas l'importance de ces programmes, ce qui est malheureux. L'université ne convient pas à tous les jeunes. Cependant, admettons-le, ils pourraient faire les meilleurs plombiers, soudeurs et électriciens. Ils pourraient même aller plus loin. Ils pourraient faire leur génie mécanique au collège ou quelque chose de ce genre. Le problème est que, parfois, ces programmes ne sont pas tenus en grande estime. Pourquoi? Il faut les vanter davantage dans le système d'éducation, mais il faut aussi que les parents et la société, dans son ensemble, leur accordent de l'importance.

Aux yeux de certains parents, l'université est le passage obligé vers un bon emploi. Je connais des plombiers qui gagnent plus d'argent que moi, et c'est la réalité. Nous devons instaurer un climat tel que les élèves ou les jeunes sentiront que l'on accorde de la valeur aux études, peu importe leur niveau ou leur forme. Avec l'éducation, vient l'espoir. Elles ouvrent des portes, elles élargissent la voie. Elles sont un acquis dont on ne peut pas se défaire. C'est important. Si nous pouvons instaurer un tel climat, sans préjugé pour tous les types et niveaux d'études, c'est un bon pas dans la bonne voie pour retenir les élèves dans toutes les régions et leur trouver des emplois, et cetera. L'un entraîne l'autre.

[Français]

Le sénateur Fortin-Duplessis : Je vois que le Collège régional Champlain est devant les autres, et cela va très bien. Lorsque j'ai cité tout à l'heure le groupe de la Gaspésie, c'est certain qu'il n'y a pas un quart de million d'étudiants en Gaspésie. On faisait référence à tous les étudiants dans la province de Québec qui sont anglophones et qui quittent. J'ai vu que vous aviez mis des mesures en place qui sont vraiment très intéressantes et vous offrez des cours qui peuvent intéresser des étudiants qui n'aiment pas faire de longues études, aller à l'université ou autre. Je tiens à vous féliciter pour le magnifique travail que vous faites, mais je continue à être très sensible à l'exode des jeunes anglophones.

[Traduction]

Le sénateur De Bané : M. Kaeser dit connaître des plombiers qui font beaucoup d'argent. Cela me rappelle cet homme qui fait venir le plombier chez lui, un dimanche matin et qui, après cinq minutes, s'enquiert du montant de la facture. « Cent dollars », lui dit le plombier. « Cent dollars pour cinq minutes? Même les médecins n'en demandent pas tant. » Et le plombier de répondre : « Je sais, j'étais médecin. »

Le sénateur Seidman : Soyez loués pour ce que vous nous avez dit sur l'importance de la formation professionnelle et technique dans le système collégial. Nous en parlions précisément, un peu plus tôt, quand je vous ai dit que nous étions si privilégiés, au Québec, de se faire offrir cette formation dans notre réseau de cégeps.

Un peu partout au pays, beaucoup de jeunes garçons quittent l'école très tôt. C'est une perte pour notre réseau de collèges et d'universités. J'ai constaté qu'une partie du problème vient de ce que nous n'adaptons pas nos programmes pour les rendre plus attrayants pour eux. J'ai découvert que le fait de montrer l'importance de la formation technique dans notre système collégial était un moyen important de les retenir dans le système.

L'importance que vous accordez à cette formation et votre recherche de façons de l'accroître encore, en étant aux aguets pour découvrir les lacunes et les besoins de la communauté, sont extrêmement dignes d'éloges. Je n'ai pas de question, mais je tenais à faire cette observation.

M. Kaeser : Merci beaucoup.

La présidente : Le sénateur Seidman a tout dit. Quelle belle façon de conclure cette rencontre.

Monsieur Kaeser, je vous remercie beaucoup de vous être présenté devant le comité.

[Français]

Merci beaucoup de vos réponses à nos questions et s'il y a des informations supplémentaires que vous jugez bon d'ajouter, qui pourraient nous aider dans nos délibérations, n'hésitez pas à les faire parvenir à notre greffière.

[Traduction]

M. Kaeser : Je tiens à remercier le comité sénatorial de son invitation. J'ai été honoré et charmé d'être ici aujourd'hui.

La présidente : Le comité accueille le témoin suivant. Je suis le sénateur Maria Chaput, du Manitoba, présidente de ce comité. Je suis accompagnée de plusieurs collègues, membres du comité, que j'invite à se présenter.

[Français]

Le sénateur Fortin-Duplessis : Je suis le sénateur Suzanne Fortin-Duplessis, de la région de Québec. J'ai aussi été membre du Parlement canadien durant neuf ans. Il me fera plaisir de vous questionner tout à l'heure après avoir entendu votre mémoire.

[Traduction]

Le sénateur Seidman : Je suis le sénateur Judith Seidman, de Montréal. Hier, cela a fait un an que je fais partie du Sénat. Je suis reconnaissante du fait d'avoir eu tant de choses à apprendre et d'avoir eu une occasion extraordinaire de servir le public.

Cette semaine, j'ai eu l'occasion merveilleuse de m'instruire, beaucoup plus que je ne l'aurais imaginé, sur ma propre communauté au Québec. J'ai donc bien hâte d'entendre ce que vous nous direz. Merci d'être parmi nous.

Le sénateur Fraser : Mon nom est Joan Fraser, également Montréalaise et anglophone, ex-journaliste, puis sénateur. Je fais partie du Sénat depuis 12 ans. Je puis assurer le sénateur Seidman que l'une des grandes joies que procure le Sénat, c'est d'en avoir toujours beaucoup à apprendre, à l'infini, mais c'est merveilleux. Cette semaine en est la preuve. Nous sommes heureux de votre présence parce que, comme je l'ai dit plus tôt, l'éducation est l'un des thèmes auxquels nous nous sommes intéressés, non pas pour nous ingérer dans un domaine de compétence provinciale, mais, plutôt, pour mieux comprendre le contexte dans lequel se trouve la communauté anglophone et trouver, au contraire, des solutions que nous pourrons recommander.

Le sénateur De Bané : Mon nom est Pierre De Bané. Avant d'être sénateur, j'ai été député à la Chambre des communes. Monsieur Murray, je suis intéressé à entendre votre exposé. Je sais que vos racines plongent dans plusieurs siècles du passé de l'Estrie, mais vous êtes revenu ici, et il est significatif qu'après avoir vécu ailleurs, vous ayez décidé de revenir en Estrie. Je suis sûr que vous nous livrerez une excellente analyse et d'excellentes observations sur la situation et votre passage dans les différents conseils d'administration où vous vous êtes mis au service du bien commun.

La présidente : Je souhaite la bienvenue à la commission scolaire Eastern Townships et à son président Michael Murray.

Monsieur Murray, le comité vous remercie d'avoir accepté son invitation. Il vous invite à faire un exposé d'environ cinq minutes, après quoi ses membres vous questionneront.

Mesdames et messieurs, je vous rappelle que la séance est censée se terminer à 12 h 30.

Monsieur Murray, vous avez la parole.

Michael Murray, président, Commission scolaire Eastern Townships : Merci beaucoup de votre accueil chaleureux.

Je suis heureux d'avoir l'occasion de faire connaître mes perceptions, en tant que membre de la communauté anglophone minoritaire de l'Estrie.

On m'a invité ici en ma qualité de président de la commission scolaire Eastern Townships, mais, dès le départ, je tiens à ce que l'on sache que je parle en tant qu'individu ayant choisi cette région pour s'y établir. En Estrie, les origines de ma famille remontent aux années 1790. Je suis né à Montréal et, sauf pendant de courtes périodes, j'ai grandi ailleurs. Sorti de Queen's avec un diplôme en économie, j'ai travaillé ailleurs pendant plusieurs années. Mon épouse et moi sommes déménagés à Dunham, en 1970, où nous vivons toujours. Nous avons trois enfants, dont deux vivent et travaillent en Estrie. Nous avons deux petits-fils. L'un d'eux entre en maternelle à Knowlton, cette année.

Au fil des ans, je me suis consacré à de nombreux titres à la communauté. J'ai été élu aux conseils d'administration de maisons d'accueil privées ou publiques pour personnes âgées; j'ai été président du centre local de services communautaires, le CLSC; j'ai fait partie du conseil d'administration de l'hôpital; pendant trois ans, j'ai été vice- président de l'Association des Townshippers, dont vous avez déjà entendu parler; j'ai recueilli des fonds pour de nombreuses causes et j'ai représenté la région auprès de divers conseils provinciaux et régionaux. Je suis également commissaire scolaire depuis 1986. En outre, j'ai gagné entièrement ma vie dans la région et j'ai également contribué de façon importante, en tant que membre, à des associations et à des conseils professionnels. En conséquence, je pense que je peux m'exprimer avec une certaine autorité sur ce que ressent et vit un anglophone.

Cependant, il n'est ni simple ni facile de définir ce qu'est un Québécois anglophone en Estrie. Est-ce la langue maternelle qui détermine la situation linguistique ou est-ce la langue couramment parlée à la maison? Les villes sont petites, et le choix de partenaires est limité. Cela a favorisé de très nombreux mariages mixtes, entre les jeunes francophones et anglophones. Le nom de famille ne donne aucune indication sur l'orientation linguistique; pas plus que les ascendants. Personnellement, je peux nommer des ancêtres anglais, français, irlandais, écossais, néerlandais et loyalistes et, anecdotiquement, des ancêtres autochtones. Les divorces, les séparations et les familles reconstituées compliquent davantage le tableau. À la fin, la communauté anglophone se définit elle-même. Ceux qui choisissent d'être anglophones le sont.

La commission scolaire Eastern Townships dessert un territoire de la taille de la Belgique, qui déborde l'Estrie, au- delà de la rivière Richelieu à l'ouest, et au-delà de Drummondville, dans la vallée du Saint-Laurent, au nord. À l'est, son territoire jouxte le Maine et au sud le Maine, le New Hampshire, le Vermont et l'État de New York. Ce territoire englobe trois villes importantes : Sherbrooke, Granby et Drummondville, mais il est rural dans sa plus grande partie et, dans une grande partie, il est classé comme étant défavorisé socialement et économiquement.

À l'ouest, autour de Granby, de Bromont et de Lac-Brome, la périphérie du bassin des gens qui gagnent leur vie à Montréal assure une certaine croissance et des revenus élevés. Le mode de vie attire de jeunes professionnels et, de plus en plus, ils effectuent une partie importante de leur travail via Internet. Le tourisme et les loisirs sont les principaux moteurs économiques de l'ouest du territoire. Cependant, la région de Sherbrooke souffre du départ des emplois manufacturiers qui étaient concentrés dans les secteurs traditionnels tels que le textile, la chaussure et les pâtes et papiers. Drummonville et Granby sont des villes industrielles dynamiques, aux bases économiques diversifiées. Les différentes parties du territoire que nous desservons connaissent donc une santé et une vigueur économiques très variables.

La commission scolaire Eastern Townships est responsable d'environ 5 600 élèves fréquentant, de la maternelle à la fin du 5e secondaire, 26 écoles très dispersées. Elle est également responsable de l'équivalent d'encore 300 élèves dans ses centres professionnels et d'enseignement aux adultes de Sherbrooke et de Cowansville. Sa mission est d'offrir l'enseignement en anglais aux élèves admissibles, mais environ 38 p. 100 de ses élèves déclarent le français comme langue parlée à la maison. Dans certaines écoles, cette proportion s'élève à plus de 80 p. 100. Beaucoup fréquentent ses écoles pour apprendre l'anglais. En même temps, un nombre considérable d'élèves admissibles aux études en anglais fréquentent les écoles publiques françaises dans le dessein de parfaire leur maîtrise d'une langue seconde. Il y a beaucoup d'échanges entre les réseaux linguistiques d'écoles publiques, tout le long des études de ces élèves.

La commission scolaire s'est distinguée en devenant le chef de file de l'intégration de la technologie dans la pédagogie. À ce que nous sachions, nous sommes encore la seule commission scolaire publique au Québec à avoir doté chaque élève, de la troisième année à la fin de l'école secondaire, d'un ordinateur portatif. Nous voulions notamment : réduire l'inégalité entre les élèves de familles défavorisées et ceux de familles riches; briser l'isolement des zones rurales et des petites villes; rendre l'apprentissage plus stimulant et plus à la portée de l'élève; compenser l'absence de ressources culturelles. Nous encourageons les élèves à apporter leur portatif à la maison et nous avons mis à l'essai l'école tout électronique, qui ne consomme pas de papier, et le remplacement des manuels.

Au début, cette expérience qui a duré six ans, de 2003 à 2009, s'est déroulée grâce aux emprunts supplémentaires autorisés par notre ministère de l'Éducation, mais, actuellement, nous poursuivons le programme avec les ressources disponibles. Cette situation nous a forcés à déployer moins d'ordinateurs et à essayer des solutions de rechange. Tous les élèves de cinquième et sixième année ainsi que des trois premières années du secondaire possèdent leur propre portatif, mais chez ceux des années supérieures et inférieures, le ratio est d'un portatif pour deux ou trois élèves. Nous utilisons beaucoup d'autres gadgets, par exemple les tableaux blancs interactifs, en sus des portatifs, pour rendre nos classes et l'enseignement plus dynamiques et plus stimulants. Tous nos bâtiments sont connectés à Internet sans fil et à haute vitesse. Depuis ce virage et grâce à lui, les résultats des élèves se sont améliorés de façon spectaculaire, et nous attribuons la réduction du décrochage, en partie du moins, à l'emploi des portatifs.

Notre virage technologique a fourni des occasions nouvelles et merveilleuses à notre personnel. Nous dirigeons une école virtuelle, l'Institut mondial d'apprentissage, qui rejoint actuellement des élèves au Japon, en Amérique du Sud et dans l'Ouest des États-Unis. L'enseignement se fait en temps réel et il est entièrement interactif. Les périodes de travail des enseignants sont réglées d'après les fuseaux horaires de la clientèle de sorte que, par exemple, les enseignants d'élèves japonais travaillent du dimanche au jeudi, et leur journée débute à 19 heures. Pour la formation du personnel, on utilise en partie des balados et des vidéoclips enregistrés pendant des prestations en direct.

Notre communauté attache en moyenne peu d'importance à l'éducation. Pendant des générations, la plupart des emplois n'exigeaient pas davantage que les compétences les plus essentielles. Pendant longtemps, on a observé un taux de décrochage supérieur à 40 p. 100 avant la fin des études secondaires. Les premiers décrocheurs sont maintenant parents et grands-parents de certains de nos élèves. Leur expérience relativement négative de l'école influe sur leur attitude à son égard. D'après un sondage réalisé le printemps dernier dans nos écoles, 24 p. 100 des élèves de première secondaire ont l'intention de décrocher avant d'obtenir leur diplôme, ce qui porte à croire en l'existence d'une résistance tenace à nos efforts continus visant à promouvoir les bienfaits des études supérieures. En même temps, sur la plus grande partie du territoire, l'offre d'emplois est telle qu'il n'y a pas d'avantage évident à décrocher un diplôme de fin d'études secondaires.

La communauté anglophone est en grande partie bilingue, tout comme nos concitoyens francophones. Il y a relativement peu de tensions linguistiques, bien que certains anglophones expriment irritation et inquiétude devant les politiques gouvernementales qui, d'après eux, tentent d'occulter l'anglais partout, même dans des communautés entières qui ont été fondées et développées par des Anglais dont elles sont maintenant les descendants de la troisième et de la quatrième génération.

Mises à part les lois répressives, les anglophones sont très intégrés au reste de la communauté de l'Estrie. Les conseils municipaux, les organismes publics et les clubs philanthropiques comptent habituellement une proportion de membres anglophones élus par toute la population. Dans le quotidien, la langue de conversation est souvent celle dans laquelle les deux interlocuteurs se sentent le plus à l'aise. Les anglophones s'intègrent facilement parce qu'ils ne sentent pas de menace pour leur langue et leur culture. L'accès aux ressources dans leur langue, toujours répandues, a augmenté ces dernières années, grâce à la télédistribution, à la télévision satellitaire et à Internet. Je pense que ce sentiment de sécurité culturelle porte davantage les anglophones à apprendre le français, à l'intégrer et à l'accepter, par déférence pour leurs voisins francophones qui estiment leur culture et leur langue menacées.

L'un des besoins les plus urgents est de procurer un accès abordable à l'Internet haute vitesse aux régions rurales. Les besoins sont les plus grands chez ceux qui habitent loin des centres d'activités culturelles et sociales. Pourtant ce sont eux qui sont privés du service adéquat. Cet accès pourrait être la façon la plus efficace, au regard des coûts, de réduire la pauvreté et le nombre de défavorisés. Des techniques nouvelles, qui peuvent supprimer les obstacles que constituent la distance et l'ignorance, apparaissent rapidement, mais, malheureusement, les régions rurales sont les dernières à en profiter.

La présidente : La première question viendra du sénateur Seidman.

Le sénateur Seidman : Je tiens à poursuivre sur la question du décrochage. Le problème revient sans cesse. Nous savons pourtant que la jeunesse contribue énormément au dynamisme d'une collectivité. C'est pourquoi le problème devient critique.

Dans un autre comité sénatorial dont je suis membre, le Comité permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, nous avons étudié l'accès aux études postsecondaires. Un problème était récurrent : les jeunes hommes, les garçons, en particulier, décrochent davantage que les jeunes filles et les jeunes femmes.

Chez les diplômés de l'école secondaire, les cégépiens, à l'université, les filles et les femmes prédominent de plus en plus, même dans les domaines traditionnellement masculins.

Pour moi, il est fascinant d'apprendre que, grâce au virage technologique de votre école et aux portatifs, le taux de décrochage a diminué. Dites m'en davantage si vous pouvez vous appuyer sur des recherches ou des faits anecdotiques. En même temps, j'observe que vous avez distribué de l'information qui pourrait renfermer la sorte de statistiques qui pourraient m'intéresser : par exemple, la proportion de décrochage dans vos écoles, la proportion de décrochage en fonction du sexe, ainsi de suite.

M. Murray : Nous avons les décrocheurs dans notre mire depuis six ou sept ans. Malheureusement, avant cela, ce n'était pas un problème ni dans le monde de l'éducation ni à l'extérieur. Vous avez fait allusion à l'accès à des études supérieures. Il faut vouloir se rendre là avant que cela ne devienne un problème. C'est pourquoi je pense que, dans ces cas-là, on parle de deux tranches distinctes de la population.

Une bonne partie des élèves de nos écoles primaires et secondaires sont conditionnés à avoir une attitude défavorable devant l'idée de poursuivre leurs études au-delà de ce qu'exige la loi. Nous constatons que le quart des élèves disent ne pas avoir l'intention de terminer leurs études secondaires, ce qui trahit une certaine orientation culturelle. Je n'ai pas les statistiques pour chaque sexe, mais je pense que cette distinction est faite dans le questionnaire faisant partie de la documentation que je vous ai remise. En Estrie, les emplois ne nécessitant ni formation spécialisée, ni études supérieures sont traditionnellement les plus faciles à obtenir. Les jeunes quittent les études pour travailler pour des commerces de détail ou pour de petits fabricants. Beaucoup deviennent travailleurs de la construction ou chauffeurs de camion. Ils trouvent un métier du genre, qui ne nécessite pas beaucoup de formation et où la demande de main-d'œuvre semble être constante. Par conséquent, ils ne voient pas l'utilité de persévérer s'ils éprouvent de la difficulté en secondaire 1, 2 et 3.

Lorsque nous avons commencé à nous attaquer au problème du décrochage, nous avons entre autres adopté comme orientation la préparation précoce des élèves en vue de la réussite scolaire. Je pense que les structures du monde de l'éducation changent si lentement que c'en est contre-productif.

Vous m'avez posé une question sur notre penchant pour les technologies. Or, nous avons adopté cette orientation pour qu'elle suscite d'autres changements dans le système d'éducation. En général, les enseignants sont formés par d'ex-enseignants, alors il y a un retard d'une génération ou plus entre, d'une part, l'apparition des nouvelles pédagogies et des nouvelles technologies et, d'autre part, l'application de celles-ci en classe.

Nous essayons d'opérer ce changement. Nous pensons que nous sommes en train d'y parvenir, et les statistiques indiquent que c'est bel et bien le cas. Sur la période de trois ans allant de 2002 à 2005, le taux de décrochage a été en moyenne de 39 p. 100, c'est-à-dire de 49 p. 100 parmi les garçons et d'environ 30 p. 100 parmi les filles. Nos enseignants ne pouvaient plus continuer de ne pas voir la gravité du problème.

Nos statistiques les plus récentes indiquent qu'au cours de la période de trois ans entre 2005 et 2008, le taux de décrochage moyen est passé de 39 p. 100 à 34 p. 100. Parmi les garçons, il n'est plus que de 41 p. 100. Nous faisons des progrès. Ils sont beaucoup plus lents et moins spectaculaires que nous l'aurions espéré, mais ils ne sont pas négligeables. Le ministère de l'Éducation du Québec a récemment pris conscience du problème, qui ne se limite ni à la population anglaise, ni à l'Estrie.

Un taux de décrochage de 40 p. 100 est monnaie courante dans les commissions scolaires françaises de notre région. Nous avons donc conclu des accords avec toutes les commissions scolaires françaises qui partagent une partie de notre territoire en vue d'établir des programmes de lutte contre le décrochage. Le taux de décrochage varie d'une commission scolaire à l'autre, mais il est élevé partout.

Le sénateur Seidman : J'ai une question technique à vous poser concernant la définition d'un élève qui décroche et je ne suis pas certain que vous pourrez y répondre. Au cours de ma discussion avec une personne qui se trouve dans l'assistance ici, elle me disait que, si un jeune change d'école, il est compté parmi les décrocheurs dans l'école qu'il quitte et vient grossir les statistiques sur le décrochage. Est-ce bien le cas?

M. Murray : Les statistiques sont loin d'être parfaites. Elles sont néanmoins compilées en tenant compte des déplacements d'élèves d'une école à l'autre au Québec. Toutefois, si un élève quitte le Québec après y avoir commencé ses études, il est considéré comme un décrocheur, puisque son numéro d'élève disparaît des statistiques. À l'inverse, si un élève vient étudier au Québec, ne serait-ce que pour un an, après avoir commencé ses études ailleurs, il augmente le nombre d'élèves n'ayant pas décroché. En outre, si un élève étudie au Québec pendant trois ans, puis en repart, comme c'est le cas lorsque les populations sont très mobiles, il est compté lui aussi dans les décrocheurs. Mais cette particularité statistique ne s'applique qu'aux cas d'élèves qui arrivent dans la province ou qui la quittent. Le ministère est au courant du problème et s'est aperçu qu'il n'avait pas une incidence sur le taux de décrochage uniquement dans les commissions scolaires anglaises, mais également dans les commissions scolaires françaises. Par conséquent, il nous dit vouloir essayer de tenir une comptabilité distincte pour les élèves qui quittent la province. Nous le faisons déjà manuellement et nous constatons que de 7 à 8 p. 100 des cas de décrochage s'expliquent par des départs hors du Québec, dont nous avons connaissance parce que nous devons envoyer les relevés de notes de ces élèves de manière à ce qu'ils puissent poursuivre leurs études à l'extérieur de la province.

Le sénateur Seidman : À Québec, les gens nous ont dit qu'ils observaient un taux de roulement de 25 p. 100 sur une période de cinq ans. Un taux de roulement élevé donne l'impression que le problème est pire qu'il ne l'est vraiment. Il crée une anomalie statistique, essentiellement. Si l'on ne suit pas le parcours de chaque élève, on s'en remet à des statistiques globales.

M. Murray : Comme je l'ai indiqué, les calculs statistiques se font à partir des numéros d'élève. Le problème survient lorsque ces numéros disparaissent de la base de données, c'est-à-dire lorsque les élèves partent de la province.

Le sénateur Seidman : Pourriez-vous remettre au comité une description écrite de votre programme de technologie et d'ordinateurs portables, y compris les résultats obtenus, si vous disposez d'une telle description? Est-ce possible? Cela nous serait utile.

M. Murray : C'est certainement possible. Nous avons analysé ce programme en profondeur. C'est un programme expérimental autorisé par le ministère à condition notamment que nous en mesurions les effets. Nous nous sommes efforcés de le faire, et nous avons recueilli des données. Nous collaborons actuellement avec l'Université de Montréal, une université francophone, pour mesurer les résultats finaux, du moins, les résultats obtenus dans l'ensemble, à la fin de la phase expérimentale.

Le sénateur Seidman : Merci beaucoup pour cet exposé.

La présidente : J'ai une question à vous poser pour faire suite à la question du sénateur Seidman. Vous avez parlé de l'accès Internet à haut débit. Je crois vous avoir entendu dire que toutes vos écoles avaient un accès Internet à haut débit.

M. Murray : Elles ont toutes un accès Internet à haut débit. Toutes les écoles sont reliées à un réseau de fibres optiques, alors nous disposons d'une énorme bande passante. Toutes les écoles sont dotées d'un réseau local sans fil grâce auquel toute personne munie d'un ordinateur portable, dans le bâtiment ou même à proximité du bâtiment, peut se connecter à Internet en passant par le portail. Il est intéressant de voir les gens venir stationner leur voiture près des écoles les soirs ou les fins de semaine pour que les élèves puissent faire leurs travaux scolaires.

La présidente : Est-ce que cela vous a coûté cher? Je viens du Manitoba, et nous envisageons de faire la même chose dans les régions rurales, où l'accès Internet à haut débit n'est pas disponible. Comment y êtes-vous arrivés?

M. Murray : Nous avons eu la chance de pouvoir participer à un programme du gouvernement du Québec intitulé Villages branchés du Québec. Le gouvernement ayant contribué financièrement à la construction d'un réseau qui était principalement ou initialement destiné à relier les hôtels de ville au ministère des Affaires municipales pour faciliter la transmission de données, on a décidé d'agrandir ce réseau pour y rattacher des partenaires issus des secteurs public et privé. Nous partageons la plus grande partie de notre réseau avec les municipalités desservies et avec des fournisseurs de services qui vendent des abonnements à l'accès Internet par câble aux habitants de ces municipalités.

La présidente : C'est formidable. Félicitations. C'est bon.

[Français]

Le sénateur Fortin-Duplessis : Ma question sera un petit peu spéciale. Je voudrais savoir si le français est enseigné dans les écoles anglaises aux niveaux du primaire et du secondaire, un peu comme les francophones qui reçoivent un ou deux cours d'anglais d'une heure durant un cycle. Pour les francophones qui ont des cours d'anglais aux mêmes niveaux primaire et secondaire, quand ils terminent leurs études, ça vaut ce que ça vaut : ils ne sortent pas parfaitement bilingues à la fin de leurs études.

Je vous pose cette question parce que plusieurs témoins étaient vraiment très soucieux de ce point, parce qu'ils disaient qu'il y avait très peu de fonctionnaires anglophones. J'imagine que, pour le gouvernement du Québec, un fonctionnaire anglophone doit connaître le français. Pensez-vous que la connaissance des deux langues officielles est nécessaire pour permettre aux communautés anglophones de votre région de prospérer et de se développer?

M. Murray : Si je réponds en français, je pourrai mieux exprimer ou expliquer la complexité de la réponse à votre question, qui semble assez simple.

La vraie réponse est que cela dépend. Dans nos écoles nous avons adopté, depuis dix ans maintenant, ce qu'on appelle une approche bilettrée. On essaie d'enseigner les deux langues au plus haut niveau possible en tenant compte des capacités de l'élève.

Dans nos écoles, à Sherbrooke, à Drummondville et à Granby, où la majorité des élèves s'expriment en français à leur domicile, on enseigne un programme qui n'est pas techniquement autorisé par le gouvernement, qui s'appelle Langue maternelle. Techniquement, les commissions scolaires anglophones sont censées enseigner le français langue seconde, et le plus haut niveau permis ou reconnu c'est l'immersion. Cependant, avec une majorité d'élèves francophones dans certaines de nos écoles, on ne voit pas pourquoi, alors on a procédé à l'enseignement de la langue primaire, c'est-à-dire la langue maternelle.

En effet, les élèves de ces écoles choisissent, dans la cour d'école, dans les corridors, dans la cafétéria et dans le gymnase, le français comme langue de préférence. Ce qui est peut-être plus intéressant, c'est que l'une des initiatives, si vous voulez, qui distingue la commission scolaire Eastern Townships des autres commissions anglophones, c'est que pour un très grand nombre de nos élèves, plus de la moitié, le transport scolaire s'effectue en commun avec les commissions scolaires francophones publiques du territoire. Alors le matin, au lieu d'avoir deux et parfois trois autobus à parcourir les mêmes chemins de campagne, il n'y en a qu'un qui transporte les élèves aux écoles, qui sont près l'une des autres, francophones et anglophones.

On peut rajouter pour ces élèves l'autobus comme un endroit d'apprentissage de la langue. Il est drôle parfois de visiter nos écoles — et je vous encourage à le faire si vous avez le loisir — d'entendre les conversations entre élèves qui commencent dans une langue et se terminent dans l'autre, ou l'un qui parle anglais et l'autre répond en français et les deux se comprennent parfaitement.

Dans d'autres écoles, et c'est la partie la moins louable, le français qui y est enseigné est un peu moins commun parce qu'il n'y a pas de soutien quotidien de la langue dans les cours, les corridors, et cetera. La langue de l'école est plus en anglais. Ce qui a pour conséquence que la demande du français, comme langue seconde, est un peu moins développée. Cependant, il est essentiel, et on prêche cela autant aux parents qu'aux élèves, que pour rester dans une province, qui est un des objectifs de la majorité des groupes communautaires, un diplômé devrait maîtriser le français au sens d'être compétent et fonctionnel autant par écrit que verbalement. On fait notre possible pour réaliser ce phénomène.

Est-ce que cela répond à votre question?

Le sénateur Fortin-Duplessis : Oui, cela répond à ma question. Je vous remercie infiniment.

[Traduction]

Le sénateur Fraser : Je voudrais poursuivre au sujet de la maîtrise des deux langues. Arrive-t-il que des enfants anglophones ne possèdent pas l'anglais aussi bien qu'on le voudrait, à l'écrit du moins, en raison de l'environnement extraordinairement bilingue?

M. Murray : C'est possible, mais les études que nous avons réalisées et celles que nous avons consultées nous indiquent qu'il y a un bon transfert des compétences langagières. Nous avons augmenté le nombre de minutes de français dans toutes nos écoles au-delà du minimum exigé et nous favorisons l'enseignement en français d'autres matières que le français. Dans beaucoup d'écoles de notre commission scolaire, les élèves ont le choix de suivre en français leurs cours de sciences humaines ou d'autres cours, même si ces élèves ne suivent pas le programme d'immersion française. Les cours d'éducation physique sont largement donnés en français, de manière à favoriser une connaissance d'usage de la langue seconde plutôt que l'acquisition des structures de cette langue. Il y a un bon transfert des compétences langagières.

Le sénateur Fraser : Ma question porte sur l'anglais.

M. Murray : J'y arrive. Y a-t-il une faiblesse en anglais? Je crois que c'est une faiblesse globale de l'environnement culturel et qu'elle ne se limite pas aux endroits ou le français est très présent. C'est un phénomène que nous observons dans toutes nos écoles. Nous partageons avec nos voisins francophones bon nombre de désavantages de la vie en milieu rural ou dans de petites municipalités. Lorsqu'on vient de ce milieu, on connaît bien le problème de dépeuplement des régions rurales qui existe depuis plus d'un siècle. En raison du manque d'emplois, les gens qui sont les plus mobiles et qui sont les mieux outillés vont chercher les meilleurs emplois ailleurs, laissant derrière eux ceux qui sont moins bien outillés et qui finissent par faire des enfants ayant pour destin de grandir dans des foyers moins riches en ressources culturelles, en livres et en choses du genre, ce qui aggrave le problème.

Nous sommes aux prises avec la difficulté de bien enseigner l'anglais, tout comme le français, en raison du milieu d'où proviennent nos élèves, qui est déficient et leur crée un handicap au départ pour ce genre d'apprentissage.

Le sénateur Fraser : Je reviens à votre programme d'informatique extraordinaire, qui a l'air fantastique. Je ne suis pas du tout étonnée qu'un tel accès aux ordinateurs réduise le taux de décrochage parmi les garçons. À bien y penser, c'est une solution évidente, mais il y a d'autres questions à se poser.

Laissez-moi vous expliquer ce que j'ai en tête, puis vous me direz si je me trompe. Comme une grande partie de vos élèves viennent à l'école en autobus, je tiens pour acquis qu'ils doivent en repartir lorsque les classes se terminent, ce qui limite considérablement leur participation à des activités parascolaires. Ai-je bien raison jusqu'ici?

Je pense en particulier aux sports organisés que les garçons ont tendance à aimer, mais aussi à d'autres choses, comme les arts dramatiques et la musique. Je ne pense pas seulement au football. S'agit-il d'un problème inhérent à votre situation et, le cas échéant, que peut-on y faire? Si c'est bel et bien un problème inhérent, il en découle pour moi d'autres problèmes.

M. Murray : Bien entendu que c'est un problème. Je vous dirais d'entrée de jeu que c'est un problème commun à toutes les régions rurales. Il ne concerne pas exclusivement les anglophones.

Nous essayons de compenser de diverses façons. Dans toutes nos écoles secondaires, les activités parascolaires deviennent plus importantes à mesure que les jeunes vieillissent et que la journée scolaire s'allonge, entre le moment où les autobus arrivent le matin et celui où ils repartent l'après-midi. En général, deux fois par semaine, le transport en autobus est réparti sur une plus longue plage horaire. Il s'agit de permettre aux élèves de participer à des activités parascolaires lors de la pause du midi, qui est prolongée, pendant une période d'une demi-heure à 45 minutes avant que les classes commencent le matin ainsi que pendant une autre période d'une demi-heure à 45 minutes après l'école, avant que les autobus ne prennent le chemin du retour.

Pour allonger ainsi la plage horaire, nous faisons faire deux fois le circuit aux autobus scolaires dans l'après-midi. L'autobus prend les élèves du primaire et du secondaire le matin. L'après-midi, le même autobus commence par ramener les élèves du primaire chez eux à la fin de la journée scolaire. Puis, il retourne prendre les élèves du secondaire et refait le même circuit 90 minutes plus tard pour les ramener chez eux, de manière à ce qu'ils passent plus de temps à l'école et participent à des activités complémentaires.

Le sénateur Fraser : Croyez-vous que cette mesure est utile?

M. Murray : Oui. Même si ce n'est pas la réponse à tous les problèmes, c'est une mesure utile. C'est un compromis qui tient compte des ressources dont nous disposons. Nous voudrions bien organiser le transport par autobus pour allonger la plage horaire cinq jours par semaine, mais nous n'en avons pas les moyens.

Le sénateur Fraser : En ce qui concerne le taux de décrochage, je crois vous avoir entendu dire que de 7 à 8 p. 100 des décrocheurs apparaissant dans les statistiques ne sont pas vraiment des décrocheurs, mais plutôt des élèves qui sont partis habiter dans une autre province, où ils poursuivent leurs études.

M. Murray : J'aurais dû plutôt employer le terme « points de pourcentage ». Si, par exemple, le taux de décrochage brut est de 39 p. 100, le taux de décrochage réel se situe autour de 30 p. 100 une fois qu'on a soustrait les élèves qui, de toute évidence, sont partis hors de la province. Étant donné que notre taux de décrochage brut est aujourd'hui d'un peu plus que 30 p. 100, on obtient un taux de décrochage réel inférieur à 30 p. 100, une fois soustraits les sept points de pourcentage correspondant aux élèves dont nous savons qu'ils sont partis hors de la province.

Le sénateur Fraser : L'éducation est de compétence provinciale, mais le gouvernement fédéral a des responsabilités à l'égard des minorités de langue officielle. Par conséquent, quelle aide aimeriez-vous obtenir de la part du gouvernement fédéral? Davantage d'ordinateurs?

M. Murray : Oui, nous avons demandé de l'aide au gouvernement fédéral lorsque nous avons mis sur pied le programme d'informatique. Je dois dire que le gouvernement provincial nous a fortement invités à demander une telle aide. Il nous a encouragés à mener à bien cette expérience, mais il souhaitait fortement que nous trouvions l'argent ailleurs. Nous avons par conséquent demandé de l'aide au gouvernement fédéral. Nous n'avons pas pu faire cadrer ce programme ni avec les programmes du ministère du Patrimoine canadien, ni avec ceux du ministère de l'Industrie et du Commerce, auquel nous nous sommes également adressés.

On a bien accueilli notre idée, mais sans nous fournir d'aide financière. Comme je l'ai indiqué, il serait utile que nous puissions trouver un moyen de payer les coûts actuels de ce programme, au-delà de l'accès Internet à haut débit et de la transmission des signaux télévisuels qui sont désormais une réalité dans les régions rurales et éloignées. Ces coûts actuels sont importants parce qu'il faut former les enseignants ou leur permettre de se recycler. Encore aujourd'hui, les diplômés des facultés d'éducation sortent des universités sans avoir la formation nécessaire pour intégrer à leur enseignement les ordinateurs portables, les tableaux blancs interactifs, les enregistreurs audio numériques, les caméras vidéo, et ainsi de suite. Nous devons partir de zéro avec ces jeunes enseignants, ce qui nous oblige à consacrer beaucoup d'énergie et de ressources pour leur montrer les nouvelles techniques pédagogiques.

Les facultés d'éducation dont nous engageons les diplômés nous disent que des difficultés structurelles les empêchent de s'adapter pour répondre à notre demande. Bien entendu, notre commission scolaire est la seule de la province à avoir ce problème. Compte tenu de sa très petite taille et de son éloignement, elle reçoit moins d'attention qu'une commission scolaire de l'ouest de Montréal.

Le sénateur Fraser : Il est à espérer que vous ne serez plus la seule commission scolaire de la province à avoir ce problème.

La prochaine question est ma dernière. Que faites-vous pour ce qui est de la traduction des manuels, c'est-à-dire pour remédier au problème des versions anglaises des manuels, qui arrivent trop longtemps après les versions françaises? À votre avis, la traduction se ferait-elle plus vite avec un financement judicieux de la part du gouvernement fédéral?

M. Murray : Je ne suis pas trop certain d'être de cet avis. Une bonne partie de ce drame est en fait imaginaire. Nous avons eu les manuels quand nous en avions besoin. Les médias ont consacré beaucoup de temps à déplorer l'absence des manuels six mois avant que nous en ayons besoin. Pourtant, lorsque les élèves sont arrivés en classe, les manuels étaient là. Je ne crois pas que ce soit un vrai problème. Nous avons de la difficulté en revanche à obtenir des manuels en anglais adaptés aux programmes d'études du Québec, car nous pouvons acheter des manuels en anglais partout dans le monde. C'est en partie un problème d'offre sur le marché. J'ai eu la chance d'assister à un congrès dans le Maine, en juin, où j'ai rencontré des éditeurs venus d'Israël, qui publient déjà leurs ouvrages en trois langues, l'arabe, l'anglais et l'hébreu, et qui seraient tout à fait disposés à ajouter le français. Leur clientèle est minuscule. Leurs manuels sont tous sur support électronique. Ils peuvent imprimer un manuel sur papier si quelqu'un le demande, mais au départ, ce sont des manuels numériques qui peuvent être continuellement révisés et mis à jour. Ce sont des livres fantastiques. Ils sont dynamiques. Là où le lecteur verrait une image, dans un manuel sur papier, il trouve un petit extrait vidéo. Là où il verrait un graphique, il voit une courbe se dessiner sous ses yeux. Comparativement aux manuels traditionnels, de tels manuels constituent une façon beaucoup plus dynamique d'enseigner n'importe quelle matière, à n'importe quel niveau. Malheureusement, nous ne sommes pas parvenus, jusqu'à maintenant, à franchir le dédale bureaucratique du ministère de l'Éducation pour obtenir la permission d'utiliser de tels manuels.

Évidemment, nous devons aussi affronter l'autre problème, encore plus déterminant, c'est-à-dire celui d'apprendre aux enseignants à utiliser ces manuels. Nous ne pourrions pas simplement installer les manuels dans des ordinateurs et laisser les enseignants se débrouiller comme ça. Nous sommes conscients qu'il faudra beaucoup de séances de perfectionnement professionnel pour que les enseignants puissent se sentir à l'aise avec ce genre de manuels et s'en servir utilement en classe.

Le sénateur Fraser : Je pourrais encore poser des questions pendant longtemps, mais je vais m'arrêter. Merci, madame la présidente.

[Français]

La présidente : Est-ce que ce genre de projet, sur ordinateur ou autre, ne susciterait pas un plus grand intérêt de la part des jeunes? Nos jeunes s'intéressent tellement à la technologie. Cela ne pourrait-il pas aider les jeunes à demeurer plus longtemps aux études?

Le sénateur Murray : D'après moi, oui. L'un des aspects des décrocheurs, ce n'est pas qu'ils sont les moins intelligents, les élèves ayant le moins de potentiel, mais au contraire, je soupçonne fortement, sans avoir la moindre statistique pour appuyer mes dires, que c'est l'ennui, l'indifférence dans le sens que ce qui est enseigné dans une classe n'est aucunement applicable dans le quotidien de l'élève. C'est ce qui fait qu'à la fin du troisième secondaire, l'attrait d'une voiture et d'un emploi, avec un peu argent régulier pour sortir sa blonde, devient plus important que de continuer dans cette ennuyante pratique. Et le seul moment de plaisir dans une journée, c'est de jouer au soccer ou au football pendant une heure et demie après les classes.

[Traduction]

Le sénateur De Bané : Monsieur Murray, il y a un an, Jacques Parizeau a fait une déclaration au sujet du décrochage scolaire. Je ne me souviens pas s'il parlait seulement de la région de Montréal ou de toute la province, mais il a dit qu'au Québec, le taux de décrochage dans les écoles françaises était le double de celui des écoles anglaises. Il considère que c'est un échec monumental.

C'est un problème important. Évidemment, nous savons tous qu'à l'ère du savoir, un adolescent qui abandonne ses études n'est pas promis à un bel avenir. C'est un problème grave. Je ne vois pas comment nous pourrions envisager un avenir prometteur pour ces jeunes gens, alors nous devons agir.

Vous dites que le territoire de votre commission scolaire est aussi grand que la Belgique et qu'elle comprend 26 écoles. Quel est l'itinéraire de l'autobus scolaire qui doit parcourir le plus long trajet? À Québec, la commission scolaire anglaise nous dit que certains jeunes enfants doivent faire un trajet d'une heure et demie, matin et soir, en autobus, pour aller à l'école et en revenir. C'est l'équivalent d'un aller-retour entre Québec et Trois-Rivières.

Dans votre région, avec les 26 écoles disséminées sur un territoire aussi grand que celui de la Belgique, éprouvez- vous un tel problème ou arrivez-vous à mieux gérer la situation?

M. Murray : Le problème existe, et nous nous sommes penchés dessus. On est parfois choqué par les exemples extrêmes. Nous avons des élèves qui doivent faire deux fois par jour un trajet de 90 minutes. C'est terrible, mais ce n'est pas la règle. Il ne faut pas perdre de vue la taille de notre territoire et la faible densité de sa population. Le premier élève monte à bord 90 minutes avant l'arrivée à l'école, mais pour le deuxième, le trajet n'est que de 75 minutes. Pour le troisième, c'est 60 minutes. Puis, à mesure que l'autobus approche de l'agglomération ou se trouve l'école, il traverse en général des zones plus densément peuplées et arrête plus souvent, ce qui fait que le trajet est beaucoup plus court pour la moyenne des élèves que pour les cas extrêmes.

Actuellement, nous songeons à compenser la durée du trajet par l'installation de modems cellulaires dans les autobus, de manière à ce que les élèves puissent avoir accès à Internet avec leur portable pendant qu'ils sont dans l'autobus. Nous en sommes au stade expérimental présentement. Nous collaborons avec Bell Canada et Rogers, qui nous offrent les services et nous prêtent l'équipement. Il s'agit de permettre à l'élève de mettre à profit le temps qu'il passe dans l'autobus.

Le sénateur De Bané : Vous dites que les élèves de la cinquième et la sixième année, au primaire, ainsi que des trois premières années du secondaire avaient un ordinateur portable, n'est-ce pas?

M. Murray : Oui.

Le sénateur De Bané : Comment ce programme se compare-t-il à ce qui existe dans les autres commissions scolaires du Québec?

M. Murray : Dans notre cas, chaque élève se voit attribuer son propre ordinateur portable. Il peut l'emporter chez lui le soir, les fins de semaine et les jours de congé. Dans les autres écoles, le ratio est d'un ordinateur portable pour deux, trois ou cinq élèves, par exemple. Les ordinateurs portables ne sont pas attribués aux élèves. Ils demeurent à l'école.

Le sénateur De Bané : Comment êtes-vous arrivés à équiper ainsi vos élèves?

M. Murray : Comme je l'ai dit, c'était un programme expérimental financé indépendamment des ressources habituelles.

Le sénateur De Bané : Au stade expérimental, le programme a commencé en troisième année. Aujourd'hui, il s'étend de la cinquième année du primaire à la troisième année du secondaire et n'est plus expérimental. C'est un programme permanent, n'est-ce pas?

M. Murray : C'est exact.

Le sénateur De Bané : D'où provient l'argent servant à financer ce programme?

M. Murray : Nous le finançons avec l'argent qui nous est fourni dans le cadre des programmes normaux du ministère de l'Éducation du Québec. Nous consacrons aux ordinateurs portables une partie de l'argent que nous dépenserions normalement pour les manuels, mais que nous économisons en nous procurant une partie du matériel didactique sur support électronique. Nous utilisons diverses sommes qui nous sont accordées pour la technologie. Nous récupérons des sommes ici et là, dans d'autres budgets, pour financer ce programme.

Le sénateur De Bané : Vous écrivez dans votre document que, grâce au ratio d'un ordinateur portable par élève et à l'utilisation des tableaux blancs interactifs, les résultats des élèves se sont grandement améliorés.

M. Murray : Oui.

Le sénateur De Bané : C'est bien le constat que vous faites.

M. Murray : Nous faisons ce constat avec les statistiques qui nous sont fournies par le ministère de l'Éducation, notamment avec son classement des commissions scolaires. Le ministère n'a pas encore publié le classement de 2009, mais pour l'année 2008 et les années précédentes, nous disposons d'un classement des écoles qui va de la première à la dernière et qui est établi selon plusieurs critères : nombre de décrocheurs, taux de diplomation et notes moyennes des élèves aux examens de fin d'études. En 2002, la Commission scolaire Eastern Townships était 66e sur un total de 69 commissions scolaires. En 2008, nous étions 26e. Je crois pouvoir dire sans trop risquer de me tromper que, selon les statistiques qui viennent du ministère, et non de nous, nos résultats se sont beaucoup améliorés.

Le sénateur De Bané : C'est clair.

M. Murray : Évidemment, nous ne nous satisfaisons pas de la 26e place.

Le sénateur De Bané : Pourriez-vous nous guider pour la consultation de ces deux documents?

M. Murray : Oui. Je vais devoir sortir mon ordinateur portable pour consulter les documents parce que je ne les ai pas sur papier. Avez-vous des questions précises à me poser?

Le sénateur De Bané : Je vous lis deux ou trois statistiques qui me frappent. Au numéro 3, pour les écoles primaires, le temps passé par les élèves de votre commission scolaire à regarder la télévision est environ un tiers de moins que la moyenne canadienne. C'est une statistique impressionnante. Une autre attire aussi mon attention, à la page 1, sur les écoles primaires. Il s'agit du nombre d'élèves dont l'alimentation est conforme aux recommandations du Guide alimentaire canadien : 52 p. 100 comparativement à 18 p. 100.

M. Murray : Oui, puis-je vous faire mes observations sur ces statistiques avant de passer à autre chose?

Le sénateur De Bané : Oui.

M. Murray : Nous devons placer les données dans leur contexte. Il est possible que la moyenne de 1,1 heure par jour à regarder la télévision, parmi les élèves de la commission scolaire Eastern Towships, comparativement à 1,5 heure par jour dans l'ensemble du Canada, soit le résultat d'un plus grand nombre d'heures passées par les élèves devant l'écran de leur ordinateur, lorsqu'ils ont un tel appareil. Il est possible également que cette différence soit attribuable au grand nombre d'heures passées dans l'autobus à se déplacer entre l'école et la maison, ce qui laisse aux élèves moins de temps pour regarder la télévision.

Il se peut aussi qu'il y ait un biais statistique. Ce sont les élèves eux-mêmes qui indiquent le temps qu'ils passent à regarder la télévision, et ils ont peut-être alors tendance à donner une réponse correspondant à ce qui leur paraît souhaitable. Selon le point de vue largement véhiculé par les médias, un nombre d'heures élevé est considéré comme mauvais, tandis qu'un faible nombre d'heures est bon. Donc, cette statistique n'est peut-être pas un reflet fidèle de la réalité.

C'est différent dans le cas des recommandations du Guide alimentaire canadien. Notre commission scolaire s'emploie depuis six ans à mettre en œuvre une politique à deux volets concernant la nutrition. Premièrement, nous voyons à ce que nos cafétérias servent des repas nutritifs et bien équilibrés, à l'heure du midi. De plus, nous avons des programmes de déjeuner dans les régions où habite une concentration élevée de familles à faible revenu. Deuxièmement, nous faisons de l'éducation. En sciences humaines et dans d'autres matières, nous nous efforçons d'enseigner aux élèves et aux parents les recommandations du Guide alimentaire canadien, parce que nous savons que les parents ont besoin d'être informés pour que les familles adoptent de saines habitudes alimentaires au foyer.

Le sénateur De Bané : Voilà qui est intéressant. Il est bon que vous nous permettiez de voir les statistiques sous un autre angle. À la page 2, la dernière statistique est le nombre d'heures consacrées aux devoirs. On constate qu'il est moins élevé que la moyenne, peut-être parce que les élèves passent trop de temps à bord des autobus.

La première statistique sur les élèves du secondaire concerne le nombre de jours de classe où les élèves s'absentent sans justification. On constate que ce nombre est beaucoup moins élevé que la moyenne, dans votre commission scolaire.

M. Murray : C'est peut-être le transport en autobus qui nous avantage. Les parents n'ont pas beaucoup de prise sur les élèves qui se rendent à l'école en marchant ou qui disparaissent de chez eux et échappent à leur surveillance. De nombreux élèves de notre commission scolaire étant obligés de se déplacer en autobus, la supervision parentale s'en trouve peut-être facilitée. Les parents peuvent savoir si leurs enfants vont à l'école ou non.

Le sénateur De Bané : Il est intéressant de constater que les statistiques concernant les élèves de votre commission scolaire sont bonnes comparativement aux élèves du reste du pays.

M. Murray : Je signale au sénateur Fraser que, dans les statistiques concernant les écoles secondaires, on voit que la proportion d'élèves pratiquant des sports à l'école est de 52 p. 100.

Le sénateur Fraser : Je l'avais remarqué. Vous êtes au-dessus de la moyenne.

M. Murray : Tout juste.

Le sénateur De Bané : Monsieur Murray, comme on dit, il est possible de juger un arbre à ses fruits. En passant du 66e rang au 28e, vous avez fait la preuve de l'efficacité des techniques que vous employez. Vous êtes au courant de ce qui se fait en Israël et aux États-Unis. Vous avez eu recours à des moyens additionnels pour accroître l'intérêt des élèves, notamment aux tableaux blancs interactifs. Manifestement, vous êtes un exemple à suivre pour les autres commissions scolaires de la province et du pays.

M. Murray : Merci beaucoup.

Le sénateur Fraser : Puis-je poser une question supplémentaire?

La présidente : Le sénateur Seidman voulait poser une brève question.

Le sénateur Fraser : Je cède la place au sénateur Seidman.

La présidente : Il ne nous reste pas plus de cinq minutes.

Le sénateur Seidman : Je constate avec admiration que nous sommes en présence d'une commission scolaire modèle. Vous vous êtes attaqués à deux problèmes importants. Évidemment, le problème de l'obésité des enfants est devenu un problème sérieux. Je suis impressionnée de voir que vous avez pris le taureau par les cornes et que vous luttez contre ce problème par des programmes de nutrition dans vos écoles. Je constate que les élèves de vos écoles primaires et de vos écoles secondaires ont de meilleures habitudes alimentaires que la moyenne.

Vous indiquez que vous avez consacré des efforts à ce programme, qui vise notamment l'alimentation à l'école. Je connais l'ampleur du problème : j'ai entendu des parents me dire que, lorsque les élèves mangent à l'école, ils ne veulent pas y apporter des repas nutritifs parce qu'ils ont l'impression d'être à part. Ils veulent faire comme les autres et manger à la cafétéria, où ils consomment des hot-dogs, des croustilles ou d'autres aliments du genre.

Dans le cadre des programmes scolaires sur l'alimentation, en Grande-Bretagne, on s'est aperçu que les enfants ne pouvaient pas reconnaître un fruit comme une fraise ou un légume comme une pomme de terre sur une photographie. Ils n'ont pas la moindre idée de ce que c'est. Ils ne sont pas capables de nommer une pomme de terre ou une fraise parce qu'ils sont trop habitués de voir des frites. C'est un constat frappant.

J'aimerais que vous nous expliquiez comment vous vous y êtes pris pour créer votre programme pour le repas du midi. En quoi consiste ce programme exactement?

M. Murray : Comme je l'ai dit, nous avons commencé il y a environ six ans par engager deux diététistes, qui se sont rendus dans nos écoles pour évaluer la nourriture offerte dans les cafétérias et pour nous faire leurs recommandations à cet égard. Nous avons consulté les parents pour savoir quel était le prix maximal qu'ils pouvaient se permettre de payer pour les repas. Nous devions garder à l'esprit que, sur une bonne partie de notre territoire, les familles ont un revenu relativement faible. Puis, nous avons demandé aux diététistes de préparer des menus recommandés pour les cafétérias.

Il y a deux ans, nous avons appris avec fierté qu'après avoir effectué une enquête comparative, La Presse, un journal de Montréal, avait désigné la cafétéria de l'une de nos écoles comme la meilleure cafétéria scolaire du Québec. Nous ne savions pas que ce journal avait entendu parler de l'école de Sutton et nous nous doutions encore moins qu'il la jugerait apte à soutenir avantageusement la comparaison avec d'autres écoles.

Nous faisons connaître très activement ce genre de choses dans notre réseau. Quand nous nous informons, auprès de la direction d'une école, de la situation de la cafeteria de l'établissement, en l'informant du prix décerné à l'école de Sutton, je peux vous dire que les aliments tels que chiens chauds, pizzas, poutines et ainsi de suite n'ont plus droit qu'à quelques journées particulières pendant le mois et qu'ils sont en général introuvables dans les écoles.

Comme Jamie Oliver l'a découvert, l'apprentissage se fait progressivement dans ce domaine, comme dans n'importe quel autre domaine. Les enfants commencent par rejeter la bonne nourriture au début. Puis, au bout de quelques semaines, voyant qu'ils n'ont d'autre choix, sinon apporter leur propre dîner, ils se mettent à acheter les repas chauds qui sont préparés à la cafétéria. Ils peuvent, par exemple, dans un cas particulier, acheter une soupe, un repas principal et un dessert pour 3,75 $. Je crois que c'est le prix. C'est une entreprise privée qui gère la cafétéria, et la propriétaire affirme qu'elle arrive à faire un peu d'argent.

Le sénateur Seidman : Puis-je me permettre de vous demander encore une fois si vous avez de la documentation écrite sur l'élaboration de ce programme? En avez-vous une description exacte?

M. Murray : Ce programme fait probablement l'objet d'une documentation moins fournie que le programme des ordinateurs portables. Nous vous ferons parvenir l'information sur les ordinateurs portables, et je verrai ce que je pourrai trouver sur l'élaboration du programme de nutrition. Comme je vous l'ai dit, nous avons engagé des diététistes, qui ont formulé leurs recommandations. Ces recommandations ont fait l'objet de consultations parmi les parents. La démarche ne s'est pas faite sans heurts, ni détours.

Le sénateur Seidman : Avez-vous reçu du financement pour ce programme?

M. Murray : Non, nous avons procédé uniquement avec nos ressources internes.

Le sénateur Seidman : Vous vous êtes servis uniquement des ressources de l'école?

M. Murray : Oui.

Le sénateur Seidman : Je vous serais reconnaissante de nous envoyer de la documentation.

M. Murray : Je me ferai un devoir de vous faire parvenir ce que je pourrai trouver. Nous pourrons peut-être participer à un dialogue subséquemment.

Le sénateur Fraser : Je voudrais revenir aux statistiques. À la page 4, sur les écoles secondaires, se trouve le nombre d'heures par jour de travail rémunéré à temps partiel, en semaine. S'agit-il d'une moyenne établie sur toute l'année ou seulement pendant l'année scolaire?

M. Murray : Le nombre d'heures est indiqué par les élèves eux-mêmes et correspond probablement à l'année scolaire plutôt que l'année au complet, mais il m'est impossible de savoir comment la question a été présentée aux élèves lorsqu'ils ont répondu au questionnaire.

Le sénateur Fraser : Il semble en tout cas possible, particulièrement pour les élèves qui doivent faire un trajet de plus de 20 minutes en autobus, que leurs études soient de trop dans leur horaire s'ils consacrent une heure par jour à un emploi.

M. Murray : C'est ce qui peut expliquer le nombre moindre d'heures consacrées aux devoirs.

Le sénateur Fraser : Est-ce considéré comme un problème? Soit dit en passant, vous avez des programmes formidables pour éduquer les parents.

M. Murray : Comme je l'ai indiqué, nous avons mis en œuvre un programme bien diversifié de prévention du décrochage. L'une des dimensions de ce programme consiste à collaborer avec les employeurs. Pas plus tard qu'hier, nous avons tenu une conférence de presse au cours de laquelle nous avons décerné des prix à trois employeurs qui ont comme politique, premièrement, de ne jamais employer une personne d'âge scolaire plus qu'un certain nombre d'heures par semaine. Deuxièmement, ils font preuve de souplesse dans l'aménagement des horaires de travail lorsqu'arrivent les périodes d'examen ou les périodes pendant lesquelles les élèves ont une grosse charge de travail scolaire. Troisièmement, ils exigent, pour les emplois permanents, que les candidats aient obtenu leur certificat d'études secondaires. Nous collaborons avec les employeurs dans cette optique et nous nous employons à favoriser l'adoption par eux d'une saine approche concernant le travail à temps partiel et, plus tard, le travail à temps plein.

Le sénateur Fraser : Nous avons des leçons à tirer de tout cela. Merci, monsieur Murray.

[Français]

La présidente : Monsieur Murray, tout ce que je peux vous dire, c'est merci. Vous avez devant vous un comité qui est fort impressionné. Nous vous remercions d'avoir partagé ce succès avec nous. Votre communauté est privilégiée que vous soyez revenu ici après tant d'années pour continuer à la faire advancer. Elle est privilégiée. Merci beaucoup.

M. Murray : Merci beaucoup pour ces paroles très gentilles. C'est notre privilège de partager avec vous nos connaissances et nous sommes fiers de ce que nous avons déjà accompli. Nous avons l'ambition d'en accomplir davantage.

La présidente : Et avec raison.

(La séance est levée.)


Haut de page