Aller au contenu

Délibérations du comité sénatorial permanent des
Langues officielles

Fascicule 14 - Témoignages


OTTAWA, le lundi 29 novembre 2010.

Le Comité permanent des langues officielles se réunit aujourd'hui, à 16 h 31 pour étudier l'application de la Loi sur les langues officielles ainsi que les règlements et instructions en découlant (Sujet : les communautés anglophones du Québec).

Le sénateur Maria Chaput (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente : La séance est ouverte. Bienvenue au Comité permanent des langues officielles. Je suis le sénateur Maria Chaput, du Manitoba, et je suis la présidente du comité.

Avant de présenter les témoins qui vont comparaître aujourd'hui, j'aimerais inviter les membres du comité à se présenter.

Le sénateur Champagne : Je suis Andrée Champagne, du Québec.

Le sénateur Fortin-Duplessis : Je suis Suzanne Fortin-Duplessis, de la ville de Québec, au Québec.

Le sénateur Wallace : Je suis John Wallace, du Nouveau-Brunswick.

Le sénateur Losier-Cool : Je suis Rose-Marie Losier-Cool, du Nouveau-Brunswick.

Le sénateur Robichaud : Je suis Fernand Robichaud, de Saint-Louis-de-Kent, au Nouveau-Brunswick.

La présidente : Le Comité permanent des langues officielles poursuit son étude des communautés anglophones du Québec et est heureux d'accueillir trois organisations aujourd'hui : le Centre communautaire Dawson, le Conseil des femmes de Montréal et le Hudson St. Lazare Gazette. Chaque organisation aura une heure. On a demandé aux témoins de présenter brièvement leur organisation pendant six à sept minutes, au plus, pour que les sénateurs aient le temps de poser leurs questions.

[Français]

Nous avons le plaisir d'accueillir des représentants du Centre communautaire Dawson. Mme Line St-Amour est directrice exécutive et Mme Lisa Olmstead est coordonnatrice des programmes des ados et des jeunes adultes. Le comité aimerait en apprendre davantage sur cette organisation et son rôle dans le développement des communautés anglophones du Québec.

J'inviterais maintenant une représentante du Centre communautaire Dawson à prendre la parole, après quoi les sénateurs poseront quelques questions. Vous disposez de cinq ou six minutes pour votre présentation.

Line St-Amour, directrice exécutive, Centre communautaire Dawson : Madame la présidente, nous sommes honorées de comparaître devant votre comité. Dans un premier temps, nous ferons une brève description de notre travail au Centre communautaire Dawson, dans la communauté Verdun, puis, Mme Lisa Olmstead vous dressera un portrait des programmes pour ados et jeunes adultes.

Le Centre communautaire Dawson accueille environ 500 personnes par année, membres et non-membres. Nous sommes situés à Verdun. Dans les années 1950 et 1960, près de la moitié de la population était anglophone. La participation des anglophones dans la communauté fut importante. Aujourd'hui, la communauté anglophone représente 26 p. 100 du quartier Crawford-Desmarchais, et 13 p. 100 de Verdun. Cette population a donc connu un déclin.

Le Centre communautaire Dawson est le seul à offrir des activités aux personnes de 0 à 99 ans. Nos programmes s'adressent à une population de tout âge. Notre mission, profondément enracinée dans la population anglophone, vise à établir des ponts entre les communautés multiculturelles francophone et anglophone. La clientèle de Dawson est à 80 p. 100 anglophone, et 15 p. 100 francophone ou allophone.

Nos programmes et notre travail se basent sur l'acceptation et la fiabilité. Tout le monde est bienvenu. Notre centre existe depuis 50 ans, mais notre charte date de 1909. En effet, Owen Dawson mit sur pied l'organisme Griffin Town Boys, à l'origine, avec l'aide de ses collègues. Nous avons reçus des dons et un leg de M. Dawson pour la construction du centre communautaire en 1959. Nous sommes donc propriétaires des lieux où nous œuvrons présentement dans la communauté.

Notre fiabilité vient du fait que nous existons depuis 50 ans. Notre adaptabilité réside en notre capacité à changer au fil des années. Nous étions un Boys Club, nous sommes devenus un Boys and Girls Club, et nous sommes maintenant un centre communautaire. Notre centre a su évoluer à travers les années pour s'intégrer et répondre aux besoins de la communauté.

Autre valeur à laquelle nous adhérons est le bien-être. Nous avons un grand sentiment d'appartenance envers les gens qui nous côtoient. Nous sommes un milieu de vie où les gens se sentent à l'aise et chez soi. De la communication est née la possibilité de promouvoir les valeurs et l'identification des personnes de langue anglaise chez nous.

Nous travaillons beaucoup sur l'autonomie, mais la collaboration est une de nos forces. Le Centre Dawson a survécu et rayonné dans un milieu francophone grâce à la capacité de travailler avec nos partenaires francophones. Notre collaboration avec le milieu est très importante.

Notre conseil d'administration est constitué de parents, de membres de la communauté et aussi d'anciens ou alumni.

Des gens qui étaient là en 1959 et en 1960 — des petits gars de la rue — soulèvent leur chapeau au Centre communautaire Dawson pour les avoir dirigés sur la bonne voie.

Notre organisation compte huit personnes à temps plein, 25 personnes à temps partiel et une trentaine de bénévoles qui viennent nous aider chaque semaine pour offrir nos activités toutes les semaines. En tout, au-delà de 100 bénévoles tournent autour du Centre communautaire Dawson pour desservir une clientèle de 200 personnes qui circulent chaque jour, de 8 h 30 à 23 heures.

Nous desservons une clientèle comprenant les jeunes enfants de 0-5 ans, leurs parents, les aînés, le matin et l'après- midi; le programme après école de 14 h 30 à 18 heures; le programme des ados à partir de 18 heures; un programme pour jeunes adultes certains soirs entre 21 heures et 23 heures, et nous sommes également ouverts le samedi.

La communauté est majoritairement francophone. Nous bénéficions de liens très étroits avec l'arrondissement et d'autres partenaires, et sommes près de tous les secteurs de la communauté à Verdun, puisque nous participons à différentes tables de concertation telles pour la jeunesse, la famille, les aînés, de l'arrondissement et celle pour The Anglo Family Council.

Nous offrons quatre programmes : le programme parents-enfants pour les 5-12 ans; le programme après école; le programme jeunesse-ado et le programme des aînés.

Je laisse maintenant la parole à Mme Olmstead qui élaborera un peu plus sur un de nos programmes et les défis qu'il représente pour nous.

[Traduction]

Lisa Olmstead, coordonnatrice des programmes des ados et des jeunes adultes, Centre communautaire Dawson : J'avais préparé un long discours, mais je vais le mettre de côté.

La présidente : En trois minutes?

Mme Olmstead : Oui, je vais aller droit au but. Dans le cadre des programmes des ados et des jeunes adultes, nous accueillons plus de 100 jeunes de 12 à 35 ans. Environ la moitié de ces jeunes viennent régulièrement. Environ 75 p. 100 d'entre eux sont anglophones, ce qui veut dire que l'anglais est leur langue maternelle. Ils ont de nombreux défis à relever dans la région. Il y a des défis particuliers qui touchent les jeunes et les adolescents anglophones qui vivent dans des régions principalement francophones.

Premièrement, ils s'efforcent d'être bilingues. Leur participation dans leur propre collectivité et dans la société québécoise dans son ensemble est limitée. Plus particulièrement — et je peux vous donner des exemples concrets — il y a des contraintes dans les services de santé, dans l'emploi et dans l'éducation.

Par exemple, si un jeune en crise appelle une ligne de prévention du suicide parce qu'il est sur le point de faire quelque chose de grave et que la personne à l'autre bout ne parle pas la langue dans laquelle le jeune se sent à l'aise, c'est un problème. Si les jeunes ont besoin d'information sur les moyens de contraception ou les infections transmises sexuellement et qu'ils ne peuvent pas recevoir de services dans la langue de leur choix, dans 99,9 p. 100 des cas, ils n'iront pas. C'est un problème.

Nous encourageons nos adolescents et nos jeunes à chercher des emplois qui permettent un perfectionnement professionnel pour l'avenir. S'il n'y a pas de travailleurs qui parlent couramment l'anglais dans les centres d'emploi, nos adolescents et nos jeunes anglophones n'iront pas. Ils ont besoin de travail et d'argent. Souvent, ils travaillent sous la table ou vendent de la drogue. C'est ça, notre collectivité.

L'un de nos mandats est d'encourager la réussite scolaire. Lorsque les jeunes vont à l'école, ils doivent apprendre la matière, mais ils doivent également l'apprendre dans une langue seconde. Ils font face à des difficultés et à des défis. Nous avons constaté qu'ils se sentent frustrés et qu'ils vont de moins en moins à l'école. En neuvième année, ils ont tendance à décrocher. Les anglophones dans les communautés francophones doivent relever de nombreux défis.

La police est un autre problème. Lorsque les adolescents quittent notre centre à 23 heures, le vendredi soir, après la fin de notre programme, la police les voit — évidemment elle ne les intercepte pas, puisque ce sont des adolescents — et lorsqu'elle leur pose des questions en français et que les ados ne parlent pas la langue, la police se sent frustrée, les fait souvent monter dans la voiture et utilise une force un peu plus excessive.

Ce sont des exemples concrets des défis auxquels sont confrontés les jeunes anglophones quotidiennement.

Mon travail de coordinatrice est difficile. Le financement pour conserver notre personnel et pour le former est toujours un problème. Lorsque je parle du programme d'équipe, j'utilise l'expression : « Il faut un village pour élever un enfant. » Au fil des ans, ce village a rapetissé, et c'est maintenant le Centre communautaire Dawson qui élève les jeunes de Verdun. Notre travail est extrêmement important. Lorsque nous ne pouvons pas répondre aux besoins de nos jeunes, c'est déconcertant et grave.

Merci de nous permettre de parler de certains de nos défis et problèmes.

[Français]

La présidente : Merci beaucoup d'avoir respecté le temps qui vous était alloué.

Honorables sénateurs, nous avons une heure en tout pour cette première présentation. Nous devons avoir terminé à 17 h 30. Chacun des sénateurs disposera de cinq minutes pour la question posée, ainsi que la réponse des témoins. Vous comprenez bien que nous devons mettre les bouchées doubles pour terminer le travail avant de quitter.

Le sénateur Fortin-Duplessis : Merci beaucoup.

J'ai lu quelque part que le Centre communautaire Dawson a récemment critiqué le fait que cinq journaux hebdomadaires bilingues de la région de Montréal soient désormais publiés en français seulement. Pourriez-vous nous parler de l'importance de l'accès à l'information en anglais dans votre secteur de la Ville de Montréal?

Mme St-Amour : Le journal de quartier Le Messager desservait la population de Verdun et avait une page. Il y a longtemps, Le Messager avait réduit son information à une page. Ils ont effectivement annoncé des coupures et cela a eu un impact énorme sur la communauté, surtout auprès des aînés pour lesquels ce journal local était le moyen de prédilection pour savoir ce qui se passait au niveau social et au niveau des organisations et des associations. Avec l'appui et la demande de citoyens, le Centre communautaire Dawson a élevé la voix pour dénoncer cette situation.

J'ai posé quelques questions à des aînés avant de partir, parce que l'histoire date d'il y a un peu plus d'un an; et j'ai constaté que la frustration est toujours présente. Ils se sentent comme des citoyens ignorés. C'est un peu cela. Le Messager reprend, tranquillement pas vite, un paragraphe ou deux, une fois de temps en temps, mais souvent c'est pour annoncer des activités de La légion qui ont déjà eu lieu. Ils se sentent lésés car toute l'importance de pouvoir s'informer, d'être partie prenante en tant que citoyen et citoyenne dans la communauté de Verdun n'existe plus.

The Suburban est un journal qui s'étend beaucoup plus vers l'ouest, mais qui apporte un peu d'information en anglais, sans être le journal local de Verdun. Il n'y a donc pas beaucoup d'informations qui circulent concernant Verdun. Cela a eu un impact important pour la communauté, surtout auprès des aînés. Les jeunes ont d'autres façons de s'informer entre eux au niveau social et cela prend quelques minutes avec un bidule informatique. Mais pour les aînés, c'était vraiment leur source de communication.

Le sénateur Fortin-Duplessis : Vous êtes donc défavorisés par rapport aux autres concernant l'information?

Mme St-Amour : Il n'y a pas d'information anglophone papier à Verdun.

Le sénateur Fortin-Duplessis : Selon vous, la connaissance des deux langues officielles est-elle absolument nécessaire pour permettre à votre communauté de prospérer et de se développer?

Mme St-Amour : Oui, je le crois vraiment. Effectivement, la connaissance des deux langues est très importante, on l'a souligné, pour la communauté anglophone et elle est importante pour la communauté francophone aussi. Je crois que la connaissance des deux langues est essentielle.

Le sénateur Fortin-Duplessis : Merci beaucoup pour vos réponses.

Le sénateur Champagne : Madame St-Amour, vous nous disiez que vous avez huit employés à temps plein en ce moment.

[Traduction]

D'un autre côté, madame Olmstead, vous avez dit qu'il était difficile pour vos jeunes de ne pas avoir recours à quelqu'un qui parle leur langue pour aborder les problèmes d'une nature sexuelle et d'autres choses de ce genre.

Je ne comprends pas pourquoi il est si difficile, dans votre région, de trouver quelqu'un qui parle suffisamment les deux langues pour aider vos jeunes de 18 à 35 ans. Est-il si difficile de trouver des gens bilingues dans la région de Verdun?

[Français]

Mme St-Amour : En ce qui concerne le CLSC de Verdun, on fait beaucoup de lobbying auprès de nos partenaires, on leur demande à chaque fois s'ils ont la traduction, les affiches, si la formation est traduite en français, en anglais, et la réponse est toujours négative. Les gens n'ont pas le budget pour faire la traduction, faire des affiches. Lorsqu'ils montent un programme de réinsertion à l'emploi à partir d'une organisation qui, comme nous, peine à payer leurs employés, ils n'ont évidemment pas de budget pour faire la traduction de leur programme éducatif.

Le CLSC de Verdun a un quota et doit répondre à un pourcentage selon la population du quartier. Nous sommes 13 p. 100 dans tout le territoire de Verdun; j'avais mentionné 26 p. 100, mais c'est dans notre quartier plus précisément. Si le CLSC répond à son quota de 13 p. 100, il n'a pas à faire plus.

L'autre défi, c'est que par rapport à leur syndicat, il est très difficile de dire qu'ils vont engager seulement une personne qui est parfaitement bilingue. On souhaite que les gens soient bilingues. Dans la communauté, il y a une grande volonté, je voudrais le souligner, nos partenaires font beaucoup d'efforts. Mais si la personne qui se présente a toutes les qualités et l'expérience requises pour obtenir le poste mais ne parle pas anglais, ce sera au détriment de la personne unilingue anglophone. Dans un CSSS, dans un centre de santé, à Verdun, on va privilégier la personne francophone.

Je ne parle que du domaine de la santé, mais au niveau de l'emploi, c'est le même phénomène : les gens ne sont pas bilingues.

[Traduction]

Le sénateur Champagne : Ne serait-il pas facile de trouver des bénévoles anglophones qui seraient disponibles pour aider les jeunes qui ont besoin de réponses dans leur propre langue?

Mme Olmstead : La majorité des bénévoles à notre centre sont des personnes âgées. Un adolescent dans le besoin à 3 heures du matin n'appellera pas une personne âgée. Je ne dis pas que ce n'est pas possible, mais le service n'est pas toujours disponible.

[Français]

Le sénateur Champagne : Merci, j'aurai d'autres questions au prochain tour.

[Traduction]

Le sénateur Fraser : Merci beaucoup. Ce que vous nous dites est très important.

J'ai une question de fond au sujet de l'argent. Je regardais vos états financiers et j'ai vu que, cette année, vous avez reçu 35 678 $ en subventions fédérales, ce qui ne constitue même pas 5 p. 100 de vos revenus. Il y a une référence à la note 3, mais il n'y a pas de note 3.

Mme St-Amour : Vous ne l'avez peut-être pas.

Le sénateur Fraser : Pouvez-vous nous en dire un peu plus au sujet de l'argent que vous donne Ottawa et pourquoi vous n'en recevez pas plus?

Mme St-Amour : Oui. Merci de poser cette question importante.

Vous n'avez pas les états financiers. Vous avez seulement le rapport annuel. La note 3 indique que la somme d'environ 27 100 $ nous est versée par le Programme d'action communautaire pour les enfants, le PACE, de Santé Canada.

[Français]

Il y a un montant d'environ 3 100 $, qui provient souvent des programmes Défi emploi pour les étudiants d'été, on reçoit des sommes pour un ou deux étudiants. L'année passée, je crois qu'on avait un étudiant.

Le sénateur Fraser : Est-ce que vous avez déjà essayé d'en obtenir plus? Est-ce qu'on vous a déjà refusé de l'aide? Avez-vous exploré d'autres possibilités?

Mme St-Amour : Au niveau du défi?

Le sénateur Fraser : Je parle surtout au niveau du fédéral, étant donné qu'on est au parlement fédéral.

Mme St-Amour : Cela a été un excellent exercice pour moi de me préparer pour cette rencontre, parce que j'ai réalisé que, effectivement, nous recevons des sommes du fédéral dont je n'étais pas au courant, provenant de Patrimoine canadien et d'autres ministères. Mon expertise de demande de financement est plutôt au niveau provincial, j'ai 25 ans d'expérience derrière moi, et toutes les expériences étaient vraiment avec la communauté francophone. J'ai consulté nos livres, même si je fais l'historique du financement de Dawson, il n'y en a pas eu beaucoup du fédéral.

Le programme P.A.C.E. est installé au Québec et est en lien direct avec le gouvernement du Québec; il est donc très accessible. Après notre rencontre de ce soir, je vais pousser encore plus mes recherches pour trouver d'autres sources de financement pour nous du fédéral.

Le sénateur Losier-Cool : À mon tour, je vous souhaite la bienvenue. Ma question fait suite à celle du sénateur Fraser sur la question du financement. Est-ce que vous recevez des subventions à travers les programmes d'entente en langue seconde signés avec Patrimoine canadien?

Mme St-Amour : Non.

Le sénateur Losier-Cool : Je vois que les subventions du gouvernement, ce sont pour les ressources humaines seulement et les services de santé.

Mme St-Amour : Exact.

Le sénateur Losier-Cool : Je ne sais pas quel organisme chez vous signe les ententes avec Patrimoine canadien pour les programmes de langues officielles. C'est peut-être une avenue que vous voudriez étudier.

Comme vous le savez, notre comité a entrepris une étude sur les anglophones du Québec, et l'on vient d'identifier différentes problématiques. Auriez-vous des suggestions? Que pensez-vous que le collège Dawson souhaiterait que l'on mette dans le rapport du comité, à part du financement peut-être? Auriez-vous des suggestions à nous faire ou des conseils à nous donner?

Mme St-Amour : Je vais juste faire une petite rectification : le Centre communautaire Dawson n'a aucun lien avec le Collège Dawson.

Le sénateur Losier-Cool : Est-ce que j'ai dit « collège »?

Mme St-Amour : Oui, mais cela arrive très souvent, parfois on reçoit même leurs courriels. En fait, pour nous, le grand défi, à part le budget, c'est l'accessibilité aux services.

On en discutait ensemble. Il serait bon d'avoir la capacité de faire la traduction des programmes francophones. Dans une communauté qui est majoritairement francophone, qu'on parle de programmes de décrochage scolaire, de programmes d'employabilité ou de plateaux de travail pour l'insertion des jeunes, tout ça existe déjà. Alors ce serait une bonne chose d'être capable de traduire ces programmes en anglais.

Maintenant, on disait qu'au Québec, on ne peut pas toujours forcer la note pour envoyer travailler des gens en santé, qu'ils soient anglophones ou bilingues, à cause de la nature même du Québec et de certains quotas que les institutions respectent. Au-delà de ça, parfois, ils ne rencontrent même pas leurs quotas, ils n'y arrivent pas. Il y a des quartiers où ils n'arrivent pas à engager des employés anglophones. À Pointe Saint-Charles, une communauté à côté de chez nous, il n'y a personne qui travaille en anglais au CLSC. C'est là où on fait le lien entre le décrochage scolaire et la réussite scolaire. Si on peut amener nos jeunes anglophones et les soutenir dans leur formation, ils deviendront éventuellement bilingues, ils pourront travailler dans des emplois et desservir la population anglophone.

C'est vraiment un processus à long terme. L'accessibilité à l'éducation devient de plus en plus difficile. On n'en a pas beaucoup parlé, mais lorsque les anglophones quittent Verdun, les écoles ont de la difficulté à survivre. Il y a deux écoles primaires. À tous les deux ou trois ans, les autorités doivent déterminer quelle école primaire va devoir fermer ses portes. Elles arrivent à être créatives et à intégrer une paroisse qui a perdu son église, et ainsi, à toujours garder les écoles ouvertes. Pour nous, le défi est de garder les écoles ouvertes et de garder la population. Les anglophones qui perdent des services et qui ont les moyens ne restent plus à Verdun. Ils vont plus vers l'ouest.

Ce n'est pas une question facile, mais il y a ces petits éléments sur le plan de la traduction et de l'accessibilité aux services.

Le sénateur Losier-Cool : Pour ce qui est du financement, les personnes qui veulent profiter des programmes doivent-elles payer une inscription ou c'est offert gratuitement? Par exemple, s'il y a un programme sportif, est-ce que les jeunes doivent payer pour pratiquer leur sport?

[Traduction]

Mme Olmstead : Pour participer aux programmes pour les jeunes, il faut payer une carte de membre annuelle de 15 $, et c'est tout.

Le sénateur Losier-Cool : Y a-t-il une augmentation ou une diminution au fil des ans?

Mme Olmstead : Il y a eu une augmentation de 5 $ au cours...

Le sénateur Losier-Cool : Je parlais du nombre de personnes qui s'inscrivent pour devenir membres.

Mme Olmstead : Nous avons changé. Si le nombre de membres a augmenté, c'est parce que nous leur donnons plus de temps pour payer. Avant, il fallait payer 10 $ dès le premier jour. Maintenant, nous leur disons qu'ils peuvent donner 2 $ cette fois, 3 $, la prochaine fois, et 10 $, par la suite. Nous nous ajustons, nous aussi.

Le sénateur Losier-Cool : Le nombre de membres est-il environ le même d'une année à l'autre?

Mme Olmstead : Oui.

[Français]

La présidente : J'ai une question supplémentaire à la question du sénateur Losier-Cool. La clientèle première du Centre communautaire Dawson, ce sont sûrement des anglophones, des personnes de langue anglaise. J'ai lu dans votre document que vous étiez ouverts à desservir les francophones également. Ma question est la suivante : puisque la clientèle anglophone est primordiale, tous les employés qui travaillent pour votre organisme doivent sûrement être obligés de parler anglais, n'est-ce pas?

Mme St-Amour : Je dirais que tous les employés sont majoritairement anglophones, parfois unilingues anglophones. C'est la même chose de l'autre côté de la barrière. Ils ne sont pas tous bilingues. On dessert la population francophone surtout pendant les camps de jour. Les gens aiment envoyer leurs enfants dans les camps de jour parce que nos animateurs sont bilingues et cela permet à un francophone d'apprendre l'anglais. On a des employés qui se sentent vraiment à l'aise en français, mais c'est toujours un défi. Pour moi, le défi est de faire en sorte qu'au Centre communautaire Dawson on ne s'isole pas et qu'on soit capable de participer aux tables de concertation qui, elles, sont majoritairement francophones. J'ai quand même parfois de la difficulté. Je n'ai pas toujours l'employé bilingue qui peut faire de la représentativité du côté francophone.

La présidente : Par ailleurs, si un anglophone du Québec se présente chez vous, il est reçu en anglais?

Mme St-Amour : Oui, toujours.

La présidente : Merci.

[Traduction]

Le sénateur Wallace : Merci pour l'exposé. C'était très intéressant. Peut-être le sénateur Losier-Cool a-t-elle posé ma question. Vous avez, en tout cas, fourni la réponse que je voulais, mais je vais quand même vous poser ma question et voir si vous avez d'autres choses à dire à ce sujet.

Lorsque je vous ai entendu parler des défis et des obstacles auxquels vous êtes confrontés dans votre merveilleux travail de même que de votre raison d'être, je me suis demandé s'il y a une ou deux solutions clés que vous croyez être réalistes et qui pourraient être d'une grande utilité pour votre organisation. Vous l'avez peut-être déjà dit en répondant aux questions du sénateur Losier-Cool. Nous entendons toujours parler des enjeux, des problèmes et des obstacles, mais quelles sont les solutions réalistes? Si vous aviez à en choisir une ou deux pour votre organisation, que seraient- elles?

Mme Olmstead : Sans aucun doute, nous aimerions que l'anglais soit représenté dans les services que nous considérons comme essentiels, par exemple les services de santé, la justice et l'éducation, pour que nos membres puissent aller dans une organisation de soins de santé, une clinique ou au CLSC et recevoir des services dans la langue de leur choix.

Il y a d'excellents documents statistiques qui sont publiés, mais ils ne sont qu'en français. Ils contiennent des renseignements clés d'une grande utilité, mais il n'y a pas assez d'argent pour les faire traduire en anglais. Une solution clé serait un financement pour de la traduction de documents; cela est essentiel pour nous aider à améliorer nos services aux anglophones et aux francophones, et à devenir un centre communautaire plus bilingue.

Le sénateur Wallace : Êtes-vous optimistes à l'égard de ces deux solutions? Lorsque vous pensez aux tendances au sein de votre organisation au cours des dernières années, est-ce qu'il y en a qui vous rendent optimistes et qui vous font croire qu'il pourrait y avoir des améliorations en ce qui concerne ces deux problèmes?

Mme Olmstead : Ce serait un début.

Le sénateur Wallace : Ce serait un début?

Mme Olmstead : Oui.

Le sénateur Wallace : C'est très diplomatique. Merci.

Le sénateur Seidman : Merci de vos exposés. J'ai seulement une petite question de suivi, puis une question plus générale. Y a-t-il une bibliothèque à Verdun où il y aurait des livres en anglais?

Mme Olmstead : Il y a une bibliothèque à Verdun. La majorité des livres sont en français, mais la bibliothécaire cherche à faire venir plus d'anglophones à la bibliothèque, alors elle déploie des efforts pour faire l'acquisition de plus de livres anglais.

Le sénateur Seidman : Selon vous, quelle est la proportion de livres anglais à la bibliothèque de Verdun?

Mme Olmstead : Je dirais que 90 p. 100 des livres sont en français, et 10 p. 100 sont en anglais.

Le sénateur Seidman : Merci. J'essaie de me faire une meilleure idée des groupes et du nombre de personnes à qui vous offrez des services. J'ai jeté un coup d'œil aux catégories de personnes qui sont dans le rapport annuel, ça donne un bon aperçu de l'organisation. Je vois qu'il y a des familles avec des enfants d'âge préscolaire, des enfants de 5 à 12 ans, des adolescents et des jeunes adultes, et des gens de 50 ans et plus. Est-ce que ce sont les catégories de base?

Mme Olmstead : C'est bien ça.

Le sénateur Seidman : Plus loin dans la brochure, je vois une ventilation pour 2009-2010. Pouvez-vous me donner une idée du nombre de gens dans chacune de ces catégories à qui vous offrez des services?

Mme St-Amour : Il y a environ 35 familles avec des enfants d'âge préscolaire. Le programme Après École compte environ 60 enfants de 5 à 12 ans. Dans notre programme du samedi, il y en a environ 20. Nous avons environ 80 enfants qui participent à nos camps de jour. Nous avons également environ 100 adolescents qui fréquentent le centre.

Chez les personnes âgées, il y a les membres et les non-membres. Nous offrons des services de soins des pieds, des services fiscaux et des services de magasinage pour ceux qui ont perdu leur mobilité.

Est-ce que ça répond à votre question?

Le sénateur Seidman : Selon les statistiques sur la participation qui sont présentées dans le rapport annuel pour 2009- 2010, environ 800 personnes participent à vos programmes. Ces chiffres sont ventilés par groupe d'âge et par programme, ce qui est très bien.

Quelle proportion de vos programmes sont offerts dans chaque langue?

Mme St-Amour : Environ 85 à 90 p. 100 de nos programmes sont offerts en anglais, sauf pour les camps de jour, où il y a environ 20 p. 100 de plus de francophones.

Mme Olmstead : En guise de parenthèse, j'aimerais souligner que mes travailleurs francophones pour le programme des ados et des jeunes adultes attirent plus de jeunes francophones. C'est très bien pour notre programme parce que nous aidons ainsi les anglophones et les francophones à coexister. Il y a environ 75 p. 100 des jeunes qui participent à ce programme qui sont anglophones, et 25 p. 100, qui sont francophones. Cela dépend vraiment du programme. Toutefois, en général, 85 à 90 p. 100 des participants sont anglophones.

Le sénateur Seidman : Lorsque nous avons voyagé autour du Québec pour entendre des témoins dans le cadre de cette étude, je leur ai demandé de nous dire une ou deux choses que nous pourrions faire pour les aider, pour avoir des répercussions positives sur le bon et difficile travail qu'ils font.

Mme St-Amour : Nous avons parlé de la formation. Il y a beaucoup de formations préalables au Québec parce que les organisations qui ont acquis une expertise dans un secteur partagent leur expertise avec d'autres. Cependant, encore une fois, c'est en français. Il est difficile d'obtenir de l'information en anglais. Nous avons certains partenaires. Nous avons travaillé avec des universités. Nous avons travaillé avec certains services et avec les organisations de la communauté anglophone, mais il y a un manque de formation.

Le sénateur Seidman : Vous avez besoin de quelle sorte de formation?

Mme St-Amour : Nous avons besoin d'une formation pour notre personnel. Lorsqu'on travaille dans une organisation communautaire, il faut apprendre sur le tas.

[Français]

Comme on le dit en français, il faut apprendre sur le tas. Selon la problématique, on doit développer une approche, trouver de l'information et explorer des connaissances. L'information n'est pas toujours accessible et souvent nous devons payer pour l'obtenir.

[Traduction]

Le sénateur Seidman : Vous parlez du perfectionnement professionnel, qui est essentiel pour le personnel qui travaille dans un centre communautaire comme le vôtre. Les universités ne fournissent-elles pas des programmes de perfectionnement professionnel en anglais pour les travailleurs communautaires?

Mme Olmstead : C'est très limité. Il y a peut-être des formations sur le travail d'équipe ou sur la communication, mais ce n'est qu'un aspect de la formation dont nous parlons. L'autre aspect porte plus précisément sur les programmes.

Les parents d'enfants d'âge préscolaire sont épuisés et ont besoin d'acquérir des compétences parentales. Nous avons besoin de travailleurs qui peuvent enseigner ces compétences parentales aux parents.

Dans le programme Après École, l'intervention et la prévention jouent un rôle très spécifique. Nous avons besoin d'une formation sur les interventions en situation de crise et les manières de travailler avec les familles, choses que nous faisons beaucoup. C'est l'autre moitié de nos besoins en matière de formation.

[Français]

Mme St-Amour : Nous avons un partenariat assez important avec Concordia. Il ne s'agit pas nécessairement de formation. Deux employés viennent travailler à temps partiel au programme Après École, pour offrir du soutien et de l'aide aux devoirs. C'est une façon pour Concordia d'offrir des emplois à leurs étudiants. Ces étudiants travaillent chez nous entre 12 et 15 heures par semaine, et leur salaire est versé grâce à une contribution financière de l'Université Concordia. Cet échange est important pour nous.

Le sénateur Robichaud : L'histoire que vous nous racontez me rappelle un peu mon passé. Notre communauté a vécu des situations semblables que nous avons traversées non sans peine ni heurt. Il reste toutefois du travail à faire.

Lorsque vous avez parlé d'information, vous avez dit qu'on avait seulement à rencontrer un certain quota et vous avez mentionné le chiffre de 13 p. 100.

Mme St-Amour : Le chiffre de 13 p. 100 représente le nombre d'anglophones dans la population de Verdun, territoire qui couvre l'Île-des-Soeur et deux autres quartiers. À Desmarchais-Crawford, où nous sommes situés, ce chiffre est de 26 p. 100. Je ne connais pas le quota pour ce qui est du CLSC ou du CSSS, soit notre centre de soins de santé. Lorsque j'ai approché les intervenants afin d'obtenir plus de services en anglais et plus de documents traduits, c'est ainsi qu'on me l'a expliqué. Le chiffre de 13 p. 100 ne correspond pas nécessairement au quota. Si j'ai bien compris, on parle d'un quota de services à la population anglophone et ce quota apparemment est plus qu'atteint. De notre côté, nous avons estimé que cela ne répondait pas à nos besoins. Il faut donc trouver des façons de développer plus de services en anglais.

Quelques documents ont été traduits, et je crois que nous sommes en voie de développer une grande ouverture pour desservir la population. Il demeure toutefois une certaine restriction par rapport aux personnes bilingues qui se présentent aux institutions québécoises.

Le sénateur Robichaud : Le chiffre de 13 p. 100 s'applique à tous les services que vous recevez, soit les documents ou les agents avec lesquels vous faites affaires?

Mme St-Amour : Le chiffre de 13 p. 100 ne représente que la population.

Le sénateur Robichaud : Le quota se base sur cette proportion?

Mme St-Amour : J'imagine qu'un quota doit refléter la réalité. Je ne sais pas comment le calculer. Nous n'avons pas l'impression de recevoir 13 p. 100 de la documentation traduite. Cela voudrait dire qu'une fois sur neuf la personne anglophone, qui se rend au CSSS, reçoit des services en anglais. On ne sent pas ce chiffre de 13 p. 100.

Le sénateur Robichaud : Sentez-vous tout de même une ouverture à vous offrir ces services?

Mme St-Amour : Oui.

Le sénateur Robichaud : Quel est donc l'obstacle majeur? Est-ce le manque de personnes qui peuvent s'exprimer dans les deux langues?

Mme St-Amour : Oui.

Le sénateur Robichaud : Vous avez indiqué qu'il arrive que des jeunes quittent le centre vers 23 heures et souvent se font interpeller par des agents de police, car il s'agit d'adolescents ou de juvéniles qui se trouvent sur la rue. Lorsqu'on les arrête pour les questionner, vous avez indiqué que bien souvent ces jeunes anglophones ne peuvent pas se faire comprendre?

Mme St-Amour : En effet.

Le sénateur Robichaud : Je croyais qu'une grande majorité de gens, surtout à Montréal, comprenaient les deux langues.

[Traduction]

Mme Olmstead : Ce n'est pas comme ça à Verdun. À Montréal, il y a plus de bilinguisme au sein de la police. C'est mon opinion. Il y a peu de policiers à Verdun, et la majorité d'entre eux sont francophones, parlent français et ne parlent anglais que si cela est nécessaire. La plupart du temps, ils parleront français du début à la fin de l'intervention. Ce n'est pas seulement avec les jeunes. Ils font la même chose lorsqu'ils viennent au centre pour me parler, par exemple. Je comprends le français, mais lorsqu'il s'agit de sujets techniques ou importants, je préférerais qu'on me parle dans la langue que je comprends le mieux, alors je leur demande de parler anglais. Ils disent non. Je dois demander à l'un de mes employés francophones de venir m'aider pour m'assurer de bien comprendre.

[Français]

Le sénateur Robichaud : Est-ce que la force policière fait des efforts pour embaucher des gens qui comprennent et peuvent s'exprimer dans les deux langues? La communauté anglophone mérite tout de même d'obtenir des services, n'est-ce pas?

Mme St-Amour : Je ne connais pas la situation. Notre président est policier et agent socio-communautaire. Il est le seul à être bilingue. Il est anglophone et parle très bien le français. Je ne crois pas que la situation a beaucoup changé. On pourrait effectivement leur poser la question à savoir s'ils ont fait des efforts en ce sens. Je ne sais pas.

Le sénateur Robichaud : Il est important que les jeunes se fassent comprendre. S'ils se sentent rejetés, ils continueront tout simplement d'agir de façon répréhensible.

Mme St-Amour : Nous demandons qu'il y ait des changements. Nous nous adressons à nos partenaires, que ce soit au niveau de la santé ou de la justice, et expliquons la situation en mettant les choses en contexte. Les jeunes qui sortent du centre vers 22 heures ne sont pas en groupe; ils s'en vont à la maison. Toutefois, on ne répond pas à notre appel de façon très positive. Il faut donc continuer car c'est par le dialogue qu'on arrivera à quelque chose.

Ces dernières années, nous n'avons constaté aucun changement positif au niveau de la force policière.

Le sénateur Robichaud : Je ne veux pas pointer du doigt la force policière. Je ne faisais que reprendre l'exemple auquel vous avez fait allusion.

[Traduction]

La présidente : Le temps passe, alors je vais demander aux deux autres sénateurs de poser leurs questions, et nous allons devoir vous demander d'y répondre par écrit. Nous n'avons pas le temps; nous aurons fini dans quatre à cinq minutes.

Le sénateur Seidman : Ceci répondra peut-être partiellement à la question du sénateur Robichaud. Il a toujours été difficile d'avoir une proportion représentative d'anglophones, dans la fonction publique québécoise. Je sais que les chiffres ne changent pas. Pouvez-vous nous dire quelle est la proportion d'anglophones dans la fonction publique québécoise?

Mme Olmstead : Je suis désolée, mais nous ne le savons pas.

Mme St-Amour : Nous pourrions nous informer.

La présidente : Pourriez-vous vous informer et nous envoyer la réponse?

Mme St-Amour : Oui.

Le sénateur Seidman : J'aimerais savoir quelle est la proportion actuellement et quelle a été cette proportion au fil du temps, aussi, pour voir si les chiffres ont changé. J'ai l'impression que les changements ont été minimes et qu'il n'y a, en fait, eu aucun changement, et cela s'applique non seulement à la fonction publique, mais également aux employés du secteur public.

Mme St-Amour : Parlez-vous de divers secteurs de service, comme le service de police et la santé, aussi?

Le sénateur Seidman : Oui. Le secteur public.

[Français]

Le sénateur Champagne : Vous parliez tout à l'heure de documents que vous aviez en main et que vous vous n'aviez pas en anglais. Qui peut vous envoyer des documents officiels dans une seule langue?

[Traduction]

La présidente : Pouvez-vous nous envoyer votre réponse écrite, s'il vous plaît?

Mme Olmstead : Oui.

[Français]

Le sénateur Fortin-Duplessis : Croyez-vous que les communautés anglophones du Québec reçoivent des services de même qualité que ceux offerts à la majorité francophone?

Mme St-Amour : Je vais laisser ma collègue répondre à cette question.

Le sénateur Fortin-Duplessis : Croyez-vous que les communautés anglophones du Québec reçoivent des services d'égale qualité que ceux offerts à la majorité francophone au Québec?

[Traduction]

La présidente : Nous vous fournirons également les questions écrites. Nous pourrions vous les envoyer demain, alors ne vous inquiétez pas trop si vous ne réussissez pas à les prendre en note.

Le sénateur Fraser : Je suis désolée d'être arrivée en retard. Si vous avez déjà répondu à cette question, faites-en abstraction. Sinon, pourriez-vous nous décrire votre population, non seulement du point de vue linguistique, mais également sur le plan du statut socioéconomique. Verdun, pour ceux d'entre vous qui ne connaissez pas Montréal, n'est pas, pour dire les choses avec modération, le quartier le plus riche de la ville. Je ne sais pas si vous avez affaire à des familles qui sont touchées par le chômage chronique. Pouvez-vous nous fournir de l'information pour que nous ayons un aperçu de ceux que vous essayez d'aider.

Le sénateur Losier-Cool : Aussi, s'agit-il de familles, ou surtout de personnes âgées?

[Français]

Il s'agit des personnes âgées ou du profil de la population vieillissante.

La présidente : Le dernier point ira au sénateur De Bané. Il ne nous reste que trois minutes, car nos prochains témoins sont déjà arrivés. Pourriez-vous poser votre question et ensuite ils pourront nous répondre par écrit?

Le sénateur De Bané : Oui, certainement. Je ferai mon intervention et ils me répondront par écrit, à cause du manque de temps.

[Traduction]

Certaines phrases dans votre mémoire ont attiré mon attention. La première est celle où vous dites que la survie de la langue anglaise n'est pas un problème majeur au Québec. En ce qui concerne les communautés anglophones, c'est plutôt leur sentiment d'appartenance au sein de la collectivité plus large qui est menacé. Une autre chose qui m'a marquée, c'est la déclaration selon laquelle, dans un sens, les communautés anglophones du Québec ont l'impression de ne pas exister, car elles sont laissées pour compte par les médias anglophones nationaux.

J'aimerais également souligner que, dans les médias francophones, particulièrement Radio-Canada, qui a le mandat législatif de refléter l'ensemble de la collectivité, on ne parle jamais de vous. Nous avons constaté cela récemment lorsque nous avons fait le tour du Québec et que Radio-Canada n'a pas dit un mot au sujet de nos rencontres avec les chefs de la communauté anglophone au Québec. Ça a confirmé une grande partie de ce que vous avez dit.

[Français]

La présidente : Merci beaucoup, honorables sénateurs, d'avoir respecté les contraintes occasionnées par le temps qui nous était alloué. Je remercie également Mmes Olmstead et St-Amour d'être venues comparaître à notre comité.

[Traduction]

Notre greffière vous enverra les questions demain.

[Français]

Honorables sénateurs, nous recevons maintenant des témoins provenant de l'organisation le Conseil des femmes de Montréal. Nous avons devant nous Mme Bonnie Stamos Destounis, la présidente; Mme Mair Verthuy, secrétaire; et Mme Colquhoun, vice-présidente aux communications. Je leur souhaite la bienvenue.

Le comité aimerait en apprendre davantage au sujet de cette organisation et son rôle concernant le développement des communautés anglophones du Québec.

J'invite maintenant une représentante du Conseil des femmes de Montréal à prendre la parole. Les sénateurs enchaîneront par la suite avec quelques questions.

Je dois toutefois vous rappeler que votre présentation ne devrait pas dépasser six à sept minutes.

Mair Verthuy, secrétaire, le Conseil des femmes de Montréal : Madame la présidente, il me fait plaisir d'être ici parmi vous aujourd'hui pour parler des anglophones du Québec qui ont bien besoin que l'on s'en occupe.

[Traduction]

Je vais commencer en anglais, si cela ne vous dérange pas, puis je passerai au français à un moment donné.

J'ai pas mal tout dit sur l'histoire du Conseil des femmes de Montréal dans le rapport que j'ai écrit. Il est important de rappeler que les anglophones n'ont pas toujours été une minorité. Jusqu'au milieu du XIXe siècle, il y avait plus d'anglophones que de francophones à Montréal, alors la situation était très différente.

Lorsque les Canadiens français ont commencé à s'installer en ville — et des immigrants sont venus de l'Europe de l'Est pour travailler dans les usines, au moment où elles ont commencé à faire leur apparition — la balance a commencé à pencher, et la ville a commencé à avoir le visage qu'elle a aujourd'hui, c'est-à-dire une majorité de francophones et une minorité d'anglophones. Je vais aussi utiliser le mot « allophone », parce qu'il y a de nombreux immigrants qui ne parlent pas anglais ou qui ne le parlent pas bien. Ils parlent un large éventail de langues chez eux et avec leurs amis. Il est important de reconnaître le rôle qu'ils jouent au Québec et qu'il y a eu, de certaines manières, des répercussions positives pour les anglophones. Les immigrants ont fait dévier la vive hostilité que de nombreux Canadiens français ressentaient à l'égard des anglophones, parce qu'ils représentent maintenant un plus grand danger pour le français, apparemment, que les protestants et les anglicans pernicieux.

Nous avons commencé à être minoritaires au cours de la deuxième moitié du XIXe siècle, mais nous étions une minorité bien organisée à cette époque. Vers la fin du XIXe siècle, c'était, bien sûr, une minorité bien nantie. Il faut souligner que, à l'époque — et cela a beaucoup changé — l'élite canadienne-française et l'élite canadienne-anglaise s'entendaient très bien ensemble, merci beaucoup. Ils se mariaient, voyageaient ensemble et étaient des amis. L'isolement des deux groupes que nous voyons aujourd'hui est un phénomène relativement nouveau. Les écrits de nombreuses femmes, en particulier, qui datent de la fin du XIXe siècle et du début du XXe siècle l'indiquent clairement. La religion était un obstacle dans certains cas, mais au sein de l'élite, rien n'empêchait les gens des groupes linguistiques de se fréquenter.

En 1893, Dame Aberdeen, qui était une femme importante à Ottawa, a fondé le Conseil des femmes de Montréal, qui était alors appelé le Conseil local des femmes. Elle a également fondé, à la même époque, le Conseil national des femmes du Canada, à Ottawa. Nous existons depuis 117 ans.

Des femmes francophones éminentes ont été membres du Conseil, y compris Caroline Béïque, dont le fils a épousé une autre féministe, Jacqueline Sicotte-Béïque, qui a milité avec Thérèse Casgrain pour obtenir le droit de vote pour les femmes et qui a été l'une de mes étudiantes. Elle est venue à mon cours et m'a dit qu'elle voulait apprendre à connaître La Relève. C'était très excitant.

Elles ont aidé à fonder le Conseil et ont joué des rôles importants, mais l'Église est intervenue et a dit : « C'est assez. Vous devez vous distancier de ces non-catholiques et créer votre propre association. » C'est comme ça que la Société Saint-Jean-Baptiste a vu le jour.

Les femmes ont continué à travailler ensemble, malgré la différence linguistique, mais elles n'étaient pas encouragées à le faire. Toutefois, les rapports entre francophones et anglophones sont toujours très cordiaux au sein de l'élite.

Comme je l'ai souligné, lorsque la défunte Sheila Finestone était présidente de la Fédération des femmes du Québec, tout le monde trouvait cela parfaitement normal, même si elle n'était clairement pas francophone, malgré son excellent français. C'était intéressant.

Cela et beaucoup d'autres choses ont changé au cours des 30 à 40 dernières années. La présidente actuelle de la Fédération des femmes du Québec est anglophone, mais elle est une séparatiste engagée. Elle est arrivée au Québec à l'enfance et a été élevée au sein de la communauté francophone. Elle est, pour ainsi dire, francophone, même si elle parle anglais. Ce n'était pas le cas de Sheila Finestone.

Les deux groupes linguistiques les plus importants au Québec sont plus divisés qu'ils l'ont jamais été dans l'histoire du Québec. Comme vous le savez, un groupe diminué n'a pas beaucoup de pouvoir et ne peut pas faire le genre de travail constructif que le Conseil des femmes de Montréal faisait auparavant. Je veux toutefois qu'il soit clair que nous faisons du travail constructif. Même si, dans une grande mesure, la communauté anglophone a construit Montréal jusqu'au milieu du XIXe siècle, et même après, les traces de la présence anglophone s'effacent graduellement.

Par exemple, on est en train de démolir une belle église sur la rue Saint-Denis, qui était anglicane avant d'être achetée par les francophones. Un promoteur a eu la permission de remplacer l'église par une horreur. Ce genre de chose fait mal aux membres de la communauté anglophone parce qu'ils voient qu'une partie de leur passé est détruite. Je pense qu'un grand nombre d'anglophones ont l'impression d'être de la craie sur un tableau noir que l'on efface.

Au cours des dernières années, nous avons repris de la vigueur, et le Conseil des femmes de Montréal a décidé de relever le défi. Comme je l'ai souligné dans mon mémoire, nous avons favorisé le métissage comme jamais auparavant. Le sénateur Lucie Pépin est notre présidente honoraire. Nous avons des conseillères honoraires et d'autres membres qui sont francophones. Nous avons également fait participer nos membres aux activités de l'Hôtel de ville et des représentants de l'Hôtel de ville à nos activités, dans une certaine mesure. L'isolement des anglophones était tel qu'elles ne se rendaient pas compte de ce que l'Hôtel de ville de Montréal pouvait faire pour elles. Elles avaient détourné le regard, loin de Montréal.

[Français]

La présidente : Merci beaucoup.

Honorables sénateurs, comme je vous l'ai dit tout à l'heure, le temps est limité à cinq minutes pour chacun des sénateurs pour la question et la réponse.

Le sénateur Fortin-Duplessis : En tout premier lieu, je tiens à vous féliciter. J'ai beaucoup aimé le volet historique de votre présentation. C'est un vrai petit bijou. J'aimerais connaître le nombre de personnes anglophones qui utilisent les services du Women's Centre of Montreal?

[Traduction]

Mme Verthuy : Nous ne sommes pas un centre pour femmes. Je ne sais pas d'où ça vient. C'est une association, mais ce n'est pas un centre.

[Français]

Ce n'est pas un centre. Nous nous réunissons à tel endroit tous les mois, mais nous n'avons ni bureau, ni lieu à nous; rien du tout.

Le sénateur Fortin-Duplessis : D'accord. Est-ce que beaucoup de personnes en font partie? Avez-vous une liste d'attente?

Mme Verthuy : Non, tout le monde peut en faire partie.

[Traduction]

Bonnie Stamos Destounis, présidente, Conseil des femmes de Montréal : Nous sommes une coalition de femmes qui comprend 73 fédérations. Nous avons environ 80 membres individuels. En tant que groupe, nous essayons d'aborder des problèmes qui touchent les familles, les femmes et la ville. C'est à ces enjeux que nous travaillons. Nous traitons avec l'administration municipale et le gouvernement provincial, par l'entremise du Conseil provincial des femmes du Québec; le Conseil national des femmes du Canada aborde également divers enjeux

Nous avons des réunions annuelles sur les procédures parlementaires.

[Français]

Le sénateur Fortin-Duplessis : De toutes ces fédérations, êtes-vous en mesure de me donner à peu près la proportion de francophones par rapport aux anglophones? Ou bien n'est-ce que des fédérations anglophones?

[Traduction]

Mme Stamos Destounis : Je crois qu'environ 20 p. 100 de ces groupes sont francophones.

Mme Verthuy : Certaines de ces fédérations sont francophones, comme l'association du West Island.

[Français]

Le sénateur Fortin-Duplessis : Félicitations pour votre travail.

[Traduction]

La présidente : Vous avez parlé de coalitions, puis de membres individuels. Les membres et les coalitions parlent-ils tous anglais?

Je pose la question parce que je me demande si vous pouvez tenir vos réunions et vos conférences dans votre langue maternelle, c'est-à-dire l'anglais.

Mme Verthuy : Oui. Nous devons le faire, même si nous essayons d'inclure du français.

La présidente : C'est ce que je voulais entendre. Vous devez le faire parce que vous existez d'abord et avant tout pour les femmes anglophones au Québec.

Mme Verthuy : Oui.

[Français]

Le sénateur Losier-Cool : Vous avez dit que vous êtes une association de femmes, et non un centre. Vous n'avez pas de bureau permanent et vous vous rencontrez une fois par mois environ. Vos rencontres se font-elles sous forme de conférences, d'ateliers? Ou est-ce plutôt à caractère social?

Mme Verthuy : C'est clair qu'il y a toujours un évènement social par-ci par-là, mais ce sont des rencontres essentiellement pour nous renseigner et pour nous informer. Par exemple — et je crois que je mentionne cela quelque part — en octobre, pour le mois de l'histoire des femmes, nous avons invité des femmes de couleur à venir faire une présentation sur la contribution faite par des femmes noires au Canada. Ç'a été fascinant et nous étions là pour apprendre.

Il y a aussi des gens qui viennent nous parler de Transport 2000, par exemple, du système de transport. Nous avons eu une réunion, il y a environ 18 mois — peut-être un peu plus, c'était avant les dernières élections municipales — où nous avons établi une série de questions à poser à tous les partis candidats aux élections. Nous avons donc travaillé ensemble toute une journée. Ensuite, nous avons rédigé un rapport et nous avons envoyé cette liste de questions — en fait, il y avait deux listes — à tous les partis candidats, sauf un qui a très aimablement répondu, et depuis septembre, nous sommes en train de voir ce qui a été réalisé sur la longue liste de promesses faites par les partis municipaux. Vous voyez que c'est assez varié. C'est au mois de mai que nous allons recevoir les nouveaux citoyens. C'est très varié, mais c'est très utile.

Le sénateur Losier-Cool : D'accord. Est-ce que vous recevez du financement pour organiser ces activités?

Mme Verthuy : Pas du tout. Rien. Nos poches, nos efforts, notre travail. J'exagère un peu. Aux réunions, nous servons un déjeuner qui, généralement, est fourni par une association. Par exemple, une association musulmane va apporter un déjeuner, mais les gens le paient. C'est cela notre revenu.

Le sénateur Losier-Cool : Vous faites des campagnes de financement?

Mme Verthuy : Non. Nous n'avons pas le droit de donner des reçus fiscaux. Vous savez, les gens sont bien gentils, mais ils veulent avoir un reçu.

Le sénateur Losier-Cool : Alors c'est du bénévolat?

Mme Verthuy : C'est du bénévolat.

Le sénateur Losier-Cool : Ce sont les femmes!

Mme Verthuy : Eh oui! Cela ne change rien de ce point de vue-là.

[Traduction]

La présidente : Vous êtes une organisation sans but lucratif, est-ce exact?

Mme Verthuy : Exact.

La présidente : Vous fonctionnez exclusivement avec des bénévoles et sans personnel rémunéré?

Mme Verthuy : C'est ça.

La présidente : Tout est fait par des bénévoles, alors?

Mme Verthuy : Oui, d'où mes cheveux blancs.

[Français]

Nous avons apporté un ou deux exemplaires du questionnaire que nous avons adressé aux partis politiques, de même que les réponses.

La présidente : Merci beaucoup. Le greffier va s'assurer de les distribuer aux membres du comité.

Le sénateur Champagne : Chers collègues, je dois vous dire que je suis honorée aujourd'hui de retrouver devant nous Mme Verthuy. Je l'ai connue il y a deux ans, alors qu'elle recevait un prix de la gouverneure générale dans le cadre de la commémoration de l'affaire « personne ». Vous vous souvenez tous que l'affaire « personne », c'est le jour où nous, les femmes, avons été reconnues comme « personne » et nous pouvions donc être convoquées au Sénat du Canada. Dans le cadre de cette célébration, on a honoré Mme Verthuy et je suis totalement ravie qu'elle soit là aujourd'hui.

Mme Verthuy : Cela a été un grand honneur pour moi et pour les autres aussi.

Le sénateur Champagne : Dans votre rapport, vous vous attristez du fait que nos gouvernements, particulièrement au Québec, insistent pour que les nouveaux arrivants fassent instruire leurs enfants en français, ce qui fait que la communauté anglophone perd un peu de son panache, me direz-vous. Cependant, vous dites que bizarrement, même aujourd'hui, la communauté anglophone demeure mieux instruite dans son ensemble que la communauté francophone. Comment expliquez-vous cela? Comment, en tant que femme, pouvez-vous aider? Et comment pouvons-nous aider à trouver un équilibre?

Mme Verthuy : J'ai une liste de suggestions! C'est très simple. Vous savez sans doute mieux que moi qu'il n'y a pas de tradition, au Québec, de l'enseignement avancé. Pendant très longtemps, il y avait une espèce de mépris de l'enseignement. L'église n'encourageait pas l'enseignement. C'est en 1951, je pense, qu'on a créé le premier ministère de l'Éducation au Québec, alors que du côté anglais, on s'est toujours beaucoup attaché à l'éducation, surtout pour les garçons. Curieusement, du côté francophone, les filles étaient en général mieux instruites que les garçons parce que les garçons travaillaient au champ avec papa, alors que les filles restaient un an ou deux de plus pour apprendre les arts ménagers. Donc, elles écrivaient beaucoup aussi. Beaucoup de documents au Québec ont été rédigés par des femmes. C'est assez remarquable. Il n'y avait pas de tradition de l'enseignement supérieur, alors qu'il y avait cette tradition du côté anglophone. Et cela persiste, même si beaucoup de jeunes anglophones vont à Ottawa ou ailleurs pour fréquenter l'université.

Du côté francophone, en dehors de cette tradition, je pense qu'il y a d'autres problèmes. Dans les écoles francophones, vous avez les immigrés, les allophones. Quand la Loi 101 a été votée, il avait été dit très clairement dans cette loi que chaque enfant, qui n'était pas de souche francophone, aurait un an de préparation à l'école avant de poursuivre son éducation en français. Encore une promesse, si vous me permettez, de politiciens! Cela est disparu et le taux d'échec des francophones dans les écoles primaires et secondaires dépasse 50 p. 100. Le taux d'échec des allophones est autour de 70 p. 100 parce qu'on leur dit : « Allez à l'école, fréquentez l'école. » Cependant, ils sont souvent majoritaires dans une salle de classe, surtout à Montréal, et on ne s'occupe pas réellement de leur enseignement. Ils échouent et cela reste ainsi. Les francophones ont également un taux de décrochage plus élevé que les anglophones. Cela nous rappelle cette tradition où on envoyait les garçons travailler dans les champs avec papa. Je ne pense pas qu'ils le fassent encore, mais le fait est que les garçons décrochent davantage que les filles. C'est l'explication, je pense.

Le sénateur Champagne : On envoyait beaucoup les filles étudier pour devenir maîtresse d'école. Les garçons, eux, pouvaient être curés. De nos jours, si un élève rate un examen au mois de juin, on va lui permettre de reprendre l'examen au mois d'août, mais on va lui donner les réponses à l'avance, et s'il se présente pour la reprise d'examen, il ne va pas redoubler son année. Malheureusement, c'est ce que nous vivons en ce moment.

Mme Verthuy : C'est effrayant.

Le sénateur Champagne : Merci. Avec l'aide de Mme Verthuy, je pense que nous avons dépassé nos cinq minutes.

La présidente : Merci beaucoup de le reconnaître, sénateur Champagne.

[Traduction]

Le sénateur De Bané : À la première ligne de la dernière page de la version anglaise de votre mémoire, il y a la phrase : « the current development of a Quebec national militia is unlikely to reassure them ». Je ne trouve pas cette phrase dans la version française. Est-ce qu'elle y est?

[Français]

Le sénateur Robichaud : Elle est dans la version française aussi.

Le sénateur De Bané : Où est-elle? Elle y est, n'est-ce pas?

Mme Verthuy : Elle y est.

Le sénateur De Bané : À la page?

La présidente : À la page 7 du texte français.

Le sénateur Robichaud : Dernière ligne de l'avant-dernier paragraphe.

Mme Verthuy : Il a raison. La naissance d'une milice nationale québécoise.

Le sénateur De Bané : La naissance d'une milice nationale.

Mme Verthuy : Je n'ai pas pu résister.

Le sénateur De Bané : Vous n'avez pas résisté.

Mme Verthuy : Mais le fait demeure.

Le sénateur De Bané : La chose qui m'a frappé, dans votre mémoire, est que vous dites que le fossé entre les deux communautés n'a jamais été aussi grand.

Mme Verthuy : C'est ce que je dis, malheureusement.

Le sénateur De Bané : Que devrions-nous faire pour remédier à cette situation que vous avez décrite?

Mme Verthuy : C'est une grande question, sénateur.

Le sénateur De Bané : Mais c'est la question fondamentale qui nous intéresse. Si vous me permettez, il y a deux façons de faire de la politique. L'une consiste à maximiser les différences entre les gens, et l'autre consiste à les ressembler.

Mme Verthuy : Je suis tout à fait en faveur que l'on rassemble les gens. D'ailleurs, j'ai écrit une lettre au premier ministre Charest à ce sujet il n'y a pas si longtemps.

D'une part, on devrait faire l'éducation de la société adulte au Québec. J'expliquais à ma collègue tout à l'heure que j'avais, avec mes filles, fait une croisière dans l'Arctique où nous avons parlé le français. Toutes les autres personnes, des Québécoises de souche, étaient fort courtoises, mais ne nous adressaient pas la parole du tout car elles ne savaient pas quoi nous dire.

Vous savez, quand un groupe d'Italiens emménagent dans un quartier, ils ont des choses en commun. Il en va de même pour un groupe d'Allemands. Ce n'est pas uniquement une question de langue. Mes filles sont nées en Europe, avec une culture différente, et cela constitue une barrière au sein d'un groupe de francophones de souche.

Je crois également qu'il existe, de part et d'autre, certains mythes. Par exemple, certains pensent que tous les anglophones sont riches ou que tous les francophones sont illettrés ou autre chose. Ce sont de vieux préjugés. Le gouvernement, à mon avis, ne fait rien pour régler ces problèmes. Je trouve tout à fait horrifiant qu'on laisse les gens vivre avec leurs préjugés et qu'on n'essaie pas de faire un croisement entre les deux groupes. C'est une tâche difficile, soit. Toutefois, on doit faire comprendre, davantage aux francophones qu'aux anglophones, qui ont l'habitude de gens portant des noms bizarres, qu'on ne doit pas craindre des noms qui ne sont pas courants au Québec.

Ma fille rencontre ce problème constamment. On pose la question : « C'est quoi Verthuy »? « D'où ça vient ce nom- là?» Pourtant, née en France, elle est francophone et parle parfaitement bien le français. Elle a fait ses études en grande partie en français. Or, on pose toujours ces questions.

Le sénateur De Bané : Vous qui avez beaucoup réfléchi à ces questions, dites que le gouvernement devrait faire quelque chose pour essayer de changer les choses.

Mme Verthuy : Oui.

Le sénateur De Bané : Si vous étiez au gouvernement, quelles sont les initiatives ou les programmes que vous mettriez sur pied pour encourager une meilleure compréhension entre ces deux communautés qui parlent deux des principales langues du monde occidental?

Mme Verthuy : Je n'ai pas de réponse facile à votre excellente question. D'ailleurs, j'aimerais bien avoir la réponse. D'une part, le gouvernement devrait faire les premiers pas en mettant des anglophones sur la sellette. Pour l'instant, le seul anglophone qu'on ait mis sur la sellette, depuis des siècles, c'est Michael Sabia. On disait que cet homme ne connaissait rien au Québec. Or, il a vécu 20 ans à Montréal, il est parfaitement bilingue et est un expert en finances. Le président précédent a mis à risque ma pension et celle de tous les Québécois. M. Sabia n'en ferait pas autant. Or, on ne voulait pas de lui car il ne porte pas un nom québécois. C'est le problème également des jeunes qui vont à l'université. Je crois qu'il faut mettre de l'avant...

Le sénateur Losier-Cool : Le pouvoir politique.

Mme Verthuy : Oui.

Le sénateur Losier-Cool : Allez-y, madame.

Mme Verthuy : Je crois qu'il est essentiel que l'on montre que ces personnes ne sont pas des monstres. Enfin, je pourrais poursuivre pendant des heures.

Le sénateur Losier-Cool : Quand j'ai dit « allez-y, madame», je voulais dire allez-y en politique.

Mme Verthuy : Non. On a essayé partout de me faire entrer en politique, mais je ne peux pas suivre les ordres d'un parti ou une ligne de parti.

La présidente : Vous nous avez donné un exemple, madame. Merci beaucoup.

[Traduction]

Le sénateur Fraser : Vous êtes ici pour représenter le Conseil des femmes de Montréal. Nous avons beaucoup entendu parler des besoins de la communauté anglophone au Québec en général et nous n'avons pas fini d'en entendre parler, mais j'aimerais vous demander si vous croyez que les femmes anglophones du Québec ont des besoins particuliers et ce que le gouvernement fédéral peut faire pour répondre à ces besoins, selon vous.

Mme Verthuy : Il est difficile pour moi de répondre à la deuxième partie de votre question parce que je pense aux responsabilités du gouvernement québécois et à celles du gouvernement fédéral.

Le sénateur Fraser : Nous sommes le gouvernement fédéral.

Mme Verthuy : Je sais. C'est très important. Ce que je dis, c'est que je ne sais pas trop comment le gouvernement fédéral pourrait intervenir, mis à part le fait d'encourager un certain nombre de choses. Je crois qu'il est important que vous veniez, que vous soyez présent et que vous parliez aux gens au Québec, ce qui comprend les gens ordinaires. Il ne sera peut-être jamais possible de convaincre un gouvernement. Si le gouvernement actuel perd les prochaines élections, cela sera encore plus difficile à coup sûr.

Les femmes ont des problèmes bien précis, et l'un d'entre eux est et a toujours été le fait qu'il n'est pas toujours facile pour elles de quitter la maison et de travailler parce qu'il y a toujours des hommes qui n'aiment pas que leur femme travaille. Si elles doivent en plus surmonter la barrière linguistique et s'efforcer à parler français dans le monde extérieur, cela est encore plus difficile.

En ce qui concerne les femmes âgées — et vous avez sûrement entendu cela 5 000 fois, — elles sont très durement touchées par le départ de leurs enfants adultes, qui doivent aller en Ontario au aux États-Unis pour obtenir un emploi. Elles sont laissées derrière, et leurs enfants sont partis. Elles les ont élevés du mieux qu'elles le pouvaient, et ils ne sont plus là. Je n'aime pas le dire parce que j'ai perdu mon mari de cette manière, mais nous savons également que l'espérance de vie des hommes est un peu plus courte que celle des femmes. Il y a de nombreuses veuves, et elles ont de graves problèmes financiers et sont très isolées. Elles devraient, d'abord et avant tout, recevoir des bracelets gratuits qui sont rechargés à intervalles réguliers. Il y a aussi beaucoup d'autres choses que l'on doit faire pour elles. Elles ont beaucoup de problèmes.

L'autre chose, c'est que la plupart des femmes de mon âge au Québec, quelle que soit la langue qu'elles parlent, n'ont jamais travaillé à l'extérieur de la maison. Où est leur pension bien dodue? J'utilise le mot « dodue » très librement. Où est-elle? Elles ont leur pension de vieillesse, peut-être, et elles peuvent obtenir une aide du gouvernement, mais cela ne leur permet pas de vivre d'une manière raisonnablement civilisée et de prendre des vacances à l'occasion. De nombreuses femmes de ma génération n'ont pas travaillé lorsqu'elles étaient plus jeunes, et cela cause de graves problèmes.

Mme Stamos est plus jeune que moi, mais nous avons travaillé toute notre vie, en plus d'élever nos enfants et de nous occuper de notre mari, mais la plupart des femmes n'ont pas fait cela, et personne ne semble se préoccuper d'elles. Auparavant, les femmes travaillaient pour leur mari, sur les fermes. Elles n'ont été reconnues qu'après plusieurs décennies de travail fait par l'Association féminine d'éducation et d'action sociale. Il y a beaucoup de choses pour lesquelles les femmes ne sont pas reconnues. Lorsqu'elles sont seules et que leurs enfants ne sont plus là, ce n'est pas facile. C'est un sujet qui me touche beaucoup.

Le sénateur Fraser : Merci. J'ai un petit commentaire, si vous me le permettez. Vous avez fait valoir que les anglophones ne vont pas loin au Québec, puis vous avez mentionné Mme James. Je dois dire, pour le compte rendu, qu'une femme anglophone a déjà été ministre de la Justice au Québec, ce qui n'est pas rien. C'est juste un petit commentaire.

Mme Verthuy : Oui, vous avez tout à fait raison.

Mme Stamos Destounis : J'aimerais ajouter quelque chose. Un autre problème qui touche les femmes âgées au Québec, et même celles de ma génération, c'est le fait que nous ne sommes pas bilingues. Je peux parler français un peu, mais je ne peux pas prétendre être bilingue. Les dames âgées qui ne sont pas bilingues et qui essaient de vivre dans une province où les journaux, et même les journaux communautaires, maintenant, sont presque tous en français, ne savent pas ce qui se passe dans la collectivité; elles se sentent plus isolées et elles ont tendance à rester au sein de leur propre petit groupe plutôt que de participer plus pleinement à la société.

La présidente : Qu'en est-il des services de santé?

Mme Stamos Destounis : Je pense que vous avez tout à fait raison de le souligner parce que l'accès aux services de santé est très limité. Lorsqu'elles ont besoin de services de santé, elles doivent affronter une barrière linguistique.

Je crois qu'il s'agit d'un moment opportun pour soulever un autre problème. Je travaille également beaucoup avec la population anglophone sourde de Montréal, et c'est l'un des plus grands problèmes auxquels elle est confrontée. Les personnes sourdes sont comme tout autre groupe culturel. On peut les considérer ainsi parce que, comme tout autre groupe culturel, ils n'ont pas accès aux services en raison du manque de services d'interprétation linguistiques, et du petit nombre de personnes qui peuvent parler avec eux.

La présidente : Par exemple, si vous avez un problème de santé grave, que vos enfants ne sont pas à proximité et que vous ne parlez pas français ou que vous connaissez seulement quelques mots, que faites-vous? Existe-t-il une ligne d'aide ou un numéro que vous pouvez composer pour parler à quelqu'un dans votre langue et être comprise afin de pouvoir faire ce que vous avez à faire? Existe-t-il quelque chose?

Mme Stamos Destounis : Vous pouvez téléphoner à Info-Santé, et ils peuvent vous aiguiller, mais lorsque vous vous rendrez au centre de soins de santé, rien ne garantit qu'il y aura quelqu'un qui vous comprendra.

La présidente : N'y a-t-il pas de traducteurs ou de bénévoles de quelque sorte qui puissent parler votre langue. Au Manitoba, j'utilise parfois ce genre de service; ils peuvent trouver un bénévole qui parle français.

Mme Stamos Destounis : C'est exactement ça le problème; ils trouveront un bénévole quelque part.

La présidente : C'est un dernier recours.

Mme Stamos Destounis : Lorsque les gens doivent se présenter en cour, c'est encore une fois un problème.

La présidente : Merci.

Beverley Colquhoun, vice-présidente, Conseil des femmes de Montréal : Je voulais appuyer les propos de Mme Stamos Destounis. Je fréquente souvent les établissements de soins de santé du Québec et je rencontre parfois des gens qui ne veulent pas parler anglais. Je n'ai pas de problème parce que je suis bilingue, mais, par exemple, ma belle-mère, qui a 86 ans et qui ne parle pas français, a elle aussi parfois affaire à des gens qui ne parlent pas sa langue. Si mon mari ou moi ne l'accompagnons pas, elle a beaucoup de difficulté. Je trouve que la situation est pire aujourd'hui. Ce n'était pas comme ça il y a dix ans; vraiment pas. Personnellement, je suis surprise que l'on me traite de la même manière, même si je passe facilement au français. Toutefois, les gens comme ma belle-mère, qui a 86 ans, ne peuvent pas faire ça. C'est une préoccupation énorme.

Le sénateur Fraser : Je suis confuse. Vous parlez de l'accès aux soins de santé. Vous parlez de quel niveau de soins de santé?

Mme Colquhoun : Les hôpitaux.

Le sénateur Fraser : Nous avons l'Hôpital Royal Victoria, l'Hôpital général de Montréal, l'Hôpital de Montréal pour enfants et l'Hôpital général juif. Selon mon expérience dans tous ces hôpitaux, il n'est pas impossible, mais il est extrêmement rare de trouver une personne qui ne parle pas anglais.

Mme Colquhoun : Vous seriez surprise. En tant qu'anglophone, je sais qu'il y a de nombreux membres du personnel qui sont francophones, ou qui sont d'autres cultures, mais qui parlent français seulement ou davantage français qu'anglais. J'ai constaté qu'il y a eu un changement énorme à cet égard aussi. Malheureusement, ça arrive. Il faut exiger d'obtenir des services dans sa langue. Je ne le fais pas parce que je parle les deux langues, mais ma belle-mère doit exiger qu'on lui parle anglais. Comme je l'ai dit, il y a dix ans, on ne voyait pas ce genre d'attitude. La situation s'est aggravée. C'est difficile à croire, mais c'est vrai.

Le sénateur Fraser : J'imagine que chacun a ses propres expériences personnelles.

[Français]

Le sénateur Losier-Cool : Pouvez-vous me dire quel est le niveau d'apprentissage du français dans les écoles anglophones?

Mme Verthuy : Dans beaucoup d'écoles anglophones, tout se passe en français.

Le sénateur Losier-Cool : Ce sont les classes d'immersion?

Mme Verthuy : Oui, les classes d'immersion.

Le sénateur Losier-Cool : Il y a aussi les écoles régulières en première ou en deuxième année?

Mme Verthuy : C'est tout à fait vrai. Il y a les écoles d'immersion, il y a les écoles où c'est moitié anglais, moitié français, et il y a des écoles où le français est une matière enseignée comme n'importe quelle autre matière. Et en général, c'est enseigné à la fin du primaire et certainement au secondaire.

Je voudrais mentionner un problème, au Québec, au niveau de l'éducation pour les anglophones, et qui affecte tous les anglophones, que ce soit votre enfant qui en souffre ou que vous ayez connaissance de ce fait qui vous agresse, et c'est absolument terrifiant. Je donne comme exemple les livres d'histoires, je pense que c'est en cinquième secondaire. Les élèves francophones reçoivent les livres le jour où ils franchissent l'entrée de l'école, mais pour les anglophones, ce n'est parfois qu'au mois de mars qu'ils les reçoivent, mais certainement pas au début de l'année. C'est terrifiant.

Comment les élèves sont-ils censés réussir? Et pourtant, ils y arrivent, parce qu'ils ont des parents qui travaillent avec eux, je suppose. Mais il est clair que, quel que soit le parti, les anglophones sont loin d'être prioritaires ou même égalitaires au Québec.

[Traduction]

La présidente : À la dernière ligne de l'exposé que vous nous avez fait, vous dites : « Le temps ne serait-il pas enfin venu pour que nous adoptions de nouvelles méthodes, dont la nôtre ».

[Français]

Quel est le modèle que vous suggérez?

Mme Verthuy : Dans un sens, c'est le bénévolat. Je ne veux pas dire qu'il n'y a jamais eu de bénévolat du côté francophone, mais n'empêche que pendant des siècles, c'est l'Église qui s'occupait du bénévolat, des soins distribués aux autres. Et un beau jour, l'Église a été remplacée par l'État. Maintenant, on coupe les budgets partout, autant chez les francophones que chez les anglophones, où c'était plus petit au départ. Et au lieu de nous encourager à partir, ils devraient nous encourager à rester, à être plus nombreux. Ils devraient encourager les francophones à travailler comme nous on travaille.

La présidente : Et comment se ferait cet encouragement? Je vous pousse un peu parce que j'aimerais que vous nous donniez des exemples pour nous permettre d'y réfléchir.

Mme Verthuy : Je pense que par le travail qu'elle a accompli auprès des malentendants, Mme Stamos Destounis est un excellent exemple.

[Traduction]

Je sais qu'on vous paie pour travailler avec eux, mais ce n'est pas le cas de tout le monde.

Mme Stamos Destounis : Non.

La présidente : Par exemple, s'il y a une personne qui travaille à temps partiel ou un bénévole qui reçoit une rémunération sous une forme quelconque, même s'il ne s'agit pas exactement d'un salaire, qu'est-ce qui se passe par la suite? Les bénévoles sont-ils formés?

Mme Verthuy : Je crois que les bénévoles doivent être formés, oui.

La présidente : Voudriez-vous nous donner plus de détails à ce sujet?

Mme Stamos Destounis : Si on trouve des bénévoles qui peuvent aider dans un domaine particulier, ils ont besoin d'une formation spéciale, et il faut de l'argent. Notre association ne peut pas réunir des fonds, malheureusement. Si plus de bénévoles étaient formés et pouvaient toucher quelque chose, comme une petite allocation, je pense qu'il y aurait plus de bénévoles qui donneraient de leur temps et qui contribueraient. Nous n'essayons pas de dire qu'il faut être un professionnel pour faire partie de la solution.

La présidente : Si au moins, on remboursait leurs dépenses et qu'on leur versait un petit boni.

Mme Stamos Destounis : Exactement. Il y a des jeunes mères qui aimeraient beaucoup faire du bénévolat, mais si elles doivent payer leur stationnement et la gardienne, elles ne peuvent pas le faire.

La présidente : Les personnes âgées peuvent en faire davantage.

Mme Stamos Destounis : Exactement. Nous sommes toutes des personnes âgées.

La présidente : Bon nombre d'entre nous, autour de la table, sommes des personnes âgées.

Mme Stamos Destounis : Nous faisons beaucoup de bénévolat. Nous sommes tous des bénévoles.

Plus tôt, vous avez posé une question sur nos rencontres et sur nos programmes. Les membres se rencontrent peut- être une fois par mois, mais certaines d'entre nous nous réunissons deux ou trois fois par semaine, et nous nous parlons presque tous les jours. Être présidente est un emploi à temps plein. Nous aimons beaucoup ça, bien sûr. C'est pourquoi nous le faisons.

Mme Verthuy : Ce serait beaucoup plus facile pour tout le monde si la loi en vertu de laquelle il faut qu'une ville ait une population anglophone de 50 p. 100 plus 1 pour permettre la production de documents en anglais était amendée. Le fait de produire un document en anglais ne fera pas de Montréal une ville anglophone. Ce serait également beaucoup plus simple pour les touristes.

Le sénateur Wallace : Madame Verthuy, dans votre déclaration préliminaire, vous avez dit que le fossé entre la communauté anglophone et la communauté francophone au Québec n'a jamais été aussi grand. C'est une déclaration très audacieuse, et vos sentiments à cet égard sont forts.

Par la suite, vous avez dit que les anglophones ont l'impression de ne pas être traités de la même manière, quel que soit le gouvernement qui est au pouvoir au Québec.

N'y a-t-il pas eu d'améliorations, de la perspective des anglophones, avec les gouvernements provinciaux qui se sont succédé au Québec au cours des 20 dernières années?

Mme Verthuy : Aucune ne me vient à l'esprit. De nombreuses améliorations sociales au cours des 40 dernières années me viennent en tête, mais je ne crois pas qu'on ait fait quoi que ce soit pour les anglophones, et c'est dommage.

Le sénateur Wallace : N'a-t-on jamais eu l'impression, avec les changements de gouvernement, que la relation entre les francophones et les anglophones s'améliorait?

Mme Verthuy : Le Parti québécois sait que les anglophones ne seront jamais nombreux à voter pour lui. Les libéraux avaient l'habitude de croire que le vote anglophone leur était assuré, mais ce n'est plus le cas, je crois, alors ils ne nous courtisent plus. Nous allons attendre de voir ce qui se passe aux prochaines élections.

Mme Stamos Destounis : Les représentants du gouvernement actuel tiennent pour acquis que les anglophones vont voter pour eux. C'est un problème. Ils ne portent pas beaucoup attention à la population anglophone. Ils ne s'en font plus pour nous. Ils cherchent d'autres votes.

Le sénateur Wallace : Si l'urne ne change pas la relation, je suppose qu'il faut s'attarder à la population elle-même. C'est là que le changement devra se produire.

Mme Stamos Destounis : C'est bien ça.

Le sénateur Wallace : Ce n'est pas à l'échelle du gouvernement.

Mme Verthuy : Je crois que les Canadiens, en général, sont beaucoup trop passifs. Nous acceptons beaucoup de choses que nous ne devrions pas accepter d'un gouvernement, particulièrement au Québec, et cela comprend probablement les francophones aussi.

Le sénateur Wallace : Selon ce que nous avons vu aujourd'hui, je ne dirais pas qu'ils sont tous passifs, mais certains le sont peut-être.

[Français]

Le sénateur Robichaud : Ma question s'adresse à Mme Colquhoun qui disait plus tôt que sa belle-mère, qui ne parle pas le français, doit avoir de l'interprétation, et que dans le passé, les gens auraient vraiment été préoccupés par ce fait et auraient fait de grands efforts pour qu'elle puisse comprendre, et que malheureusement, cela ne se fait plus maintenant, qu'on ne fait pas autant d'efforts. À quoi attribuez-vous ce changement d'attitude?

[Traduction]

Mme Colquhoun : Je ne suis pas certaine d'avoir compris la question clairement.

Le sénateur Robichaud : Vous avez dit qu'il y a eu changement d'attitude et que les gens ne font pas autant d'efforts qu'avant.

Mme Colquhoun : Oui. Je fais des affaires dans une collectivité bilingue depuis 30 ans, et nous avons toujours fait des efforts d'un côté comme de l'autre. Au cours des dernières années, c'est-à-dire depuis que j'accompagne plus souvent ma belle-mère dans divers établissements de soins de santé, j'ai remarqué cela. Elle s'en est plainte, elle-même, et elle a peur de faire des histoires. Comme elle est vieille, elle ne veut pas fâcher les gens, mais parfois, elle doit insister. La plupart des gens l'accommoderont, mais selon ce que j'ai vu, cette attitude est plus courante maintenant que jamais.

J'ai vécu les changements qui ont découlé de la montée du PQ et les diverses attitudes qui ont prédominé, mais cela n'a jamais été aussi évident. Peut-être les deux cultures ne communiquent-elles pas assez et ne passent-elles pas suffisamment de temps ensemble. Peut-être cela n'est-il pas assez encouragé au Québec. Peut-être les deux communautés doivent-elles favoriser ce genre d'échanges afin que nous nous comprenions mieux et que nous découvrions ce que nous avons en commun, comme nous le faisons au Conseil des femmes de Montréal. Nous encourageons les groupes francophones et anglophones à se rassembler et à échanger.

Peut-être devons-nous promouvoir cela davantage. Nous sommes tous des humains et nous avons tous les mêmes problèmes. Nous partageons une histoire, et chaque groupe peut apporter beaucoup de choses à l'autre. Les échanges linguistiques et culturels sont si amusants. C'est ce que j'adore de Montréal. J'ai eu l'occasion de faire des échanges culturels et d'apprendre deux langues qui m'ont permis de voyager partout dans le monde. Je suis fière de cela.

Toutefois, j'ai maintenant le sentiment de ne pas appartenir à la société, même si je suis née et que j'ai été élevée au Québec. Je suis moins inquiète pour moi-même que pour les gens comme ma belle-mère qui sont unilingues et ont peur, sont méfiants ou ont besoin d'aide.

Nous réussissons toujours à trouver une solution, et les gens sont toujours gentils, jusqu'à la fin. Je ne veux pas dramatiser la situation parce que la plupart du temps, nous réussissons à nous entendre. Nous communiquons; nous trouvons des solutions.

La présidente : Merci beaucoup d'avoir répondu à nos questions. Nous avons eu un très bon débat, et j'espère que vous avez fait part au comité de toutes vos préoccupations, de vos idées et de ce qui doit être amélioré pour la population anglophone, et plus particulièrement, dans votre cas, pour les femmes anglophones du Québec.

Nous souhaitons maintenant la bienvenue aux représentants du Hudson St. Lazare Gazette. Nous accueillons ce soir Jim Duff, rédacteur en chef, et Louise Craig, éditrice.

Le comité a hâte d'en apprendre davantage au sujet de votre organisation et de son rôle dans l'épanouissement de la communauté anglophone au Québec. Comme vous le savez, notre temps est limité. Veuillez vous en tenir à cinq ou six minutes pour vos exposés. Par la suite, les sénateurs vous poseront des questions. Merci.

[Français]

Jim Duff, rédacteur en chef, Hudson St. Lazare Gazette : Madame la présidente, j'aimerais d'abord vous remercier de nous donner la chance de vous adresser la parole ce soir.

[Traduction]

Merci de nous donner ce temps. Nous publions notre petit journal depuis 60 ans. Nous avons vu la ville de Hudson, qui a déjà été le centre de notre univers, devenir un îlot de développement de Vaudreuil-Soulanges, qui connaît une explosion démographique; la population augmente de 8 p. 100 par an.

Chaque année, le 1er janvier, le gouvernement du Québec publie un décret qui prévoit, selon la population, l'utilisation des écoles, des hôpitaux, et des services sociaux et de santé. Tout est fondé sur le décret du premier jour de l'année. Ce décret n'est jamais un reflet adéquat de la réalité, simplement parce que la population augmente si rapidement qu'on n'a jamais un aperçu réaliste de ce qui se passe.

En ce qui concerne les services sociaux et de santé, cela veut dire que nous regardons toujours en arrière pour déterminer le pourcentage de Québécois anglophones qui vivent dans notre région. Les vieux instruments de mesure n'existent plus. Les gens arrivent de Montréal, et certains ont droit à un enseignement en anglais, et d'autres pas. Néanmoins, leur langue de service est l'anglais. Il y a beaucoup d'Asiatiques et de Sikhs.

Par exemple, une industrie de transport est en train de voir le jour dans notre région, et il faut des chauffeurs de camion. L'industrie exige beaucoup d'entrepôts et une logistique importante. Il y a la notion d'un port interne ou intérieur. Canadian Tire a un entrepôt de distribution régional. Le Chemin de fer Canadien Pacifique est en train de construire un terminal intermodal de 300 hectares. Ils ont tous besoin de chauffeurs de camion. Quel était le moyen le plus rapide et le plus facile de trouver des chauffeurs de camion? Ils sont allés en Inde, ont trouvé des Sikhs et les ont ramenés au Canada.

Cette communauté ne peut pas envoyer ses enfants dans des écoles anglophones en vertu de la Loi 101. Toutefois, ils ont accès aux services anglophones.

Dans notre collectivité, nous avons de plus en plus l'impression que le gouvernement se fie au passé pour déterminer ce dont nous avons besoin dans le domaine des services sociaux et de santé, principalement, mais également dans le domaine de l'enseignement et de l'enseignement postsecondaire. Bon nombre de ces choses sont du ressort du gouvernement provincial. Cependant, en ce qui concerne les services sociaux et de santé, il y a une composante fédérale, à savoir l'enseignement postsecondaire.

Nous sommes ici ce soir pour faire valoir l'importance d'une surveillance plus étroite de ce qui se passe dans notre région, Vaudreuil-Soulanges, afin de garantir que la proportion des services anglophones reflète la communauté anglophone de notre région.

[Français]

Le sénateur Fortin-Duplessis : En tout premier lieu, soyez les bienvenus. Je suis bien contente que vous soyez là. J'ai des questions concernant des programmes fédéraux. Il y a eu des changements dans les programmes fédéraux. Nous savons que, pour les périodiques, Fonds Canada regroupe maintenant des magazines et des programmes d'aide aux publications. Le gouvernement a dit qu'il avait fait ces changements à la suite de consultations faites de janvier à avril 2008. Monsieur Duff, avez-vous été consultés à ce moment-là?

M. Duff : C'est plutôt grâce à l'expertise de ma patronne que vous allez trouver réponse à cette question.

Louise Craig, éditrice, Hudson St. Lazare Gazette : Nous n'avons effectivement jamais été questionnés à ce sujet. Pour être admissible à des fonds du gouvernement ou du ministère du Patrimoine canadien, il faut respecter des critères assez stricts comme un certain nombre de journaux devant être vendus, et non pas donnés gratuitement. Nous ne remplissons pas ces critères. Toutefois, si notre publication était faite sous la forme d'un magazine, cela pourrait être le cas. Comme nous somme un journal indépendant, nous ne recevons aucun montant d'argent.

Le sénateur Fortin-Duplessis : Vous avez parlé de l'explosion de la population autour de Hudson. Il doit y avoir beaucoup d'anglophones parmi tous ces gens qui viennent s'installer. La distribution de votre journal a-t-elle augmenté?

M. Duff : Oui, pour toute la région de Vaudreuil-Soulanges : Sainte-Anne-de-Bellevue, Pincourt, L'Île Perrot, Notre-Dame-de-l'Île-Perrot, Terrasse-Vaudreuil, Vaudreuil-Dorion, Les Cèdres, Hudson, Rigaud et Saint-Lazare. D'après le gouvernement, il y a grosso modo 25 p. 100 d'anglophones. C'est plus d'un tiers ou un peu plus. Dans plusieurs secteurs, comme à Saint-Lazare, c'est 50 p. 100; à Pincourt, c'est plus que 50 p. 100; à Hudson, c'est 65 p. 100 d'anglophones, 35 p. 100 de francophones. De plus en plus, nous notons un équilibre des deux.

Le sénateur Fortin-Duplessis : Comment faites-vous parvenir votre journal aux anglophones? S'agit-il d'un journal hebdomadaire?

M. Duff : C'est un hebdomadaire qui est publié tous les mercredi. Notre système de distribution est effectué via la société Postes Canada. Toutefois, le problème avec Postes Canada, c'est qu'il n'y a pas de garantie de livraison moindre que cinq jours ouvrables.

Pour un hebdomadaire, cela veut dire que le journal est reçu une semaine après la parution. Et ceci ne s'applique pas à Hudson et Saint-Lazare où il est interdit de faire circuler par colporteur ou par Publi-Sac.

Le sénateur Fortin-Duplessis : C'est un gros problème.

Mme Craig : C'est un gros problème. Il y a deux modes de distribution, dont Postes Canada. Et à cause de leur syndicat, ils ne peuvent exercer leur droit de prendre jusqu'à une semaine de livraison; ou par un système de livraison tel Transcontinental et Publi-Sac, qui ont des ententes privées avec des médias qui leur appartiennent aussi. On ne pourrait donc pas se servir d'eux pour la distribution. Nous sommes vraiment bloqués. On se sert de Postes Canada, mais nous avons aussi une compagnie de distribution que nous avons formée à cette fin.

Le sénateur Fortin-Duplessis : Quel est le total des copies de votre journal pour distribution?

Mme Craig : Il s'agit d'un total de 21 000 copies.

Le sénateur Fortin-Duplessis : C'est bon.

Mme Craig : Nous avons observé la croissance de la région. Je participe à une table de concertation pour le CSSS. Je suis là comme représentante de la MRC de notre région. Je suis la seule participante anglophone de la région à cette table de concertation. Des problèmes réels se présentent à cause de l'augmentation du nombre de population. Il faut faire quelque chose. C'est pour cette raison que le gouvernement fédéral a donné de l'argent récemment au CSSS. C'est la première fois qu'a lieu une entente avec une association publique. Cela n'a jamais été fait auparavant. Et je me pose des questions à ce sujet, concernant l'argent octroyé à la province pour cela par le gouvernement fédéral.

Le sénateur Fortin-Duplessis : Vous avez mentionné tantôt que le tiers était anglophone et que vous publiez 21 000 copies. Je trouve que c'est vraiment bien. Je pensais que c'était un plus petit journal, mais c'est loin de cela. Ce que je retiens, c'est le grand problème de distribution que vous avez; quand le journal et les nouvelles arrivent une semaine après, cela dérange un peu. Ce serait mieux si les gens avaient la chance de pouvoir le voir presque immédiatement.

Mme Craig : Absolument.

M. Duff : Nous sommes très chanceux d'être dans une région grandissante avec un tirage d'un tel équilibre, c'est-à- dire moitié-moitié. Du point de vue journalistique, nous luttons constamment pour les droits des anglophones. Il faut le faire à tous les niveaux : municipal, CSSS, Commission scolaire des Trois-Lacs.

Un autre phénomène est important. De plus en plus d'anglophones envoient leurs enfants dans écoles francophones juste pour s'assurer qu'ils seront bilingues. Mais en même temps, il faut assurer que l'information concernant les autobus scolaires sera également disponible pour les anglophones.

Il s'agit de toutes sortes de petits trucs comme cela auxquels nous ne pensons jamais.

D'habitude, dans un grand marché comme Montréal, on ne pense pas à ces choses. Mais des une région rurale, il faut penser au transport puisqu'il n'y a pas de transport en commun. Des enfants sont transportés d'un bout à l'autre du comté. Il s'agit de transports qui peuvent durer 1 h 30 ou même deux heures. C'est comme dans les Cantons de l'Est.

Le sénateur Fortin-Duplessis : Les grands journaux se tournent de plus en plus vers le Web. Qu'en est-il des petits journaux tels que ceux de la catégorie du vôtre? Est-ce que des gens peuvent aller chercher des informations sur le Web chez vous?

Mme Craig : Nous étions le premier hebdomadaire à paraître sur le Web au Canada, bien avant plusieurs des quotidiens tels le Journal de Montréal, The Gazette ou La Presse.

Le sénateur Fortin-Duplessis : C'est une bonne nouvelle.

Mme Craig : C'est utile pour ceux qui ont la chance de le faire. Nous n'avons toutefois pas les ressources qu'ils ont.

La présidente : Est-ce que cela veut dire que votre journal est accessible à tous les anglophones du Québec?

Mme Craig : Nous avons des lecteurs autour du monde.

La présidente : Oui, très bien. Est-ce que votre communauté anglophone a généralement un accès Internet?

Mme Craig : Peut-être certains groupes n'ont pas accès à Internet, dépendamment de leur âge ou des ressources dont ils disposent. C'est ce qui ferait la différence.

[Traduction]

Le sénateur Fraser : J'aimerais vous poser quelques questions au sujet du journalisme. Pour nos collègues qui ne le sauraient pas, M. Duff, en particulier, est journaliste à Montréal et dans les environs depuis très longtemps. Je crois qu'il a pas mal vécu ce qu'il avait à vivre dans ce secteur.

J'ai jeté un coup d'œil à votre journal, et c'est impressionnant. C'est un vrai journal communautaire. Il y a de moins en moins de vrais journaux communautaires. En particulier, comme nous l'avons entendu de nos premiers témoins ce soir, qui travaillent à Verdun, il est de plus en plus difficile pour les anglophones au Québec de conserver même l'ombre d'un journal communautaire. Les journaux qui publiaient à tout le moins un certain contenu anglophone sont de plus en plus nombreux à supprimer cette section. Vous avez expliqué que la population anglophone de votre collectivité est en croissance, ce qui est merveilleux pour vous, et longue vie à cette communauté. Toutefois, là où cela n'est pas le cas, que faudrait-il pour que les éditeurs et les propriétaires d'une chaîne rétablissent la couverture en anglais de leur population anglophone.?

Je sais que les journaux évitent le type de financement gouvernemental qui pourrait mener à des allégations d'influence sur le contenu rédactionnel, mais y a-t-il quelque chose que l'on puisse faire — après tout, nous sommes un comité parlementaire fédéral et nous cherchons à déterminer ce que le gouvernement fédéral pourrait faire — des mesures qui pourraient être prises, par exemple, des déductions fiscales pour les journalistes, les traducteurs ou qui que ce soit? Je suis prêt à parier que vous avez beaucoup réfléchi à la question. Pouvez-vous nous donner une idée de ce que sont vos réflexions à ce sujet?

M. Duff : J'ai travaillé pour tous les journaux qui sont morts aujourd'hui. J'ai commencé à la Gazette de Montréal.

Le sénateur Fraser : La Gazette n'est pas encore morte.

M. Duff : Non. La Gazette survit et se porte très bien, merci beaucoup. C'est un bon journal et une réussite. Pourtant, il y a des semaines ou des jours où il va moins bien. Au sein du secteur journalistique, nous pouvons constater dans quelle mesure un journal se porte bien. Il y a des semaines et des jours de la semaine où c'est difficile pour la Gazette. La Presse est confrontée au même problème, de même que tous les autres journaux. Les journaux francophones vivent la même chose. C'est la nature du message imprimé sur des arbres morts.

J'ai vu le Quebec Chronicle-Telegraph, qui était un quotidien, devenir un hebdomadaire. J'ai travaillé au Quebec Chronicle-Telegraph pendant un été, lorsque j'étais tout jeune et que je faisais mes débuts. J'ai travaillé au Sherbrooke Record pendant que le Montreal Star était en grève. George McLaren est venu me voir lorsqu'il a acheté le journal de Conrad Black et m'a demandé d'être son rédacteur en chef. J'ai travaillé avec George pendant quatre ans; nous faisions de bonnes affaires, mais c'était difficile. C'est toujours dur. Disons que si une collectivité veut un journal, elle doit être réceptive à un bon journal et ne pas vouloir seulement des meneuses de claque. Il doit s'agir d'un journal qui s'intéresse vraiment aux vrais problèmes. Les vrais problèmes sont la santé, l'éducation, le transport, l'état des routes et des trottoirs, et cetera. Ce sont les enjeux fondamentaux.

Lorsque j'étais au Sherbrooke Record, j'ai participé à la décision du conseil des minorités du Québec de fonder une organisation du nom de l'AQREM, c'est-à-dire l'Association of Quebec Regional English Media. Cet organisme s'appelle maintenant la Quebec Community Newspapers Association. J'étais l'un des présidents fondateurs. L'ancien éditeur du Hudson Gazette, Ron Jones, était également l'un des présidents fondateurs. Sous l'autorité de Paul Dumont- Frenette, nous nous sommes beaucoup battus pour lancer le journal The Gaspé Spec à Gaspé. Je crois qu'il existe toujours. Nous avons également aidé à mettre sur pied un petit bulletin d'information dans les Îles de la Madeleine. Nous avons organisé des ateliers partout au Québec pour trouver des idées. C'est ce qui était l'Association of Quebec Regional English Media autrefois.

Depuis, elle est devenue la Quebec Community Newspapers Association. Sans entrer dans les détails, j'aimerais souligner que cet organisme sert trop les intérêts des chaînes. Nous sommes un journal indépendant dans tous les sens du mot. La minute que l'on perd son indépendance, pour quelque raison que ce soit, qu'il s'agisse d'accepter l'argent de quelqu'un ou de se sentir obligé de suivre la ligne d'un parti ou de faire élire quelqu'un, on n'est plus un journal indépendant.

Je ne sais pas si cela répond à votre question, en tout ou en partie.

Le sénateur Fraser : En partie, oui, mais nous vivons dans le monde où nous vivons, où les journaux qui étaient des journaux communautaires indépendants appartiennent maintenant, en grande majorité, à des propriétaires de chaînes. Connaissez-vous un levier raisonnable et acceptable que le gouvernement fédéral pourrait utiliser pour encourager — encourager mais pas forcer — ces journaux à rétablir la couverture médiatique des communautés anglophones pour lesquelles ils écrivaient, autrefois?

Mme Craig : Il faudrait une aide pour la distribution. Au Québec, la guerre entre Québécor et Transcontinental pour obtenir le droit de distribution sera de plus en plus acharnée. Chacune de ces compagnies fonde maintenant des journaux sur les territoires de l'autre pour essayer de la conduire à la faillite. Elles emporteront tout avec elles. Si un journal indépendant leur gêne le passage, elles n'en feront pas de cas. Elles l'écraseront pour avoir sa part du marché. C'est tout ce qui importe pour elles, à l'heure actuelle.

À mesure que cela se produit, nous perdrons la voix que nous nous battons si fort pour conserver, c'est-à-dire la voix de la communauté anglophone. Au cours des quatre dernières années, j'ai passé la majeure partie de mon temps à me battre pour les droits à l'accès des anglophones dans notre région. Je me bats également pour que nous recevions les communiqués de presse afin que nous sachions ce qui se passe. Tout le monde nous refuse cela.

Nous ne pouvons même pas recevoir de communiqué de presse lorsque la somme de 960 000 $ est investie dans des services sociaux et de santé. Nous ne pouvons pas savoir à quoi servira cet argent. Je participe à la table de concertation, et même moi, je n'ai pas cette information; ils ne veulent même pas me donner cela. Je me bats pour essayer d'avoir ces choses. La MRC m'a choisi pour participer à ce groupe pour une raison. Elle savait que je me battrais pour obtenir les réponses à ces questions.

Non. L'argent qui a été versé par le gouvernement fédéral ne sert pas à ces fins prévues.

M. Duff : J'ai toujours cru qu'on équilibrait les balances et que, à tout le moins, le gouvernement fédéral était en position de garantir que les conditions étaient équitables. Cependant, nous nous sommes retrouvés dans des situations, que je n'expliquerai pas à moins que vous soyez très curieux. Nous nous battons pour notre survie. Nous devons être plus méchants ou au moins leur laisser savoir que nous avons des dents et que nous sommes prêts à jouer la carte linguistique s'ils nous prennent comme cible, ou plutôt, « quand » ils nous prendront comme cible. Nous avons négocié avec les échelons supérieurs de ces organisations, et ils ne s'en cachent pas. Que nous survivions ou que nous mourions, cela leur importe peu. Je suis certain que vous pourriez faire n'importe quoi. Combien de temps faut-il pour déposer une plainte à Industrie Canada sur un cas de restriction au commerce ou de collusion? Sept ans?

[Français]

En sept ans, tout va changer.

Le sénateur Losier-Cool : Il y a quelques années, certains journaux, certains hebdomadaires, comme La Voix acadienne de l'Île-du-Prince-Édouard, déploraient que le gouvernement fédéral ne fasse pas de publicité. En examinant rapidement votre journal, j'ai remarqué qu'il n'y avait aucune publicité sur les programmes offerts par le gouvernement fédéral. J'ai pu comprendre, par votre réponse au sénateur Fraser, que vous ne pouvez pas exploiter cela.

Mme Craig : On en a très peu.

Le sénateur Losier-Cool : On a parlé des autres journaux dans notre comité et je voulais vérifier où s'en était rendu.

Monsieur Duff, je reviens à votre question concernant le décret annuel de la province. Où la province prend-elle ses statistiques?

M. Duff : C'est une extrapolation de Statistique Canada. Dans leurs recensements de 2001 et de 2006, ils font une extrapolation à projection pour dire que le 1er janvier 2010, telle municipalité de notre région aura tant de citoyens. C'est ajusté avec les statistiques des naissances.

[Traduction]

Le sénateur Losier-Cool : Croyez-vous que l'abolition du long formulaire de recensement aura des répercussions sur ces statistiques?

M. Duff : Je trouve qu'il est très dommage que nous n'aurons plus le long formulaire. Ce dernier nous donnait de l'information précisément sur ce genre de changement démographique. Il s'agit d'une grave erreur politique.

Le sénateur Losier-Cool : En tant que membre des médias anglophones, il vous incombe maintenant de fournir les bons chiffres au gouvernement du Québec.

[Français]

M. Duff : Cette tâche ne revient pas uniquement à nous. Par exemple, Michel Perrier, directeur général de la Ville de Pincourt, a entamé une lutte, il y a deux ou trois ans, pour convaincre le gouvernement provincial de changer sa méthodologie. À Pincourt, on était toujours en retard en ce qui concerne les écoles, les fonds pour les routes, la santé et les services sociaux. Tout est basé sur le décret.

Le sénateur Robichaud : Existe-t-il un mécanisme pour porter ce décret en appel? Pouvez-vous le remettre en question et demander à ce qu'on justifie les chiffres, ou vous n'avez aucun recours?

Mme Craig : J'ai tenté de trouver, sur Internet, d'où venaient ces sommes. J'ai découvert qu'elles provenaient d'un organisme appelé CHSSN, Community Health and Social Services Network et que 42 millions de dollars ont été octroyés pour 18 projets à travers la province de Québec afin de donner aux anglophones accès à des services. Nous sommes la seule région en Montérégie où le fonds fut versé au CSSS étant donné qu'il n'existe aucun organisme visant la communauté anglophone.

Le problème lié à la démographie changeante de notre région est le suivant : un enfant francophone atteint d'autisme devra attendre six mois avant de voir un spécialiste. Si cet enfant est anglophone, il devra attendre un an et demi. Il en va de même pour les personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer.

Le CSSS, durant la durée de ce contrat, soit de deux ans et demi, doit regrouper les anglophones pour essayer d'aller chercher ces services.

Comme je l'expliquais, on ne se sert même pas de notre journal pour rejoindre la population anglophone. Le sondage de satisfaction fut effectué par la firme Léger et Léger Marketing. On a posé les questions du CSSS et les gens qui ont répondu à ces questions ont également été choisies.

Le droit à un ombudsman indépendant est prévu au règlement 83 et chaque CSSS dispose d'un ombudsman. Les gens peuvent se plaindre à cette personne indépendante du CSSS. Lorsque j'ai fait la demande à savoir qui était cette personne et quelles étaient les plaintes reçues, on a refusé de me répondre. Il ne fait aucun doute que j'obtiendrai cette information. Toutefois, pour quelle raison une personne se trouvant sur la table de concertation n'a même pas le droit d'obtenir ces informations pour essayer d'aller de l'avant? S'il faut à un enfant atteint d'autisme attendre un an et demi, doit-on attendre deux ans et demi pour que soit mis sur pied un regroupement en vue de faire avancer les choses? Je comprends qu'il y a une pénurie d'emplois, cependant je trouve la situation inexcusable.

Le sénateur Robichaud : Il inexcusable qu'un enfant doive attendre.

Le sénateur Losier-Cool : Ou tout Canadien.

Le sénateur Fraser : Je veux être certaine d'avoir compris ce dont il s'agit. On vous dit qu'il existe un ombudsman?

Mme Craig : Oui.

Le sénateur Fraser : Mais son identité...

Mme Craig : Est cachée.

Le sénateur Fraser : Et ses coordonnés restent secrètes?

Mme Craig : C'est exact.

[Traduction]

Le sénateur Fraser : Comment un membre ordinaire du public est-il censé savoir où aller pour avoir recours à l'ombudsman?

Mme Craig : Je ne sais pas. Apparemment, cette personne ne travaille qu'une journée par semaine et n'en répond qu'à l'administration. Je vais découvrir qui c'est, même si je dois présenter une demande d'accès à l'information pour savoir qui paie cette personne, et nous publierons cette information.

Comment se fait-il qu'ils ne répondent même pas à nos appels?

Le sénateur Robichaud : De qui parlez-vous?

Mme Craig : L'agent des relations publiques du CSSS ne nous rappelle pas lorsque nous avons des questions. Cela n'a pas encore été rendu public. On versera la somme de 960 000 $, et la majeure partie de cette somme servira à payer deux salaires. Presque rien ne sera modernisé grâce à cette contribution.

Nous essayons d'obtenir une réponse pour découvrir ce que cela veut dire. Nous ne devrions pas être obligés de le faire. Lorsque je dis aux gens que nous avons le droit d'invoquer l'accès à l'information pour obtenir les détails, ils semblent surpris. Nous ne devrions pas avoir à le faire.

[Français]

Le sénateur Robichaud : C'est ridicule.

Mme Craig : C'est tout à fait ridicule.

Le sénateur Robichaud : Il faudrait aller au fond des choses.

Pour ce qui est de la publicité du gouvernement fédéral, on se plaint depuis longtemps qu'on ignore complètement les hebdos du Nouveau-Brunswick. Notre situation ressemble à la vôtre. Nos hebdos, comme votre journal, restent à domicile jusqu'à l'arrivée du prochain numéro. Éventuellement, les gens les lisent d'un bout à l'autre.

Pourtant, ces publications pourraient constituer, pour le gouvernement, un excellent véhicule pour faire connaître les programmes ou les avis. Toutefois, on n'a pas réussi à aller jusque là.

Chez nous, la visibilité dans l'Étoile n'est pas très forte. On communique parfois avec les sénateurs ou les députés pour faire paraître des voeux à l'occasion du temps des Fêtes, et on essaie de répondre à l'appel. Toutefois, on ne retrouve pas la participation du fédéral souhaitée et qui, à mon avis, aiderait les journaux à survivre.

Mme Craig : Si vous voulez aider les hebdos, il faut toutefois faire attention. Plusieurs associations représentent d'avantage les chaînes. Les journaux indépendants doivent rester loin des chaînes. Des représentations de certaines chaînes disent qu'on devrait toujours annoncer avec des membres des associations. Toutefois, ce n'est pas toujours le cas.

Vous avez posé la question à savoir s'il existe des subventions pour les journaux. Il n'en existe pas. L'argent va davantage vers les revues que les journaux dans le but de protéger le contenu de ces revues. Dans le cas de revues comme TV Hebdo, que doit-on protéger? Dans notre cas, nous parlons d'un domaine spécifique à notre secteur. L'appui financier nous aiderait énormément. Nous n'avons pas reçu un sou du fédéral depuis au moins 20 ans.

Le sénateur Champagne : En écoutant vos propos et ceux de mes collègues, je feuilletais la copie qui m'a été offerte et soudainement je suis tombé sur une page en français. On parle de Larry Smith, qui doit être très heureux, compte tenu de ce qui s'est produit hier, il est parti pour la gloire. On voit différents articles « un enthousiasme incarné », « une piste cyclable à Soulanges », « la ligne Vaudreuil-Hudson ». Au reflet d'ici, on ne voit qu'une page en français dans tout le journal. Je n'ai rien contre ce fait. Toutefois, je vous pose la question. Qu'est-ce qui fait qu'elle soit là?

Mme Craig : Un de nos concurrents possède deux journaux francophones. Celui-ci est la cousine de Rémi Marcoux de Transcontinental. Si on ne publiait plus en français dans notre journal, cela risquerait de déclencher une guerre entre les journaux. Je crois que ni l'un ni l'autre ne le souhaite en ce moment.

Le sénateur Champagne : Mais je ne comprends pas pourquoi mettre une page de français au milieu de tout le journal.

Mme Craig : Parce que notre journal est le seul à couvrir toutes les assemblées de conseil dans le secteur. Aucun autre journal ne le fait, nous sommes les seuls à le faire. Il n'y a peut-être pas d'assemblée de conseil dans ce journal, mais nous sommes les seuls à les couvrir.

Le sénateur Champagne : On parle de Larry Smith, « l'enthousiasme incarné », on parle de l'Agence métropolitaine de transport, la piste cyclable. Il y a une page, en français, au milieu du journal. Je suis tombée dessus parce que je le feuilletais page par page. J'ai trouvé cela a étonnant. Mais pourquoi?

M. Duff : Pourquoi une seule page en français?

Le sénateur Champagne : Pourquoi il y en a une au milieu de tout le journal?

M. Duff : Comme Mme Craig l'a dit, cela envoie le signal qu'aux Hebdos du Suroît, on peut s'engager, si c'est nécessaire. Mais pour cela, on aura besoin d'un rédacteur qui parle et qui rédige en français mieux que moi. On n'a pas une base de publicité, qui nous permet de publier un journal complètement bilingue.

Je ne sais pas si vous connaissez Le Messager de Verdun...

Le sénateur Champagne : Ils ne publient plus en anglais, maintenant.

M. Duff : Mais ils essaient de publier un journal bilingue, mais c'est ni...

Le sénateur Champagne : Ni chair ni poisson?

M. Duff : C'est exact, c'est entre les deux. C'est confus pour les deux cultures et ce n'est pas accepté.

Le sénateur Champagne : Je veux bien. Et je sais que votre journal, c'est le journal anglophone de la région. Vous nous avez expliqué tous deux comment vous avez une population anglophone qui augmente d'année en année, et ainsi de suite.

Là vous me dites que le fait de mettre une page en français dit à ceux qui pourraient être vos compétiteurs ou les compétiteurs de qui vous pourriez être, que s'ils le voulaient, ils pourraient aussi publier en français ou faire un journal bilingue.

C'est ce que vous m'avez répondu? Je trouve bizarre qu'il y ait soudainement, dans le journal, une page de français. Je me demande pourquoi, sauf s'ils veulent vous mettre en garde qu'ils pourraient le faire, et que vous devez donc être gentils.

Mme Craig : Mais je pourrais vous dire que cette dame, qui est éditrice de ces journaux francophones, a aussi une page en anglais dans ses journaux.

Le sénateur Champagne : C'est la façon dont on fait les journaux dans votre coin de pays. Je viens de tout comprendre! Merci.

La présidente : Si je peux ajouter quelque chose à l'intervention du sénateur Champagne — et étant Manitobaine, je pensais au journal La Liberté —, si le journal m'arrivait, du jour au lendemain, avec une page en anglais, je leur demanderais s'ils sont tombés sur la tête. Puisqu'ils sont le seul hebdomadaire francophone au Manitoba, pourquoi commencer à avoir une page en anglais?

Mme Craig : Beaucoup de francophones et d'anglophones vont lire l'autre langue pour l'apprendre. Beaucoup d'anglophones lisent la page française de notre journal pour apprendre le français. Ce sont des gens qui n'ont peut-être pas un journal francophone dans la région, ce n'est pas distribué partout. Notre journal est livré par Postes Canada. Cela veut dire que beaucoup de journaux ne prendront pas cette voie parce qu'elle coûte très cher.

L'inverse est également vrai. Certaines personnes vont prendre le journal francophone chez eux, qui n'auront pas droit à notre journal, mais qui vont peut-être lire ces informations, en anglais aussi.

C'est peut-être un petit échange. Mais vu que nous sommes les seuls à couvrir les assemblées de conseil dans les villes avoisinantes, c'est important que ces gens aient cette information. Ces gens nous appellent pour nous demander pourquoi ils ne retrouvent pas les mêmes informations dans les journaux francophones de notre région? Pourquoi est-ce qu'eux ne sont pas aux assemblées de conseil? On leur donne donc la chance au moins d'avoir accès à l'information.

Le sénateur Champagne : Je n'ai rien contre, mais je vous dis que cela étonne, surprend. Quand je suis arrivée à cette page francophone, je me suis demandé si on m'avait donné la partie d'un autre journal qui était mêlée. Cela a été ma réaction.

Je vous ai posé une question à laquelle vous avez répondu. Est-ce que votre réponse me satisfait? Elle me fait poser encore d'autres questions. Je réagis un peu comme madame la présidente avec La Liberté de Saint-Boniface qui sortirait avec une page en anglais. Mais c'est la vie!

Le sénateur Losier-Cool : À Bathurst, au Nouveau-Brunswick, ils ont un hebdomadaire anglophone avec une page francophone. Et comme Mme Craig l'a si bien dit, c'est pour que les anglophones aient l'occasion, au moins une fois, de lire les sports en français. J'ai appris quelque chose.

M. Duff : Je n'aime pas la ségrégation. Je rêve d'un journal qui soit bilingue, mais aucune des expériences tentées n'a fonctionné.

Le sénateur Champagne : Je pense avoir réglé le problème à la maison : nous recevons un journal francophone et un journal anglophone tous les matins.

La présidente : Aussi fascinante que soit la discussion, je passerai maintenant au sénateur Wallace.

[Traduction]

Le sénateur Wallace : Votre journal est une publication communautaire, mais ce n'est pas, bien entendu, une organisation sans but lucratif; c'est une entreprise privée. Vous exploitez le journal pour faire de l'argent et vous avez du succès depuis de nombreuses années. Vous tirez votre revenu de la publicité et des frais d'adhésion.

Lorsque vous envisagez l'avenir — pas nécessairement pour votre propre journal parce que je ne vous demande pas de nous révéler ce que l'avenir vous réserve, financièrement — les publications comme la vôtre qui fournissent un service communautaire subissent énormément de pressions à cause des grandes chaînes. Ces types de publications — excluant la vôtre, pour le moment — ont-elles besoin d'une quelconque forme de subventions gouvernementales pour exister, ou sont-elles appelées à disparaître?

M. Duff : J'espère mourir avant cela.

Le sénateur Wallace : Je soupçonnais bien que cela serait votre réponse. Vous ne me semblez pas être quelqu'un qui veut faire porter le fardeau par le gouvernement.

M. Duff : D'un point de vue personnel, il me serait extrêmement difficile d'accepter l'idée d'être subventionné; cela va à l'encontre de toutes mes croyances. Toutefois, je ne peux pas parler au nom de l'éditrice.

Mme Craig : Je crains beaucoup plus la guerre réelle que se livrent Québécor et Transcontinental depuis un an. J'entends parler de journaux qui ont été victimes de cette guerre. Ils refusent de distribuer les journaux indépendants. Je suis certaine qu'ils refuseront bientôt d'imprimer les journaux indépendants afin de dominer le marché.

Allons-nous avoir besoin d'aide? Sans aucun doute. On devrait restreindre leurs droits, d'une manière ou d'une autre. Nous essayons d'être le plus indépendants possible. Notre imprimeur est indépendant, mais je sais qu'il y a une grande imprimerie qui essaie de le racheter. Comment serons-nous protégés lorsque cela aura lieu?

Le sénateur Wallace : De plus, il y aurait la concurrence pour le revenu publicitaire. Cela tient souvent au prix, alors c'est tout un monde dans lequel il est très difficile de survivre.

Mme Craig : Ils réduisent les prix pour s'assurer le marché. Nous n'allons pas pouvoir compétitionner avec eux. Ils vont perdre de l'argent pendant deux ans pour s'emparer du marché.

Le sénateur Wallace : Et le fait de déposer des plaintes aux termes de la Loi sur la concurrence...

Mme Craig : Ce n'est rien.

M. Duff : On nous a indiqué clairement que ce n'est pas une solution immédiate. Ce genre de choses ne se fera pas dans les délais qu'il faudrait. Lorsqu'on est un petit rongeur poilu dans un monde de dinosaures, il faut agir rapidement, trouver tous les petits trucs possibles et déceler tous les points faibles de l'un de ces dinosaures.

J'aimerais revenir sur la carte linguistique. Elle existe toujours. Elle a plus de pouvoir si nous la tenons au-dessus de leur tête que si nous la jouons : ils étouffent la seule source d'information impartiale de la communauté anglophone.

Le sénateur Wallace : Votre marché est la communauté anglophone. Vous avez eu du succès et êtes en affaires depuis de nombreuses années. La communauté des affaires anglophone doit continuer de vous appuyer en vous fournissant un revenu publicitaire.

Mme Craig : Quatre-vingt-dix pour cent de notre revenu publicitaire nous vient de francophones.

Le sénateur Wallace : Vraiment?

Mme Craig : Les entreprises qui nous entourent appartiennent à des francophones.

Le sénateur Wallace : Je suppose que c'est positif. C'est surprenant.

M. Duff : Les gestionnaires des grands magasins entrepôts et des grandes succursales sont des francophones et ils adoptent souvent la solution la plus facile et suivent les directives de la compagnie. La compagnie dit qu'il faut acheter les espaces publicitaires dans les hebdomadaires québécois. Ce n'est pas la peine de s'embêter avec les petits journaux anglophones. Heureusement, nous sommes l'exception à la règle, mais je ne sais pas combien de temps cela va durer.

Le sénateur Wallace : Tant et aussi longtemps que vous aurez le marché, vous aurez toujours un produit à vendre, à condition que le marché continue de vous appuyer.

M. Duff : Nous avons un peu changé notre site Web il y a trois semaines, et la première plainte que j'ai reçue venait du Mali. Puis, il y a eu toute une vague de gens. Hudson est une communauté virtuelle de même qu'une communauté réelle. Dans l'esprit des gens, c'est l'archétype de la petite ville parfaite, un genre de paradis sur terre. Nous avons la marque Hudson, et, aussi longtemps que nous aurons la marque, je soupçonne que tout ira bien. Ce sont seulement des soupçons.

Mme Craig : Nous nous efforçons bien sûr de garantir que notre site web est aussi puissant que possible.

Le sénateur Wallace : J'allais dire qu'il s'agit de l'avenir, mais ce n'est pas l'avenir; c'est le présent, n'est-ce pas?

Mme Craig : C'est le présent.

Le sénateur Wallace : Merci.

Le sénateur Fraser : Vous avez trois journalistes à temps plein?

Mme Craig : Non.

M. Duff : Non, nous avons un journaliste à temps plein. Je suis journaliste, rédacteur en chef, photographe et livreur. J'aime ça.

Le sénateur Fraser : Cela me semble plus réaliste pour un journal de votre taille. Lorsque j'ai vu trois noms, j'ai pensé : « Wow, comment réussissent-ils à accomplir ce miracle? » Le fait de publier un journal comme celui-là est un miracle, mais c'est une toute autre question.

J'aimerais revenir sur un point dans votre mémoire et vous demander de le clarifier. Vous avez dit que, en tant que publication anglophone, vous avez le droit de faire paraître des publicités en français, mais les gestionnaires de programme vous ont dit qu'ils ne peuvent pas publier une annonce bilingue de peur d'être traduits devant un tribunal pour infraction aux droits. Parlez-vous d'un gestionnaire de programme du gouvernement? Si oui, de quel ordre? S'agit-il du gouvernement provincial?

Mme Craig : Une dame a affiché une offre d'emploi pour un employé bilingue et a été traînée devant les tribunaux par l'un de ses employés. Par conséquent, elle indique maintenant « bilinguisme, un atout », et ils paient davantage pour ce droit. Elle affirme ne jamais vouloir revivre pareille chose. Elle n'a pas de temps à perdre.

Le sénateur Fraser : C'est facile à comprendre. Cela remonte à la Loi 101, en vertu de laquelle les employés ont le droit de travailler en français, mais il est très difficile d'exiger le bilinguisme pour un emploi.

Pour ce qui est du gouvernement fédéral, il ne fait pas de publicité dans votre journal?

Mme Craig : Non.

Le sénateur Fraser : Avez-vous essayé?

Mme Craig : Nous avons un représentant qui cherche des clients. Depuis le scandale, il y a eu très peu de publicité du gouvernement fédéral. La seule période pendant laquelle nous avons des publicités du gouvernement, c'est pendant les élections. Il est très rare que le gouvernement fasse passer des publicités dans notre journal.

Le sénateur Fraser : Cela relève d'Élections Canada, en fait, et non du gouvernement du Canada en tant que tel.

Mme Craig : C'est ça.

Le sénateur Fraser : Savez-vous si les hebdomadaires francophones ont des publicités du gouvernement fédéral ou s'agit-il d'une lacune générale?

Mme Craig : Je crois qu'ils ont des contrats publicitaires que nous n'avons pas.

Le sénateur Fraser : Avez-vous essayé de contester?

Mme Craig : Oui.

Le sénateur Fraser : À plus d'une reprise?

Mme Craig : En fait, à l'égard de la publicité pour ceci, du Sénat, on nous a appelés en mai pour nous demander des prix. Nous n'avons jamais vu la publicité, mais elle a paru dans la Gazette de Montréal. Nous avons appelé à ce sujet.

M. Duff : Voici la publicité qui a paru dans la Gazette.

Le sénateur Fraser : Merci.

[Français]

Le sénateur Fortin-Duplessis : Avez-vous l'impression que les journaux anglais contribuent suffisamment à promouvoir l'histoire du patrimoine culturel anglophone du Québec?

Mme Craig : On n'essaie pas vraiment de jouer la carte anglophone/francophone. On essaie plutôt d'être un secteur neutre. On essaie d'apporter un équilibre entre les deux communautés. Il est important de se voir comme des communautés égales et de reconnaître qu'on vit ensemble. Il est aussi important de créer une ambiance où les anglophones se sentent confortables dans notre secteur.

Pour régler ces problèmes, il faut plutôt se tourner du côté gouvernemental, que ce soit le municipal ou le provincial. Cela va bien entre les citoyens. Je crois aussi qu'avec le changement apporté au recensement, les anglophones vont perdre des droits qu'ils pourraient peut-être avoir. Si on n'a pas le nombre exact des membres de la communauté anglophone, ces gens n'auront pas le droit d'obtenir des transcriptions de leur ville en anglais.

Le sénateur Fortin-Duplessis : La question que je vous pose porte sur l'histoire du patrimoine culturel anglophone au Québec. Est-ce qu'on en parle suffisamment dans les journaux anglais?

M. Duff : Dans notre communauté, à Hudson, on a un petit théâtre. C'est le seul théâtre anglophone qui fonctionne 365 jours par année. Je ne sais pas s'il reçoit des subventions du gouvernement. Cependant, c'est notre responsabilité de publier n'importe quoi du Hudson Village Theatre ou du Greenwood Centre for Living History. On doit faire de la publicité pour ces institutions. Hier, il y a eu une discussion à Notre-Dame-de-l'Île-Perrot sur l'avenir de l'église, qui a été construite juste avant ou après la Conquête. Il n'y a pas de culture parce qu'ils ne savent pas quoi faire avec l'église. Il y a eu une discussion dans l'église. On a médiatisé cette rencontre parce qu'on sait que si c'était une église anglophone qui se trouvait dans la même situation, on voudrait avoir la même couverture médiatique.

[Traduction]

Nous livrons tous la même bataille.

[Français]

Le sénateur Fortin-Duplessis : Personnellement, je pense que c'est drôlement important.

Mme Craig : On a fêté le 60e anniversaire du journal en février et on a produit une édition complètement bilingue, dans laquelle il y avait les premières photos publiées dans la région. Présentement, on désire archiver le journal au complet, mais cela coûte une fortune pour le faire, pour le rendre public et pour avoir accès à ces informations. C'est une des choses qu'on est en train de regarder. Simplement le faire héberger quelque part va nous coûter environ 6 000 dollars par année; juste l'hébergement des archives. On ne recevra jamais cet argent. Il n'y aura pas assez de membres de la population qui vont consulter les archives, mais on veut le faire. Ce sera ma responsabilité d'aller chercher des subventions, si elles existent, et d'essayer de vendre ces archives, soit à la Bibliothèque nationale et à celle du Québec. Cependant, il est effectivement très important d'avoir l'historique de la région.

Le sénateur Fortin-Duplessis : Merci beaucoup.

La présidente : Honorables sénateurs, nous arrivons à la fin de cette réunion. Monsieur Duff et madame Craig, j'aimerais vous remercier très sincèrement pour votre présentation et surtout pour l'échange qui a eu lieu entre vous et les honorables sénateurs. Merci beaucoup et bon succès!

(La séance est levée.)


Haut de page