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Délibérations du comité sénatorial permanent des
Langues officielles

Fascicule 15 - Témoignages


OTTAWA, le mardi 7 décembre 2010

Le Comité sénatorial permanent des langues officielles se réunit aujourd'hui, à 9 h 30, pour faire une étude sur l'application de la Loi sur les langues officielles ainsi que des règlements et instructions en découlant. (Sujet : les communautés anglophones du Québec.)

Le sénateur Maria Chaput (présidente) occupe le fauteuil.

[Français]

La présidente : Honorables sénateurs, je vois que nous avons le quorum. Je déclare donc la séance ouverte.

Je vous souhaite la bienvenue au Comité sénatorial permanent des langues officielles. Je suis le sénateur Maria Chaput, du Manitoba, présidente du comité. Avant de présenter les témoins qui comparaissent devant nous aujourd'hui, j'inviterais les membres du comité à se présenter. Je commencerai par la vice-présidente.

Le sénateur Champagne : Je suis Andrée Champagne, de la province de Québec.

Le sénateur Fortin-Duplessis : Je suis le sénateur Suzanne Fortin-Duplessis, de Québec.

[Traduction]

Le sénateur Seidman : Je suis le sénateur Judith Seidman, de Montréal, au Québec.

[Français]

Le sénateur Rivard : Je suis le sénateur Michel Rivard, de la ville de Québec.

Le sénateur Tardif : Je suis Claudette Tardif, et je viens de l'Alberta.

[Traduction]

Le sénateur Munson : Je m'appelle Jim Munson. Je suis Canadien, mais mon cœur appartient au Nouveau- Brunswick.

Le sénateur Fraser : Je m'appelle Joan Fraser. Je viens de Montréal, au Québec.

[Français]

La présidente : Nous accueillons aujourd'hui le ministre du Patrimoine canadien et des Langues officielles, l'honorable James Moore, ainsi que les fonctionnaires qui l'accompagnent : M. Daniel Jean, sous-ministre, et M. Hubert Lussier, directeur général, Programmes d'appui aux langues officielles.

Au cours des derniers mois, le comité a entendu plusieurs témoins, dans le cadre de son étude sur les communautés anglophones du Québec. Le ministre du Patrimoine canadien et des Langues officielles est un acteur clé, étant donné son rôle à favoriser l'épanouissement des minorités francophones et anglophones du Canada et à appuyer leur développement ainsi qu'à promouvoir la dualité linguistique canadienne. Le comité aimerait bien en apprendre davantage sur les démarches et initiatives du ministère qui sont pertinentes à son étude en cours.

De plus, cette comparution est une occasion pour le comité d'entendre le ministre au sujet du rapport annuel qu'il a déposé au Parlement récemment, de la réponse du gouvernement au troisième rapport de notre comité portant sur la mise en œuvre de la partie VII de la Loi sur les langues officielles ainsi que sur d'autres questions relevant de sa mission en matière de langues officielles.

Monsieur le ministre, c'est toujours avec grand plaisir que le comité vous accueille à ses réunions. Au nom des membres, je vous remercie d'avoir accepté notre invitation à comparaître aujourd'hui.

Je vous invite maintenant à prendre la parole. Les sénateurs suivront avec des questions.

L'honorable James Moore, C.P., député, ministre du Patrimoine canadien et des Langues officielles : Merci, madame la présidente, et à mes collègues du Parlement.

J'aimerais tout d'abord vous présenter M. Daniel Jean. Au cours des dernières années, plusieurs d'entre vous avez sans doute eu des entretiens avec lui. Il entame son deuxième mois comme sous-ministre du Patrimoine, en remplacement de Mme Judith Larocque. C'est sa première visite au Comité sénatorial permanent des langues officielles.

Vous connaissez également M. Hubert Lussier, directeur général, Programmes d'appui aux langues officielles. Il m'accompagnait la dernière fois que j'ai comparu devant votre comité. Ces deux personnes sont ici pour répondre aux questions d'ordre technique.

Nous comparaissons devant vous, aujourd'hui, pour parler de sujets très importants. Ce comité compte de nouveaux membres. J'aimerais profiter de cette occasion pour leur souhaiter la bienvenue. Vous partagez avec moi une passion pour nos deux langues officielles. Ce comité fait un travail remarquable, qui contribue à la promotion et à la protection du bilinguisme au Canada. Ce n'est pas la première fois que j'ai l'honneur d'être invité à comparaître devant ce comité. Je réalise que je n'ai qu'une heure devant moi, alors entrons tout de suite dans le vif du sujet.

[Traduction]

Madame la présidente, votre comité a entrepris un travail phénoménal dans le cadre de son étude sur les communautés anglophones du Québec. Les consultations que vous avez tenues partout au Québec, et qui ont lieu présentement ici, ont permis à cette communauté de se faire entendre, d'exprimer ses préoccupations et à nous de chercher des solutions visant à assurer que ces préoccupations continuent d'être reconnues par le gouvernement du Canada. Comme vous, je reconnais l'apport essentiel de la communauté anglophone du Québec à notre société.

J'aimerais partager avec le comité certains des investissements faits récemment par notre gouvernement qui aideront à apporter un soutien à cette communauté fort importante.

En vertu des ententes que nous avons conclues en matière d'éducation et de services avec les provinces et les territoires, le Québec reçoit 64,9 millions de dollars par année. Cela permet à plus de 100 000 jeunes anglophones d'étudier dans la langue de leur choix.

Ceux d'entre vous qui connaissent bien Montréal seront sans doute ravis d'apprendre que plusieurs organismes de la métropole ont reçu du financement pour leurs projets grâce à différents programmes du gouvernement fédéral. À titre d'exemple, Services d'emploi pour la jeunesse a mis sur pied un projet visant à aider des jeunes anglophones issus des différentes régions du Québec qui veulent s'établir à Montréal.

De plus, plusieurs programmes, tels que Emplois d'été Canada, Connexion compétences, Sensibilisation jeunesse et Fonds d'intégration ont tous reçu un financement de Ressources humaines et Développement des compétences Canada afin d'aider au développement économique des jeunes Québécois anglophones. Ce financement permet aux jeunes anglophones de trouver des emplois et travailler dans la langue officielle de leur choix.

Du côté des arts, nous avons aussi appuyé un projet intitulé « Making It Montreal : A View on English Artists who Chose to Make Montreal Home ». Ce projet permet d'exposer les œuvres d'artistes anglophones qui ont choisi de s'établir et de pratiquer leur art dans une province francophone. En présentant les réussites de ces artistes, ce projet brise le mythe voulant que les artistes anglophones ne puissent pas réussir au Québec.

Nous avons également créé un groupe de discussion sur les arts, la culture et le patrimoine qui fait appel aux collectivités anglophones du Québec. Ce groupe est également constitué de participants de l'Office national du film, de Téléfilm, de Radio-Canada, du Conseil des Arts du Canada et du Centre national des Arts. Grâce à ce groupe, les institutions culturelles sont plus conscientes des besoins des artistes anglophones du Québec. À leur tour, les artistes savent mieux comment ils peuvent recevoir un soutien de la part du gouvernement fédéral.

Nos communautés anglophones et francophones à l'échelle du pays jouent un rôle très important dans la promotion et la protection de nos deux langues officielles. Elles sont le reflet de ce que nous sommes en tant que Canadiens.

Cela étant dit, je peux vous assurer que nous entretenons une étroite collaboration avec les organismes porte-parole des communautés minoritaires, comme Quebec Community Groups Network et la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada. Juste la semaine dernière, des employés de mon bureau ont rencontré ces deux groupes pour poursuivre la discussion sur la meilleure façon d'améliorer le sort des communautés linguistiques en situation minoritaire au Canada. Ces organismes sont des partenaires de choix dans notre volonté de favoriser l'essor des deux langues officielles. Nous pourrions d'ailleurs mettre à profit cette collaboration précieuse pour la suite de la mise en œuvre de la Feuille de route pour la dualité linguistique canadienne 2008-2013.

Cependant, avant de vous parler de la feuille de route, j'aimerais discuter du troisième rapport du comité portant sur la mise en œuvre de la partie VIII de la Loi sur les langues officielles. Je dois admettre qu'il s'agit d'une tâche colossale et j'apprécie énormément le bon travail effectué par tous les membres de ce comité.

[Français]

Comme vous venez d'en prendre connaissance dans la réponse de notre gouvernement, l'appui aux communautés de langues officielles en situation minoritaire demeure une priorité pour notre gouvernement. Nos actions vont déjà dans le sens des propositions de ce comité.

Vous connaissez sûrement le point de vue du commissaire aux langues officielles qui a rappelé récemment que chaque institution fédérale doit prendre des mesures pour mettre en œuvre l'engagement contenu dans la partie VII de la loi. Nous sommes aussi d'accord avec le commissaire, et c'est pourquoi nous avons adopté des mesures qui nous permettent d'encourager les institutions fédérales à tenir compte de cette partie de la loi.

Voici quelques exemples de choses que nous avons faites. Nous demandons aux institutions de soumettre un rapport annuel des résultats ainsi qu'un plan d'action qui vise à faire progresser l'anglais et le français. Nous mettons à la disposition de l'ensemble de l'appareil fédéral divers outils de révision de compte et nous prodiguons de nombreux avis. Une étude que nous avons menée récemment permettra d'ailleurs d'amener l'ensemble des institutions à mieux rendre compte de leurs activités. Enfin, nous animons des réseaux de coordination tant à l'échelle nationale que régionale. Nous avons un rôle de premier plan à jouer et nous sommes déterminés à poursuivre notre travail en ce sens.

[Traduction]

Les membres du comité savent sans doute que notre gouvernement est fier de la feuille de route pour la dualité linguistique. À ce stade, environ à mi-chemin de la mise en œuvre de la feuille de route, plus de 71 p. 100 des engagements financiers pris par notre gouvernement ont été versés à des organisations et pour des causes qui veillent au bon usage des langues officielles du Canada partout au pays.

Je suis ravi de vous annoncer que nous allons poursuivre sur cette lancée l'année prochaine. Ainsi un plus grand nombre de projets et d'organismes bénéficieront de cet appui. À titre d'exemple, la création de 22 centres d'apprentissage communautaire ont permis de répondre aux besoins particuliers des écoles de langue anglaise en milieu urbain ou rural. Ces centres permettent à la communauté anglophone d'avoir accès à divers services offerts en anglais. Cela a permis à des enfants de prendre part à des activités et d'acquérir des connaissances dans leur propre langue.

Avant de répondre à vos questions, j'aimerais attirer votre attention sur un tout autre sujet : il s'agit d'un sujet dont vous avez déjà débattu au comité et dans les médias. Je vous parle de la question des langues officielles aux Jeux panaméricains et para-panaméricains de 2015.

Vous serez peut-être intéressés d'apprendre que nous avons demandé au comité d'organisation de ces jeux de soumettre un plan sur la façon dont il compte répondre aux exigences en matière de langues officielles dans le cadre de son plan d'activités et de nous le présenter l'an prochain. Avant d'approuver ce plan, nous allons assurer que le comité d'organisation s'engage fermement à se conformer aux exigences en matière de langues officielles, notamment pour les cérémonies d'ouverture et de clôture.

Soyons clairs : notre gouvernement entend tirer avantage des Jeux olympiques et s'assurer que les Jeux panaméricains de 2015 soient offerts aux Canadiens dans la langue de leur choix. Ceci inclut les cérémonies d'ouverture et de clôture, la signalisation et la traduction pour les 10 000 athlètes et plus qui participeront aux épreuves dans 37 disciplines sportives. Cet événement est une occasion de taille, tel que l'ont été les Jeux olympiques de 2010, et cela nous permettra d'aller de l'avant.

De nouveau, j'aimerais vous remercier de m'avoir invité à comparaître et je serai heureux de répondre à vos questions.

[Français]

La présidente : Honorables sénateurs, j'aimerais vous rappeler que la réunion avec le ministre est d'une durée d'une heure et qu'elle se termine à 10 h 30. Je demande alors aux membres d'être brefs et concis lorsqu'ils posent leur question. Je demande également aux témoins d'être aussi brefs et concis que possible lorsqu'ils donneront leur réponse. J'allouerai cinq minutes à chaque sénateur pour les questions et les réponses des témoins, et si nous avons du temps additionnel, nous pourrons passer à un deuxième tour.

Le sénateur Fortin-Duplessis : En tout premier lieu, monsieur le ministre, je vous remercie de comparaître devant notre comité avec une présentation très positive. Comme beaucoup de gens, j'avais l'impression que les anglophones au Québec étaient comblés, qu'ils étaient à l'aise et que tout allait bien.

Lors de l'étude que nous avons effectuée dans la province de Québec, quelle ne fut pas ma surprise de constater que dans certaines communautés anglophones, il y avait de graves problèmes : des taux de décrochage élevés, des tarifs de transport d'enfants à l'école qui n'étaient pas adéquats, des personnes âgées isolées parce que leurs enfants étant partis étudier ou faire carrière dans d'autres provinces, elles se retrouvaient seules, souvent malades sans personne pour les conduire à l'hôpital — c'est quelque chose qui m'a beaucoup touchée. Nous avons également constaté qu'il y avait un manque de communication. Je suis certaine que d'autres collègues pourront vous questionner à ce sujet.

Également, plusieurs groupes ont mentionné que leurs subventions diminuaient dramatiquement. Nous avons souvent entendu le même commentaire de la part de ces groupes, que ce soit à Québec, à Sherbrooke ou ailleurs, c'est- à-dire que malgré des demandes répétées qu'ils faisaient au gouvernement du Québec pour connaître le montant total de l'allocation que vous envoyez — vous avez mentionné les chiffres tout à l'heure, par exemple 64 millions de dollars par année pour l'éducation —, ils ne sont jamais capables d'avoir une réponse. Lorsqu'ils le demandent, le gouvernement du Québec ne sait pas. Avez-vous un commentaire à faire là-dessus?

M. Moore : C'est difficile de faire un commentaire sur un groupe qui lui-même commente ses relations avec le gouvernement du Québec. Cependant, je peux vous dire que nous continuons à remplir nos engagements avec ces groupes très importants pour le bilinguisme au Canada. Je ne peux pas parler de leurs relations, mais je suis au courant des frustrations et des préoccupations qui existent sur le terrain dans le domaine du financement. C'est pour cela qu'on a fait plusieurs changements dans notre financement, comme par exemple devancer la date où ils vont recevoir leur subvention. Pour la première fois, on a des ententes pluriannuelles avec des organismes sur le terrain et ces ententes sont très importantes pour eux, car plusieurs n'ont pas les fonds pour venir à Ottawa puisque ce sont des organismes très fragiles, mais qui font tout de même un travail très important. De temps en temps, on parle d'organismes qui ont un, deux ou peut- être trois employés et ils ont beaucoup de travail à faire. Leur voix ne peut pas être entendue comme les autres groupes qui reçoivent davantage de financement.

C'est pour cette raison que je tiens à vous remercier, en tant que comité du Sénat, de les avoir rencontrés chez eux pour entendre leur voix. Nous sommes conscients de leurs préoccupations et c'est pour ça qu'on a apporté de vrais changements dans notre financement. M. Lussier pourrait peut-être donner des détails de l'ancien régime de financement avec les changements qui sont en vigueur depuis presque un an.

Hubert Lussier, directeur général, Programmes d'appui aux langues officielles, Patrimoine canadien : Effectivement, on a apporté des améliorations en ce qui concerne des sommes versées par Patrimoine canadien. Il y a eu un véritable tournant. Peut-être que certains des groupes que vous avez entendus parlaient d'appui d'autres ministères, à ce compte-là, on n'a pas le même contrôle.

J'aimerais rajouter que les sommes versées pour les écoles anglaises, sont d'à peu près 10 p. 100 de ce que le Québec investit lui-même dans ces écoles. Il est donc important de rappeler que c'est un encouragement, un appui aux coûts supplémentaires, mais il va être difficile de retrouver l'argent que nous investissons pour savoir exactement où il se retrouve, puisqu'il est mêlé aux dollars que la province investit elle-même pour les écoles anglaises.

Le sénateur Fortin-Duplessis : J'aimerais vous dire que nous avons aussi constaté qu'il y avait des résultats extraordinaires. Nous avons vu que les anglophones s'entraidaient. Il y a énormément de bénévolat. Les gens se tiennent, prennent soin des autres. Nous avons constaté des choses très positives lors de notre déplacement. Cependant, il reste toujours le fait qu'ils ne soient pas capables de savoir comment le gouvernement du Québec prend l'argent du gouvernement fédéral et l'attribue aux anglophones. Cela reste quand même un point d'interrogation.

La présidente : Ma question fait suite à celle du sénateur Fortin-Duplessis. Monsieur Lussier, je comprends que vous contrôlez les fonds venant de Patrimoine canadien, mais pas les fonds provenant des autres ministères. Toutefois, avez- vous un mot à dire sur la façon dont les autres ministères, partenaires de la Feuille de route, remettent les sommes aux anglophones du Québec?

M. Lussier : Le ministre, dans ses propos, a fait remarquer que la Feuille de route a investi au Québec. Dans les domaines tels la santé, les investissements sont très ciblés, et je ne suis au courant d'aucun problème lié aux dates d'échéance ou de livraison. Il en va de même pour le financement de l'Agence de développement économique et celui de Ressources humaines et Développement des compétences, qui visent l'employabilité. Encore une fois, des sommes importantes visent spécifiquement les anglophones du Québec, ce qui est relativement nouveau.

La Feuille de route comprend 15 institutions. D'autres ministères investissent au Québec. J'ai un peu de mal à répondre à votre question à l'égard de l'ensemble de ces institutions car le financement est vraiment très varié.

Le sénateur Tardif : Monsieur le ministre, j'aimerais vous parler du rapport de notre comité sur l'application de la partie VII de la Loi sur les langues officielles, intitulé La mise en oeuvre de la Partie VII de la Loi sur les langues officielles : on peut faire encore mieux, et de votre réponse, que nous avons reçue le 25 novembre.

Dans notre rapport, nous avons déploré l'absence d'une définition claire et précise des mesures positives. D'ailleurs, le commissaire aux langues officielles a soutenu notre position lorsqu'il a indiqué que le gouvernement du Canada devait faire en sorte que le concept de « mesures positives » soit compris et que toutes les institutions fédérales respectent leurs obligations.

Dans votre réponse, monsieur le ministre, le gouvernement n'a toujours pas donné une définition claire de « mesures positives ». Pouvez-vous nous dire ce qui, à votre avis, constitue une définition de « mesures positives »

Par ailleurs, vous avez indiqué que les institutions dont vous êtes responsable doivent vous soumettre un rapport et un plan annuel. Comment déterminez-vous si ces institutions respectent leurs engagements en vertu de la partie VII, en mettant en oeuvre des mesures positives, si vous n'avez pas de définition claire de ce qui constitue des « mesures positives »?

M. Moore : Cette question est quelque peu subjective. Le succès peut sembler différent d'une personne à l'autre. C'est pourquoi notre Feuille de route est établie sur cinq ans. On ne peut parler de succès d'une année à l'autre. On doit parler des cinq ans, pour la somme de 1,1 milliard de dollars, qui représente notre financement pour la Feuille de route. On parle d'une augmentation de plus de 20 p. 100 par rapport à la Feuille de route précédente.

Nous nous sommes basés sur les résultats de la Feuille de route de M. Dion pour élaborer cette deuxième Feuille de route. Nous avons fait nos devoirs et porté plusieurs analyses. Nous avons échangé avec les bénévoles sur le terrain et les organismes à travers le pays. Nous avons tiré des leçons de la Feuille de route précédente et avons intégré nos conclusions dans la présente Feuille de route.

Il existe plus d'une formule pour déterminer le succès. On doit examiner le dynamisme de nos communautés culturelles et de langues officielles dans chaque région du pays pour trouver des succès. Chaque coin du pays est différent. Par exemple, chez moi, à Vancouver, la réalité pour les comités francophones est différente que delle d'Edmonton, car les francophones de Vancouver viennent surtout du Québec. Les francophones d'Edmonton comprennent des Québécois, mais également des personnes qui viennent de l'Afrique. Leurs besoins et préoccupations sont différents de ceux des autres régions du pays.

Le succès dépend donc de la région, du point de départ à savoir où on se trouve aujourd'hui et où on veut se trouver à l'avenir. On retrouve plusieurs réalités sur le terrain. Il ne suffit pas de dire si le succès existe oui ou non. Le travail se poursuit et ne se terminera probablement jamais. Chaque génération, d'une année à l'autre, et les nouveaux immigrants amènent des vagues de besoins assumés par notre gouvernement avec du financement. Les expériences varient d'une année à l'autre. Par conséquent, il est difficile de mesurer le succès d'une année à l'autre. L'engagement est continu.

Le sénateur Tardif : Je reconnais que les besoins des francophones varient énormément d'une région à l'autre ou, par exemple, pour la minorité anglophone au Québec. Toutefois, ne croyez-vous pas, plutôt que de laisser la question sur le plan subjectif, qu'il serait préférable de fixer des critères objectifs? Notre comité a suggéré trois exemples de critères pour identifier les mesures positives, telle que la prise en compte des besoins, la consultation et l'évaluation de l'impact linguistique des décisions.

Que pensez-vous de nos recommandations sur des critères possibles pour la mise sur pied de mesures positives?

M. Moore : Nous utilisons ces critères à l'interne. Je soulignerai toutefois que M. Graham Fraser ne dispose pas non plus d'une formule simple pour déterminer si une mesure est positive ou à améliorer. La formule n'est pas aussi simple que le niveau d'emploi dans une région ou dans un secteur en particulier. On parle d'un engagement continu pour aider les organismes sur le terrain à livrer la marchandise, comme les services aux communautés en situation minoritaire.

Nous sommes constamment à la recherche et nous effectuons des analyses, mais il ne s'agit pas simplement d'imposer une formule de trois ou quatre points qui, par exemple, aurait une valeur à Rivière-du-Loup et à Moose Jaw. Ces réalités sont tout à fait différentes. Avec de la flexibilité en termes de politiques et de financement, nous obtenons une formule à l'écoute des organismes sur le terrain.

Le sénateur Tardif : La consultation auprès des communautés ne devrait-elle pas être un critère obligatoire? Ainsi, en consultant les francophones de Moose Jaw et d'Edmonton, avant de prendre une décision, on pourrait savoir comment répondre à leurs besoins. La consultation ne devrait-elle pas être un des facteurs clés dans toute détermination d'un programme ou d'une politique des langues officielles?

M. Moore : Absolument. Il s'agit non seulement de consultations de mon ministère dans une région, mais également à Ottawa, afin de comprendre la grande diversité qui existe au Canada.

À chaque fois que je visite une région, qu'il s'agisse de Patrimoine canadien ou des langues officielles, je tiens toujours une table ronde. Je trouve important d'être personnellement engagé dans le dossier et d'écouter personnellement les réalités propres aux communautés partout au pays.

Une table ronde fut tenue spécifiquement avec les communautés acadiennes de l'Île-du-Prince-Édouard. Elle m'a donné l'occasion d'entendre les vraies préoccupations et difficultés que ces gens vivaient avec mon ministère quant aux investissements qui furent effectués chez eux. Nous avons pu ensuite apporter des changements, reformuler notre approche et prendre des engagements pluriannuels avec ces organismes sur le terrain.

Je suis tout à fait d'accord que nous devons tenir des tables rondes et avoir une vraie formule d'engagement continu pour mon ministère, les fonctionnaires, moi personnellement et aussi les députés de la Chambre.

Il est important, par exemple, que votre comité et celui de la Chambre des communes visitent les communautés partout au pays afin de voir ce qui les préoccupe et comprendre ce qu'elles font dans des situations qui sont de plus en plus difficiles pour ce type d'organismes.

[Traduction]

Le sénateur Fraser : Monsieur le ministre, j'aimerais vous poser trois questions de fait et une d'ordre plus général. J'espère que vous pourrez répondre à mes questions de fait brièvement.

J'ai été ravie que vous ayez mentionné les centres d'apprentissage communautaire. Trois d'entre eux ont comparu devant le comité et ils font un travail formidable avec pratiquement pas de financement. Et ils m'ont expliqué que les fonds fédéraux, qui leur sont essentiels, sont un fonds de démarrage dans leur cas.

Est-ce que vous allez continuer à financer ces centres extraordinaires?

M. Moore : Je peux seulement vous dire qu'on leur avait donné un fonds de démarrage. Nous allons poursuivre nos expériences dans ce domaine. Une partie de ces fonds font partie de l'engagement que nous avons avec les provinces alors, nous sommes, dans une certaine mesure, à la merci des priorités dictées par les provinces.

Ce financement se fait selon les accords que nous avons conclus avec les provinces, et à bien des égards, il s'agit d'un champ de compétences qui exige la coopération.

Le sénateur Fraser : Ce que nous avons entendu au sujet de ces centres du ministère de l'Éducation au Québec était positif, de sorte que je vous encourage vivement à être positifs lors ces négociations, ce qui m'amène directement à ma question suivante.

Différents témoins nous ont dit qu'ils n'avaient pu obtenir les textes des ententes fédérales-provinciales en ce qui a trait à la façon dont l'argent des contribuables fédéraux est dépensé afin de vérifier leurs droits aux termes de ces ententes. Je comprends que toutes les ententes ne relèvent pas de votre ministère, mais vous êtes le ministre responsable dans ce dossier. Pouvez-vous nous dire quelles sont les garanties, dans ce cas-ci, pour les particuliers et les organismes anglophones du Québec, aux termes des différentes ententes fédérales provinciales?

M. Moore : Oui. Lorsque j'ai annoncé l'entente nationale sur les langues officielles avec les provinces, je l'ai fait à l'Assemblée législative du Manitoba. Nous avons fourni aux médias un exemplaire de toutes les ententes et nous les avons ensuite affichées sur le site web de notre ministère. Si quelqu'un souhaite en prendre connaissance, il suffit de consulter notre site web.

Le sénateur Fraser : Ces ententes n'ont pas été conclues uniquement avec votre propre ministère mais avec tous les ministères, n'est-ce pas?

M. Moore : L'entente avec notre ministère n'inclut pas tous les autres aspects, mais je ne sais pas exactement à quels autres aspects vous pourriez faire allusion.

Le sénateur Fraser : Savez-vous par exemple s'il y avait une disposition pour la langue minoritaire lorsque l'entente sur la formation de la main-d'œuvre a été signée pour le transfert des responsabilités en matière de formation de la main-d'œuvre?

M. Moore : Il me fera plaisir de vérifier cette entente. C'est une décision qui a été prise par le gouvernement précédent. Je crois que j'étais à l'école secondaire lorsque cela s'est fait.

Le sénateur Fraser : Je comprends cela, mais l'entente a été conclue et c'était un engagement.

M. Moore : Dans ce cas en particulier, je demande que quelqu'un communique soit avec Ressources humaines et Développement des compétences Canada et demande un exemplaire, soit...

Le sénateur Fraser : On nous a dit que cela n'était pas possible, alors je demande votre aide; des témoins nous ont dit qu'ils ne pouvaient pas avoir accès aux documents.

M. Moore : Je vais m'en occuper. Je serais surpris que RHDCC ne puisse fournir ces documents. Comme vous le savez, cette entente a été signée sous le gouvernement libéral qui s'en était beaucoup réjoui à l'époque. Je serais surpris s'il y avait un problème en ce qui concerne la langue. Si vous ou tout autre groupe souhaitez voir ce document, je vous conseille de communiquer avec RHDCC pour tenter de l'obtenir. Sinon, peut-être que le ministre des Affaires intergouvernementales pourrait vous aider.

En ce qui concerne plus particulièrement l'entente sur l'éducation qui a été signée par mon ministère, le texte de l'entente se trouve sur le site web de notre ministère. Si vous ou qui que ce soit d'autre avez des préoccupations au sujet de l'entente ou souhaitez la consulter, n'hésitez pas à communiquer avec mon bureau et nous vous dirons à qui vous adresser.

Le sénateur Fraser : Je vais passer à ma question suivante. Comment pouvons-nous expliquer ou justifier le fait que le financement pour le Québec anglophone est en général beaucoup moins élevé par habitant que le financement pour les francophones des autres provinces?

M. Moore : Il est différent. On ne peut pas vraiment dire cela; n'oubliez pas que la grande majorité des fonds pour la Feuille de route pour la dualité linguistique canadienne 2008-2013 sont accordés à 15 agences et ministères. Ces fonds sont distribués également partout au pays. Les fonds pour la Feuille de route sont distribués également partout au pays.

Cependant, certaines ententes — notamment les ententes que nous avons avec les provinces — sont administrées différemment. Ces ententes sont fondées sur le besoin, la demande et les demandes des provinces. Comme vous le savez, la province de Québec a environ un million d'habitants qui se disent anglophones...

Le sénateur Fraser : Qui sont anglophones.

M. Moore : Oui, qui sont anglophones, mais qui déclarent l'anglais comme leur première langue. Deux tiers sont anglophones et un tiers des nouveaux Canadiens qui disent que l'anglais est une première langue mais pas nécessairement leur langue maternelle.

Par conséquent, nous parlons du financement que mon ministère accorde aux termes de la feuille de route, mais il y a aussi du financement qui provient de d'autres ministères. Je sais que Citoyenneté et Immigration Canada fournit également des fonds pour un tiers de Québécois dont l'anglais est la première langue mais peut-être pas la...

Le sénateur Fraser : Leur langue maternelle, oui.

M. Moore : Il existe un certain nombre de programmes. Le Québec a ses propres politiques et sa propre dynamique en matière d'immigration, de sorte que souvent il s'agit de responsabilités qui sont partagées.

Je ne pense pas qu'il soit juste de dire que le Québec reçoit moins d'argent, car la relation entre le gouvernement fédéral et la province de Québec, sur le plan juridique et politique, est beaucoup plus compliquée qu'avec le reste du pays.

Avec la Feuille de route, ce groupe ne manque certainement pas d'argent. Nous dépensons 20 p. 100 de plus que tout autre gouvernement a dépensé auparavant dans toute l'histoire canadienne. Nous dépensons plus d'argent que les gens ne le réalisent pour appuyer les langues officielles au pays.

Le sénateur Fraser : Et je souhaite que vous et les gouvernements qui vous succéderont le feront encore pendant longtemps, mais je m'intéressais à l'écart.

Je vais maintenant poser une question plus générale. Quelles sont à votre avis les principales différences entre les collectivités anglophones du Québec et les collectivités francophones hors Québec et quels sont les principaux défis à relever pour ces deux groupes? Comment voyez-vous la différence, ou voyez-vous une différence?

M. Moore : Demandez-vous quelles sont les différences entre la minorité anglophone du Québec et les minorités francophones hors Québec? C'est une grande question. Je pense que j'ai 45 secondes.

Le sénateur Fraser : Vous pouvez nous envoyer une réponse par écrit.

M. Moore : Je suis originaire de la côte Ouest du Canada, d'une circonscription au bord de l'océan. Quoi qu'il en soit, j'ai l'impression que la grande majorité des anglophones du Québec se trouvent surtout dans la ville de Montréal. La dynamique dans la province de Québec est telle qu'il y a une division importante. Si on est un anglophone du Québec et qu'on ne vit pas à Montréal, je pense qu'on se retrouve alors avec les mêmes difficultés qu'un francophone qui vivrait à Peace River, en Alberta. Cela signifie qu'on se retrouverait sans doute alors dans une situation minoritaire, bien distincte, et je pense que c'est là réellement le problème.

La politique linguistique au Québec est tellement difficile et chargée que bon nombre de ces groupes ont besoin de l'appui du gouvernement fédéral et de l'engagement de la Chambre des communes, du Sénat, du commissaire aux langues officielles, de moi-même, du premier ministre et de tout le monde afin de s'assurer que ce qu'ils ont à dire soit entendu, respecté et compris, non seulement dans le contexte du financement fédéral mais dans le cadre d'un engagement politique permanent.

En revanche, en ce qui concerne les minorités francophones hors Québec, il y a une communauté francophone minuscule dans ma circonscription. Ces gens sont déterminés, ils travaillent fort. Leur engagement proactif est extrêmement impressionnant, mais dans les deux cas, ces minorités ont des défis réels à relever.

Je pense qu'une communauté anglophone à l'extérieur de Montréal, particulièrement en région rurale au Québec, est une communauté qui n'est pas suffisamment entendue. C'est pour cette raison que la feuille de route est importante. Je dirais même que c'est pour cette raison qu'à mon avis le Sénat est important. Bon nombre de ces communautés sont représentées par des députés du Bloc québécois qui aimeraient bien que ces communautés n'existent pas, et je pense que c'est quelque chose que l'on ne dit pas assez souvent, et je pense que cela est vraiment un défi.

Madame la présidente, je sais que j'empiète sur le temps des autres, mais je dois dire que je trouve stimulant de lire les rapports du Sénat, de voir l'engagement du Sénat en matière de langues officielles et de reconnaître que tout le monde ici autour de cette table considère les langues officielles dans le contexte de l'unité nationale, même si nous nous querellons un peu au sujet des montants du financement et de la façon dont le financement est accordé. Ce n'est pas un débat qui se déroule à la Chambre des communes et ce n'est pas non plus un débat qui se déroule sur le terrain lorsque vient le moment d'offrir ces services.

La situation est difficile pour les communautés anglophones qui se retrouvent réellement en situation minoritaire et qui ont élu des députés qui agissent présumément pour leur compte mais qui tentent énergiquement d'éliminer tout financement fédéral qui les aiderait à survivre. Je pense que nous, qui sommes nationalistes et réellement fédéralistes, devons continuer de lutter contre cela.

Le sénateur Seidman : Monsieur le ministre, je vous remercie de votre enthousiasme et de votre engagement visant à promouvoir et à protéger le bilinguisme au Canada.

Je pense que vous constaterez que nos questions sont semblables ce matin. C'est sans doute un témoignage de nos déplacements au Québec. Les communautés anglophones que nous avons rencontrées ont soulevé des thèmes et des préoccupations semblables, et je vais continuer de poser des questions sur ces mêmes thèmes.

Lorsque nous sommes allés au Québec, lorsque nous parlions à des membres et à des organisations des communautés anglophones minoritaires, tous ont fait allusion à la Feuille de route pour la dualité linguistique canadienne 2008-2013 et à son importance pour leur fournir les ressources dont ils ont tant besoin. Souvent, on nous a dit que, étant donné que les minorités anglophones se trouvent toutes au Québec, dans une seule province, elles ne reçoivent peut-être pas autant d'attention ni leur juste part des ressources.

Il est vrai que le gouvernement fédéral dépense environ 1,1 milliard de dollars, je pense que ce montant est exact, et qu'il y a un investissement additionnel je crois de 266 millions de dollars. Cependant, comment pouvons-nous nous assurer que les communautés anglophones du Québec reçoivent leur juste part et qu'il y a réellement une continuité en vue d'assurer leur vitalité?

M. Moore : Sans vouloir me répéter, je dirais que nous avons évidemment un engagement permanent. Le financement que nous avons mis en place et les ententes que nous avons conclues avec les provinces assurent la distribution équitable des fonds partout au pays, dans la mesure du possible. Je jette un coup d'œil à mes notes ici.

La communauté anglophone du Québec est un récipiendaire important; en 2009-2010, la communauté anglophone du Québec a reçu 22 p 100 des fonds prévus pour le développement du Programme des communautés de langue officielle. Le Québec représente approximativement 23,5 p. 100 de la population canadienne, alors je pense qu'une marge d'erreur de 1,5 p. 100 n'est pas si mal que cela. Nous pouvons être un peu plus précis, mais je pense que nous réussissons assez bien.

De ce montant, 46,5 millions de dollars ont été alloués au gouvernement du Québec pour son système d'éducation dans la langue de la minorité. Les organisations des communautés anglophones du Québec ont reçu 4,2 millions de dollars du ministère du Patrimoine canadien, ce qui est manifestement un montant important, et nous avons alloué 450 000 dollars à la communauté anglophone du Québec dans le cadre de notre Fonds de développement culturel.

Je prends bonne note de ce qu'a dit le sénateur Tardif c'est-à-dire que non seulement les fonds doivent-ils être distribués également, mais il faut s'assurer de faire une analyse pour vérifier qu'ils ont été dépensés de façon efficace. Cela est naturellement ce à quoi nous aspirons tous.

En dehors du contexte de la Feuille de route, il y a aussi des fonds qui servent à financer des organisations et des événements — notamment, la fête du Canada. Dans certaines communautés, ces événements sont organisés pour de nombreux anglophones qui font peut-être concurrence à d'autres groupes pour obtenir du financement de la province de Québec pour la Saint-Jean-Baptiste et d'autres événements.

Ces fonds permettent au gouvernement fédéral d'avoir une présence en finançant des organisations et des événements culturels sur le terrain qui permettent à tous les membres de la communauté, francophones et anglophones, de célébrer ensemble des événements qui les unissent plutôt que de les diviser. J'espère que les communautés ne considèrent pas les gens comme anglophones ou francophones, mais plutôt comme étant tous des gens qui veulent participer aux fêtes de la Saint-Jean ou à tout autre événement, au Québec — des gens qui se rassemblent pour célébrer ces événements. Ces fonds ne sont pas considérés comme des fonds pour les langues officielles destinés à la communauté anglophone du Québec, mais cela est avantageux parce que cela rassemble les gens des différentes communautés qui viennent célébrer ensemble.

C'est pour cette raison que je veux souligner que nous avons ajouté un nouveau pilier à la Feuille de route, qui consiste à créer une nouvelle enveloppe de fonds pour les arts et la culture. Les arts et la culture rassemblent les gens. Le sport le fait également, mais les arts et la culture le font encore mieux. Ils rassemblent les gens lors d'événements communautaires : cela fait sortir les gens de chez eux pour participer à un événement communautaire et partager une expérience culturelle.

Que ce soit les arts de la scène, la danse, la musique, une parade communautaire ou l'engagement d'une célébration de quelque chose qui est important dans notre passé, cela rassemble les gens qui partagent ainsi une expérience culturelle, une expérience qui nous unit.

La Feuille de route n'est pas le seul programme qui prévoit des fonds à cet effet. Nous avons engagé 14 millions de dollars pour des événements culturels et les arts et la culture avec la feuille de route, mais nous avons aussi des programmes à l'échelle gouvernementale — le programme Développement des communautés par le biais des arts et du patrimoine et le Fonds du Canada pour les espaces culturels, notamment — qui offrent également des fonds à cet effet.

Le financement est quelque chose de subjectif et difficile à déterminer exactement, mais c'est pour cette raison que cela me pique un peu lorsque les gens disent que les fonds ne sont pas nécessairement divisés de façon équitable partout au pays. Nous avons une marge de 1,5 p. 100, mais le Québec reçoit plus que sa juste part à cet égard dans le cadre de la Feuille de route.

N'oubliez pas en passant que le Canada est le seul pays du G8 qui a augmenté — non pas maintenu, non pas réduit — son financement pour les arts et la culture en période de récession. Nous sommes le seul pays du G8 qui a augmenté le financement. Nous avons augmenté le financement parce que nous reconnaissons l'importance des arts et de la culture pour maintenir la vitalité des collectivités en période de ralentissement économique. On en voit bien l'importance pour ce qui est des minorités francophones et anglophones et pour ce qui est de rassembler les gens durant les périodes difficiles.

Le sénateur Seidman : Je vous remercie de cette réponse.

Le sénateur Munson : Je suis un invité ici à titre de whip libéral, mais je voudrais parler davantage de ces périodes difficiles sur le plan économique. Parfois nous perdons de vue le fait qu'il est important d'investir dans la langue, dans les arts et dans la culture. Ces jours-ci, alors que le gouvernement prêche les contraintes économiques et que les ministères doivent se serrer la ceinture, que le ministre Day a sans doute toute une liste de choses qu'il doit faire, pensez-vous que ces contraintes nuiront à vos efforts pour offrir des programmes aux minorités anglophones du Québec? J'ai aussi une autre brève question.

M. Moore : Je ne pense pas. Comme vous le savez, la Feuille de route sur les langues officielles est un accord quinquennal qui se termine en 2013. Cette Feuille de route est quelque chose qui est ressortie également des consultations avec les organismes qui s'intéressent aux arts et à la culture et pas seulement aux minorités linguistiques au pays.

Lorsque j'ai été nommé ministre du Patrimoine il y a un peu plus de deux ans, ce portefeuille était tout nouveau pour moi. Auparavant, j'étais le porte-parole de l'opposition pour les affaires étrangères. Ce portefeuille était donc tout nouveau pour moi.

Avec tout le respect que j'ai pour mes collègues du ministère ici à Ottawa, j'ai voulu aller à l'extérieur d'Ottawa pour écouter ce qu'avaient à dire les organisations culturelles partout au pays. Ces dernières avaient des points de vue différents, mais il y avait aussi des questions qui faisaient l'unanimité.

Premièrement, elles nous ont dit, bien sûr, écoutez-nous; deuxièmement, s'il vous plaît, ne réduisez-pas les fonds qui nous sont accordés; troisièmement, s'il vous plaît augmentez les fonds qui nous sont accordés; et quatrièmement, si vous le pouvez, donnez-nous des ententes de financement pluriannuelles de façon à ce que nous puissions planifier pour l'avenir.

Si on regarde les enveloppes de financement que nous avons mises en place pour le Fonds du livre du Canada, le Fonds du Canada pour les périodiques et le Conseil des Arts du Canada, la plupart de ces fonds se fondent sur des formules de financement de deux, trois et cinq ans. Par exemple, lorsque nous avons annoncé notre financement pour le Fonds de la musique du Canada — l'industrie de la musique a en ce moment énormément de difficulté, ce qui est l'une des raisons pour lesquelles nous avons présenté un projet de loi sur les droits d'auteur au Parlement — nous avons accordé des fonds à un rythme sans précédent. Nous avons augmenté le financement et nous l'avons garanti pendant cinq ans. L'industrie canadienne de la musique partout au pays bénéficie d'un financement sans précédent garanti pendant cinq ans, ce qui donne à cette industrie de la certitude.

Comme je l'ai dit lorsque nous avons fait l'annonce de ces fonds culturels, ce financement nous assurera que les arts et la culture ne seront pas la cible de coupures et ne seront pas touchés par la récession. L'annonce a été extrêmement bien reçue.

Heather Ostertag qui est l'ancienne présidente de la Foundation Assisting Canadian Talent on Recordings (FACTOR), l'une des plus grandes organisations de financement pour la musique au pays, a dit :

L'aide que reçoivent nos artistes au Canada fait l'envie du monde entier.

En période de récession, nous avons garanti le financement pendant cinq ans, ce qui est du jamais vu. MUSICACTION du Québec qui est l'équivalent francophone de FACTOR a reçu des fonds garantis pour une période de cinq ans.

Je sais qu'il y a beaucoup de perceptions au sujet de mon parti et de notre gouvernement. Cependant, le fait est que nous sommes le seul gouvernement des pays du G8 qui ait augmenté le financement pour les arts en période de récession et que dans la grande majorité des cas, ce financement est garanti pendant cinq ans. Cela est sans précédent.

Le sénateur Munson : Pour paraphraser ce que vous avez dit, bon nombre des circonscriptions au Québec sont représentées par le Bloc québécois. Vous n'avez pas mâché vos mots; je pense que vous avez dit qu'ils souhaitaient qu'il n'y ait pas du tout de québécois anglophones. Vous n'avez pas mâché vos mots au sujet d'un autre groupe qui représente le Québec.

M. Moore : Vous devriez entendre ce qu'ils disent en Chambre. Je suis assis juste en face du Bloc québécois.

Le sénateur Munson : Oui, et?

M. Moore : Ils disent : « Allez-vous-en, les anglophones. » On les entend dire cela en Chambre. Évidemment, ils ont été élus députés et ils ont le droit d'être là. Cependant, j'espère que tous les députés, peu importe leur parti politique, ont pour philosophie l'obligation de représenter tous leurs électeurs.

Évidemment, d'après les choses que j'ai entendues, d'après les questions qui m'ont été posées en comité et à la Chambre, tous les députés ne partagent pas ce point de vue, et cela est décevant.

[Français]

Le sénateur Champagne : La première partie de ma question vous prendra peut-être un peu de temps à répondre, mais peut-être que ce sera le contraire.

Voilà deux ans et demi que vous êtes responsable des langues officielles et de Patrimoine canadien. D'après vous, quelle est la principale réalisation du gouvernement fédéral pour ce qui est, par exemple, la mise en œuvre de la partie VII? Que considérez-vous avoir fait depuis que vous êtes en poste qui a vraiment marqué un pas en avant?

Deuxièmement, si vous aviez à émettre un souhait pour l'avenir, quel serait-il? Quel est le prochain pas que vous aimeriez faire?

M. Moore : Je crois que ce serait d'obtenir un engagement clair des provinces envers ce projet canadien. Par exemple, chez moi en Colombie-Britannique, sous le gouvernement de Gordon Campbell, il y avait un ministre responsable pour la francophonie. Pendant les Jeux olympiques, il y avait un ministre responsable de la francophonie qui s'appelait Naomi Yamamoto. Pour les Jeux olympiques il y avait un ministre de la Francophonie, mais aujourd'hui il n'y a plus de ministre de la Francophonie.

Le sénateur Champagne : Il n'est plus premier ministre non plus, puisqu'il a démissionné.

M. Moore : Oui, mais il n'y a pas de responsable pour la francophonie dans son Cabinet. ÀVancouver, la langue française est la septième langue officielle et cela entraîne des difficultés. Pour chaque province, il doit y avoir quelqu'un qui est responsable de voir à ce que les fonds que notre gouvernement attribue aux provinces soient octroyés. Ces fonds ne doivent pas servir qu'à l'éducation et aux services sociaux, mais aussi aux communautés francophones. C'est important pour tout le Canada et il revient à chaque gouvernement de décider des responsabilités de son cabinet.

Le sénateur Champagne : C'est votre souhait et vous y avez bien droit. Quelle est la chose dont vous êtes le plus fier depuis que vous êtes en poste?

M. Moore : Ce sont les Jeux olympiques et paralympiques de 2010, du commencement à la fin, avec Pascal Couchepin, le Grand Témoin de la Francophonie, qui a dit ceci : « C'est difficile de faire mieux pour les Jeux olympiques. »

Au commencement de ce gros projet, je peux vous dire qu'il y a eu beaucoup de difficultés avec le COVAN. On avait de la difficulté à obtenir de vrais engagements de la part de la ville de Vancouver et de la province de la Colombie- Britannique. Les sites web, la signalisation routière et les affiches étaient uniquement en anglais. Les bénévoles sur place ne parlaient pas français non plus. Il n'y avait même pas un numéro de téléphone qu'un francophone pouvait utiliser pour s'informer au sujet du service d'autobus.

[Traduction]

En anglais, ils entendraient : « Je ne le sais pas, je ne peux pas vous aider. » Nous sommes partis de rien et nous avons organisé les Jeux les plus bilingues de toute l'histoire des olympiques, et je suis fier des résultats. Cela a été une réussite incroyable, non pas pour un seul palier de gouvernement mais pour tous ceux qui lentement ont fini par comprendre dans les semaines et dans les mois qui ont précédé immédiatement les Jeux, le maire de Vancouver, le premier ministre de la Colombie-Britannique et tout le monde s'est réveillé et s'est rendu compte que ces jeux étaient financés et appuyés par les contribuables partout au pays.

[Français]

Marie-Claude et Jean-François, qui sont chez eux à Rimouski, au Québec, ont les mêmes droits.

[Traduction]

Ils ont le même droit de regarder les Jeux olympiques dans la langue de leur choix et ils ont pleinement accès aux jeux tout comme quelqu'un de Burnaby parce qu'il paie pour les jeux autant que le fait un Vancouvérois.

[Français]

Le sénateur Champagne : Comme le vous savez, nous avons travaillé très fort avec vous à ce projet. Étant donné que vous ne pouvez pas donner d'ordres au CRTC, vous pouvez tout de même émettre des souhaits et une opinion.

Quelle est votre perception de l'importance d'une chaîne comme TV5? Par exemple, pour nos communautés francophones en situation minoritaire, on sait que, dans les prochains mois, le CRTC devra décider si oui ou non TV5 sera une chaîne obligatoire. Je me dis que, pour les francophones d'un peu partout, ces images de la diversité culturelle de la francophonie sont sûrement un atout, surtout pour ceux qui n'ont que Radio-Canada dans certains cas. Croyez-vous que ce serait bien que les communautés francophones conservent TV5 comme une chaîne à laquelle elles peuvent avoir accès sans avoir à payer le maximum du prix au câblodistributeur?

M. Moore : Personnellement, j'ai bien confiance en TV5. C'est pourquoi, lors de la dernière campagne électorale, nous nous sommes engagés à aider et augmenter le financement pour la chaîne TV5. Nous en sommes à la quatrième année de l'entente conclue avec TV5.

L'an passé, nous avons rencontré les ministres responsables, notamment Mme Christine Saint-Pierre, la ministre de la Culture du Québec, qui était présente à Ottawa. Nous félicitons TV5 pour la qualité de ses émissions. C'est vraiment formidable et c'est une qualité qui est soulignée autour du monde comme étant une présence de la francophonie très importante.

Je ne m'impliquerai pas dans un processus du CRTC. Quant à vous, qui êtes un sénateur respecté, une Canadienne engagée dans son milieu social et culturel, vous êtes libre de vous engager de n'importe quelle façon en faveur de TV5. Cependant à titre de ministre responsable du CRTC, je resterai indépendant face à une prise de décision.

Le sénateur Champagne : Mais je comprends que le citoyen James Moore, quant à lui, est en faveur de cela.

M. Moore : Non, pas moi personnellement, mais je crois aussi que le gouvernement, avec son financement et son engagement pluriannuel pour aider TV5, croit que TV5 est quelque chose de très valable.

Le sénateur Rivard : Je siégeais à un autre comité sénatorial et je n'ai malheureusement pas pu suivre les audiences qui ont eu lieu au Québec. Tantôt, lorsque le sénateur Fortin-Duplessis a parlé des problèmes que vivaient certains groupes dans certaines régions, j'ai été surpris. Je sais que vous avez tout ce qu'il faut pour remédier à la situation et pour que les provinces soient traitées également.

J'ai été également très heureux d'entendre que le gouvernement prend des engagements pour les Jeux olympiques de 2015. Durant les Jeux olympiques d'hiver de 2010, il y a eu des critiques de la part du Québec concernant le manque de français. Probablement que cela a été exagéré, mais cela a probablement servi d'éveil pour s'assurer qu'en 2015, on ne manque pas notre coup. On se fie sur le gouvernement pour que cette situation soit normalisée pour éviter la critique.

Vous êtes né en Colombie-Britannique et vous disiez que le français était la septième langue officielle parlée dans votre région. Malgré votre jeune âge, vous vous êtes donné la peine d'apprendre le français, ce qui est plus qu'acceptable. Pour moi, c'est une inspiration. J'ai passé ma vie à Québec. Dans mes 30 ans de vie politique à Québec, j'ai peut-être eu l'occasion de parler en anglais une heure par année. Je suis présentement des cours d'anglais et je me lance le défi que mon anglais soit aussi bon que votre français avant la fin de mon mandat de sénateur. Continuez votre bon travail.

M. Moore : Vous êtes trop gentil.

Pendant les Jeux olympiques, Graham Fraser a visité et nous avons visité Maillardville, qui est la plus grande communauté francophone à l'ouest du Manitoba.

[Traduction]

Lorsque nous sommes allés au Festival du Bois, je l'ai emmené avec moi et cela a été un moment spécial. Cela peut paraître mièvre, mais c'était l'un de ces moments où on a un nœud dans la gorge. Nous étions debout sous une tente, c'était une journée pluvieuse typique à Vancouver. Le temps était très mauvais.

Nous étions tous à l'abri sous une tente pour le Festival du Bois et j'étais là avec Graham Fraser. Une chorale d'enfants de l'école primaire locale est venue au festival. Les deux tiers de la chorale se composaient de membres des minorités visibles; entre la moitié et les trois quarts des élèves étaient des Canadiens de première ou peut-être de deuxième génération. Plus du tiers de mes électeurs sont des Canadiens de première et de deuxième générations; nous avons une importante population d'immigrants.

Nous avions tous ces étudiants d'origine différente, notamment des Chinois et des Coréens — ma circonscription compte plus de Coréens que toute autre circonscription au Canada. Nous avions devant nous un groupe de 50 enfants de diverses origines. Ils se sont levés et ont chanté l'hymne national entièrement en français.

Je suis un anglophone debout à côté de Graham Fraser, qui est également anglophone. Il y a 40 ou 50 enfants devant nous qui chantent l'hymne national entièrement en français. Les parents de la moitié de ces étudiants ont sans doute de la difficulté à parler l'une ou l'autre langue officielle du Canada. Je ne pense pas qu'il y avait une personne dans l'auditoire immédiat qui était francophone. Peu importe, nous étions là et nous nous efforcions de faire en sorte que le français, l'autre langue officielle du Canada, soit bien entendue et chantée.

C'était un moment spécial et touchant de voir ces enfants qui font face à toutes sortes d'obstacles parce qu'ils sont de nouveaux Canadiens — des obstacles sur le plan de la langue et de la culture, obstacles que je comprends très bien. Leurs parents ne parlent peut-être pas très bien ni l'une ni l'autre langue officielle. Pourtant, ils étaient là et faisaient un effort pour apprendre la deuxième langue officielle du Canada pour un Britanno-Colombien, et chanter l'hymne national en français à des gens qui s'étaient rassemblés sous la pluie.

C'était un moment spécial et j'ai pensé : « Voilà le genre d'effort qui, à force d'être répété, assurera la survie du fait français bien au-delà de la province de Québec. »

[Français]

Le sénateur Champagne : Monsieur le ministre, je pense que vous êtes la preuve que les écoles d'immersion peuvent fonctionner et que cela fonctionne bien.

J'espère encore que vous trouverez le temps d'envoyer ce petit mot à nos amis de la Louisiane, qui mettent en place des écoles d'immersion pour former des gens qui pourront devenir aussi bilingues que vous l'êtes devenu. Merci d'être venu nous voir ce matin.

M. Moore : Cela me fait plaisir. Les écoles d'immersion au Canada sont un legs très important du passé. Nous espérons que les provinces canadiennes continueront de faire des investissements en ce sens. C'est une infrastructure pour les jeunes et pour la protection du fait francophone au Canada. C'est essentiel pour l'avenir.

La présidente : Monsieur le ministre, au nom des membres du comité, je vous remercie très sincèrement d'avoir comparu devant nous ce matin.

Je vous remercie de votre engagement et des bons mots que vous avez eus au sujet du travail que fait notre comité. Nous voulons continuer ce travail comme nous le faisons présentement.

Nous comptons sur votre appui et votre collaboration, et nous comptons aussi sur votre compréhension et sur votre appui quant aux recommandations qui découlent du travail ardu de ce comité. Nous avons beaucoup d'attentes envers vous et nous espérons qu'elles sauront être comblées.

(La séance est levée.)


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