Délibérations du comité sénatorial permanent des
Langues officielles
Fascicule 17 - Témoignages
OTTAWA, le lundi 7 mars 2011
Le Comité sénatorial permanent des langues officielles se réunit aujourd'hui, à 17 heures, pour faire l'étude de l'application de la Loi sur les langues officielles ainsi que des règlements et instructions en découlant (SUJET : Les médias et la vitalité des communautés de langue officielle en situation minoritaire).
Le sénateur Maria Chaput (présidente) occupe le fauteuil.
[Français]
La présidente : Honorables sénateurs, je vois que nous avons le quorum; je déclare donc la séance ouverte. Je vous souhaite la bienvenue au Comité sénatorial permanent des langues officielles. Je suis Maria Chaput du Manitoba, présidente du comité.
Pour débuter, j'invite les membres du comité à bien vouloir se présenter.
Le sénateur Champagne : Je suis Andrée Champagne, sénateur du Québec.
Le sénateur Rivard : Je suis Michel Rivard, sénateur du Québec.
Le sénateur Fortin-Duplessis : Je suis Suzanne Fortin-Duplessis, sénateur du Québec.
Le sénateur Losier-Cool : Je suis Rose-Marie Losier-Cool, sénateur du Nouveau-Brunswick.
La présidente : Comme vous le savez, le comité s'intéresse à tous les sujets qui touchent les langues officielles et les minorités linguistiques. Le comité veut en apprendre davantage sur l'impact des médias sur la vitalité des communautés de langue officielle en situation minoritaire, ainsi que sur l'accès de TV5 aux communautés francophones en situation minoritaire, et a donc accepté la demande de comparution de TV5 Québec Canada.
Nous accueillons aujourd'hui la présidente-directrice générale de TV5 Québec Canada, Mme Suzanne Gouin, pour nous parler, entre autres, de TV5 et des conditions actuelles de licences accordées par le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes.
Madame, je vous remercie et vous invite à prendre la parole. Par la suite, les sénateurs vous poseront des questions.
Suzanne Gouin, présidente-directrice générale, TV5 Québec Canada : Madame la présidente, je suis Suzanne Gouin, présidente-directrice générale de TV5 Québec Canada. J'aimerais d'abord vous remercier de votre aimable invitation à comparaître devant ce comité. TV5 est aujourd'hui à la croisée des chemins et il vous est reconnaissant de lui offrir une tribune pour exposer les menaces qui planent sur son avenir.
Avant de faire état de nos préoccupations, permettez-moi de présenter TV5 et de rappeler brièvement son histoire.
Pour ceux et celles qui seraient intéressés à avoir un aperçu de la programmation de TV5, la greffière a un DVD de deux minutes sur la programmation de TV5 que je vous invite à regarder.
TV5 Québec Canada est un organisme sans but lucratif qui, avec l'appui des gouvernements du Québec et du Canada, administre le service spécialisé de langue française TV5, et ce, depuis plus de 20 ans maintenant.
La mission de ce service est double : offrir à tous les francophones et francophiles du Canada une fenêtre grande ouverte sur la francophonie internationale, ainsi qu'un reflet dynamique de toute la diversité de la francophonie canadienne.
Il a aussi pour mission complémentaire de favoriser le rayonnement international de la production télévisuelle canadienne de langue française à travers son partenariat avec TV5 Monde.
Pour accomplir sa mission, TV5 s'est doté d'une structure et a pris des engagements uniques dans l'univers de la télévision spécialisée canadienne. C'est le seul service spécialisé de langue française administré par un organisme sans but lucratif; ce qui veut dire que TV5 n'a pas à dégager de bénéfices financiers pour ses actionnaires. La totalité de ses revenus est affectée à la réalisation de sa mission.
C'est le seul service spécialisé de langue française à consacrer au moins 95 p. 100 de sa programmation à des émissions de langue originale française. Il n'y a pas de version française d'émissions américaines ou britanniques sur TV5. Les émissions que nous diffusons ont été conçues, produites, réalisées et tournées en français par des créateurs et des artistes de langue française d'ici et d'ailleurs.
C'est le seul service spécialisé de langue française à avoir pris des engagements traduits en conditions de licences à l'effet de concentrer un pourcentage préétabli de ses dépenses annuelles d'émissions canadiennes à des émissions produites en français hors Québec.
Nous apportons ainsi un appui non négligeable à l'essor des producteurs francophones hors Québec et à la capacité des communautés dont ils sont issus de faire état de leurs réalisations et de leurs aspirations.
Nous avons, en outre, pris l'initiative de créer Le Fonds TV5 pour la création numérique, de façon à offrir aux jeunes francophones de partout au Canada des occasions d'exprimer leur créativité dans leur langue à travers les nouveaux médias.
C'est aussi, après RDI qui dispose d'une distribution obligatoire au service de base dans les marchés anglophones, le service spécialisé de langue française qui bénéficie actuellement de la plus large distribution hors Québec.
TV5 compte aujourd'hui près de sept millions d'abonnés dans l'ensemble du Canada. Cette très large distribution, nous la devons à différents facteurs. D'abord, à la qualité et à l'originalité de notre programmation qui permet aux francophones canadiens, d'une part, de s'exprimer et de se retrouver à l'écran d'une chaîne de diffusion nationale et, d'autre part, d'accéder sur une seule chaîne au meilleur de la production télévisuelle francophone internationale dans le domaine des émissions de nouvelles et d'affaires publiques, des dramatiques, des documentaires, des variétés, des magazines culturels et de jeux télévisés intelligents.
Ensuite viennent notre ancienneté et notre persévérance. Dès son autorisation en 1987, TV5 a amorcé le développement d'une relation privilégiée avec les francophones et francophiles de tout le Canada. Une relation qui n'a cessé de s'enrichir depuis.
Aujourd'hui, ce dialogue, qui est basé sur une appréciation et un respect mutuels, peut s'appuyer sur un usage intensif des médias sociaux qui contribuent à affiner notre compréhension des besoins des communautés francophones et à en stimuler le développement.
Un sondage publié par CROP en 2008 indiquait que près de 90 p. 100 des francophones hors Québec souhaitaient que TV5 leur soit offert au service de base, dont 87 p. 100 en Ontario et dans les provinces de l'Atlantique, et 95 p. 100 en Colombie-Britannique et dans les Prairies.
Tous les regroupements, associations et fédérations de francophones hors Québec ont d'ailleurs toujours soutenu et appuyé les efforts de TV5 pour obtenir la plus large distribution possible; de même que la Conférence ministérielle de la francophonie canadienne et le commissaire aux langues officielles.
Enfin, nous devons notre large distribution à un cadre réglementaire qui tenait compte des réalités et des besoins particuliers de services indépendants comme TV5, et qui était alors axé principalement sur l'atteinte des objectifs sociaux et culturels qu'énonce la Loi sur la radiodiffusion.
Or, voici que ce cadre réglementaire sera profondément transformé à compter du 1er septembre prochain, et davantage axé sur l'établissement d'un équilibre concurrentiel entre les quelques grandes entreprises de communications qui contrôlent aujourd'hui la quasi totalité du système canadien de radiodiffusion.
Ces deux phénomènes — d'allègement de la réglementation et d'atteinte d'un niveau extrême de concentration, d'intégration verticale et de convergence — se conjuguent pour rendre problématique l'avenir de tous les services de programmation indépendants de ces quelques grands groupes intégrés; et tout particulièrement celui d'un service unique, autonome et sans but lucratif comme TV5.
Ce nouveau cadre réglementaire supprimera l'obligation faite actuellement aux télédistributeurs desservant des marchés francophones d'inclure TV5 dans leur service de base offert à tous les abonnés. En soi, cette modification devrait, pour des raisons économiques, réduire d'entrée de jeu la base d'abonnés de TV5 au Québec de 20 à 25 p. 100.
Ce cadre réglementaire supprimera l'obligation qui était faite à tous les télédistributeurs desservant des marchés anglophones de distribuer en mode numérique tous les services spécialisés analogues canadiens de langue française comme TV5.
Ce nouveau cadre supprimera également l'obligation faite aux télédistributeurs de distribuer les services spécialisés canadiens auprès de leurs abonnés analogiques qui représentent encore aujourd'hui plus de 20 p. 100 des abonnées totaux.
Enfin, il confèrera aux distributeurs un très grand pouvoir discrétionnaire pour déterminer les conditions de distribution, d'assemblage et de tarification des services spécialisés qu'ils auront bien la bonté d'accepter et de distribuer.
Toutes ces dispositions risquent d'avoir un effet catastrophique sur l'accessibilité à TV5 pour les francophones et francophiles qui résident hors Québec.
Déjà, certains distributeurs proposent de nous offrir dans un volet composé de chaînes internationales en langues étrangères l'allemand, l'italien et l'espagnol. Ce qui veut dire que le francophone ou le francophile canadien hors Québec qui voudrait continuer d'accéder à TV5, devra sans doute payer plusieurs dollars par mois pour recevoir un bouquet de chaînes dont une seule sera en français. Ou alors de prendre TV5 « à la carte » par exemple à 1,00 $ par mois, alors que TV5 n'est facturé que quelques sous par mois, entre 0,02 $ et 0,08 $, selon le nombre de francophones dans certaines provinces, aux distributeurs, lorsqu'il est offert au service de base.
C'est là, bien sûr, un exemple extrême des types d'assemblages qui nous sont proposés. Mais la réalité est que, dans l'univers de très fortes concentrations de propriétés que nous connaissons actuellement, TV5 n'a en fait aucun réel pouvoir de négociation face à des géants comme BCE, Shaw, Rogers et Quebecor qui réalisent des milliards de dollars annuellement et qui, collectivement, contrôlent au minimum 80 p. 100 de tous les abonnés à la télédistribution; 80 p. 100 de tous les abonnés aux services d'accès Internet; 80 p. 100 de tous les abonnés à la vidéo sur demande; 80 p. 100 de tous les réseaux nationaux et régionaux de télévision conventionnelle; ainsi que des revenus de l'ensemble des services spécialisés canadiens.
Si la réglementation refuse de tenir compte de cette réalité et d'offrir protection aux services indépendants, et plus particulièrement aux très rares services sans but lucratif dont la mission est essentiellement sociale et culturelle comme TV5, ces services seront rapidement marginalisés car, pour ces grandes entreprises intégrées, nous ne sommes malheureusement que des quantités négligeables.
C'est pourquoi TV5 entend demander au CRTC de rendre sa distribution obligatoire au service numérique de base auprès de tous les distributeurs terrestres et par satellite.
Ce n'est pas l'appât du gain qui nous motive, c'est la volonté de remplir notre mission et de rendre notre service aisément accessible et à faible coût auprès de tous les francophones et francophiles canadiens.
Un service commercial peut, et même doit, considérer qu'il est plus profitable pour ses actionnaires d'être distribué auprès de 50 p. 100 des Canadiens à 1, 00 $ par mois plutôt que d'être distribué auprès de tous les Canadiens à 0,35 $ par mois. Mais ce n'est pas le cas pour TV5.
Pour remplir notre mission culturelle et linguistique, nous devons être accessibles auprès du plus grand nombre de francophones et de francophiles possibles. Nous préférons donc être distribués au service de base auprès de tous les Canadiens résidant hors Québec à 0,06 $ par mois, plutôt que d'être accessibles à seulement 50 p. 100 d'entre eux, même à 0,50 $ par mois. Nous ne jouons pas dans les mêmes ligues et ne poursuivons pas les mêmes objectifs que les services commerciaux.
Nous espérons vivement que le CRTC saura le comprendre et le reconnaître. Mais rien n'est acquis. C'est pourquoi nous espérons que votre comité, qui a à cœur la promotion de l'anglais et du français à travers tout le Canada ainsi que le développement des communautés de langue officielle en situation minoritaire, voudra bien appuyer cette démarche.
Je vous remercie de votre attention et je serai heureuse de répondre à vos questions.
La présidente : Merci beaucoup madame Gouin. La première question sera posée par le sénateur Champagne.
Le sénateur Champagne : Madame Gouin, c'est un grand plaisir de vous revoir et je m'en voudrais de ne pas dire à mes collègues que j'ai été mise à l'affût du problème auquel vous faites face alors que nous étions vous et moi au Sommet de la Francophonie à Montreux. Je dois dire que madame Gouin s'est levée au petit jour pour venir de Montreux à Vevey où j'habitais afin que nous puissions prendre ensemble un petit déjeuner très tôt. Je la remercie. Je crois vous l'avoir dit au moment où je vous ai parlé de ce problème au départ.
Je crois qu'il est très difficile pour tous et chacun d'entre nous de se rendre compte au départ que TV5 Québec Canada est sans but lucratif. Nous nous rendons bien compte en regardant TV5, qu'il y a des publicités un peu partout; il y a des annonces publicitaires, constamment. Beaucoup de gens travaillent à TV5 et j'imagine qu'il vous faut quand même compter sur des revenus quelque part.
Pouvez-vous nous dire d'où viennent ces revenus? C'est bien beau de dire que vous êtes une société sans but lucratif, mais vous ne pouvez pas fonctionner sans argent.
Mme Gouin : Non. Effectivement, nous sommes une société à but non lucratif dont 75 p. 100 des revenus proviennent de la télédistribution; 20 p. 100 proviennent de l'appui des gouvernements du Québec et du Canada; et 5 p. 100 des revenus publicitaires.
Le sénateur Champagne : Seulement 5 p. 100 des revenus publicitaires?
Mme Gouin : Nous avons des revenus publicitaires seulement depuis les cinq dernières années. Quand nous avons vu de quelle façon évoluait le marché de la déréglementation de la télévision, jusque-là, nous étions une chaîne qui n'avait pas de revenus publicitaires. L'importance de rendre cette chaîne accessible à des annonceurs nous est apparue évidente. En rendant la chaîne aussi accessible à des annonceurs, nous démontrions que ce n'était pas une chaîne confidentielle. Si des annonceurs viennent chez nous, c'est parce qu'il y a un intérêt de la part des annonceurs à annoncer chez nous pour la qualité de son public. Et c'est ce que nous démontrons systématiquement depuis les cinq dernières années.
Le sénateur Champagne : Je dois vous dire que la semaine dernière, lorsque nous avons pu avoir accès au gros livre Estimé des dépenses de ce nouveau budget que nous aurons dans deux semaines, je suis allée fouiller pour voir ce qui arrivait à TV5. Je crois être en mesure de vous dire que vous aurez de bonnes nouvelles de la part du gouvernement du Canada.
Le français n'est pas une langue étrangère au Canada où qu'on soit. C'est une langue officielle. Cela fait donc partie des gros problèmes. Qui aurait eu l'idée de vouloir mettre TV5 au milieu d'un groupe de langues étrangères?
Mme Gouin : Sans pointer du doigt un télédistributeur, sachez que certains télédistributeurs canadiens, certains anglophones, n'ont pas cette sensibilité francophone ou francophile que nous pouvons espérer au Canada. Pour certains, une chaîne en français est plus un problème d'espace de diffusion qu'un besoin d'offrir un contenu francophone à des téléspectateurs francophones ou francophiles à travers le Canada, particulièrement dans l'Ouest canadien.
Le sénateur Champagne : Le travail du comité est vraiment de penser aux deux langues officielles. Je suis étonnée d'entendre que, à certains endroits, le français au Canada est vu comme étant une langue étrangère alors qu'il s'agit bien d'une de nos langues officielles.
Madame la présidente, j'aurai d'autres questions lors de la deuxième ronde de questions.
Le sénateur Losier-Cool : J'échangeais avec Mme Marie-Linda Lord — qui est une consœur acadienne, — présidente du conseil d'administration de TV5 Québec Canada. Son plus cher souhait est de voir un meilleur reflet de l'Acadie sur les ondes de TV5. Suite à l'échange que vous venez d'avoir avec le sénateur Champagne, pensez-vous — et je le lis à la page 9 de votre présentation — que la disponibilité de TV5 sur la grille de base des chaînes télévisées est une mesure positive au sens de la Loi sur les langues officielles qui oblige maintenant le gouvernement fédéral à promouvoir activement l'égalité des deux langues officielles au pays? Je crois connaître la réponse.
Mme Gouin : Je me permettrai de dire que c'est même une mesure essentielle. Pour vous donner une idée, j'en faisais référence tantôt, le coût pour un télédistributeur d'offrir TV5 est de 0,02 $ à 0,08 $ hors Québec. Je peux vous assurer que si TV5 n'est plus offert aux services de base de ces télédistributeurs, à partir du 1er septembre prochain, je ne crois pas qu'il y aura diminution de votre facture de télédistribution de 0,02 $ à 0,08 $. Au contraire, vous verrez peut-être des augmentations significatives, qui n'auront rien à voir avec la valeur réelle du produit qu'est TV5.
Le sénateur Losier-Cool : Ma deuxième question a trait à un plus grand reflet de l'Acadie. La création, par TV5 Québec Canada, de nouvelles chaînes télévisées au seul profit des francophones hors Québec est-elle possible? Vous le savez que c'est un dossier que la FCFA suit de près.
Mme Gouin : Comme vous le savez, le CRTC a émis la possibilité d'avoir une nouvelle chaîne dite interrégionale qui soit offerte à tous les francophones à travers le pays. Nous étudions cela en termes d'options pour TV5, mais nonobstant cette chaîne, qui pourrait être offerte spécifiquement à tous les francophones hors Québec, je me dois, dans mon rôle de présidente de TV5 Québec Canada, d'assurer la viabilité de TV5 et de son mandat. Nous devons nous assurer que nous puissions dans un avenir prochain, futur ou possible, être capables d'offrir de nouveaux services à tous les francophones à travers le Canada.
La présidente : J'ai une question complémentaire à celle du sénateur Losier-Cool. Serait-ce un avantage d'avoir deux chaînes?
Mme Gouin : Plus il y aura de chaînes offertes en français à tous les francophones et francophiles du pays, plus on assurera véritablement l'identité culturelle de tous les francophones de ce pays.
C'est presque de notre devoir, dans cette identité canadienne que nous avons d'être un pays bilingue, de s'assurer que les francophones puissent avoir accès au plus grand nombre de chaînes en français. Actuellement — vous êtes peut- être déjà familière avec cette situation —, non seulement veut-on placer TV5 dans un bouquet de chaînes étrangères, mais l'autre difficulté est que pour un francophone en milieu minoritaire, si vous voulez avoir accès au réseau RDS, spécialisé dans les sports, on vous offrira une panoplie de chaînes de sports anglophones. Si vous voulez avoir accès à MusiMax, on vous mettra dans un bouquet thématique de chaînes de musique anglophones. La problématique est que pour un francophone qui veut recevoir une offre diversifiée de contenus en français, cela risque de lui coûter extrêmement cher, parce que l'offre francophone n'a pas été regroupée pour les francophones hors Québec, contrairement à de multiples demandes que nous avons faites au CRTC à cet égard.
De plus, cela place TV5 dans une position encore plus vulnérable, car TV5 n'est pas une chaîne d'information continue. Ce n'est pas une chaîne de divertissement systématique, non plus une chaîne thématique dans un domaine bien particulier. La spécificité de TV5 est d'offrir ce qui se fait de mieux en francophonie internationale et canadienne à tous les francophones et francophiles du pays.
Le sénateur Fortin-Duplessis : Dans votre présentation, madame Gouin, vous faites état d'assouplissements apportés par le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes au cadre réglementaire des entreprises de distribution de radiodiffusion qui entreront en vigueur le 1er septembre 2011, et qui menacent les acquis pour les communautés francophones en matière de radiodiffusion.
Comme vous le savez, les décisions du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes peuvent être portées en appel, en vertu de la Loi sur les télécommunications, auprès du conseil afin qu'il les révise, les annule ou les modifie, et de la Cour d'appel fédérale aux termes de la même loi. Est-ce que TV5 Québec Canada songe à porter la décision du CRTC en appel?
Mme Gouin : Dans un processus judiciaire comme celui-là, TV5 n'a pas les moyens financiers de faire une démarche qui impliquerait d'aller en Cour fédérale et éventuellement et probablement dans d'autres instances pour porter en appel une décision de cette nature. Nous avons fait des représentations systématiques auprès du CRTC, auprès des conseillers du CRTC. Nous sommes rendus, je pense, devant un fait accompli du CRTC pour lequel les recours actuels sont des recours qui sont beaucoup plus de nature politique que juridique.
C'est pour cela que, entre autres, aujourd'hui, je suis devant vous pour obtenir votre appui à ce qu'au moins une réflexion soit faite par votre comité sur les incidences de ces décisions qui ont été prises par le CRTC pour que vous puissiez en saisir les autorités auxquelles vous pouvez forcer une réflexion en ce sens.
Le sénateur Fortin-Duplessis : Si vous avez l'appui du comité pour faire des représentations auprès du gouvernement, vous pensez que c'est plus fort.
Mme Gouin : Effectivement.
Le sénateur Fortin-Duplessis : Je crois que le commissaire aux langues officielles, M. Graham Fraser, n'est pas encore allé vous rencontrer depuis que Mme Marie-Linda Lord est la nouvelle présidente du conseil d'administration de TV5.
Serait-ce un bon appui si le commissaire aux langues officielles intervenait dans le dossier pour vous appuyer?
Mme Gouin : Le commissaire aux langues officielles nous a toujours appuyés dans nos démarches. J'ai une rencontre prévue avec lui d'ici les deux prochaines semaines. Nous avons toujours bénéficié de l'appui de M. Fraser sur tous les dossiers que nous avons déposés au CRTC.
Il a une très bonne compréhension de ce dossier et de son impact sur les populations francophones en milieu minoritaire.
Le sénateur Rivard : Vous avez parlez du pourcentage de vos revenus. Quel est le montant de votre budget de fonctionnement?
Mme Gouin : On a un budget d'opération autour de 16 millions de dollars.
Le sénateur Rivard : Quel est le nombre approximatif d'employés permanents et partiels?
Mme Gouin : En tout, cela tourne autour de 70 personnes. Là-dessus, il faut calculer que TV5 fait une opération de traduction pour nos collègues de TV5 Monde. Et cette opération de traduction nécessite à peu près une vingtaine d'employés permanents et occasionnels. Alors nos employés de radiodiffusion, qui sont au cœur de nos opérations, sont entre 40 et 50 personnes.
Le sénateur Rivard : Votre bureau est situé à Montréal?
Mme Gouin : Au coin de René-Lévesque et Papineau depuis 20 ans.
Le sénateur Rivard : Lorsque nous sommes en voyage, que ce soit en Afrique ou en Europe, et qu'on a la chance de prendre les nouvelles de Radio-Canada tous les jours, c'est via TV5?
Mme Gouin : Effectivement. Cela fait partie de cette mission qui nous est unique, qui fait en sorte que nous appuyons le développement de produits francophones canadiens vers l'international grâce à cette collaboration que nous avons avec l'opérateur qu'est TV5 Monde en Europe où TV5 Monde donne une vitrine aux produits francophones d'ici et où nous donnons une vitrine aux produits européens qui nous sont disponibles.
Le sénateur Rivard : Dans vos démarches, avez-vous reçu l'appui de Patrimoine canadien?
Mme Gouin : Il est évident que les fonctionnaires qui travaillent au dossier de TV5 sont des gens qui nous ont toujours appuyés dans tout le travail que nous faisons. En même temps, sous Patrimoine canadien, vous avez la radiodiffusion et que, dans ce cadre, il doit y avoir un certain, excusez-moi le mot anglophone, « arm's length », pour s'assurer qu'il y ait équité dans le traitement des dossiers. Mais jusqu'à présent, les gens avec qui nous avons eu le plaisir de travailler à Patrimoine canadien, et je le dis comme cela, sont des gens qui connaissent très bien notre dossier et le défendent auprès de nos autorités jusqu'où c'est possible de le défendre.
Le sénateur Rivard : J'aimerais adresser ma prochaine question à madame la présidente. Est-ce que ce serait le rôle du Comité sénatorial des langues officielles d'appuyer par un mémoire ou simplement d'aller devant le CRTC pour donner son appui? Est-ce une coutume? Avons-nous le droit de faire cela?
La présidente : Je pense, sénateur, que ce que vous venez de me demander devrait être traité lorsque nous discuterons des travaux futurs. Je pourrai m'informer un peu plus pour voir si c'est notre rôle et si cela s'est déjà fait. À ma connaissance, depuis que je préside le Comité sénatorial permanent des langues officielles, cela ne s'est jamais fait.
Le sénateur Rivard : Je vous pose la question, j'aurai la réponse lorsqu'elle sera disponible.
Le sénateur Champagne : Madame le présidente, vous vous souviendrez peut-être que, lors de son dernier passage devant notre comité, j'ai soulevé la question auprès du ministre du Patrimoine, M. Moore. Il nous a dit, devant tout le monde : « je suis tout à fait d'accord avec vous pour dire que TV5 partout au Canada est vraiment un atout pour la francophonie » — car il est ministre du Patrimoine mais aussi des langues officielles. Il nous a dit aussi, si vous vous souvenez bien : « Je ne peux pas, comme ministre, donner des ordres au CRTC, mais rien ne vous empêche, mesdames et messieurs du comité, de faire valoir vos idées. » C'est bien ce qu'il nous a dit. On peut retourner à l'enregistrement. C'est une idée que j'ai bien gardée en tête.
La présidente : Je le vois, c'est évident.
Le sénateur Rivard : On va y revenir.
La présidente : Oui, nous allons y revenir.
Mme Gouin : Il y a une instance capitale au CRTC dans les semaines qui viennent; il y aura une audience en juin prochain sur l'intégration verticale et son impact. Les mémoires doivent être déposés, si je ne me trompe pas, pour le 27 avril prochain. Peut-être que cette période de temps est un peu court pour vous, mais c'est une des instances au niveau réglementaire qui est probablement une des plus importantes pour le CRTC, parce que, dans le cadre de l'intégration verticale à laquelle nous assistons, il est clair que celle-ci protège les entreprises qui sont sous la coupole des grands conglomérats que nous connaissons; mais pour les joueurs indépendants, particulièrement les organismes sans but lucratif, il y a comme une espèce de vide de juridiction. Le CRTC ne s'est pas encore véritablement penché sur cette problématique.
Si je puis me permettre de formuler un vœu, c'est pour moi évident, si votre comité avait l'occasion de proposer une réflexion au CRTC dans ce cadre, je suis convaincue du poids qu'aurait cette démarche.
Le sénateur Tardif : Je suis de l'Alberta et je peux témoigner de l'apport important de TV5 dans la création d'un milieu de vie en français dans notre province. Il ne fait aucun doute qu'une diminution de l'accès de TV5 pour les francophones et les francophiles hors de la province de Québec aurait des effets néfastes. Selon vos estimations, combien de foyers francophones pourraient être privés de la distribution de TV5 s'il y avait un changement au cadre réglementaire?
Mme Gouin : Il est très difficile de vous donner un chiffre exact, parce que la façon dont les télédistributeurs nous fournissent des rapports n'est pas en fonction de la langue parlée à la maison, mais en fonction d'un système. Si vous habitez en Alberta, Calgary est considéré comme un système. Ils ne font pas la démarcation entre les foyers francophones et anglophones. Ils nous donnent un chiffre du nombre d'abonnés. Mais selon nos estimations, nous pensons perdre près de 90 p. 100 de nos abonnés hors Québec à partir du 1er septembre 2011, en raison de ce qui est avancé actuellement dans la philosophie de gestion de l'assemblage des différentes chaînes qui seront offertes à partir de cette date, ce qui est énorme. Je ne peux pas vous donner la quantité de francophones qui vont être touchés.
Je pourrais vous donner un exemple plus récent : la semaine dernière, un télédistributeur s'est amusé à modifier notre positionnement sur l'offre de service à ses abonnés. En une journée, nous avons reçu 145 plaintes d'abonnés francophones qui ne pouvaient plus recevoir TV5 au service. Nous sommes en pourparlers avec ce télédistributeur pour trouver une solution, mais il est évident que, avant même la date du 1er septembre 2011, il y a des tentatives pour voir quelle sera la réaction du marché au départ de certaines chaînes du service de base.
Le sénateur Tardif : En effet, madame Gouin, ce serait désastreux pour les francophones et francophiles en situation minoritaire, cela ne fait aucun doute. Et cela, c'est parce que, si je comprends bien, ils seraient prêts à vous regrouper dans une catégorie de services à l'international où le français serait considéré de la même façon qu'on pourrait considérer les émissions en espagnol en italien ou en allemand?
Mme Gouin : La première chose, c'est que le CRTC n'a pas voulu forcer les télédistributeurs hors Québec à offrir les chaînes francophones dans un bouquet regroupé de chaînes francophones canadiennes. En ne voulant pas avoir cette spécificité de traitement pour les chaînes francophones canadiennes, le télédistributeur est entièrement libre du type d'assemblage qu'il peut offrir à ses consommateurs. Offrir des chaînes francophones dans des bouquets thématiques, que ce soient des bouquets de nouvelles en continu, de musique, de sports, où vous ne retrouvez qu'une chaîne francophone dans un amoncellement de chaînes anglophones, pour le télédistributeur, ce qu'il voit c'est la possibilité de vendre des bouquets supplémentaires à des prix assez élevés, ce qui rend, pour les francophones en milieu minoritaire, l'accès à une offre francophone diversifiée presque prohibitive.
Le sénateur Tardif : Pourriez-vous nous expliquer aussi comment vous venez en aide aux producteurs francophones et à la capacité des communautés de réaliser leurs aspirations?
Mme Gouin : Avec grand plaisir. Nous avons décidé de soumettre au CRTC comme condition de licence, sans aucune obligation, que 50 p. 100 de notre production aille à des producteurs hors Québec, pour faciliter cet accès aux producteurs hors Québec à un diffuseur national francophone. L'autre chose que nous avons faite, c'est la création d'un fonds numérique, le Fonds tv5.ca — cela a été le premier fonds numérique qui a été créé — pour lequel nous avons décidé que 20 p. 100 des projets allaient être dirigés vers des francophones hors Québec.
Ce sont les deux aspects sur lesquels nous travaillons, autrement dit la télévision conventionnelle telle que vous la connaissez et, comme il y a un véritable engouement pour les nouvelles plates-formes, s'assurer que nos jeunes créateurs francophones puissent avoir des débouchés dans une structure qui est appuyée par TV5.
Le sénateur De Bané : Je veux d'abord vous dire combien je suis heureux que nous ayons cette présentation. Je voudrais vous demander : ai-je bien compris que, pour avoir accès à TV5, il faut que je sois connecté au câble?
Mme Gouin : Oui.
Le sénateur De Bané : Vous savez également que Montréal est la ville importante au Canada où le pourcentage des gens ayant le câble est le plus petit au Canada, soit à peine 60 p. 100. Il y a donc 40 p. 100 des gens à Montréal qui n'ont pas accès à TV5. Pouvez-vous, s'il vous plaît, nous expliquer en quelques mots la structure corporative de TV5, dont le siège social est à Paris, et quelle relation TV5 Québec Canada a avec l'autre? Est-ce qu'on a un statut différent, par exemple, par rapport à la Suisse, la Belgique, l'Afrique et cetera?
Mme Gouin : Pour votre information, sénateur De Bané, sachez que TV5 Québec Canada est une entreprise canadienne entièrement distincte de celle de TV5 Monde. Nous ne sommes pas une filiale de TV5 Monde en France. Nous sommes deux entreprises complètement distinctes. TV5 au Canada est une chaîne canadienne, opérée par des Canadiens, avec un conseil d'administration distinct, un budget distinct.
Pour vous donner un aperçu du fonctionnement, TV5 Québec Canada a un budget d'opération de 16 millions de dollars dont les revenus des gouvernements proviennent uniquement des gouvernements du Québec et du Canada pour environ 20 p. 100 de notre budget. Nos collègues de TV5 Monde ont un budget d'opération d'à peu près 110 millions d'euros, financé à presque 92 p. 100 par les gouvernements du Québec, du Canada, de la France, de la Belgique et de la Suisse, avec un conseil d'administration entièrement différent de celui de TV5 Québec Canada.
Le sénateur De Bané : C'est une structure corporative réellement très différente des autres entités. Celle qui est ici est réellement une société indépendante du reste. Dans quelle mesure cette situation expliquerait le fait que, dans plusieurs pays du monde, le bulletin de nouvelles de Radio-Canada soit télédiffusé sur TV5 Monde à des plages horaires impensables telles que trois heures du matin ou quatre heures du matin?
Pourquoi, au Canada, ceux qui s'intéressent aux nouvelles de la Belgique les ont à huit heures le matin ou que ceux qui s'intéressent aux nouvelles de la Suisse romande les ont à une certaine heure décente l'après-midi? Lorsque nous sommes à l'étranger, ces heures de télédiffusion du bulletin de nouvelles n'ont aucun sens.
Mme Gouin : Monsieur le sénateur, malheureusement je ne peux faire d'intervention à ce sujet parce que TV5 Monde est responsable de sa grille-horaire et décide des différentes grilles de ses différents réseaux. Nous avons malheureusement peu d'influence.
Le sénateur De Bané : Quelle est la contributios du gouvernement fédéral au budget de TV5 Monde?
Mme Gouin : C'est une bonne question. Je connais exactement les sommes du gouvernement fédéral dans le budget de TV5 Québec Canada. Je vous dirais que c'est autour de quatre millions de dollars, mais c'est sous réserve.
Le sénateur De Bané : Qui défend les intérêts des téléspectateurs canadiens vivant à l'étranger et qui désirent écouter le bulletin de nouvelles à une heure convenable?
Mme Gouin : Il y a un représentant de Radio-Canada qui siège au conseil d'administration de TV5 Monde et je suis certaine qu'il essaie de défendre le mieux possible les intérêts des Canadiens.
Le sénateur De Bané : J'aimerais intervenir au sujet du 0,08 $ auquel vous faisiez allusion plus tôt. Cela nous montre à quel point la politique actuelle devrait être revue. Madame la présidente, je pense pouvoir dire que le CRTC est comptable devant le Parlement du Canada.
La présidente : Oui.
Le sénateur De Bané : Si mon interprétation de la loi est exacte, le CRTC est réellement comptable et responsable devant le Parlement du Canada. Compte tenu de ce que nous venons d'apprendre, nous devrions rencontrer des représentants du CRTC parce que, finalement, comme vous l'avez dit tantôt, le CRTC oblige des câblodistributeurs comme Shaw et Bell Télé à transmettre certaines chaînes de base.
Les câblodistributeurs vont jumeler des postes obligatoires avec une vingtaine d'autres chaînes pour augmenter leur facture. Comme vous dites, cela fait en sorte qu'ils peuvent modifier le bouquet de chaînes qu'ils doivent transmettre, mais ils en ajoutent 20 autres pour augmenter la facture. C'est ce qui fera en sorte que des gens en Alberta perdront TV5.
Pour ce qui est des chaînes de sports, il y aura un poste de sports en français et huit chaînes de sports en anglais, et il n'y aura pas de bouquet de chaînes francophones pour ceux qui s'intéressent à la vie francophone. Tout cela est extrêmement grave.
Je suis inquiet lorsque je vois que la métropole du Québec est la ville où il y a le moins de gens câblés. En fait, 30 p. 100 des gens n'ont pas accès à TV5. Nous devrions inviter des représentants du CRTC au comité afin de leur parler. Madame, je tiens à vous remercier vivement car votre présentation a été très instructive.
Le sénateur Losier-Cool : Je suis d'accord avec le fait d'inviter le CRTC. Je me souviens très bien de l'allusion du sénateur Champagne au sujet du ministre Moore. Dites-vous que les audiences du CRTC auront lieu en avril?
Mme Gouin : Ce ne sont pas les audiences, c'est le dépôt de mémoire.
Le sénateur Losier-Cool : Le Comité sénatorial des langues officielles peut-il présenter des mémoires au CRTC? Peut-être que cela se ferait rapidement.
Le sénateur De Bané : Vous avez absolument raison. Chacun d'entre nous peut y aller et présenter son mémoire. Et si chacun d'entre nous peut le faire, à plus forte raison, tout le monde peut. En plus, le CRTC est comptable devant le Parlement.
La présidente : Sénateur Losier-Cool, nous allons nous informer et en discuter plus tard ce soir.
Le sénateur Losier-Cool : Merci.
Le sénateur Champagne : Ma question a très peu rapport avec ce point très important dont nous discutons aujourd'hui, mais nous allons nous informer. Je vois déjà Mme Hudon qui fait des choses dans ce sens.
Je suis une personne qui écoute TV5 énormément. Je dois vous dire que mon émission préférée était diffusée à une heure épouvantable et tardive. Nous la regardions à 23 h 30, mais elle n'est plus là. Ça s'appelait La boîte à musique. C'était une émission absolument divine avec un animateur qui vous expliquait la musique classique sans le faire de façon hautaine. C'était un pianiste et un animateur extraordinaire. Est-ce que c'est parce qu'on a décidé de ne plus la présenter ici ou si c'est parce qu'en France on ne la fait plus?
Mme Gouin : Je vais vérifier parce que je veux être certaine de la réponse. Très souvent ces émissions sont diffusées — et c'est une particularité de la programmation européenne — et ne fixent pas des rendez-vous hebdomadaires. Ce sont souvent des rendez-vous mensuels ou parfois même trimestriels.
Nous faisons un bouquet d'émissions que nous pouvons diffuser de façon plus régulière. Parfois nous devons interrompre la diffusion d'une émission pour pouvoir la diffuser plus tard en saison, une fois qu'on a suffisamment d'émissions pour en faire une émission régulière pendant à peu près 13 semaines. C'est habituellement le rythme de programmation que nous avons. Permettez-moi de vérifier et je m'assurerai que vous ayez la réponse demain matin.
Le sénateur Champagne : Cette émission était absolument divine. On finissait d'écouter les nouvelles à 23 heures et on allait automatiquement à TV5 pour La boîte à musique. J'ose espérer que nous aurons le plaisir de la retrouver.
Je trouvais que ma première question était peut-être en dehors du sujet, mais au deuxième tour je me suis permise de la poser, madame la présidente.
Avec tout ce qui a été dit aujourd'hui, je pense que pouvez repartir dans la neige de Montréal. Je vous trouve d'ailleurs extrêmement courageuse d'avoir pris la route aujourd'hui.
Je pense que vous avez vu, par les commentaires de mes collègues, que nous sommes tous et toutes très touchés par ce qui se passe. Nous agirons dès que notre greffière et le personnel de la Bibliothèque du Parlement nous donneront les informations nécessaires, à savoir si nous pouvons envoyer un mémoire ou bien nous présenter lors des occasions où l'on parlera de cette intégration verticale. Et cela, quitte à ce que nous fassions appel à vous, une fois de plus, pour nous assurer de dire les bonnes choses et de les dire correctement.
Je pense que vous pourrez partir d'ici en vous disant que vous vous êtes fait des amis des sénateurs membres du Comité sénatorial permanent des langues officielles et que nous sommes tous et toutes pour que la langue française soit disponible pour le plus grand nombre de gens partout dans notre pays, pour les francophones et les francophiles; et particulièrement pour ceux qui vivent dans des communautés qui sont en situation minoritaire.
Merci d'être venue nous voir et je suis certaine que la présidente vous répètera un peu ce que j'ai dit. Nous allons faire le maximum pour vous aider à faire en sorte que cet énorme problème ne soit pas celui que vous viviez tous les jours. Le français ne doit pas faire partie d'un groupe de langues étrangères au Canada. Nous sommes là pour nous assurer que le français demeure une des langues officielles; la plus belle, d'ailleurs.
Mme Gouin : Merci.
Le sénateur Tardif : J'appuie entièrement les commentaires du sénateur Champagne. Vous êtes devant nous aujourd'hui, mais quelle autre action ou moyen avez-vous à votre disposition pour essayer de changer la décision du CRTC par rapport à ce cadre réglementaire?
Mme Gouin : Une des actions que nous faisons, très concrète, est que nous avons déposé une demande en vertu de l'article 9(1)h) de la Loi sur la radiodiffusion canadienne pour obtenir une distribution obligatoire du service de TV5 à travers le pays.
Le CRTC a décidé de repousser la date d'étude de ces demandes après juin 2012. Nous allons donc déposer à nouveau une demande en juin 2012. La deuxième action que nous allons poser, et qui est probablement celle qui nous occupe beaucoup actuellement, est celle de travailler à déposer un mémoire sur tout le processus de réflexion dans lequel le CRTC se penche par rapport à l'intégration verticale et s'assurer, pour des chaînes à but non lucratif ayant des missions culturelles et étant indépendantes, que le CRTC inscrive un cadre spécifique pour s'assurer du respect de la Loi sur la radiodiffusion et permettre à de telles chaînes d'avoir un apport partout au Canada.
Le sénateur Tardif : Faites-vous un travail de sensibilisation auprès des organismes qui vous appuient afin que ceux- ci puissent aussi être informés de l'impact d'une telle décision?
Mme Gouin : Nous travaillons avec eux de façon continue, soit avec la FCFA. Je me rends systématiquement rencontrer les présidents d'organismes de communautés francophones à travers le pays, afin de nous assurer que nous sommes aussi à l'écoute de leurs préoccupations et leur faire part des nôtres.
Il y a aussi un avantage que nous avons depuis un certain temps, ce sont les médias sociaux qui nous permettent d'être à l'affût et d'articuler notre position afin de bien la faire comprendre pour tous les francophones et francophiles à travers le pays et les différentes associations qui les représentent.
Le sénateur Tardif : Merci. C'est très important de faire ce travail.
Le sénateur Champagne : Dans deux ou trois semaines, nous recevrons, une fois encore, le commissaire aux langues officielles. Comptez sur nous tous et toutes pour lui répéter à quel point nous voulons que TV5 continue un peu partout au pays et à quel point nous voulons compter sur lui pour également faire sa part lors de ces audiences au CRTC.
Mme Gouin : Merci.
Le sénateur De Bané : Le CRTC est-il d'accord avec votre estimation, à savoir que le coût variable de transmission de TV5 aux abonnés est d'environ 0,08 $?
Mme Gouin : Permettez-moi de vous préciser quelque chose. Quand j'ai mentionné que notre tarif était entre 0,02 $ et 0,08 $; pour les abonnés hors Québec, c'est le prix que les distributeurs paient. Je vous dirais que la majorité du montant que nous recevons est de 0,02 $ par abonné. Parce que ça fonctionne par système et par pourcentage de francophones dans un système.
Par exemple, à Lethbridge, s'il y a un pourcentage qui est plus bas que 6 p. 100 de francophones dans le système de Lethbridge, nous allons recevoir 0,02 $. Et je vous dirais que c'est majoritairement le tarif que nous recevons. Ce tarif est réglementé et c'est le même depuis 20 ans.
Le sénateur De Bané : Pour le câblodistributeur, pour ajouter un canal au bouquet de canaux qu'il met à la disposition dans la formule A, B ou C, cela représente quoi pour lui?
Mme Gouin : Si vous arrivez à faire en sorte qu'un télédistributeur puisse vous dire exactement quel est son prix de revient, vous aurez accompli un miracle, sénateur De Bané.
Le sénateur De Bané : Vous avez dit que cela coûte environ 0,08 $ pour le câblodistributeur.
Mme Gouin : Quand ça lui coûte 0,08 $, c'est ce qu'il nous paie à nous. C'est sûr qu'il a d'autres frais : des frais de distribution, des frais de bande passante, des frais de technologie et des frais d'employés. Mais quel est son coût total de revient pour un bouquet type? Si vous obtenez la réponse, je serai très contente si vous êtes capable de me la communiquer.
Le sénateur De Bané : Je ne connais pas cette industrie, mais il y a des coûts fixes : le nombre d'employés, et cetera. Et ensuite, viennent les coûts variables. Les coûts variables, est-ce beaucoup par rapport aux coûts fixes ou est-ce réellement très peu?
Mme Gouin : Je suis incapable de vous répondre parce que je ne connais pas l'industrie de la télédistribution. Laissez-moi tout simplement vous dire que la moyenne de profits de la majorité des entreprises de télédistribution, l'année dernière, a été de 20 à 30 p. 100.
Le sénateur De Bané : Oh, oh! Vous avez tout dit.
Le sénateur Champagne : À vous de faire le reste, sénateur De Bané.
La présidente : J'ai une question complémentaire. Vous êtes un organisme à but non lucratif et recevez sans doute un certain revenu de ces abonnés à travers le Canada, et si le CRTC ne revient pas sur sa décision ou sur la décision qu'il compte prendre, il s'agirait donc d'une perte de revenus pour vous?
Mme Gouin : Une perte énorme.
La présidente : Elle est assez substantielle?
Mme Gouin : Elle est d'au minimum de 20 à 25 p. 100 de nos revenus. Dans nos scénarios les plus pessimistes, qui parfois nous apparaissent un peu optimistes, ça peut aller jusqu'à 40 p. 100 de nos revenus.
La présidente : Alors il s'agirait d'une perte de revenus pour vous et d'un impact négatif considérable pour les communautés de langue officielle à travers le Canada.
Mme Gouin : C'est non seulement une question d'avoir accès aux produits de TV5, mais il s'agit aussi de tous nos engagements au niveau de la production qui sont de permettre que les producteurs aient accès à un débouché et à une chaîne à laquelle vendre leurs produits. Il est évident que si nous subissons des pertes de revenus de l'ordre de 40 p. 100, nous devrons retourner au CRTC et dire que, malheureusement, nous ne serons pas en mesure de réaliser les engagements pour lesquels nous nous sommes engagés auprès du CRTC.
La présidente : Vous avez bien dit qu'un grand pourcentage des revenus que vous faites retourne à la programmation?
Mme Gouin : La majorité de nos revenus retournent à la programmation et à l'appui à la promotion. On aura beau faire les meilleures émissions du monde, si personne ne le sait, cela ne donnera rien. On redistribue les sous directement à la programmation et à la promotion de la chaîne.
La présidente : Bien, madame Gouin, je vous remercie très sincèrement d'avoir comparu à notre comité. Comme je le disais au début, il faut quelqu'un d'engagé et de convaincu pour venir nous rencontrer par une telle tempête.
Nous avons aussi à cœur la promotion des langues officielles au sein des communautés de langue officielle à travers le pays. Ce que vous nous avez dit aujourd'hui n'est pas tombé dans l'oreille de sourds. Nous allons continuer à nous informer et essayer de voir de quelle façon nous déterminerons les actions que nous entreprendrons le cas échéant.
Mme Gouin : Madame la présidente, je vous remercie beaucoup de cet accueil chaleureux et ouvert. Si personnellement, je peux vous appuyer, soit par de l'information ou plus de détails par rapport à notre industrie, sachez que vous pouvez compter sur moi. Je vous remercie sincèrement de votre écoute.
La présidente : Je vais suspendre la séance pour quelques minutes et nous allons reprendre à huis clos, sans transcription.
(La séance est levée.)