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SOCI - Comité permanent

Affaires sociales, sciences et technologie

 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires sociales, des sciences et de la technologie

Fascicule 17 - Témoignages du 9 décembre 2010


OTTAWA, le jeudi 9 décembre 2010

Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd'hui, à 10 h 31, pour étudier le projet de loi C-31, Loi modifiant la Loi sur la sécurité de la vieillesse (Loi supprimant le droit des prisonniers à certaines prestations).

Le sénateur Art Eggleton (président) occupe le fauteuil.

[Français]

Le président : Bienvenue au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie.

[Traduction]

Le comité examine aujourd'hui le projet de loi C-31, Loi modifiant la Loi sur la sécurité de la vieillesse, également connue sous le nom de Loi supprimant le droit des prisonniers à certaines prestations. Nous sommes heureux d'accueillir l'honorable Diane Finley, ministre des Ressources humaines et du Développement des compétences. Elle est accompagnée de Jacques Paquette, sous-ministre adjoint principal à la Direction générale de la sécurité du revenu et du développement social. Cela fait un peu long sur une carte de visite. Nous avons également Don Head, commissaire du Service correctionnel du Canada. Je vous souhaite tous la bienvenue. Je vais maintenant vous céder la parole pour vous permettre de présenter des observations préliminaires.

L'honorable Diane Finley, C.P., députée, ministre des Ressources humaines et du Développement des compétences : Merci. Je suis heureuse d'être ici pour vous parler du projet de loi C-31, Loi supprimant le droit des prisonniers à certaines prestations. La population canadienne a été outrée d'apprendre que des meurtriers comme Clifford Olson reçoivent des prestations de la sécurité de la vieillesse et du supplément de revenu garanti financées par les contribuables.

Cette situation n'a pas seulement attisé la colère des Canadiens. Je l'ai personnellement trouvée vexante et insultante, tout comme le premier ministre et tous les membres du gouvernement. Aussi, dès que notre gouvernement conservateur a découvert cette pratique aberrante, il a immédiatement pris des mesures en déposant le projet de loi C- 31 pour mettre fin au versement de ces prestations à des criminels incarcérés.

[Français]

Monsieur le président, le programme de la sécurité de la vieillesse vise à aider les aînés, en particulier les personnes à revenu fixe, à subvenir à leurs besoins fondamentaux immédiats et à maintenir un niveau de vie minimal à la retraite. Il s'agit d'une reconnaissance à la contribution que nos aînés ont apportée à la société canadienne, à notre économie et à nos collectivités.

Les besoins d'un détenu, tel que la nourriture et le logement sont déjà comblés au moyen des impôts versés par les travailleurs canadiens.

Les fonds publics servent déjà à répondre aux besoins essentiels des personnes incarcérées. Les contribuables canadiens ne devraient pas avoir en plus à assurer aux détenus un soutien de revenu comme les prestations de la sécurité de la vieillesse.

[Traduction]

Il est absolument injuste de demander à des contribuables respectueux des lois de payer doublement pour des criminels incarcérés. Par conséquent, le projet de loi C-31 supprime le droit des criminels aux prestations de la sécurité de la vieillesse et du supplément de revenu garanti pendant leur incarcération. Permettez-moi de vous expliquer brièvement l'objectif de cette mesure.

Dès l'adoption du projet de loi, les prisonniers purgeant une peine de plus de deux ans dans un pénitencier fédéral n'auraient plus droit aux prestations de la sécurité de la vieillesse. Cette mesure toucherait environ 400 détenus sous responsabilité fédérale et se traduirait par une économie de 2 millions de dollars pour les contribuables canadiens. Le gouvernement fédéral travaillerait ensuite avec les provinces et les territoires en vue de conclure des ententes d'échange d'information afin de mettre fin au versement des prestations aux criminels purgeant une peine de 90 jours ou plus dans un établissement provincial ou territorial. Cette mesure toucherait chaque année quelque 600 détenus sous responsabilité provinciale ou territoriale, ce qui représenterait une économie additionnelle de 8 millions de dollars pour les contribuables. Ainsi, 10 millions de dollars seraient épargnés chaque année si l'ensemble des provinces et des territoires appliquaient les nouvelles dispositions.

Je voudrais signaler que, grâce à ce projet de loi, les pratiques liées à la sécurité de la vieillesse s'harmoniseront avec les autres pratiques fédérales et provinciales ainsi qu'avec les pratiques d'autres pays. Par exemple, les personnes incarcérées cessent de recevoir la prestation fiscale pour le revenu gagné et les prestations d'assurance-emploi. De plus, la plupart des provinces et territoires, et notamment la Colombie-Britannique, l'Alberta, la Saskatchewan, l'Ontario, le Québec, le Nouveau-Brunswick, la Nouvelle-Écosse et les Territoires du Nord-Ouest, ne permettent pas aux détenus de bénéficier de l'aide sociale. À l'étranger, le Royaume-Uni, l'Australie et les États-Unis, parmi d'autres, suspendent le versement des pensions aux prisonniers.

[Français]

Il est important de noter, que nous avons pris soin de veiller à ce que les époux et conjoints de fait innocents, ne souffrent pas par suite des actions de leur conjoint.

Les modifications législatives proposées ne priveront pas ces personnes innocentes de leur droit individuel de recevoir le Supplément de revenu garanti et les allocations. Les prestations auxquelles ils ont droit seront calculées en fonction de leur revenu individuel plutôt qu'en fonction du revenu combiné du couple.

[Traduction]

Le soutien extraordinaire que nous avons reçu des Canadiens, partout dans le pays, témoigne du bien-fondé de ce projet de loi. J'aimerais vous faire part de certains des commentaires que nous avons reçus. Sharon Rosenfeldt est présidente de l'organisme Victimes de violence et mère de l'une des victimes de Clifford Olson, dont le crime haineux a changé à jamais sa vie. Voici ce qu'elle a dit au sujet du projet de loi :

Il est illogique qu'une personne puisse bénéficier doublement du système aux dépens des contribuables canadiens. Voilà pourquoi les Canadiens sont outrés et en colère. Ce projet de loi est important du point de vue de l'équité.

C'est formidable de voir que le gouvernement fait passer les victimes et les contribuables avant les criminels. La suspension du versement des prestations de la sécurité de la vieillesse aux détenus en témoigne.

Je félicite le premier ministre et la ministre d'avoir fait preuve de leadership dans cet important dossier en mettant fin aux prestations des criminels condamnés.

Lorsque Ray King, père d'une autre des victimes de Clifford Olson, a appris que le gouvernement présentait ce projet de loi, il a déclaré :

C'est la meilleure nouvelle que j'ai entendue depuis longtemps. Je suis très heureux d'apprendre que le gouvernement prend des mesures concrètes.

David Toner, président de Families Against Crime and Trauma, a aussi fait l'éloge du projet de loi :

Nous sommes très heureux d'apprendre que le premier ministre et la ministre ont pris les choses en mains et ont fait passer les victimes avant les prisonniers. Je félicite le gouvernement Harper d'avoir déposé ce projet de loi.

Sénateurs, il n'y a pas que les familles des victimes qui appuient le projet de loi. Les services de police se sont aussi montrés très favorables aux mesures proposées. De nombreux policiers partout au pays me disent que le projet de loi est juste et équitable. Par exemple, Jim Chu, chef de la police de Vancouver, a applaudi le projet de loi :

J'espère que les victimes ne se sentiront pas victimisées à nouveau en voyant leurs agresseurs recevoir la pension de vieillesse pendant leur retraite forcée de la carrière criminelle. Je suis aussi convaincu que cette évolution de la loi sera chaleureusement accueillie par les nombreuses victimes de ces criminels.

Les contribuables d'un bout à l'autre du pays ont également manifesté leur soutien en signant une pétition de la Fédération canadienne des contribuables appuyant le projet de loi. En fait, près de 50 000 Canadiens ont signé la pétition en l'espace de six semaines.

Le président de la Fédération canadienne des contribuables, Kevin Gaudet, a dit :

[...] les contribuables qui se débattent pour joindre les deux bouts sont doublement sollicités, d'abord pour héberger les criminels, ensuite pour leur permettre d'empocher ces prestations. Il fallait mettre fin à cette injustice. Le projet de loi C-31 permet de le faire.

Lorsque le gouvernement fait quelque chose de bien, il mérite d'être félicité.

J'ai également été touchée par le nombre de Canadiens de toutes les régions de notre grand pays qui ont pris le temps d'exprimer leur appui au projet de loi C-31. En fait, j'ai probablement reçu plus de courrier à ce sujet qu'à l'égard de n'importe quelle autre question.

Bref, le projet de loi C-31 vise à faire ce qui est juste et équitable. Notre gouvernement conservateur croit que les Canadiens qui travaillent fort, contribuent au système et respectent les lois sont ceux qui méritent de recevoir des prestations telles que la pension de vieillesse, pas les prisonniers. Nous sommes déterminés à défendre ce qui est juste pour les travailleurs canadiens et à continuer de faire passer les victimes et les contribuables avant les criminels.

Les Canadiens nous ont clairement indiqué qu'ils souhaitent que ce projet de loi soit adopté bientôt. J'ai été très heureuse de constater qu'il a rapidement franchi les différentes étapes à la Chambre des communes. Après avoir fait l'objet d'un débat et d'une étude en comité qui a permis d'entendre beaucoup de témoins, le projet de loi a été adopté à l'unanimité à la Chambre, bénéficiant donc de l'appui de tous les partis. J'exhorte tous les membres du comité à prendre la part des travailleurs respectueux des lois et à défendre ce qui est juste et équitable en appuyant le projet de loi C-31 et en veillant à ce qu'il soit rapidement adopté.

Le président : Merci beaucoup, madame la ministre. Je suppose que vos deux collaborateurs sont ici pour répondre à des questions plutôt que pour présenter des exposés.

Mme Finley : Oui.

Le président : Avant de passer aux questions, je voudrais souhaiter la bienvenue au sénateur Cowan, leader de l'opposition au Sénat, ainsi qu'aux sénateurs Brazeau et Banks, qui remplacent des membres absents du comité. Je vous remercie, sénateurs, de votre participation à l'examen du projet de loi C-31.

Madame la ministre, je vous remercie d'être venue au comité pour nous parler du projet de loi. Vous avez mentionné qu'il serait possible de réaliser des économies d'environ 2 millions de dollars à l'égard de 400 détenus sous responsabilité fédérale. Vous avez ajouté que vous ne voulez rien faire qui puisse nuire aux familles de ces gens.

Savez-vous s'il y a de nombreux enfants à charge qui peuvent être touchés? La pension de vieillesse ou l'allocation versée à un conjoint âgé de 60 à 65 ans est une chose, mais qu'en est-il des enfants? Seront-ils touchés par la suspension de la pension?

Mme Finley : Nous nous inquiétons des familles. C'est pour cette raison que nous avons prévu de maintenir le SRG dans la catégorie célibataire pour un conjoint ou un partenaire en union libre. La pension de vieillesse n'est pas liée aux enfants. Elle se fonde sur l'âge et le lieu de résidence et, dans une certaine mesure, sur le revenu.

Il y a par ailleurs un certain nombre d'autres programmes destinés à aider les enfants soit d'une façon générale soit pour faire des études.

Le président : Vous ne voyez rien dans cette mesure qui puisse, d'une façon quelconque, nuire aux familles des détenus qui dépendent d'un revenu provenant du gouvernement, qu'il s'agisse de la pension de vieillesse ou d'un autre programme? Êtes-vous sûre que les familles n'auront absolument pas à souffrir de cette mesure?

Mme Finley : Nous avons pris toutes les mesures possibles, dans le cadre du système de la sécurité de la vieillesse, pour nous assurer que les membres innocents de la famille continueront à bénéficier du soutien auquel ils ont droit. Par exemple, au lieu de tenir compte du revenu familial pour déterminer l'admissibilité au SRG, nous ferons le calcul en nous basant uniquement sur le revenu du conjoint qui n'est pas en prison. Il est donc probable que ce conjoint obtiendra une augmentation puisque le calcul se fondera sur son seul revenu.

Le président : Le versement de la pension de vieillesse serait suspendu un mois après l'incarcération. Toutefois, si j'ai bien compris, une fois que les personnes en cause auront purgé leur peine et auront réintégré la vie civile, ils devront présenter une demande au ministre pour obtenir la permission de faire rétablir leur pension.

Quels sont les délais dans ce cas? Lorsque ces gens sont libérés, nous ne voulons pas qu'ils vivent dans la rue ou qu'ils commettent d'autres actes criminels pour subvenir à leurs propres besoins. Dans quels délais la pension serait-elle rétablie? Est-il possible de présenter la demande avant la libération, quand la date de celle-ci est connue? Y a-t-il un moyen de les informer et de les aider à éviter un hiatus à leur sortie de prison, de façon qu'ils puissent disposer d'un certain revenu pour subvenir à leurs besoins?

Mme Finley : C'est une préoccupation légitime que nous partageons. La question revêt plusieurs aspects. Premièrement, nous devons garder le contact avec les détenus à leur libération, principalement pour savoir où ils se trouvent. Nous devons disposer de renseignements sur leur adresse et leurs comptes bancaires.

Toutefois, nous en avons tenu compte en concevant la mise en œuvre du système. Nous veillerons à ce que le Service correctionnel du Canada ou les établissements nous avertissent une fois par mois des mises en liberté prévues pour que nous puissions nous préparer. Une fois que les personnes en cause ont réintégré la vie civile, nous devons rester en contact avec elles pour nous assurer de pouvoir leur remettre l'argent au bon moment et au bon endroit.

Nous avons également prévu le cas où ces gens auraient manqué de justesse un paiement mensuel, par exemple. Nous pouvons alors effectuer rapidement un versement. Cela fait partie des procédures de la sécurité de la vieillesse, en cas de circonstances particulières. Nous pouvons donc nous assurer que les détenus obtiennent les fonds dont ils ont besoin au moment de leur libération.

Le président : Je voudrais vous poser une dernière question. Le Service correctionnel du Canada s'occupe de l'hébergement, de l'alimentation et des soins de santé des détenus. Si les prisonniers veulent obtenir des produits ou des articles supplémentaires à des fins d'hygiène personnelle ou pour des activités récréatives, j'ai cru comprendre qu'ils peuvent travailler pour gagner de quoi payer ces produits et articles. Certains de ces détenus sont âgés et, même si tous ceux qui touchent une pension de vieillesse ne sont pas nécessairement invalides, certains d'entre eux pourraient ne pas être en mesure de travailler. Comment peut-on éviter de les traiter injustement dans une situation de ce genre?

Mme Finley : L'injustice qui existe actuellement, c'est que les prisonniers se font payer doublement par les contribuables pour satisfaire à leurs besoins de base. La pension de vieillesse et le SRG sont conçus pour permettre aux aînés canadiens qui ont contribué à l'édification du pays d'atteindre un seuil minimal de revenu leur permettant de satisfaire à leurs besoins élémentaires, comme la nourriture, le logement et les vêtements. L'État subvient à ces besoins dans le cas des personnes incarcérées. Il serait donc injuste que les contribuables paient doublement pour ces gens. Certains prisonniers ont d'autres sources de revenu. Cela les concerne exclusivement. Toutefois, nous croyons que lorsqu'ils purgent leur peine, la société ne devrait pas avoir à payer deux fois pour subvenir à leurs besoins.

Le sénateur Callbeck : Je vous souhaite la bienvenue, madame la ministre, et vous remercie pour votre présence et les renseignements que vous nous donnez. Pour que ce projet de loi soit vraiment efficace, il faudrait que les provinces y consentent. Disposez-vous d'indications sur ce qu'elles pensent de cette mesure?

Mme Finley : Oui. Il ne faut pas perdre de vue que 8 des 13 administrations en cause, je crois, ont des mesures législatives semblables. Nous nous attendons à ce que ces administrations nous appuient. Jusqu'ici, nous avons bénéficié d'un soutien considérable de la part des provinces. Nous envisageons même de conclure très rapidement des ententes d'échange d'information avec la plupart d'entre elles, dès l'adoption du projet de loi.

Le sénateur Callbeck : Vous n'avez connaissance d'aucune objection jusqu'ici. C'est bien cela que vous dites?

Mme Finley : Quelques administrations avaient des préoccupations. Nous nous en occupons avec elles.

Le sénateur Callbeck : Quelles sont ces préoccupations?

Mme Finley : Certaines administrations s'inquiètent du fardeau administratif que cela implique. Nous essayons d'automatiser dans la mesure du possible le processus, tout en reconnaissant que les nombres ne sont pas très élevés. Toutefois, c'est un principe que nous défendons. Nous voulons donc nous assurer que le fardeau administratif est suffisant pour que le travail soit bien fait, sans pour autant devenir un facteur de dissuasion.

Le sénateur Callbeck : Je ne suis pas du tout en mesure de comprendre les chiffres de coût que vous avez présentés. Vous dites, à la page 4, que cette mesure touche environ 400 personnes et qu'elle se traduirait par une économie de 2 millions de dollars. Un peu plus loin, vous parlez de 600 personnes, soit 50 p. 100 de plus, qui assureraient des économies de 8 millions de dollars. Ces chiffres sont difficiles à concilier. Pouvez-vous nous donner une explication?

Mme Finley : Tout d'abord, ce ne sont que des estimations. Tant que nous n'aurons pas des ententes d'échange d'information avec les provinces et les territoires, nous ne saurons pas exactement le nombre de personnes touchées. Nos estimations sont de 2 à 4 millions de dollars au niveau fédéral et de 4 à 8 millions au niveau provincial-territorial. Le chiffre total se situerait donc n'importe où entre 6 et 10 millions de dollars. C'est la raison pour laquelle j'ai parlé d'économies pouvant atteindre 10 millions de dollars. En fait, elles pourraient ne s'élever qu'à 6 millions.

Toutefois, le premier objectif de cette mesure n'est pas vraiment de réaliser des économies. Il s'agit plutôt de rétablir la justice et d'être équitable envers les contribuables. C'est notre vrai objectif.

Le sénateur Callbeck : J'appuie le projet de loi, mais j'ai pensé que si 400 détenus fédéraux assuraient des économies de 2 millions de dollars, alors que 600 auraient dû permettre d'en réaliser 3 millions.

Mme Finley : Ce ne sont que des estimations dans tous les cas. Les chiffres réels devraient se situer entre 6 et 10 millions de dollars au total.

Le sénateur Callbeck : Lorsqu'ils sont sur le point d'être libérés, les détenus doivent vous informer de leur prochaine libération, de même que l'établissement. Supposons qu'ils vous avertissent en mai qu'ils seront libérés en juin, puis que, d'une façon ou d'une autre, le rétablissement de leur pension n'est approuvé qu'en juillet. Est-il rétroactif dans ce cas?

Mme Finley : Oui, la pension est rétablie à la date de leur libération.

Le sénateur Callbeck : Très bien. L'établissement doit également vous avertir, de même que les détenus.

Mme Finley : Oui. Ainsi, nous pouvons réduire les possibilités de fraude. L'établissement nous avertit pour que nous puissions commencer à préparer les papiers nécessaires, mais nous devons prendre directement contact avec le détenu devant être libéré pour nous assurer qu'il est en fait en liberté et que nous savons où nous pouvons le joindre et où lui envoyer l'argent, qu'il s'agisse d'une adresse ou d'un compte bancaire. Nous voulons nous assurer de mettre des fonds à sa disposition le plus tôt et le plus exactement possible.

Le sénateur Callbeck : Les prisonniers obtiennent la pension de vieillesse pour leur premier mois d'incarcération, de même que le supplément, je suppose. Est-ce à cause du facteur temps? Pourquoi leur versez-vous la pension pour ce premier mois?

Mme Finley : Cela dépend du moment où ils sont incarcérés. Nous reconnaissons que, dans le premier mois, ils peuvent avoir des dépenses de transition assez importantes pour se préparer à aller en prison. À leur libération, ils obtiennent également la pension pour ce mois. Nous essayons donc d'être justes et raisonnables.

Le sénateur Callbeck : Comment les détenus savent-ils qu'ils doivent prendre contact avec le ministre à leur libération?

Mme Finley : Nous collaborons étroitement avec le Service correctionnel du Canada. Nous comptons aussi le faire avec les provinces pour nous assurer qu'elles ont les renseignements à transmettre aux détenus aussi bien à leur arrivée qu'avant leur départ. Les établissements seront tenus de nous informer. C'est ce facteur qui leur rappellera qu'ils doivent également mettre les détenus au courant.

Le sénateur Callbeck : Ils informeront donc les détenus?

Mme Finley : Oui.

Le sénateur Cordy : Merci, madame la ministre, d'être venue au comité ce matin. Il est important que les ministres viennent présenter les projets de loi qui concernent leur ministère.

Si j'ai bien compris, les détenus qui sont sur le point d'être libérés doivent vous avertir par écrit. Dans ces temps modernes, cela signifie-t-il qu'ils doivent vous envoyer une demande sur papier ou bien peuvent-ils communiquer avec vous par courrier électronique?

Jacques Paquette, sous-ministre adjoint principal, Direction générale de la sécurité du revenu et du développement social, Ressources humaines et Développement des compétences Canada : Cela peut se faire de différentes manières, tant que nous recevons un message écrit du détenu.

Le sénateur Cordy : L'établissement doit également vous informer, afin d'éviter la fraude.

Mme Finley : Nous avons besoin d'une corroboration.

Le président : Le Service correctionnel du Canada projette-t-il de s'occuper de ces questions?

Don Head, commissaire, Service correctionnel du Canada : Comme la ministre l'a signalé, nous avons établi deux processus. Le premier a été mis en place grâce à une entente d'échange d'information avec Ressources humaines et Développement des compétences Canada. Nous échangerons avec le ministère 13 ou 14 éléments de données électroniques pour que celui-ci puisse s'assurer de l'identité de chaque personne en cause. De plus, nous mettons en place des processus pour travailler en permanence avec les délinquants de ce groupe d'âge, leur montrer comment présenter une demande, les aider au besoin et collaborer avec les ONG communautaires dans le cas des personnes qui pourraient ne pas agir tout de suite, mais décider de le faire plus tard. Nous mettons donc en place toutes les procédures nécessaires pour appuyer au maximum ce projet de loi.

Le sénateur Cordy : Les prisonniers peuvent-ils vraiment envoyer un message électronique au ministre avant leur libération?

M. Head : Les détenus n'ont pas accès au courrier électronique, mais nous mettrons au point une procédure pour veiller à ce que le message, quelle qu'en soit la forme, parvienne à la ministre pour que personne ne soit oublié.

Le sénateur Cordy : Tout cela sera fait dans chaque établissement?

M. Head : Oui.

Le sénateur Cordy : Madame la ministre, 400 détenus sous responsabilité fédérale et 600 sous responsabilité provinciale ou territoriale sont des aînés. Vous attendez-vous à ce que ce nombre augmente à mesure que le nombre d'aînés monte dans la population?

Mme Finley : Il est vraiment très difficile de répondre à cette question. Même ces nombres ne sont que des estimations. Nous ne connaîtrons les nombres exacts qu'après avoir conclu les ententes d'échange d'information. Il ne serait pas déraisonnable de penser qu'avec le vieillissement de la population, il y aura davantage d'aînés et moins de jeunes. Ces nombres peuvent changer. Par ailleurs, compte tenu des différents moyens de soutien du revenu qui existent actuellement pour les personnes âgées, il se pourrait bien qu'elles n'aient plus à recourir au crime pour subvenir à leurs besoins. Ces choses sont plutôt difficiles à prédire.

Le sénateur Cordy : Monsieur Head, si le nombre de détenus âgés augmente dans les prisons — nous pouvons supposer que ce nombre suivra la hausse dans l'ensemble de la population —, de quelle façon les choses évolueront- elles dans les établissements? Je ne parle pas nécessairement d'aînés de 60 ans. Il peut y en avoir qui sont de santé très fragile, mais qui sont encore en prison.

M. Head : C'est un défi pour nous de répondre aux besoins de base de ces personnes. Comme vous pouvez bien l'imaginer, beaucoup de ces besoins sont de nature médicale. Nous examinons donc les moyens à mettre en œuvre pour répondre aux besoins particuliers d'une population carcérale vieillissante. C'est l'une de nos priorités. Nous continuons à suivre la situation et à faire des rajustements au fur et à mesure.

Le sénateur Cordy : Les anciens établissements n'ont pas été conçus pour des prisonniers âgés de santé fragile.

M. Head : Vous avez raison, sénateur. Nous avons examiné la possibilité d'apporter des changements matériels dans certaines cellules pour tenir compte de problèmes de mobilité et pour nous assurer que nos services de santé disposent de l'équipement nécessaire pour aider des détenus ayant différents besoins. C'est un problème, mais nous avons prévu des ressources pour l'affronter et l'avons inscrit dans notre processus de planification.

Le sénateur Cordy : Vous avez mentionné les déficiences physiques, mais il y a aussi des problèmes de démence sénile.

M. Head : Vous avez parfaitement raison.

Le sénateur Cowan : Je vous souhaite la bienvenue, madame la ministre. J'appuie aussi le projet de loi. Je crois qu'il s'agit d'une approche très raisonnable. J'aimerais cependant savoir ce qu'il adviendra de l'argent ou des économies réalisées. Le projet de loi est présenté comme un effort de la part du gouvernement pour faire passer les intérêts des contribuables et des victimes avant ceux des criminels. C'est sûrement un objectif louable, que le projet de loi permettra de réaliser. Toutefois, il y aura des économies — je sais qu'il ne s'agit que d'estimations — d'environ 2 millions de dollars du côté fédéral et de 3 à 6 ou 8 millions de dollars du côté des provinces. Ce sont des montants d'une certaine importance.

Je me demande si vous avez intention d'utiliser ces ressources pour aider les victimes d'actes criminels. C'est un fait que le gouvernement a coupé de 41 p. 100 le budget des subventions à l'Initiative sur les victimes d'actes criminels et de 34 p. 100, celui des contributions à la même initiative, ce qui représente au total 2,7 millions de dollars.

Je suis sûr que vous êtes au courant des déclarations faites par M. Sullivan, ombudsman fédéral sortant des victimes d'actes criminels. Il estime que les victimes n'ont pas vraiment bénéficié d'un appui financier de la part du gouvernement. Pouvez-vous nous donner l'assurance que les économies réalisées grâce à ce projet de loi serviront à aider les victimes d'actes criminels, en rétablissant par exemple le financement de ces initiatives? À défaut, pouvez-vous nous dire si le gouvernement prévoit d'autres mesures visant le même but et si ces mesures seront suffisamment financées pour que les victimes d'actes criminels obtiennent l'aide nécessaire?

Mme Finley : L'une des priorités de notre gouvernement a consisté à faire passer les victimes avant les criminels. Nous avons présenté des programmes et des mesures législatives à l'appui de cet objectif.

Les économies qui seront réalisées par suite de la mise en vigueur de ce projet de loi reviendront au Trésor puisque c'est lui qui finance la pension de vieillesse. Nous modifions la Loi sur la sécurité de la vieillesse. En vertu de cette loi, les fonds ne peuvent servir qu'à appuyer les aînés dans le cadre du système de sécurité de la vieillesse et du supplément de revenu garanti. Dans ce contexte, nous ne sommes pas autorisés à réaffecter des économies. Les fonds ne peuvent servir qu'à cette fin. Toute économie réalisée doit être restituée au Trésor. Dans le cadre du projet de loi lui-même, nous ne pourrions tout simplement pas réaffecter ces économies. Ce serait probablement illégal.

Toutefois, nous avons fait un certain nombre de choses pour aider les victimes. Il y a le Bureau de l'ombudsman fédéral des victimes d'actes criminels. Au cours des trois dernières années, nous avons engagé plus de 50 millions de dollars pour répondre à différents besoins des victimes. En revenant au Trésor, les économies permettront de financer d'autres programmes destinés aux victimes.

Le sénateur Cowan : Je comprends la raison pour laquelle cet argent doit revenir au Trésor...

Mme Finley : Nous financerons ces programmes.

Le sénateur Cowan : ... mais vous avez réduit le financement des deux programmes que j'ai mentionnés. Il y en a d'autres. Envisagez-vous d'intensifier l'appui aux victimes d'actes criminels, conformément à l'objet déclaré du projet de loi?

Mme Finley : Nous le faisons. Nous l'avons fait pendant les cinq dernières années, et nous avons l'intention de continuer.

Le sénateur Banks : Madame la ministre, nous n'avons pas eu l'occasion de nous rencontrer jusqu'ici, mais je suis heureux de vous voir. Je vous remercie de votre présence et de celle de M. Paquette. Monsieur Head, nous nous sommes déjà rencontrés, mais pas dans un cadre professionnel... Eh bien, c'était ma profession, pas la sienne.

À première vue, il pourrait sembler absurde de s'opposer à ce projet de loi. Toutefois, je voudrais vous poser quelques questions en me faisant l'avocat du diable. Nous ne devons pas perdre de vue que les gens touchés par le projet de loi ne sont pas tous des Clifford Olson. Comme certains sénateurs l'ont déjà dit, il y a des prisonniers âgés qui sont loin d'être des Clifford Olson.

Le principe du projet de loi se fonde en partie sur le fait que les prisonniers ont tout ce dont ils ont besoin une fois qu'ils sont en prison, comme vous l'avez dit, madame la ministre. Je vais adresser ma question à M. Head parce que je ne crois pas que les détenus disposent effectivement de tout en prison. Ils ont de quoi être à l'abri de la pluie, de quoi manger à leur faim et de quoi se vêtir, et ils ont accès à des soins médicaux au besoin. Toutefois, je ne crois pas que vous leur donniez du dentifrice, par exemple. Est-ce exact? Il y a aussi d'autres choses qui leur manquent, comme de la crème à raser ou des produits d'hygiène féminine, bref tout l'attirail d'articles que certains d'entre nous tiennent pour acquis.

M. Head : C'est une bonne question, sénateur. J'ai deux arguments à vous présenter à ce sujet.

Premièrement, les détenus ont la possibilité d'être rémunérés en travaillant ou en participant à des programmes. Ils peuvent gagner un maximum de 6,90 $ par jour ou de 69 $ par période de paie de deux semaines. Ils peuvent se servir de cet argent pour acheter différents articles.

Nous reconnaissons aussi qu'il y a des besoins additionnels, comme vous l'avez signalé : crème à raser, dentifrice, médicaments sans ordonnance et ainsi de suite.

Le sénateur Banks : Et peut-être une tablette de chocolat une fois par an.

M. Head : Oui. Pour chaque période de paie, nous accordons un crédit de 4 $ que les détenus peuvent utiliser pour acheter ce genre de produits. Le montant n'est pas accordé en espèces. À leur libération, les détenus n'y ont pas droit s'ils ne l'ont pas utilisé. Ils ont la possibilité de gagner de l'argent.

À l'heure actuelle, 40 p. 100 des délinquants du groupe d'âge en cause se situent au maximum de la rémunération autorisée et gagnent 69 $ toutes les deux semaines.

Le sénateur Banks : Cela signifie que 60 p. 100 ne sont pas dans ce cas, n'est-ce pas?

M. Head : Non, ils se situeraient à différents niveaux au-dessous du maximum.

Le sénateur Banks : Cela revient à dire qu'il n'est pas tout à fait vrai qu'ils ont en prison tout ce dont ils ont besoin pour mener une vie normale et raisonnable. Ils ont l'occasion de travailler et d'obtenir un revenu ou des crédits, comme vous l'avez dit, mais je suppose que certains sont incapables de travailler.

M. Head : Nous avons prévu une allocation pour ceux qui ne peuvent pas travailler ou qui sont infirmes. De plus, les membres de la famille et les amis peuvent déposer de l'argent dans le compte des détenus, qui peuvent alors s'en servir comme les autres fonds.

Le sénateur Banks : Prenons les choses à rebours pour déterminer si le projet de loi est vraiment nécessaire. Vous avez le pouvoir de permettre ou d'imposer — je ne suis pas sûr lequel — la récupération d'une partie du revenu des détenus, si je peux m'exprimer ainsi. Pouvez-vous l'imposer?

M. Head : Nous pouvons exiger des détenus un maximum de 30 p. 100 pour ce que nous appelons le gîte et le couvert.

Le sénateur Banks : Si vous releviez ce maximum à 90 p. 100, ne serait-ce pas suffisant pour résoudre le problème?

M. Head : Comme la ministre l'a signalé, nous ne cherchons pas nécessairement à récupérer de l'argent. La loi actuelle établit une limite de 30 p. 100. C'est le maximum que je peux prescrire dans une directive du commissaire. En réalité, nous avons actuellement un pourcentage maximum de récupération de 25 p. 100. Toutefois, selon la situation financière de chaque détenu, les directeurs d'établissement peuvent exempter les détenus de la récupération du gîte et du couvert.

Le sénateur Banks : Ils peuvent annuler la récupération, mais ne peuvent pas l'augmenter au-delà de 30 p. 100?

M. Head : Non. À l'heure actuelle, ils ne peuvent pas aller au-delà de 25 p. 100. La limite de 25 p. 100 existe depuis longtemps. Toutefois, la loi nous autorise à majorer les frais de gîte et de couvert jusqu'à concurrence de 30 p. 100 de l'argent gagné au-delà du maximum de la période de paie.

Le sénateur Banks : Madame la ministre, s'ils faisaient cela et que, de votre côté, vous changiez la disposition relative au maximum de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, n'atteindriez-vous pas votre objectif tout en maintenant le principe de l'universalité?

Mme Finley : Non, pas tout à fait. C'est le principe même du versement de la pension de vieillesse aux détenus qui choque les Canadiens. Si nous essayons de récupérer le montant, nous ne pourrons pas le faire.

Ce n'est pas seulement une question de pourcentage. Il y a une limite en dollars qui est tout à fait insuffisante, à mon avis. Même si on essayait de changer cela par voie de règlement, il faudrait continuer à le faire tout le temps. Il n'y a vraiment pas moyen d'accéder aux fonds. Si nous devions verser l'argent dans un compte, quelque part, le Service correctionnel du Canada pourrait ne pas y avoir accès.

M. Head : Puis-je donner quelques explications?

Mme Finley : Oui, c'est votre domaine.

M. Head : Si un détenu fait déposer les fonds dans un compte à l'extérieur de la prison et qu'une autre personne ayant un pouvoir de signature envoie l'argent à l'établissement, nous n'aurions aucun moyen de confirmer la source des fonds. Par conséquent, les détenus pourraient facilement faire déposer leur pension de vieillesse ou le SRG à l'extérieur. Un membre de la famille pourrait alors en toute légalité retirer l'argent, puis déposer un chèque ou un montant en espèces dans le compte interne du détenu. Nous ne pourrions pas connaître la source des fonds.

Le sénateur Seidman : Madame la ministre, je voudrais vous remercier pour les mesures opportunes que vous avez prises dans un domaine qui, vous avez bien raison, est juste et équitable pour les victimes et les contribuables canadiens respectueux des lois. Ce sont les Canadiens qui travaillent fort, qui contribuent au système et qui respectent les règles et non ceux qui ont commis des crimes qui méritent de bénéficier d'avantages tels que la pension de vieillesse. J'espère que nous pourrons adopter le projet de loi C-31 le plus tôt possible avec l'appui unanime de tous les sénateurs.

Mme Finley : Je vous remercie. Je partage votre espoir.

Le sénateur Callbeck : Monsieur Head, vous avez dit que les détenus peuvent gagner de l'argent en travaillant ou en participant à des programmes. De quel genre de programmes parlez-vous? Peuvent-ils gagner de l'argent, par exemple, en suivant un programme sur la maîtrise de la colère?

M. Head : Oui. Ils peuvent être rémunérés en participant à un programme de maîtrise de la colère ou de désintoxication, un programme pour délinquants sexuels ou des cours d'aptitudes de la vie quotidienne. Si ces programmes sont inscrits sur leur plan correctionnel et qu'ils se conforment à celui-ci en y participant, ils peuvent être rémunérés en fonction du barème en vigueur.

Le président : Je voudrais poser une question au sujet du Régime de pensions du Canada. J'ai cru comprendre qu'il n'était pas touché par le projet de loi.

Mme Finley : Pas du tout.

Le président : Si quelqu'un qui touche une pension du RPC est incarcéré, je suppose qu'il continuerait à la recevoir. S'il est déjà en prison, peut-il demander cette pension et l'obtenir tout en purgeant sa peine?

Mme Finley : Les deux programmes sont très différents l'un de l'autre. La sécurité de la vieillesse se fonde sur le lieu de résidence et est financée sur le Trésor. Le RPC se base sur les cotisations du bénéficiaire. Le principe est complètement différent parce qu'il s'agit en quelque sorte d'une entente contractuelle. Si une personne a cotisé, c'est comme si elle avait acheté une rente viagère. Ayant fait l'investissement, elle a droit à la pension.

Le président : Nous avons atteint la fin de cette période. Je vous remercie, madame la ministre, monsieur Paquette et monsieur Head, de votre participation à notre discussion et des renseignements que vous nous avez présentés au sujet du projet de loi C-31.

Nous accueillons maintenant un représentant de la Fédération canadienne des contribuables, qui se joint à nous par vidéoconférence. Les dispositions techniques sont en train d'être prises en ce moment. Toutefois, nous pouvons entendre quelques autres témoins pendant que la liaison est établie.

Nous avons Sharon Rosenfeldt, présidente de l'organisation Victimes de violence. L'organisation, fondée en 1984, a pour but d'appuyer les victimes d'actes criminels violents et d'aider les familles d'enfants disparus à essayer de les retrouver. Nous avons aussi, de l'Association canadienne de justice pénale, Irving Kulik, directeur général, et Justin Piché, membre du Comité d'examen des politiques. M. Piché présentera un exposé au nom de l'association, et M. Kulik l'aidera à répondre aux questions.

Nous avons également, de l'Association des services de réhabilitation sociale du Québec, Ruth Gagnon, membre du conseil d'administration. Le rôle de l'association est de chercher des solutions aux problèmes de la délinquance adulte, par la voie de la responsabilisation de l'individu. Son but est de trouver des solutions justes et satisfaisantes à la fois pour la victime, la société et le contrevenant. Nous vous souhaitons la bienvenue au comité.

Je présenterai Kevin Gaudet, directeur général de la Fédération canadienne des contribuables quand il sera en ligne.

Sharon Rosenfeldt, présidente, Victimes de violence : Je vous remercie. J'espère que mes lunettes vont tenir. J'ai perdu mes lunettes de vue. Il est bien possible que mes petits-enfants, dont je m'occupe actuellement, les aient mises quelque part. J'utilise une vieille paire de lunettes. J'espère qu'elles tiendront en place.

Le président : Je voudrais demander à chaque personne qui présentera un exposé de bien vouloir se limiter à environ cinq minutes.

Mme Rosenfeldt : Certainement.

Je suis la présidente de Victimes de violence. L'organisation a été fondée il y a 26 ans par mon défunt mari Gary, moi-même et un certain nombre d'autres personnes dont un proche avait été assassiné. Nous avions constaté qu'il n'existait aucun service pour les gens dans notre situation. Nous étions aux prises avec un système de justice que nous ne comprenions pas.

L'organisation s'est développée à mesure que d'autres personnes d'un peu partout au Canada prenaient contact avec nous parce qu'elles étaient à la recherche de réponses adaptées à leurs circonstances particulières au sujet de la victimisation. Nous n'avions pas ces réponses, mais nous faisions de notre mieux pour essayer de les trouver. La plupart du temps, cela entraînait des modifications de la loi, et notamment du Code criminel.

Il va sans dire que les problèmes de la justice pénale sont nombreux et, pour la plupart, très complexes. Nous avons noté que les aspects qui nous intéressaient et au sujet desquels nous demandions des changements étaient toujours très controversés et suscitaient parfois beaucoup d'émotions simplement parce qu'ils touchaient la vie d'êtres humains, aussi bien celles des délinquants que celles des innocentes victimes d'actes criminels.

Je voudrais, au nom de nos membres, vous remercier de nous avoir donné l'occasion de vous présenter notre point de vue sur l'importance du projet de loi C-31, Loi modifiant la Loi sur la sécurité de la vieillesse.

Nous appuyons le principe du projet de loi C-31. Ce principe est clair : le programme de la sécurité de la vieillesse est financé par les recettes fiscales fédérales; il est conçu pour aider les aînés à subvenir à leurs besoins de base immédiats et à maintenir un niveau de vie minimal après leur retraite. Comme les besoins de base d'un détenu, par exemple l'alimentation et le logement, sont déjà satisfaits et sont payés par les contribuables, il n'y a aucune raison de lui accorder un soutien supplémentaire du revenu sous forme de prestations de sécurité de la vieillesse.

Une motion avait été proposée à la Chambre des communes pour limiter l'application du projet de loi aux délinquants ayant commis des meurtres multiples. Nous n'appuyons pas ce principe. Nous considérons que cette motion visait uniquement les cas du type Clifford Olson. Elle n'est pas conforme à l'esprit du projet de loi C-31 et aux aspects de la situation qui choquent les Canadiens. Le nom de Clifford Olson n'est que le symptôme du problème dont nous discutons aujourd'hui. Son nom a servi à mettre le problème en évidence. Nous devons concentrer notre attention sur le problème que le projet de loi C-31 vise à résoudre.

Ayant fait des recherches sur ce que font d'autres pays, nous avons constaté que le Royaume-Uni a les lois les plus strictes pour ce qui est du versement de pensions à des prisonniers condamnés. D'après la législation britannique, ces prisonniers n'ont tout simplement pas droit aux prestations de sécurité sociale. Cela comprend les pensions de l'État, même si les intéressés y ont cotisé pendant de longues années. La législation s'applique que le prisonnier soit incarcéré au Royaume-Uni ou ailleurs dans le monde. D'une façon générale, les prisonniers condamnés au Royaume-Uni n'obtiennent absolument pas de prestations de sécurité sociale, bien que le paiement de certaines pensions de guerre et de pensions d'invalidité professionnelle soit suspendu jusqu'à un an et payé au moment de la libération.

L'Autriche, le Danemark, l'Irlande et le Luxembourg ne versent pas de pensions d'État pendant la durée de la peine. Le droit à la pension est intégralement rétabli une fois la peine purgée.

La France verse les pensions d'État, mais son système est un peu différent. La pension est versée au compte du prisonnier, mais 10 p. 100 sont retenus pour être affectés au ministère public, s'il y a lieu, et 10 p. 100 vont dans un fonds de réserve qui est remis au prisonnier à sa libération. Les détenus qui travaillent en purgeant leur peine doivent verser des cotisations qui sont prises en considération dans le calcul de la pension d'État versée au moment de la remise en liberté.

La Grèce verse les pensions d'État à certains prisonniers condamnés. Sont exclus ceux qui ont été condamnés pour des crimes financiers, comme la fraude, le vol simple ou qualifié et les dommages causés à des biens publics.

L'Ontario prive déjà les détenus des prestations du Régime provincial de revenu annuel garanti, du crédit de taxe de vente de l'Ontario, de la prestation ontarienne de transition au titre à la taxe de vente et du crédit pour les coûts d'énergie dans le Nord de l'Ontario. Dans une déclaration, le ministre Bradley a dit :

Ces prestations sont conçues pour aider les familles honnêtes et qui travaillent fort à payer les produits de première nécessité. Nous ne les accordons pas aux prisonniers condamnés. Les contribuables paient déjà la nourriture et l'hébergement des prisonniers.

Le directeur exécutif de la Société John Howard a dit qu'à son avis, le gouvernement pourrait avancer des arguments fondés sur des principes dans le cas des détenus qui ne quitteront probablement jamais la prison et dont tous les besoins sont satisfaits. Pour lui, récupérer la pension de vieillesse est une autre question parce qu'il s'agit d'un droit du citoyen dont la suppression exigerait de faire adopter un amendement visant les « minorités méprisées ».

La citoyenneté fait partie des critères, et la prestation pourrait probablement être considérée comme un droit. Toutefois, la plupart des personnes âgées qui sont admissibles à la sécurité de la vieillesse ne se font pas payer leurs besoins essentiels, comme la nourriture et l'hébergement, par les contribuables. Ils ne peuvent pas non plus mettre en banque leur pension de vieillesse et leur supplément de revenu garanti comme les prisonniers âgés peuvent le faire aujourd'hui.

Je ne crois pas non plus que les prisonniers âgés soient perçus comme une « minorité méprisée ». C'est une expression plutôt grossière. Il est plus logique de dire qu'on ne peut pas cumuler les avantages aux dépens des contribuables canadiens. C'est la raison pour laquelle les Canadiens sont choqués et indignés. Si on retirait le nom de Clifford Olson des manchettes, les contribuables seraient quand même en colère, simplement parce qu'ils paient deux fois.

Ce projet de loi est important au titre du principe d'équité. Cela étant dit, nous tenons à remercier la Fédération canadienne des contribuables pour son travail qui a permis de présenter une pétition signée par 50 000 citoyens canadiens.

Pour terminer, j'aimerais vous parler d'un pensionné qui a dit que si des personnes âgées vont dans un centre de soins de longue durée et n'ont pas les moyens de payer, le gouvernement récupère l'essentiel de leur pension, ne leur laissant qu'un peu d'argent de poche. Pour leur part, les détenus âgés obtiennent hébergement et nourriture et peuvent garder ou épargner près de 1 200 $ par mois de prestations de sécurité de la vieillesse et de supplément de revenu garanti. Ils bénéficient en outre des meilleurs services médicaux, tandis qu'un aîné en liberté n'a droit qu'aux soins de base.

À titre de personne âgée, je comprends la situation. C'est pourquoi les Canadiens sont indignés. Ils veulent que l'argent de leurs impôts soit utilisé à bon escient et surtout avec respect.

Le président : Merci beaucoup, madame Rosenfeldt.

Justin Piché, membre, Comité d'examen des politiques, Association canadienne de justice pénale : L'Association canadienne de justice pénale est heureuse d'avoir l'occasion de présenter le point de vue de son Comité d'examen des politiques au sujet du projet de loi C-31, point de vue que nous avons exposé en détail dans notre mémoire du mois dernier.

L'ACJP est l'une des plus anciennes organisations non gouvernementales composées de professionnels et de particuliers qui s'intéressent aux questions liées à la justice pénale, ayant été fondée en 1919. L'association a comparu à maintes reprises devant des comités de la Chambre des communes et du Sénat. Elle compte près de 800 membres et publie, dans les deux langues officielles, la Revue canadienne de criminologie et de justice pénale, Actualités-Justice, le Répertoire des services — Justice et le Répertoire des services aux victimes d'actes criminels. Nous organisons en outre, tous les deux ans, le Congrès canadien sur la justice pénale.

L'ACJP recommande au Sénat de ne pas appuyer l'adoption du projet de loi C-31 pour de nombreuses raisons.

Le fait de priver les prisonniers de prestations de pension jusqu'à leur libération compromet les objectifs de la sécurité publique en leur enlevant des fonds dont ils peuvent avoir besoin pour se nourrir et se loger lors de leur remise en liberté. Comme l'a signalé en 2007 une étude de Sécurité publique Canada, il est établi que, lors de leur incarcération, certains détenus « ont perdu leurs moyens de subsistance et ce qu'ils possédaient, d'autres n'ont plus de logement pour eux-mêmes et pour leur famille [...] » Dans ces conditions, les dépenses nécessaires pour réintégrer la société comprennent de nombreux déboursés ponctuels importants, comme un dépôt pour louer un logement et l'achat d'articles de première nécessité.

En privant les prisonniers touchés des prestations de pension et en leur imposant, à leur libération, une période d'attente de plusieurs jours ou plusieurs semaines avant le rétablissement de leurs prestations, on les laissera probablement dépourvus au moment où ils ont le plus besoin d'argent. L'accumulation actuelle des prestations pendant l'incarcération favorise probablement la prévention du crime parce que les fonds accumulés assurent aux anciens détenus une certaine stabilité en leur donnant les ressources nécessaires pour recommencer à mener une vie normale. Sans ces ressources, les chances de récidive pourraient augmenter sous l'effet du besoin ou du stress.

Cette mesure législative est vantée comme moyen d'appuyer les droits des victimes d'actes criminels. Toutefois, cet argument fait abstraction d'un principe extrêmement important des pays démocratiques qui reconnaissent que la justice pénale n'est pas un jeu à somme nulle. À notre avis, le retrait de prestations ou de services à des prisonniers ne renforce pas les droits des victimes. Au contraire, il crée d'autres victimes en étendant la punition des détenus en cause à leur famille. Tous les ménages ont des dépenses et des factures à payer. Dans les cas où le détenu a un ménage auquel il contribue, le manque à gagner découlant de la suspension de la pension peut occasionner des difficultés financières aux membres de la famille, même si le projet de loi permet aux conjoints et partenaires de demander des prestations de célibataires. Cette mesure peut également aggraver les contraintes économiques des personnes qui se débattent déjà pour payer un déménagement dans une localité proche de la prison ou des frais de déplacement et d'appels téléphoniques engagés pour garder le contact avec la personne incarcérée. Dans ces cas, le projet de loi C-31 pourrait contribuer à l'instabilité des ménages et à la désintégration des familles, qui coûtent cher à tous les Canadiens par suite des dépenses correspondantes liées aux tribunaux civils, à l'aide juridique, au bien-être de l'enfance, à la santé mentale et à d'autres services.

De récents articles des médias montrent bien les problèmes qu'on peut susciter en mettant en évidence les pensions gouvernementales versées aux détenus. Nous encourageons les législateurs à faire preuve de modération dans le cas de ce projet de loi. L'importante couverture médiatique de l'affaire Clifford Olson présente au public une image déformée de la situation des prisonniers qui reçoivent actuellement des pensions, comme en témoignent les chiffres obtenus du Service correctionnel du Canada. D'après ces chiffres, il n'y a, dans les établissements fédéraux, que 19 détenus condamnés pour des meurtres multiples parmi les 398 prisonniers admissibles à des pensions en mars 2010. Cela ne représente que 4,8 p. 100. Lorsque des mesures législatives sont rapidement déposées en réaction à des préoccupations publiques, d'une manière qui suscite et intensifie l'émotion et même l'indignation, elles peuvent compromettre la réintégration de la majorité des prisonniers qui reviendront un jour vivre dans nos collectivités.

Il y a également lieu de noter que les demandes présentées à Ressources humaines et Développement des compétences Canada et à d'autres ministères en vertu de la Loi sur l'accès à l'information pour obtenir des recherches publiques, et notamment des estimations de coûts, liées à ce projet de loi ont été traitées, mais n'ont permis d'obtenir aucun renseignement. Une demande présentée à Justice Canada en juin 2010 n'a pas encore été traitée jusqu'ici, le ministère ayant demandé une prolongation de 175 jours pour mener des consultations. Par conséquent, les dépenses ou les économies que pourrait entraîner cette politique demeurent inconnues pour la plupart des législateurs et des Canadiens et ne peuvent au mieux faire l'objet que d'estimations.

De plus, l'analyse stratégique nécessaire pour évaluer la faisabilité de la mise en œuvre ainsi que les coûts directs et indirects ne semble pas avoir été faite. Les législateurs ne devraient pas adopter des lois avant d'avoir en main les résultats de telles recherches.

Le président : Merci.

[Français]

Ruth Gagnon, membre du conseil d'administration, Association des services de réhabilitation sociale du Québec : Monsieur le président, les modifications proposées par le projet de loi C-31 comportent, selon nous, des difficultés majeures. D'une part, les modifications portent sérieusement atteinte aux principes d'universalité des régimes de protection sociale. Au lieu de fournir des solutions, le projet de loi soulève une myriade de questions qui ne peuvent que nous inquiéter.

D'autre part, le projet de loi ne tient pas compte des répercussions sur les personnes visées, en présumant, de manière erronée, que tous leurs besoins fondamentaux sont déjà assumés par les contribuables.

La Loi sur la sécurité de la vieillesse a été mise en place afin d'instaurer un filet social visant à assurer que toutes les personnes âgées puissent subvenir à leurs besoins fondamentaux tout en respectant et en préservant leur dignité humaine. Cette loi reconnaît la précarité de la situation des personnes faisant partie de ce groupe en raison de leurs besoins spécifiques et de leurs limitations.

C'est donc leur statut en tant que personnes âgées qui enclenche cette protection et c'est uniquement cette particularité qui rend nécessaire l'instauration du régime de protection sociale, sans égard aux autres attributs que peuvent avoir ces personnes.

Le montant versé par la pension de la Sécurité de la vieillesse ainsi que le Supplément de revenu garanti ne vise donc pas uniquement à fournir un logement et de la nourriture, besoins pour le moins fondamentaux; ces revenus minimaux sont également fournis afin que la personne puisse subvenir à certains besoins tels que l'achat de vêtements, de biens ou de services permettant son épanouissement en tant qu'être humain.

Le principe d'universalité des programmes sociaux, et plus particulièrement la sécurité sociale et le droit à un niveau de vie adéquat, fait l'objet de nombreux instruments juridiques, notamment la Déclaration universelle des droits de l'homme et le Pacte relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.

Le projet de loi proposé est aux antipodes des objectifs la Loi sur la sécurité de la vieillesse, car il est proposé d'exclure un groupe de citoyens en raison de leurs particularités, soit leur situation de personne détenue, alors que ces citoyens ont les mêmes besoins et limitations que les citoyens du même âge.

L'universalité du régime de pension de la Sécurité de la vieillesse présuppose l'égalité entre les personnes âgées. Exclure les personnes détenues de ce régime de sécurité sociale est non seulement discriminatoire mais est également contradictoire à l'essence même de la Loi sur la sécurité de la vieillesse, qui est de fournir le soutien nécessaire aux groupes vulnérables que sont les personnes âgées.

Le projet de loi porte non seulement atteinte aux principes d'universalité mais a des conséquences pour le moins très importantes sur les personnes âgées détenues. Il serait totalement faux de prétendre qu'en les excluant du régime, l'État comblerait leurs besoins au même titre que les autres personnes âgées.

Service correctionnel Canada fournit certains services aux détenus, soit le logement, la nourriture ainsi que les services de santé essentiels. Néanmoins, tout ce qui se situe à l'extérieur des obligations du SCC doit être fourni par les détenus à même ces fonds. C'est donc dire que tous les articles d'hygiène personnelle, les vêtements, par exemple, doivent être payés par les détenus.

Les détenus fédéraux ont la possibilité de travailler au sein de l'établissement carcéral pour combler leurs besoins et se préparer à leur réinsertion sociale. En fait, l'octroi d'une pension de la Sécurité de la vieillesse aux détenus cadre avec le régime législatif correctionnel en vigueur.

Deuxièmement, tout comme les personnes âgées non détenues, le législateur reconnaissait que les personnes âgées détenues ont le droit, sans avoir à travailler, de combler leurs besoins de base essentiels. Conclure autrement viendrait, en fait, cautionner que les personnes âgées doivent purger une punition additionnelle en raison de leur âge. Non seulement vivent-elles leur séjour en prison plus difficilement en raison de l'âge et de leur condition de santé, mais elles seraient également privées de revenu, encore une fois en raison de leurs limitations.

Pour ces raisons, nous sommes contre l'adoption du projet de loi C-31 dans sa forme actuelle. Nous croyons que les modifications proposées créent une entorse aux principes d'universalité des programmes sociaux tout en portant un préjudice aux personnes visées. Évidemment, il y a une certaine logique selon laquelle une personne détenue ne devrait pas recevoir l'entièreté de sa pension de la Sécurité de la vieillesse alors que lui sont déjà fournis un logement et de la nourriture. Il semble normal que les détenus âgés fournissent une contribution.

Il existe déjà un mécanisme à l'article 78 de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition permettant à la personne détenue de contribuer aux frais de logement, de nourriture et de soins de santé dans la mesure où elle reçoit des indemnités notamment d'une source réglementaire. Toutefois, en date d'aujourd'hui, aucun règlement d'application ni directive du commissaire n'ont été créés à cet égard mais cela pourrait être fait. Nous croyons que l'utilisation de cet article, ou d'une modification similaire, constituerait un moyen moins draconien que celui d'exclure totalement la personne détenue du régime de protection. Ce moyen aurait également l'avantage de ne porter aucune atteinte aux principes d'universalité.

[Traduction]

Le président : Kevin Gaudet, directeur général de la Fédération canadienne des contribuables, se joint maintenant à nous par vidéoconférence.

Kevin Gaudet, directeur fédéral, Fédération canadienne des contribuables : Honorables sénateurs, mesdames et messieurs les témoins, la Fédération canadienne des contribuables est un organisme national, non partisan et à but non lucratif qui compte plus de 67 000 adhérents partout dans le pays. Nous avons des bureaux en Colombie-Britannique, en Alberta, en Saskatchewan, au Manitoba et en Ontario, tant à Toronto qu'à Ottawa. De plus, nous nous sommes récemment établis dans le Canada atlantique en ouvrant un bureau à Halifax.

La Fédération canadienne des contribuables a pour mandat de favoriser les baisses d'impôt, la réduction du gaspillage et une plus grande responsabilité du gouvernement. Nous y travaillons depuis longtemps maintenant, puisque nous célébrons cette année notre 20e anniversaire. Nous n'acceptons pas d'argent du gouvernement et ne remettons pas de reçus d'impôt pour activités de bienfaisance.

Je profite de cette occasion pour remercier les membres et le personnel du comité qui ont accepté de nous laisser comparaître par vidéoconférence. C'est un excellent moyen de faire des économies. Je ne peux qu'encourager votre comité et d'autres à adopter plus souvent cette façon de procéder.

Je suis enchanté d'être ici aujourd'hui au nom de la Fédération canadienne des contribuables pour appuyer le projet de loi C-31, que nous appelons le projet de loi Clifford Olson. La fédération a joué un rôle important dans la présentation de ce projet de loi. Je tiens à féliciter le gouvernement et les partis d'opposition pour la célérité peu commune avec laquelle ils ont donné suite à cette affaire une fois qu'elle a été rendue publique. Si vous le permettez, j'aimerais rappeler au comité comment nous en sommes venus à la situation actuelle ainsi que le rôle joué par la Fédération canadienne des contribuables.

À la fin mars, au printemps dernier, un article a paru dans le Toronto Sun, dans lequel Clifford Olson s'est vanté auprès de Peter Worthington qu'il recevait la pension de vieillesse et le supplément de revenu garanti aux frais du gouvernement fédéral et, bien entendu, des contribuables canadiens. Nous parlons ici d'une somme d'environ 1 169 $ par mois, soit un peu plus de 14 000 $ par an, pour lui et pour chaque détenu comme lui. Dès la publication de cet article, nous avons commencé à recevoir des messages de nos adhérents exprimant leur consternation face à cette situation. Ils étaient choqués de voir un criminel aussi odieux faire l'objet d'une telle largesse à leurs dépens. Nous avons donc décidé, en leur nom, de présenter une pétition demandant au gouvernement fédéral de mettre fin au paiement de la pension de vieillesse et du SRG aux prisonniers comme Clifford Olson.

Je dois dire que la réaction nous a vraiment renversés. Notre campagne visant à obtenir la signature d'une pétition a suscité une réaction sans précédent, comme je n'en ai jamais vu dans mes quatre années à la fédération et comme la fédération elle-même n'avait jamais connu dans ses 20 ans d'existence. Il ne nous a fallu qu'environ six semaines pour recueillir près de 50 000 signatures.

Nous sommes ensuite allés à Ottawa présenter la pétition à Diane Finley, ministre des Ressources humaines et du Développement des compétences. Durant notre entretien avec la ministre, elle a promis de donner suite à la pétition et de préparer rapidement un projet de loi. Elle a tenu sa promesse. Nous voici au stade de l'étude en comité quelque six ou sept mois plus tard.

Les Canadiens et les adhérents de la FCC devraient être très heureux de certaines des observations formulées par Mme Sgro, au nom des libéraux, qui ont préconisé l'adoption rapide du projet de loi, ainsi que du soutien conditionnel exprimé par M. Desnoyers, du Bloc québécois, et M. Maloway, du NPD.

Évidemment, la FCC est heureuse de noter l'appui du gouvernement et l'action rapide de la ministre dans cette affaire. Dans mon rôle de porte-parole de la fédération, je passe beaucoup de temps à critiquer le gouvernement, y compris le Sénat. Toutefois, lorsque le gouvernement et les politiciens font bien les choses, nous n'hésitons pas à les en féliciter, et c'est justement ce que nous faisons aujourd'hui. Le Parlement agit rapidement pour mettre fin à une injustice en cessant d'accorder des prestations à ceux qui ne les méritent pas. Je vous en remercie.

Ce n'est qu'au Canada qu'un meurtrier purgeant 11 peines consécutives de 25 ans de prison peut recevoir plus de 1 100 $ par mois de pension de vieillesse et de supplément de revenu garanti. C'est le cas de Clifford Olson. Ensemble, les détenus âgés sous responsabilité fédérale et provinciale reçoivent sans raison quelque 7 millions de dollars par an de paiements non mérités auxquels il faut mettre fin.

La sécurité de la vieillesse a été établie en 1951 et le supplément de revenu garanti, en 1966. Il s'agissait, et il s'agit toujours, de programmes conçus pour aider les personnes âgées à joindre les deux bouts, afin que les Canadiens qui ont peu ou pas de revenu aient suffisamment d'argent pour vivre. Clifford Robert Olson est un Canadien de plus de 65 ans. Il aura 70 ans au jour de l'An. Il est admissible à la sécurité de la vieillesse et au SRG. Il mourra probablement en prison, où il n'a pas d'importantes dépenses de subsistance à faire. D'après les statistiques les plus récentes qu'on peut trouver sur le site Web du Service correctionnel du Canada, l'incarcération d'un homme dans un établissement à sécurité maximale coûtait en moyenne aux contribuables 121 294 $ par an en 2006-2007.

Olson a été arrêté en 1981. Il est incarcéré dans un établissement fédéral depuis 1982, soit depuis 28 ans. Les contribuables ont déjà assez payé pour le garder derrière les barreaux. Ils n'ont certainement pas à lui verser d'importantes prestations de soutien conçues pour aider les aînés à joindre les deux bouts, et non pour garnir les poches de gens comme lui.

Le site web du réseau CBC de la Colombie-Britannique a publié un article au sujet de notre pétition et a donné aux membres du public la possibilité de formuler des commentaires. J'aimerais présenter au comité l'un de ces commentaires, écrit par une victime de Clifford Olson. Voici ce qu'elle a dit :

Je suis la belle-mère de l'une des victimes d'Olson [...] Je reçois le même montant que lui, mais JE DOIS PAYER MA NOURRITURE, MES VÊTEMENTS ET MES PRODUITS DE PREMIÈRE NÉCESSITÉ. La sœur de Colleen se débat pour élever seule trois enfants, mais IL veut garder son argent. D'après un autre commentaire, les 2 millions de dollars devraient aller aux familles des victimes : Ajoutez ce montant aux fonds de sécurité de la vieillesse et donnez-nous un meilleur revenu... Il est terrible de penser que je dois m'épuiser à payer des impôts pour que lui n'ait jamais besoin de rien [...] Je conviens aussi qu'il joue encore la comédie. Il est triste de penser que certains croient que les prisonniers ont des droits. Il a enlevé à ma fille le droit de vivre et nous a brisé le cœur. Quelle triste société!

Cette dame, dont la famille comptait parmi les victimes de Clifford Olson, souligne à quel point il est scandaleux que des contribuables qui tirent le diable par la queue aient à payer deux fois, d'abord pour héberger les criminels, puis pour leur garnir les poches de ces prestations. C'est une injustice à laquelle il faut mettre fin. C'est ce que fait le projet de loi C-31.

Je vous remercie de m'avoir invité aujourd'hui.

Le président : Merci, monsieur Gaudet. Je remercie également tous les témoins pour les exposés qu'ils viennent de présenter.

Nous allons maintenant vous poser quelques questions. Ma première question s'adresse à M. Piché, mais n'importe qui peut aussi y répondre.

Monsieur Piché, vous avez parlé des détenus qui sont remis en liberté et qui doivent pouvoir subvenir à leurs propres besoins. J'ai moi-même abordé ce sujet avec la ministre un peu plus tôt. La réponse qu'elle a donnée, c'est que le traitement se ferait pendant que ces gens sont encore en prison. Elle croyait qu'une fois libérés, ils disposeraient tout de suite de la pension de vieillesse sans avoir à subir une période d'interruption. Nous voulons tous nous assurer que ces gens ne se retrouveront pas dans la rue et ne retomberont pas dans le crime.

Est-ce que ces explications vous satisfont, ou bien voyez-vous encore des inconvénients au projet de loi?

M. Piché : Au sujet de ce point particulier, il est évident qu'il y a un problème puisque la ministre n'a pas été en mesure de nous parler d'un processus ou d'un mécanisme quelconque pour assurer la transition pendant qu'un ancien détenu présente une nouvelle demande.

Le président : M. Head, du Service correctionnel du Canada, dit que le service est en train de mettre en place un processus qui permettra d'informer les détenus et de préparer tous les papiers nécessaires.

M. Piché : M. Head s'est engagé à réviser la liste une fois par mois, probablement au début de chaque mois. Toutefois, qu'arrive-t-il si la remise en liberté tombe au milieu du mois, dans la deuxième ou la troisième semaine? Il y aura inévitablement une interruption. Si le projet de loi est adopté — et je suis sûr qu'il le sera —, il faudrait peut-être penser sérieusement à un mécanisme.

Le président : Parlant au nom de son association, Ruth Gagnon a dit qu'on devrait maintenir l'universalité de la pension de vieillesse. Elle en a parlé dans un contexte constitutionnel en évoquant la Charte et tout le reste. Si j'ai bien compris, elle se rend compte que les contribuables ne veulent pas payer doublement, comme l'ont mentionné Mme Rosenfeldt et M. Gaudet. Elle croit qu'on pourrait obtenir le même résultat en prenant de l'argent aux prisonniers comme contribution aux frais de base du gîte et du couvert. Par ailleurs, nous avons appris plus tôt que la contribution maximale ne peut pas dépasser 30 p. 100. Je crois que le sénateur Banks a demandé s'il était possible de majorer ce pourcentage.

Croyez-vous que ce serait un meilleur moyen de procéder? On ne toucherait alors pas à l'universalité, tout en faisant en sorte que les contribuables n'aient pas à payer doublement. Je pose la question à M. Gaudet et à Mme Rosenfeldt.

Mme Rosenfeldt : Je ne suis pas sûre que les Canadiens le verraient de cette manière. Ils ont actuellement l'impression de payer doublement.

Je voudrais faire un commentaire rapide sur la question que vous avez posée à M. Piché. Je ne crois pas que ceci serait très différent de ce qui se passe actuellement quand un prisonnier doit se préparer avant d'être remis en liberté. Il doit obtenir une carte de santé et un numéro d'assurance sociale. Pourquoi cela serait-il très différent? Ce serait simplement une étape de plus à franchir. Toutefois, comme quelqu'un l'a mentionné, il n'y a pour le moment que 19 prisonniers. Nous ne parlons pas d'une population énorme. Mais il faut tenir compte de la façon dont les Canadiens voient cette affaire. Je ne crois pas que les Canadiens soient satisfaits de voir les prisonniers payer 70 ou 80 p. 100 des frais du gîte et du couvert. C'est tout ou rien. Quoi qu'il en soit, je ne peux pas appuyer cette idée. J'appuie plutôt les principes du projet de loi.

M. Gaudet : Pour ce qui est de l'universalité, comme d'autres témoins l'ont dit, il y a dans le pays des précédents de programmes qui sont suspendus. Je ne vois pas pourquoi cela serait différent. Je ne comprends pas non plus les motifs constitutionnels avancés. Il est possible qu'une suspension provisoire du programme soit contestable en vertu de la Charte. En toute franchise, je ne partage pas cette préoccupation.

Pour ce qui est de la suggestion de Mme Gagnon concernant la possibilité de faire payer les détenus pour le gîte et le couvert, je dirais que la proposition est intéressante, mais qu'elle n'est pas en rapport direct avec la situation actuelle. S'il fallait adopter cette suggestion, j'estime qu'elle devrait s'appliquer à tous les prisonniers, ce qui pourrait faire l'objet d'une conversation intéressante. Je dois dire que l'idée aurait de nombreux partisans de ce côté-ci.

Toutefois, cela pose pour moi la question du principe qui préside à cette décision. Depuis son adoption en 1951, la pension de vieillesse a toujours eu pour but d'aider les aînés à joindre les deux bouts. Si nous demandons aux détenus de payer 30 p. 100, par exemple, et même si nous trouvions un moyen de leur en prendre davantage, nous allons devoir soit leur reprendre moins de 100 p. 100, leur permettant de garder le reste, ce qui est contraire au principe du projet de loi, soit récupérer 100 p. 100, ce qui devrait à mon avis s'appliquer à tous les prisonniers, comme coût de l'incarcération. Quoi qu'il en soit, je trouverais étrange d'assumer le coût administratif d'une double opération consistant d'une part à leur payer la pension et, de l'autre, à la leur reprendre.

[Français]

Mme Gagnon : L'objectif de permettre aux personnes âgées en prison de contribuer à leur pension, à leur logement et aux divers frais, c'est un principe de responsabilisation. C'est un principe intéressant pour l'ensemble des contribuables qui paient pour leur logement et pour les coûts entraînés par leur incarcération.

De plus, il ne faut pas oublier que 90 p. 100 des personnes âgées en prison sont des personnes souvent seules et malades. Cela permet aussi à ces personnes de garder une petite partie de leurs prestations pour couvrir leurs besoins qui ne sont pas couverts par le service correctionnel. Elles pourraient aussi faire un peu d'économies en prévision de leur réinsertion sociale. Quand elles vont sortir de prison, elles devront se trouver un logement, s'acheter des meubles, se trouver de la nourriture, et cetera. Aussi, ce ne sont pas des personnes qui ont la possibilité de participer au programme de travail dans les établissements, parce qu'en général, ces personnes de 65 ans et plus sont inaptes au travail, souvent en raison de leurs problèmes de santé physique et psychologique.

Ce que je trouve surprenant dans le cadre du projet de loi C-31, c'est qu'on touche à la catégorie des prisonniers les plus vulnérables de notre société; les personnes âgées en prison. Je comprends que les contribuables canadiens aient été choqués concernant la situation de M. Olson. Cependant, les Olson de ce monde, il y en a à peu près 19 actuellement dans les établissements carcéraux. Les autres sont des personnes âgées qui n'ont pas commis ce genre de crime.

Vous avez des personnes de toutes les conditions sociales, avec différentes conditions physiques. Elles ne sont pas en bonne santé physique et elles sont souvent pauvres. Elles sont entrées en prison parce qu'elles étaient pauvres et elles vont en ressortir encore plus pauvres. Je ne crois pas que cette loi permettra de favoriser leur réinsertion sociale. Si le gouvernement canadien ne favorise pas la réinsertion sociale des personnes en prison, il y a un risque sur le plan de la sécurité publique. Je pense qu'il faut considérer tous ces éléments.

Les personnes âgées reconnaissent qu'elles sont capables, à même les revenus étatiques, de participer et de contribuer — et je suis certaine qu'elles vont être contentes de le faire —, mais il faut aussi leur laisser un peu d'argent pour qu'elles puissent subvenir à leurs besoins en prison. Souvent, elles ne peuvent pas travailler parce qu'elles n'ont pas la santé pour le faire. Il faut tenir compte de cela.

[Traduction]

Le sénateur Banks : Je remercie les témoins.

Madame Rosenfeldt, je tiens à vous dire un grand merci pour ce que vous et votre mari avez réalisé pendant toutes ces années. Les Canadiens ont une grande dette envers vous. Il serait vraiment extraordinaire si tous les Canadiens, confrontés à toutes sortes de situations, réagissaient comme vous et votre mari l'avez fait.

Mme Rosenfeldt : Merci, sénateur.

Le sénateur Banks : Personne n'aime Clifford Olson ou les 18 autres personnes mentionnées par Mme Gagnon. Je ne les connais pas. Je comprends les sentiments qui ont motivé ce projet de loi, et particulièrement ceux des gens qui avaient des liens directs avec les victimes. Toutefois, l'hypothèse sur laquelle se fonde cette mesure législative me dérange. Il me semble que nous agissons pour une raison qui n'est pas conforme à la logique. Je ne parle pas de Clifford Olson ni de ce qu'il a fait de bon ou de mauvais, je ne cherche pas à savoir s'il faudra un jour le laisser sortir de prison ni à répondre à d'autres questions du même genre.

Le but déclaré du projet de loi, si j'ai bien compris, est de faire en sorte que les prisonniers de 65 ans et plus ne reçoivent plus la pension de vieillesse parce que l'État s'occupe déjà d'eux, à toutes fins pratiques, pendant qu'ils sont en prison. Ils sont nourris, logés, vêtus et soignés. Je crois que c'est la raison du projet de loi : pourquoi devrions-nous payer doublement? Toutefois, comme je l'ai mentionné plus tôt en parlant à un autre témoin, nous ne leur procurons pas de la crème à raser ou des produits d'hygiène féminine. Il y a beaucoup de choses que nous ne leur procurons pas.

La Loi sur la sécurité de la vieillesse remonte aux années 1950. Elle se fondait sur l'hypothèse que les gens ne devraient plus travailler après 65 ans. Je crois que c'est l'idée qui animait les législateurs de l'époque. Il y a un facteur social arbitraire que nous avons accepté : c'est que nous n'avons pas à travailler après 65 ans et que, si le revenu est insuffisant, la pension est là pour aider.

Si le principe est que nous ne devons pas payer doublement, je ne vois pas la différence entre payer doublement à l'extérieur ou à l'intérieur de la prison. Si l'idée est de récupérer les sommes de toutes sources des détenus parce qu'ils ne méritent pas d'être payés doublement, alors le même principe devrait être appliqué à tous les détenus, et pas seulement à ceux qui ont dépassé l'âge de 65 ans. S'il est injuste de payer doublement un détenu de 65 ans, n'est-il pas injuste de payer doublement un prisonnier de 64 ou de 24 ans?

Mme Rosenfeldt : Je ne suis pas sûre de comprendre ce que vous dites, sénateur Banks. Quand on a 64 ans, on n'est pas admissible à la pension de vieillesse.

Le sénateur Banks : Non, mais on peut avoir toutes sortes d'autres revenus.

Mme Rosenfeldt : Nous discutons de la sécurité de la vieillesse, qui présente une énorme différence. Nous ne parlons pas du Régime de pensions du Canada. Il y a des gens qui ont travaillé avant de finir en prison. Ils peuvent avoir commis une fraude, par exemple. Ce ne sont pas tous des Clifford Olson, je n'en disconviens pas. Toutefois, n'oublions pas, une fois qu'ils sont incarcérés dans un pénitencier fédéral, que ce ne sont pas de braves gens au départ. Certains d'entre eux peuvent être réadaptés. Il n'y a pas de doute que ce ne sont pas tous des Clifford Olson, mais je veux être sûre que nous comprenons qu'il ne s'agit pas ici du RPC. Nous parlons de la sécurité de la vieillesse et du supplément de revenu garanti. C'est cet aspect que je trouve choquant, comme d'autres contribuables canadiens.

Je ne comprends pas ce que vous dites. Je ne comprends vraiment pas. Je regrette.

Le sénateur Banks : Tout accusé condamné à deux ans de prison ou plus est enfermé dans un pénitencier fédéral, je crois. Si un délinquant de 35 ans se trouve dans un établissement fédéral et possède une entreprise qui n'a pas été touchée par son incarcération, il reçoit un revenu tiré de cette entreprise.

Mme Rosenfeldt : Ce revenu lui appartient. Ce revenu dont vous parlez ne vient pas de ma poche ou de la poche d'un autre contribuable. Voilà ce qui choque les contribuables. Si un prisonnier possède un million de dollars, je suis sûre que le Service correctionnel du Canada se soucie peu de savoir s'il s'achète 50 tubes de dentifrice ou n'importe quoi d'autre. Là n'est pas le problème. Le problème, c'est l'argent qui sort de ma poche. Qu'il s'agisse de Clifford Olson ou de n'importe qui d'autre, je ne crois pas qu'il soit juste pour un prisonnier de profiter doublement.

Notre organisation n'est pas financée. Nous y avons tout mis. Il est probable que je bénéficierai moi-même du supplément de revenu garanti. C'est un choix que j'ai fait il y a des années. Je paierai aussi des impôts là-dessus.

Voilà une autre question que je voudrais poser. Les prisonniers paient-ils de l'impôt en ce moment?

Le sénateur Banks : Cela dépend de leur revenu brut. S'ils ont des revenus qui les placent dans une tranche imposable, alors, oui, ils paient de l'impôt.

Mme Rosenfeldt : Je m'excuse, je m'écarte du sujet.

Le sénateur Banks : Je comprends la distinction que vous faites. Vous avez tout à fait raison parce qu'il s'agit de fonds publics. Je suis intrigué par l'idée de récupérer le coût de l'incarcération sur les revenus de toutes sources des prisonniers qui en ont les moyens. Le commissaire a déjà en principe le pouvoir de le faire en vertu de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition. J'aime bien cette idée, que le prisonnier ait 25 ou 65 ans.

Mme Rosenfeldt : C'est exact. Pourquoi alors limiter cela aux détenus de 65 ans et plus, sénateur?

Le sénateur Banks : Oui, c'est ma question.

Mme Rosenfeldt : La majorité des détenus n'ont pas les moyens de payer pour le gîte et le couvert. Nous abordons là des questions différentes. C'est un aspect intéressant, mais il n'est pas vraiment au cœur de notre sujet.

Le président : J'aimerais savoir si les autres témoins souhaitent formuler des observations sur le dialogue que nous venons d'entendre.

M. Gaudet : Sénateur Banks, je me demande si nous ne parlons pas ici de deux questions complètement distinctes. La première est de priver les détenus de la pension de vieillesse. Pour moi, cela n'a rien à voir avec la question de savoir s'il convient de demander à tous les prisonniers, quels qu'ils soient, de payer une partie de ce qu'ils coûtent aux contribuables.

Si j'ai bien compris le projet de loi, il se fonde sur la première des deux questions que j'ai mentionnées, qui est de priver les détenus de prestations d'État pour lesquelles ils n'ont pas contribué, qui sont payées par les contribuables et qui ont pour but de permettre aux aînés de joindre les deux bouts ou de payer des coûts que la grande majorité des détenus n'a pas à assumer.

Le sénateur Banks : Vous avez parfaitement raison. Je comprends la distinction, et vous êtes fondé à la faire.

Je vais m'arrêter là parce que ces discussions ne mènent à rien. Vous avez raison de dire que je me suis écarté du sujet du projet de loi et que je parle plutôt de son principe.

Toutefois, si quelqu'un est condamné à deux ans de prison à 65 ans, qu'il purge sa peine dans un pénitencier fédéral et sort deux ans plus tard, nous aurons un problème social parce que cette personne de 67 ans n'a pas assez d'argent pour s'établir. C'était l'autre extrémité par rapport aux affaires du type Clifford Olson.

Monsieur Gaudet, vous avez dit que, pour vous, cette mesure constitue le projet de loi Clifford Olson. Ce n'est pas le cas, car elle touche beaucoup de gens qui ne sont pas des Clifford Olson. Le nombre de personnes touchées par ce projet de loi est beaucoup, beaucoup plus élevé... Je ne connais pas le nombre, mais il s'agit de centaines et de centaines de personnes à l'autre extrémité par rapport à Clifford Olson. De toute façon, je m'arrête là.

Irving Kulik, directeur général, Association canadienne de justice pénale : Je tiens à dire très clairement que l'Association canadienne de justice pénale n'est pas un groupe de défenses des droits. Nous ne prenons pas, d'une façon générale, le parti des détenus ou des délinquants. Nous faisons la promotion d'une politique pénale fondée sur la recherche.

Nous avons trouvé difficile de rédiger ce mémoire de façon à ne pas donner l'impression que nous appuyons Clifford Olson parce que ce n'est pas le cas. C'est un homme absolument odieux. Tout le monde en est conscient et tout le monde en convient. Je trouve qu'il serait déplacé de donner à un projet de loi le nom de cet individu. De toute façon, ce n'est pas officiellement son projet de loi.

Pour revenir à la question du dentifrice et de tout le reste, nous devons quand même reconnaître que les délinquants ne se servent pas de leur argent uniquement pour acheter du dentifrice, de la crème à raser, des brosses à dents et autres. Beaucoup d'entre eux envoient aussi de l'argent à leur famille. Je crois que nous manquons une partie du tableau d'ensemble en parlant d'aider les détenus à s'établir à leur sortie de prison, car il y en a un bon nombre qui ont une famille à qui ils envoient de l'argent pendant qu'ils purgent leur peine. L'argent ne sert pas seulement à se payer de bonnes choses.

Je voudrais enfin noter que les aînés incarcérés sont en général assez âgés. Dans le système carcéral, les détenus qui ont trempé dans des activités criminelles pendant toute leur vie et qui ont 50 ans ou plus sont considérés comme relativement âgés. Malheureusement pour eux, c'est leur mode de vie qui les a menés en prison ou qui les y a ramenés, s'il s'agit de récidivistes. Par conséquent, une personne qui est encore en prison à 65 ans ou plus est très âgée et a toutes sortes de besoins. M. Head a parlé des soins de santé. Il y a en fait beaucoup d'autres aspects.

Si nous nous en lavons les mains en enlevant à ces gens leur pension de vieillesse, cela ne changera en rien le fait que la société et la communauté demeurent responsables d'eux à leur sortie. Ils continueront à coûter de l'argent aux contribuables, que cela nous plaise ou non, sous forme de soins de santé, de soutiens sociaux, de logement et autres. Je vous demande d'y réfléchir car il faudra compenser d'une autre façon au moins une partie de l'argent qu'on leur aura enlevé en les privant de la pension de vieillesse.

M. Gaudet : Il y a un important sentiment qui s'était manifesté au comité de la Chambre des communes et dont nous sommes de nouveau témoins ici, au Sénat. C'est que vous, législateurs, vous efforcez de tenir compte du fait que ce projet de loi touche quelques centaines de personnes et que la société a l'obligation morale de venir en aide à ceux qui ne peuvent pas s'aider eux-mêmes. J'apprécie ce sentiment.

Toutefois, les gens qui reçoivent la pension de vieillesse et qui ne sont pas en prison se servent de l'argent pour payer leurs factures mensuelles. Je suis un peu inquiet quand j'entends dire que la pension permet aux prisonniers de se constituer une réserve pour les aider à se réintégrer à leur sortie.

C'est un sentiment très noble. Toutefois, je reviens aux observations de M. Kulik, qui a dit essentiellement que nous avons une obligation morale. Nous entendons constamment parler de prisonniers qui envoient de l'argent à leur famille, mais Mme Gagnon nous a dit que plus de 90 p. 100 de ces prisonniers n'ont pas de famille. Nous ne parlons donc que d'une très petite fraction.

N'empêche, nous ne pouvons pas faire abstraction de ces gens. Mais nous ne pouvons pas, sous prétexte d'une obligation, laisser les prisonniers empocher une pension simplement pour le cas où ils auraient des besoins à l'avenir. Le comité ou encore le Service correctionnel du Canada pourrait déterminer qui sont les personnes en cause, quels sont leurs besoins à leur sortie et comment les réintégrer adéquatement. À mon avis, cette question n'est pas liée au projet de loi.

Le président : D'autres interventions?

Cela met donc fin à cette partie de la séance. Je remercie tous les témoins d'avoir comparu devant le comité. Je remercie également M. Gaudet qui s'est joint à nous par vidéoconférence.

Nous allons maintenant entreprendre l'étude article par article du projet de loi. Y a-t-il des observations générales? S'il n'y en a pas, je vais poursuivre.

Est-il convenu que le comité procède à l'étude article par article du projet de loi C-31, Loi modifiant la Loi sur la sécurité de la vieillesse?

Des voix : D'accord.

Le président : Le titre est-il reporté?

Des voix : D'accord.

Le président : L'article 1 est-il reporté?

Des voix : D'accord.

Le président : L'article 2 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : L'article 3 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : L'article 4 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : L'article 5 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : L'article 6 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : L'article 7 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : L'article 8 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : L'article 9 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : L'article 10 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Nous revenons maintenant à l'article 1. L'article 1 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Le titre est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Comme il n'y a pas d'amendements, le projet de loi est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Le comité souhaite-t-il joindre des observations au rapport?

Des voix : Non.

Le président : Nous n'avons donc aucune raison de siéger à huis clos.

Le comité est-il d'accord que je fasse rapport du projet de loi au Sénat, sans amendements ni observations?

Des voix : D'accord.

Le sénateur Banks : Monsieur le président, avez-vous mentionné l'article 11?

Le sénateur Cordy : Je ne crois pas qu'il l'ait fait. Je n'en suis pas sûre.

Le président : Je n'avais pas d'article 11. Je lisais ce texte.

Le sénateur Banks : Il y a un article 11. Je crois que, aux fins du compte rendu, vous devriez nous demander si l'article 11 est adopté.

Le président : D'accord. L'article 11 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Je vous remercie d'avoir remarqué cela.

Le sénateur Cordy : Je l'ai remarqué, mais personne d'autre ne l'a fait.

Le président : Je m'excuse. Je lisais mon texte. Cela met fin à la réunion d'aujourd'hui.

Nous tiendrons deux réunions la semaine prochaine, mercredi après-midi et jeudi matin. Si, pour une raison quelconque, le Sénat s'ajourne avant la réunion de jeudi matin, il faudra que j'obtienne une permission pour que nous puissions nous réunir. Les réunions de mercredi et de jeudi sont essentielles pour terminer le plan d'urgence en cas de pandémie et l'examen de l'accessibilité de l'éducation postsecondaire.

Nous n'aurons pas vraiment terminé l'examen de l'éducation postsecondaire avant la fin de l'année, mais nous devons remettre le texte au personnel pour que les révisions soient faites. Comme nous avons déjà passé en revue une bonne partie du rapport, je ne voudrais pas que ces efforts soient perdus. Il faut donc remettre le texte au personnel.

Au sujet de l'état de préparation en cas de pandémie, je suis absolument déterminé à en finir et à remettre le plan à la ministre avant la fin de l'année. Nous devons déposer le plan au Sénat, mais, par suite de la décision prise hier au sujet de ma motion, nous n'avons pas à le déposer pendant que le Sénat siège. Nous pouvons le faire après l'ajournement.

Le sénateur Eaton : La réunion que le comité des forêts devait tenir mardi après-midi a été annulée. Le comité souhaite-t-il utiliser ce temps si le Sénat s'ajourne mercredi? Cela nous donnerait un après-midi supplémentaire, le mardi, si les membres peuvent se libérer et qu'ils souhaitent le faire.

Le président : Le mardi soir pourrait être difficile.

Le sénateur Cordy : Ce serait un problème.

Le sénateur Eaton : La réunion aurait lieu de 17 à 19 heures.

Le président : Je n'y verrais pas d'inconvénients.

Le sénateur Eaton : Je vous remercie de votre considération.

Le sénateur Ogilvie : Si possible, le comité de direction l'envisagera. Vous pourrez sonder les membres du comité.

Le président : Très bien. Je vous demande de noter que nous tiendrons nos réunions régulières. Cela met fin à la séance.

(La séance est levée.)


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