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SOCI - Comité permanent

Affaires sociales, sciences et technologie

 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires sociales, des sciences et de la technologie

Fascicule 21 - Témoignages du 3 mars 2011


OTTAWA, le jeudi 3 mars 2011

Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd'hui à 10 h 28 pour étudier le projet de loi C-35, Loi modifiant la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés.

Le sénateur Art Eggleton (président) occupe le fauteuil.

[français]

Le président : Bienvenue au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie.

[traduction]

Le président : Nous entamons aujourd'hui l'étude du projet de loi C-35, Loi modifiant la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés. Notre premier groupe de témoins comprend M. Phil Mooney, président sortant de l'Association canadienne des conseillers professionnels en immigration, la plus grande association professionnelle à but non lucratif de conseillers professionnels canadiens en immigration. Elle se donne pour mission de promouvoir et de protéger les activités de tous les conseillers canadiens en immigration.

Nous entendrons également le témoignage de Ryan Rosenberg, avocat du cabinet Larlee Rosenberg, Barristers and Solicitors, de Vancouver. Il conseille ses clients dans toutes les affaires d'immigration et de citoyenneté canadienne. Ces deux témoins inaugurent nos délibérations sur le projet de loi C-35.

Je vais vous demander de limiter votre présentation à environ sept minutes, mais, au besoin, vous pourrez prendre plus de temps.

Phil Mooney, président sortant, Association canadienne des conseillers professionnels en immigration : Honorables sénateurs, l'Association canadienne des conseillers professionnels en immigration est heureuse de pouvoir contribuer à ce débat important. Depuis 25 ans, notre association représente les conseillers en immigration et encourage l'adoption de changements afin de renforcer l'intégrité du système d'immigration.

Depuis quelques années, en tant que président et président sortant, j'ai comparu devant plusieurs comités parlementaires afin de réclamer des lois plus sévères qui nous permettraient d'éliminer les consultants en immigration véreux. Il est important de faire en sorte que les consultants réglementés qui se livrent à des activités frauduleuses et que les consultants non réglementés ou agents fantômes, soient poursuivis dans toute la mesure permise par la loi.

Les agents fantômes nuisent non seulement aux immigrants potentiels, mais ôtent une partie de leur travail aux consultants légitimes qui obéissent aux règles et qui assument les frais élevés exigés pour l'obtention du statut de conseiller réglementé. De plus, notre réputation en pâtit, étant donné qu'il est difficile pour le public de faire la distinction entre les bons et les mauvais conseillers. La récente campagne publicitaire dénonçant les consultants véreux a porté fruit et a permis d'en alerter plusieurs au sujet du problème. Malheureusement, beaucoup d'entre nous ont aussi perdu des clients. Un de nos membres nous a même rapporté que son fils se faisait dire dans la cour d'école que son père était un escroc. Comment un jeune de 11 ans peut-il expliquer ce qu'est une réglementation?

C'est pourquoi notre association appuie sans réserve le projet de loi C-35 présenté l'an dernier à la Chambre des communes. Nous croyons que le projet de loi C-35 pallie certaines lacunes de la loi existante en comblant le vide législatif qui permettait à des consultants non réglementés de remplir des demandes ou de donner des conseils en matière d'immigration, contre rémunération.

Après avoir demandé pendant six ans que ce vide législatif soit comblé, nous sommes ravis d'apprendre que cela va être fait. Cela nous permettra enfin de collaborer efficacement avec les barreaux pour mettre fin à la pratique d'avocats dérogeant aux règles d'éthique et de membres de la Société canadienne de consultants en immigration, la SCCI, qui abritent de tels consultants. C'est de cette manière que les consultants non réglementés exercent leurs activités actuellement et qu'ils tenteront encore de le faire après l'adoption du projet de loi C-35.

Il est courant pour des consultants non réglementés d'établir une entente avec un avocat ou un consultant autorisé. L'agent fantôme prépare la documentation, facture des honoraires élevés, fait toutes sortes de promesses et paye ensuite un montant modique à un avocat ou un membre de la SCCI en échange de sa signature sur le formulaire de Recours aux services d'un représentant qui autorise l'envoi du dossier. Certains cabinets font ouvertement la promotion de tels arrangements. Jusqu'à présent, on ne pouvait rien faire pour les en empêcher.

Nous avons fait parvenir à votre comité une copie d'un courriel en provenance d'un grand cabinet d'avocats spécialisé en immigration qui affirme sur son site web être le plus grand cabinet de l'Ouest canadien. Dans ce courriel, il propose ce type de service. Ce courriel a été écrit le jour après que le ministre Kenney a déposé le projet de loi C-35 à la Chambre des communes. Cela fait preuve d'un certain esprit d'entreprise, mais la démarche est totalement immorale.

Nous sommes convaincus que cette pratique est répandue. Le projet de loi C-35 nous donne les moyens d'y mettre fin. Nous voulons renforcer l'intégrité du système d'immigration. C'est pourquoi, nous sommes préoccupés par un amendement, déposé à la dernière minute, qui propose d'autoriser les parajuristes de l'Ontario à offrir des services de consultation en immigration.

Nous croyons que les professionnels qui offrent des services de consultation en immigration aux nouveaux arrivants au Canada devraient avoir la meilleure formation possible, respecter les normes les plus strictes et être réglementés par un organisme professionnel spécialisé dans les questions d'immigration.

Il y a actuellement plus de 1 800 consultants en immigration au Canada. Chacun de ces 1 800 consultants a dû subir des examens écrits afin de démontrer ses connaissances et a dû se plier à d'autres conditions d'entrée pour pouvoir pratiquer légalement ses activités. Le changement de dernière minute apporté au projet de loi C-35 permettra à des parajuristes de l'Ontario d'exercer les mêmes fonctions qu'un conseiller en immigration ou un avocat autorisé, sans avoir subi des examens et suivi une formation portant expressément sur les pratiques en matière d'immigration. En Ontario, il y a plus de 2 700 parajuristes qui pourraient appartenir à cette catégorie. Un parajuriste dont les fonctions habituelles consistent à remplir des formulaires destinés à la cour des petites créances pourrait désormais être autorisé à offrir contre rémunération des services de consultation en immigration.

Cet amendement ouvrirait une porte aux agents fantômes et leur permettrait de poursuivre leurs activités. Certains avocats et certains membres de la SCCI permettent déjà à des consultants non réglementés de faire leur besogne, mais si, en plus, les parajuristes viennent grossir les rangs de ces intervenants fantômes, le gouvernement serait d'autant moins en mesure de mettre un terme à cet abus.

Généralement, les parajuristes gagnent beaucoup moins que les avocats. Ils seraient beaucoup plus susceptibles de s'associer à des consultants fantômes. Dans d'autres provinces, les parajuristes sont tenus de travailler pour un avocat. En Ontario, seulement la moitié des parajuristes exercent actuellement leur métier en association avec un cabinet d'avocats.

Honorables sénateurs, vous aviez l'occasion d'adopter une loi qui aurait amélioré la protection des nouveaux arrivants au Canada qui décident de faire appel aux services de conseillers en immigration. Malheureusement, cet amendement de dernière minute risque de rendre ce but beaucoup moins accessible. Nous comprenons l'objectif de cet amendement et nous n'avons aucune objection en principe au fait que des parajuristes puissent offrir des services de consultation en immigration une fois qu'ils auront suivi la même formation et qu'ils seront soumis aux mêmes contraintes réglementaires que les autres conseillers en immigration.

Cet amendement de dernière minute nous éloigne de l'objectif global de la loi proposée. Ces changements feront du tort au système d'immigration du Canada et exposeront les clients des services d'immigration au risque d'être victimes de pratiques frauduleuses, non professionnelles et contraires à l'éthique.

Honorables sénateurs, nous vous demandons de nous aider à réglementer correctement la profession de conseiller en immigration. Nous vous prions d'éliminer le libellé du projet de loi concernant les parajuristes et de restaurer le texte tel qu'il figurait lors de sa première présentation par le gouvernement ou d'insister pour que cette disposition n'entre pas en vigueur pendant la première année. Cela donnerait le temps aux parajuristes d'obtenir la formation nécessaire et de permettre aux barreaux et à l'organisme de réglementation de collaborer à la mise au point de normes de réglementation.

Nous applaudissons et nous appuyons les efforts du gouvernement. Aussi, nous voulons éviter que l'introduction à la dernière minute de mesures erronées nuise aux bonnes intentions du gouvernement. Je vous remercie.

Ryan Rosenberg, avocat, Larlee Rosenberg, Barristers and Solicitors : Je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de quitter le climat relativement doux de Vancouver pour profiter du vent glacial d'Ottawa. J'y suis un peu habitué, puisque je suis originaire de Winnipeg.

Je vais m'intéresser aux points forts et aux faiblesses que j'ai notés dans l'ensemble des amendements proposés. Dans ma pratique et dans mon cabinet, mes collègues et moi-même sommes régulièrement engagés par des victimes de mauvais conseillers en immigration. On nous appelle souvent pour réparer des dégâts catastrophiques tels que des demandes rejetées ou sur le point de l'être, pour faire appel d'une décision ou tenter d'éviter que la demande soit rejetée.

Lorsque nous offrons ces services, nous sommes confrontés à quatre types de consultants. Nous reconnaissons nos clients selon le type de consultant qui est à l'origine de l'erreur ou qui nous a transmis le dossier. Il y a des consultants compétents, des incompétents, des peu scrupuleux et des agents fantômes.

Les amendements que l'on se propose d'apporter à la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, LIPR, permettront à coup sûr de renforcer notre cadre réglementaire. Ils nous donnent l'occasion de réglementer de manière plus significative les consultants qui souhaitent une telle réglementation — soit les agents compétents, certains incompétents et certains agents peu scrupuleux, mais certainement pas les agents fantômes. Le contrôle ministériel et la possibilité pour le ministre d'exiger la production de certains documents et de certaines informations de la part de l'organe désigné qui assurera en bout de ligne la surveillance des consultants en immigration, sont des points forts indéniables des nouveaux amendements. C'est une énorme amélioration par rapport à la structure actuelle dans laquelle l'organisme de réglementation n'est pas véritablement tenu de rendre des comptes.

Les agents fantômes travaillent de façon clandestine, essentiellement dans des marchés situés outre-mer, comme en Chine et en Inde. Ils encouragent leurs clients à ne pas divulguer leur existence sur le formulaire de Recours aux services d'un représentant dont M. Mooney a parlé. Les demandes sont envoyées sans aucune mention d'un représentant. Le prétexte invoqué est clair. Les agents fantômes disent à leurs clients : « Ce n'est pas la peine de déclarer mon intervention et de remplir ce formulaire, parce que cela ne fait pas plaisir au gouvernement de savoir qu'il a affaire à quelqu'un de plus malin que lui. »

Les agents fantômes traitent avec deux types différents de clients. Ou, si l'on veut, il existe deux types d'agents fantômes. Certains d'entre eux cherchent leurs victimes parmi les immigrants potentiels. Ils escroquent leurs clients potentiels en leur faisant miroiter une immigration au Canada — « Donnez-moi tant d'argent et je m'arrange pour vous obtenir votre statut d'immigrant » — mais évidemment, ils ne tiennent pas leurs promesses. D'autres consultants fournissent des conseils en immigration inexacts ou incomplets en échange d'une somme rondelette payée sous forme de commission ou d'honoraires. C'est la première catégorie de conseillers fantômes.

La deuxième catégorie comprend les collaborateurs. Ces agents échappent totalement au contrôle que peut exercer le Canada. Les clients font appel à eux parce qu'ils ne sont pas réglementés. Certains immigrants potentiels veulent cacher certaines informations aux autorités canadiennes dans leur demande d'immigration; ou encore, ils savent qu'ils ne sont pas admissibles et souhaitent produire de faux documents à l'appui de leur demande. Il existe toute une industrie, en particulier en Chine; je rencontre constamment ce type de dossier. Les gens font appel à des agents fantômes pour fabriquer de faux états financiers qu'ils présenteront à l'appui d'une demande fédérale d'immigrant investisseur, des pièces d'identité pour prouver ou cacher certaines relations familiales, des transcriptions, des ordonnances de la cour, et cetera; la liste est longue. Un secteur énorme et très lucratif vit de ce type de services fantômes.

À mon avis, les agents fantômes qui exercent outre-mer réagiront à notre tentative de modifier ou de renforcer la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés avec un mélange de perplexité et de mépris. Tout simplement parce que ceux qui ne souhaitent pas être réglementés survivront très certainement à nos efforts les plus énergiques pour les éliminer. Je crains que les agents fantômes ne se multiplient, en raison des messages confus qu'envoie aujourd'hui notre gouvernement. D'un côté, les amendements prévoient de nouvelles mesures punitives, mais ces amendements contribueront à enfoncer les agents fantômes dans la clandestinité. D'autre part, nous encourageons au départ les agents fantômes à offrir leurs services dans le secteur de l'immigration.

En vertu du Programme fédéral d'immigration des investisseurs, des avocats ou des consultants perçoivent de lucratives commissions lors de l'aboutissement positif d'une demande qui entraîne nécessairement le placement d'une somme d'argent. Les montants exigés ont récemment changé. Autrefois, le placement devait être de 400 000 $. Dans le cadre de ce régime, les consultants et avocats recevaient, lorsque la démarche était couronnée de succès, des commissions variant de 28 000 $ à 60 000 $. Les intermédiaires financiers ponctionnaient directement 7 p. 100 de ce montant de 400 000 $, qui échappait ainsi au gouvernement, pour le remettre dans les poches des consultants. Depuis, notre régime a changé et le montant du placement a doublé, passant de 400 000 $ à 800 000 $; les commissions ont augmenté, elles aussi. J'ai parlé à plusieurs intermédiaires financiers. À ma connaissance, aucune demande n'a été traitée avec succès depuis l'application des nouveaux critères de placement. Quelques-unes ont peut-être abouti, mais je n'en ai pas entendu parler, étant donné que le programme n'a repris qu'en décembre. Les commissions varient de 80 000 $ à 120 000 $, la majorité d'entre elles se situant autour de 100 000 $. Tout l'argent ne provient pas du gouvernement. La banque qui accepte le placement en ajoute une bonne partie. Ce que je veux dire, c'est que les conditions n'ont jamais été aussi favorables. Les raisons de se joindre au secteur non réglementé n'ont jamais été aussi fortes et les agents sont prêts à prendre n'importe quel moyen pour mener à bien les dossiers qui leur sont confiés.

Je prévois une augmentation du nombre de documents frauduleux et je crois que les gens seront prêts à omettre certains détails pour que les demandes soient acceptées. Nous le constatons régulièrement dans nos bureaux. Nous recevons des clients qui ont fait un placement mais qui n'ont pas été acceptés comme immigrants parce que les agents frontaliers au point d'entrée ont repéré certains détails qui n'avaient pas été notés outre-mer. Le plus souvent, les clients ignoraient l'existence de ces détails qui n'avaient jamais été portés à leur attention, étant donné qu'ils auraient pu ralentir le processus et empêcher les consultants fantômes d'empocher leur commission de 28 000 $ à 60 000 $. Je peux vous assurer qu'avec des commissions de 100 000 $, on va assister à une augmentation en flèche de cette activité.

Les amendements proposés ne sont pas une panacée. Ils s'appliqueront dans un environnement complexe et ils ne régleront pas un certain nombre de problèmes systémiques. Cependant, ils doivent être adoptés, ne serait-ce que dans le but limité mais très important de réglementer ceux qui doivent et désirent l'être.

Le président : Merci. Pour le compte des personnes qui suivent nos délibérations, j'aimerais apporter quelques précisions sur des sujets que vous avez abordés tous les deux dans votre présentation. Tout d'abord, la LIPR, c'est la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés. Deuxièmement, vous avez parlé d'agents fantômes. Qu'est-ce que c'est exactement?

M. Rosenberg : Un agent fantôme est une personne qui propose ses services dans un marché semi-clandestin en vue d'offrir des conseils directs ou indirects à un candidat à l'immigration, dans le cadre d'une demande en vertu de la LIPR.

Le président : Leurs services sont rémunérés.

M. Rosenberg : Oui. Le candidat à l'immigration ne déclare pas qu'il a eu recours aux services d'un représentant. Normalement, au moment du dépôt d'une demande d'immigration, un client qui s'est fait représenter doit inclure dans son dossier le formulaire IMM 5476E, Recours aux services d'un représentant. En remplissant ce formulaire, le représentant et le client reconnaissent que ce dernier a bel et bien choisi un représentant et autorisent le ministère à correspondre avec lui pendant le traitement de la demande. Lorsque le représentant est un agent fantôme, le formulaire IMM 5476E ne figure pas dans le dossier de demande. Étant donné qu'il n'y a aucune obligation de faire appel à un représentant dans le cadre des démarches en vertu de la LIPR, un agent des visas qui reçoit une demande dans laquelle ce formulaire est absent, peut tout simplement penser que le candidat n'a pas demandé les conseils d'un consultant.

Le président : Merci.

Permettez-moi de signaler la présence parmi nous aujourd'hui de Mme Anna Gay, attachée de recherche à la Bibliothèque du Parlement. Elle est chargée de ce projet de loi à la Chambre des communes. Quant à M. Brian O'Neal, lui aussi de la Bibliothèque du Parlement, il est toujours présent parmi nous, Dieu merci.

Je vais vous poser quelques questions au sujet des amendements. Monsieur Rosenberg, les amendements vous conviennent. Monsieur Mooney, vous avez soulevé des questions au sujet d'un amendement. Je suppose que vous appuyez les autres.

M. Mooney : Oui.

Le président : La Chambre des communes a adopté cinq amendements.

M. Mooney : Oui.

Le président : Vous rejetez l'amendement concernant les parajuristes.

M. Mooney : Oui.

Le président : Cet amendement contient la formulation suivante : « membre en règle du barreau d'une province ». Il n'est pas fait mention de l'Ontario, mais je crois que cette province est la seule à admettre les parajuristes au barreau.

M. Mooney : C'est exact.

Le président : Ils sont donc assujettis au code de déontologie du barreau, tout comme les avocats. Est-ce que cela ne suffit pas?

M. Mooney : En effet. Actuellement, les parajuristes de l'Ontario sont soumis aux règles de discipline du Barreau du Haut-Canada; ils ont un code de déontologie qui est, bien entendu, adapté au travail parajuridique. Les parajuristes proposent une vaste gamme de services. Le gouvernement de l'Ontario a décidé de réglementer les parajuristes, parce qu'il y avait énormément d'abus. Beaucoup de parajuristes avaient ouvert leurs bureaux et prétendaient pouvoir traiter des cas de divorce. Le gouvernement de l'Ontario a décidé de réglementer les parajuristes parce que ces derniers se comportaient un peu comme des consultants fantômes.

Le problème, c'est que cet amendement n'a jamais été étudié dans les documents préliminaires, ni en comité. Le dernier témoin à avoir pris la parole avant le ministre était un représentant du Barreau du Haut-Canada. À la grande surprise de plusieurs, y compris de l'Association du Barreau canadien, le témoin a préconisé cette idée en indiquant que c'était le choix de son association professionnelle. Cinq minutes plus tard, le ministre a déclaré qu'il envisageait cette idée. Avant que l'on ait eu le temps de se retourner, l'amendement était prêt. Nous avions présenté notre point de vue plusieurs semaines avant cette intervention. Si nous avions eu la possibilité de débattre de cette idée ou de témoigner en comité, nous en aurions fait certainement le point principal de notre exposé.

On peut dire brièvement qu'il ne s'agit absolument pas d'une question de statut professionnel, mais plutôt d'une question de compétences et de réglementation. L'immigration est une loi bien précise. Les consultants en immigration qui sont réglementés ont l'obligation de connaître la loi et cette connaissance va bien au-delà de celle des procédures à suivre à la cour des petites créances, comme c'est le cas pour un parajuriste. Nous estimons qu'il n'y a pas eu de discussion ou d'information sur la formation que devraient recevoir ces parajuristes, ni quant à l'organisme qui leur accorderait leur agrément ou les autoriseraient à entrer dans la profession. Nous avions de sérieuses réserves — non pas que ce ne serait pas une bonne idée, car c'est toujours bon d'offrir plus de choix aux consommateurs; mais le changement est trop soudain — nous ne comprenons pas comment il est possible d'accepter un tel changement sans se poser de questions, alors qu'on ne dispose d'aucune documentation et qu'aucune recherche ni étude n'a été effectuée pour savoir si ce changement est nécessaire ou si c'est une bonne chose.

Le président : Monsieur Rosenberg?

M. Rosenberg : Je ne connais pas bien la question, mais je ne peux m'empêcher de souligner l'ironie. Si vous demandez à un avocat spécialisé en droit de l'immigration la différence qu'il y a entre lui et un conseiller en immigration, certains vous répondront qu'un conseiller en immigration sait comment faire, mais qu'un avocat spécialisé en droit de l'immigration sait pourquoi la loi impose telle ou telle chose. M. Mooney affirme qu'un parajuriste sait comment faire, mais qu'un consultant sait pourquoi. En bout de ligne, je ne sais pas trop où cela peut nous mener. Cependant, je suppose que le Barreau du Haut-Canada impose une réglementation suffisante aux personnes qui relèvent de son régime; sinon, les parajuristes qui souhaitent pratiquer dans ce secteur devraient répondre à deux maîtres, en l'occurrence le Barreau du Haut-Canada et un autre organisme de réglementation. Je n'ai pas la compétence voulue pour émettre un point de vue à ce sujet.

Le président : Je vais maintenant donner la parole à mes collègues.

Le sénateur Eaton : Merci beaucoup. C'est une question très complexe. Je suis moi-même fille d'avocat. Je vais vous demander à tous les deux de m'éclairer, mais je crois savoir que les avocats se spécialisent, soit dans le droit des sociétés, soit dans le droit pénal, le droit de l'environnement ou encore le droit d'auteur. Monsieur Mooney, en quoi la situation d'un parajuriste qui décide de devenir conseiller en immigration serait-elle différente? Vous-même, vous vous êtes spécialisé dans le droit de l'immigration. Vous avez pris le temps d'étudier la loi et de comprendre ses ramifications.

M. Mooney : C'est exact.

Le sénateur Eaton : Ne peut-on pas espérer qu'un parajuriste en ferait de même?

M. Mooney : Absolument. C'est de cette manière que l'on envisage l'avenir. Le problème, c'est qu'on nous demande d'accepter l'avenir, sans nous dire comment nous allons y parvenir.

Lorsque les conseillers en immigration ont été réglementés, nous avons dû nous soumettre à un rigoureux processus mandaté par le gouvernement. Lorsque le gouvernement a autorisé les premiers consultants en immigration réglementés, il leur a imposé une entente qui les obligeait à franchir certaines étapes précises. Tout cela s'est fait de façon ouverte et publique et la question a été débattue. Nous ne savons rien des conditions qui entoureront les activités des parajuristes qui seront autorisés à pratiquer le droit de l'immigration en Ontario. Nous ne disposons d'aucune information.

Une autre question se pose également au sujet des activités des parajuristes : Jusqu'à présent, seul l'Ontario a choisi de réglementer les parajuristes, mais si ces derniers sont autorisés à pratiquer le droit de l'immigration, ils pourront le faire partout au Canada, étant donné que l'immigration relève du gouvernement fédéral. Un parajuriste établi à Toronto pourrait avoir des clients à Vancouver.

Pour revenir à votre premier point, il est clair que les avocats se spécialisent, mais dès qu'on devient avocat, on est autorisé à pratiquer le droit de l'immigration; on peut pratiquer dans n'importe quel domaine.

Le sénateur Eaton : Cela ne signifie pas nécessairement que vous êtes un expert de ce domaine.

M. Mooney : C'est exact. Nous sommes tenus de ne pas accepter des dossiers pour lesquels nous n'avons pas été formés; cependant, cela ne signifie pas que nous refusons de tels dossiers. Les conseillers en immigration sont autorisés à pratiquer uniquement le droit de l'immigration et doivent suivre un cours universitaire sur l'immigration. Ils doivent satisfaire à des critères d'entrée rigoureux, ils doivent entretenir leurs connaissances et se soumettre à un code de déontologie qui définit strictement ce qu'ils peuvent faire et ce qu'ils ne doivent pas faire. Il a fallu six à sept ans pour mettre toutes ces choses en place, mais on ne voit rien de tel dans le secteur parajuridique. Il y a deux ans, les parajuristes n'étaient absolument pas réglementés.

Cela nous préoccupe. Nous ne sommes pas complètement opposés à cette idée, mais nous voulons tout simplement prendre le temps de la mettre en place. Il n'y a rien qui presse. Le fait que les parajuristes ne peuvent pas pratiquer le droit de l'immigration n'est pas une catastrophe dont tout le monde souffre. S'ils travaillent pour un avocat, ils exercent déjà dans le domaine de l'immigration et l'avocat est responsable de leur travail. Cependant, il y a 1 400 parajuristes.

Le sénateur Eaton : Il me semble que le projet de loi autorise un parajuriste à travailler dans ce domaine, à condition d'exercer ses activités sous la supervision d'un avocat.

M. Mooney : Je ne l'ai pas remarqué.

Le président : C'est dans la section se rapportant au barreau.

Le sénateur Eaton : Le texte se lit comme suit : « Le stagiaire en droit [...] est soustrait à l'application du paragraphe (1) s'il agit sous la supervision d'un membre en règle du barreau ».

M. Mooney : En Ontario, il y a 1 400 parajuristes qui ne travaillent pas sous la supervision d'un avocat. Pourtant, ils sont réglementés par le barreau. Ces juristes seraient ainsi en mesure de pratiquer partout sans nécessiter la supervision d'un avocat.

Actuellement, des parajuristes traitent des dossiers d'immigration sous la supervision d'un avocat. Cette façon de procéder est acceptable car il y a un responsable. Cependant, ce n'était même pas reconnu dans les règles.

Le sénateur Eaton : Ils devront peut-être rendre des comptes au barreau.

M. Mooney : Le barreau est un excellent organe de réglementation. Je le respecte, mais il n'y a pas de plan. On ne nous donne aucun détail. Quelle est l'urgence? Voilà notre question.

Le sénateur Eaton : Merci.

Monsieur Rosenberg, comment feriez-vous pour éliminer les agents fantômes? Faudrait-il proposer un meilleur site web ou rencontrer les candidats en entrevue plutôt que de leur demander de remplir des formulaires à l'étranger?

M. Rosenberg : On ne parviendra jamais à éliminer les agents fantômes. Dans tous les secteurs réglementés, il y a toujours des gens qui œuvrent dans les zones grises et dans la clandestinité. Il sera impossible de les éliminer.

Un moyen efficace consisterait à fournir plus d'informations aux candidats à l'immigration. Actuellement, nos formulaires de demande d'immigration sont essentiellement en français et en anglais, mais je n'ai jamais vu d'avertissement détaillé et complet exposant les attentes auxquelles un candidat est en droit de prétendre, dans sa langue maternelle, ou même en anglais. Cela pourrait être une façon de régler le problème. Je ne sais pas dans quelle mesure ce serait efficace. Cependant, il serait utile de fournir de l'information et d'en obtenir de la part des personnes qui s'appuient sur de tels services et de citer l'exemple des personnes qui ont été victimes d'agents fantômes.

Le sénateur Eaton : Merci.

Le sénateur Ogilvie : Les deux sénateurs qui m'ont précédé ont abordé deux sujets dont je voulais vous parler et les précisions que vous leur avez données m'ont été utiles.

Monsieur Rosenberg, dans votre dernière intervention, il me semble que vous avez pratiquement évoqué une évidence, à savoir que dans presque toutes les professions — mais à coup sûr dans le secteur du conseil financier, en matière juridique et dans de nombreux autres secteurs — on rencontre des gens sans scrupule qui ne respectent pas les normes. C'est un problème qu'il faut reconnaître et accepter.

Le projet de loi définit avec précision les personnes qui sont jugées capables d'exercer leurs activités à l'intérieur du cadre réglementaire. C'est là justement que j'aimerais revenir au sujet des parajuristes. Dans leur cas au moins, ils sont reconnus comme un groupe de spécialistes qui peuvent offrir un service professionnel et responsable dans le respect des règlements découlant de la loi.

Monsieur Mooney, je comprends bien votre point de vue concernant les mesures à prendre pour s'assurer que les parajuristes aient réellement les compétences nécessaires pour offrir leurs services dans ce domaine. Cependant, ils sont clairement désignés, dans le projet de loi lui-même. Il me semble que les barreaux des différentes provinces seraient tout à fait à même de réglementer cette profession et d'intervenir dans ces secteurs, alors qu'ils ne peuvent rien faire dans le cas des agents fantômes. Par conséquent, cette disposition permet à la société de se protéger dans ce secteur.

Je partage également le point de vue que vous avez exprimé dans votre exposé et j'estime comme vous qu'il est important d'élaborer un règlement autour de la mise en œuvre du projet de loi. Mais c'est vrai pour presque tous les textes législatifs. Je pense que vous l'avez bien expliqué et je crois que cet aspect sera pris en compte entre le moment de l'adoption du projet de loi et la mise en œuvre du règlement.

Je ne vais pas poursuivre, parce que vous avez très bien illustré tous deux la situation. Si le résumé que je viens de faire manque de précision, j'accepterai volontiers vos commentaires. Sinon, je ne vous demanderai pas d'élaborer sur le sujet.

M. Mooney : Permettez-moi de présenter quelques commentaires sur les agents fantômes, puisque c'est une expression que l'on utilise constamment. Je vais vous en donner une définition simple : un agent fantôme c'est quelqu'un qui n'est pas réglementé et qui accepte de l'argent en échange de ses services — point final. Comme vous l'avez mentionné, le problème est lié à la LIPR qui présentait une lacune en matière de réglementation des conseillers en immigration. Pour mieux expliquer ce vide législatif, permettez-moi de faire une analogie avec la législation du divorce. Je peux annoncer mes services et proposer à des clients potentiels de les aider à divorcer. Je peux leur offrir de prendre leur déclaration, de remplir tous les formulaires, de les conseiller sur la façon de procéder pour obtenir leur divorce et leur facturer mes services, tout en leur disant qu'ils devront prendre un avocat pour se faire représenter au tribunal.

C'est exactement de cette façon que la LIPR s'est appliquée dans le cas des conseillers en immigration, car selon la loi, un agent qui rencontre sa victime quelque part dans une rue louche et lui propose de l'aider à faire venir sa sœur au Canada au bout de trois mois, moyennant le paiement d'une somme de 10 000 $, et remplit tous les formulaires nécessaires pour y parvenir, ne fait rien de mal. Cet agent a donné de mauvais conseils et s'est fait grassement payer, mais il n'a rien fait de mal, puisque la loi précise qu'elle ne s'applique qu'au moment où la demande est présentée. Cela fait maintenant six ans que nous demandons de modifier ces dispositions et c'est pourquoi nous sommes ravis que le projet de loi C-35 vienne combler cette lacune. Le texte législatif considère désormais comme une infraction le simple fait de fournir des conseils moyennant rémunération.

C'est pourquoi nous voulons aussi étendre cette disposition, puisque de nombreux agents déposent des dossiers qui comportent une signature légitime sur le formulaire de Recours aux services d'un représentant, cette signature étant celle d'un représentant autorisé — un avocat ou un conseiller — qui s'est fait payer 100 $ pour signer le document, en a signé 50 le jour-même sans avoir pris connaissance de tous ces dossiers.

Dernier détail, le gouvernement exigera maintenant que les demandeurs indiquent sur le formulaire de Recours aux services d'un représentant qu'ils ont fait appel à un intermédiaire et qu'ils l'ont rémunéré. Ils devront indiquer le nom de cette personne, faute de quoi on conclura à une représentation erronée. Il y a un problème lorsque les demandeurs ne parlent pas la langue. Le demandeur ne sait pas qu'il y a un problème lorsqu'il envoie sa demande d'immigration portant la signature d'un avocat ou d'un conseiller, mais l'agent fantôme le sait et l'avocat ou le conseiller le sait également. Je soupçonne que c'est le cas de 70 ou 80 p. 100 de toutes les demandes établies par des agents fantômes. Désormais, nous aurons les moyens de régler ce problème.

Le président : Le sénateur Jaffer de Colombie-Britannique est le critique officiel du projet de loi. C'est un simple titre; cela ne signifie pas qu'elle s'y oppose.

Le sénateur Jaffer : M. Rosenberg et M. Mooney ont parlé des agents fantômes. Nous avons tous des anecdotes à ce sujet et j'ai moi-même pratiqué pendant de nombreuses années dans le domaine. Je me tourne vers l'avenir et j'ai très hâte que ce projet de loi soit adopté car nous connaissons tous des histoires horribles qui ont causé énormément de souffrances aux victimes. Je m'inquiète de savoir ce que l'avenir nous réserve. Comme vous le savez tous les deux, le projet de loi indique que le ministre « peut », par règlement, désigner un organisme. J'aurais préféré que l'on utilise le terme « doit », car vous comprendrez tous les deux qu'il serait ainsi obligé de le faire, alors que le terme « peut » ne comporte aucune obligation. Je sais qu'il le fera, mais on ne sait pas à quel moment cet organisme sera constitué et c'est cela qui m'inquiète.

Ce qui m'inquiète aussi, c'est que ce n'est pas un organisme indépendant, comme le barreau, puisqu'il est désigné par le ministre. Je n'arrive toujours pas à comprendre à quoi ressemblera cet organisme. Est-ce que le ministre choisira les membres qui composeront cet organisme ou est-ce que ce sera une entité indépendante dont les membres éliront leurs pairs qui les représenteront au sein de l'organisme désigné? Est-ce que vous pouvez nous dire à quoi ressemblera selon vous cet organisme désigné? La question s'adresse à l'un ou l'autre d'entre vous, mais vous pouvez répondre tous les deux.

M. Mooney : Je peux certainement vous parler du processus de sélection public actuellement en cours. Selon les critères de l'appel de soumissions, l'organisme, nouveau ou autre, qui sera choisi pour représenter les conseillers en immigration doit être un organisme indépendant. Il doit être constitué comme organisme à but non lucratif en vertu de la Loi sur les corporations canadiennes. Nous connaissons la structure de gouvernance du nouvel organisme, structure qui, sur le plan technique, est la même que celle de l'ancien organisme, et vous savez également que l'ancien organisme de réglementation est autorisé à présenter une soumission.

Je crois que le projet de loi C-35 contient des dispositions relativement à l'obligation pour cet organisme de rendre des comptes et précise que le ministre a le pouvoir de modifier cet organisme s'il le désire. L'organisme lui-même devra être une société indépendante régie par la Loi sur les corporations canadiennes, l'ancienne aussi bien que la nouvelle loi qui sera adoptée prochainement. Il est assez facile de répondre à votre question. Ce sera un organisme indépendant. Cependant, personne n'en connaît la structure exacte.

M. Rosenberg : Je n'ai pas grand-chose à ajouter. Je n'ai pas vraiment suivi le processus de soumission. Je sais que la date limite était fixée à la fin de l'année 2010, mais je n'ai pas vu la liste des soumissions qui ont été présentées. Comme l'a indiqué M. Mooney, certains critères de base comme l'indépendance doivent être respectés, et on mettra l'accent sur l'efficacité, l'obligation de rendre compte et un code de déontologie strict.

Selon moi, si l'on peut comparer un bon système d'immigration à un mur très haut, percé d'une large porte, la réglementation des personnes qui gèrent ce système devrait ressembler à un mur très haut, comportant un passage très étroit. J'espère que l'organisme de réglementation se conformera à cette image.

Le sénateur Jaffer : Cet organisme soulève chez moi une autre préoccupation. Au cours des nombreuses années où je me suis adressée à Ottawa pour réclamer un organisme de réglementation des conseillers, je me faisais toujours répondre que les professions étaient réglementées par les provinces et non pas par le gouvernement fédéral. Je sais maintenant que les contrôleurs aériens et certaines autres professions sont réglementés à l'échelle nationale. C'est une réalité. Je ne voudrais pas que ce projet de loi échoue, car il est tellement important. Pouvez-vous nous dire, l'un ou l'autre, si vous souhaitez que cet organisme soit assujetti à la réglementation provinciale ou nationale?

M. Rosenberg : Je crois que la réponse à cette question nous est fournie dans l'arrêt Mangat de Cour suprême du Canada. Étant donné que c'est un domaine fédéral, l'organisme relève de la compétence fédérale. Certains aspects tels que la protection du consommateur relèvent peut-être des provinces, mais je ne pense pas que cela pose problème.

Le sénateur Jaffer : Vous avez raison à propos de la cause Mangat et nous savons tous qu'elle a été portée jusqu'à la Cour suprême. Les règles ont été établies à ce moment-là, mais j'aurais dû ajouter une précision. Je crois que les provinces ont elles aussi leur mot à dire, par exemple pour déterminer la catégorie d'investissement, lorsque les provinces interviennent directement, ou comme dans le cas des travailleurs temporaires en Saskatchewan. Est-ce que cela posera problème?

M. Mooney : Il est intéressant de noter que la question avait été soulevée au moment de l'adoption du règlement, mais à l'époque, il y avait très peu de programmes des candidats des provinces, sauf au Québec et peut-être au Manitoba. Depuis, bien entendu, les programmes des candidats des provinces sont devenus extrêmement importants, mais ils ont également modifié leur façon de procéder et ont renforcé leurs normes en exigeant que les conseillers soient membres du barreau ou de la Société canadienne de consultants en immigration. La seule province qui soit allée plus loin est le Québec qui a ajouté des règles supplémentaires. Un consultant qui veut représenter des demandeurs auprès du gouvernement du Québec — les conseillers en immigration qui ne sont pas réglementés par le Québec peuvent encore le faire et les avocats aussi — doit être membre de la Société canadienne de consultants en immigration et doit satisfaire aux exigences du ministère de l'Immigration et des Communautés culturelles du Québec, le MICC, pour pouvoir communiquer avec les représentants de ce dernier.

Le sénateur Callbeck : Monsieur Mooney, la clôture de l'appel de soumissions en vue de la création d'un organisme désigné par le ministre a bien eu lieu en décembre 2010?

M. Mooney : C'est exact.

Le sénateur Callbeck : Votre association a-t-elle présenté une soumission?

M. Mooney : Notre association s'est regroupée avec d'autres personnes intéressées pour préparer et présenter une soumission.

Le sénateur Callbeck : Monsieur Rosenberg, vous avez dit que le Programme d'immigration des investisseurs avait changé un peu. Depuis le mois de décembre, le montant du placement est passé de 400 000 $ à 800 000 $.

M. Rosenberg : C'est exact.

Le sénateur Callbeck : Avez-vous dit qu'il est possible qu'un immigrant ou une immigrante investisse un tel montant d'argent, mais que sa demande d'immigration soit refusée à son arrivée au Canada?

M. Rosenberg : En effet, nous avons eu connaissance de plusieurs cas à notre cabinet et je peux vous en parler plus en détail. L'immigrant doit placer son argent avant la délivrance du visa; plusieurs semaines peuvent s'écouler avant l'obtention du visa, mais l'immigrant ne devient un résident permanent qu'après avoir satisfait aux formalités au point d'entrée. Dans le cas malheureux dont je vous parle, lorsque l'immigrant est arrivé récemment avec sa famille, l'agent à la frontière lui a posé des questions sur la composition de sa famille. Il s'est avéré que le demandeur principal avait déjà été marié auparavant. Dans sa demande initiale, il n'avait pas fait état de son mariage antérieur parce que — si j'ai bien compris — le conseiller en immigration qui l'avait aidé à remplir sa demande voulait éviter de compliquer le processus. En effet, il aurait eu besoin de documents supplémentaires concernant son premier mariage, un certificat de divorce et éventuellement d'autres documents. Afin de simplifier la demande et d'obtenir sa commission plus rapidement, le conseiller avait décidé de ne pas mentionner ce mariage précédent. Lorsque le client est arrivé au point d'entrée et que l'agent d'immigration a découvert cette omission, il a conclu à un cas de représentation erronée et il a renvoyé l'immigrant en Chine.

Le sénateur Callbeck : Et qu'est-il advenu des 400 000 $?

M. Rosenberg : Notre bureau examine actuellement cette question.

Le sénateur Callbeck : Est-ce que les investisseurs récupèrent en général leur argent?

M. Rosenberg : Nous examinons actuellement cette question.

M. Mooney : La question est de savoir si cet immigrant a versé un montant de 400 000 $ ou s'il a payé des honoraires de 120 000 $ à un intermédiaire financier. C'est ensuite à l'intermédiaire financier de virer l'argent au gouvernement. Les intermédiaires financiers, qui sont des banques, récupéreront vraisemblablement les 400 000 $. La question est de savoir si elles paieront toutes les personnes rémunérées ou si elles demanderont que l'argent soit remis aux clients. J'ai bien peur que les clients qui ont payé 120 000 $, ne reverront jamais cet argent. Par contre, s'il s'agit d'un montant de 400 000 $, on peut raisonnablement s'attendre à ce que cet argent soit remboursé. Le gouvernement devrait s'assurer que les commissions soient remboursées.

Le sénateur Callbeck : Il y a beaucoup de problèmes dans ce domaine.

M. Mooney : Le visa d'investisseur est source de beaucoup de problèmes, mais il y a certaines différences entre un investisseur et une personne qui vient ici en touriste ou pour travailler. L'immigrant potentiel doit se soumettre à un processus strict d'évaluation financière et traiter avec des intermédiaires financiers, la plupart du temps des grandes banques qui sont assez habituées à ce genre de demandes. Elles disposent d'une équipe de juristes pour examiner chaque demande.

Dans le cas du visa d'investisseur, je ne crains pas que des gens non admissibles arrivent au Canada. C'est une partie assez simple de la demande. Les honoraires élevés que mon ami vient de mentionner sont d'énormes montants par comparaison à la somme de 1 000 $ que coûte une demande déposée par un ouvrier qualifié. La tentation est grande, dès que l'on est en présence d'argent.

Le sénateur Martin : Les coûts étant plus élevés et le montant du placement ayant été doublé, tout prend une dimension différente et je suppose que les clients eux-mêmes feront preuve d'une plus grande vigilance dans le choix des personnes qu'ils prendront pour les conseiller. Cela démontre l'utilité du projet de loi, comme vous l'avez mentionné tous les deux aujourd'hui. Dès que le projet de loi sera adopté, cette échappatoire sera éliminée.

Monsieur Mooney, est-ce que votre association se livre à des activités d'information et de sensibilisation, non seulement au Canada, mais surtout à l'étranger? Est-ce que vous collaborez avec vos homologues?

M. Mooney : Absolument. Le projet de loi nous donne l'autorité morale nécessaire pour aborder les journaux du monde entier afin de leur signaler qu'ils publient des annonces de personnes qui enfreignent la loi canadienne. Dans certains pays, ce genre de collaboration est un problème grave. Le projet de loi nous permet d'appuyer les actions du ministre qui agit dans le même sens dans le cadre d'ententes bilatérales.

Nous aurons désormais l'autorité morale pour agir ainsi alors qu'actuellement, nous ne pouvons pas reprocher à des étrangers de faire dans leur pays ce que les Canadiens font eux-mêmes chez eux. Nous disposons de plusieurs plans de sensibilisation.

Dans certaines régions de l'Inde, on peut voir des grands panneaux publicitaires annonçant les services de conseillers qui promettent le monde. Ce sont tous des agents fantômes. Certains de nos membres ont l'intention de dénoncer ces agents dans le cadre d'une campagne publicitaire les accusant d'être des escrocs, preuve à l'appui. Ils n'attendent que le feu vert pour se lancer dans une telle campagne. En effet, ils perdent de l'argent à cause de ces agents fantômes. Ils sont directement touchés dans leur réputation et dans leurs revenus.

Le sénateur Martin : Vous dites que vous attendez ce projet de loi depuis longtemps. Est-ce que de telles échappatoires existent aussi dans d'autres pays? Sommes-nous en avance par rapport à d'autres pays? Si nous mettons en place ce changement, servirons-nous d'exemple à d'autres pays? C'est un marché international et tout le monde est concerné.

M. Mooney : Certainement et les mauvais consultants sévissent aussi dans d'autres pays comme la Nouvelle- Zélande, l'Australie, et ailleurs. De manière générale, nous sommes plutôt en retard par rapport aux autres pays. Par exemple, en Australie, en Nouvelle-Zélande et au Royaume-Uni, un agent doit absolument être réglementé pour pouvoir offrir des conseils ou remplir des formulaires. C'est ainsi depuis longtemps. Aux États-Unis, il faut être avocat pour pouvoir traiter les affaires d'immigration — point final. Je pense que nous nous mettons au niveau des autres pays.

Le sénateur Martin : Je sais que les montants que les investisseurs doivent engager ailleurs sont beaucoup plus élevés. L'investissement de 800 000 $ est le double de ce qu'il était auparavant, mais c'est encore plus abordable que dans d'autres pays.

Le comité de sélection a été établi et sera composé de représentants de Citoyenneté et Immigration Canada, de l'Agence des services frontaliers du Canada et d'experts de l'extérieur. Il semble que toutes les conditions soient réunies pour mener de manière efficace le processus de sélection des responsables de la réglementation de cet organisme.

M. Mooney : Je ne suis pas au courant de la composition du comité de sélection. Cela a dû m'échapper, bien que j'aie suivi tout cela attentivement. Je ne sais pas quelle en sera la structure. Si ces informations sont publiques, j'aimerais en être avisé, mais les soumissions sont déposées. La porte est close et il suffit désormais d'attendre.

Le sénateur Champagne : Monsieur Mooney, vous êtes membre de l'Association canadienne des conseillers professionnels en immigration. En 2008, le comité a recommandé au gouvernement du Canada d'adopter une loi distincte afin de rétablir la Société canadienne de consultants en immigration comme société à but non lucratif. Appartenez-vous à cette société ou êtes-vous à l'origine de sa création? Comment fonctionne-t-elle?

M. Mooney : Un des problèmes auxquels faisait face l'organisme de réglementation de l'époque était qu'il s'agissait d'une société à but non lucratif qui relevait de la Loi sur les corporations canadiennes et qui n'avait donc pas le pouvoir de se retourner contre les personnes qui exerçaient dans le secteur de l'immigration mais qui n'étaient pas membres de la société. Le comité avait recommandé que le nouveau régulateur ait compétence légale, tout comme une association du barreau, car chacun sait que c'est une infraction que de prétendre être un avocat ou de pratiquer le droit sans licence. Telle était la recommandation du comité à l'époque, recommandation reprise un an plus tard.

Avec le projet de loi C-35, le gouvernement ne propose pas exactement cela, mais probablement quelque chose d'assez semblable. Le gouvernement a décidé d'accorder à cette entité un statut d'organisme indépendant. Il y a un an ou deux, j'ai appris au cours d'un débat que le gouvernement ne voulait pas se lancer dans la réglementation. C'est ce qui l'a incité à ne pas opter pour un organisme créé par une loi. Le gouvernement est allé le plus loin qu'il le pouvait sans avoir recours à une loi, laissant le soin au futur organisme de réglementation de répondre à ses attentes puisque le projet de loi prévoit désormais que le ministre aura le pouvoir d'apporter des changements à cet organisme de réglementation.

Le sénateur Champagne : Le ministre aura le pouvoir de désigner cet organisme de réglementation mais aussi celui de révoquer toute désignation faite en vertu de la loi. Ce pouvoir s'appliquera-t-il aux personnes ou à l'association?

M. Mooney : Je crois que ce pouvoir s'applique à l'organisme de réglementation des conseillers en immigration. Le ministre aura le pouvoir de nommer ou d'annuler la nomination d'un organisme. Les conseillers seront autorisés à représenter leurs clients, parce qu'ils sont membres de l'organisme. Nous sommes membres de la Société canadienne des consultants en immigration que le gouvernement a désignée comme organisme de réglementation des conseillers en immigration. La LIPR ne donnait pas au ministre le pouvoir de désigner ou d'annuler la désignation d'un tel organisme. Le projet de loi lui donne ce pouvoir.

Le sénateur Champagne : Vous ne voulez pas qu'un seul mauvais élément au sein de votre association entraîne la perte du statut de conseiller pour tous les membres de votre groupe.

M. Mooney : Absolument pas. C'est la même chose dans le cas d'un mauvais avocat. On a peut-être entendu parler d'un cas, ou peut-être d'un mauvais politicien, quoique cela me paraisse tout à fait improbable.

Dans la mesure où le mandat du régulateur et l'objet de la réglementation consistent à protéger le consommateur, je suis convaincu que ce projet de loi fournit au ministre les outils nécessaires pour s'adresser à l'organisme de réglementation et lui dire : « Je pense que vous exercez bien votre mandat; continuez », ou « J'ai quelques réserves sur la façon dont vous exercez votre mandat. Nous pensons que vous devriez faire ceci ou cela », s'exprimant toujours au nom de son ministère, « Et nous pensons que vous devriez changer ». Auparavant, cela lui était interdit. Il ne peut pas faire certains reproches au régulateur actuel et le menacer de le remplacer. Jusqu'à présent, il n'avait pas le pouvoir de le faire. Le projet de loi lui donne désormais ce pouvoir. Il donne les moyens d'éviter une telle situation.

Le sénateur Eaton : Si j'ai bien compris, l'organisme de réglementation doit être un organisme indépendant qui s'occupe des questions d'éthique. Il sera également assujetti à la Loi canadienne sur les organisations à but non lucratif.

M. Mooney : Oui.

Le sénateur Eaton : Je pense qu'il encouragera une meilleure gouvernance, étant donné qu'il devra rendre des comptes au ministre et qu'il sera assujetti à la Loi canadienne sur les organisations à but non lucratif, ce qui signifie qu'il sera très bien réglementé et supervisé à distance.

Le sénateur Martin : J'aimerais apporter un correctif. Quand j'ai utilisé le mot sélection, un peu plus tôt, je voulais parler en fait du processus de soumission et non pas affirmer qu'un organisme avait été choisi. C'était une erreur de ma part.

M. Mooney : Je pensais que vous étiez au courant de certaines choses que j'ignorais.

Le sénateur Martin : Je voulais simplement apporter ce correctif.

Le président : Permettez-moi de conclure en posant une autre question concernant les agents fantômes qui exercent à l'étranger. Est-ce qu'il existe des mesures bilatérales ou multilatérales particulières? Je crois que M. Mooney a parlé de l'autorité morale que le gouvernement pourrait avoir pour exercer des pressions, car bon nombre de ces problèmes ont leur source outre-mer. Est-ce suffisant? Avons-nous besoin de certaines mesures bilatérales ou multilatérales pour accorder un peu plus de mordant à une telle démarche?

M. Mooney : Je crois qu'il y a une volonté réelle de mettre en œuvre toutes les mesures possibles. Le problème, c'est l'exécution de la loi. Selon moi, le facteur primordial est que le problème des agents fantômes qui exercent à l'étranger s'estompera avec le temps, principalement en raison des changements apportés à l'intérieur du système d'immigration quant au choix des candidats. Jusqu'à présent, les candidats de différents pays intéressés à venir s'établir au Canada pouvaient présenter leurs demandes à partir de Delhi ou de Jakarta. Ils pouvaient se renseigner dans leur propre pays au sujet de la démarche à suivre. La grande différence, surtout au niveau du Programme fédéral des travailleurs qualifiés, c'est que les candidats à l'immigration présenteront leurs demandes depuis le Canada. Ce sont des travailleurs qui sont déjà au pays et qui souhaitent devenir des résidents permanents. C'est un changement important au programme, puisque ces candidats bénéficieront des services de personnes exerçant au Canada. Une plus grande partie des services d'immigration seront offerts à des personnes qui sont déjà au Canada, permettant ainsi de réduire les interventions des agents véreux de l'étranger qui sont beaucoup plus difficiles à réglementer.

M. Rosenberg : Il y a encore beaucoup de travail à faire outre-mer. Chaque fois qu'un Canadien se rend à l'étranger et épouse un ressortissant d'un autre pays, il faut traiter une demande de parrainage. Chaque fois qu'une grande société canadienne doit engager des employés pour répondre aux besoins du marché, il faut émettre des permis de travail. Les activités de traitement des demandes d'immigration outre-mer ne vont pas diminuer ou cesser complètement. Cependant, pour répondre à votre question, je crois que le seul moyen de lutter efficacement contre les agents fantômes, c'est de collaborer avec nos alliés des pays étrangers et de conclure des partenariats avec les autorités en Chine et en Inde, ainsi que dans d'autres pays où le problème des agents fantômes est particulièrement grave, afin de l'éliminer dans toute la mesure du possible.

Le président : Ce qui me préoccupe et qui peut peut-être aussi en inquiéter d'autres, c'est qu'on risque de porter préjudice aux victimes des agents fantômes en essayant de nous en prendre aux agents fantômes qui profitent des candidats à l'immigration et que nous voulons réglementer et punir lorsqu'ils enfreignent la loi. Comment faire en sorte que les victimes ne pâtissent pas de notre lutte contre les agents véreux qui manipulent leurs victimes ignorant toutes les règles, pour des raisons linguistiques ou culturelles?

M. Rosenberg : Actuellement, il demeure de la responsabilité des demandeurs de s'assurer que le contenu de leur dossier est authentique et exact. Ce sont eux qui signent la demande. L'application de nos règles, en particulier en ce qui a trait à la représentation erronée, est très sévère. Nous ne manquons pas d'exemples dans notre pratique, de personnes dont les rêves d'immigration ont complètement été anéantis à cause d'agents fantômes ou de consultants incompétents.

Je ne sais pas dans quelle mesure le nouveau régime améliorera cette situation. Même si nous décidons de nous en prendre aux agents fantômes, je pense qu'il incombera toujours aux candidats de s'assurer que leurs demandes sont authentiques et exactes.

M. Mooney : J'aimerais ajouter quand même qu'il faut éviter d'être naïf. Beaucoup de candidats à l'immigration cherchent eux-mêmes à contourner le système. Le Canada est un pays très recherché. Les conditions de vie dans de nombreux pays sont déplorables et des centaines de milliers de personnes sont prêtes à faire n'importe quoi, signer n'importe quoi et payer n'importe quel prix pour venir s'établir ici. C'est une des raisons pour lesquelles les agents fantômes continuent à prospérer en toute impunité, étant donné que lorsqu'une demande est rejetée, c'est comme si leur complice leur disait : « Je sais que nous avons volé la banque ensemble, mais je suis jaloux parce que je n'ai pas eu autant d'argent que toi ». C'est là un des principaux problèmes.

Sur le plan du service lui-même, je suis tout à fait en accord avec vous : Il est impossible de maintenir l'intégrité du système sans pouvoir s'appuyer sur une disposition de représentation erronée, tout simplement parce que les candidats feraient n'importe quoi pour venir s'installer ici. D'autre part, beaucoup de candidats sont victimes de l'incompétence de certains conseillers parce que ces derniers ne prennent pas le temps de se tenir au courant des amendements apportées à la loi et au règlement, parce qu'ils ne connaissent pas les règles et qu'ils ignorent l'existence d'un nouveau formulaire de demande de permis de travail. Ils se contentent d'expédier les demandes et d'empocher l'argent et le dossier est rejeté, à cause de leur incompétence. Il incombe à l'ordre des avocats ou au barreau et à l'organisme de réglementation des consultants et aux associations comme la nôtre d'informer leurs membres afin de leur permettre d'offrir le meilleur service possible. Cela devrait faire partie de leur formation continue.

Le sénateur Callbeck : J'aimerais, monsieur Rosenberg, revenir au programme des investisseurs. Pourriez-vous prendre quelques instants pour nous expliquer les différentes étapes qu'une demande doit franchir dans le régime fédéral et le régime provincial?

M. Rosenberg : Certainement. Je tenterai d'être le plus bref possible, étant donné le peu de temps qu'il nous reste. Essentiellement, la demande doit contenir des renseignements personnels sur le demandeur ainsi que sur les membres de sa famille, y compris des documents faisant état de leurs actifs nets personnels, l'origine de ces fonds et leur montant total. Cette demande est examinée par un agent des visas outre-mer et, s'il émet une décision favorable, avec ou sans entrevue, le candidat reçoit une demande d'investissement. Les fonds sont virés à un intermédiaire autorisé et un visa est délivré au candidat à l'immigration. L'étape suivante consiste pour le candidat ou la candidate à venir au Canada pour activer son visa et acquérir le statut de résident permanent du Canada.

Le président : Nous avons utilisé tout le temps dont nous disposions. Merci à tous les deux d'être venus nous donner votre point de vue sur le projet de loi C-35. C'est un bon début.

Nous allons maintenant entendre un autre groupe de témoins. De la Société canadienne des consultants en immigration nous entendrons M. Nigel Thomson, qui est président, et M. John Ryan, directeur général. Cette société est un organisme d'autoréglementation à but non lucratif qui a pour mandat de protéger les consommateurs qui ont recours à des services de consultation en immigration, tout en assurant l'éducation, l'examen de la compétence et la bonne conduite de ses membres.

Le Centre pour la réforme stratégique de l'immigration est représenté par M. James Bissett, membre du conseil consultatif. Le centre est un organisme national à but non lucratif composé de citoyens qui estiment nécessaire d'apporter des changements fondamentaux à notre politique en matière d'immigration pour mieux servir les intérêts de tous les Canadiens.

Du cabinet d'avocats Kurland Tobe, nous avons M. Richard Kurland, un avocat de Vancouver qui offre des services de consultation en immigration. Il est analyste de politiques d'immigration et avocat spécialisé en immigration canadienne.

Bienvenue à tous.

Nigel Thomson, président, Société canadienne de consultants en immigration : Merci beaucoup. La Société canadienne de consultants en immigration, la SCCI, est heureuse d'avoir l'occasion de comparaître devant ce comité pour faire valoir son point de vue sur le projet de loi C-35. Aux termes du Règlement sur l'immigration et la protection des réfugiés, la SCCI est désignée comme organisme chargé de réglementer les activités des consultants en immigration qui sont autorisés à représenter une personne dans toute affaire devant le ministre, l'agent ou la Commission de l'immigration et du statut de réfugié du Canada, ou à faire office de conseil, contre rémunération.

La SCCI a pour mandat de protéger les consommateurs qui ont recours à des services de consultation en immigration. C'est pourquoi la SCCI appuie toute initiative qui vise à améliorer la protection des consommateurs. Les éléments les plus importants de ce projet de loi permettront aux autorités responsables de prendre des mesures contre les agents fantômes, et ce sont là des éléments que la SCCI réclame depuis longtemps.

Il est juste de dire qu'avant l'établissement de la SCCI en 2004, il n'existait aucun organisme chargé de protéger les consommateurs de services de consultation en immigration. Depuis, la SCCI a grandi comme organisme et s'acquitte de son mandat de protéger les futurs Canadiens.

Je peux admettre que nous sommes loin d'être parfaits. Bien entendu, nous avons des faiblesses, mais je préfère m'en tenir aux faits plutôt qu'à des commentaires sensationnels.

En rétrospective, il est évident que la SCCI a évolué de manière significative depuis sa création, il y a presque sept ans. Pour démontrer que la SCCI est un organisme de réglementation efficace, nous avons demandé à des tiers experts reconnus et respectés d'effectuer des vérifications approfondies dans quatre domaines clés de nos activités, à savoir : la gouvernance, les plaintes et la discipline, l'éducation et la rémunération des membres du conseil.

Les résultats de ces vérifications sont clairs : la SCCI remplit son mandat à titre d'organisme de réglementation de manière responsable et compétente. Je crois que quiconque examine en toute objectivité les rapports de vérification tirerait les mêmes conclusions, mais vous n'avez pas à me croire sur parole. Nous vous avons remis des fiches de renseignements sur chacune de ces vérifications et je vous invite à visiter le site Web de la SCCI où vous pourrez parcourir les rapports complets de toutes ces vérifications.

Les vérificateurs indépendants ont formulé des recommandations sur la façon dont la SCCI peut améliorer ces quatre domaines. Je suis heureux de vous informer que nous avons déjà pris des mesures concrètes pour donner suite à certaines des recommandations et que les autres sont actuellement à l'étude.

La SCCI réclame depuis longtemps que des peines soient imposées aux individus qui se font passer illégalement pour des personnes qualifiées pour offrir des services d'immigration. Les dispositions proposées visent à combler le vide législatif qui permet actuellement aux agents fantômes d'exploiter les consommateurs mal informés. Nous appuyons sans réserve ces dispositions.

L'Agence des services frontaliers du Canada et la Gendarmerie royale du Canada se verront confier le mandat d'enquêter sur les individus qui tentent de déjouer le système d'immigration, ainsi que d'intenter des poursuites contre eux et de les traduire en justice. Nous nous préoccupons du fait que ces organismes gouvernementaux ne disposeront pas des ressources nécessaires pour s'acquitter de ces responsabilités. Nous demandons au gouvernement d'accroître les ressources de l'ASFC et de la GRC afin qu'elles puissent assurer un niveau adéquat d'application de la loi et endiguer les activités illégales commises par les agents fantômes. En l'absence de financement approprié pour soutenir les organismes gouvernementaux concernés et de fonds supplémentaires consacrés aux poursuites contre les agents fantômes, les mains de ces organismes seront liées et les agents fantômes continueront de hanter et d'accabler le système d'immigration.

J'aimerais maintenant passer à une autre question qui préoccupe énormément la SCCI relativement au projet de loi. Cette préoccupation concerne les parajuristes qui seront reconnus comme des représentants autorisés. Le fait d'accorder aux parajuristes le statut de représentants autorisés sans exiger qu'ils soient membres d'un organisme de réglementation nationale de consultants va à l'encontre de ce que proposait le Résumé de l'étude d'impact de la réglementation qui a été publié en 2003. Le Résumé de l'étude d'impact de la réglementation reconnaissait le risque d'avoir plus d'un organisme de réglementation. Ce point de vue a également été appuyé dans le rapport final du Comité consultatif sur la réglementation des activités des consultants en immigration.

La SCCI croit que le fait de permettre aux parajuristes, qui sont régis à l'échelle provinciale, d'offrir des services de consultation en immigration, soulèverait un problème constitutionnel pour le gouvernement. La Cour suprême du Canada a reconnu que la loi doit être appliquée de façon uniforme à l'échelle du Canada dans toute question de compétence fédérale, y compris l'immigration.

De plus, la SCCI croit fermement qu'en permettant aux parajuristes d'être reconnus comme représentants autorisés, cela porterait atteinte au système d'immigration canadien. Les parajuristes n'ont pas la formation nécessaire pour offrir des services de consultation en immigration et les barreaux n'imposent pas de normes strictes régissant l'exercice du droit de l'immigration et n'ont pas d'exigence non plus en matière d'éducation ou de connaissances obligatoires dans le domaine du droit de l'immigration pour les avocats ou les parajuristes. Actuellement, aucune province ou territoire n'impose l'obligation aux parajuristes d'avoir des connaissances en matière de législation, de politiques et de processus fédéraux ou provinciaux.

Finalement, le fait d'autoriser les parajuristes à exercer comme consultants en immigration va à l'encontre de la politique établie du gouvernement visant à réglementer la profession de consultant en immigration et cela pourrait entraîner la création de différents organismes de réglementation, soit un organisme par province ou territoire, en plus des différents barreaux. Les normes nationales cesseraient alors d'exister. Il importe aussi de souligner qu'une telle décision irait à l'encontre de la décision récente du gouvernement du Québec d'accepter finalement les normes nationales établies par la Société canadienne de consultants en immigration.

Le système d'immigration du Canada, son organisme de réglementation et les consommateurs de services de consultation en immigration méritent un système qui est uniforme d'une région à l'autre. Les consommateurs méritent d'avoir l'assurance que les représentants autorisés avec lesquels ils traitent sont des personnes bien formées, qui font preuve d'éthique et qui sont tenues de respecter les mêmes normes professionnelles strictes, quel que soit l'endroit où elles exercent, au Canada ou ailleurs dans le monde. C'est ce que la SCCI a fait et peut continuer de faire dans l'intérêt du système d'immigration canadien.

Je tiens à vous assurer que la Société canadienne de consultants en immigration continuera à remplir son mandat consistant à protéger les consommateurs, en veillant à l'agrément, à la formation et à la bonne conduite professionnelle de ses membres qui comptent plus de 1 800 personnes. La SCCI fait son travail d'organisme de réglementation nationale. Misons sur son expérience et son expertise.

James Bissett, membre du conseil consultatif, Centre pour la réforme stratégique de l'immigration : Mes collègues présentateurs étant des conseillers en immigration, ils connaissent beaucoup mieux que moi la pratique dans ce domaine. Aussi, je vais me contenter de formuler quelques brèves observations. J'appuie clairement le projet de loi et je pense que les amendements proposés sont simples et avisés. J'espère que la promulgation de la loi elle-même servira d'élément de dissuasion contre l'exploitation des nombreuses personnes qui souhaitent venir s'installer au Canada et des personnes qui sont déjà établies ici. Le préjudice que subissent ces victimes n'est pas seulement financier; c'est aussi un coup terrible pour elles, lorsqu'elles apprennent que les promesses frauduleuses qu'on leur avait faites ne pourront pas se réaliser. Leurs espoirs sont brisés, de même que leurs chances d'immigrer au Canada.

Je pense aussi qu'il faut se réjouir des dispositions donnant au ministre beaucoup de pouvoir pour réglementer et superviser le processus de consultation en matière d'immigration. Elles permettent de soumettre la profession de conseiller en immigration aux mêmes règles ou tout au moins à des règles semblables à celles qui s'appliquent aux autres professions au Canada. La promotion du concept d'autoréglementation est essentielle.

Par conséquent, j'estime que le projet de loi est excellent.

Cela étant dit, il faut être réaliste et bien comprendre que malgré ces objectifs bien intentionnés, le projet de loi ne sera peut-être pas aussi efficace qu'on pourrait l'espérer. La plupart des activités d'exploitation et de représentation frauduleuse par des consultants véreux se déroulent à l'étranger. Il est extrêmement difficile de repérer ces consultants, de les traduire en justice ou de les poursuivre. C'est un grave problème.

Souvent, les victimes de ces escrocs hésitent à se plaindre ou à alerter les autorités locales. Et lorsqu'elles ont l'intention de le faire, les agents malhonnêtes avec qui elles ont traité les avertissent qu'ils savent où habitent leur famille et qu'il y aura des représailles si elles signalent la situation aux autorités.

Dans la plupart des pays, ce problème n'apparaît pas suffisamment important aux autorités étrangères pour les faire réagir. J'espère toutefois que cela changera à la suite des démarches très actives entreprises par notre gouvernement à l'étranger.

Le réel problème se situe parmi les agents fantômes qui exercent au Canada. Ils offrent le service à des clients qui leur font confiance et qui appartiennent au même groupe ethnique ou à la même organisation qu'eux. Le consultant remplit tous les formulaires, réunit tous les documents et présente le dossier au ministère, au nom de leur client. Qui est le plus sage? Le client paye son agent et personne ne le sait. Je pense que ce genre de choses se produit beaucoup trop souvent.

Je me souviens d'une époque où il y avait très peu de conseillers en immigration et où les avocats spécialisés en droit de l'immigration n'étaient pas très nombreux. Cela s'expliquait en partie par le fait que le nombre d'immigrants était beaucoup moins grand et que les fonctionnaires du ministère eux-mêmes étaient en mesure d'effectuer ce qu'ils considéraient à l'époque être leur travail, c'est-à-dire aider les immigrants qui souhaitaient faire venir leur mère ou leur père au Canada et participer à la sélection des travailleurs qu'il fallait faire venir au Canada le plus rapidement possible.

Un client pouvait rencontrer un agent d'immigration. Il pouvait se rendre au bureau des visas et s'entretenir avec un agent afin d'obtenir des conseils. Maintenant, ce n'est plus possible. Il est très rare qu'un agent en poste outre-mer rencontre un immigrant. Presque toutes les démarches se font sur papier. Cela empêche le ministère lui-même d'offrir un service qui serait satisfaisant.

En conséquence, les clients doivent faire appel à des avocats et à des conseillers pour se retrouver dans ce que j'appelle le labyrinthe bureaucratique des formulaires, des procédures et des marches à suivre. Sans faire appel à quelqu'un de l'extérieur, le client a peu d'espoir que sa demande soit traitée. Toute tentative de déposer soi-même une demande d'immigration en ligne — pour ceux qui disposent d'un ordinateur et qui maîtrisent l'anglais ou le français — aboutit généralement au découragement, à l'échec et se révèle être une pure perte de temps. C'est pourquoi, les clients ont raison de s'adresser à des conseillers et des avocats. Sinon, ils n'auraient aucune chance de pouvoir se frayer un chemin dans le système.

Il est important de conseiller les immigrants avant leur arrivée. Nous devrions en faire beaucoup plus en matière de prévention afin de rendre la tâche plus difficile aux agents fantômes et aux exploiteurs. Il faudrait consulter les immigrants et les prévenir contre les agents qui leur proposent leurs services contre rémunération, sans être suffisamment compétents pour pouvoir les aider. Il faudrait faire une campagne de publicité pour les avertir. Le ministère et le gouvernement devraient consacrer plus de temps à faire de la publicité dans la presse ethnique afin de dénoncer les agents fantômes et leurs tactiques.

Et il ne faudrait pas se contenter d'afficher ces avertissements sur les sites Web du gouvernement, comme on le propose, je crois. Un bon nombre de victimes ne possèdent pas d'ordinateurs et ne savent pas comment naviguer en ligne. Il faut publier des publicités plus directes dans les journaux et dans les communautés ethniques elles-mêmes.

Nous savons tous que l'adoption d'une loi ne suffit pas et qu'il faut ensuite poursuivre les efforts afin d'appliquer la loi et de prendre des mesures de prévention pour lutter contre les abus. Il faut de la détermination pour mener à bien ce projet de loi et son application et disposer des ressources nécessaires pour véritablement faire changer les choses. Sinon, la fraude et l'exploitation continueront.

Je pense que ces mesures essentielles ont malheureusement fait défaut au Canada et, dans une certaine mesure, je crois que le ministère est en partie responsable. Je termine en espérant que le projet de loi, s'il est adopté, sera vraiment efficace et ne se contentera pas d'être quelques lignes de plus dans la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés.

Richard Kurland, avocat, Kurland Tobe Lawyer : J'aimerais établir le contexte, faire une sorte de survol, à partir de l'exemple québécois. Je suis membre du Barreau du Québec ainsi que de la Law Society of British Columbia.

Voici un exemple à 1 milliard de dollars : Dans les années 1980, la province du Québec a réglementé les firmes de gestion des dossiers d'immigrants investisseurs — les firmes de gestion. Au lieu de s'intéresser à chaque dossier d'immigrant investisseur, le Québec s'est plutôt tourné vers la douzaine d'institutions. En s'adressant à ces institutions et en les motivant, la province est parvenue à renforcer l'observation au micro niveau.

Cela a permis d'obtenir d'excellents résultats sur le plan de l'intégrité des programmes, tout en limitant les coûts d'application. Le public était protégé, au point que le sous-ministre de la GRC a pu écrire dans une note de service, obtenue grâce à la Loi sur l'accès à l'information, que les personnes qui investissaient dans le programme d'immigrants investisseurs du Québec récupéraient leur argent dans 99 p. 100 des cas. Par comparaison, une personne sur cinq investissant à l'extérieur du Québec perdait complètement son investissement. Le Québec obtenait ces résultats uniquement grâce à quelques changements au niveau du mécanisme de surveillance et de conformité. Les critères sont les mêmes dans le projet de loi C-35.

L'idée consiste à réglementer les personnes qui traitent avec un grand nombre d'immigrants. Cela revient moins cher. Dans les faits, on confie la surveillance de la conformité au secteur privé, ce qui permet de protéger le public à moindre coût.

Est-ce que le projet de loi C-35 va dans le même sens? Absolument. Est-ce qu'il entraîne certains problèmes en empiétant sur des compétences provinciales, en particulier dans le cas des parajuristes? Oui, mais laissons le secteur privé régler ces problèmes.

Les parajuristes ne peuvent pas connaître et ne connaîtront jamais tous les détails complexes des nombreuses régions du Canada, ni les règles qui s'appliquent à l'extérieur de leur province, et le secteur privé s'adaptera rapidement au fait qu'un parajuriste d'une province ne connaît pas les rouages des autres provinces. Ils sont peut-être trop spécialisés dans leur domaine.

Néanmoins, ce n'est pas la question qui nous préoccupe. Le public est-il protégé lorsqu'il peut se plaindre auprès d'un organisme de réglementation? Oui, et c'est ce que propose le projet de loi C-35.

Pendant que j'étais ici, j'ai eu l'avantage d'entendre les témoignages qui ont été présentés aujourd'hui et surtout les questions posées par les sénateurs Jaffer, Martin et Eaton. Le projet de loi C-35 fournit à nos agents d'immigration de bons outils pour faire respecter la loi, mais il ne va pas assez loin.

D'autres interventions sont possibles — non pas par l'intermédiaire du projet de loi C-35, mais par des mesures complémentaires — afin de protéger le public, de s'en prendre aux agents fantômes et de neutraliser ce qui me semble être une attaque contre l'intégrité canadienne par une oligarchie d'investisseurs établis à l'étranger et sur lesquels nous n'avons pas prise. Il existe un moyen de les neutraliser.

J'attends vos questions.

Le président : Vous pouvez nous en parler maintenant.

M. Kurland : Je peux en effet; ce n'est pas très compliqué. Chaque année, le Canada verse des commissions de 200 millions de dollars à des contacts établis outre-mer. Il suffirait tout simplement de s'inspirer du modèle québécois et d'imposer une règle aux institutions financières exigeant que les commissions soient versées dans des fonds de fiducie de tiers autorisés — les consultants réglementés et les avocats.

Il est possible de suivre le cheminement de l'argent en appliquant ce mécanisme simple de paiement qui n'exige ni loi ni règlement — il suffit d'une directive. L'argent est versé dans un compte en fiducie. Le gestionnaire de ce compte est responsable du déboursement et doit rendre des comptes à l'organisme de réglementation.

En cas de problème, les commissions sont quand même versées dans le fonds de fiducie et y demeurent jusqu'à la conclusion des enquêtes. Le public, c'est-à-dire le demandeur, continue d'être protégé, puisque le processus se poursuit. La seule personne qui est touchée lorsqu'une révision est nécessaire et qu'il faut bloquer les commissions dans un fonds de fiducie, c'est l'agent fantôme. Ce n'est pas le demandeur qui touche la commission.

Pour mettre fin aux abus, il suffit d'exercer un contrôle sur le paiement des commissions. Le projet de loi C-35 fournit les outils nécessaires pour le faire, puisqu'il permet d'accroître la supervision des consultants. Une fois que cet outil est en place, de simples mesures administratives permettent de s'attaquer au problème des agents fantômes en suivant le déplacement de l'argent.

Le président : Je vais commencer par poser une question. Cela suppose que l'argent destiné à ces agents provient du Canada; mais quelle est la proportion de l'argent qui provient du Canada par rapport à celui que ces agents fantômes perçoivent outre-mer?

M. Kurland : Je peux vous expliquer comment tout cela se structure. La commission qui varie, selon ce que nous avons entendu aujourd'hui, entre 80 000 $ et 120 000 $ — elle est en général de 100 000 $ — est payée par l'institution financière canadienne.

Le président : Très bien. Avez-vous essayé d'utiliser cet outil?

M. Kurland : Je ne voudrais pas dévoiler cela avant que ce micro ne soit ouvert.

Le président : J'ai quelques autres questions qui s'adressent à vous tous.

La Société canadienne de consultants en immigration a indiqué clairement qu'elle n'était pas particulièrement satisfaite de la disposition concernant les parajuristes ajoutée sous forme d'amendement. J'aimerais examiner ce point un peu plus en détail.

L'amendement précise que les parajuristes doivent relever d'un barreau, afin qu'ils soient assujettis à un organisme de réglementation. Il est probable que cet organisme leur imposera de respecter un code de déontologie et de compléter leur formation. Je pense qu'il en sera de même pour les avocats. Je ne comprends pas pourquoi vous pensez que ce ne serait pas une bonne chose. J'aimerais aussi entendre le point de vue de M. Kurland ou de M. Bissett. Vous n'avez pas mentionné expressément les parajuristes. En fait, monsieur Bissett, vous avez indiqué que tous les amendements vous semblaient parfaits.

J'aimerais examiner cette question un peu plus en détail avec vous trois.

M. Thomson : Pour commencer, j'aimerais signaler que la Société canadienne de consultants en immigration est préoccupée par l'éducation dans le secteur de l'immigration. Pour le moment, l'Ontario est la seule province qui dispose d'un système de réglementation des parajuristes; les autres provinces envisagent l'idée de la réglementation, mais elles n'en sont qu'aux étapes préliminaires. Et pourtant, même en Ontario, les parajuristes ne reçoivent pas de formation spécialisée en matière de droit de l'immigration et de sa pratique.

À notre avis, l'adoption immédiate d'une telle désignation générale attirerait dans le secteur des personnes qui n'ont ni la formation, ni la préparation exigées des membres de la Société canadienne de consultants en immigration qui doivent satisfaire aux exigences réglementaires en matière d'éducation et subir des examens. C'est une des inquiétudes que nous avons.

Je reconnais avec vous que le Barreau du Haut-Canada est tout à fait en mesure de réglementer les parajuristes, mais il reste à savoir quel serait leur statut et comment cela serait perçu par les membres du barreau et s'il serait possible de créer un groupe qui n'aurait aucune formation ni aucune préparation mais qui serait malgré tout autorisé à pratiquer en vertu de la loi.

Bien entendu, il y aurait un mécanisme permettant d'adresser des plaintes au barreau, mais cela reviendrait à fermer la porte une fois que le cheval se serait échappé.

Par ailleurs, nous craignons que cela ouvrirait la porte à la création de différents types de régulateurs dans les diverses régions du pays, en raison des normes différentes d'éducation et de réglementation. Or, ce n'était pas l'objectif envisagé dans le rapport initial au gouvernement, ni dans les premières mesures législatives qui visaient plutôt à mettre en place des représentants autorisés désignés. Nous pensons que nous nous écartons de la normalisation d'un secteur important du droit fédéral qui exige l'application uniforme de la loi dans toutes les régions du pays, ce qui, selon nous, ne peut se faire qu'en présence d'un seul régulateur.

John Ryan, président-directeur général, Société canadienne de consultants en immigration : J'ai siégé au premier comité consultatif du ministre et le comité était déterminé à éviter toute rivalité entre les régulateurs. C'est pourquoi le gouvernement du Canada s'était prononcé en faveur de la création d'un seul organisme de réglementation. Ce n'est pas sans rappeler ce que l'on envisage dans le secteur des valeurs mobilières, et en grande partie pour les mêmes raisons. Cela permet de disposer d'un ensemble de normes nationales et d'un seul point d'interface avec les consommateurs qui souhaitent déposer une plainte, et non pas 12 ou 13 points différents. Le système d'immigration est déjà complexe aux yeux des demandeurs vulnérables qui arrivent au Canada, qui ne comprennent pas notre système juridique et qui, dans certains cas, ont même de la difficulté avec la langue.

Le président : Vous ne réglementez pas les avocats.

M. Ryan : Non, mais nous avons en ce moment des avocats et nous avons un seul organisme national de consultants en immigration et une seule norme. Comme notre président l'a fait remarquer, nous sommes parvenus l'an dernier à convaincre le Québec d'adopter cette norme nationale. Ce fut un énorme pas en avant. J'aimerais pouvoir conseiller M. Flaherty sur la façon d'obtenir le même type de collaboration dans le secteur des valeurs mobilières.

Nous disposons désormais d'une norme nationale qui nous permet d'exiger que les consultants en immigration nous rendent des comptes. Ce n'est pas parfait, mais c'est un bon début.

Il ne faut pas oublier que l'immigration est du ressort du gouvernement fédéral. C'est un pouvoir partagé avec les provinces pour la sélection des immigrants, mais la décision de la Cour suprême dans l'arrêt Law Society of British Columbia c. Mangat a statué que tout dépend du choix d'avocats fait par le ressortissant étranger qui arrive au Canada. Le système deviendrait beaucoup plus complexe si l'on autorisait les parajuristes dans les provinces.

Le président : Je ne comprends pas très bien, puisqu'il y aurait toujours le même nombre de régulateurs. Il y aurait toujours les barreaux des différentes provinces, plus la réglementation qu'exerce votre organisme, ou celui qui lui succédera.

M. Ryan : Ces organismes sont tous différents sur le plan des normes en matière d'éducation, des normes d'application et des mécanismes de plainte. En plus, il y aurait un organisme de réglementation des consultants, ce qui rendrait les choses beaucoup plus complexes.

Le président : Mais les barreaux régissent déjà les avocats.

Permettez-moi de demander l'opinion de M. Bissett et de M. Kurland à ce sujet.

M. Bissett : Je n'ai rien à ajouter sur la question des parajuristes, mais j'aimerais faire quelques commentaires importants.

L'an dernier, plus de 180 000 travailleurs temporaires sont venus au Canada et il y en a probablement déjà autant ici. Les provinces sont aujourd'hui beaucoup plus actives dans leurs efforts pour attirer des immigrants et nous accueillons un grand nombre d'étudiants étrangers. Il y a plus de 200 000 étudiants au Canada. Ces trois groupes — les travailleurs temporaires étrangers, les étudiants et les candidats des provinces — représentent une population extrêmement susceptible d'être exploitée par des escrocs et des agents fantômes.

Dans la plupart des cas, à l'exception du Québec, les provinces ne sont pas en mesure de choisir les travailleurs qu'elles font venir au Canada. Elles délèguent souvent cette tâche à des agents aux Philippines, en Corée ou au Mexique. Nous savons que ces agents exigent souvent une grosse commission pour recruter les travailleurs temporaires qui seront affectés par exemple à une usine de conditionnement de Maple Leaf à Brandon, au Manitoba. L'agent fantôme qui les a fait venir dans la province peut aussi exiger que les immigrants lui versent régulièrement une partie de leur salaire. Il faudrait vraiment surveiller tout ce secteur.

C'est la même chose pour les travailleurs temporaires. Souvent, ces derniers ne sont pas sélectionnés par l'employeur qui veut les embaucher. Ils sont recrutés, sélectionnés et choisis par des agents outre-mer. C'est le même scénario pour les étudiants. Très souvent, les écoles qui les font venir ici n'ont pas les compétences nécessaires pour leur enseigner ce qu'ils espèrent apprendre. Les médias ont fait état de certains cas isolés. Ces trois secteurs échappent au contrôle des consultants professionnels au Canada.

M. Kurland : Se tournant plutôt vers l'avenir que vers le passé, la Fédération des professions juridiques du Canada a bien conscience qu'il existe des conflits de compétence et a pris des mesures proactives relativement à la création et au maintien de normes nationales. C'est un effort constant. Les barreaux de toutes les provinces prennent cette direction.

Même si le fait de placer les parajuristes sous la supervision d'une association des professions juridiques au Canada soulève actuellement des inquiétudes, il semble que la Fédération des professions juridiques du Canada sera nettement en mesure de répondre à ces inquiétudes grâce à la mise en œuvre d'un plan stratégique.

Le président : Savez-vous si le barreau de l'Ontario élabore des programmes destinés aux parajuristes?

M. Kurland : Oui. J'ai participé, avec plusieurs de mes collègues au Canada à la mise en œuvre des premières étapes d'un programme de réglementation des consultants en immigration au pays. Nous travaillons sur ce dossier depuis 17 ou 18 ans et nous l'avons toujours bien en main. Nous sommes sur le point de trouver une solution au problème que pose l'uniformisation des connaissances d'une province à l'autre.

Le président : Merci beaucoup.

Je vais maintenant donner la parole au sénateur Jaffer de la Colombie-Britannique qui est critique officiel du projet de loi.

Le sénateur Jaffer : Merci beaucoup. Vous nous avez aidés tous les quatre à saisir la complexité de la question.

J'ai entendu vos commentaires au sujet de la catégorie des investisseurs. Je ne prendrai pas fait et cause pour eux, parce que je pense qu'avec l'argent, on a accès aux meilleurs avocats. Je m'intéresse plutôt aux travailleurs temporaires, aux étudiants et aux familles qui présentent des demandes d'immigration.

À titre d'information pour mes collègues, j'aimerais préciser que M. Kurland est un expert qui suit de près les actions du gouvernement. Il est sans doute mieux qualifié que personne pour vous parler des questions d'immigration. Le personnel de l'immigration ne l'aime pas beaucoup, mais c'est une autre histoire.

Il existe un plan pour les immigrants investisseurs. Quelles autres mesures devons-nous prendre dans le domaine de l'immigration. Par exemple, comment pouvons-nous venir en aide aux étudiants?

M. Kurland : Dans le cas des étudiants et des travailleurs étrangers, nous sommes sur la bonne voie. L'actuel gouvernement a accordé 40 millions de dollars, il y a deux années financières passées, à Ressources humaines et Développement des compétences Canada, RHDCC, pour les mesures d'application de la loi. Une nouvelle équipe s'est vu confier des crédits et des outils pour intervenir dans ce secteur afin de protéger les travailleurs étrangers contre les abus, en exerçant un contrôle auprès des employeurs, ainsi que des activités de supervision et de suivi et en imposant des pénalités.

Dans le cas des étudiants, je vais peut-être laisser le chat sortir du sac, mais Bloomberg news est aujourd'hui en Chine dans le cadre d'une expédition de deux semaines pour le compte des États-Unis, afin d'examiner comment le modèle canadien permet d'appliquer la loi et de protéger le public étudiant. Nous avons des agents chargés de surveiller l'intégrité des migrations qui se déplacent dans le monde entier afin de repérer les agents fantômes et leurs complices. Ils signalent certaines séries de dossiers à examiner.

Au Canada, nous pouvons en faire plus. Je réclame depuis longtemps l'établissement d'une liste d'écoles qui présentent moins de problèmes que la moyenne. Les étudiants qui posent leur candidature à une école qui ne figure pas sur la liste des établissements sélectionnés devraient faire l'objet de mesures renforcées de surveillance.

Nous faisons un excellent travail et représentons pour le monde entier un modèle en matière de protection accrue du public, mais nous pouvons encore nous améliorer.

M. Thomson : Permettez-moi d'ajouter un commentaire sur la même question. Il y a un problème entre le gouvernement fédéral et les provinces en ce qui a trait à la protection des travailleurs et à la législation du travail. La Société canadienne de consultants en immigration a collaboré avec les provinces pour appuyer les règlements provinciaux visant à protéger les travailleurs étrangers temporaires, notamment au Manitoba et en Ontario. Nous avons lancé des discussions préliminaires avec la province de l'Alberta qui, selon nos informations, est sur le point de prendre des mesures en vue d'adopter une loi en ce sens.

C'est un complément ou corollaire important du travail effectué au niveau fédéral en matière de réglementation des consultants en immigration. Les provinces doivent adapter leur propre législation du travail et prendre des mesures pour assurer la protection des étudiants, étant donné que l'éducation relève de la compétence provinciale, ainsi que celle des travailleurs temporaires étrangers qui viennent travailler au Canada.

Le sénateur Jaffer : Le problème est là. Je dois avouer que, dans ma province, il y a beaucoup de travail à faire pour protéger les travailleurs temporaires, en particulier ceux qui proviennent du Mexique.

M. Thomson : Je suis d'accord avec vous.

Le président : Le sénateur Eaton est la marraine du projet de loi C-35.

Le sénateur Eaton : Monsieur Thomson et monsieur Ryan, est-ce que l'organisme que vous représentez a posé sa candidature pour devenir l'organisme désigné en vertu de la nouvelle loi?

M. Thomson : Nous sommes actuellement l'organisme désigné et nous avons présenté une demande afin que notre organisme soit reconduit dans ses fonctions de régulateur national des consultants en immigration.

Le sénateur Eaton : Est-ce que d'autres organismes ont présenté leur candidature?

M. Thomson : Nous l'ignorons, mais je pense qu'on peut dire que deux ou trois autres organismes se sont présentés.

Le sénateur Merchant : En vous écoutant ce matin, j'ai cru comprendre que le problème tient au fait que des gens sont trompés, obtiennent de mauvais avis juridiques et sont parfois encouragés à faire de fausses déclarations. Est-ce que les gens qui portent plainte bénéficient d'une certaine immunité? M. Bissett a signalé que certaines personnes qui appartiennent aux communautés ethniques craignent que leurs familles soient menacées.

M. Kurland : Les victimes de trafic d'êtres humains bénéficient d'une immunité particulière. Les lignes directrices le précisent clairement. Cependant, c'est au client de se méfier. La victime est souvent déçue et abandonnée. J'ai consulté les statistiques relatives au soutien humanitaire de compassion accordé à des victimes au cours des quatre dernières années. Pour des raisons qui restent inexpliquées, les statistiques révèlent une augmentation spectaculaire des mesures humanitaires de compassion accordée dans le cadre de dossiers d'immigration au Canada. C'est peut-être le reflet de certaines valeurs familiales ou d'une philosophie particulière; cependant, il faut multiplier les efforts pour venir plus précisément en aide aux personnes qui n'ont rien à se reprocher et qui se retrouvent malgré elles dans une situation désastreuse.

Le sénateur Merchant : Il faudrait prévoir des dispositions de financement pour l'application de la loi. Qu'avez-vous à dire à ce sujet?

M. Thomson : La Société canadienne de consultants en immigration appuie totalement ce projet de loi. Le ministre prend des mesures fermes, courageuses et judicieuses pour s'attaquer au problème des agents fantômes et éliminer l'échappatoire qui leur permettait jusqu'à présent de poursuivre leurs activités. Nous sommes préoccupés par le fait que le projet de loi prévoit de lourdes pénalités pour les personnes qui offrent des services de consultation en immigration sans être réglementées ni désignées représentants autorisés. Nous craignons que l'Agence des services frontaliers du Canada et la GRC n'aient pas les ressources suffisantes pour consacrer leur temps et leurs énergies aux activités d'application de la loi face aux agents fantômes. L'Agence des services frontaliers du Canada et la GRC ont déjà fort à faire avec de nombreuses situations graves relevant de la Loi de l'immigration, telles que le trafic d'êtres humains. Les deux organismes doivent disposer de plus de ressources et de crédits pour être en mesure de faire appliquer les dispositions du projet de loi C-35 qui visent les agents fantômes.

M. Ryan : L'exécution de la loi est l'étape finale. Elle ne doit pas être négligée.

Je félicite le ministre d'avoir pris la décision de consacrer des crédits suffisants à une campagne nationale de publicité visant les agents fantômes et la protection des personnes vulnérables. C'est la première fois que nous constatons un tel engagement de la part du gouvernement. Il faut rejoindre les consommateurs pour les informer et les éduquer afin qu'ils soient en mesure de décider quels agents ils vont choisir et rémunérer pour obtenir des services de consultation en immigration. C'est à ce niveau-là que nous pouvons obtenir les meilleurs résultats. Il faut obtenir une collaboration entre le gouvernement et le secteur privé. Il est clair qu'en donnant aux consommateurs les moyens de faire le bon choix dès le départ, on dépense 10 fois moins d'argent qu'il n'en coûte pour faire exécuter la loi. Pendant des années, nous avons demandé que la loi soit assortie de pénalités. Les dispositions définissant les pénalités doivent être appliquées et suffisamment dissuasives. Cependant, il ne faut pas perdre de vue le consommateur au moment de la prise de décisions. Je veux dire par-là qu'il faut éduquer le consommateur et lui donner les moyens de prendre la bonne décision, quel que soit l'endroit du monde où il se trouve. Voilà une proposition très difficile.

Le sénateur Champagne : Nous avons très peu parlé des personnes qui présentent des demandes de réfugiés. Les demandeurs de statut de réfugié qui arrivent par bateaux complets à Vancouver ou Halifax ont bien dû être regroupés par des agents fantômes qui ont empoché leur argent. Le projet de loi permettra-t-il d'entraver le travail des agents fantômes et d'arrêter le processus?

M. Kurland : Pas le moins du monde.

[Français]

La loi proposée ne changera rien à l'exclusion à la loi. Il est pratiquement impossible de contrer à 100 p. 100 ce genre d'abus.

Le sénateur Champagne : On ne va quand même pas aller couler les bateaux en plein milieu de l'océan.

M. Kurland : Mais non. C'est une décision possible.

Le sénateur Champagne : On n'est pas en Libye ici, on est au Canada.

M. Kurland : À toutes fins pratiques, il s'agissait d'une option qui était présentée au gouvernement d'intercepter des bateaux qui se trouvaient à l'extérieur de notre territoire. Ils ont plutôt choisi de respecter le droit international.

[Traduction]

Notre gouvernement a choisi de respecter le droit international et de ne pas intercepter des navires outre-mer, un choix politique et pratique visant à mettre fin aux arrivées massives de réfugiés. Il a pris la bonne décision et pour la bonne raison. Le projet de loi C-35 ne permettra pas de régler le problème particulier et lancinant de l'exécution de la loi à l'échelle internationale.

[Français]

Le sénateur Champagne : Il arrive souvent, par exemple, que des Haïtiens ayant traversé les États-Unis se présentent à la frontière du Québec, papa, maman, deux ou trois enfants, et déposent une demande de statut de réfugiés. Comment ces personnes trouve-t-elles un avocat ou un consultant qui s'occupera d'elles? Ces gens ne peuvent pas se débrouiller seul, ils n'ont généralement pas d'argent. Cela reste un problème important. Comment sont-ils informés qu'il existe des consultants honnêtes qui peuvent faciliter les choses?

M. Kurland : Le système des ONG, au Québec, présente des solutions en cas d'espèce. La table de concertation du Québec est un organisme qui s'occupe de ce genre de problème et, selon mon expérience, les renseignements sont bien distribués à ces personnes.

[Traduction]

Cela règle le problème. Au Québec, les organisations non gouvernementales présentent une grille d'information. Par ailleurs, le Barreau du Québec dispose d'un service de référence qui fournit des informations au cas par cas. Citoyenneté et Immigration Canada collabore avec le tribunal de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié qui fournit les informations destinées à la protection des réfugiés.

M. Thomson : Permettez-moi d'ajouter que la Société canadienne de consultants en immigration dispose également d'un service d'aiguillage qui permet de transmettre les cas urgents aux membres qui ont les compétences nécessaires pour s'occuper des personnes qui présentent des demandes de statut de réfugié, ainsi que d'autres dossiers graves aux points d'entrée.

[Français]

Le sénateur Champagne : Il n'est pas étonnant que tout le monde veuille s'en venir au Canada.

[Traduction]

Le sénateur Demers : Je propose que M. Kurland soit engagé pour motiver les Canucks avant qu'ils se rendent en séries éliminatoires. Il est extrêmement bon et les autres témoins également.

[Français]

Vous avez répondu à la question du sénateur Champagne, qui était très semblable.

[Traduction]

Pour reconfirmer, quel est le pourcentage de contrôle dont on disposera si le projet de loi est adopté? Aucun, semble- t-il. Vous avez dit au sénateur Champagne que vous serez incapables de tout contrôler, mais aurez-vous suffisamment de personnel? Comme l'a dit le sénateur Eaton, c'est un projet de loi sérieux. Quels sont les moyens dont vous disposerez pour protéger ces personnes? Quelles sont les limites de votre intervention?

M. Kurland : Dans le cas des réfugiés, si l'on revient à l'exemple du Québec que nous avions pris au début, il est possible d'exercer un certain contrôle auprès du régulateur pour l'obliger lui-même à intervenir auprès d'un de ses membres. C'est ce qui est magnifique avec le projet de loi. Il permet de garantir la qualité et de gérer le risque. Pour le régulateur et le gouvernement, ce sont les résultats qui comptent. Il suffit d'exercer un contrôle par informatique afin de vérifier combien de dossiers insatisfaisants sont accumulés par tel agent ou consultant. Au-delà d'un certain écart standard, on suspend tous les dossiers et on ralentit son service. Sa clientèle va diminuer, étant donné que les gens se passeront le mot et se diront : « Ne faites pas affaire avec cet agent. Le service est lent. Les résultats sont mauvais. » Voilà comment on peut assécher les mauvaises herbes. Le projet de loi permet d'appliquer administrativement cette solution.

M. Ryan : Sénateur Demers, je suis un verre à moitié rempli. Je ne me prononce pas et je pense qu'il ne serait bon pour personne de déclarer que l'on ne peut pas influencer ce qui se passe outre-mer. Le ministre a fait quelques déclarations très pertinentes à ce sujet.

Le problème des agents exerçant outre-mer, le trafic de réfugiés sont des questions qui touchent de nombreux intervenants et qui exigent une réaction à des niveaux multiples. Notre société travaille en étroite collaboration avec l'Office of the Immigration Services Commissioner au Royaume-Uni et avec l'Office of the Migration Agents Registration Authority en Australie, ainsi qu'avec l'organisme de réglementation néo-zélandais. Grâce à ces initiatives et à d'autres mesures multilatérales entreprises conjointement par divers régulateurs, car ces relations existent actuellement, nous sommes en mesure de nous attaquer au problème des agents fantômes exerçant outre-mer, un autre aspect du type d'intervention évoqué par M. Kurland.

Je félicite le ministre d'avoir reconnu l'importance de cette dimension. Faute pour notre pays de pouvoir collaborer dans toute la mesure du possible avec les pays sources de l'immigration, ainsi qu'avec les gouvernements de ces pays et leurs agents d'exécution de la loi, les gens qui font appel à des services d'immigration à l'étranger devront redoubler de prudence. En tant que Canadiens, nous pouvons avoir une incidence sur ce qui se passe à l'étranger, même si notre loi nous accorde une marge de manœuvre limitée. Nous devons en prendre conscience et poursuivre nos efforts.

M. Bissett : Le trafic d'êtres humains est tellement généralisé que les consultants professionnels n'ont aucun espoir de pouvoir contribuer à remédier à cette situation. Le problème est beaucoup trop vaste. Par exemple, en 2008, notre pays a accueilli 37 000 demandeurs d'asile. Rappelez-vous que les demandeurs d'asile ne sont pas des réfugiés. Ce sont des gens qui se présentent comme des réfugiés. Ils provenaient de 188 pays différents. Notre système est si ouvert que les ressortissants de n'importe quel pays du monde, y compris des États-Unis — et nous en recevons beaucoup chaque année — peuvent demander asile pour toutes sortes de raisons. Une fois qu'ils atteignent les eaux territoriales canadiennes, ils sont en pays libre. S'ils déclarent être persécutés, on les laisse entrer. Ils peuvent devoir attendre trois ans avant d'obtenir une audience, mais si leur demande est rejetée par la commission, ils peuvent demander à la Cour fédérale l'autorisation d'en appeler. Même si leur demande finit par être rejetée, il y a de grandes chances qu'ils ne retourneront jamais dans leur pays. Après avoir passé trois ou quatre ans dans notre pays, il est trop tard pour envisager leur retour.

En ce qui a trait au nombre élevé de cas comportant des raisons humanitaires, je crois, monsieur Kurland, que la grande majorité d'entre eux concernent des demandeurs d'asile dont la requête a été rejetée mais que le ministère ne peut renvoyer chez eux, car une telle décision serait jugée inhumaine. Nous sommes le pays de choix pour le trafic de réfugiés. Pourquoi? Les passeurs de clandestins — il existe de véritables réseaux professionnels internationaux — exercent leurs activités depuis Istanbul ou un autre pays. Ils sont insaisissables. Et lorsqu'on prend un trafiquant, c'est un simple élément du réseau, un agent mineur, le capitaine du bateau ou un membre de l'équipage. Il est impossible de prendre les grands dirigeants. Le problème est beaucoup plus vaste.

Le président : Il ne nous reste plus que cinq minutes. J'ai trois sénateurs sur ma liste. Je vais laisser chacun d'entre eux vous poser une question rapide avant de clôturer la séance dans cinq minutes.

Le sénateur Cordy : Monsieur Ryan, je partage votre point de vue. Si nous agissons de manière proactive et si nous aidons les immigrants à faire les bons choix, nous économiserons énormément d'argent en terme d'exécution de la loi et de temps. C'est un commentaire positif.

Merci beaucoup à tous. Les informations que vous nous avez fournies ont été très utiles. Monsieur Kurland, je me sens interpelée par le commentaire que vous avez présenté au sujet des commissions de plus de 200 millions de dollars que le Canada verse à l'étranger. Vous avez proposé la création d'un fonds de fiducie. Cela peut se faire par voie de règlement. Vous pourriez peut-être nous donner plus de détails à ce sujet. Nous pourrions peut-être signaler cette idée à l'attention du ministre.

M. Kurland : Le fonds de fiducie est un mécanisme qui existe partout. Si vous êtes un avocat ou un consultant, vous pouvez avoir votre fonds de fiducie. Le mécanisme existe — il suffit de l'alimenter.

Le sénateur Martin : Merci beaucoup de nous avoir éclairés grâce à vos connaissances et d'avoir expliqué pourquoi ce projet de loi vous paraît justifié. Je pense que nous en sommes tous convaincus.

Je vais profiter de votre présence ici, ainsi que de celle de M. Kurland et des autres témoins, pour vous poser une question. Ma question se rapporte aux nombreux étudiants internationaux qui viennent étudier au Canada et qui finissent eux aussi par devenir immigrants. En Colombie-Britannique, par exemple, dans le district scolaire de Coquitlam, c'est un marché de plusieurs milliards de dollars qui s'étend dans toutes les régions du Canada. Je pense que l'éducation est un de nos plus grands attraits. On peut penser que les consultants qui offrent ce service sont les mêmes que ceux qui prennent les familles pour victimes. Pensez-vous que le projet de loi contribuera également à alléger les inquiétudes attachées à ce secteur?

M. Thomson : Jusqu'à présent, la loi existante ne permet pas de contrôler le processus avant la présentation d'une demande au ministre. Le projet de loi donne au ministre la capacité de réglementer et de contrôler tous les aspects des services de consultation ou d'information répondant à la définition de services de consultation en immigration. Le projet de loi couvre tous ces aspects.

Il permet d'éliminer une échappatoire qui laissait les consultants en éducation, les conseillers d'étudiants et les recruteurs de travailleurs temporaires exercer leurs activités en contournant notre loi. Le ministre a pris une mesure importante en fermant cette échappatoire. Les nouvelles dispositions permettront d'améliorer considérablement les règles concernant la venue d'étudiants et de travailleurs temporaires étrangers en exigeant que toute personne qui offre des services d'orientation ou d'information soit réglementée.

Le président : D'autres commentaires? La dernière question sera pour le sénateur Eaton.

Le sénateur Eaton : J'aimerais obtenir une précision. Le ministre Kenney a présenté un projet de loi actuellement débattu à la Chambre des communes qui concerne le trafic de réfugiés qui arrivent par bateaux complets au pays et les demandeurs d'asile. Nous aurons un jour à nous pencher sur ce projet de loi.

Le président : En effet, nous aurons un jour à nous pencher sur ce projet de loi et vous pourrez revenir pour nous en parler.

Je remercie nos témoins. Vous nous avez fourni beaucoup de matière à réflexion. Nous vous remercions d'être venus.

Mesdames et messieurs les membres du comité, voilà qui met un terme à nos réunions d'aujourd'hui. Nous nous pencherons à nouveau sur le projet de loi C-35 mercredi à 16 h 15. Nous espérons que ce sera la dernière séance consacrée au projet de loi C-35.

(La séance est levée.)


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