Aller au contenu

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Transports et des communications

Fascicule 2 - Témoignages


OTTAWA, le mercredi 28 avril 2010

Le Comité permanent des transports et des communications se réunit aujourd'hui, à 18 h 46, pour étudier les enjeux émergents liés à son mandat en matière de communications et au secteur du sans-fil, notamment l'accès à Internet haute vitesse, la fourniture de largeur de bande, le rôle du sans-fil dans l'édification de la nation, le rythme d'adoption des innovations, les aspects financiers liés aux changements possibles dans ce secteur, ainsi que le développement de ce secteur au Canada comparativement au développement à l'étranger.

Le sénateur Dennis Dawson (président) occupe le fauteuil.

[Français]

Le président : Bonsoir, monsieur Courtois. Chers collègues, j'ai dit à M. Courtois qu'il avait l'occasion d'être le dernier témoin du comité pour l'étude sur les enjeux émergents liés à son mandat en matière de communications et au secteur du sans-fil. Comme les politiciens ont une petite tendance à écouter la dernière personne qui leur parle, je lui ai dit qu'il avait l'avantage d'avoir notre attention avant que nous passions à la rédaction de notre rapport. M. Courtois est accompagné de M. Brendan Glauser, gestionnaire aux communications, à l'Association canadienne de la technologie de l'information.

À la fin de la séance, nous allons prendre deux minutes pour parler des affaires futures du comité, et par la suite, les membres du sous-comité du programme et de la procédure vont se rencontrer pour continuer l'élaboration du rapport.

Monsieur Courtois, la parole est à vous.

Bernard Courtois, président et directeur général, Association canadienne de la technologie de l'information : Merci, monsieur le président. Il nous fait très plaisir d'être ici. Nous considérons que vos travaux sont d'une grande importance pour le pays. Pour ceux qui ne connaissent pas notre association, nous sommes l'Association nationale de l'industrie des technologies de l'information et des communications au Canada. Nous représentons seulement cette industrie qui est très diversifiée et qui comprend tout ce qui a trait aux télécommunications mobiles et fixes, aux logiciels, aux services de technologie de l'information, et le reste.

Comme association nationale, nous sommes impliqués dans des questions de politiques publiques importantes. En ce moment, ce qui nous occupe primordialement, c'est la question d'une stratégie pour l'économie numérique pour le Canada.

[Traduction]

La stratégie du Canada pour une économie numérique est évidemment fondée sur l'élément constitutif de base, à savoir une stratégie de large bande. Nous ne sommes pas le seul pays à mettre au point une stratégie pour une économie numérique. Nous sommes très heureux que le gouvernement ait inscrit dans le discours du Trône que nous allons passer à l'action au cours des prochains mois.

Des pays comme la Grande-Bretagne, la France et l'Allemagne ont créé Digital Britain, France numérique et Digital Germany. L'Union européenne avait une stratégie ciblant 2010, stratégie que les Européens sont actuellement en train de mettre à jour. Ils annonceront au cours des prochains mois que leur date cible est 2015. La raison pour laquelle un si grand nombre de pays industrialisés créent des stratégies nationales dans ce domaine — et aussi beaucoup de pays en développement, dont bon nombre sont de nouveaux concurrents pour nous — est que l'économie numérique est en train de transformer nos sociétés et nos économies. La plupart des gens se rendent compte à quel point c'est essentiel pour la croissance économique, la prospérité, le progrès social et la compétitivité.

Il y a 10 ou 12 ans, un certain nombre de pays avaient lancé des stratégies semblables, mais à l'époque, il s'agissait d'amener les entreprises et les consommateurs à l'ère d'Internet. Depuis, le mouvement s'est accéléré et l'on a adopté une approche plus globale pour tirer profit de l'économie numérique dans tout un éventail d'activités et de politiques gouvernementales, mettant en œuvre une approche pangouvernementale. Nous utilisons les nouveaux outils fournis par l'ère numérique pour aller de l'avant sur le plan du progrès et de la compétitivité.

Pour illustrer ce propos, je rappelle qu'aux États-Unis, la Federal Communications Commission a reçu le mandat il y a environ un an et demi de faire une étude en vue d'une éventuelle stratégie de la large bande pour les États-Unis. Le rapport de 360 pages a été publié il y a environ un mois. Il traite de toute une gamme de sujets et démontre à quel point la large bande rejoint tous les aspects de la société, qu'il s'agisse des services gouvernementaux, des services publics, de la santé et évidemment du développement économique dans une économie moderne.

Aujourd'hui, quand on parle de large bande, il ne s'agit pas seulement de permettre à tous les Canadiens de se connecter à la large bande à un taux de connectivité de, disons, 1,5 mégabit de connectivité. Je sais que cette tâche n'est pas tout à fait achevée. Dans la sphère des politiques publiques, chacun doit maintenant avoir à l'esprit la prochaine génération de large bande. Il y a un débat à savoir si ce sera 100 mégabits, 25 mégabits ou 30 mégabits ou quoi que ce soit. Je ne suis pas certain que quiconque puisse jamais établir dans le monde numérique un chiffre qui sera définitif. D'ailleurs, d'aucuns se demandent déjà si la cible de X mégabit/100 mégabits est vraiment l'élément le plus pertinent.

Il fut un temps où l'on achetait des ordinateurs pour lesquels on annonçait une certaine vitesse de traitement, mais cela ne se fait plus parce que ce n'est plus pertinent. Désormais, la capacité d'un système ne se mesure plus simplement en terme de vitesse de traitement. Dans le domaine de la prochaine génération de large bande, ce qui est important, c'est la capacité de faire de la vidéo interactive et probablement de la vidéo de haute définition, afin de pouvoir tirer profit de toutes les possibilités de la large bande. Cela permettra par exemple à un patient d'échanger en direct avec un médecin ou une infirmière. Les médecins consulteront des images prises par IRM et des radiographies transmises avec grande précision ou pourront même faire de la télémédecine, de sorte que les citoyens pourront interagir avec les services publics et les gouvernements.

Installer une large bande de 1,5 mégabit dans un pays aussi vaste et peu densément peuplé que le Canada est déjà tout un défi. Nous devrons relever des défis semblables au moment d'aborder la prochaine génération de large bande. Nous devrions nous fixer comme objectif d'installer la prochaine génération de large bande pour tous les Canadiens d'ici cinq ans, ou peut-être d'ici 2017, année qui marquera notre 150e anniversaire.

Les temps changent toutefois, à la fois sur le plan de ce que nous pouvons accomplir et dans la manière de s'y prendre. La technologie continue d'évoluer à un rythme rapide. Divers éléments technologiques deviennent plus performants et atteignent, bien qu'à des coûts élevés, des niveaux de performance permettant de faire beaucoup plus de choses. Cela induit un changement dans notre comportement et dans la manière dont nous menons nos activités et communiquons. Déjà, au niveau du réseau filaire, la technologie DSL passe au niveau DSL2, qui est plus rapide. On a maintenant un câble coaxial doté de la technologie DOCSIS 3, qui sera à la portée des Canadiens d'ici deux ou trois ans. Il achemine déjà 50 mégabits dans certains cas et l'on atteindra bientôt 100 mégabits ou davantage.

On installe des câbles en fibre un peu partout au pays, que ce soit dans le cadre de projets pilotes ou dans de nouveaux lotissements, directement dans les résidences ou jusqu'à des nœuds situés tout près des maisons et des entreprises. Nous avons le Wi-Fi, qui est actuellement la manière la plus populaire de se brancher sans fil, à part le téléphone portable. Nous avons le WiMAX qui s'en vient et le LTE, qui est la quatrième génération de Wi-Fi, ainsi que le 3G avancé, qui fournit déjà pour les portables une grande partie de la capacité que l'on associe à la prochaine génération de large bande.

Sur le plan des satellites, chaque nouvelle génération de satellites est capable de fournir un débit beaucoup plus élevé tout en réduisant le délai de transmission, de sorte que les satellites deviennent un élément de plus en plus réaliste et important dans la mise en place de la large bande.

Au Canada, nous avons un modèle concurrentiel axé sur le secteur privé qui est différent d'un système centralisé ne comportant qu'un seul fournisseur de réseau, et nous avons une économie ouverte dont le moteur principal est le secteur privé. Dans un tel univers, le cycle des investissements est dicté par la combinaison des progrès technologiques, de la concurrence et du financement public au besoin.

D'autres économies peuvent être beaucoup plus dirigistes pour ce qui est de dicter la mise en place de la large bande dans un délai donné, mais je crois que le modèle concurrentiel fondé sur des entreprises et des investissements privés est en train de rattraper et même de prendre de l'avance. C'est ce que l'on constate actuellement avec notre 3G, si l'on songe au bond de géant que nous avons accompli depuis à peine un an, et aux différentes technologies qui sont utilisées au Canada à la fois pour le réseau filaire et le sans-fil.

Par ailleurs, nous sommes actuellement dans une période — ce sera le cas pour les cinq prochaines années — où nous assisterons à un passage accéléré au portable, à la portabilité, les gens pouvant avoir accès à ce qu'ils veulent quand ils le veulent. Cela comprend la portabilité entre divers appareils à la maison, la portabilité entre le réseau à la maison et les réseaux publics, et la portabilité de manière générale accompagnant tous les déplacements des gens.

L'autre tendance que l'on constate est que le monde du contenu est maintenant beaucoup plus intégré aux réseaux à large bande et aux fournisseurs de services à large bande, par rapport à la situation d'il y a quelques années. Ce phénomène va s'accélérer et soulèvera la problématique de la numérisation de tout le contenu qui est à notre disposition, en particulier les archives publiques et tout le reste, et aussi l'évolution de nos services publics pour qu'ils puissent tirer profit de la capacité de large bande pour fournir des services dignes du XXIe siècle à nos citoyens, afin bien sûr que nos citoyens puissent en tirer profit.

L'une de nos préoccupations à l'ACTI, à titre d'association nationale, est qu'il importe de considérer les régions rurales et éloignées du Canada séparément de l'environnement urbain. Le modèle économique, la situation concurrentielle et les technologies à utiliser sont différents. Et quand on parle de régions rurales et éloignées, cela ne signifie pas seulement les coins les plus reculés du Grand Nord du Canada, ce sont parfois des secteurs situés à la périphérie de nos grandes agglomérations.

La large bande est plus importante dans ces régions qu'au cœur de nos grandes villes, parce que la capacité de se rejoindre et d'éliminer la distance est d'une plus grande importance pour le développement économique et social de ces régions. Les moyens utilisés pour répondre à ces besoins sont différents et font appel à un modèle d'affaires différent et à des technologies différentes, comme je l'ai dit. C'est très important d'en tenir compte.

Je dirais qu'à notre avis, le Canada est bien placé pour atteindre l'objectif que nous devrions nous fixer, selon moi. D'ici 2015 ou 2017, nous devrions viser à mettre à la disposition de tous les Canadiens une capacité de large bande de prochaine génération.

Je vais m'en tenir là, monsieur le président, et je suis disposé à répondre à vos questions.

Le sénateur Plett : Je vous remercie pour cet exposé. Je suis certes heureux d'entendre dire que le Canada a un plan pour 2015-2017. Je possède un Kindle. Je me suis procuré ce Kindle presque un an après sa sortie aux États-Unis. À ma connaissance, les Canadiens ont pu se procurer un iPhone seulement un an après le lancement initial aux États-Unis; dans le cas du Kindle, c'était seulement deux ans après son lancement et même alors, nous n'avions pas certaines capacités sans fil disponibles dans d'autres pays. D'autres appareils et applications ne sont pas disponibles au Canada.

Quelles sont les conséquences pour le Canada de ces délais dans la disponibilité de nouveaux appareils et de nouvelles applications sans fil? Ces retards dans la disponibilité nuisent-ils à la compétitivité des entreprises canadiennes de haute technologie et, dans l'affirmative, de quelle manière?

M. Courtois : Un certain nombre de facteurs entrent en jeu. Il y a d'une part la stratégie de marketing appliquée par les gens qui lancent ces appareils. Parfois, ils adoptent une approche plus exclusive et lancent leur nouveauté par l'entremise d'un petit nombre de fournisseurs. C'est parfois lié à leur capacité de négocier les droits avec les fournisseurs de contenu. Il faut aussi tenir compte de la taille et de la densité du marché.

Dans certains cas, le Canada peut être utilisé comme terrain d'essai. Habituellement, une compagnie vise d'abord les marchés les plus importants et passe un certain temps à tenter de négocier des droits sur le contenu avec les créateurs de contenu. Il y a généralement un léger délai pour le Canada, ce qui n'est pas pour nous plaire. C'est parfois un problème de capacité des réseaux. Sur ce plan, je ne perçois aucune difficulté à l'heure actuelle.

Pour nous, il y a un autre élément qui pose tout un défi : les petites entreprises canadiennes n'adoptent pas la technologie aussi rapidement que leurs homologues américaines pour changer leurs activités. La demande au Canada est un peu plus faible. Nos consommateurs sont habituellement très bons et sont à l'avant-garde, sauf qu'ils semblent hésiter quelque peu à se lancer dans le commerce électronique, ce qui est une manière beaucoup plus efficiente et plus avantageuse de faire des affaires, à la fois pour l'entreprise et le consommateur. Étant donné l'immensité de notre pays, il devrait être naturel pour nous d'adopter le commerce électronique. Pour quelques raisons que nous essayons de comprendre et de contrer, nos consommateurs hésitent un peu à adopter ce modèle.

Nous essayons aussi de réfléchir à la manière dont nous pourrions surmonter la difficulté découlant du fait que l'on n'utilise pas la technologie dans toute la mesure du possible pour rendre les entreprises plus compétitives et leur assurer une meilleure croissance. Nous avons certaines opinions à ce sujet. C'est en partie dû simplement à la taille de notre marché. Quand on a un marché économique 12 fois plus important, comme c'est le cas aux États-Unis, on est prêt à se donner beaucoup plus de mal pour assurer la croissance des revenus. Au Canada, nous devons compenser cela en rassemblant l'information et en concentrant nos efforts sur la tâche à accomplir.

Nous avons toujours été des chefs de file dans les communications. Notre climat, nos grandes distances et notre bonne capacité technologique nous ont toujours aidés à cet égard. Nous sommes encore considérés dans le monde comme des chefs de file au chapitre des communications, quoique nous ne manquons jamais de jeter un œil critique sur nous-mêmes pour faire du rattrapage au besoin.

Le sénateur Plett : Je ne veux pas lancer un débat, mais des membres du comité sont allés en Estonie et en Belgique il y a quelques mois. Je mets quelque peu en doute votre observation que nous sommes des chefs de file dans les communications. Il m'est apparu que l'Estonie était le leader dans la technologie du sans-fil. Bien sûr, nous ne voyons pas beaucoup d'émissions de télévision venant d'Estonie. Je suis disposé à accepter que nous pouvons avoir du retard par rapport à l'Estonie et à la Belgique. Quand je vois à la télévision qu'on lance le iPad à 50 milles de l'endroit où j'habite, je sais que je peux faire une heure de route pour aller m'en acheter un. Je trouve cela un peu frustrant.

J'encourage fortement toutes les instances que nous devrions encourager — peut-être le gouvernement — à faire quelque chose pour rester à la hauteur de notre voisin immédiat, même si nous n'arrivons pas à garder le rythme des pays d'Europe, pour éviter d'avoir à attendre deux ans avant d'obtenir un nouveau produit.

Le vice-président veut désespérément regarder une épreuve sportive sur laquelle il a parié 10 $ qu'il va d'ailleurs perdre ce soir.

Le sénateur Mercer : A-t-il parié sur Washington?

Le sénateur Plett : Je parie sur Washington. L'argent, c'est de l'argent.

Dans le récent discours du Trône, on proposait d'assouplir les règles de propriété étrangère dans le secteur canadien des télécommunications. À votre avis, quels changements devraient être apportés aux restrictions actuelles concernant la propriété étrangère?

M. Courtois : Premièrement, je voudrais faire rapidement une observation sur l'Estonie. Ce qu'ils ont fait est admirable. Ils avaient de multiples difficultés et ont décidé de concentrer leurs efforts sur la technologie de l'information et des communications. Ils ont formidablement bien réussi. Par contre, nous avons inventé le BlackBerry et nous ne sommes donc pas en retard.

Le président : Ils ont inventé Skype.

M. Courtois : L'ACTI existe depuis 60 ans. Nous avons toujours constaté que le marché libre est bon à tous les égards. Sur le plan de la propriété étrangère dans les télécommunications, nous sommes réalistes. Cependant, nous sommes conscients qu'à mesure que le contenu, la culture et la technologie sont de plus en plus intégrés, nous ne pouvons pas dire aveuglément que nous allons faire quelque chose dans les télécommunications sans réfléchir aux conséquences culturelles. Nous avons certaines positions au sujet de la culture et sur le fait que le monde de la technologie nous ouvrira de très riches possibilités, mais nous n'avons pas trouvé la solution aux problèmes culturels. C'est peut-être parce que nous ne sommes pas aussi experts dans ce domaine.

Le sénateur Plett : Je suis prêt à accepter cela. Quand General Motors lance une voiture, nous pouvons l'acheter de ce côté-ci de la frontière. Je ne vois pas la différence entre une voiture et un iPad. Merci pour vos réponses.

Le sénateur MacDonald : Monsieur Courtois, je vous remercie d'être venu nous rencontrer ce soir. J'ai deux ou trois questions sur les droits d'accès au réseau. Nous avons beaucoup entendu parler des grandes compagnies qui éliminent les droits d'accès au réseau. Cela soulève quelques questions. Pourquoi les élimine-t-on? Pourquoi les a-t-on imposés au départ, si l'on peut les supprimer maintenant?

M. Courtois : Elles ont dû apporter certains changements. Pendant de nombreuses années, le marché canadien n'était pas suffisamment grand ni suffisamment dense, ce qui posait d'énormes difficultés économiques à nos entreprises de télécommunications. Les pays d'Europe ont un avantage en ce sens qu'ils ont rapidement choisi une norme technologique et en ont favorisé l'adoption. Le réseau filaire fonctionnait selon le paiement par minute. Pour diverses raisons, ils l'ont adopté plus rapidement que nous. Cela posait un énorme défi économique. Le sans-fil n'était pas vu favorablement par les marchés financiers, mais à un moment donné, ils ont fait du rattrapage. Aujourd'hui, une vague de nouvelles entreprises font leur entrée, ce qui causera une perturbation du marché. Ce sont des cycles normaux que l'on observe sur le marché et, en conséquence, on constate diverses approches. C'est probablement ce qui a causé l'élimination des droits d'accès.

Le sénateur MacDonald : C'est tout à l'avantage du consommateur. Nous utilisons tous ces téléphones qui sont devenus indispensables pour beaucoup.

Pourquoi les frais de téléphone sont-ils tellement élevés au Canada, en comparaison des pays scandinaves et d'autres pays. Le téléphone coûte très cher dans notre pays.

M. Courtois : Je ne crois pas que ce soit le cas. Il est très difficile de comparer les prix d'un pays à l'autre. L'OCDE a buté sur des difficultés considérables et a annoncé récemment sur son site web qu'on s'y prendra d'une manière différente. C'est difficile de comparer en s'assurant que tout soit bien comparable. Nous avons un mode de tarification complètement différent par rapport à l'Europe. Ici, on paye pour faire un appel ou recevoir un appel. En Europe, on payait déjà à la minute avec le réseau filaire et c'est la personne qui appelle qui paye. En Europe, il faut souvent payer l'appareil et ensuite des frais plus bas pour les appels, tandis qu'ici l'appareil est en grande partie subventionné.

En Europe, les gens avaient l'habitude d'acheter des forfaits plus restreints. Ils doivent encore payer leur téléphone filaire et ils achètent des forfaits plus restreints que les nôtres. Si l'on essaye de comparer un forfait européen de 50 minutes et un forfait typique acheté par les Canadiens — peut-être 200 minutes ou 100 minutes —, le prix à la minute payé au Canada semble élevé parce que l'on compte seulement une cinquantaine de minutes.

Par ailleurs, l'OCDE doit faire une comparaison entre un grand nombre de pays. On choisit donc une date à laquelle on fait la comparaison et il se peut que cette date tombe mal pour un pays et en favorise plutôt un autre pays. Ces comparaisons de prix de l'OCDE suscitent beaucoup de controverse. Les chiffres sont repris par Harvard et d'autres groupes et sont répétés.

J'ai l'impression que si l'on achète un grand nombre de minutes, disons 1 000 minutes comme le ferait une entreprise, c'est aux États-Unis que c'est le meilleur marché parce que les Américains s'en servent beaucoup pour les affaires. Comme je l'ai dit, ils utilisent davantage la technologie et les fournisseurs ont mis au point des forfaits répondant à ce besoin. Le Canada se trouve à mi-chemin. Il est près des États-Unis sur le plan du prix et meilleur marché qu'en Europe si l'on achète un forfait considérable. En Europe, on achète de petits forfaits, mais si l'on utilise beaucoup de minutes, c'est plus coûteux qu'au Canada.

Ce n'est pas simple. Je ne pense pas que nous ayons un problème tellement marqué. Notre performance est bonne quand on considère à quel point la densité est importante pour la rentabilité d'un réseau.

Il y a peut-être une meilleure façon d'illustrer mon propos. Quand le gouvernement a vendu aux enchères des fréquences sans fil, par exemple pour le Grand Toronto, dossier dont je me suis occupé personnellement il y a des années, le prix obtenu a été plus élevé que pour tout le reste du Canada. Même en tenant compte de la population, du territoire ou de quelque mesure que ce soit, cela ne semble pas logique. Pourtant, une forte densité de population est tellement avantageuse pour l'exploitant d'un réseau et un fournisseur de services qu'en fait, c'est extraordinaire que le Canada s'en tire aussi bien pour ce qui est des prix en vigueur dans notre pays.

Le sénateur MacDonald : Cependant, notre système est identique à celui utilisé aux États-Unis, mais la population est plus dense aux États-Unis.

M. Courtois : Oui, le modèle économique est complètement différent.

Le sénateur MacDonald : Les grandes villes américaines représentent un point de comparaison plus équitable par rapport aux grandes villes d'Europe. Je suis curieux de savoir pourquoi le système européen ne pourrait pas s'appliquer davantage ici ou aux États-Unis, ou inversement.

M. Courtois : Des pays comme les Pays-Bas, la Belgique ou le Danemark ont une taille minuscule en comparaison du Canada. La densité de population est probablement encore plus élevée dans ces pays qu'aux États-Unis. Aux États- Unis, un problème se pose dans les principales villes, qui n'ont pas suffisamment de capacité de réseau pour répondre à leurs besoins, et nous sommes donc beaucoup mieux placés au Canada.

Quoi qu'il en soit, le modèle économique est tel que l'Europe devrait être en mesure de faire au moins aussi bien que les États-Unis, mais ce n'est pas le cas. Plusieurs autres facteurs sont en cause.

Dans le marché américain, comme je l'ai dit, non seulement les consommateurs utilisent beaucoup plus le service, et il y a plus de gens et une plus grande densité, mais de plus, les entreprises utilisent beaucoup plus cette technologie, ce qui change l'aspect économique de ce secteur d'activité. Les Américains achètent de grandes quantités de capacités.

Le sénateur Banks : Merci, monsieur Courtois. Je ne suis pas membre ordinaire du comité et je vais donc peut-être vous poser une question que d'autres ont déjà posée. Vos membres vendent des appareils, de l'accès, des services et exploitent des réseaux qui sont parfois utilisés par les gens pour contourner la loi dans le domaine de la propriété intellectuelle. Quel est le point de vue de votre association quant à la possibilité croissante que le gouvernement actuel présente une nouvelle loi sur le droit d'auteur?

M. Courtois : Nous constatons que le monde est en train de changer, passant d'une économie fondée sur des immeubles et des structures physiques à une économie fondée sur le savoir et des transactions qui se passent dans le cyberespace et sur l'innovation et la créativité. Dans un tel univers, le Canada se crée énormément de difficultés en ayant une législation sur le droit d'auteur qui date d'avant Internet. Internet existe depuis longtemps, mais c'est seulement vers 1996 que son utilisation a commencé à se généraliser, avec l'avènement du World Wide Web, aussi appelé la toile, et d'autres capacités.

Notre législation sur le droit d'auteur a été conçue avant cette ère. De nos jours, il est absolument essentiel que nous nous dotions d'une nouvelle législation sur le droit d'auteur. Je pense qu'il est également essentiel que nous dégagions un consensus conformément à la manière canadienne traditionnelle.

À l'ère d'Internet, il se passe quelque chose de bizarre. Quand les gens se servent pour la première fois du courriel et qu'ils s'aperçoivent, une semaine ou deux plus tard, qu'ils ont fait preuve d'imprudence et n'auraient pas dû s'exprimer de la sorte, ils voudraient tout effacer et se disent qu'ils auraient dû faire plus attention.

Le sénateur Banks : C'est ce que le Sénat fait avec les projets de loi.

M. Courtois : Les opinions peuvent être extrêmes dans le monde Internet. Les gens peuvent être intolérants. Notre société ne s'y est pas encore adaptée. Dans un domaine comme celui du droit d'auteur, nous devons, d'une manière typiquement canadienne, mettre un peu d'eau dans notre vin et trouver un consensus de manière à tenir compte de tous les intérêts en jeu.

À notre avis, il est nécessaire, dans l'intérêt de nos consommateurs, de légiférer en matière de droits d'auteur. Nous devrions inscrire dans la nouvelle loi les droits des consommateurs et les avantages qu'ils peuvent escompter. C'est important pour les créateurs et pour les distributeurs. L'approche traditionnelle dans le domaine du droit d'auteur, en particulier dans notre pays, dans beaucoup de décisions de la Cour suprême, c'est qu'il faut trouver l'équilibre entre les droits des créateurs, des utilisateurs et des distributeurs. En l'absence d'un tel équilibre, on ne maximise pas l'avantage du savoir et de la diffusion du savoir.

Je soutiens que, bien que ce soit controversé, nous devons absolument nous mettre à l'unisson dans ce dossier et dégager un consensus.

Le sénateur Banks : Il n'y a aucun doute que le besoin d'une nouvelle loi sur le droit d'auteur se fait sentir, pour toutes les raisons que vous avez énumérées, mais je m'interroge en particulier sur la position de votre organisation. Je suppose que vous aurez votre mot à dire ou que vous ferez des suggestions sur la teneur de cette loi en ce qui a trait à la protection — je précise bien que je veux dire la protection des intérêts des créateurs.

M. Courtois : Oui.

Le sénateur Banks : Je pose la question parce que bien des gens ne comprennent pas le concept voulant que l'on achète de la musique; cela leur semble incompréhensible. Pourtant, si personne n'achète la musique ou ne paye d'une manière quelconque pour l'obtenir, personne n'en fera. J'exagère bien sûr, mais vous comprenez où je veux en venir.

Quelle est la position de votre organisation là-dessus? Ma question pourrait s'appliquer aussi aux poètes, aux auteurs de livres et je suppose aussi aux détenteurs de brevets.

M. Courtois : Absolument, cela s'applique aussi. Les entreprises de notre secteur qui créent des logiciels et offrent des services ne peuvent pas fonctionner, et nous ne pouvons pas bâtir une économie fondée sur l'innovation, sans protéger les droits dans le cyberespace, pour que personne ne puisse s'emparer de mon bien sur Internet, pas plus que l'on ne peut m'enlever ma maison.

Je crois aussi que les jeunes comprennent cela. Quand on dit qu'ils ne songent même pas à payer pour avoir de la musique, je crois que c'est temporaire. J'ai passé par une période où nous avions tout un phénomène de piraterie de la télévision par satellite et la solution consistait à améliorer l'éventail des services offerts et à lancer une grande campagne de sensibilisation du public.

Cependant, je pense qu'arrivés à un certain âge, les gens comprennent, mais leurs parents peuvent déjà leur dire; devenus adultes, ils se lancent en affaire et se rendent bien compte qu'ils se trompaient. Ils savent probablement tous que ce qu'ils font est mal et les études le démontrent d'ailleurs. Personne ne fait rien pour les arrêter et ils continueront donc. Je ne crois pas que cet état des choses soit permanent.

Le sénateur Cochrane : Merci d'être venu, monsieur Courtois. Vous avez dit qu'il faut des technologies différentes pour le Canada rural et les régions éloignées. Pourriez-vous nous en dire davantage sur ces technologies?

M. Courtois : Selon la densité démographique d'une région donnée et la topologie du paysage, on peut devoir utiliser un câble optique. S'il n'y a pas de route dans une région, il faut utiliser les micro-ondes. Dans certaines localités, selon leur densité, les maisons et les entreprises peuvent être reliées à un réseau filaire. Si elles sont plus éparpillées et si la densité est moindre, on utilise plutôt l'accès fixe sans fil. Si la densité est un peu plus forte, on peut utiliser une technologie sans fil ou par satellite pour brancher les résidences individuellement, ou encore pour rejoindre un endroit central d'une communauté pour brancher ensuite les résidents à partir de cet endroit.

Toutes ces technologies changent et l'on me dit que la prochaine génération de satellites pourra donner à une entreprise 20 mégabits dans les deux sens. En particulier dans les régions rurales et éloignées du Canada, c'est là une très bonne technologie de large bande de prochaine génération qui permet de combler tous les besoins.

En plus des défis technologiques, les gens doivent comprendre que le modèle d'affaires est différent. Dans les régions très peu densément peuplées de notre pays, on parle du facteur de refroidissement dû au vent. Même si les réseaux sans fil et satellitaires ne tombent pas souvent en panne, quand il faut les réparer, le technicien n'a pas seulement à se déplacer de quelques rues pour aller d'un client à l'autre; il lui faut plutôt 30 minutes en voiture. Cela change le modèle d'affaires. Il faut avoir suffisamment de points de service pour bien servir la population.

Malgré tout, on voit émerger dans ces régions du Canada des entreprises qui peuvent faire cela d'une manière durable. La durabilité est également importante parce que l'on veut que la communauté s'engage et se serre les coudes et aide à bâtir ces réseaux. Si l'on choisit un véhicule qui ne représente pas une plateforme commerciale solide et stable, on s'apercevra peut-être dans quelques années que personne n'est capable d'entretenir le réseau et cela posera un problème.

Il y a un certain nombre de problèmes. La technologie progresse tellement vite que le sans-fil peut maintenant acheminer la prochaine génération de large bande en passant de 3G à 4G; on espère pouvoir faire encore mieux. Dans certains endroits, le gouvernement devra installer une dorsale pour ramener les abonnés aux réseaux plus importants et aider à rendre le modèle d'affaires plus attrayant. Cependant, sur le plan de l'investissement public, c'est l'un des investissements qui offrent le taux de rendement le plus élevé car, comme je l'ai dit, l'impact économique est beaucoup plus grand dans ces régions que dans les coins plus densément peuplés de notre pays.

Le sénateur Cochrane : Vous dites que cela pourrait se faire d'ici 2015?

M. Courtois : Oui, des satellites vont entrer en service en 2012, 2014 et 2015. Les réseaux 3G fournissent déjà cette capacité, bien qu'il faudra augmenter leur couverture avec le temps. Cinq ans après cela, il y aura encore une autre génération ayant une capacité considérablement accrue et les perspectives sont donc intéressantes. Si nous pouvons solidifier les modèles d'affaires de manière que l'exploitation devienne rentable en elle-même, les Canadiens des régions rurales et éloignées ne seront pas laissés pour compte.

Le sénateur Cochrane : J'ai hâte de voir cela.

Le sénateur Moore : Je voudrais poursuivre dans la même veine que le sénateur Cochrane et je reviens à vos propos de tout à l'heure au sujet de la comparaison entre les régions urbaines et rurales. Je pense qu'il est vrai que le Canada a été le premier pays à brancher toutes nos écoles sur Internet, et pourtant on dit que nous sommes loin d'être un chef de file quant au taux de pénétration d'Internet à haute vitesse et de la large bande.

Courons-nous le risque de créer un fossé entre les régions urbaines et suburbaines et rurales de notre pays quant à la fourniture des technologies qui s'en viennent? Quelles en seraient les répercussions pour nous?

M. Courtois : Nous devons être vigilants pour empêcher cela. Je ne veux pas peindre un tableau trop flatteur. Il est extrêmement important que des comités comme le vôtre continuent de se pencher là-dessus et en soulignent l'importance.

Il est tout à fait à notre portée d'empêcher que ce fossé se creuse, mais il faudra une volonté publique et le gouvernement devra prendre l'initiative pour que les entreprises et les collectivités lui emboîtent le pas.

À la fin des années 1990, nous étions à l'avant-garde mondiale pour la large bande parce que nous nous sommes lancés bien avant les autres. Nous devons accepter que des pays qui ne sont pas plus grands qu'un point sur la carte feront mieux que nous, avec le temps, quant au taux de pénétration. Par exemple, nous avons encore une bonne avance sur les États-Unis quant au taux de pénétration résidentielle de la large bande, ce qui est absolument extraordinaire compte tenu de la densité et de la taille des marchés.

Les forces concurrentielles qui sont en jeu au Canada continueront de faire en sorte que le Canada urbain soit bien traité, si nous le voulons, pour ce qui est de nos priorités nationales et des incitatifs à l'investissement, et cela va aider.

L'automne dernier, nous avons traité de la stratégie de l'économie numérique pour le Canada. Nous avons demandé si nous étions prêts à mettre en œuvre un plan pour les régions rurales et éloignées du Canada. Les entreprises canadiennes aimeraient que l'on fasse preuve d'une plus grande intensité et d'un plus grand sentiment d'urgence. Nous nous sommes aperçus que nous n'étions pas encore tout à fait prêts à déployer la large bande de prochaine génération à cause de l'évolution de la technologie et des modèles d'affaires. Industrie Canada avait un processus invitant les gens à soumissionner pour la mise en place de la large bande à 1,5 mégabit dans toutes les localités. On verra bien qui va s'en charger et où il y aura des lacunes. On verra ensuite se conjuguer de nouveaux modèles d'affaires, des progrès technologiques et l'on verra alors où le gouvernement doit intervenir. Nous ne voulons pas attendre indéfiniment. À notre avis, un plan doit être déployé cette année.

Le sénateur Moore : Dans les notes d'information qu'on nous a remises, on dit que dans un discours prononcé à la mi-février, le président de la Federal Communications Commission des États-Unis a dit : « Plus d'une vingtaine de pays se sont déjà dotés de plans d'établissement de réseaux à large bande et se font concurrence pour profiter des emplois et des retombées économiques que ces technologies créent. »

À l'heure actuelle, le Canada n'a pas de plan d'ensemble pour les réseaux à large bande. Devrait-il en avoir un? Si oui, quelles mesures devrait-il prévoir dans ce plan?

Je vous ai entendu dire qu'il faut une volonté publique, que nous devons nous engager et élaborer un plan dès maintenant. Comment voyez-vous l'avenir des réseaux à large bande quant à leur utilisation, leur taux de pénétration et quant au fossé potentiel dont je vous ai parlé tout à l'heure?

M. Courtois : Nous travaillons encore au déploiement de la génération actuelle de large bande; donc, en un sens, nous avons un plan. Cependant, en cette nouvelle ère, comme je l'ai dit, nous avons besoin de la prochaine génération de large bande. Nous y sommes presque. Compte tenu de ce que les États-Unis et d'autres pays ont fait, il n'y a aucun doute que nous ne pouvons pas nous permettre d'attendre encore très longtemps. Il nous faudra peut-être tenir une autre série de réunions d'information. Nous devons décider si nous voulons l'appui du public pour accélérer la mise en place de la prochaine génération de large bande partout au Canada. Nous devons déterminer quels seront les besoins en fait de dorsales dans les régions rurales et éloignées du Canada, et dans quelle mesure il faudra faire appel aux fonds publics. Ensuite, en nous fondant sur les propositions, les plans d'affaires et les progrès technologiques, nous devrons décider dans quelle mesure, le cas échéant, le gouvernement canadien devra investir des fonds publics pour rejoindre les consommateurs individuels.

Je crois qu'il y aura un besoin; il y aura des lacunes à combler dans l'analyse de rentabilisation. Cependant, le besoin ne sera pas le même qu'il y a deux ou trois ans parce que, comme je l'ai dit, les entreprises progressent. Elles servent déjà ces consommateurs et le font de manière rentable.

Le sénateur Moore : Vous dites que nous devons décider et déterminer tout cela. Qui doit s'en charger? Tout semble évoluer très rapidement et les entreprises et les consommateurs ont du mal à suivre. Quand doit-on se lancer et faire le premier achat? Qui va déterminer tout cela, compte tenu de l'évolution des technologies et des modèles d'affaires que vous avez évoqués?

M. Courtois : À l'ACTI, nous rassemblons une communauté de gens qui élaborent la technologie, qui servent ces clients-là et qui connaissent les problèmes à surmonter. Nous les amenons à discuter avec Industrie Canada, et à son tour Industrie Canada consulte le public. Le ministère affiche sur son site web des renseignements sur tout ce qui se passe. Il a d'autres contacts et s'affaire à déployer le plan actuel dans un éventail de collectivités.

Industrie Canada devrait être en mesure de rassembler toutes les pièces du casse-tête cette année et d'établir la feuille de route pour les cinq prochaines années.

Le sénateur Moore : Avez-vous un rapport à jour que vous pouvez communiquer à notre comité?

M. Courtois : Non, je n'ai pas de rapport à jour. Nous avons tenté d'y travailler l'automne dernier, mais nous nous sommes rendu compte que trop d'éléments étaient encore en changement. En particulier, la mise en place de systèmes par les compagnies à même l'argent que le CRTC les avait incitées à mettre de côté, et la mise en œuvre des actuels plans fédéral et provinciaux et la question de savoir quelles entreprises obtiendraient quels éléments, tout cela devait se décider dans les mois suivants.

Ces gens-là connaissent la technologie. Ils savent quand la technologie sera disponible, mais de fortes pressions s'exercent sur l'élément commercial. Nous avons décidé de créer un conseil au sein de l'ACTI. Nous leur avons conseillé de laisser tout cela se démêler. D'ici un mois ou deux, nous voulons les réunir pour décider comment nous allons transmettre cette information au gouvernement pour que celui-ci ait un tableau exact et élabore un plan cette année.

Le sénateur Mercer : Je n'ai qu'une seule question, mais je veux d'abord faire un bref préambule. Vous avez dit que trop d'éléments changeaient. Nous touchons au terme de notre étude et nous devons faire des recommandations.

Vous avez dit que la législation actuelle date d'avant Internet. Comment pouvons-nous élaborer des lois, des politiques ou des recommandations qui tiendraient compte de ce qui s'est passé depuis la dernière rédaction des lois, et aussi de l'avenir, de manière à anticiper les changements qui, nous le savons tous, sont inéluctables? Comment devons- nous nous y prendre?

Je ne crois pas que nous voulions revenir à la charge et refaire cette étude dans 12, 18, 24 ou 36 mois. Nous préférerions revenir dans 18 mois et admirer le bon travail que nous avons fait et nous féliciter de notre clairvoyance.

Comment prendre en compte toutes les données historiques, de même que ce qui se passe aujourd'hui et ce qui va probablement se passer, de manière à établir quel devrait être à l'avenir le rôle du gouvernement et déterminer quels lois, règlements ou règles devraient être en place pour orienter ce secteur?

M. Courtois : De toutes les mesures que vous pouvez prendre, la plus importante est d'affirmer l'objectif que les décideurs publics devraient être les chefs de file dans ce domaine et décider dans quelle voie le Canada doit s'orienter d'ici 2015 ou 2017. Par exemple, les décideurs pourraient fixer comme objectif de mettre à la disposition de tous les Canadiens la capacité de large bande de prochaine génération. Nous devons reconnaître que nous avons absolument les moyens d'y parvenir, que les outils à notre disposition s'améliorent à mesure que la technologie et la rentabilité progressent. Il faudra probablement injecter des fonds publics; cependant, le plus important, c'est le leadership du secteur public qui doit fixer des objectifs connus du public. Le secteur privé en tient compte énormément. Les gens ne se rendent pas compte à quel point les membres des conseils d'administration de la nation s'alignent souvent sur les grands objectifs fixés par les dirigeants du pays.

Nous avons à notre actif des réalisations extraordinaires. Nous voulions éliminer notre déficit. Nous l'avons fait. Le monde entier admire ce que nous avons fait dans ce dossier. Nous voulions des taux d'imposition compétitifs, et nous les avons, tandis que d'autres pays essayent de se sortir d'un endettement qui est bien pire que le nôtre. Ils auront du mal à nous rattraper. Cette prochaine génération de large bande est un élément essentiel pour l'avenir de notre économie. Vous fixez ces objectifs et prenez acte du fait qu'il y aura d'autres outils pour y parvenir. Dans le domaine législatif, non seulement vous pouvez fixer l'objectif, mais vous pouvez légiférer.

Il est évident pour tout le monde que nous devons nous doter d'une législation du droit d'auteur digne du XXIe siècle et que cette législation doit comporter des avantages pour les consommateurs et les distributeurs.

Le sénateur Martin : Je m'excuse d'être en retard. J'ai raté l'exposé du témoin, mais j'ai eu l'occasion de me renseigner sur votre organisation. J'ai une question sur l'une de vos priorités, à savoir l'informatisation des dossiers de santé.

Mon père a fait l'expérience du secteur de la santé. Un jour qu'il devait subir une prise de sang dans un hôpital, il a dû être transféré en urgence dans un autre centre de santé situé à 10 minutes de là, et il a fallu lui faire une autre prise de sang. Les dossiers ne suivent pas le patient d'une autorité sanitaire à une autre. Je pense qu'il est extrêmement important pour la santé des Canadiens d'assurer une plus grande efficience du système.

Quels progrès avez-vous accomplis dans ce dossier et pourriez-vous nous dire en quelques mots comment nous pourrions améliorer le système actuel au moyen de la technologie?

M. Courtois : Cela fait partie d'une poignée de priorités. Quiconque travaille dans le secteur des technologies de l'information et fait l'expérience du réseau de la santé n'en revient pas du gaspillage et des dédoublements. Il est choquant de voir à quel point les praticiens dans ce réseau doivent perdre du temps et à quel point ils pourraient mieux servir les patients, ce qui est leur but.

On prend beaucoup de risques à cause des multiples transferts. Je viens du secteur téléphonique. Je me rappelle l'époque où nous avons décidé de vendre le service DSL à un certain prix mensuel qui était d'environ 15 $ de moins que ce qu'on devait payer. Nous avons dit à nos responsables du réseau : « Vous devez faire en sorte que le coût corresponde au prix que nous pensons pouvoir demander. » Ils ont rétorqué : « Nous allons revoir toutes les étapes du processus et supprimer tous les transferts. Nous allons tout automatiser. »

Quiconque travaille de près ou de loin dans le domaine des TI ne peut manquer d'être scandalisé. Je ne pense pas que les Canadiens savent que leur réseau est aussi arriéré. Les médecins le sentent.

Ces dernières années, tous les intervenants dans le réseau se sont rendu compte qu'il faut absolument mettre au point un système numérique. Nous avons fait des investissements dans les grands systèmes centralisés qu'il faut créer. Nous sommes maintenant à un point tournant. Le temps est venu de consacrer plus d'attention aux points de service, pas seulement à l'hôpital, mais aussi dans les cabinets des médecins. Je pense que 80 p. 100 des consultations dans le réseau de la santé se font dans les cabinets des médecins plutôt que dans des cliniques.

Quand une personne se présente à l'urgence ou consulte un spécialiste, les médecins ne devraient pas avoir à deviner si le patient a subi certains tests ou quels médicaments il prend déjà. Souvent, par prudence, le médecin ordonne une autre série de tests. Les gens ne devraient pas avoir à se promener avec leurs radiographies sous le bras. Tout cela est en train de changer.

À l'heure actuelle, à l'intérieur du réseau, tout le monde se rend compte que cela doit se faire. Exactement comme quand nous avons numérisé le réseau téléphonique, des économies et des améliorations gigantesques nous attendent quand nous aurons mis en harmonie tous les éléments du système. Il y aura un dossier de santé électronique; le médecin aura un dossier médical électronique; et l'interface sera facile quand une personne est hospitalisée.

À l'heure actuelle, on est vivement conscient du besoin de dossiers électroniques et on ressent beaucoup de frustration parce que nous n'y sommes pas encore. C'est très compliqué de faire quoi que ce soit dans le domaine de la santé à cause de la multitude de gens et d'intérêts en cause. Nous sommes dans la bonne voie. Environ 75 p. 100 des 500 millions de dollars consacrés dans les budgets de cette année et de l'année dernière à l'Inforoute Santé du Canada serviront à informatiser les dossiers médicaux dans les cabinets de médecins et il faut espérer que le tout sera suffisamment uniformisé pour obtenir une interopérabilité raisonnable. Le système est disparate d'une province à l'autre. L'argent de l'inforoute s'ajoute à l'argent que les provinces dépensent déjà, de manière à en multiplier l'impact. Il faudra en faire davantage dans ce dossier. Nous sommes contents que l'on ait pris conscience du besoin.

On entend beaucoup dire que notre système de soins de santé engloutit tout notre argent et que la situation est insoutenable à terme. Nous ne voulons pas nous lancer dans le débat à savoir s'il faudrait recourir au secteur privé ou au secteur public. On a fait l'expérience aux États-Unis et le secteur privé semble coûter plus cher et non pas moins cher; ce n'est pas une piste de solution. Les États-Unis dépensent 50 p. 100 de plus par habitant pour les soins de santé que le Canada. Nous pourrions donc dépenser davantage sans provoquer la faillite.

Cependant, si nous numérisons le réseau de soins de santé et donnons aux gens les outils voulus pour en tirer profit, nous effacerons d'un coup une grande partie de l'augmentation de coût tellement redoutée en exploitant un système plus efficient. Il en résultera une situation complètement différente où nous pourrons gérer la santé de manière proactive en tendant vers le mieux-être. Les patients seront plus engagés dans la gestion de leurs propres soins de santé. On réalisera encore des gains sur le plan du coût du système, ce qui est d'autant plus important que notre population vieillit.

Le président : Je dois répéter à M. Courtois que nous lui avons demandé très souvent d'adapter son calendrier au nôtre. Nous sommes heureux d'avoir pu prendre des arrangements mutuellement satisfaisants. Vous êtes par ailleurs le dernier témoin dans le cadre de cette étude. Nous allons maintenant passer à la rédaction du rapport.

[Français]

Je tiens à vous remercier de votre présence. Nous allons maintenant vous libérer, si vous le permettez.

[Traduction]

Pendant que M. Courtois prend congé, le comité doit s'occuper immédiatement de deux ou trois affaires administratives.

On s'attend à ce que le projet de loi du sénateur MacDonald sur les véhicules soit renvoyé à notre comité d'ici quelques semaines. Le sénateur Mercer sera le porte-parole. Par conséquent, nous alternerons entre le rapport sur les télécommunications et le projet de loi. Cela n'arrivera probablement pas avant mardi prochain. À moins de revirement spectaculaire, nous ne nous réunirons pas mardi matin.

Mercredi soir prochain, nous discuterons des travaux futurs du comité.

Je vous donne congé à tous sauf au sénateur Frum et au sénateur Housakos. Nous allons maintenant avoir une réunion du comité directeur pour donner un mandat au sénateur Mercer.

(La séance est levée.)


Haut de page