Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Transports et des communications
Fascicule 4 - Témoignages du 27 octobre 2010
OTTAWA, le mercredi 27 octobre 2010
Le Comité permanent des transports et des communications se réunit aujourd'hui, à 18 h 47, dans le cadre de son étude sur les nouveaux enjeux qui sont ceux du secteur canadien du transport aérien.
Le sénateur Dennis Dawson (président) occupe le fauteuil.
[Français]
Le président : Bonsoir. Nous voici rendus à la quatrième réunion du Comité sénatorial permanent des transports et des communications dans le cadre de notre étude sur les nouveaux enjeux qui sont ceux du secteur canadien du transport aérien. Nous recevons ce soir des témoins représentant le Conseil national des lignes aériennes du Canada.
[Traduction]
Au nom de l'Association du transport aérien du Canada, nous accueillons John McKenna, président et chef de la direction; Bill Boucher, vice-président, Opérations aériennes, et Michael Skrobica, vice-président, Affaires monétaires de l'industrie.
[Français]
J'aimerais vous rappeler que la réunion de notre comité est télédiffusée ce soir.
Monsieur McKenna, la parole est à vous. Ensuite, nous passerons aux questions.
[Traduction]
John McKenna, président et chef de la direction, Association du transport aérien du Canada : Bonsoir, mesdames et messieurs les membres du comité.
L'Association du transport aérien du Canada, l'ATAC, représente l'industrie canadienne du transport aérien depuis plus de 75 ans. Elle regroupe environ 175 compagnies membres œuvrant dans l'aviation commerciale dans toutes les régions du Canada et desservant la grande majorité des plus de 600 aéroports canadiens.
Nous comptons parmi nos membres : Air Georgian de Mississauga, Air North de Whitehorse, Air Tindi de Yellowknife, Alta Flights d'Edmonton, Bearskin Airlines de Sioux Lookout, Buffalo Airways de Yellowknife, Calm Air International de Thompson, Canadian North de Yellowknife, Cargair de Saint-Hubert, First Air d'Ottawa, Flair Airlines de Kelowna, Grondair de St-Frederic, KD Air de Port Alberni, Kelowna Flightcraft, London Air Services de Richmond, en Colombie-Britannique, National Helicopters de Kleinburg, en Ontario, Nolinor Aviation de Mirabel, North Cariboo Flying Service de Fort St-John, Pacific Coastal Airlines de Richmond, Colombie-Britannique, Porter Airlines de Toronto, Sunwing Airlines de Toronto, Transwest Air de Prince Albert, Alberta, et Whistler Air Services, pour ne nommer que ceux-là. Notre membership inclut également 48 organismes de formation au pilotage.
Nous apprécions l'opportunité que vous nous accordez de vous entretenir aujourd'hui sur des aspects importants de notre industrie. Le transport aérien a traversé une période de turbulence sévère durant cette dernière décennie et nous craignons que le mauvais temps ne soit pas encore passé.
L'industrie du transport aérien repose entièrement sur le secteur privé et c'est son dynamisme qui lui a permis de traverser cette période difficile. Je devrais plutôt dire que les plus résistants ont réussi à traverser. Canada 3000, Canada West Air, Canadian Airlines International, City Express, Greyhound Air, Jets Go, Harmony, Maestro, Nationair, Norontair, Pem Air, Roots Air, Royal Aviation, Torontair, Vista Jet, Sky Service Airlines, Zoom. Ce sont toutes des sociétés aériennes qui ont disparu depuis 15 ans.
Pourquoi l'industrie canadienne du transport aérien a-t-elle assisté à la fermeture d'autant de compagnies de transport aérien? L'ATAC croit que la Politique canadienne du transport aérien a joué un rôle clé dans cette tragédie. Notre déclaration repose sur un certain nombre de facteurs.
D'abord le loyer des aéroports. Un loyer a été imposé aux aéroports privatisés par Transports Canada dans les années 1990. Quoique le ministère ait modéré quelque peu son appétit dernièrement, les aéroports paient encore plus de 300 millions de dollars par année en guise de loyer. À l'exception de deux pays du tiers monde, le Canada est le seul autre pays à réclamer un loyer de ses aéroports.
Il y a aussi les taxes. Le mois de juillet de cette année a vu une nouvelle taxe, la taxe de vente harmonisée, la TVH, qui s'applique désormais sur les billets d'avion et contribue à l'augmentation des coûts du transport aérien.
L'ATAC a réalisé une étude en 2008 sur les droits pour la sécurité du transport aérien exigés par les gouvernements et aéroports de 175 juridictions mondialement. Les DSPTA canadiens étaient alors les deuxièmes plus élevés au monde; seuls les Pays-Bas exigeaient des droits plus élevés. Aujourd'hui, l'ATAC estime que les Droits pour la sécurité des passagers du transport aérien au Canada sont les plus élevés au monde, et cela par une bonne marge. Cette taxe a subi une augmentation de 53 p. 100 au dernier budget fédéral. Nos calculs nous indiquent que le gouvernement récolte plus de 760 millions de dollars par année par ces droits, beaucoup plus que les crédits accordés de 473 millions de dollars par le Parlement à l'Administration canadienne de la sûreté du transport aérien en 2009-2010. Nous avons souvent demandé à quelles fins était utilisé le surplus annuel de 300 millions de dollars. Le dernier rapport du vérificateur général sur les DSPTA remonte à 2004-2005. Nous considérons que l'utilisateur payeur est en droit de savoir où va cet argent.
Des taxes d'accise sur le carburant continuent d'être perçues par les gouvernements fédéral et provinciaux, et ce malgré la promesse de l'ancien ministre des Finances, Michael Wilson, qui s'était engagé à l'annuler avec l'arrivée de la TPS. Vingt ans plus tard, nous continuons à verser environ 100 millions de dollars par année en taxe d'accise.
Décidément, l'industrie du transport aérien du Canada n'est pas « entretenue » comme le prétendait récemment un officiel des Émirats arabes unis pour le bénéfice de leur compagnie aérienne. Bien au contraire, le gouvernement canadien s'assure que l'industrie canadienne du transport aérien paie beaucoup plus que sa part. En réalité, le gouvernement canadien soutire 1 milliard de dollars par année du transport aérien. En d'autres mots, non seulement devons-nous être autosuffisants, mais on nous demande de financer le budget fédéral en plus. Ces coûts additionnels rendent le transport aérien plus dispendieux, moins compétitif, et nuisent à nos efforts d'attirer de nouveaux clients, voire même de retenir nos clients actuels attirés par des prix plus bas au sud de la frontière. Ce n'est donc pas étonnant qu'on compte autant de victimes parmi les compagnies aériennes canadiennes.
Aucun autre mode de transport se voit si accablé par autant de taxes et de droits. Pendant que le transport aérien soutient le gouvernement à raison de un milliard par année, le transport ferroviaire de passagers est subventionné par nos taxes à coups de dizaines de millions de dollars par année. Pourtant, nous transportons 25 fois plus de passagers par jour que ne le fait l'industrie hautement subventionnée du rail.
[Français]
On doit se pencher également sur la place de l'industrie canadienne du transport aérien. L'ATAC considère que le transport aérien joue un rôle de premier plan dans l'unité canadienne en rendant accessibles tous les coins du pays. Le transport aérien joue également un rôle clé dans la défense de la souveraineté canadienne dans les régions éloignées du Nord.
Avec plus de 5 000 vols par jour à l'intérieur du Canada, l'industrie canadienne du transport aérien joue un rôle vital dans notre bien-être en ce qu'elle fournit un lien à plusieurs communautés dépourvues de tout autre accès au reste du pays. Notre industrie est indispensable à notre développement économique étant donné l'étendue de notre territoire, nos disparités régionales et notre climat dur.
Regardez également l'industrie du transport aérien et sa relation d'affaires avec ses passagers. Chaque passage aérien est le résultat d'une obligation contractuelle. Cette obligation est clairement indiquée sur les tarifs du transporteur, un document disponible aux comptoirs de services des transporteurs, sur leur site Internet ainsi qu'auprès de l'Office des transports du Canada. De plus, la plupart des transporteurs aériens canadiens souscrivent à la charte établie par Droits des voyageurs aériens Canada, un code de conduite volontaire.
On a beaucoup parlé depuis un an de légiférer les droits des passagers, et nous nous sommes fermement prononcés contre le projet de loi privé qui a été déposé à la Chambre des communes. Nous ne sommes pas contre les droits des passagers, mais nous nous opposons à une législation qui place le droit des passagers avant toute considération de sécurité aérienne, jette tout blâme sur les transporteurs, traite tous les aéroports de la même façon et offre une compensation financière nettement plus élevée que le prix payé pour le billet.
[Traduction]
En conclusion, la viabilité à long terme de notre industrie dépend moins des conditions changeantes du marché mondial que d'un changement si nécessaire dans l'attitude et les politiques du gouvernement canadien envers le transport aérien. Le gouvernement se doit de voir et de considérer notre industrie à la lumière du rôle économique essentiel qu'elle joue au Canada plutôt qu'en la ciblant en tant que source de revenus. C'est seulement alors que notre industrie pourra être viable et compétitive à long terme.
C'est avec plaisir que nous répondrons à vos questions.
Le sénateur Housakos : J'ai une question sur la concurrence. J'aimerais savoir si, dans l'état actuel des choses, il y a place pour plus de concurrence sur le marché. Le cas échéant, quelles mesures le gouvernement devrait-il prendre pour renforcer la concurrence?
M. McKenna : Tout dépend du marché dont on parle. Le Canada comporte de nombreux marchés et cela dépend de la liaison et des régions.
Le sénateur Housakos : Je crois comprendre que vous représentez un grand nombre de compagnies aériennes qui desservent des régions éloignées — et j'aimerais d'ailleurs avoir votre point de vue à ce sujet — de même que des grands centres où s'affrontent les trois ou quatre grands concurrents du transport aérien. Je répartirais cela en deux grandes catégories : les transporteurs régionaux et les transporteurs nationaux.
M. McKenna : Je vais commencer et M. Skrobica pourra compléter ma réponse. Certains segments du marché sont très rentables et beaucoup de compagnies cherchent à se les approprier. Dans le cas du Grand Nord, comme de n'importe quelle région et de n'importe quel mode de transport, il y a des itinéraires qui sont très payants. Ces lignes servent généralement à subventionner celles qui rapportent moins. Les transporteurs se ruent tous sur ces dessertes et s'attaquent au marché de façon à décrocher uniquement la liaison Calgary-Yellowknife, par exemple, parce qu'elle est achalandée, sans se rendre compte que le transporteur qui décroche cette ligne doit aussi offrir un service vital sur tous les autres itinéraires moins rentables de la région.
Sur certains marchés, il y a place pour plus de concurrence. Cependant, dans certaines régions, l'arrivée de toute nouvelle compagnie aérienne concurrente déclenche une guerre des prix, après quoi un joueur ou deux se retirent et l'on se retrouve en situation de monopole. C'est très délicat.
Michael Skrobica, vice-président, Affaires monétaires de l'industrie, Association du transport aérien du Canada : En 1983-1984, le gouvernement a ouvert la concurrence. Avant cela, les liaisons étaient essentiellement des monopoles. Le consommateur canadien a bénéficié de tarifs réduits. Une étude indique qu'il est ressorti gagnant, même quand on fait entrer en ligne de compte les frais d'améliorations aéroportuaires, par exemple, et les autres redevances.
Comme M. McKenna vous l'a dit, nous nous inquiéterions de la suppression des obstacles que doivent franchir les compagnies aériennes étrangères pour venir nous faire concurrence. Il peut y avoir une seule ligne rentable sur tout un réseau, mais quand on considère toutes les autres liaisons du réseau secondaire, on s'aperçoit que la compagnie aérienne dessert un grand nombre de collectivités et qu'il convient d'offrir un service toute l'année plutôt qu'un service saisonnier et qu'il faut être présent sur tout le réseau. Ce n'est pas simplement une question de commerce, parce que le système de santé canadien dépend beaucoup de notre capacité à transporter les résidents des régions éloignées vers des régions dotées d'installations médicales appropriées.
À propos des accords « Ciel ouvert », nous avons déclaré que nous ne nous opposons pas à une plus grande ouverture à la concurrence, mais nous voulons être certains que les ententes nous soient bénéfiques et qu'elles ne soient pas conclues avec une cité-État présentant relativement peu de débouchés pour les transporteurs canadiens suivant une contrepartie où une seule compagnie aérienne étrangère aurait accès à la multitude des marchés canadiens.
Le sénateur Housakos : Constate-t-on actuellement de grands écarts entre les axes très fréquentés et ceux où la clientèle est moins nombreuse? Y a-t-il des régions périphériques du pays qui sont défavorisées sur le plan des tarifs? En ce qui concerne la sécurité des vols, bénéficient-elles du même service que les liaisons plus achalandées au départ ou à l'arrivée de certains grands centres urbains?
M. McKenna : Ce sont là deux questions très différentes. Je vais tout de suite vous rassurer sur la question de la sécurité. Il a beaucoup été question, récemment, des risques que les petites compagnies aériennes présentent sur le plan de la sécurité des vols. Or, les petites compagnies ne sont pas plus dangereuses que les autres. Elles sont soumises aux mêmes règlements et aux mêmes règles. Cependant, certaines desservent des régions éloignées où les aéroports ne sont pas aussi bien équipés que ceux des grands centres, comme Toronto, Ottawa et Montréal.
Quant aux tarifs, ils dépendent de l'offre et de la demande. S'il est coûteux de prendre l'avion dans certaines régions éloignées, c'est qu'il très dispendieux d'exploiter des avions transportant moins de 40, voire 15, passagers par vol. Le volume n'est pas assez important pour permettre une réduction des tarifs.
Le sénateur Housakos : Je conclus de votre exposé que notre régime fiscal constitue le plus gros problème pour l'industrie du transport aérien et je suis bien d'accord avec vous pour dire que la fiscalité et la surimposition au Canada sont devenues un grave problème pour tout le monde.
Hormis le fardeau financier que Transports Canada impose à l'industrie, à quels autres grands défis êtes-vous confrontés? Quels problèmes se classent au deuxième et au troisième rangs derrière la fiscalité?
M. McKenna : La sûreté nous préoccupe beaucoup ainsi que les coûts qu'elle entraîne. Certes, on en revient toujours à une question de coûts, mais c'est une préoccupation.
M. Skrobica : J'attire votre attention sur une analyse comparative entre les États-Unis et le Canada. Aux États-Unis, les aéroports sont subventionnés en vertu du Airport Improvement Program, soit un programme d'amélioration aéroportuaire. Nous n'avons rien de tel ici. Chez nos voisins du Sud, ce programme s'applique à tous les aéroports, pourtant, au Canada, il faudrait soutenir les plus petits aéroports d'une façon ou d'une autre. Ils ne sont pas vraiment viables à cause de leurs faibles taux de fréquentation et des diverses exigences réglementaires que leur impose le gouvernement pour assurer le même niveau de sûreté que partout ailleurs. Cela étant, il faudrait créer un fonds d'infrastructures pour aider financièrement les plus petits aéroports canadiens.
Quelque 35 millions de dollars par an sont investis au titre du Programme d'aide aux immobilisations aéroportuaires pour les aspects touchant à la sûreté. Cependant, les aérogares, les clôtures et le reste ne tombent pas sous le coup de ce programme.
Le sénateur Housakos : Pour terminer, parlons un peu de la gouvernance exercée par les autorités aéroportuaires. Vos membres et votre association estiment-ils, d'après leur expérience, que les différentes autorités aéroportuaires au Canada ont bien répondu aux besoins de vos membres? De manière générale, que pense votre association de la gouvernance des aéroports sur le plan de la transparence et de la responsabilité? Estimez-vous que la structure en place fonctionne bien, tant en ce qui concerne vos membres que le public en général?
M. McKenna : En grande partie, oui. Certaines de ces autorités mènent une expansion tambour battant et facturent leurs usagers en conséquence. En général, les résultats sont concluants.
M. Skrobica : Il avait été question, il y a un certain nombre d'années de cela, d'adopter la Loi sur les aéroports du Canada, mais ce projet a été unanimement descendu en flammes par les aéroports et les compagnies aériennes. Nous avions estimé que le gouvernement serait beaucoup trop intervenu dans le processus.
Je dirais qu'il n'y a pas de problème dans la façon dont sont gérés 98 p. 100 environ des aéroports du Canada, compte tenu de leur structure actuelle. C'est comme dans la société en général, il y en a toujours quelques-uns qui sont hors normes. Je ne dirai pas que ce sont des « hors-la-loi », puisqu'aucune loi ne régit les aéroports, mais il y en a dont la position offensive est sans égale dans le monde au point qu'on en arrive à se dire qu'il faudrait peut-être une loi pour les encadrer. Toutefois, nous croyons que tout cela devrait reposer sur la collaboration entre les aéroports, les compagnies aériennes et les autres intervenants.
Le sénateur Mercer : Merci, messieurs, pour votre exposé.
Je veux tirer deux ou trois choses au clair pour bien comprendre à qui nous avons affaire ici. D'après votre liste de membres, je constate qu'Air Canada et WestJet ne font pas partie de votre association. En ont-ils fait partie dans le passé?
M. McKenna : Oui, jusqu'à il y a deux ou trois ans de cela.
Le sénateur Mercer : Et ils n'en sont plus membres. La seule grosse compagnie aérienne que je vois ici, c'est Porter. Est-ce la plus importante de celles que vous représentez?
M. McKenna : Je ne pense pas. Porter est sans doute le transporteur le mieux connu de notre groupe, mais ce n'est pas le plus gros. Vous voulez parler d'après le volume de passagers transportés ou le chiffre d'affaires?
Le sénateur Mercer : Les deux.
M. Skrobica : Alors, c'est sans doute Sunwing Airlines qui transporte le plus de passagers.
Le sénateur Mercer : La compagnie qui propose des vols nolisés à destination du Mexique et autre?
M. McKenna : Oui, et vers bien d'autres destinations.
Le sénateur Mercer : Et là, c'est d'après le volume ou le chiffre d'affaires?
M. McKenna : Je dirais que c'est d'après les deux.
Le sénateur Mercer : C'est un milieu difficile, nous le savons. Vous avez fait état de toutes les compagnies qui ont fait faillite. J'étais d'ailleurs en train de dire à mon voisin de table qu'une nouvelle compagnie aérienne, East Coast Airways, fera ses débuts sur la côte Atlantique la semaine prochaine. C'est une filiale d'Integra Air, de l'Alberta. Integra est-elle membre de votre association?
M. McKenna : Je ne connais pas cette compagnie aérienne. Certaines de ces compagnies sont détenues par d'autres.
Le sénateur Mercer : C'est ce que j'ai cru comprendre, parce que j'ai déjà volé sur d'autres sociétés de transport aérien à la demande. J'ai toujours été intrigué de constater que ces compagnies charters sont en fait des filiales de compagnies aériennes beaucoup plus grosses.
M. McKenna : Vous voulez sans doute parler d'exploitants de petits appareils.
Le sénateur Mercer : Oui.
M. McKenna : Quelque 600 compagnies au Canada sont autorisées par Transports Canada à faire du vol commercial. Je crois que nous représentons la grande majorité des plus importantes d'entre elles, mais il y en a beaucoup qui ne sont pas membres d'associations. En général, ce sont les très petites compagnies.
Le sénateur Leo Housakos (vice-président) occupe le fauteuil.
Le sénateur Mercer : Revenons à ce que vous avez dit dans votre exposé au sujet des taxes, du loyer et des autres charges d'exploitation. Vous avez indiqué que 300 millions de dollars aboutissent dans les coffres de Transports Canada. Qu'est-ce que le ministère fait de tout cet argent? Vous n'avez peut-être pas la réponse à cette question, mais nous pourrons sans doute la poser aux représentants de Transports Canada quand nous les accueillerons.
Vous dites, dans votre mémoire, que le gouvernement fédéral récupère aujourd'hui plus de 760 millions de dollars par an au titre du Droit pour la sécurité des passagers du transport aérien, soit nettement plus que le crédit parlementaire de 473 millions de dollars en 2009-2010 accordé à l'ACSTA. Je suis d'accord, c'est nettement plus. Où est passée la différence?
Puis, vous parlez de l'engagement pris par le gouvernement Mulroney de renoncer à la taxe d'accise après l'entrée en vigueur de la TPS, taxe qui est encore là. Vous dites que, 20 ans plus tard, nous payons encore 100 millions de dollars par an en taxe d'accise.
Ces 100 millions de dollars viennent-ils s'ajouter aux 760 autres millions?
M. McKenna : Effectivement, en plus des loyers payés par les aéroports qui représentent maintenant 300 millions de dollars.
Le sénateur Mercer : Nous arrivons donc à — 760, plus 100, plus 300 millions de dollars au titre des loyers — plus d'un milliard de dollars.
M. McKenna : C'est ce que je prétends.
Le sénateur Mercer : Parfait, et on suppose que cette somme est versée en totalité au Trésor et qu'elle n'est pas redistribuée par Transports Canada pour servir dans les transports aériens.
M. McKenna : Nous n'avons eu de cesse de demander à Transports Canada et au ministre des Finances de nous dire où aboutit cet argent et à quoi il sert. On nous a répondu qu'il sert à la sûreté dans les transports aériens, mais on ne nous a fourni aucun détail.
Il est facile de connaître le crédit parlementaire de l'ACSTA parce qu'il est mentionné dans le budget de l'Administration, toutefois, nous ne savons pas au juste quelle somme totale a été prélevée au départ. Nous en sommes arrivés à ce chiffre en partant des données de l'ACSTA et de Statistique Canada. C'est ainsi que nous avons estimé ce montant, mais nous pouvons très bien nous tromper de 50 ou de 100 millions de dollars. Nous n'avons aucune certitude, mais nous savons que l'État a empoché d'énormes sommes et nous n'avons aucune idée de combien il s'agit ni de ce à quoi elles servent.
Le sénateur Mercer : Vous-même et d'autres nous avez parlé des subventions consenties sous différentes formes aux aéroports américains. Corrigez-moi si j'ai tort, mais j'ai l'impression que, de nos jours, s'il est vrai que nous ne subventionnons pas directement les aéroports, à l'époque où le gouvernement du Canada était propriétaire de ces installations, il a subventionné assez lourdement l'industrie en construisant ces mêmes aéroports et en donnant la possibilité aux compagnies aériennes de les utiliser. Il est vrai que nous facturions alors les usagers pour leur permettre de les fréquenter, mais les coûts d'immobilisations ont été assumés par les contribuables, n'est-ce pas?
M. Skrobica : Le financement des aéroports canadiens s'est fait grâce à la taxe sur le transport aérien, la TTA. Elle avait été adoptée avant que le gouvernement ne privatise les aéroports et ne se départisse de NAV CANADA. Elle était destinée à couvrir les coûts d'exploitation des aéroports en plus des redevances d'atterrissage, des droits généraux d'utilisation des aérogares ainsi que des autres charges aéroportuaires destinées à payer les coûts d'exploitation.
Le sénateur Mercer : On puisait donc dans les coffres de l'État pour financer les aéroports canadiens. C'était une subvention, et ce que je veux faire ressortir par-dessus tout, c'est qu'on subventionnait alors les coûts d'immobilisation. Toutes les semaines, je passe par l'Aéroport international Stanfield d'Halifax qui a été construit avec l'argent des contribuables. Tout de suite après sa construction, il a d'abord porté le nom d'Aéroport Kelly Lake.
M. Skrobica : J'ajouterais simplement que cet argent est sorti de la poche des contribuables qui ont payé la taxe sur le transport aérien.
Le sénateur Mercer : Cependant, ce qu'a rapporté cette taxe est loin d'égaler les coûts d'immobilisations des aéroports.
M. Skrobica : Non, à cause des importants déficits d'exploitation enregistrés par ces aéroports, et il est vrai qu'ils ont été subventionnés dans une certaine mesure.
Le sénateur Mercer : Si nous devions faire l'addition — et j'ai mentionné l'Aéroport d'Halifax, mais nous pourrions aussi parler de Pearson et de bien d'autres au Canada, de Williams Lake, en Colombie-Britannique, à l'Aéroport Trudeau — nous nous rendrions compte que l'État a versé des milliards de dollars pour financer des infrastructures grâce auxquelles votre industrie peut exister — je n'irai pas jusqu'à employer le mot « prospérer », parce que nous savons que tel n'est pas le cas —, mais au moins grâce auxquelles elle est en mesure de fonctionner.
M. Skrobica : Nous avons une lettre de Transports Canada qui précise qu'en 1997, la valeur nette aux livres de tous les aéroports était de 1,5 milliard de dollars
Depuis qu'il a imposé ses loyers fonciers, le gouvernement a retiré des milliards de dollars. De toute évidence, les aéroports ont payé beaucoup plus que ce que représentent ces investissements précédents. Le contribuable a joliment — certains diront même injustement — bénéficié de son investissement à l'époque.
Le sénateur Mercer : J'engagerais sûrement un autre évaluateur si le mien me disait que la valeur aux livres des aéroports en 1997 était de 1,5 milliard de dollars. J'affirmerais que Pearson, à lui seul, représente 1,5 milliard de dollars. Ça vaut sans doute 10 milliards de dollars aujourd'hui.
M. Skrobica : On ne parle pas de valeur marchande, on parle de la valeur résiduelle de l'investissement après amortissement.
Le sénateur Mercer : Il demeure qu'à Pearson seulement, le gouvernement du Canada a payé pour la construction des aérogares 1, 2 et 3 ainsi que pour la reconstruction de l'aérogare 2. A-t-il financé la reconstruction de cette aérogare? Peu importe, avant la privatisation de l'aéroport, on avait construit quatre aérogares, peut-être trois.
M. Skrobica : Il y en avait trois à l'époque.
Le sénateur Mercer : Je veux être certain que notre comité soit en mesure de comparer ce qui est comparable. On ne cesse de nous dire que les Américains subventionnent leurs aéroports, ce que nous ne contestons pas, mais ne pourrait-on pas un peu reconnaître que les contribuables canadiens ont subventionné généreusement cette industrie dans le passé?
M. Skrobica : Sénateur, je ne désapprouve pas ce que vous dites, si ce n'est qu'au cours des 15 dernières années, l'investissement initial a été amplement remboursé aux contribuables canadiens.
M. McKenna : Monsieur, permettez-moi de vous rappeler que toutes ces infrastructures, ces aéroports appartiennent encore au contribuable canadien. Ils sont loués selon des baux à long terme. Les autorités aéroportuaires ne les possèdent pas, elles ne font que les louer.
M. Skrobica : Et le gouvernement les récupérera avec toutes les améliorations qui y ont été apportées.
M. McKenna : Il les récupérera avec les améliorations locatives.
Le sénateur Mercer : Tout gouvernement qui voudrait récupérer ces actifs serait fou.
Le sénateur Marshall : Monsieur McKenna, dans votre mot d'ouverture, vous avez parlé de vos membres actuels ainsi que d'anciens qui vous ont quitté. Connaissez-vous assez bien vos membres actuels pour nous parler de leur situation financière actuelle? Est-ce que la plupart d'entre eux sont en train de se débattre pour rester à flot? Ne sont-ils pas dans une très mauvaise passe financière?
M. McKenna : Toute industrie dont la marge bénéficiaire est d'environ 2 p. 100 tutoie le précipice en permanence. Il faut être très résilient et créatif pour survivre. Je pense que personne n'est actuellement à l'aise dans notre industrie. Je crois que toutes les compagnies aériennes sont en alerte.
Le sénateur Marshall : Quand vous avez parlé de subventions dans vos remarques liminaires, vouliez-vous parler de subventions directes versées aux compagnies aériennes, comme celles émanant des gouvernements provinciaux ou fédéral?
Quand vous parlez de subventions, est-ce en tant que solution aux problèmes que représentent les loyers des aéroports et les taxes? De quoi est-il question? Quand vous avez parlé de subventions la première fois, je croyais que vous faisiez allusion aux subventions directes, mais, par la suite, j'ai eu l'impression que c'était autre chose.
M. McKenna : Je faisais allusion au chemin de fer, pas à l'industrie des transports aériens.
Le sénateur Marshall : Certes, mais comme vous avez soulevé la question, j'ai eu l'impression que vous réclamiez des subventions pour votre industrie.
M. McKenna : Non, ce n'était pas mon propos. Je dis simplement que nous ne bénéficions pas des mêmes conditions que le chemin de fer. Dans notre secteur, nous parlons souvent des compagnies ferroviaires, de TGV, du budget de VIA Rail et de toutes les subventions que reçoit cette compagnie. Nous disons que les deux modes de transport ne bénéficient pas du même traitement. C'était ça que je voulais dire.
Le sénateur Marshall : Votre association a-t-elle officiellement pris position sur les questions que vous avez soulevées au sujet des taxes et des loyers des aéroports? Réclamez-vous l'élimination ou la diminution des loyers d'aéroports? Réclamez-vous l'élimination ou une diminution relative des taxes? Formulez-vous des positions sur ces différentes questions?
M. McKenna : Tous les ans, à la faveur des consultations budgétaires, nous réclamons une diminution des taxes d'accise. Il y a quelques années, on nous avait promis de les diminuer de moitié, mais ça n'est jamais arrivé.
Nous avons réclamé, encore et encore, que les loyers d'aéroports soient diminués. Tout cela pourrait contribuer à nous rendre plus compétitifs.
J'ai entendu le président d'Air Canada aujourd'hui déclarer dans un discours qu'il lui en coûte annuellement 1 milliard de dollars de plus pour faire affaire au Canada plutôt qu'au sud de la frontière. Tout cela à cause des coûts additionnels imposés à notre industrie.
Le sénateur Marshall : À vous entendre, ces coûts n'ont jamais diminué et ils auraient plutôt continué d'augmenter.
M. McKenna : C'est qu'il y a toujours de nouveaux coûts qui viennent s'ajouter.
Le sénateur Marshall : Cela rend les choses d'autant plus difficiles.
M. McKenna : Oui, c'est très difficile.
Le sénateur Marshall : Merci beaucoup.
Le sénateur Frum : Vos membres sont-ils nombreux à estimer qu'ils sont en concurrence avec les transporteurs américains? J'ai l'impression qu'il s'agit pour la plupart d'exploitants de lignes intérieures qui n'ont pas affaire à la concurrence américaine.
M. McKenna : Vous voulez parler des voyageurs fréquentant les aéroports au sud de la frontière?
Le sénateur Frum : C'est cela.
M. McKenna : Mais si, car le phénomène touche tous les transporteurs régionaux et transcontinentaux. La plupart des transporteurs que nous représentons offrent des liaisons régulières et sont aux prises avec ce problème.
Le sénateur Frum : D'après votre liste, il semble que la majorité de vos membres desservent des marchés exclusifs, ne serait-ce que pour des raisons purement géographiques.
M. Skrobica : Il n'y a que très peu de liaisons au Canada qui sont desservies par des monopoles. En général, elles sont concurrentielles.
Permettez-moi de vous donner un exemple. La liaison Ottawa-Iqaluit a été exclusivement desservie par First Air pendant un certain nombre d'années avant que Canadian North ne revienne sur ce marché, pour un certain temps également. Puis, au printemps dernier, Air Canada, par le truchement de sa filiale Jazz, a commencé à exploiter cette ligne et voilà qu'il y a deux jours à peine, j'apprends que WestJet est aussi intéressée. Il y a effectivement concurrence sur ces liaisons.
Le sénateur Frum : C'est intéressant.
M. McKenna : Vous vouliez davantage parler de la concurrence américaine?
Le sénateur Frum : Oui, mais je me pose la question de la marge bénéficiaire de 2 p. 100. Si trois transporteurs se livrent concurrence sur cette liaison, il faut bien qu'ils dégagent un bénéfice.
M. Skrobica : Ça n'est pas viable.
Le sénateur Frum : Comment est-ce que ça se passe?
M. Skrobica : Il y a une sale manie qui a cours dans le secteur du transport aérien, celle de chercher à éliminer la concurrence à tout prix. La dernière compagnie aérienne qui demeure sur le marché est celle qui a les moyens financiers d'absorber les pertes ou qui peut opposer aux autres un obstacle particulier les empêchant de prendre pied sur le marché, comme le fait de posséder des infrastructures dans des aéroports. Dans le Nord, il faut absolument avoir un hangar. Sans hangar, il est très difficile de dégivrer les avions par moins 40 ou moins 50. Le problème, c'est que le survivant de cette guerre au finish tient à récupérer ses pertes et les consommateurs, eux, se sentent floués. Cependant, ces mêmes consommateurs ne tiennent pas compte du fait qu'ils ont bénéficié de services réguliers offerts par trois ou quatre compagnies aériennes et de tarifs anormalement bas et non viables pour les transporteurs.
Le sénateur Frum : Vous ne proposez cependant pas que le gouvernement intervienne pour réglementer ce genre de pratiques prédatrices?
M. Skrobica : Non.
Le sénateur Frum : Pour en revenir un peu à ce que voulait savoir le sénateur Mercer au sujet des infrastructures aéroportuaires du Canada, pensez-vous que celles-ci soient satisfaisantes?
M. Skrobica : Si vous prenez les plus importants aéroports du Canada, nous sommes mieux lotis que les Américains. Il est plus facile de construire des pistes ici qu'aux États-Unis ou dans d'autres pays. Au Royaume-Uni, il y a tout un débat pour savoir s'il va ou non y avoir une troisième piste à Heathrow. À Toronto seulement, je pense que nous en sommes à sept, ce qui veut dire que, du point de vue des infrastructures, les plus gros aéroports sont bien positionnés. Ils bénéficient des frais d'améliorations aéroportuaires destinées à financer les dépenses en immobilisations. J'ai lu quelque part que, chez notre voisin, on se plaint que beaucoup d'aéroports américains ressemblent à des aéroports du tiers monde à cause d'un manque de fonds.
Là où le bât blesse du côté des infrastructures, c'est dans les plus petits aéroports. Il y a cinq ou six ans, l'ATAC a réalisé une étude qu'elle a communiquée au groupe des politiques de Transports Canada. Nous avions réparti les aéroports canadiens en quatre catégories, à commencer par les huit ou neuf plus importants. En fonction de divers critères de santé économique, nous avons indiqué ce dont ils avaient besoin. Ceux de la première catégorie, la catégorie inférieure, ne sont pas viables, car ils peuvent difficilement maintenir leurs opérations. Ils ne peuvent pas maintenir leurs actifs en état.
Avec le temps, ils finiront par être mis hors service ou devront considérablement comprimer leur niveau d'opérations, ce qui ne sera pas sans conséquences parce que certains de ces aéroports se trouvent en région éloignée où il n'y a guère d'autre choix que l'avion. Les œufs qu'on achète à Puvirnituq sont transportés par avion. Huit mois par an, il n'y a pas de routes de glace ni de livraisons par bateau. C'est une question de besoins fondamentaux.
Le sénateur Frum : Et les 300 millions de dollars par an que le gouvernement récupère en loyers, ne pourraient-ils pas servir à construire ce genre d'infrastructures?
M. Skrobica : Transports Canada ne s'est jamais proposé d'investir.
Le sénateur Frum : Si l'ACSTA ne percevait que les 473 millions de dollars qui, selon vous, sont consacrés à la sûreté des transports aériens, quel serait alors le classement du Canada au chapitre du DSPTA?
M. McKenna : Tout d'abord, l'ACSTA ne perçoit pas ce droit, ce sont les aéroports qui le font et qui la versent au gouvernement canadien, lequel alimente ensuite le budget de l'ACSTA. Le classement que nous vous avons donné était fonction du pourcentage que représente le DSPTA sur chaque billet et non de la somme totale perçue.
Le sénateur Frum : C'est très bien.
M. McKenna : Il existe trois taxes à ce chapitre. L'une pour les vols intérieurs, l'autre pour les vols transfrontières vers les États-Unis et la dernière pour les vols internationaux. Elles varient de 11 à 25 $.
Le sénateur Frum : Si l'État la diminuait du tiers ou de la moitié, je suppose que nous nous retrouverions en milieu de peloton?
M. McKenna : C'est exact.
M. Skrobica : C'est exact.
Le sénateur Ogilvie : Précisons un peu la réponse que vous avez donnée au sénateur Mercer au sujet de la valeur aux livres de 1997. Je crois vous avoir entendu dire qu'il s'agissait d'une valeur aux livres amortie. Le gouvernement applique-t-il les méthodes comptables courantes pour calculer l'amortissement des actifs ou a-t-il sa propre méthode?
M. Skrobica : Si je me souviens bien, et comme cela remonte à 1997, ma mémoire est un peu embrumée, ceux qui constituaient alors les huit grands cabinets de comptables agréés ont été appelés à réaliser des études qui me donnent à penser que l'amortissement a été calculé d'après les principes comptables généralement reconnus.
Le sénateur Ogilvie : Merci. J'ai deux ou trois petites questions pour vous. Dans vos remarques liminaires, vous avez dit qu'Air Canada et WestJet ne font pas partie de votre association. Vous ne voudrez peut-être pas conjecturer, pour autant qu'il s'agisse de conjectures, mais dites-moi si la décision de ces compagnies tient au fait qu'elles estiment être assez grosses pour s'occuper de leurs problèmes de leur côté et qu'elles n'ont pas besoin de faire partie d'une association? Y aurait-il une raison de notoriété publique permettant de comprendre qu'elles n'appartiennent plus à votre association?
M. McKenna : Vous devriez, évidemment, leur poser la question à elles.
Le sénateur Ogilvie : Je comprends.
M. McKenna : J'en ai cependant conclu après coup, mais je n'étais pas là, qu'elles avaient une petite idée en tête et qu'elles se sont sans doute dit qu'il valait mieux l'exécuter de leur côté.
Le sénateur Ogilvie : Je comprends. Je ne savais pas si une raison officielle avait été donnée. Dans ce cas, vous deviez la connaître.
Ma deuxième petite question concerne les services aux aéroports. Le personnel aux portes est-il fourni par l'autorité aéroportuaire ou par les différentes compagnies aériennes?
M. Skrobica : De qui voulez-vous parler au juste?
Le sénateur Ogilvie : Je veux parler du personnel au sol qui accueille l'avion à son arrivée à l'aéroport, le personnel qui se trouve aux portes et qui déploie la passerelle, qui guide les avions au stationnement et ainsi de suite.
M. Skrobica : En général, il s'agit du personnel des compagnies aériennes. Dans certains aéroports, il arrive que des compagnies contractuelles se chargent de ce service pour les différentes compagnies aériennes.
Le sénateur Ogilvie : Si je vous pose la question, c'est que c'est généralement nul comme boulot. J'ai du mal à imaginer qu'un avion puisse arriver avec un peu d'avance ou de retard après deux heures de vol ou plus et que les équipes au sol soient incapables d'être au rendez-vous. Dès que l'avion décolle, on sait s'il va être à peu près à temps ou pas. Quand on voit les signaleurs et les autres émerger de la caféterie, on remarque qu'ils ne sont pas pressés du tout. C'est remarquable d'observer le comportement du personnel au sol qui s'occupe des compagnies aériennes. S'il s'agit d'offrir un service à la clientèle dans un milieu où la concurrence est rude, je me dis qu'on pourrait facilement améliorer ce pan de service. Le représentant d'une compagnie aérienne me dit que ce sont les autorités aéroportuaires qui s'occupent de ce genre de choses. Si j'en juge d'après votre réponse, on se passe la balle.
M. Skrobica : S'agissant du personnel au sol, il faut savoir que les retards peuvent être dus à différents facteurs, comme le contrôle de la circulation aérienne à cause du routage et même la circulation au sol. Il peut arriver que la porte ne soit pas disponible, ce qui relève alors de l'autorité portuaire. Il peut y avoir bien d'autres problèmes.
En revanche si, comme vous l'avez constaté, il s'agit du personnel sur l'aire de trafic, à ce moment-là, la responsabilité incombe à la compagnie aérienne.
Le sénateur Ogilvie : Pour en rester sur le même sujet, loin de moi l'idée de vous débobiner une litanie d'exemples d'incidents dont j'ai été témoin, mais le plus frappant de tous, c'est quand l'avion arrive à l'heure à la porte et qu'il reste immobile au début de la ligne peinte menant jusqu'à la porte sans que quoi que ce soit lui barre le chemin en attendant que le personnel de piste daigne sortir de la caféterie qu'on aperçoit depuis le tarmac. Cela se produit régulièrement. Sur les vols que je prends, les avions passent au moins une heure trente à deux heures trente dans les airs. J'estime que c'est un service épouvantable.
M. McKenna : Est-ce que je me trompe ou cela rejoint votre question de tout à l'heure sur les membres de notre association?
Le sénateur Ogilvie : Comme vous n'êtes pas disposé à me donner ce que je pense être la réponse à ma question, je ne suis, pour ma part, pas disposé à répondre à votre question.
Le sénateur Mercer : J'ai toujours dit qu'ils ne savaient pas que nous venions, personne ne les ayant prévenus.
Permettez-moi de revenir sur deux ou trois choses par souci de clarification. En réponse à la question du sénateur Frum, vous avez parlé des vols vers Iqaluit et du fait que nous allons peut-être nous retrouver avec trois compagnies aériennes desservant cette collectivité. Je me suis toujours plaint du fait que les grandes compagnies aériennes pratiquent des tarifs prédateurs. Je leur poserai d'ailleurs la même question quand nous les accueillerons ici. C'est pour ça que les compagnies aériennes comme Canadian et d'autres n'ont pas survécu. Les gros joueurs tirent tellement les prix vers le bas que les autres ne peuvent pas survivre. Ils avaient les bonnes liaisons qui rapportaient de l'argent. Laissez-vous entendre que c'est ce qui va se passer à Iqaluit? Autrement dit, que les voyageurs bénéficient peut-être de bons tarifs pour l'instant sur cette liaison, mais que les prix vont augmenter dès qu'il n'y aura plus qu'une seule compagnie aérienne?
M. Skrobica : C'est une chose, mais je pourrais ajouter autre chose. L'année dernière, le gouvernement du Canada est intervenu au nom d'une compagnie aérienne à qui il a consenti un prêt substantiel.
Le sénateur Mercer : C'était First Air ou Air North?
M. Skrobica : Essayez Air Canada.
M. McKenna : Demandez à votre collègue.
M. Skrobica : Essayez Air Canada. Cette compagnie a reçu 250 millions de dollars dont 100 millions de dollars dans le cadre d'une transaction plutôt bizarre effectuée au titre du Compte du Canada. Des interventions de ce genre bousculent la dynamique du marché. Elles encouragent les compagnies aériennes qui ne sont peut-être pas dans une excellente position financière, ce qui est habituellement le cas, à prendre des risques qu'elles n'assumeraient normalement pas. Notre association a officiellement déclaré qu'elle n'est pas en faveur d'interventions auprès d'une seule compagnie aérienne et que, quitte à consentir des aides, il faut que cela profite à toute l'industrie.
Le sénateur Mercer : Je veux tirer une autre chose au clair. Vous nous avez proposé beaucoup d'angles intéressants. Je vais en retenir quelques-uns pour nos échanges futurs avec d'autres témoins, y compris les compagnies aériennes qui ne sont plus membres de votre association et Transports Canada.
Les 760 millions, 100 millions et 300 millions de dollars que vous avez cités tout à l'heure concernent-ils uniquement vos membres ou également WestJet et Air Canada?
M. Skrobica : Je dirais l'industrie en général.
Le sénateur Mercer : Donc ça comprend aussi WestJet et Air Canada. Merci.
Le sénateur MacDonald : Merci, messieurs, de vous être déplacés ce soir. Hier, nous avons accueilli des représentants du Conseil national des compagnies aériennes du Canada. Ce soir, vous représentez l'Association du transport aérien du Canada. Le néophyte pourrait se dire qu'étant donné que vous appartenez tous à la même industrie, vous défendez les mêmes positions. Pourquoi y a-t-il deux organisations et pourquoi tout le monde ne se trouve-t-il pas sous le même parapluie?
Hier, j'ai posé certaines questions au sujet des membres de vos associations, mais je n'ai pas obtenu de réponse. Voyons si vous pouvez tirer les choses au clair pour moi.
M. McKenna : Nous serions ravis que certains de ces membres décident de revenir chez nous. Les deux associations ne se combattent pas. Comme vous avez pu le constater, nous avons des positions semblables sur un certain nombre de questions et nous collaborons d'ailleurs à plusieurs dossiers. Ces compagnies ont décidé de se réunir pour former un petit groupe de quatre, et cette décision leur appartient. C'est tout ce que je peux vous dire.
Le sénateur MacDonald : Ce groupe est constitué de la plupart des gros transporteurs au Canada et, hier soir, j'ai demandé pourquoi Porter n'en faisait pas partie, puisque cette compagnie est en train de rejoindre les grands. Je crois savoir que votre groupe comporte un grand nombre de petites organisations, c'est exact?
M. McKenna : C'est effectivement le cas avec les écoles de pilotage.
Le sénateur MacDonald : Comme les aéroports et des entreprises de ce genre?
M. McKenna : Pas vraiment. Nous ne représentons véritablement que des sociétés de l'aviation commerciale : les écoles de pilotage, les exploitants régionaux, les sociétés de transport aérien à la demande, les compagnies aériennes régionales et les compagnies de fret.
Le sénateur MacDonald : Va-t-on un jour réparer cette fracture? Tout le monde se retrouvera-t-il sous le même parapluie? Avez-vous des discussions pour que tout le monde se retrouve un jour sous la même bannière?
M. McKenna : Je vous mentirais si je vous disais que nous sommes en train de discuter de cela. Ces compagnies ont décidé de se retirer et nous, nous avons décidé de nous ressaisir et de nous réorganiser en conséquence. La transformation a été intéressante pour notre association qui a accueilli depuis un certain nombre de petits exploitants s'étant dit que, désormais, ils auraient une chance d'être entendus. Quand on a trois ou quatre gros joueurs dans une association, ils font pencher la balance.
Le sénateur MacDonald : Effectivement. Je voulais simplement obtenir une précision.
M. McKenna : Nous serions heureux de les voir réintégrer le bercail, mais nous n'allons pas cogner à leur porte.
Le sénateur MacDonald : Merci.
Le sénateur Marshall : Je veux revenir sur la question des subventions que j'ai soulevée tout à l'heure. Vous avez employé le mot « intervention » pour décrire une aide financière consentie à une compagnie aérienne. Quelles autres formes d'aides financières sont consenties aux membres de votre association? Par exemple, le gouvernement subventionne-t-il une ou plusieurs compagnies aériennes desservant des collectivités éloignées?
M. Skrobica : Aucune. Il peut y avoir des aides financières consenties localement, en général par des municipalités, mais pour autant que je sache, il n'y a généralement pas de subventions au Canada.
Les Américains, eux, ont le Essential Air Service program qui consiste à subventionner les compagnies aériennes régionales afin de les amener à desservir des villes comme Grand Forks qui n'ont habituellement pas la masse critique nécessaire pour soutenir un service aérien régulier.
Le sénateur Marshall : À l'exception de la seule intervention dont vous avez parlé tout à l'heure, les compagnies aériennes doivent-elles se débrouiller seules?
M. McKenna : Oui. Tous les membres de notre association, sauf un, sont des transporteurs privés. Certaines compagnies aériennes desservant le Nord sont en partie détenues par des Autochtones. C'est le gouvernement qui finance, pas forcément pour acheter la compagnie aérienne, mais pour assurer le bien-être général des résidents. Toutes ces compagnies aériennes sont détenues par des intérêts privés.
Le sénateur Marshall : Je sais qu'il y a plusieurs années, un gouvernement provincial a énormément subventionné une compagnie aérienne privée. Était-ce une anomalie ou quelque chose de courant? D'après ce que vous nous dites, ce devait être une anomalie.
M. McKenna : Il y a quelques années, au Québec, Air Labrador et, avant cela Jazz, ont été subventionnés à hauteur de quelque chose comme 1 million de dollars par an pour offrir des services dans les régions éloignées où elles ne seraient normalement pas allées. Ce sont les seuls cas où, à ma connaissance, des compagnies aériennes ont été subventionnées. Le gouvernement voulait s'assurer qu'elles desserviraient des régions commercialement non viables.
Je sais que des gouvernements provinciaux ont payé des études pour établir s'il serait viable, pour les compagnies aériennes, d'exploiter un service dans telle ou telle région. Les fonds à cette fin ont été versés à des organisations régionales qui cherchaient à attirer ce genre de services.
Le vice-président : La stratégie Droits des voyageurs aériens Canada, qui a été mise en œuvre il y a deux ans, a-t-elle permis de confirmer et de protéger les intérêts des passagers? Quelles recommandations d'améliorations vos membres ont-ils formulées pour bonifier les services que votre industrie offre au public voyageur canadien?
M. McKenna : Comme vous touchez à l'un des sujets favoris de M. Skrobica, je vais lui laisser le soin de vous répondre.
M. Skrobica : La stratégie Droits des voyageurs aériens Canada a été annoncée dans les jours qui ont précédé les dernières élections. Je ne pense pas que les consommateurs canadiens aient été correctement renseignés au sujet de leurs droits de voyageurs aériens. Je sais qu'une page du site Internet de Transports Canada est consacrée à cette stratégie, mais si vous avez eu la chance de jeter un coup d'œil sur ce site, vous savez qu'il ressemble à un énorme bol de spaghettis dans lequel il est très difficile d'aller pêcher des renseignements de ce genre.
Il faudrait préparer un solide plan de communications en vue d'informer les consommateurs canadiens de leurs droits de voyageurs aériens et du fait que de nombreuses compagnies aériennes ont souscrit à ce programme.
Le vice-président : Selon vous, c'est la structure du programme qui n'est pas efficace? N'est-ce pas simplement un problème de diffusion de l'information auprès du public?
M. Skrobica : C'est un défaut de diffusion. Il faut appliquer un meilleur programme de communications pour renseigner tous les Canadiens.
Le vice-président : En quoi ce programme se compare-t-il avec ce qui existait avant?
M. Skrobica : Le service de médiation administré par l'Office des transports du Canada existe encore. Il est chargé de rapprocher le point de vue des passagers réclamant un redressement et celui des compagnies aériennes qui appliquent une grille tarifaire contractuelle, et de parvenir à un règlement satisfaisant. Si les droits des voyageurs aériens étaient mieux connus, on pourrait éviter d'en venir à la médiation. Les consommateurs sauraient mieux ce qu'ils peuvent attendre d'une compagnie aérienne.
Le vice-président : Comme les membres du comité n'ont plus de questions à poser, je tiens à remercier les représentants de l'Association du transport aérien du Canada de s'être déplacés ce soir. Vous nous avez été très utiles. Si vous voulez communiquer quoi que ce soit au comité dans le courant de ses travaux, n'hésitez surtout pas. Vous pouvez faire parvenir l'information à la greffière du comité.
Merci d'avoir répondu à notre invitation.
M. McKenna : J'enverrai à la greffière un document expliquant comment j'en suis arrivé aux chiffres que je vous ai donnés et comment la situation a évolué au fil des ans.
Le vice-président : Merci.
(La séance est levée.)