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RIDR - Comité permanent

Droits de la personne

 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
Droits de la personne

Fascicule 26 - Témoignages du 6 mai 2013


OTTAWA, le lundi 6 mai 2013

Le Comité sénatorial permanent des droits de la personne se réunit aujourd'hui, à 16 heures, pour faire une étude sur l'évolution de diverses questions ayant trait aux droits de la personne et à examiner, entre autres choses, les mécanismes du gouvernement pour que le Canada respecte ses obligations nationales et internationales en matière de droits de la personne. (sujet : la résolution 1325 du Conseil de sécurité des Nations Unies sur les femmes, la paix et la sécurité)

La sénatrice Mobina S. B. Jaffer (présidente) occupe le fauteuil.

[Français]

La présidente : Honorables sénateurs, je déclare ouverte la 34e réunion de la 41e législature du Comité sénatorial permanent des droits de la personne.

Ce comité a reçu du Sénat le mandat d'examiner des questions ayant trait aux droits de la personne au Canada et à l'étranger.

[Traduction]

Je tiens à rappeler aux auditeurs que les séances du comité sont ouvertes au public et qu'elles sont diffusées sur le site web du Parlement, à l'adresse parl.gc.ca. Vous trouverez plus de détails sur les témoins en consultant le site web sous la rubrique « Comités du Sénat ».

Honorables sénateurs, comme vous le savez, nous faisons le point sur la mise en œuvre de la résolution 1325 du Conseil de sécurité des Nations Unies et de ses résolutions subséquentes sur les femmes, la paix et la sécurité.

[Français]

La résolution 1325 a été adoptée à l'unanimité par le Conseil de sécurité des Nations Unies le 31 octobre 2000. Elle porte sur les effets des conflits armés sur les femmes et les petites filles et souligne plus particulièrement leurs besoins sur les plans du rapatriement, de la réinstallation, du relèvement, de la réinsertion et de la reconstruction après les conflits.

[Traduction]

En septembre 2009, le comité a entrepris son étude sur la mise en œuvre de la résolution, ce qui a mené au dépôt d'un rapport, en novembre 2010, intitulé Les femmes, la paix et la sécurité : Le Canada agit pour renforcer la participation des femmes. Ce rapport a été étayé par un rapport subséquent, déposé par le comité en décembre 2010, La formation en Afghanistan : inclure les femmes. Le plan d'action du Canada, intitulé Offrir la paix et la sécurité à tous, a été publié le 5 octobre 2010. Le comité s'est réjoui de l'élaboration du plan et a reconnu qu'il était conforme au cadre décrit par le Secrétaire général des Nations Unies dans le rapport qu'il a fait au Conseil de sécurité en 2010 sur les femmes, la paix et la sécurité.

En revanche, le comité était aussi d'avis que le gouvernement du Canada devrait faire preuve de plus de rigueur dans l'évaluation des efforts qu'il déploie pour atteindre les objectifs décrits dans les résolutions du Conseil de sécurité des Nations Unies sur les femmes, la paix et la sécurité.

Par conséquent, dans son rapport, le comité a recommandé que le gouvernement du Canada affermisse son plan en définissant les objectifs à atteindre pour chacune des mesures prévues et en assortissant les indicateurs de délais pour atteindre ces objectifs.

Nous avons également recommandé que le gouvernement du Canada affecte des ressources budgétaires pluriannuelles bien définies à la mise en œuvre du plan d'action. Même s'il est mentionné dans le plan d'action du Canada que le MAECI dressera un rapport annuel des progrès du Canada dans la mise en œuvre des résolutions du CSNU sur les femmes, la paix et la sécurité, rien de tel n'a encore été publié.

Je m'appelle Mobina Jaffer et, à titre de présidente du comité, c'est pour moi un grand plaisir de vous souhaiter la bienvenue à cette séance. J'invite les membres du comité à se présenter à tour de rôle, à commencer par la vice- présidente.

La sénatrice Ataullahjan : Je suis la sénatrice Salma Ataullahjan, et je représente Toronto, en Ontario.

Le sénateur Ngo : Sénateur Ngo, de l'Ontario.

La sénatrice Andreychuk : Raynell Andreychuk, de la Saskatchewan.

Le sénateur Oh : Victor Oh, de l'Ontario.

Le sénateur Harb : Mac Harb, de l'Ontario.

La présidente : Permettez-moi de vous présenter notre premier groupe de témoins. J'aimerais tout d'abord souhaiter la bienvenue à Marie Gervais-Vidricaire, directrice générale du Groupe de travail pour la stabilisation et la reconstruction, au sein du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international. Je peux vous affirmer qu'elle a acquis beaucoup d'expérience au cours de sa longue carrière. Jim Junke compte également de nombreuses années d'expérience dans ces dossiers, et il occupe le poste de directeur à la Direction des politiques des droits de la personne et de la gouvernance.

Nous accueillons ensuite le major-général Michael Day, directeur général de la Politique de sécurité internationale, à la Défense nationale.

Enfin, nous retrouvons une amie du comité, Lilian Chatterjee, directrice générale des Politiques thématiques et sectorielles, au sein de la Direction générale des politiques stratégiques et du rendement.

Nous vous souhaitons la bienvenue à tous. Nous vous considérons comme des partenaires dans le cadre de l'étude de ces dossiers, à la fois difficiles et très importants. Je crois savoir qu'on entendra deux exposés, tout d'abord d'Affaires étrangères et Commerce international Canada, puis de la Défense nationale.

Marie Gervais-Vidricaire, directrice générale, Groupe de travail pour la stabilisation et la reconstruction, Affaires étrangères et Commerce international Canada : Merci beaucoup, madame la présidente. Bonjour à tous. Je remercie le comité de me donner l'occasion de faire le point sur les progrès réalisés par le gouvernement dans la mise en œuvre du Plan d'action national du Canada sur les femmes, la paix et la sécurité. Deux années et demie se sont écoulées depuis que le gouvernement a annoncé l'adoption du plan d'action, en octobre 2010. Le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international du Canada, ainsi que le ministère de la Défense nationale, l'Agence canadienne de développement international et la Gendarmerie royale du Canada ont activement mis en œuvre les engagements du plan d'action et, ce faisant, ont contribué à la concrétisation des obligations des États membres des Nations Unies concernant la résolution 1325. De plus, ces ministères collaborent dans les secteurs appropriés afin d'optimiser l'efficacité de leurs efforts.

J'ai le plaisir d'être accompagnée du major-général Michael Day, directeur général de la politique de sécurité internationale du MDN, qui prononcera également quelques mots de bienvenue, et de Lilian Chatterjee, directrice générale des politiques thématiques et sectorielles de l'ACDI, qui sera ravie de répondre à toutes vos questions sur le travail qu'accomplit l'ACDI en vue de mettre en œuvre le plan d'action du Canada.

Je suis également accompagnée de mon collègue, Jim Junke, directeur de la Direction des politiques des droits de la personne et de la gouvernance, qui pourra également répondre à vos questions concernant le travail du MAECI.

Le MAECI s'est employé à mettre en œuvre le plan d'action en déployant des efforts dans trois domaines dont je vous parlerai brièvement aujourd'hui. Il s'agissait en l'occurrence de mettre en place les structures et les processus nécessaires au MAECI et au niveau interministériel pour gérer la mise en œuvre; d'effectuer des démarches sur le plan international et au Canada afin de promouvoir les efforts en faveur des femmes, de la paix et de la sécurité; et de mettre à exécution des programmes pour promouvoir les principes de l'action en faveur des femmes, de la paix et de la sécurité dans des États fragiles et en proie à un conflit.

Tout d'abord, sur le plan des structures et des processus, sachez qu'au MAECI, le bureau chargé de diriger et de coordonner l'action en faveur des femmes, de la paix et de la sécurité relève du Groupe de travail sur la stabilisation et la reconstruction, soit le GTSR. Le groupe a pour mission d'élaborer des politiques, de déployer des experts civils et d'exécuter des programmes en ce qui concerne les interventions canadiennes dans des États fragiles et en proie à un conflit, comme Haïti, la Syrie et l'Afghanistan.

La nécessité d'œuvrer en faveur des femmes, de la paix et de la sécurité est prise en compte dans tous les aspects de ce travail. Nous avons institué une formation régulière sur la façon d'appliquer une approche soucieuse de l'égalité entre les sexes, qui s'adresse à tous les agents du GTSR, ainsi qu'une formation ciblée à l'intention de certains agents afin de perfectionner l'expertise interne. Nous offrons aussi cette formation à des agents d'autres directions générales du MAECI et d'autres ministères pour s'assurer que la mise en œuvre du plan d'action s'inscrit dans une approche pangouvernementale.

De plus, le GTSR préside un groupe de travail sur les femmes, la paix et la sécurité formé de représentants de différentes directions du MAECI ainsi qu'un groupe de travail interministériel auquel siègent des représentants du MDN, de la GRC, de l'ACDI et de Condition féminine Canada.

Nous rendons compte des avancées réalisées vers la mise en œuvre du plan auprès des hauts responsables par l'intermédiaire du Conseil consultatif du GTSR, que je préside.

Ce printemps, avant l'ajournement de la Chambre, le gouvernement déposera son rapport annuel sur la mise en œuvre du plan d'action du Canada pour l'année financière 2011-2012. Il s'agira du premier rapport annuel à ce sujet, de sorte que les ministères et organismes concernés ont dû déployer des efforts considérables afin de préparer un compte rendu complet des activités du gouvernement en faveur des femmes, de la paix et de la sécurité. Or, nous sommes convaincus que ce document s'avérera instructif pour les Canadiens et la communauté internationale. L'élaboration de ce rapport est presque terminée, et une fois qu'il aura été déposé, nous serons ravis d'en fournir un exemplaire au comité.

[Français]

Dès l'annonce de l'adoption du Plan d'action national, nous avons établi un dialogue avec des pays et des organisations partageant la même vision, comme le Royaume-Uni, les États-Unis, les Pays-Bas, l'OTAN et l'Union européenne.

Ce faisant, nous avons mis en place un réseau utile qui nous permet de partager les expériences et les enseignements face à des préoccupations communes liées aux femmes, à la paix et à la sécurité. Ces efforts bilatéraux servent de complément au rôle actuel du Canada en tant que président du Groupe des amis des femmes, de la paix et de la sécurité aux Nations Unies. Au sein de ce groupe, nous collaborons avec des pays partageant la même vision afin de promouvoir le programme d'actions en faveur des femmes, de la paix et de la sécurité y compris au Conseil de sécurité des Nations Unies. Le Canada a joué un rôle de premier plan dans ce domaine avec les pays du G8, ce qui s'est traduit par des engagements fermes de la part des dirigeants et des ministres des Affaires étrangères du G8 en 2012. Cela a aussi donné lieu à l'adoption d'une déclaration historique par des ministres des Affaires étrangères du G8 sur la prévention de la violence sexuelle dans les conflits, en avril 2013. Cette déclaration fait état de l'importance que revêt la participation des femmes au processus de prise de décision.

En outre, nos missions diplomatiques continuent à promouvoir l'action en faveur des femmes, de la paix et de la sécurité auprès des gouvernements hôtes et de la société civile de pays qui suscitent des préoccupations tels que la Libye et l'Afghanistan.

Les programmes en faveur des femmes, de la paix et de la sécurité : par l'intermédiaire du Fonds pour la paix et la sécurité mondiale d'Affaires étrangères et Commerce international Canada et du Fonds canadien d'initiatives locales, nous continuons d'appuyer le déploiement de policiers et d'autres civils ainsi que des projets visant à promouvoir l'action en faveur des femmes, de la paix et de la sécurité.

À titre d'exemple, depuis l'année financière 2010-2011, le Fonds mondial pour la paix et la sécurité a consacré plus de 18,6 millions de dollars à des projets ayant permis de remédier, en tout ou en partie, à des problématiques liées aux femmes, à la paix et à la sécurité. Entre autres résultats, ces efforts ont permis d'accroître la participation des femmes aux processus politiques et aux initiatives visant à prévenir les conflits au Népal, au Sierra Leone et en Tunisie; de promouvoir et de protéger les droits des femmes et des filles en contribuant à la mise en place de lois et institutions nécessaires dans les pays hôtes, en aidant à la sensibilisation aux droits des femmes et des filles, en améliorant l'accès aux services juridiques et de rétablissement à l'intention des femmes et des filles victimes de violence sexuelle et en soutenant la promotion des enjeux liés à la protection et à la prévention dans des pays comme l'Afghanistan; de renforcer la capacité des organismes d'aide aux femmes, des avocats, des défenseurs des droits humains et des procureurs nationaux; de faire enquête sur des crimes sexuels violents commis contre des femmes dans des conflits armés et de traduire en justice les responsables comme en Colombie. Ils ont permis également de déployer des experts civils et des policiers chargés de faire enquête sur des cas de violence sexuelle dans des pays qui suscitent des préoccupations comme la Libye et la Syrie.

[Traduction]

Je répondrai volontiers à vos questions.

La présidente : Merci. Nous poserons nos questions à la suite des deux exposés.

Major-général Michael Day, directeur général, Politique de sécurité internationale, Défense nationale : Merci et bonjour à tous. De toute évidence, je suis heureux de faire le point aujourd'hui sur les progrès que notre ministère a réalisés pour mettre en œuvre le plan d'action du Canada en ce qui concerne la suite à donner aux résolutions du Conseil de sécurité des Nations Unies sur les femmes, la paix et la sécurité. C'est d'ailleurs avec plaisir que je répondrai à vos questions.

De concert avec nos partenaires d'autres ministères et organismes fédéraux, dont le MAECI et l'ACDI, le ministère de la Défense nationale et les Forces armées canadiennes sont déterminés à mettre pleinement à exécution les résolutions du Conseil de sécurité de l'ONU sur les femmes, la paix et la sécurité, par exemple les résolutions 1325 et 1820 et les résolutions subséquentes. Nous reconnaissons les impératifs juridiques, éthiques et opérationnels de donner suite à ces résolutions dans notre vie quotidienne et en mission à l'étranger.

Au ministère de la Défense nationale, la coordination des dossiers concernant les femmes, la paix et la sécurité relève de notre équipe au sein de la Division de la politique de sécurité internationale. Nous collaborons avec d'autres intervenants du ministère et des Forces armées canadiennes, y compris l'état-major interarmées stratégique, le chef du personnel militaire, le Commandement des opérations interarmées du Canada et, bien sûr, les trois armées, pour n'en mentionner que quelques-uns. De façon générale, nous tirons parti de toutes les divisions du ministère de la Défense nationale et des Forces armées canadiennes. Ensemble, nous unissons nos efforts à ceux de l'ensemble du gouvernement, sous la direction du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, afin de mettre en œuvre le plan d'action et de rendre compte de nos activités.

Pour le ministère de la Défense nationale, la mise en application des résolutions se traduit par le fait de veiller à ce que les instructions données aux militaires canadiens exécutant des opérations de paix et à d'autres pays, par l'intermédiaire du Programme d'instruction et de coopération militaires, tiennent compte du fait que les conflits touchent les femmes différemment que les hommes et qu'il faut remédier à cela pour des raisons d'ordre juridique, éthique et opérationnel. Cette démarche suppose aussi que le Canada dispose de politiques favorisant la participation et la représentation des femmes dans le processus décisionnel ainsi que la protection des droits des femmes et des filles, notamment la prévention de la violence sexuelle.

Notre ministère met aussi de l'avant le plan d'action en faveur des femmes, de la paix et de la sécurité en collaborant avec des organismes internationaux tels que l'OTAN, notamment en envoyant un représentant à la réunion du Comité OTAN sur la dimension de genre et en rendant compte des activités du Canada à cette tribune. En fait, le ministère de la Défense nationale a présidé ce comité dans le passé et cherchera à le faire de nouveau à l'avenir. Lors du sommet de l'OTAN, tenu l'an dernier à Chicago, les alliés se sont de nouveau engagés à l'égard de cette cause en sanctionnant un rapport périodique stratégique sur l'intégration de la résolution 1325 du Conseil de sécurité des Nations Unies et des résolutions connexes dans les opérations dirigées par l'OTAN. Cela est reflété dans le déroulement quotidien des opérations de l'OTAN partout dans le monde, y compris en Afghanistan.

Nous faisons aussi de notre mieux pour encourager un dialogue sur ces questions dans la société civile. Par exemple, le Programme de coopération de la Défense a contribué au financement du sixième atelier annuel sur les femmes et la sécurité internationale, qui a réuni des universitaires, des étudiants et des praticiens du domaine pour un échange d'idées sur le rapport qui existe entre les femmes et la violence et qui constitue l'un des facteurs déterminants en matière de sécurité internationale.

Enfin, bien que ceci ne concerne pas la mise en œuvre de ces résolutions, je m'en voudrais de ne pas souligner le leadership dont le Canada fait preuve sur le plan du rôle des femmes dans les forces armées. Les femmes constituent 14 p. 100 de l'effectif de la Force régulière et de la Réserve des Forces armées canadiennes. C'est certes là une réalisation remarquable, mais l'objectif à long terme est d'atteindre 25 p. 100. Les femmes sont admissibles à tous les groupes professionnels militaires, y compris les spécialités de combat. Elles ont fait leurs preuves en Afghanistan, non seulement comme exécutantes, mais aussi comme leaders. Elles remplissent aujourd'hui des rôles variés dans des missions internationales depuis le Sinaï, en Égypte, jusqu'en République démocratique du Congo et en passant par l'Afghanistan. Par conséquent, bien que nous soyons conscients du fait qu'il reste encore beaucoup à faire pour intégrer les femmes dans les forces armées, nous sommes très fiers non seulement des progrès accomplis jusqu'ici sur ce plan, mais aussi des femmes qui y occupent présentement un poste de direction.

Je vous remercie encore une fois de m'avoir permis de comparaître aujourd'hui. Je me ferai maintenant un plaisir de répondre à vos questions.

La présidente : Merci. J'aimerais vous poser une question. Notre comité avait recommandé au gouvernement du Canada d'affecter des ressources budgétaires pluriannuelles bien définies à la mise en œuvre du plan d'action du Canada. Je vous ai entendu dire que votre plan d'action sera présenté ultérieurement. Je sais que vous n'avez pas le droit de nous dire ce qu'il contiendra, et je respecte cela. Toutefois, comptez-vous suivre la recommandation du comité en définissant les objectifs à atteindre pour chacune des mesures prévues dans le plan d'action du Canada et en assortissant les indicateurs d'échéances pour chacun de ces objectifs?

Mme Gervais-Vidricaire : Au cours des premières années, nous établirons les données de référence et, au cours de l'examen de mi-parcours, nous cernerons les améliorations à apporter, notamment la possibilité de fixer des objectifs. En ce qui concerne la question des ressources, madame la présidente, le plan d'action du Canada prévoit un cadre stratégique pour les programmes et les activités du gouvernement, dont la valeur totale se chiffre en milliards de dollars. Dans ma déclaration, j'ai fait référence à un financement expressément affecté à certains projets précis grâce à notre Fonds pour la paix et la sécurité mondiales, mais, bien sûr, le gouvernement fait beaucoup plus que cela. Je sais que ma collègue de l'ACDI pourrait aussi en parler.

La présidente : Dans votre mémoire, vous avez dit que vous accroissez la participation des femmes aux processus politiques et aux initiatives visant à prévenir les conflits. J'ai parlé avec des femmes de La Paz, du Sierra Leone et de la Tunisie — de la Tunisie, il y a quelques semaines à peine — et elles ne sentent pas que c'est le cas. Je vais maintenant pouvoir leur faire part de ce que vous dites. Pourriez-vous nous donner des exemples précis de domaines dans lesquels vous souhaiteriez accroître la participation des Tunisiennes?

Mme Gervais-Vidricaire : Je pourrais fournir au comité une liste complète des projets que nous avons entrepris en Tunisie, mais je pense qu'il s'agit surtout de la participation au processus électoral. Dans le cas de l'Afghanistan, par exemple, nous avons travaillé à des questions liées aux droits des femmes et avons aidé certaines jeunes avocates à sensibiliser les femmes de leurs collectivités à leurs droits et à apaiser certaines de leurs inquiétudes. Je serais heureuse de fournir au comité une brève description de ces projets ultérieurement.

La présidente : Je ne m'intéresse pas tant aux projets précis qu'à la manière dont vous favorisez la participation des femmes au processus politique. Merci. Je vous serais reconnaissante de nous fournir ces renseignements.

La sénatrice Ataullahjan : Merci pour votre exposé. La présidente a posé une partie de ma question. Notre comité a présenté un rapport sur le rôle que le gouvernement du Canada pourrait jouer dans la promotion et la protection des droits des femmes en Afghanistan, et ce, au moment où prenait fin la mission du Canada à Kandahar et où notre contribution allait désormais être axée sur la mission de l'OTAN. Dans ce rapport, le comité a recommandé au gouvernement de compter la promotion des droits de la femme parmi ses cinq priorités en Afghanistan après 2011. Maintenant que nous sommes en 2013, pourriez-vous nous dire si des femmes ont été mises à contribution en Afghanistan? Quel rôle le Canada a-t-il joué à cet égard?

Mme Gervais-Vidricaire : Je vais parler au nom du MAECI, après quoi je laisserai la parole à ma collègue pour exposer ce que fait l'ACDI.

Nous avons comme priorité d'encourager la participation des femmes. Nous appuyons la mise en œuvre d'un plan novateur et dynamique qui suscite la participation de la population pour sensibiliser les chefs religieux et les dirigeants communautaires aux droits des femmes et encourager ceux-ci à les respecter, un plan qui fait la promotion de changements sociaux. Nous avons également appuyé le renforcement des capacités des organisations de la société civile, notamment des organisations de femmes, pour qu'elles puissent établir des programmes de formation en matière sensibilisation et de suivi à l'égard de ces droits, de conception de programmes et de l'obligation de rendre des comptes et d'être transparent, ainsi que des programmes de formation opérationnelle, notamment en matière de finances, de comptabilité et de ressources humaines — tout cela dans le but de renforcer leurs capacités. Il reste encore beaucoup à faire à cet égard, alors nous devons aider les femmes à s'aider elles-mêmes, à s'organiser elles-mêmes.

Lilian Chatterjee, directrice générale, Politiques thématiques et sectorielles, Direction générale des politiques stratégiques et du rendement, Agence canadienne de développement international : Merci, madame la sénatrice Ataullahjan. La protection et la promotion des droits des femmes ont été, et continuent d'être, des piliers clés de l'engagement du Canada en Afghanistan. Le Canada continuera de contrecarrer toute régression des progrès visibles marqués par les femmes afghanes au cours des 10 dernières années. Vous êtes probablement au courant du Cadre de responsabilité mutuelle de Tokyo pour la stabilité de l'Afghanistan, qui transforme désormais les paramètres de la relation entre les gouvernements donateurs et celui de l'Afghanistan. L'objectif est de faire avancer les engagements en matière de gouvernance, notamment sur le plan des mesures d'anticorruption et de l'efficacité, et d'attirer l'attention des gens sur le sort des femmes et des filles.

Vous avez demandé des exemples. Je peux vous parler de progrès très visibles. Le nombre de filles inscrites à l'école est passé de zéro en 2001 à environ 2,9 millions cette année. Plus de 7,4 millions d'enfants sont maintenant inscrits à des écoles régulières. Le nombre d'enseignants est passé à plus de 172 000, dont 30 p. 100 sont des femmes. Aux dernières élections nationales en Afghanistan, tenues en 2009, 406 femmes ont brigué suffrage pour les 249 sièges au Parlement. Les femmes représentent maintenant 27 p. 100 des parlementaires afghans. L'engagement renouvelé du Canada en Afghanistan en matière de développement misera sur ces progrès et sera axé sur les besoins des femmes et des filles. L'ACDI continuera d'appuyer certains efforts précis pour améliorer la santé maternelle et infantile, accroître l'accès des filles à l'éducation, augmenter le taux d'alphabétisation des femmes de même que défendre les droits des femmes et des filles et accroître leur rôle dans le processus décisionnel.

Vous avez aussi demandé des précisions au sujet de la participation des femmes et des filles. Dans le cadre de sa contribution aux élections de 2009-1010 en Afghanistan, le Canada a collaboré avec ses partenaires afghans pour encourager les Afghanes à voter et à poser leur candidature. La formation fournie à 248 candidates de 31 provinces a permis à ces dernières de s'engager dans les élections parlementaires de 2010. Vingt des soixante-neuf femmes élues au Parlement avaient assisté à la séance de formation financée par l'ACDI.

En 2011-2012, l'ACDI a soutenu l'engagement du président Karzai à l'égard de la participation des femmes à la Conférence de Bonn sur la transition en Afghanistan, en appuyant la participation de cinq femmes. La participation du Réseau des femmes afghanes était axée sur la transition et sur le processus de paix, et elle a permis à la communauté internationale ainsi qu'aux participants afghans de mieux connaître et comprendre les priorités et les préoccupations des femmes afghanes.

Voici un autre exemple à l'extérieur de l'Afghanistan. En appuyant les groupes de femmes au sein de formations d'opposition ethniques des régions frontalières en Birmanie, l'ACDI a contribué à l'augmentation de la représentation des femmes à des postes de direction. De 2006 à 2012, leur proportion est passée de 7 à 16 p. 100.

Le sénateur Harb : Je voudrais poser une question générale. Normalement, quand les résolutions de l'ONU sont adoptées, les pays y souscrivent, mais il faudrait presque être un expert pour déterminer si les pays s'y conforment. Par exemple, à votre avis, dans quels pays serait-on au courant de la résolution 1325 de l'ONU? Pourriez-vous en nommer deux ou trois où les gens en seraient conscients et où, en fait, des mesures sont réellement prises à cet égard?

Mme Gervais-Vidricaire : Voilà une question intéressante. Je pense que, depuis quelques années, les gens sont beaucoup plus conscients de ces problèmes. Je me souviens qu'il y a 10 ans, quand je me penchais déjà sur un de ces problèmes avec la sénatrice Jaffer, nous disions qu'il fallait sensibiliser la population. Je ne dis pas qu'il ne reste plus rien à faire; au contraire. Toutefois, je pense que beaucoup de pays ont mis en place un plan d'action national. Le Canada n'est pas le seul à l'avoir fait.

Quand on regarde la déclaration récente, par exemple, des ministres des Affaires étrangères des pays du G8, à mon avis, le fait qu'ils aient insisté pour faire une déclaration distincte sur la violence sexuelle pendant les conflits — ce qui est directement lié à ce dont nous parlons aujourd'hui —, montre que ces problèmes sont devenus une priorité.

J'ai parlé d'un certain nombre de pays occidentaux, mais je pense qu'en Afrique, en Amérique latine et en Asie, les gens sont beaucoup plus sensibilisés au problème. Le Canada préside le Groupe des amis des femmes, de la paix et de la sécurité, aux Nations Unies. Je pourrais vous donner le nom des pays membres de ce groupe; ils représentent diverses régions de la planète. Le groupe saisit toutes les occasions possibles, entre autres, pour parler des enjeux et des stratégies de même que pour faire des déclarations conjointes et nationales. Il s'agit d'une excellente initiative. Quand on voit ce qui se passe notamment en Syrie, en République démocratique du Congo ou même en Afghanistan, il est clair qu'il reste encore beaucoup à faire.

Le sénateur Harb : Selon vous, aux Nations Unies, qui ou quel département précisément essaie de déterminer ce que les pays ont fait et les invite à soumettre un rapport à ce sujet? J'ai l'impression que, dès qu'une résolution est adoptée, chacun va de son côté sans qu'on en fasse le suivi.

D'après ce que je peux voir, même beaucoup des pays développés qui mettent en œuvre des programmes d'aide dans des pays en développement n'ont pas vraiment intégré les notions d'égalité des sexes et de participation des femmes dans des pays en conflit ou en période de rétablissement après conflit. Rien ne semble avoir été mis en place pour voir ce que ces pays font là-bas.

Je suppose que le problème n'est pas que ces pays manquent à la tâche, mais plutôt que personne aux Nations Unies ne fait le suivi de ce qui se fait, d'après ce qu'on peut voir, surtout pour ce qui est des pays donateurs dans les pays en développement. Auriez-vous quelque chose à dire à ce sujet?

Mme Gervais-Vidricaire : On s'attend à que tous les pays membres respectent les résolutions et les obligations des Nations Unies. Toutefois, en ce qui concerne les mécanismes prévus pour veiller à ce que les gens les suivent, il y a une représentante spéciale du Secrétaire général pour la violence sexuelle, par exemple, qui regarde précisément ce que font ou ne font pas certains pays pour protéger les femmes et prévenir des injustices de ce genre. Le Canada appuie entièrement les efforts de la représentante spéciale, comme le font les autres pays.

Essentiellement, vous dites que les pays qui ne respectent pas leurs obligations ne sont pas vraiment réprimandés; or, je pense qu'ils le sont. Bien souvent, au Conseil de sécurité, quand on essaie de voir quoi faire pour régler une situation précise, on soulève la question des femmes et de leurs droits. Est-ce que cela a un impact? Cela n'a pas toujours l'impact que nous aimerions voir. Il reste encore beaucoup à faire dans le dossier des femmes en République démocratique du Congo et en Syrie, dont il est beaucoup question de nos jours.

Peut-être que M. Junke pourrait parler des rapports sur les droits de la personne qui sont présentés au conseil, parce qu'il s'agirait d'une bonne place pour soulever de telles questions.

Jim Junke, directeur, Politique des droits de la personne, Affaires étrangères et Commerce international Canada : Oui. ONU Femmes est la principale institution à se pencher sur la stratégie générale à l'égard des droits des femmes; elle ne se consacre pas exclusivement à ce dossier, mais, bien sûr, elle est la principale à le faire. Il existe beaucoup d'autres institutions spécialisées des Nations Unies qui assurent la conformité des pays. Évidemment, le Haut-commissariat aux droits de l'homme est très actif. Nous procédons à un examen périodique universel dans le cadre duquel les pays sont réprimandés dans tel ou tel domaine. Nous sommes très actifs, et nous intervenons dans les examens périodiques universels de tous les autres pays. Nous venons de subir le nôtre. Il s'agit d'un cycle de quatre ans et demi.

Par ailleurs, la Commission de la condition de la femme de l'ONU a tenu une immense réunion en mars dernier, à New York, avec plus de 8 000 délégués. Le thème était la violence envers les femmes. Les délégués y ont adopté une résolution consensuelle. Un autre instrument est le Conseil des droits de l'homme. Chaque année, au mois de juin, nous nous chargeons de la résolution contre la violence envers les femmes. À l'heure actuelle, nous avons obtenu le consensus de plus de 90 pays de toutes les régions, de toutes les confessions et de diverses cultures.

Nous intervenons de plusieurs façons dans ce dossier. Ce n'est pas toujours dans le contexte d'un conflit, même si c'est souvent le cas.

La présidente : J'ai une question supplémentaire. Merci de votre explication, monsieur Junke, mais il y a une chose qui me préoccupe. Notre étude ne traite pas expressément de violence à l'endroit des femmes. La résolution 1325 porte sur les femmes, la paix et la sécurité. Je pense que c'était aussi l'objet de la question de mon collègue, le sénateur Harb. La violence à l'endroit des femmes est un autre problème. Je crois qu'il voulait savoir comment les choses se déroulaient à l'égard des cinq résolutions à propos des femmes, de la paix et de la sécurité, plutôt qu'en ce qui concerne la violence contre les femmes. Est-ce que je me trompe?

M. Junke : J'essayais simplement d'illustrer l'aspect stratégique.

La présidente : Vous n'avez pas répondu à sa question.

M. Junke : C'est ce que je tentais de faire.

Le sénateur Harb : J'ai terminé.

La sénatrice Andreychuk : Merci de comparaître devant le comité pour faire le point avec nous. Je sais que les résolutions ont eu un certain impact, surtout au sein des forces militaires. J'ai eu la chance d'assister à une séance d'information pour les parlementaires à l'OTAN. Il y a cinq ans à peine, on ne parlait pas encore de ces résolutions et voilà qu'elles sont intégrées et mises en application. J'estime que le Canada et l'OTAN ont bien réagi, car on commence déjà à constater certains progrès.

Dans ce contexte, la sénatrice Jaffer et moi-même avons eu l'occasion d'obtenir de l'information sur les forces actuellement déployées au Mali, et je peux vous assurer que l'on était pleinement conscient là-bas de ces résolutions, et surtout de la résolution 1325. Les dirigeants sur place nous ont d'ailleurs indiqué la manière dont le tout était intégré aux mécanismes utilisés. Les résolutions font leur chemin, et je m'en réjouis.

Si je constate des gains du côté militaire, je ne peux en dire autant des pays que vous avez pointé du doigt, madame Gervais-Vidricaire, comme la Syrie et la RDC, alors que la résolution 1325 visait à mettre en lumière les difficultés particulières que vivent les femmes avant, pendant et après un conflit. Je ne sais pas si des progrès ont été réalisés à ce chapitre. On a fait intervenir l'élément de condamnation, notamment dans les examens relatifs aux droits de la personne. Dans quelle mesure s'est-on servi pour alimenter les discussions avec ces pays? La même situation semble toujours se répéter. Un conflit éclate et la communauté internationale se mobilise, mais les pays en cause ne semblent pas réagir au niveau national, si ce n'est pour réfuter les allégations au moyen de déclarations aux Nations Unies. D'après ce que je puis constater, les résolutions ne semblent pas avoir eu d'effet sur les gouvernements nationaux.

Mme Gervais-Vidricaire : La conjoncture est d'autant plus difficile que dans les pays en conflit, la situation des femmes est telle que c'est en fait toute la culture qu'il faudrait changer. C'est ce que nous nous efforçons de faire au moyen des différents programmes que nous avons mis en œuvre en vue de consolider les capacités des femmes et des organisations qui défendent leurs droits.

Du côté canadien, nous nous faisons un point d'honneur de soulever la question des femmes dans nos interventions auprès du Conseil de sécurité comme sur les autres tribunes où l'on traite de différentes situations, car c'est un enjeu qui nous préoccupe vivement et que nous devons continuer de mettre de l'avant.

Je conviens avec vous, madame la sénatrice, que dans bien des pays vivant une situation de conflit ou en émergeant, on ne considère pas d'emblée que les femmes peuvent faire partie de la solution, pas plus qu'on ne juge nécessaire de réfléchir aux difficultés auxquelles les femmes sont confrontées. Nous devons toujours ramener ces pays à l'ordre. À titre d'exemple, il y a eu récemment à Wilton Park une conférence internationale concernant la situation en Syrie et la façon dont l'opposition envisage l'avenir, entre autres sujets. Des pays comme le Canada profitent d'occasions semblables pour souligner à nouveau l'importance d'intégrer les femmes aux efforts de planification de recherche d'une solution. Il ne devrait pas revenir aux hommes seulement de déterminer ce qu'il convient de faire une fois qu'un conflit est réglé.

Mgén Day : J'ajouterais qu'il est bien évidemment difficile d'obliger les pays comme ceux que vous citez en exemple à en arriver à un tel constat à la lumière de la situation qui sévit sur le terrain. Cependant, si on considère le déroulement des choses dans certaines zones de conflit, l'Afghanistan étant le cas le mieux connu pour les Canadiens, je pense que l'on devrait être à même de reconnaître que l'intégration de ces enjeux au cœur des efforts d'après-conflit est essentielle, non seulement pour s'attaquer aux causes profondes du conflit, mais aussi pour trouver la façon d'opérer le changement social nécessaire. Je ne vois pas comment nous pourrions imposer un tel changement à des régimes comme ceux de la Syrie et de la RDC, mais je serais porté à croire que, si notre gouvernement a l'occasion d'intervenir dans ces pays directement, ou par le truchement d'Affaires étrangères, de l'ACDI ou de la Défense nationale, ces enjeux-là pourront devenir une clé dans la recherche de solutions. C'est ainsi que j'en viens à penser, dans le cas particulier de ces deux pays-là, qu'il y a tout lieu d'espérer — même si on ne peut pas parler d'optimisme — que l'on aura tout au moins l'occasion d'apporter une contribution positive.

La sénatrice Hubley : Merci pour les exposés que vous nous avez présentés. Je vous prie d'excuser mon léger retard.

En octobre 2010, lorsque les résolutions du Conseil de sécurité des Nations Unies ont été rendues publiques, le MAECI s'est engagé à publier un rapport annuel sur les progrès réalisés par le Canada dans la mise en œuvre de ces résolutions aux fins de la paix et de la sécurité.

Je me demandais si vous pouviez nous confirmer si ce rapport a effectivement été rendu public et si, le cas échéant, il y en a eu un seul ou plusieurs.

Mme Gervais-Vidricaire : Le premier rapport annuel sur la mise en œuvre de ces résolutions devrait être déposé d'ici la fin de la présente session, soit au cours des prochaines semaines. Nous y mettons actuellement la dernière main. Comme je l'ai indiqué avant votre arrivée, madame la sénatrice, nous nous ferons un plaisir d'en transmettre un exemplaire au comité le moment venu.

La sénatrice Hubley : Merci beaucoup. Ma deuxième question s'adresse au major-général Day.

Vous avez indiqué dans votre exposé que les femmes comptent pour 14 p. 100 des effectifs des Forces armées canadiennes. Pourriez-vous nous dire quel est leur taux de représentation dans les fonctions de leadership?

Mgén Day : Merci de la question. J'ai bien peur de ne pas pouvoir vous fournir ces chiffres-là maintenant, mais je ferai bien sûr le nécessaire pour vous les transmettre ultérieurement. Je pourrais vous faire une ventilation du nombre de femmes dans les différentes armes et du nombre de celles qui sont intégrées dans des rôles de combat, en précisant l'évolution de ces chiffres. Je n'ai pas en main les données pour ce qui est des postes de direction, mais je peux certes les trouver pour vous les fournir.

La sénatrice Hubley : J'aimerais aussi savoir ce que vous entendez par poste de leadership. S'agit-il des majors généraux ou simplement...

Mgén Day : Dieu nous en garde! Je dirais que c'est beaucoup plus large que cela. Le leadership peut se définir de trois façons. D'abord par le grade, c'est-à-dire du fait des responsabilités de leadership assumées officiellement par rapport aux subordonnés. Il peut aussi s'établir par voie de nomination en étant associé aux fonctions du poste occupé. Au sein des Forces canadiennes, nous reconnaissons également que nos leaders n'ont pas tous un grade ou un titre en conséquence. Certains de nos leaders les plus efficaces sont ceux qui sont capables de prendre des initiatives. Ces gens- là ne seront donc pas pris en compte dans les données que nous pourrons vous fournir avec une répartition qui s'effectuera sans doute en fonction du grade et du titre du poste. C'est certes le cas au niveau subalterne où certains de nos leaders les plus actifs font montre d'un grand esprit d'initiative en menant certaines actions de leur propre chef. Le titre du poste n'est pas non plus une indication fidèle de ce que ces personnes peuvent réaliser. J'aurais un très bon exemple à vous donner à cet effet. Le général Christine Whitecross, une bonne amie à moi, est rentrée d'Afghanistan l'an dernier. Elle y était officier général pour l'OTAN et travaillait du côté des communications. Déjà, c'est un rôle qui revêt une grande importance et que je prendrais en compte dans mon rapport sur le déploiement.

Ce que le rapport ne dirait pas par contre, c'est que le général Whitecross a profité de son séjour en Afghanistan pour mettre sur pied de sa propre initiative un forum sur les droits des femmes dont elle a assuré la présidence. Nous allons vous fournir ces données. Je crains toujours que les simples chiffres ne brossent qu'un tableau quantitatif de la situation et ne reflètent pas véritablement l'influence qualitative que certains ont pu exercer. Quoi qu'il en soit, nous allons vous transmettre ces chiffres.

La sénatrice Hubley : Merci beaucoup.

La présidente : Parmi les choses qui font ma grande fierté comme Canadienne, il y a le travail de nos forces policières pour ce qui est des enquêtes sur les viols et de la formation en la matière. Je sais notamment que nos policiers ont accompli un travail exceptionnel au Darfour. De fait, il y a encore des policiers canadiens sur place pour diriger les enquêtes sur les agressions sexuelles.

Est-ce que nos forces policières continuent d'intervenir dans les zones de conflit pour apporter leur aide à l'égard d'aspects semblables? Est-ce que ces programmes se poursuivent?

Mme Gervais-Vidricaire : En vertu de l'Arrangement sur la police civile au Canada, notre pays continue de déployer des agents année après année. Je peux vous dire que la GRC a un excellent programme de formation de telle sorte que les agents déployés sont bien conscients et au fait de tous ces enjeux touchant les femmes, la paix et la sécurité, et plus particulièrement de la problématique de la violence sexuelle. La situation peut varier quelque peu en fonction du rôle qu'on leur demande de jouer. Ainsi, les tâches peuvent être différentes, par exemple, pour la centaine d'agents actuellement en Haïti. Cela dépend donc en partie de l'endroit où ils sont déployés.

En RDC, par exemple, c'est un Canadien qui occupe le poste numéro deux au sein du contingent de police. J'en déduis qu'il a un rôle clé à jouer dans la lutte contre la violence sexuelle et les agressions, des fléaux malheureusement très répandus dans ce pays.

La présidente : Major-général, j'ai une question pour vous. Je suis persuadée que vous avez pris connaissance de notre rapport sur l'Afghanistan. Lorsque nous avons commencé à assumer un rôle de formation à la suite de notre mission de combat, nous nous inquiétions notamment de la prise en compte des questions relatives aux femmes, à la paix et à la sécurité. Je crois comprendre que l'approche canadienne en la matière mettait l'accent sur quatre thèmes principaux : les enfants et les jeunes; la sécurité; la primauté du droit et les droits de la personne; et la diplomatie régionale et l'aide humanitaire.

En 2010, notre comité a recommandé que le Canada ajoute la promotion de la situation des femmes en tant que priorité distincte. J'aimerais donc que vous nous disiez, major-général, de quelle manière la promotion des femmes a été intégrée à titre d'élément fondamental de l'engagement actuel du Canada en Afghanistan.

Mgén Day : Merci pour la question. Je peux vous répondre au sujet de l'aspect militaire. Je vais laisser mes collègues traiter des éléments qui relèvent de leurs responsabilités.

Comme j'y ai fait allusion dans ma déclaration préliminaire, l'engagement des Forces canadiennes en Afghanistan, comme c'est le cas partout dans le monde, s'articule autour de trois aspects touchant l'enjeu qui nous préoccupe. Il y a d'abord bien évidemment les responsabilités juridiques qui nous incombent à tous et qui ressortent clairement de la résolution sur la sécurité. Les questions éthiques relèvent bien évidemment de nos responsabilités individuelles en tant qu'être humain, mais nous procurent, dans une perspective opérationnelle, un outil extrêmement précieux pour sensibiliser de façon significative les gens au sein d'une culture qui a adopté historiquement une position différente de la nôtre et qui est moins avancée notamment du point de vue des droits de la femme et de la sécurité.

C'est dans cette optique que nous avons expliqué les choses aux aînés afghans de manière à pouvoir bien cerner les moyens à prendre pour poursuivre la campagne de contre-insurrection. D'un point de vue juridique et éthique, la nécessité d'un changement peut être difficile à faire comprendre à des gens qui ont grandi au sein d'une culture différente s'appuyant sur des traditions millénaires. Cependant, l'argumentation peut avoir plus de poids auprès d'un militaire ou d'un policier lorsqu'on peut montrer quelles répercussions positives des actions semblables peuvent avoir sur le terrain.

La présidente : Pour revenir à la résolution du Conseil de sécurité des Nations Unies sur les femmes, la paix et la sécurité, je comprends bien le rôle joué par les Canadiens pour former les soldats de l'armée nationale afghane au centre d'entraînement militaire de Kaboul. Comment se déroule cette formation? Nous pourrions passer la journée à discuter de sensibilisation aux différentes cultures, comme nous le faisons déjà au Canada. Je ne veux pas vraiment que nous nous attardions sur cet aspect. Dites-nous plutôt en quoi la Brigade d'entraînement des femmes contribue à la concrétisation du Plan d'action national du Canada pour la mise en œuvre des résolutions du Conseil de sécurité des Nations Unies.

Mgén Day : J'ai dirigé la mission de formation des forces de sécurité afghanes pendant 13 mois. Nous offrions toute une série de cours ciblés en fonction des différents niveaux de leadership, des recrues jusqu'aux plus hauts gradés. En plus de ces cours, on a adopté un programme de recrutement de femmes misant sur des écoles dont l'aménagement physique et le programme d'études permet non seulement d'accroître la participation des femmes, mais aussi leur efficacité au sein des forces de sécurité afghanes.

Dès le départ, il s'agit d'expliquer aux jeunes Afghans, car leurs forces sont principalement constituées d'hommes, les différentes procédures qu'ils doivent suivre tout en consolidant l'apprentissage de ces aspects via les actions qu'ils mènent au quotidien. On n'en traite pas directement à chaque jour comme on peut le faire avec les femmes. Cependant, les questions touchant la sécurité des femmes sont intégrées systématiquement à chacun des cours offerts. On peut le constater tout au long du modèle de progression des forces de sécurité afghanes, dans tous les cours à tous les niveaux.

Pour ce qui est des mesures particulières que nous prenons à l'égard des femmes, disons que nous nous sommes rendu compte assez rapidement qu'il fallait leur offrir des cours distincts, contrairement à ce qui se passe au sein des forces militaires occidentales où nous offrons des cours mixtes à tous les niveaux et dans tous les environnements. Ainsi, les femmes n'hésitent pas à poser des questions, à participer activement aux cours et à acquérir les compétences nécessaires, plutôt que de rester en retrait.

La sénatrice Nancy Ruth : Major-général Day, vous nous parlez de la formation des soldats et de celle des soldates de telle sorte qu'elles ne restent pas en retrait. Pourriez-vous d'abord nous dire comment vous évaluez votre efficacité quant à l'enseignement de tout ce qu'il y a à apprendre? Lorsque nous avons entrepris cette étude il y a quelques années déjà, nous avons appris que le module de formation durait à peine une demi-heure. Nous n'avions pas grand espoir que les compétences acquises puissent être maintenues. Comment s'y prend-on pour ce faire?

Par ailleurs, les soldats afghans que vous formez sont-ils au fait des lois afghanes relativement à la violence à l'encontre des femmes et à la sécurité des femmes? Il nous arrive de former des gens qui ne connaissent même pas les lois et la constitution de leur pays.

D'autre part, vous avez piqué ma curiosité avec ce forum des femmes mis sur pied par une générale. Qui étaient les participantes, quels étaient les buts visés et dans quelle mesure les a-t-on atteints?

Mgén Day : Pour ce qui est de la connaissance des lois du pays, je vous dirais que les cadres supérieurs comprennent parfaitement les lois qui s'appliquent en Afghanistan et sont tout à fait sensibilisés aux lois qui touchent plus particulièrement les femmes. Il s'agit en effet de l'un des principaux piliers de l'approche de l'OTAN dans ce pays. De fait, bon nombre des conseillers ministériels à la Défense et aux Affaires intérieures — les deux principaux ministères responsables de la sécurité — sont des femmes officiers supérieurs de la Grande-Bretagne, du Canada et des États- Unis. Nous leur donnons ainsi des exemples concrets. Comme bon nombre de mes pairs, j'ai fait valoir à maintes reprises que cet aspect revêt une importance capitale, car j'en ai l'intime conviction.

Si on descend plus bas dans la structure hiérarchique, il faut comprendre que la plupart des soldats sont totalement analphabètes. Leur compréhension des lois du pays est incomplète, c'est le moins que l'on puisse dire. On peut donc affirmer qu'ils ne saisissent pas bien la façon dont ces lois peuvent s'appliquer à la problématique dont nous traitons aujourd'hui. Leur compréhension ou leur connaissance directe de ces lois est insuffisante, mais comme on pourrait dire la même chose de la vaste majorité des lois afghanes, ce n'est donc pas un problème particulier aux femmes, à la paix et à la sécurité.

La situation s'améliore à mesure que le niveau d'alphabétisation augmente, car nous nous servons justement des règlements des forces de sécurité afghanes pour apprendre aux gens à lire et à écrire. La formation remplit ainsi une double fonction, car les participants apprennent du même coup les règles fondées sur la primauté du droit que nous souhaitons les voir respecter. C'est toutefois un processus qui va s'étaler sur plusieurs générations. Nous pouvons difficilement nous attendre à une réussite à court terme, car nous récoltons les fruits de 30 années d'éducation talibane.

Ma collègue a parlé de l'évolution dans la fréquentation scolaire. En 2001, il y avait des milliers d'élèves, tous des garçons. Il y en a maintenant des millions. D'ici 15 ou 20 ans, les citoyens de cette société partiellement analphabète pourront comprendre les grands principes de la primauté du droit, plutôt que de se limiter aux pratiques de droit coutumier. Il y a toutefois encore beaucoup de chemin à faire.

Vous vous interrogez au sujet de la durée de 30 minutes, mais je ne sais pas exactement de quoi vous voulez parler. Est-ce pour les cours prévus dans notre programme d'études ou pour ceux dispensés aux Afghans?

La sénatrice Nancy Ruth : C'était pour nos cours; le comité a demandé à voir le module de formation.

Mgén Day : J'ai examiné quelques-uns de ces modules. Il est bien certain que leur durée est limitée, mais il ne faut pas perdre de vue tous les éléments pratiques intégrés au reste de la formation. Comme pour toutes les activités touchant la primauté du droit, c'est un aspect essentiel.

Je ne sais pas s'il existe d'autres moyens, hormis l'observation directe, de savoir s'il y a effectivement évolution des comportements et des cultures. Il va de soi que le degré d'intégration pourrait être un indicateur, tout comme le nombre de personnes attirées par la profession. Je m'engage à vous revenir avec une réponse plus détaillée à ce sujet. Je ne pense pas que nous disposons actuellement de données permettant de brosser un tableau fidèle de la situation.

La sénatrice Nancy Ruth : Comptez-vous procéder à de telles évaluations si elles n'existent pas déjà?

Mgén Day : Oui. Il a été question d'adopter dans le cadre de notre plan d'action certains repères fondamentaux qui pourront servir de base à cette évaluation. Je crois que le processus est en cours.

La sénatrice Nancy Ruth : Cela comprendrait le rapport qui est attendu du MAECI, n'est-ce pas?

Mme Gervais-Vidricaire : Le rapport porte sur tous les ministères.

La sénatrice Nancy Ruth : Il serait intéressant pour les militaires de connaître le contenu de ce rapport de telle sorte qu'ils puissent comprendre qu'ils n'agissent pas en vase clos dans leur secteur particulier de la réalité canadienne.

Mme Gervais-Vidricaire : Le rapport sur le plan d'action national traitera des activités de tous les ministères que j'ai mentionnés.

La sénatrice Nancy Ruth : Je comprends.

Mme Gervais-Vidricaire : Oui, le ministère de la Défense nationale préparera sa propre contribution qui sera intégrée par le MAECI, qui est responsable de la coordination du rapport.

La présidente : Vous allez nous fournir des précisions quant à savoir si la formation dure encore une demi-heure. J'ai bien compris, major-général Day?

Mgén Day : Oui. Je vais demander au major-général Whitecross de répondre à la question sur le forum des femmes. Elle a y travaillé un peu après son voyage. Je vais aussi faire parvenir sa réponse au comité.

La sénatrice Nancy Ruth : Est-ce que les mesures visaient les Canadiens, les Afghans ou les troupes de l'OTAN? Auprès de qui êtes-vous intervenu?

Mgén Day : Auprès des troupes afghanes. Quand le major-général Whitecross est allée là-bas, elle est allée chercher d'autres femmes officiers de haut rang de l'OTAN, ainsi que des afghanes qui occupent des postes de haut rang dans leur communauté afin qu'elles parlent de leur expérience, de la façon dont elles ont gravi les échelons et de ce qu'elles peuvent faire dans cette société.

La sénatrice Ataullahjan : J'ai une toute petite question à poser. Les services de police canadiens forment des policiers locaux en Afghanistan. J'aimerais savoir s'il y a des policières parmi les instructeurs. Avez-vous des chiffres à nous donner?

Mgén Day : Je n'ai pas de chiffres à vous donner, mais j'ai vu en Afghanistan qu'il y avait pas mal de femmes officiers, non seulement du Canada, mais d'autres pays aussi. Cela a eu une influence en Afghanistan en raison de tous les impératifs opérationnels qui entourent les recherches et tous les aspects culturels des missions. Les Afghans se sont rendu compte qu'ils avaient besoin de femmes officiers pour participer aux opérations de recherche de femmes, pour trouver où elles se cachent, et cetera. Nous avons travaillé là-dessus.

Nous avons travaillé très fort pour qu'une représentante des femmes soit nommée. Je n'ai pas de chiffres à vous donner immédiatement. Vous comprenez évidemment que cela n'est pas du domaine de la Défense. Tout le monde a travaillé pour moi là-bas, et je suis certain que nous pourrions trouver des données à jour.

La présidente : Merci beaucoup. Je vous remercie tous les quatre de témoigner aujourd'hui. Comme vous pouvez le constater, le comité a cette question très à cœur. Nous avons hâte d'étudier le rapport sur le plan d'action national dès qu'il sera déposé et nous avons hâte de retravailler avec vous.

Je vais maintenant présenter notre prochain groupe de témoins. Je souhaite à nouveau la bienvenue à Mme Ann Livingstone, qui représente le Centre Pearson et qui connaît déjà bien le comité. Elle est vice-présidente de la Recherche et du concept d'apprentissage. Je souhaite également la bienvenue à Mme Marilou McPhedran, directrice de l'Institute for International Women's Rights à l'Université du Winnipeg Global College; ainsi qu'à Sanam Naraghi-Anderlini, cofondatrice de l'International Civil Society Action Network; et à Barry Parkinson, associé, qui représente l'Initiative on Quiet Diplomacy.

Nous sommes heureux de vous recevoir aujourd'hui. Je sais que vous allez tous les quatre nous présenter un exposé. Je vais vous demander de vous en tenir le plus possible à cinq minutes. Comme vous pouvez le voir, les sénateurs souhaitent vivement vous poser des questions.

Ann Livingstone, vice-présidente, Recherche et concept d'apprentissage, Centre Pearson : Madame la présidente, mesdames et messieurs les membres du comité, je vous remercie de m'avoir invitée à venir vous faire part de nos réflexions sur les femmes, la paix et la sécurité cet après-midi. C'est une question qui me tient très à cœur et qui est très important pour nous, au Centre Pearson, c'est d'ailleurs l'un de nos domaines de spécialité.

Comme j'ai peu de temps, je vais aborder les thèmes suivants : un bref aperçu de notre travail pour mettre en œuvre la résolution 1325 de l'ONU; le travail réalisé par le Centre Pearson pour appuyer le Plan d'action national du Canada; mise en contexte de mes observations sur la prévention, la participation, la protection et les poursuites; et quelques recommandations importantes pour conclure.

Le travail réalisé au Centre Pearson vient appuyer le Plan d'action national du Canada, et nous avons hâte de voir le rapport que le gouvernement du Canada publiera sur la question. En tant que bénéficiaire de subventions gouvernementales, le centre contribue à la mise en œuvre des engagements du gouvernement concernant les femmes, la paix et la sécurité. Pour cela, nous veillons à ce que nos activités ciblant les femmes, des activités menées principalement à l'étranger, s'inscrivent directement dans le sens des objectifs présentés dans ce plan.

Parlons d'abord prévention. Dans son rapport de novembre 2010, votre comité a constaté que malgré quelque progrès dans la mise en œuvre de la résolution 1325 et la lutte contre la violence sexuelle et la violence fondée sur le sexe dans le monde, il en reste beaucoup à faire. Le rapport fait notamment état de la nécessité d'intégrer davantage les expériences différentes vécues par les femmes, les hommes, les garçons et les filles dans les opérations de paix, de sécurité et de stabilisation. Je note particulièrement l'importance de cette tâche pour les forces de sécurité et plus particulièrement, le personnel qui assure la primauté du droit.

Grâce au financement du MAECI, le Centre Pearson a participé activement aux principaux projets en ce sens. Par exemple, en 2012, nous avons aidé les services de police et de gendarmerie du Burkina Faso et du Bénin à élaborer des politiques égalitaires pour orienter leurs déploiements de sécurité et leurs missions de paix. Nous avons également aidé les services policiers du Sierra Leone à examiner leurs politiques sur les opérations de paix et de sécurité du point de vue de l'égalité entre les sexes. Nous croyons fermement que le recours à des politiques de cette nature pour préparer les policiers, les gendarmes et tout le personnel qui veille à la primauté du droit qui sont déployés à l'étranger a une influence positive sur les institutions nationales de ces pays et contribue avantageusement à y véhiculer ces valeurs.

En Amérique latine, nous avons travaillé avec 12 centres de formation aux opérations de paix et de sécurité afin d'accroître la représentation des femmes en théâtre d'opérations et d'élaborer des programmes de formation sensibles à l'égalité entre les sexes.

Nous avons également participé aux efforts visant à prévenir la violence, y compris la violence sexuelle, commise contre les filles et les femmes en situation de conflit, qui sont souvent marginalisées pendant le processus de paix qui suit le conflit. Ce travail a pris en grande partie la forme d'activités de sensibilisation à la sécurité et aux droits des filles et des femmes dans le cadre de cours de formation et d'ateliers.

Il est fondamental que le Canada revendique la participation et la représentation active et significative des femmes et des groupes de femmes locaux dans les activités de paix et de sécurité, particulièrement pendant les processus de paix. Comme je l'ai mentionné dans mon témoignage l'année dernière, il faut absolument que les acteurs internationaux reconnaissent le lien entre la participation économique et politique des femmes et leur aptitude à participer aux processus de paix. Actuellement, seulement 3 p. 100 des négociateurs et des médiateurs sont des femmes dans les processus de paix. Du coup, il est très difficile d'inscrire les besoins économiques, politiques et sociaux des femmes au cœur des discussions.

Nous sommes très heureux de mentionner qu'en Amérique latine, par exemple, la participation des femmes à nos activités est de 25 p. 100 et plus. Il faut y voir une grande réalisation, parce que la participation des femmes dans ces régions du monde est généralement beaucoup plus faible. Ce taux de participation est le résultat de notre engagement continu avec nos partenaires.

Le centre voit d'un très bon œil l'engagement pris récemment par le Canada à l'égard du G8 d'investir 5 millions de dollars cette année dans la prévention de la violence sexuelle en situation de conflit ainsi que dans des mesures destinées à répondre aux besoins des victimes. Bien que la prévention de toutes les formes de violence sexuelle demeure un objectif important, il faut continuer de protéger la sécurité, de même que la santé physique et mentale des filles et des femmes. Nous remarquons que d'autres pays redoublent d'efforts à cet égard. Par exemple, le Département d'État américain s'est récemment engagé à financer des projets de protection et de santé destinés aux filles et aux femmes qui vivent dans des camps de réfugiés ou qui sont déplacées en Afrique et en Amérique latine.

Il faut absolument mettre en place un système de justice et de sécurité fort, fonctionnel, pour faciliter l'arrestation, la détention et la poursuite des agresseurs, faute de quoi la culture d'impunité à l'égard de la violence commise à l'égard des femmes et des filles perdurera.

Le centre appuie entièrement l'initiative du G8 et voit la fin de la culture d'impunité comme un objectif louable, mais s'il ne s'accompagne pas d'une chaîne de justice robuste, hautement qualifiée, les chances de succès sont minces. Il ne sera pas possible de mettre fin à la culture d'impunité si les policiers ne connaissent pas de techniques d'intervention appropriées, comme de sécuriser la scène d'un crime, de recueillir les déclarations des témoins, de prendre des notes et de savoir quoi faire devant l'état émotionnel dans lequel se trouve la victime et survivante. Si les enquêteurs ne sont pas pleinement qualifiés dans l'art et la science des techniques d'enquête et de recherche médicolégale, ils ne réussiront pas à recueillir la preuve nécessaire pour appuyer des accusations devant les tribunaux. De même, s'il n'y a pas de code national qui définit la violence sexuelle comme un crime, il est difficile de poursuivre les agresseurs devant les tribunaux du pays. S'il n'y a pas suffisamment d'établissements correctionnels et si la détention n'est pas une peine prévue par la loi en cas de crime pour violence sexuelle, l'agresseur restera libre, et la victime et survivante restera souvent confrontée à lui chaque jour. Comment peut-on mettre fin à une culture d'impunité quand la chaîne de la justice est brisée, ou à tout le moins, criblée d'incompétence?

Pour conclure, j'aimerais que le comité tienne compte de trois choses avant de modifier son régime d'aide internationale et sa collaboration avec les sociétés canadiennes à l'étranger.

Premièrement, il sera important de nous demander quels effets les modifications à nos politiques sont susceptibles d'avoir sur les femmes et les filles. Le gouvernement doit continuer de garantir aux femmes et aux filles l'accès aux débouchés économiques créés par les politiques commerciales et économiques.

Deuxièmement, le gouvernement doit veiller à ce que les nouvelles possibilités de développement économique ne nuisent pas aux femmes et aux filles ni ne créent d'obstacles supplémentaires. Nous savons que le commerce et l'accès aux débouchés économiques sont cruciaux pour l'avancement de la démocratie, et je serais portée à dire que le leadership des femmes en est lui aussi un aspect fondamental.

Troisièmement, le gouvernement doit continuer de veiller à ce que sa collaboration avec des sociétés canadiennes à l'étranger ne crée pas par inadvertance des conflits ou de l'insécurité qui toucheraient les femmes et les filles de manière disproportionnée.

Marilou McPhedran, directrice, Institute for International Women's Rights, University of Winnipeg Global College : J'aimerais commencer par remercier madame la présidente et tous les membres du comité. Je vois quelques visages connus autour de la table. Je suis très contente de vous revoir tous.

J'ai quelques faits de base à vous donner pour vous mettre en contexte. Il y a 1,5 milliard de personnes qui vivent dans des États fragiles et en proie à un conflit. Environ 70 p. 100 des États fragiles ont connu des conflits depuis 1989. La transformation de base du modèle de gouvernance peut prendre de 20 à 40 ans à s'opérer, un fait à prendre en considération dans la planification. Environ 30 p. 100 de l'aide au développement officielle vise des États fragiles et des zones de conflits. Les pays considérés fragiles sont également les pays les plus loin de l'atteinte des objectifs de développement du millénaire.

Pour mon exposé d'aujourd'hui, j'aimerais rappeler un peu l'évolution de cet enjeu depuis les années 1990 et le rapport de 1994 du PNUD sur le développement humain, jusqu'à la résolution 1325 qui favorise l'intégration du principe de l'égalité entre les sexes à la doctrine de la responsabilité de protéger. Nous allons jeter un rapide coup d'œil au Plan d'action national du Canada de 2010, au New Deal sur notre engagement à l'égard des États fragiles de 2011, au Plan d'action national hollandais révisé pour 2012-2015, et nous allons terminer par le rapport déposé par le secrétaire général en mars 2013 et un bref tour d'horizon des projets de sensibilisation et des stratégies de mise en œuvre adoptés au Canada et ailleurs dans le monde.

Je vais me reporter considérablement à mes collègues du Global Network of Women Peacebuilders, et je tiens à saluer Mme Naraghi-Anderlini, puisque je sais que les informations que nous allons vous présenter sont complémentaires. Le GNWP relève de l'ICAN.

Le rapport sur le développement humain déposé en 1994 par le PNUD a vraiment changé le cours des choses, parce que c'était le premier rapport à critiquer vigoureusement le paradigme réaliste généralement accepté de la sécurité nationale centralisée. Il mettait l'accent sur les personnes plutôt que sur les États et définissait la sécurité humaine comme la sécurité à l'égard des menaces constantes que représentent la famine, la maladie, le crime et la répression ainsi que la protection contre des perturbations soudaines et douloureuses de notre routine quotidienne, que ce soit à la maison, au travail, dans notre communauté ou dans notre environnement.

Pour ce qui est de la doctrine de la « responsabilité de protéger », il se dégage du travail réalisé dans le cadre du projet international sur les droits des femmes à l'Université de Victoria, que j'ai dirigé pendant un certain temps, et dorénavant à l'Institute for International Women's Rights à l'Université de Winnipeg, dont je suis maintenant directrice, qu'il y a quatre grands domaines où la résolution 1325 s'applique et pourrait s'appliquer encore plus pour intégrer la notion de l'égalité entre les sexes. Le premier est la participation des femmes aux processus de paix. Le deuxième, la sensibilisation à l'égalité entre les sexes dans la formation sur les opérations de paix. Le troisième est la protection des femmes et des filles et le respect de leurs droits bien au-delà de la reconnaissance raciale du viol comme arme de guerre qu'on trouvait dans le premier rapport sur la responsabilité de protéger, qui a été financé par le Canada, soit le rapport de la CIISÉ de 1990, qui a été acclamé. Le quatrième est l'intégration des questions d'égalité entre les sexes aux critères évalués dans les rapports et la mise en œuvre des programmes et des politiques applicables aux conflits, à la paix et à la sécurité. Ce sont les quatre grands domaines que la résolution 1325 alimente substantiellement et qui peuvent jeter un nouvel éclairage sur la responsabilité de protéger.

Au sujet du Plan d'action national du Canada de 2010, je voudrais faire écho aux recommandations que votre comité a présentées dans son rapport de 2010. Nous avons besoin d'indicateurs, ainsi que d'objectifs précis pour chacun d'eux et d'échéances pour y arriver. Nous avons besoin d'analyses détaillées sur les aspects qualitatifs les plus complexes des femmes en situation de conflit armé dans les rapports annuels des gouvernements et nous avons besoin de ressources claires, réservées et pluriannuelles pour mettre le plan d'action national en œuvre. J'ajouterais à cette recommandation qu'il faut également en faire état dans les rapports annuels au Parlement et à la population canadienne.

Le New Deal pour l'engagement dans les États fragiles commence par une affirmation de ce type :

Nous reconnaissons que le succès de nos efforts combinés dépend du leadership et de l'engagement des États fragiles qui font partie du G7+ et qui reçoivent l'appui d'acteurs internationaux. Nous reconnaissons également que des relations sociales constructives et l'habilitation des femmes, des jeunes et des groupes marginalisés à participer au pouvoir sont des éléments clés pour la paix, pour la consolidation de la paix et pour la consolidation des États. Ce sont des incontournables pour la réalisation du New Deal.

Il faut ensuite nous demander comment a évolué la situation depuis le New Deal, qui a vraiment pris son élan en 2011, et certains diraient que cet élan est d'autant plus rapide et fructueux depuis l'adoption de la résolution 1325. Il n'en demeure pas moins que l'égalité entre les sexes est rarement mentionnée, malgré l'engagement que je viens de citer et sa pertinence pour la réalisation du New Deal. Ce document met l'accent sur le leadership national, la propriété locale et la collaboration des divers intervenants, donc il est particulièrement important que les femmes aient voix au chapitre et qu'on leur donne l'espace nécessaire pour être pleinement incluses. Au fur et à mesure que le New Deal évolue et qu'il est mis en place, nous devons saisir l'occasion d'y intégrer les forces de la résolution 1325 du Conseil de sécurité.

Pour faire une comparaison, j'aimerais faire référence au nouveau Plan d'action national hollandais pour 2012 à 2015. Je le cite :

Ce PAN est une collaboration entre le gouvernement, les organisations civiles et les instituts de recherche. Pas moins de trois ministères hollandais, quatre instituts de recherche et plus de 30 organisations civiles l'ont signé. La contribution des partenaires ne se limite cependant pas à leur signature. Beaucoup de personnes ont contribué à l'élaboration et à la rédaction de ce plan. Il se fonde donc sur de nombreuses sources de connaissance et d'expérience et se veut à la fois ambitieux et faisable.

Il est ensuite écrit très clairement et avec beaucoup de fierté :

Aucun autre PAN du monde ne se fonde sur un appui aussi vaste.

Pendant les séances de la Commission de la condition de la femme qui se sont tenues en mars dernier à New York, le secrétaire général a déposé son rapport obligatoire en vertu de la résolution du Conseil de sécurité 1960 intitulé La violence sexuelle est liée aux conflits. Au paragraphe 6 de ce rapport, il met en évidence des problèmes nouveaux, notamment la perpétration d'actes de violence sexuelle contre des hommes et des garçons, le sort tragique des enfants nés à la suite d'un viol et la pratique des mariages forcés par des groupes armés. L'attention est également appelée sur le couplage entre la violence sexuelle et l'extraction illicite de ressources naturelles, le déplacement de populations civiles et l'insuffisance des efforts de désarmement, de démobilisation et de réintégration et de réforme du secteur de la sécurité.

Je suis associée au Global Network of Women PeaceBuilders, que j'ai déjà nommé, et cette coalition de 70 groupes de femmes et d'autres organisations de la société civile d'Afrique...

La présidente : Je m'excuse de vous interrompre, mais vous avez dépassé les neuf minutes. Si nous voulons entendre tous les autres témoins, pouvez-vous conclure, s'il vous plaît?

Mme McPhedran : Oui, je vais conclure brièvement par mes recommandations.

Au sujet des mesures de sensibilisation des Canadiens et des citoyens du monde, je recommande que le comité étudie attentivement ce qu'il faut inclure dans la formation de la prochaine génération de bâtisseuses de la paix. Je vais vous donner deux exemples rapides de possibilités.

Il y a d'abord un cours en préparation qui sera conçu pour être offert gratuitement en ligne et faire partie d'un programme de renforcement des capacités. Nous commençons à peine à le préparer, mais nous travaillons en collaboration avec l'Université pour la paix, au Costa Rica, qui a un mandat de l'ONU, de même qu'avec le Global Network of Women Peacebuilders et divers instituts de recherche du Canada.

Enfin, je vous donne un exemple à plus petite échelle de Winnipeg, où je vis. Il s'agit du camp Voice of Women for Peace, qui va accueillir des filles cet été. Nous travaillons en partenariat avec les Guides du Canada, à Winnipeg. Nous sommes en train de préparer un nouvel insigne pour les femmes, la paix et la sécurité, que les guides pourront acquérir dans le cadre de leur programme.

Barry Parkinson, associé, Initiative on Quiet Diplomacy : Je vous remercie de me permettre de vous parler aujourd'hui.

L'adoption de la résolution 1325 est tout un accomplissement. Nous pouvons tous être très fiers que le Canada ait eu un siège au Conseil de sécurité au moment de son adoption et que le Canada continue de l'appuyer. Cependant, nous savons à quel point il est difficile de passer de la déclaration à la pratique. Beaucoup d'analyses effectuées depuis l'adoption de la résolution 1325 laissent croire à une aggravation de l'inégalité entre les sexes dans les processus de paix.

Au 10e anniversaire de cette résolution, l'IQd, soit l'Initiative on Quiet Diplomacy, a réagi à cet état de choses par la production de lignes directrices sur la mise en œuvre du pilier de la participation, en particulier. Nous sommes partis de la prémisse que la sensibilité à l'égalité entre les sexes en situation de conflit ne sera pas possible si les femmes ne participent pas efficacement au processus. Nous voulions apporter une contribution modeste, mais claire, efficace et pratique. Nous voulons témoigner notre reconnaissance à l'ONG néerlandaise Cordaid et au ministère du Développement international du Royaume-Uni pour le financement qu'ils nous ont accordé pour élaborer ces lignes directrices.

Nous sommes très heureux de l'accueil que les lignes directrices de l'IQd ont reçu, et nous essayons de les diffuser le plus largement possible à tous ceux et celles qui travaillent dans le domaine. À cette fin, nous les avons traduites de la langue originale anglaise au français, à l'espagnol, à l'arabe et au russe. La version anglaise est accessible gratuitement sur notre site web, dont l'adresse est iqdiplomacy.org. Nous espérons que la traduction du site sera bientôt terminée. Je pense que vous avez tous reçu des exemplaires de nos lignes directrices.

[Français]

J'ai envoyé la traduction française par courriel et j'espère qu'elle vous a été distribuée.

[Traduction]

Si vous jetez un coup d'œil aux lignes directrices, vous allez voir qu'elles suivent une structure très simple, puisqu'elles font la distinction entre les difficultés inhérentes à la politique et celles propres à la pratique. Elles proposent des solutions aux difficultés récurrentes dans le domaine et mettent en lumière les problématiques connues, les obstacles, puis présentent des recommandations. Nous prodiguons également des conseils sur certaines pratiques dignes de mention.

Ces lignes directrices ne sont pas une panacée, nous le savons bien. Elles n'ont rien de magique. Cependant, nous espérons qu'elles aident les acteurs bien intentionnés à surmonter les obstacles et à atteindre le résultat escompté, soit la participation efficace des femmes à tous les niveaux. Il est très clair que c'est essentiel au succès de la résolution 1325.

Après la publication de ces lignes directrices, l'IQd, encore une fois avec le soutien de Cordaid, s'est employée à bien cerner la nature du problème au Sud-Soudan et au Burundi. Ces exercices visent à déterminer si ces lignes directrices peuvent vraiment être efficaces dans le cadre de projets pilotes ciblés. Encore une fois, nous mettons l'accent sur le pilier de la participation, et nous visons une participation qualitative significative. Nous ferons part de nos recommandations à Cordaid, à d'autres ONG, de même qu'aux gouvernements intéressés, dont le Canada.

Le travail que nous faisons actuellement nous a aidés à comprendre de quelle façon sont interreliés les différents piliers de la résolution 1325 : la participation, la protection, la prévention, et les secours et le redressement. Cependant, qu'importe la valeur de l'analogie, il ne s'agit pas vraiment de piliers. Ces thèmes s'entrecroisent et s'entrelacent; ils dépendent les uns des autres, et s'appuient les uns sur les autres.

Dans cet esprit, nous étions heureux d'apprendre que le Canada allait appuyer la déclaration du G8 lancée au Royaume-Uni sur la prévention des violences sexuelles dans les zones de conflit et le soutien aux survivants. Il est évident à notre avis qu'il y a un rapport direct avec la participation des femmes aux processus de paix et à la vie publique en général. Il y a des liens à faire avec la situation politique et économique des femmes, le rapport entre la participation des femmes et la menace et l'existence de la violence sexuelle et sexiste. Dit simplement, l'un ne va pas sans l'autre. Personne ne peut être un participant efficace s'il est soumis à la menace de la violence, et les enjeux liés à la violence sexuelle et sexiste ne pourront pas se régler sans la participation efficace des femmes aux processus de résolution, ni sans l'intégration d'une perspective de genre.

La violence sexuelle et sexiste est une arme utilisée contre les femmes et les collectivités, mais aussi la conséquence de nombreux facteurs de société complexes et de facteurs découlant des conflits. On sait très bien que c'est une des conséquences des conflits, mais c'est également un élément qui contribue à attiser et à perpétuer les conflits.

Pour remédier à la situation, il faut adopter une approche solide, vaste et exhaustive. Nous encourageons fortement le gouvernement du Canada et ses homologues du G8 à adopter une telle approche pour mettre en œuvre cette importante initiative.

Je sais que le temps nous presse, alors je m'arrêterai ici. Je serai toutefois heureux d'en discuter davantage avec vous et de répondre à vos questions.

Sanam Naraghi-Anderlini, cofondatrice, International Civil Society Action Network : Merci de m'avoir invitée à venir témoigner devant le comité. Le leadership du Canada a toujours été un élément important de ce programme, précisément parce que le Canada siégeait au Conseil de sécurité au moment de l'adoption de la résolution, mais aussi parce qu'il a été le champion du programme sur la sécurité humaine, une des pierres angulaires du programme pour les femmes, la paix et la sécurité. Je tiens aussi à souligner le leadership de la présidente du comité dans ce dossier; dans son rôle d'envoyée au Soudan, elle a réussi à faire entendre la voix des femmes dans le processus qui nous occupe. Tout repose sur l'implication des gens, et je crois qu'il convient de souligner de telles réalisations.

J'aimerais vous parler brièvement de l'ICSAN, l'International Civil Society Action Network. C'est une ONG qui a été fondée en 2007. Son mandat et sa mission sont de promouvoir la voix des femmes et de favoriser leur intégration et leur participation efficace aux processus de paix, de sécurité et de justice dans les pays touchés par un espace politique fermé, la transition et les conflits. Notre approche est largement axée sur la participation des femmes et vise à trouver les tribunes qui permettront de faire entendre la voix des femmes dans le processus.

J'ai des documents à vous remettre. Nous produisons entre autres des mémoires sur le genre, la politique et la sécurité pour des pays du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord, car nous avons constaté qu'il n'existait aucune donnée pour appuyer le discours. Nous ne savions pas comment intervenaient les questions liées au genre dans les enjeux politiques et de sécurité. Sans ces données, il est très difficile d'élaborer des politiques et des programmes. Je peux vous les remettre, de même que d'autres documents que nous avons.

Je veux axer mes commentaires aujourd'hui sur le pilier de la participation, car je crois que dans les dernières années, la discussion a surtout porté sur la question de la violence sexuelle et des conflits. C'est un élément très important de l'équation sur lequel il faut absolument se pencher. Il est également important de ne pas confiner les femmes dans un rôle de victimes, particulièrement de victimes passives, et de ne pas oublier qu'elles ont leur place dans le façonnement des programmes et des processus en place. L'essence même du programme sur les femmes, la paix et la sécurité est de faire entendre la voix des femmes dans les processus et les structures où sont prises ces décisions.

C'est aussi l'élément le plus captivant, car on considère souvent que la question des femmes n'a rien à voir avec la politique et la diplomatie. En réalité, il s'agit de voir de quelle manière la diplomatie a changé et comment a évolué la nature de la guerre. La paix et la sécurité, notamment dans les pays éprouvés par la guerre, ont toujours été l'affaire de l'élite militaire et politique. Dans les années 1990, on a dû faire appel à des acteurs armés non étatiques, parce qu'on était alors aux prises avec des guerres civiles et des conflits internes. Auparavant, c'était mal vu de discuter avec les guérilleros, les rebelles et les groupes de ce genre. On les considérait souvent comme des terroristes auxquels il ne fallait pas s'adresser. Pourtant, dans les années 1990, on a commencé à leur parler, précisément parce qu'il fallait faire cesser les hostilités, dans lesquelles ils étaient souvent impliqués.

Aujourd'hui, nous offrons les fonds et les moyens pour renforcer les capacités. Qu'on s'adresse à l'Armée de résistance du Seigneur ou les groupes du Darfour ou d'ailleurs, nous leur permettons de devenir des négociateurs efficaces dans les processus de paix. Il est toutefois important de ne pas provoquer un effet Pygmalion.

Je vais vous donner un exemple de constatations récentes de la Banque mondiale. Dans l'est de la République démocratique du Congo, on a interviewé des milices impliquées dans la perpétration d'actes de violence sexuelle.

Les résultats préliminaires de ces entretiens montrent que certains des petits groupes militaires qui commettent de la violence sexuelle et des viols le font pour attirer l'attention de la communauté internationale, car ils savent que c'est une question qui la préoccupe. Ils veulent ainsi se faire entendre. Autrement dit, l'attention qu'on accorde à la violence et aux diverses formes de violence provoque parfois un effet Pygmalion sur le terrain. Il faut être prudent à cet égard. Même si nous avons besoin d'eux pour mettre fin aux hostilités, il ne faut pas délégitimer ni ignorer les groupes non armés non étatiques — la société civile, si on veut — qui travaillent sur le terrain à l'établissement de la paix, et qui choisissent de le faire sans armes. C'est dans ces groupes que les femmes sont les plus présentes.

Il n'existe pas de méthodologie pour faire participer la société civile aux discussions. Au sujet des acteurs de la société civile, on se demande souvent : Qui sont-ils? Qui représentent-ils? Font-ils partie de l'élite? Font-ils partie de la base? On trouve bien des raisons pour les exclure du dialogue, et la seule façon pour eux d'avoir une voix est de prendre les armes et de sombrer dans la violence extrême. C'est à ce moment qu'on les invite aux négociations. Tant qu'ils ne sont pas violents et que leur engagement est constructif, on a tendance à les marginaliser.

Un changement de paradigme s'impose : inviter les acteurs non armés non étatiques à la table de négociations pour la transition et la paix. Il est de plus en plus urgent d'agir. Il suffit de penser aux récents bouleversements dans le monde arabe. Qui ont été les instigateurs de ce changement? Les jeunes gens et les femmes qui sont descendus dans la rue. Il n'y a pas de moyen efficace pour les faire participer au processus, alors on a tendance à exclure ceux-là mêmes qui instituent le changement sur le terrain. Il faut repenser complètement notre façon d'interagir avec la société civile. Les ONG de la communauté internationale travaillent là-dessus. Dans le cas de la Syrie, nous avons entrepris différentes initiatives, dont j'aurai le plaisir de vous parler davantage.

Il est aussi question des nouvelles recherches qui ont été publiées. Entre 1989 et 2004, sur 40 conflits et 80 ententes de paix, un tiers ont mis à contribution la société civile. Dans les cas où la société civile est intervenue, le taux d'échec a chuté de 67 p. 100. Les risques d'échec sont ainsi beaucoup moins grands quand la société civile s'en mêle, car elle peut exiger des comptes auprès de ses intervenants. Nous avons les recherches pour appuyer ces faits; il s'agit maintenant d'élaborer une méthodologie.

La résolution 1325 nous fournit le cadre stratégique, qui, comme on le sait, vient des femmes sur le terrain. Il est possible de tirer des exemples de bonnes pratiques de l'Irlande du Nord, de l'Afrique du Sud, du Libéria, et même de l'Afghanistan et de l'Iraq, d'une certaine façon; mais il faut aller plus loin dans la démarche et la rendre plus systématique. Nous sommes coincés dans un monde où règnent les pratiques improvisées, l'amnésie — là où on néglige d'optimiser les bonnes pratiques en place —, et l'apathie; un monde où on laisse libre cours à l'improvisation, à l'amnésie et à l'apathie. Notre population, notre société et les peuples affligés par la guerre méritent mieux.

J'aimerais conclure ma présentation en vous faisant part de quelques réflexions. Vous avez parlé des Nations Unies tout à l'heure. C'est au Département des affaires politiques des Nations Unies que se passe la majeure partie du travail initial de nature délicate entourant la médiation, que les envoyés spéciaux sont choisis et que l'engagement est initié. Une personne est chargée des questions d'égalité entre les sexes. Il n'y a pas d'équipes ni de cadres qui participent à ce travail, alors qu'il y a quatre ou cinq personnes au moins affectées à ce dossier au Département des opérations de maintien de la paix des Nations Unies. Il y a une disparité entre les ressources allouées aux différentes entités du système des Nations Unies. Bien que les femmes de l'ONU soient importantes dans ce processus, c'est au niveau politique que nous avons besoin d'attention, de ressources et de responsabilisation. Il faut un peu des deux.

Pour ce qui est des recommandations, je veux souligner qu'il y a une initiative en cours d'élaboration visant à établir une norme d'or pour des processus de paix plus inclusifs et égalitaires. Comment y arriver? Quels sont les critères voulus pour faire entendre la voix des acteurs de la société civile? Quelles structures antérieures pouvons-nous prendre en exemple? Elles sont là, mais nous ne les utilisons pas systématiquement. Comment s'assurer d'appliquer ces principes dans l'immédiat en Syrie, en Afghanistan et en République démocratique du Congo? Le Canada peut certainement contribuer à cet effort s'il choisit de le faire.

Nous avons besoin de champions pour différents pays. Dans le cas de la Syrie, par exemple, ce serait extraordinaire que le Canada et d'autres nations puissent unir leurs efforts pour organiser des forums à l'intention de la société civile ou faire valoir le point de vue des acteurs de la société civile aux conférences des donateurs, là où beaucoup de discussions sont tenues et beaucoup de décisions sont prises.

La Norvège, par exemple, a fait preuve de leadership dans ce dossier, tout comme la Hollande. Les États-Unis et le Royaume-Uni défendent avec ferveur le programme de lutte contre la violence sexuelle. Le Canada doit agir en chef de file et nous aider à favoriser la participation des femmes aux processus de paix. Cela contribuerait grandement à améliorer la situation. Comme je le dis souvent, vous pouvez prêcher par l'exemple.

La présidente : Merci à vous tous. Ce fut très intéressant. Comme vous le savez, le comité a entrepris d'étudier les enjeux entourant la résolution 1325. Je crois que nous aurons franchi une autre étape lorsque le gouvernement déposera son dépôt à la fin de la session en cours.

Selon vous, qu'est-ce que le comité pourrait faire pour assurer le suivi du Plan d'action national du Canada après la publication du premier rapport? Quel mécanisme le Canada devrait-il mettre en place pour évaluer ses progrès? Quels indicateurs et quelles mesures le comité devrait-il établir pour le Plan d'action national du Canada?

Mme McPhedran : Je vous répondrai en vous donnant des exemples plus précis du travail qui se fait actuellement avec le réseau mondial des femmes artisanes de la paix, mettant l'accent sur les mécanismes de surveillance et d'établissement de rapports. Il faut également reconnaître que le Canada, par l'entremise du MAECI, injecte beaucoup de fonds dans les efforts locaux de consolidation de la paix. L'accent est davantage mis aujourd'hui sur le leadership local.

La présidente : Comment le comité peut-il assurer un suivi?

Mme McPhedran : Le comité pourrait définir plus clairement la nature du travail qu'impliquent les indicateurs formulés et la surveillance assurée par la société civile, de même qu'avaliser les modèles bien établis ou en cours d'élaboration. Le point central de tout cela est le leadership et l'engagement de la société civile, en particulier les femmes leaders. Comme le disait Mme Naraghi-Anderlini, nous avons besoin d'appui et de reconnaissance, et il faut formuler les choses en détail de façon à ce que ce soit beaucoup mieux compris et à ce que le comité puisse envisager cela comme une stratégie clé de mise en œuvre.

Mme Livingstone : Je suis d'accord avec ma collègue pour dire qu'une des choses les plus importantes que vous puissiez nous offrir est d'établir une feuille de route assez détaillée prévoyant des obligations de rendre compte et des jalons à atteindre, une stratégie qui établit clairement ce qu'on entend par « évaluation ». On a tendance à évaluer les choses sans trop savoir pourquoi, où ou comment ce sera utilisé. Il ne s'agit pas seulement de cocher une case.

Ce serait très utile si le comité pouvait établir les indicateurs, les jalons, les objectifs et les conséquences en cas de non-conformité. Cela aiderait grandement.

M. Parkinson : Je déteste être du même avis que tout le monde, mais j'abonderais dans le même sens. Vous avez dit qu'il était possible de faire place à la société civile dans les structures politiques. Ce serait un très bon début — comme le disait Mme Naraghi-Anderlini, nommer des champions qui se feraient les porte-parole des organisations de la société civile à la table de négociations; pas seulement aux conférences des donateurs, mais aussi dans les processus politiques.

Mme Naraghi-Anderlini : Ce serait formidable de faire place à la société civile sur le terrain. Je vais vous donner un exemple. Les Afghanes sont très inquiètes parce que le plan de transition de l'OTAN en Afghanistan ne prévoit aucun indicateur pour la protection des femmes dans la planification du retrait des troupes.

Bien que notre intervention soit nécessaire, il est aussi important de voir quelles en sont les conséquences pour les personnes que nous voulons aider.

La sénatrice Ataullahjan : Merci pour vos présentations. J'ai une remarque à faire. J'ai un peu de mal avec une chose que vous avez dite, soit que les hommes violent des femmes pour attirer l'attention en situation de conflit.

C'est connu, à travers les âges, le viol a toujours servi d'arme de guerre. Avant cela, il y avait d'autres moyens pour attirer l'attention. Faire la guerre pour attirer l'attention : j'ai un peu de mal à croire cela.

Ma question porte sur le rôle des hommes. Nous savons qu'il est crucial d'engager les hommes dans le processus comme supporteurs potentiels du programme lié à la résolution 1325. Dans cette optique, que fait-on à l'échelle locale et internationale pour faire participer les hommes et les garçons? J'ai lu dans le journal ce matin que dans un village de 8 000 habitants au Pakistan, les hommes ont décidé que les femmes ne pourraient pas voter aux prochaines élections. Je maintiens toujours que lorsqu'il est question des droits des femmes, on ne peut ignorer ceux des hommes et des garçons, parce qu'ils doivent évoluer au même rythme. Si on éduque les femmes sans en faire de même pour les hommes, c'est peine perdue, car elles ne voudront pas aller à l'encontre de la volonté de leurs maris, de leurs fils et de leurs frères. On voit comment les choses se passent.

Mme Naraghi-Anderlini : En ce qui concerne la question des hommes qui commettent des viols, il était question de l'est de la République démocratique du Congo. Il s'agit d'une recherche récente. Ils ont parlé à un groupe de la milice. Ce n'est qu'un exemple qui illustre comment nous pouvons en réalité empirer la situation.

En ce qui concerne les initiatives locales et internationales, elles sont diverses. À l'échelle locale, le Global Network of Women Peacebuilders, par exemple, travaille entre autres avec les conseils provinciaux et les maires à cerner les problèmes, à en discuter et à mettre en œuvre des solutions localement, là où le conflit affecte le plus la population. Une fois le problème soulevé à cette échelle, ils le comprennent et sont plus disposés à offrir du soutien parce qu'ils traitent directement avec la population, avec les veuves, et cetera.

Nous avons, au Sri Lanka, des collègues qui travaillent avec les forces policières dans le nord; ils incitent la police à participer au cadre et lui demandent quels sont les problèmes les plus préoccupants. La violence fondée sur le sexe est l'une des choses que les policiers ont soulevées dans le nord du Sri Lanka, et ils proposent maintenant leurs propres stratégies pour aller chercher les femmes des communautés et pour s'attaquer à la violence au foyer. À l'échelle locale, les niveaux sont multiples.

À l'échelle internationale, il y a des champions, mais honnêtement, je pense que ce qui empêche les choses d'avancer, c'est que les décideurs ont tendance à reléguer cela au second plan. Quand nous parlons de la participation des femmes, ils nous disent que c'est leur culture et que c'est la raison pour laquelle les femmes sont exclues. Ils ont des préjugés sur les cultures et ce genre de choses, mais cela ne s'appuie pas sur des faits.

M. Parkinson : Souvent, à l'échelle locale, les dirigeants sont de sexe masculin. L'effet est différent, selon le contexte, quand on cherche à montrer aux dirigeants locaux de quelle façon la violence sexuelle, la violence faite aux femmes et la violation de leurs droits en général sont désavantageuses pour eux, en fin de compte. Par exemple, je connais un groupe, dans le Soudan du Sud, qui est allé parler des droits des femmes aux chefs locaux. Les chefs locaux du Soudan du Sud ne sont pas exclusivement des hommes, mais c'est généralement le cas. Ce qui s'est finalement produit, c'est que les chefs locaux se sont réunis et ont décidé, entre eux, d'établir une norme uniforme pour traiter de la violence faite aux femmes. Cet effort semblait avoir pris son envol. Mais le groupe a perdu son financement et n'a pu poursuivre les efforts, ce qui fait que nous ne savons pas comment les choses se sont passées par la suite. C'est une idée intéressante, et je cherche en ce moment à trouver du soutien pour la mettre en application.

Mme Livingstone : De façon très concrète, puisque c'est de cela que je vais parler, c'était une question de formation. Qui allait s'occuper de l'unité portant sur le sexe? Est-ce qu'il fallait que ce soit une femme, ou bien allait-on trouver un homme qui se tiendrait debout et qui dirait que c'est important parce que c'est une question de sécurité. C'est important parce que c'est une question de norme internationale. C'est important pour les militaires et les policiers, car selon notre modèle éthique et notre modèle de leadership, il faut que vous compreniez le rôle des femmes et des hommes ensemble. Un homme s'est tenu debout, a donné la leçon, a répondu aux questions et a négocié le scénario, et cela a représenté tout un changement pour les hommes qui se trouvaient dans la classe. De façon très pratique, nous avons estimé qu'il fallait que des hommes donnent la leçon, parce que cela allait stimuler davantage la conversation à l'extérieur de la classe, en fin de compte. C'est ce que nous avons fait.

Mme McPhedran : J'ai un exemple un peu différent, qui met l'accent sur le leadership assumé conjointement par des hommes et des femmes, lesquels donnent les ateliers et animent les réunions ensemble. J'ai apporté des photographies, mais je n'avais pas réalisé que je ne pourrais pas les montrer. Elles ont été prises au Burundi, au Népal et au Sierra Leone, où c'est le modèle utilisé localement. D'une certaine façon, cela ne perpétue pas l'image des hommes qui assument le leadership, mais c'est une façon d'établir des modèles positifs et constructifs de leadership conjoint et cela démontre que ce modèle fonctionne.

J'aimerais revenir au Canada. Il y a une grande différence sur le plan de l'inclusion, dans le sillage du Plan d'action national du Canada, par rapport à celui de la Hollande, par exemple, ou de ceux d'autres pays, mais nous avons assez de latitude, dans le cadre de notre plan d'action national pour que le comité et d'autres représentants élus puissent bien faire comprendre que l'engagement de la société civile canadienne est on ne peut plus bienvenu. Il y a tout un éventail d'initiatives en ce moment. Parfois, en recueillant tout simplement de l'information et en appuyant les efforts déployés par les Canadiens, conformément à la vision du plan d'action national, on arrive à resserrer les liens entre la société civile des autres pays en zones de conflit et la société civile canadienne.

Le sénateur Harb : Merci beaucoup à vous tous. Vous nous avez présenté d'excellents exposés. Nous constatons que vous êtes tous d'accord pour dire qu'il reste beaucoup à faire. Il s'agit de très petits pas, et il faut en faire beaucoup.

J'ai été frappé par un aspect de l'intervention des femmes après les conflits. Normalement, d'après ce que j'en comprends, quand il y a des factions belligérantes dans le cadre d'un processus de paix, on invite les factions belligérantes à venir négocier. Je n'ai vu nulle part de conflit où les factions belligérantes sont dirigées par des chefs de guerre de sexe féminin. Naturellement, quand vous les invitez à négocier avec les autres, vous ne voyez pas de femmes du tout. À une réunion à Doha, 99,9 p. 100 des personnes présentes sont des hommes.

Madame Naraghi-Anderlini, vous avez dit quelque chose de très intéressant : à moins que les femmes prennent les armes et forment une faction belligérante, elles risquent fort peu d'être invitées à la table de négociation. J'ai quelque chose à vous demander. Ne pensez-vous pas que les médiateurs, qu'il s'agisse d'agences de l'ONU ou d'un pays qui détient un pouvoir, quel qu'il soit, sont ceux qui devraient insister pour que les femmes soient présentes aux négociations qui suivent un conflit?

Mme Naraghi-Anderlini : Merci. Si nous laissons la notion de la paix aux factions belligérantes, nous n'allons qu'aboutir avec des factions belligérantes. Pourquoi les gens qui font la guerre devraient-ils savoir quelque chose de la paix? C'est pourquoi il faut un changement de paradigme.

Les médiateurs peuvent jouer un rôle important, et nous avons de nombreuses lignes de conduite qui s'adressent aux médiateurs. Elles ont reçu l'appui du secrétaire général de l'ONU. Nous avons les résolutions, et tout cela. Ils ne sont pas nécessairement tenus responsables. La personnalité a beaucoup à voir là-dedans. Parfois, ils sont intéressés et les choses bougent. Parfois, ils ont une équipe, et l'équipe intervient. Ils ont maintenant une équipe en attente, composée de spécialistes de la médiation. Je suis leur première intervenante en matière d'égalité entre les sexes et d'inclusion. Par exemple, nous avons veillé à ce que les Somaliennes participent à la dernière série de négociations du processus, et elles ont négocié en tant que femmes, même si elles ont des rôles divers. C'est encore en chantier, mais nous pouvons faire beaucoup pour rendre le processus en peu plus systématique. Il existe divers modèles de processus plus inclusifs dans de nombreux pays. En réalité, il faut regarder, comme je l'ai dit, la nature du processus, plutôt que de penser qu'il faut faire comme avant. Les façons de faire d'avant, franchement, ont tendance à nous mener à l'échec de toute façon.

Le sénateur Harb : Êtes-vous d'avis que le Canada devrait, entre autres, exiger l'établissement d'un système de reddition de compte? Comme vous l'avez indiqué délicatement, rien ne semble indiquer que quelqu'un peut s'assurer que nous faisons ce que nous avons convenu de faire. En l'absence d'une capacité institutionnelle dans les pays qui émergent d'un conflit, ce qui est le cas à peu près partout, il n'y a pas de capacité institutionnelle permettant de réellement défendre les femmes, de les protéger et de garantir l'égalité des sexes.

En fait, à l'échelon le plus élevé — l'ONU, je dirais —, nous devrions avoir un régime de reddition de comptes selon lequel nous aurions des indicateurs, et une personne qui, chaque année, serait chargée d'exiger de la part des divers acteurs, membres de l'ONU ou autres, qu'ils rendent des comptes sur le respect de leurs obligations. Est-ce quelque chose que vous verriez le Canada réclamer?

Mme Naraghi-Anderlini : Je pense que chaque acteur a son propre rôle. L'ONU a son rôle à jouer, et elle devrait le faire; et les États membres, dans la mesure où ils font un travail bilatéral, devraient le faire aussi, tout comme les gouvernements nationaux, et cetera.

Pour le manque de capacité dont vous parliez, tout pays qui émerge d'un conflit doit pouvoir compter sur la participation de tous. Laisser de côté 50 p. 100 de ses talents sous prétexte que c'est la culture représente un gaspillage de ressources. Nous l'avons vu en Afghanistan. Les Afghanes en savaient davantage sur les façons d'aborder l'éducation, la santé, et cetera, que bien des chefs de guerre. Ça semble contraire à la logique, si vous voulez, mais les femmes doivent être là, en raison de leurs grandes capacités et de leur engagement à installer la paix.

La sénatrice Andreychuk : Merci à nos témoins. Je vais intégrer à cela quelque chose que M. Parkinson et Mme McPhedran ont dit, mais je vais poser la question à Mme Livingstone, car je suis très au fait de son expérience. Je pense que nous avons besoin de tous les acteurs que le sénateur Harb a signalés; la résolution 1325 et les autres ont été adoptées par les Nations Unies par désespoir, sachant qu'on passait d'un conflit à un autre sans que les choses changent. Nous avons des conflits parce nous n'avons pas tenu compte des femmes. Les choses auraient peut-être été différentes dans ces pays si nous avions fait du travail de prévention. Ce que je comprends de la résolution 1325, c'est qu'il reste beaucoup de travail à faire dans notre pays et partout ailleurs pour que les femmes participent au processus de prise de décisions, peu importe à quel niveau. Bien entendu, durant le conflit, la question du recours à la violence, particulièrement envers les femmes et les enfants, a été remarquée, et même plus récemment, envers les garçons et les hommes. Nous avons tous un rôle à jouer.

Il me semble qu'à l'issue d'un conflit, nous pouvons donner des exemples généraux. Nous pouvons établir des structures et demander des comptes, mais ce que j'entends, c'est que nous n'avons pas écouté les femmes qui ont vécu ce processus. L'une des choses les plus rassurantes a été la visite du Centre International Kofi Annan de Formation au Maintien de la Paix, où des femmes ayant subi de la violence et s'étant trouvées en zone de conflit élaborent maintenant ces programmes — pas nous, les Canadiens, ni les Néerlandais, ni les Norvégiens. Elles se penchent sur la société civile et les structures gouvernementales avec une perspective un peu différente, mais elles connaissent leur pays et leurs réponses. Je me demande s'il existe d'autres endroits, comme le Centre Kofi Annan, où on commence à s'intéresser à la façon d'établir la société civile en fonction de la définition de la société civile dans un village ou un pays donné. Par exemple, nous proposons des lignes directrices nationales générales, mais nous établissons dans une province quelque chose de différent par rapport à une autre province. Avons-nous atteint ce niveau? J'ai trouvé très excitant ce que le Centre Kofi Annan fait, et je me demande si ce modèle est maintenant utilisé ailleurs.

Mme Livingstone : Dans le cadre de notre travail avec le Centre Kofi Annan, nous avons utilisé ce modèle, qui utilise des consultants externes — je déteste les appeler des « experts en la matière » — venus contribuer à l'acquisition de compétences au sein même du Centre Kofi Annan. Ils ont amélioré leurs compétences, et nous avons pu nous retirer un peu. Je pense que c'est un excellent modèle. Comme tous mes collègues l'ont dit, c'est un moyen de conjuguer les connaissances approfondies et la compréhension intime de ce qui se passe dans la zone de conflit, puis à l'issue du conflit, ce que je ne comprends pas toujours. Je pense que conjuguer ce que j'apporte à ce que mes collègues sur le terrain apportent est la meilleure façon de procéder. Le problème, c'est qu'il faut beaucoup de temps, d'énergie et d'effort, et un engagement à long terme énorme, car nous parlons fondamentalement d'un changement générationnel. Je pense que le modèle Kofi Annan fonctionne très bien.

La sénatrice Hubley : Je vous remercie pour vos exposés. Madame McPhedran, vous avez amorcé le vôtre en disant que 1,5 milliard de personnes vivent dans des États fragiles. Je garde cela à l'esprit, mais je m'intéresse aux efforts que vous déployez pour rejoindre la génération montante et pour obtenir son engagement. Je pense que vous méritez des félicitations pour avoir choisi les guides à cette fin. Cependant, tout aussi utile que cela puisse être, je me demande ce qu'un tel programme pourrait mettre en œuvre dans ces États fragiles, ou dans quelle mesure nous arrivons à éduquer la génération montante dans certains de ces États.

Mme McPhedran : Je vous remercie de cette question, car j'ai donné deux exemples très différents. J'ai donné l'exemple des guides, pour le Canada, et nous ne pensons pas que cela puisse s'appliquer aux zones de conflit en ce moment. Cet exemple portait sur la question de sensibiliser la génération montante de jeunes Canadiennes et de lui permettre d'exercer du leadership.

Cependant, c'est l'acquisition de compétences par les dirigeantes dans les zones de conflit qui a découlé, au début de l'année, du nouveau projet en cours d'élaboration dans le cadre de mes travaux comme professeure invitée à l'Université pour la paix. Une collègue a donné avec moi un cours dans lequel nous nous concentrions sur les résolutions du Conseil de sécurité et sur la façon dont elles étaient réellement mises en œuvre. Nous avons combiné des éléments de diplomatie et de défense des droits. Dans le cadre de ce cours, nous avons invité des conférenciers par Skype — des ambassadeurs et des défenseurs. Par exemple, Son Excellence Elissa Goldberg est venue de Genève passer une heure avec la classe pour parler de cela. Nous avons également entendu la Dre Nana Pratt, du Sierra Leone, et Bandana Rana, du Népal. Elles sont des dirigeantes haut placées.

Il ne faut pas lier à tout prix l'acquisition de compétences et la formation au leadership à un cours qui s'accompagne de crédits universitaires, mais il faut la qualité, la réflexion et la préparation, de sorte que nous soyons convaincus de pouvoir avoir en parallèle un cours offrant des crédits et un cours sans crédits, et que nous puissions trouver une façon d'offrir en ligne gratuitement bon nombre des modules que nous concevons. C'est la vision, le rêve que nous avons, sans encore avoir les fonds nécessaires.

Le principe, c'est que ces femmes formidables, dans les zones de conflit, qui en ont tant fait, puissent se dire : « Nous devons nous concentrer sur la génération montante, et il nous faut du soutien pour le faire. » Dans la plupart des cas, elles ont bien entendu déjà cerné le potentiel qu'elles voient, mais les ressources sont très limitées.

Ce que je disais aujourd'hui...

La présidente : Je vais devoir vous interrompre. Je suis désolée. Il nous reste une question, mais presque plus de temps.

La sénatrice Nancy Ruth : Madame Livingstone, certains d'entre nous sont préoccupés par les changements à l'ACDI concernant en particulier la collaboration avec des sociétés minières. Vous avez soulevé cette question, alors je trouve intéressant que vous vouliez vous assurer que cela ne causerait pas de conflits. Pouvez-vous m'expliquer ce qui vous fait dire cela et me faire part de vos craintes? Je serai contente d'entendre toutes les personnes qui ont quelque chose à dire à ce sujet.

Mme Livingstone : Comme vous le savez peut-être, le Centre Pearson en est venu récemment à travailler avec l'industrie extractive, en raison des Principes volontaires sur la sécurité et les droits de l'homme, une initiative que nous trouvons importante pour garantir que les gouvernements, les entreprises et les piliers non gouvernementaux sont résolus à respecter les principes volontaires. J'ai dit cela, car l'initiative des principes volontaires et les Principes volontaires sur la sécurité et les droits de l'homme obligent les entreprises à penser à la façon dont elles entreprennent le processus d'engagement dans un secteur avant de planter le premier piquet dans le sol. Elles doivent établir le profil de la communauté, déterminer qui est là, quels sont les besoins, quelles sont les conséquences possibles, quels sont les effets sur l'environnement, de même que les effets sur l'environnement social. Je pense qu'il faut poursuivre cela. C'est pourquoi j'ai soulevé cela.

La sénatrice Nancy Ruth : En quoi la participation de l'ACDI à cela vous préoccupe-t-elle?

Mme Livingstone : La participation de l'ACDI n'est pas nécessairement une source de préoccupation à mes yeux. Ce qui me préoccupe, c'est que cette interaction comporte des difficultés. C'est un changement de politique pour certaines personnes. À notre point de vue, il s'agit simplement de mettre en évidence qu'il y aura une relation, de déterminer la meilleure façon de la gérer, la meilleure façon d'obtenir une reddition de compte, la meilleure façon d'en faire le suivi et de l'évaluer, ainsi que de veiller à ce que les entreprises et les gouvernements qui ont signé les principes volontaires respectent leur engagement.

La présidente : Merci beaucoup d'être venus, madame Livingstone, madame McPhedran, monsieur Parkinson et madame Naraghi-Anderlini. Vous nous avez appris beaucoup de choses et nous serons très heureux de travailler de nouveau avec vous un de ces jours.

Est-ce qu'il y a autre chose à l'ordre du jour? Non? Merci beaucoup.

(La séance est levée.)


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