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SOCI - Comité permanent

Affaires sociales, sciences et technologie

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Affaires sociales, des sciences et de la technologie

Fascicule 26 - Témoignages du 21 novembre 2012


OTTAWA, le mercredi 21 novembre 2012

Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd'hui, à 16 h 15 pour étudier les produits pharmaceutiques sur ordonnance au Canada. SUJET : Surveillance après approbation.

Le sénateur Kelvin Kenneth Ogilvie (président) occupe le fauteuil.

[Français]

Le président : Je vous souhaite la bienvenue au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie.

[Traduction]

Je m'appelle Kelvin Ogilvie. Je préside le comité et je suis un sénateur de la Nouvelle-Écosse. Je demanderais à mes collègues de bien vouloir se présenter, à commencer par ceux qui se trouvent à ma gauche.

Le sénateur Eggleton : Art Eggleton. Je suis vice-président du comité et je viens de Toronto.

Le sénateur Cordy : Jane Cordy. Je viens de la Nouvelle-Écosse.

Le sénateur Enverga : Tobias Enverga, de l'Ontario.

Le sénateur Demers : Je m'excuse. Que dois-je faire?

Le président : Vous présenter, monsieur. Comme vous êtes une célébrité, tout le monde vous connaît de toute façon.

Le sénateur Demers : Jacques Demers, du Québec.

Le sénateur Eaton : Moi, je suis une illustre inconnue. Nicky Eaton, de l'Ontario.

[Français]

Le sénateur Verner : Bonjour, je suis Josée Verner, du Québec.

[Traduction]

Le sénateur Seth : Asha Seth, de Toronto.

Le sénateur Martin : Yonah Martin, de la Colombie-Britannique.

Le président : Je vous remercie, chers collègues.

Nous poursuivons notre étude sur les produits pharmaceutiques sur ordonnance au Canada. Cette phase de l'étude porte sur la surveillance après approbation. Nous entendrons aujourd'hui, deux témoins. Je vais d'abord les présenter et je leur donnerai ensuite la parole. Comme il ne s'agit pas d'un concours, je leur donnerai la parole dans l'ordre où leur nom figure à l'ordre du jour.

Permettez-moi d'abord de vous présenter M. Bruce Carleton, professeur et coprésident de la Division de la thérapeutique translationnelle au Département de pédiatrie de l'Université de la Colombie-Britannique. Monsieur Carleton, vous avez la parole.

Bruce Carleton, professeur et coprésident, Division de la thérapeutique translationnelle, Département de pédiatrie, Université de la Colombie-Britannique, à titre personnel : Je vous remercie, mesdames et messieurs les sénateurs, de m'avoir invité à comparaître devant vous. Je me réjouis à l'idée de passer les heures qui suivent en votre compagnie. N'hésitez pas à me poser toutes les questions qui pourraient vous venir à l'esprit.

J'œuvre dans le domaine particulier de la surveillance après mise en marché des produits pharmaceutiques depuis plus de 20 ans. Je me suis particulièrement intéressé à l'innocuité et à l'efficacité de ces produits. J'aimerais vous entretenir de trois principaux sujets, après quoi vous pourrez me poser des questions qui se rapportent à ces sujets ou à d'autres selon vos désirs.

J'aimerais d'abord vous parler des réactions indésirables aux médicaments — ce qu'on appelle souvent à tort, à mon avis, les effets secondaires — puisque ces réactions constituent d'importants problèmes de santé publique. En 1998, Jason Lazarou publiait dans le Journal of the American Medical Association, une étude révélant que les réactions indésirables aux médicaments étaient la cinquième grande cause de décès aux États-Unis. Toute proportion gardée, il y a tout lieu de croire qu'il en va de même pour le Canada.

Dans l'ensemble, les risques que présentent les produits thérapeutiques sont attribuables au fait que les personnes auxquelles ils sont prescrits souffrent de problèmes de santé graves. Tout comme le fait de conduire une voiture présente des risques, la consommation de médicaments en présente aussi. À l'instar des voitures, les médicaments peuvent être très dangereux.

Je ne voudrais pas laisser entendre que les médicaments dont l'utilisation est approuvée au Canada présentent des risques en raison de la défaillance du processus d'approbation canadien. Il est cependant vrai que l'utilisation qui est faite des médicaments approuvés pour utilisation sur le marché canadien diffère beaucoup dans les faits de l'utilisation qui en est faite lors des essais cliniques menés dans le cadre du processus de délivrance des permis.

Cet état de choses découle de ce que les essais cliniques visent à établir l'efficacité théorique et non pratique des médicaments. L'efficacité théorique est évidemment l'effet biologique d'un médicament sur une population très restreinte. Ces essais déterminent la valeur thérapeutique du produit dans cette population.

À titre d'exemple, dans un essai clinique portant sur un médicament anti-diabétique, ce médicament sera administré à un échantillon représentatif de personnes souffrant du diabète. Le médicament ne sera pas administré à des patients très jeunes ni à des patients très âgés qui risquent de réagir fortement au produit. Dans un essai de ce genre, l'objectif est simplement de comprendre l'effet biologique du médicament.

Les patients qui participent à ce genre d'essai font aussi l'objet d'un suivi pour établir leurs réactions au médicament. Il est de notoriété publique que dans un essai clinique, l'innocuité du produit n'est pas ce qui importe le plus, le médicament étant administré à une population homogène de patients puisque l'objectif est d'en établir l'efficacité théorique.

Or, en réalité, les médecins traitent des patients dont l'ascendance, l'expérience et les affections comorbides varient. Tous ces facteurs expliquent que les patients ne réagissent pas de façon identique aux médicaments, lesquels peuvent produire chez certains d'entre eux des réactions indésirables graves. Des problèmes relatifs à l'innocuité des médicaments peuvent effectivement souvent surgir après l'étape de l'approbation.

Le deuxième sujet dont je voudrais vous entretenir, c'est du potentiel scientifique de la médecine personnalisée comme outil d'amélioration de l'innocuité des médicaments administrés à des patients individuels. Mes collègues qui pratiquent depuis des décennies la médecine pédiatrique et la médecine pour adultes diront sans doute que la médecine personnalisée n'est pas du tout une nouveauté. Après tout, le patient est vu, examiné et traité par un médecin, et non pas par une équipe de médecins.

La médecine personnalisée dont je parle s'emploie à comprendre les aspects génétiques de la réaction aux médicaments. Toutes les étapes dans la biotransformation d'un médicament par le corps sont déterminées par les gènes. Si nous pouvons comprendre de quelle façon les gènes influent sur la réaction d'un patient à un médicament, nous pourrons comprendre et prédire cette réaction.

En 2006, mon équipe de chercheurs a publié dans le Lancet, revue médicale du Royaume-Uni, les résultats d'une étude portant sur le cas d'une Ontarienne à qui l'on a prescrit un stupéfiant comme analgésique après son accouchement. Cette femme portait un gène qui a accru la puissance de ce stupéfiant, lequel a causé le décès de l'enfant qu'elle allaitait. Une meilleure compréhension du rôle des gènes dans la biotransformation des médicaments permettrait d'améliorer leur innocuité.

Le troisième sujet dont je veux maintenant vous entretenir — compte tenu du fait que nous savons que les réactions indésirables aux médicaments constituent un important problème de santé publique et que nous disposons des données scientifiques nous permettant de mieux comprendre comment nous pouvons améliorer l'innocuité des médicaments dans le cas de patients particuliers —, c'est du réseau qui a été mis sur pied dans le pays pour comprendre les réactions indésirables aux médicaments et pour y remédier. En 2005, grâce à des fonds obtenus de Génome Canada et par la suite des Instituts de recherche en santé du Canada et de la Fondation canadienne pour l'innovation, des sources de financement fédérales pour des projets faisant l'objet d'un examen par les pairs, nous avons mis sur pied le Réseau canadien pharmacogénomique pour la sécurité des médicaments auquel appartiennent maintenant tous les hôpitaux pédiatriques du pays. Nous avons recueilli des données sur plus de 50 000 enfants auxquels un même médicament a été prescrit, certains ayant eu des réactions indésirables à ce médicament et d'autres pas. Ces données nous permettent de comprendre la mesure dans laquelle ces réactions s'expliquent par des facteurs génétiques. Outre la découverte que nous avons faite dans le cas du stupéfiant contenant de la codéine, ce réseau nous a permis de faire beaucoup d'autres découvertes.

Cette méthode présente beaucoup d'intérêt parce qu'elle nous permet essentiellement d'exiger des comptes des cliniciens du pays à l'égard des médicaments qu'ils prescrivent aux patients. Nous voyons souvent les médicaments comme des sources de risques potentiels. Nous réclamons une réglementation qui modifiera la façon dont nous concevons les médicaments. Nous demandons que les fabricants acceptent la responsabilité des risques que leurs médicaments sont susceptibles de poser. Je ne vois rien à redire à tout cela, mais je crois que l'erreur que nous commettons, c'est de s'attendre à ce que des personnes comme moi qui prescrivent des produits pharmaceutiques à des patients individuels assurent un suivi en fonction de la rétroaction qu'ils obtiennent des patients. En fait, nous devons plutôt travailler de concert avec nos patients à établir l'effet que les médicaments peuvent avoir sur eux ainsi que la façon dont la nouvelle science, celle de la pharmacogénomique, peut nous aider à personnaliser les traitements thérapeutiques dans l'avenir pour éviter que ceux-ci ne produisent des réactions indésirables graves.

Le président : Je vous remercie beaucoup.

J'accorde maintenant la parole à Robyn Tamblyn qui est directrice scientifique au Département de médecine, Département d'épidémiologie et de biostatistique, à l'Université McGill. Madame Tamblyn, vous pouvez commencer.

Robyn Tamblyn, directrice scientifique, Département de médecine, Département d'épidémiologie et de biostatistique, Université McGill, à titre personnel : Je vous remercie beaucoup de me donner l'occasion de vous exposer quelques idées. J'aimerais d'abord dire que je suis heureuse que le Sénat soit saisi de ce sujet à mes yeux est très important. J'estime que le Canada a l'occasion dans ce domaine de jouer un rôle de chef de file possiblement encore plus étendu à l'échelle internationale.

Parlons d'abord de quelques questions qui revêtent de l'intérêt à l'étape de la surveillance après approbation des médicaments, soit après la délivrance de l'avis de conformité et de la mise en marché et à compter du moment de l'utilisation des médicaments au Canada et dans le monde entier. J'attire votre attention sur quatre préoccupations qui sont exprimées à l'égard des médicaments à cette étape du processus réglementaire.

Il y a d’abord la question dont a déjà parlé M. Carleton, à savoir que dans le cadre d’un nombre restreint d’essais, il est impossible de cerner les réactions indésirables rares et d’établir quel pourrait être l’effet du médicament s’il est administré à des populations dans lesquelles il n’a jamais été mis à l’essai. Il s’agit le plus souvent des enfants. Le réseau que M. Carleton a mentionné permettrait aussi de détecter les réactions indésirables susceptibles de se produire chez les personnes âgées qui souffrent de plusieurs types d’affections et qui, par définition, sont souvent exclues des essais portant sur certains médicaments, même si ceux-ci leur sont souvent prescrits.

Il y a donc le problème des réactions indésirables rares que certains médicaments sont susceptibles de produire. Nous savons cependant que certains médicaments comme les inhibiteurs de la COX-2 causent fréquemment des réactions indésirables. Les personnes auxquelles ces analgésiques très efficaces étaient auparavant administrés étaient plus à risque de connaître des problèmes cardiovasculaires, ce que l'on a constaté en comparant l'état de ces personnes à celui de patients auxquels ces inhibiteurs n'avaient pas été prescrits.

Un autre aspect de la question, c'est que ces réactions indésirables sont fréquentes pour d'autres raisons également. Voilà donc les deux facteurs dont il faut tenir compte à l'égard des réactions indésirables aux médicaments.

Il n'existe pas vraiment à l'échelle internationale un mécanisme rigoureux nous permettant d'assurer une véritable surveillance à l'égard des médicaments une fois qu'ils sont mis en marché. Le Canada n'est donc pas seul en cause. Le signalement des réactions indésirables est laissé au bon vouloir de chacun. Tout comme les maladies à déclaration obligatoire comme la variole ne sont pas toujours signalées par les médecins qui sont débordés, les effets indésirables ne sont pas toujours signalés non plus. Quelque 98 p. 100 des réactions indésirables aux médicaments ne sont pas signalées au moyen des processus de déclaration volontaire. Il faudrait par conséquent miser sur d'autres mécanismes de signalement.

Le Royaume-Uni, par exemple, a examiné la possibilité de mettre sur pied un système de surveillance des réactions indésirables aux médicaments. Dans ce pays, on rémunère les omnipraticiens pour qu'ils prescrivent certains médicaments. L'objectif est d'évaluer leurs effets de façon rigoureuse et systématique. Comme cette méthode exige beaucoup d'efforts de la part des médecins, elle n'a pas jusqu'ici donné de bons résultats.

Le Canada a été un véritable chef de file dans ce domaine grâce au réseau dont il a été plus tôt question, sénateur Ogilvie, soit le Réseau canadien pharmacogénomique pour la sécurité des médicaments que dirige le Dr Bob Peterson. Ce réseau, financé par Santé Canada et auquel sont associées toutes les provinces, permet d'utiliser les données administratives recueillies au Canada pour établir de façon rigoureuse les réactions indésirables aux médicaments dans diverses populations.

Les chercheurs canadiens ouvrent la voie à l'échelle mondiale en adoptant de nouvelles méthodes rigoureuses d'évaluation impartiale des réactions indésirables aux médicaments une fois qu'ils commencent à pratiquer la médecine. Le Réseau canadien pharmacogénomique pour la sécurité des médicaments est une véritable réussite canadienne. Voilà pour ce qui est des réactions indésirables.

Le deuxième problème qui est susceptible de se poser à l'égard d'un médicament qui est mis en marché, c'est qu'il peut avoir été approuvé et mis à l'essai pour traiter une affection particulière comme la dépression. Cet antidépresseur peut ensuite être prescrit pour lutter contre toutes sortes d'autres affections que nous ne connaissons pas. C'est un aspect bien particulier du problème. Il n'existe pas de façon systématique de savoir quelles sont toutes les affections que l'on traite au moyen d'un même médicament.

S'agissant des innovations qui ont été adoptées au Canada, donnons en exemple des méthodes types conçues pour consigner de façon systématique au point de prestation des services les raisons pour lesquelles le médicament est prescrit. On a déjà rendu publics certains résultats préliminaires de ces recherches. Environ 11 p. 100 des médicaments sont prescrits pour des indications pour lesquelles ils n'ont jamais été testés et pour lesquelles leur efficacité n'a pas été démontrée scientifiquement.

Lorsqu'ils sont prescrits pour un emploi non conforme aux indications de l'étiquette, les risques que les médicaments causent des réactions indésirables sont plus grands. Il s'agit d'un problème d'envergure mondiale qui doit être corrigé. On pourrait d'ailleurs le corriger presque immédiatement de façon très simple. Je voulais simplement insister sur cette corrélation.

J'attirerai maintenant votre attention en dernier lieu sur deux autres questions dont l'une est liée non pas à l'innocuité des médicaments, mais à leur efficacité. Lorsqu'un nouveau médicament est mis en marché, plusieurs autres médicaments le sont souvent aussi peu après. Ces médicaments prétendent parfois produire moins de réactions indésirables; il peut aussi s'agir de succédanés. Les provinces doivent décider si elles rembourseront ces médicaments sans pourtant disposer de renseignements comparatifs sur leur efficacité; elles ne peuvent du moins pas obtenir ces données du Réseau sur l'innocuité et l'efficacité des médicaments. Les provinces doivent prendre des décisions relatives au remboursement des médicaments sans disposer d'un mécanisme d'évaluation rigoureux. Cela ne leur facilite pas la tâche.

Il y a bien le Programme commun d'évaluation des médicaments. Nous essayons de prendre des décisions relatives au remboursement des médicaments en nous fondant sur les renseignements recueillis lors des essais, mais il nous faut une méthode qui nous permettra d'évaluer rigoureusement l'utilisation et l'efficacité des médicaments après leur mise en marché pour pouvoir conseiller à cet égard les provinces. Les provinces ont besoin de cette information pour assurer la viabilité de leur système de soins de santé. Les médicaments constituent une importante dépense de santé. Le coût des médicaments augmente de 15 p. 100 par année. Les provinces ont essayé par divers moyens d'exercer un contrôle sur ce facteur de coûts. Pour prendre des décisions éclairées, elles ont besoin de cette information.

À cela s'ajoute le fait que certains médicaments peuvent être efficaces dans certains sous-groupes et pas dans d'autres. Grâce à la médecine personnalisée, nous pourrons savoir à quelle population réserver certains médicaments. Ainsi, environ la moitié des antidépresseurs qui sont prescrits ne sont pas pris parce qu'ils causent des effets secondaires. C'est un véritable gaspillage. Une utilisation plus judicieuse de ces médicaments serait avantageuse.

Enfin, là où il y a défaillance complète dans tous les pays, c'est en ce qui touche la diffusion de l'information auprès des fournisseurs de services, des consommateurs de soins de santé, des patients eux-mêmes, des médecins et des pharmaciens. Nous sommes complètement incapables de transmettre aux fournisseurs de services l'information voulue sur les réactions indésirables et l'efficacité comparative des médicaments. Par conséquent, des médicaments continuent d'être prescrits alors que leur étiquetage est de type « boîte noire », c'est-à-dire que l'étiquette indique qu'un antipsychotique, pour prendre un exemple, peut entraîner la mort chez les personnes âgées.

Or, nous pourrions trouver des façons innovatrices de résoudre ce problème. C'est vraiment l'objectif que nous devrions nous fixer maintenant. Nul besoin de davantage de recherches. Le problème se situe au point de prestation des services, là où les médicaments sont prescrits et dispensés. Voilà où l'alerte doit être donnée, c'est-à-dire là où il est possible de modifier la décision qui a été prise.

Cette information doit aussi être communiquée aux consommateurs. À l'ère de l'informatique, nous pouvons faire mieux. D'autres pays se sont engagés dans cette voie et nous pouvons les imiter.

Je vous remercie d'avoir écouté cette tirade à effet thérapeutique.

Le président : J'ouvre maintenant la période des questions. Je voudrais rappeler à mes collègues que la question des emplois non conformes des médicaments fera l'objet d'une étude distincte. Nos témoins peuvent cependant nous donner des exemples de ce genre d'emploi dans le contexte de la surveillance après approbation. C'est cette question qui nous intéresse aujourd'hui. Nous voulons notamment établir dans quelle mesure nous parvenons à cerner les réactions indésirables aux médicaments dans ce contexte. La question des réactions indésirables fera aussi elle-même l'objet d'une étude distincte.

Nos questions doivent nous permettre d'obtenir le point de vue des spécialistes sur la surveillance après approbation, ce qui nous amène évidemment à toucher à des questions connexes. Nous devons cependant nous concentrer aujourd'hui, sur la surveillance.

Le sénateur Eggleton : Je vous remercie de nous faire profiter de vos connaissances et de votre expérience. Nous abordons cette question en qualité de législateurs. C'est à nous à qui il appartiendra en définitive de déterminer quels sont les mécanismes qui permettront de remédier aux problèmes que vous nous avez signalés. Je vous demande d'en tenir compte dans votre réponse.

Je voudrais aborder quelques questions en particulier. Parlons d'abord des rapports signalant les réactions indésirables aux médicaments. Certains témoins ont formulé des critiques à l'égard de la façon dont Santé Canada recueille ces renseignements et les diffuse. Certains ont recommandé de prendre les devants dans ce domaine. Voici l'analogie qu'a faite le président. Quand une personne achète une voiture, le concessionnaire lui envoie dans les jours qui suivent un courriel lui demandant s'il en est satisfait ainsi que du service qu'on lui a donné. Il est permis de se demander si l'on ne pourrait pas faire la même chose avec les médicaments d'ordonnance.

Madame Tamblyn, vous avez déjà fait allusion à la boîte noire. Si je ne m'abuse, il s'agit d'une idée américaine. Vous avez également dit que nous pouvions être fiers du Réseau sur l'innocuité et l'efficacité des médicaments. Ce réseau est en soi une bonne idée, mais certaines personnes croient qu'il n'est pas suffisamment transparent et qu'il devrait relever d'un organisme de réglementation. Peut-être que le réseau pourrait déjà être amélioré.

J'aimerais donc que vous nous expliquiez quelles améliorations pourraient déjà être apportées au rôle du Réseau sur l'innocuité et l'efficacité des médicaments dans le contexte du signalement des réactions indésirables. Vous pouvez aussi nous faire d'autres suggestions qui permettraient, à l'échelon politique fédéral, d'améliorer la surveillance après approbation.

Le président : Je vous prie de mettre l'accent dans vos réponses sur l'aspect surveillance après approbation des médicaments.

Mme Tamblyn : Dans la plupart des pays, lorsqu'une personne soupçonne avoir eu une réaction indésirable à un médicament, elle est priée de remplir un formulaire et de l'envoyer à l'organisme de réglementation. Comme je l'ai dit, ce n'est pas fait dans 98 p. 100 des cas. Voilà pourquoi il nous faut un autre mécanisme. On a d'abord songé qu'il fallait rendre le signalement des réactions indésirables obligatoires. La lèpre est une maladie à déclaration obligatoire, mais il n'en demeure pas moins que tous les cas de lèpre ne sont pas signalés. Je crois donc qu'il faut chercher un mécanisme plus efficace.

S'agissant d'idées créatives, j'ai parlé du système de surveillance des ordonnances en place au Royaume-Uni, un système assez coûteux dont les frais généraux sont élevés. À mon avis, le Harvard Partners Group a proposé une méthode plus novatrice. Les membres de ce groupe ont consulté leurs dossiers médicaux longitudinaux pour établir la raison expliquant l'abandon du médicament prescrit. Ils ont essayé d'établir si c'était son efficacité ou les réactions indésirables produites qui étaient en cause.

Ces données ont été recueillies au point de prestation des services. Le processus prend des microsecondes. Cette information a ensuite permis d'extraire des données du dossier de santé électronique, a été regroupée dans un courriel et envoyée à la FDA. Cette collecte systématique des données a lieu au point de prestation des services. Il est très utile de savoir si un patient a cessé de prendre un médicament parce qu'il était inefficace ou parce qu'il causait une réaction indésirable.

Cette méthode pourrait être mise en œuvre non seulement de notre vivant, mais d'ici cinq ans. L'informatisation des dossiers de santé au Canada a été lente, mais je crois que le processus progresse maintenant plus rapidement. Il s'agit de s'entendre sur les logiciels qui seront utilisés à cette fin.

Nous devons pouvoir savoir pourquoi un patient cesse de prendre le médicament qui lui a été prescrit. C'est un objectif tout à fait réalisable. On pourrait recueillir cette information à l'échelle mondiale. Sans que cela n'exige d'effort démesuré de qui que ce soit, le Canada pourrait d'ailleurs servir de modèle pour ce qui est de la collecte systématique de cette information. Cela n'exigera pas un investissement supplémentaire de temps non plus. À mon avis, c'est la solution la plus facile aux problèmes qui se posent. Je crois aussi que c'est la solution la plus évidente.

Il faudrait naturellement à cette fin qu'Inforoute change ses normes d'agrément. Ce serait assez facile à faire. Il faut que l'information puisse être recueillie au moyen des mécanismes réglementaires actuels. Je ne pense pas que cela exigerait de changements de nature réglementaire.

Santé Canada devra établir comment utiliser cette information à des fins de comparaison des risques. Le Canada possède certainement le savoir-faire voulu dans ce domaine.

Le président : Avant de passer au professeur Carleton, je voudrais vous poser une question sur ce que vous avez répondu au sénateur Eggleton. Qui décide de cesser d'administrer un médicament?

Mme Tamblyn : C'est une excellente question. De nos jours, trois personnes peuvent décider d'abandonner un médicament. La première est le patient, s'il renonce à poursuivre sa thérapie. On a lancé des programmes de suivi intéressants et très ingénieux par l'intermédiaire du dossier médical du patient ou de son dossier personnel, ou encore de ce qu'on appelle les « systèmes interactifs d'enregistrement vocal » qui effectuent un suivi auprès des gens dès qu'ils reçoivent une nouvelle ordonnance. Ces systèmes contactent les gens par le truchement de ces robots énervants qui vous appellent au téléphone, mais l'appel vient du bureau du médecin qui a remis l'ordonnance; on demande au patient comment il va et on l'aiguille vers un expert s'il a un problème. C'est une autre façon de recueillir des données prospectivement qui n'oblige pas les gens à se rendre à un autre endroit et d'utiliser un ordinateur pour chercher cette information.

La deuxième personne est le médecin qui a rédigé l'ordonnance; il interrompt le traitement parce que le patient ne réagit pas au médicament ou parce qu'il souffre d'effets secondaires, ce qui est la raison la plus fréquente pour laquelle les gens abandonnent un médicament, ou parce qu'il coûte trop cher.

La troisième personne est le pharmacien, et les pharmaciens prennent de plus en plus de décisions sur les traitements et ils sont payés pour prendre des décisions sur les traitements parce que dans notre pays, il est plus facile d'accéder à leurs services qu'à ceux des médecins, et ils peuvent modifier une thérapie.

Ce sont les trois personnes qui, je pense, se feraient un grand plaisir de fournir cette information.

M. Carleton : Comme l'a dit Mme Tamblyn, je pense que près de 95 p. 100 des effets indésirables des médicaments ne sont jamais signalés, et plusieurs articles scientifiques publiés au Canada en attestent. En 2004, une revue intitulée Drug Safety a publié un rapport de Nicole Mittmann et Neil Shear, directeur du département de dermatologie de l'Université de Toronto. Cette étude est importante parce qu'une des raisons pour lesquelles les médecins ne signalent pas les effets indésirables tient à ce que nous ne savons pas avec certitude si ces effets sont vraiment causés par le médicament ou s'ils proviennent de la maladie ou d'une autre réaction chez le patient. À partir d'une réaction cutanée très grave appelée nécrolyse épidermique toxique, ou syndrome de Lyell, il a examiné ces cas particuliers. Cette réaction provoquée par des médicaments est presque toujours mortelle et ces patients sont soignés dans des centres pour grands brûlés. Il était facile, dans de tels centres, de trouver beaucoup de cas de syndrome de Lyell qu'ils avaient soignés, puis, de comparer les rapports aux effets indésirables d'un médicament signalés à Santé Canada; 4 p. 100 seulement de ces cas avaient été signalés.

Je suis d'accord avec Mme Tamblyn : la méthode actuelle de surveillance volontaire qui incite les médecins à signaler les effets indésirables qu'ils observent est inadéquate.

Les médecins vous demanderont à quoi bon signaler ces cas, si eux savent déjà que ces effets proviennent d'un médicament? On en revient à la valeur que les gens accordent à ce processus de signalement. J'ajouterai qu'il n'est pas simple de signaler ces effets indésirables. Le processus est très long. Les initiatives que nous menons aux États-Unis par l'intermédiaire de la Food and Drug Administration depuis 2009 ou 2010 ont réussi à faire changer trois étiquettes de médicaments. J'ai eu un seul succès au Canada, ce qui est intéressant.

Ce que je cherche à vous faire comprendre, c'est que le réseau auquel j'appartiens est axé sur l'innocuité des médicaments pédiatriques, et vu que les étiquettes de 80 ou 85 p. 100 des produits pharmaceutiques brevetés au Canada ne portent aucunes indications pour les enfants, nous utilisons chaque jour ces médicaments de façon non conforme. En pédiatrie, ceci n'est pas un problème mineur, c'est un problème grave. Nous avons vraiment besoin du signalement des effets indésirables.

Je suggèrerais toutefois une solution plus simple que celle de Mme Tamblyn. Elle a raison, nous avons besoin de dossiers électronique et de meilleurs systèmes de surveillance, mais pour environ 1 million de dollars par année j'ai engagé dans des centres de santé pédiatrique partout au Canada des cliniciens, des infirmières, des pharmaciens et des médecins qui s'intéressent à ce processus. Ils sont à l'emploi du réseau. Comme ils sont employés, ils ont des responsabilités et une description de travail. S'ils ne respectent pas ces conditions en omettant d'effectuer un signalement ou en ne donnant pas assez de détails, ils subissent un examen de rendement dans le cadre de notre processus d'assurance de la qualité et ils sont engagés ou mis à pied comme dans toute autre entreprise. J'ai engagé et mis à pied de nombreux employés pour obtenir ces signalements.

J'exige des rapports de signalement détaillés contenant un ensemble complet de données afin de trouver des solutions efficaces aux problèmes d'innocuité des médicaments. Je ne me contente pas de comprendre quels médicaments causent des problèmes, et la première étape est de faire modifier les étiquettes pour que l'on reconnaisse ce qui rend certains patients plus vulnérables à ces réactions; ils pourront ainsi prendre de meilleures décisions sur les risques qu'ils courent avec leur médecin au moment où celui-ci rédige l'ordonnance ou avec le pharmacien qui dispense ou qui surveille leur médication. Il faut vraiment beaucoup de renseignements; il ne s'agit pas de simplement signaler les effets indésirables.

On ne signale pas une réaction indésirable en 10 minutes. Je dirais qu'il faut en moyenne y travailler à temps plein de quatre heures à cinq jours. Mais j'ai au moins une personne chargée de surveiller dans la plupart des centres de soins pédiatrique au Canada, et nous comptons plus de 50 000 cas et contrôles, et ce travail nous coûte environ un million de dollars par année. Ce fonds de subvention que j'utilise pour cela ne constitue qu'une petite fraction du budget de la surveillance post-commercialisation de Santé Canada, et je trouve que nous en retirons d'excellents résultats.

Le concept de signalement obligatoire, l'obligation qu'auraient les médecins ou toute autre personne concernée de signaler les effets indésirables, présente des problèmes liés à la façon de surveiller cela et de vérifier si ces personnes ont vraiment assumé cette responsabilité. En Espagne, les médecins sont passibles de poursuites au pénal s'ils ne signalent pas les effets indésirables d'un médicament. Combien de médecins ont été condamnés en Espagne? Aucun d'entre eux.

L'obligation de signaler les effets indésirables des médicaments est très difficile à appliquer. J'ai choisi d'engager des professionnels intéressés dans tous les établissements et de leur dire que c'est leur travail. Ce n'est pas une tâche dont ils s'occupent quand ils n'ont rien de mieux à faire. C'est une responsabilité qu'ils doivent assumer. C'est leur seule tâche, et c'est à nous qu'ils doivent en rendre compte.

Quand les données nous arrivent, nous ressemblons probablement à un formulaire Web irritant que vous devez remplir entièrement avant de passer à la page suivante et qui vous en empêche de continuer parce que vous n'avez pas rempli un champ ridicule. Si vous êtes comme moi, vous vous demandez pourquoi vous devez inscrire votre date de naissance. Je ne veux pas inscrire ma date de naissance, mais quand je clique sur le bouton « Page suivante », l'ordinateur refuse d'y passer.

Nous avons une équipe d'assurance de la qualité qui examine les données quand elles arrivent pour vérifier si tout est complet. Grâce à ces rapports complets, nous avons pu démontrer qu'en prenant le médicament oncologique le plus souvent prescrit dans le monde — Cisplatin — vous courez un risque génétique environ 12 fois plus élevé de subir une perte auditive permanente et irréversible. Nous avons observé 160 patients, et nos conclusions ont été publiées dans une revue médicale que l'on peut considérer comme la quatrième en importance dans le monde entier. C'est un petit nombre de patients, mais c'est ce que nous avons au Canada par rapport à nos voisins du sud, et il est tout à fait possible de produire des résultats pertinents pour le monde entier en nous basant sur des rapports de qualité.

Ce processus par lequel nous recrutons des gens pour faire ce travail s'appelle « surveillance active ». Dans le cadre de ce processus, nous identifions les cliniciens qui prescrivent le médicament en question et nous nous servons d'eux et nous les surveillons en les faisant participer au système d'amélioration de l'innocuité. Nous leur enseignons à reconnaître les réactions indésirables aux médicaments et à les signaler. Nous travaillons en équipe. Chaque mois, nous nous réunissons avec nos surveillants et nous discutons de ces choses afin de produire des données de qualité.

Je suggérerais justement que les organismes de réglementation se concentrent moins sur le nombre de rapports d'effets indésirables et plus sur la qualité de ces rapports. Combien les organismes de réglementation reçoivent-ils de rapports de bonne qualité qui leur permettent de résoudre le problème de l'innocuité des médicaments? C'est pour cela que les systèmes de signalement volontaire échouent.

Le sénateur Eaton : Les tests du spectre complet m'intéressent beaucoup. La semaine dernière, un médecin de Dalhousie nous a fait un exposé très intéressant sur les tests effectués sans médicaments sur les femmes en particulier et sur les effets observés chez les mères qui allaitent. Je suppose que ça se retrouve un peu dans votre tirade.

Nous semblons malheureusement tourner autour du pot, et nous n'avons pas discuté des raisons pour lesquelles les pharmaciens, qui font des études poussées et qui comprennent la composition pharmacologique de chaque médicament, ne pourraient pas être vos surveillants de première ligne. Ils peuvent regarder une femme enceinte. Ils savent de quoi se compose le médicament prescrit. Pourquoi ne pas dire aux patients et aux gens de s'adresser à eux? Pourquoi ne pas les charger de vous signaler les réactions indésirables aux médicaments?

M. Carleton : En 1997, Le bureau de l'inspecteur général des États-Unis a mené une étude sur la surveillance post- commercialisation des réactions les plus graves à des médicaments et sur le nombre de rapports de signalement reçus avant tout de l'industrie, qui a le mandat de produire des rapports mais souvent sans donner les détails précis sur les patients qui permettraient de formuler une solution stratégique à partir du rapport. Les fabricants signalent considérablement plus de réactions indésirables aux médicaments que tout autre groupe de professionnels de la santé. En fait, les pharmaciens en signalent plus que les médecins. Selon ce rapport de 1997 qui a entraîné la création du site Web de la FDA par lequel on peut maintenant signaler les effets indésirables en ligne, les pharmaciens avaient signalé une réaction indésirable aux médicaments sur 26 années d'exercice professionnel — j'ai fait le calcul — ce qui est extrêmement faible. On observe beaucoup plus qu'un effet indésirable aux médicaments en 26 ans d'exercice professionnel. Le seul groupe qui en avait signalé moins était celui des médecins, qui en avaient signalé un en plus de 300 années d'exercice professionnel; je ne connais aucun médecin âgé de 300 ans.

Vous suggérez que l'on charge les pharmaciens de signaler les effets indésirables parce que présentement, ils en signalent plus que les médecins. Le problème réside dans l'espace dont dispose chacun de ces groupes de professionnels. Quiconque fait la queue pour obtenir un médicament d'ordonnance sait combien de temps on passe avec un pharmacien et combien de temps il faudrait pour lui expliquer avec précision ce qui se passe dans notre corps. La plupart des patients prennent plus d'un médicament, alors le pharmacien devrait distinguer lequel provoque les effets indésirables.

Le sénateur Eaton : Je vais toujours chez le même pharmacien, comme un peu tout le monde, parce qu'il se trouve dans mon quartier. Est-ce que le pharmacien n'aurait pas inscrit dans son ordinateur que, par exemple, Jane prend de l'OxyContin, du Demerol et ainsi de suite. Est-ce qu'il ne saurait pas ce que prend le patient? Je ne parle pas de patients qui magasinent et qui essaient d'obtenir des médicaments illégalement. Je parle de monsieur tout le monde qui va toujours chez le même pharmacien qui sait ce que ce monsieur prend.

M. Carleton : En réalité, les données de la Colombie-Britannique indiquent que les gens ne vont pas toujours chez le même pharmacien. Ils vont à la même pharmacie, mais comme ce sont des entreprises, on y rencontre différents pharmaciens aux différents quarts de travail.

Le sénateur Eaton : Mais le patient ne serait-il pas inscrit à l'ordinateur?

M. Carleton : Prenons le cas index que j'ai mentionné du nourrisson nourri au sein qui mange peu et qui meurt six jours après la naissance. De nombreux nourrissons mangent peu dans les six jours suivant la naissance, alors comment inscririez-vous ça à...

Le sénateur Eaton : Le pédiatre.

M. Carleton : Le problème réside en partie dans le fait que le médecin de famille, et on ne peut pas le lui reprocher, se fie aux publications qui indiquent que la codéine ne nuit pas à l'allaitement. Ce n'était pas le cas chez cette femme. Vous et moi qui sommes originaires du Nord de l'Europe, nous ne risquons qu'à 1,5 p. 100 d'avoir un dédoublement du gène qui convertit la codéine en morphine. Sur les 340 000 naissances vivantes qui ont lieu chaque année au Canada, cela donne environ 2 000 bébés par an qui pourraient en être affectés. Si vous êtes du Nord de l'Afrique, vous avez 40 p. 100 de chances d'en être affecté. Cette nouvelle science nous permet de comprendre les risques différentiels.

Le sénateur Eaton : Vraiment? Que les narcotiques ne nuisent pas à l'allaitement? Si la bière est mauvaise pour un bébé nourri au sein, imaginez donc la codéine!

M. Carleton : Il s'agit de savoir si le médicament est excrété dans le lait maternel en quantité suffisante pour faire du mal.

Le sénateur Eaton : Vous n'avez jamais allaité. Moi si.

Le président : Revenons à la question de la surveillance.

Mme Tamblyn : En réalité, les événements graves se retrouveront à la salle d'urgence pour réaction anaphylactique ou quelque chose comme ça. Tous les intervenants doivent collaborer. Il nous faut un mécanisme qui nous permette d'obtenir l'information directement des patients.

Le sénateur Eaton : C'est-à-dire obtenir les dossiers médicaux électroniques.

Mme Tamblyn : Habiliter les gens à affirmer que c'est important, puis, leur faciliter la tâche pour qu'ils puissent le faire efficacement. Certains médicaments cessent d'être administrés, et personne ne le sait à part la personne qui a décidé qu'ils la rendent terriblement malade et qu'elle ne veut plus les prendre. Les pharmaciens de quartier n'ont pas joué le rôle qu'ils auraient pu assumer. Leurs pratiques commerciales changent avec tout le reste du modèle d'entreprise. C'est le temps ou jamais de les faire collaborer mieux qu'ils ne l'ont fait jusqu'à présent. Nous n'avons jamais vraiment demandé aux gens de nous dire à quel point le médicament est efficace. Ça aussi, c'est important.

Il va falloir engager les professionnels les plus sérieux dans des endroits comme des hôpitaux, des salles d'urgence et des hôpitaux pour enfants pour ces réactions très graves. Le pharmacien de quartier ne le saura pas. Il y a de nombreuses couches de personnes qui visent le même but.

Le sénateur Martin : Je voudrais vraiment en savoir plus sur le travail que vous faites, monsieur Carleton, sur le réseau que vous décrivez et sur le système grâce auquel vous recueillez les données. Tout cela semble être un outil excellent. À quel point cette initiative a-t-elle progressé? Si j'ai bien compris, vous visez à long terme de rendre ce système plus facile à utiliser. Dans ce cas, qui aurait accès à cette information? Qui y accède présentement, et comment l'utilise-t-on?

M. Carleton : Je suis heureux que vous demandiez comment nous saisissons les connaissances que recueille le réseau et comment nous nous en servons pour créer des solutions aux problèmes d'innocuité des médicaments.

Comme dans tout réseau, on commence par un vaste éventail d'idées. Nous avons décidé de commencer par les cas les plus graves — les médicaments extrêmement toxiques qui causent des troubles découlant probablement de différences génétiques entre les patients — afin de comprendre le rôle que joue la génétique dans tout cela. Nous commençons par des agents pharmacologiques puissants utilisés à fortes doses pour prolonger la vie, c'est-à-dire pour les cas de cancer. C'est par cela que nous avons commencé.

À part nos travaux sur la codéine, un grand problème est celui des médicaments administrés aux enfants atteints du cancer. Trois pour cent d'entre eux sont traités pour le type le plus commun de cancer, la leucémie lymphoblastique, et finissent par faire une insuffisance cardiaque après ou pendant le traitement; ce taux est très élevé. De plus, 17 p. 100 des enfants se retrouvent avec une fonction cardiaque réduite à la suite de leur chimiothérapie. Il est vrai qu'il s'agit d'effets secondaires — de conséquences malencontreuses — sur la voie de la rémission ou de la guérison du cancer, mais il n'y a aucune raison de penser que nous ne pourrions pas distinguer les effets indésirables et comprendre que certains patients sont plus vulnérables que d'autres. Nous venons de terminer une vaste étude et nous poursuivons nos travaux là-dessus. Nous allons étendre ces travaux pour étudier les facteurs de risque cliniques d'insuffisance cardiaque que ces médicaments peuvent causer chez les adultes. Nous savons par exemple que plus vous recevez une dose cumulative élevée de ce médicament, plus vous risquez de faire une insuffisance cardiaque. Nous savons que les bébés les plus jeunes sont plus vulnérables à l'insuffisance cardiaque s'ils reçoivent ces doses élevées.

Certains groupes pensent que les filles en bas âge sont plus vulnérables à l'insuffisance cardiaque que les jeunes garçons. En ajoutant à cela l'information génétique qui s'y rapporte, nous avons commencé à voir, dans le profil génétique des enfants atteints d'insuffisance cardiaque, qu'ils n'ont pas les gènes qui retirent le médicament des cellules du cœur. On appelle ces gènes les transporteurs d'efflux. Le médicament entre dans la cellule mais ne peut pas en sortir, et la cellule meurt. C'est probablement le mécanisme qui tue la cellule et qui cause des troubles cardiaques.

Nous avons donc créé des modèles de prédiction des risques. En médecine universitaire, vous effectuez un essai, vous le faites examiner par les pairs et vous le publiez et ensuite vous passez à autre chose. Nous avons publié ce travail. Maintenant, il faut trouver une façon de faire parvenir cette information aux cliniciens et aux familles. Notre prochaine étape sera d'élaborer des lignes directrices sur l'utilisation pratique de cette information génétique. En même temps, nous devrons recueillir plus d'information. Nous avons créé un groupe international d'experts chargé d'élaborer ces lignes directrices. Nous les avons rédigées.

J'ai passé quelques temps à la Food and Drug Administration. Je leur ai dit : « Vous remettez à l'industrie des documents de directives qui sont à la fois respectés et détestés. Je veux qu'on utilise mes lignes directrices, je ne veux pas qu'elles se retrouvent dans une revue scientifique quelconque que personne ne lira et que personne n'utilisera. Comment faire pour créer des documents qui seront respectés? » J'en ai beaucoup appris sur la manière de faire avancer cette initiative.

Ensuite, il faut transformer ces documents très complets en applications pour tablettes et pour téléphones intelligents que les professionnels utilisent dans les chambres d'hôpital pour expliquer aux patients les risques particuliers qu'ils courent. Un des résultats merveilleux de cette étude est que 46 p. 100 des enfants que nous avons étudiés ne courent pour ainsi dire aucun risque de subir une toxicité cardiaque par ces agents en particulier. C'est fantastique, parce que les enfants chez qui l'on diagnostique une leucémie très avancée peuvent recevoir des doses plus élevées sans subir de toxicité. Il faudra étudier cela plus avant, mais c'est un des avantages des travaux que nous menons.

Ensuite, nous avons découvert que 17 p. 100 des enfants sont extrêmement vulnérables et que 33 p. 100 de ces patients souffrent en fait d'une insuffisance cardiaque grave pendant la première année de leur chimiothérapie; de plus, 24 p. 100 des enfants de ce dernier groupe font un arrêt cardiaque. Nous comprenons ainsi auquel de ces groupes l'enfant appartient avant de commencer sa thérapie. C'est ce que nous faisons avec cet outil. La première chose à décider sera la manière de diffuser ces lignes directrices.

L'autre chose que j'ai apprise en travaillant à la FDA est à quel point les patients et leurs familles désirent comprendre les risques qu'ils courent et les avantages de la thérapie. Auparavant, nous parlions en termes de rapports risques-avantages, mais il nous faudrait pour cela un dénominateur que nous n'avons pas. Maintenant, nous parlons de profil risques-avantages. Nous connaissons les bienfaits de ces médicaments. Ils nous ont permis d'accroître le taux de survie des enfants atteints du cancer de 30 p. 100 dans les années 1960 à 80 p. 100 aujourd'hui. C'est extraordinaire. Mais nous nous heurtons toujours au problème de la toxicité. Maintenant, nous pouvons établir le profil des risques que court l'enfant et en faire part à ses cliniciens et à sa famille.

Nous le faisons réellement en Colombie-Britannique. Nous recevons un soutien financier des autorités de services de santé pour lancer cette initiative en Colombie-Britannique. Nous le faisons cette année en administrant des tests génétiques aux enfants et aux adultes afin de découvrir les meilleures façons d'utiliser ces profils pour soigner le cancer.

Le sénateur Martin : Vous m'avez donné beaucoup d'information. Je vous remercie. Mais ma question portait sur ce dont parlait Mme Tamblyn. Vous avez recueilli une information précieuse qu'il faut, comme vous l'avez dit, distribuer aux fournisseurs de soins et même aux familles pour qu'ils comprennent les choix à faire et qu'ils prennent des décisions éclairées. Je suis content de savoir qu'on a lancé cette initiative en Colombie-Britannique. Il faut cet élément intermédiaire. Vous travaillez dans un domaine très spécialisé, mais il faut distribuer cette information à toutes les personnes concernées et diffuser cette information infiniment précieuse afin de mieux soigner les patients et en retirer tous les autres avantages. On se heurte toujours à ce genre d'éléments manquants ou à des lacunes.

Je trouve que ce que vous faites est très bien. On pourra peut-être utiliser ce modèle dans d'autres domaines particuliers, peut-être pour les femmes enceintes afin de combler le manque d'information au sujet des médicaments que l'on administre aux femmes enceintes. Je vous félicite de ce que vous faites.

M. Carleton : J'ajouterais que selon moi, il est important de comprendre que nous risquons de diffuser trop rapidement de l'information erronée. Il s'agit ici de possibilités de survie extraordinaires. Nous devons convaincre la communauté des cliniciens que nous avons découvert une nouvelle façon de prescrire ces médicaments et de les considérer — qu'il ne faut pas uniquement penser à la survie, mais aussi aux effets indésirables. Cela va être tout un défi, et il nous faudra beaucoup de données probantes pour y parvenir.

Je ne veux pas risquer de jeter le bébé avec l'eau du bain en enthousiasmant les gens pour une chose qui pourrait ne pas s'appliquer à certaines populations. Toutefois, je suis d'accord avec vous.

Le sénateur Martin : Merci.

Le sénateur Seth : Le sénateur Martin a posé la question à laquelle je pensais. Vous y avez répondu en grande partie. Appliquez-vous la même méthode dans le cas des femmes enceintes? Commencez-vous à découvrir une méthode génétique pour éviter les effets indésirables des médicaments administrés aux femmes enceintes?

M. Carleton : Cette initiative est liée au RIEM, qui finance notre équipe afin qu'elle examine diverses questions. Une des questions d'innocuité des médicaments auxquelles je m'intéresse est celle des femmes enceintes qui font de l'asthme et qui utilisent des stéroïdes en aérosol — les anti-inflammatoires qu'elles inspirent pour que leur état ne s'aggrave pas. Nous nous demandons présentement, entre autres choses, quels effets ces médicaments ont sur le développement du fœtus.

Ces médicaments sont-ils absorbés? Ils entrent dans les poumons, et l'on pense qu'ils se répartissent localement. Se rendent-ils dans le courant sanguin? Est-ce qu'ils perturbent le développement du fœtus? C'est une des questions que nous examinons à l'heure actuelle. Nous effectuerons d'autres études après cela.

Le président : Madame Tamblyn, avez-vous des observations à faire sur ces deux questions? Vous n'êtes pas obligée d'ajouter quelque chose, mais je veux être sûr qu'on n'oublie pas de vous passer la parole.

Mme Tamblyn : Selon moi, il y a une chose que nous ne devons pas oublier : chaque année au Canada, on dépense environ 40 milliards de dollars en médicaments d'ordonnance. Près d'un tiers de ces médicaments sont abandonnés soit parce qu'ils ne sont pas efficaces, soit parce qu'ils causent des effets secondaires intolérables. Il faut que nous trouvions des solutions pour les populations qui paient très cher pour leurs médicaments — comme ceux contre le VIH et le cancer ainsi que certains agents biologiques utilisés pour traiter les maladies auto-immunes.

Cependant, il nous faut quelque chose qui nous permettra d'examiner toute l'ampleur de la question par exemple des femmes enceintes, puisqu'au Canada nous disposons de riches sources de données longitudinales et intégratives et que ces sources s'enrichissent jour après jour grâce aux données cliniques informatisées. Nous avons les connaissances nécessaires pour utiliser ces sources.

Je veux être sûre que nous ne concevrons pas un système hautement spécialisé pour des domaines très particuliers où l'on administre des médicaments très puissants. Je ne veux pas que l'on oublie que le plus vaste groupe de médicaments qui causent le plus de torts à la population est celui des médicaments psychotropes — les antidépresseurs, les antipsychotiques et les antihypertenseurs. Près de 15 millions de Canadiens les prennent chaque année. Je voudrais simplement que nous ne perdions pas cela de vue.

Le sénateur Demers : Je voudrais faire un commentaire et poser une question. Monsieur le président, si j'enfreins les règles, je vous prie de m'arrêter.

Le président : Je prépare mon sifflet.

Le sénateur Demers : Je voulais vous dire que votre confiance aujourd'hui, m'a amené à un point où je peux en parler. Vous avez été absolument incroyable. La seule personne à qui j'en ai parlé dernièrement est le Dr Seth.

Je souffre d'un niveau élevé d'anxiété. On m'a prescrit divers médicaments, comme le Paxil, le Prozac et l'Abilify. Certains d'entre eux m'ont fait prendre du poids en une semaine ou en un mois. Certains m'ont causé des sautes d'humeur. Je suis le genre de personne qui se lève de très bonne humeur chaque matin.

L'année dernière, pas loin de l'été, j'ai dû manquer les séances du Sénat pendant trois mois parce que je souffrais d'une profonde dépression parce qu'ils m'avaient prescrit une pilule qui s'appelle Abilify. Je ne suis pas venu au Sénat, parce que quand je travaille ici, je veux faire du bon travail. J'ai maintenant un merveilleux médecin qui m'a prescrit le Zoloft. Je me sens très bien, et le Dr Seth m'a dit qu'il est efficace.

D'après ce que j'entends dire ces derniers temps, les médecins — pas tous — vous prescrivent n'importe quel médicament qui n'exige pas un suivi, et de nombreux patients se suicident — à propos, je n'ai jamais pensé faire ça moi- même. Pourquoi est-ce que les médecins, qui sont hautement qualifiés pour prescrire ces médicaments, se contentent de les prescrire sans effectuer de suivi? Vous avez parlé de suivi. C'est de cela que je voudrais parler.

Le président : Je vais demander aux témoins de s'en tenir à la question de surveillance post-approbation. Nous n'examinons pas un cas individuel. Si le commentaire qui vient d'être fait soulève la question de la surveillance post- commercialisation, alors répondez-y, mais pas autrement.

Mme Tamblyn : Je comprends. C'est exactement ce que veulent les gestionnaires des prestations-médicaments et c'est exactement ce que veulent les médecins. Ils veulent savoir si ces médicaments fonctionnent bien quand ils en font l'essai sur des personnes pour lesquelles ils n'ont pas été testés, ou en nombre insuffisant pour savoir si vraiment le médicament en question marchera pour elles.

Disons que les États-Unis consacrent une somme énorme à l'étude comparative de l'efficacité des médicaments. Une fois le médicament sur le marché, il peut ainsi faire l'objet de comparaisons non effectuées lors de l'étape de pré- réglementation. Il n'est pas testé par rapport à d'autres médicaments pour des indications thérapeutiques telles que l'anxiété, pour lesquelles il n'a probablement jamais été testé. On a envie d'utiliser les médicaments pour autres choses. Sur le terrain, on expérimente un peu et il n'existe aucun moyen rigoureux d'observer ce que nous mettons en place, afin d'acquérir les connaissances dont nous avons besoin pour voir comment fonctionne un médicament une fois en application.

Lorsque vous cherchez des solutions aux effets indésirables d'un médicament, il faut effectuer une analyse risques- avantages. Êtes-vous prêt à supporter des effets secondaires? Le médicament doit fonctionner très bien. Il faut examiner les deux aspects. Il ne faut pas en isoler un et écarter des médicaments qui sont bénéfiques pour la simple raison qu'une faible sous-population subit de terribles effets secondaires. Il faut une étude systématique des deux aspects, soit l'efficacité du médicament et les risques qu'il fait courir, sur une base continue, une fois que le médicament a fait son apparition et a été approuvé pour la mise en marché.

M. Carleton : La questions précise, c'est pourquoi les prescripteurs fournissent ces choses sans assurer une surveillance appropriée? Si on revient sur ce que disait le sénateur Eaton au sujet des pharmaciens qui offrent des services de surveillance, dans un monde idéal, le prescripteur assurerait aussi une surveillance et mettrait en place un système de double vérification avec un pharmacien qui dispense et surveille en même temps. J'ai travaillé sur ces systèmes. Franchement, je trouve que mon système est meilleur; il consiste à trouver des personnes hautement qualifiées qui s'intéressent à ce genre de problèmes.

Je conviens que c'est là ce que le système devrait être en mesure d'effectuer en bout de ligne. Les prescripteurs devraient poser des questions non seulement pour savoir si la personne a l'impression que le traitement prescrit est efficace, mais aussi pour établir s'il y a eu des effets nocifs. Lorsqu'ils exécutent une ordonnance, les pharmaciens ne devraient pas se contenter de demander à leur interlocuteur comment il se sent, mais aussi interroger ce dernier pour savoir s'il a vécu des événements indésirables précis associés à l'utilisation de ses médicaments. Cette information pourrait être communiquée au prescripteur pour indiquer si le traitement devrait continuer.

Le sénateur Cordy : Tous les deux, vous avez grandement facilité la compréhension d'un sujet difficile à ceux d'entre nous qui n'ont aucune formation en médecine. Je vous en remercie.

Vous avez parlé de votre vigilance et des cliniciens que vous avez engagés. On dirait que vous obtenez de bons résultats. Ce modèle, vous l'appliquez dans les hôpitaux pour enfants. On pourrait l'appliquer dans d'autres hôpitaux, voire auprès de personnes non hospitalisées? Jusqu'à quel point serait-il difficile d'utiliser ce modèle et de l'adapter aux circonstances? Si 98 p. 100 ne divulguent pas les effets indésirables d'un médicament, il faut que quelque chose d'autre fonctionne mieux que ce que nous faisons actuellement. Jusqu'à quel point ce modèle est-il transférable?

M. Carleton : Le modèle est directement transférable. Dix hôpitaux pour adultes participent actuellement au projet, au Canada. Nous sommes présents dans de multiples pays, dont le Brésil, le Mexique, les États-Unis, la Nouvelle- Zélande et l'Australie. Nous sommes implantés partout dans le monde, et notamment en Allemagne, aux Pays-Bas et au Danemark. Les gens sont très intéressés.

Par rapport au milieu des consultations externes, je pense qu'il est important, parce que nous concevons l'hôpital comme un milieu de soins aux personnes hospitalisées. En fait, la grande majorité des patients que je vois à l'hôpital vient de la clinique rattachée à l'hôpital. Le Canadien moyen n'est jamais hospitalisé. La plupart des personnes hospitalisées restent à l'hôpital pendant à peu près deux jours et demi. Le reste de l'année, elles fréquentent des milieux cliniques. Il y a ces immenses tours, dans nos centres universitaires de santé, où ont lieu les consultations médicales. La plupart de mes dossiers viennent de cliniques, et non de services hospitaliers. C'est un modèle de soins ambulatoires en réseau et c'est ainsi qu'il fonctionne. Il est facile d'application.

Pour répondre aux remarques du sénateur Eaton, je veux dire que j'ai essayé d'obtenir la participation de pharmaciens employés dans des pharmacies communautaires. Le problème, c'est que 80 p. 100 de ces pharmacies sont privées et que leurs pharmaciens remplissent une tâche pour l'entreprise, soit dispenser des médicaments, et que les volumes sont importants. Si vous demandez que l'on pose de longues questions et que le suivi soit étendu, vous retardez toute la procédure en place. Vous devez vous attaquer à ce système en particulier.

L'autre point, c'est qu'en Colombie-Britannique, le paiement des honoraires du pharmacien, non seulement pour la délivrance de médicaments, mais aussi pour les services professionnels fournis, est versé à la pharmacie et non au pharmacien. Un autre obstacle à contourner, c'est que les pharmaciens ne sont pas rémunérés pour accomplir cette tâche en particulier. Je crois que la rémunération est un moyen de rendre les gens responsables de leur travail.

Mme Tamblyn : Si je peux me permettre, je pense qu'un modèle tel que celui décrit par M. Carleton est bon pour les événements indésirables graves qui obligent à hospitaliser la personne touchée. Je crois qu'il y a là un mécanisme. Cinq pour cent de la population est hospitalisée chaque année et 80 p. 100 de la population prend un médicament délivré sur ordonnance chaque année. Il faut un dénominateur : le nombre de personnes qui ont pris ce médicament. Il faut ensuite un numérateur : le nombre de personnes qui ont subi un événement indésirable. Si vous examinez le numérateur seulement, vous pouvez affirmer que les médicaments psychotropes et antihypertenseurs causent la plupart des événements indésirables, mais, si c'est le cas, c'est que ce sont ces médicaments qui sont le plus souvent prescrits. Il faut tenir compte des deux termes.

Je ne peux me rallier à M. Carleton lorsqu'il affirme que c'est là un moyen de surveiller les 20 millions de Canadiens qui prennent des médicaments tous les ans. Je ne crois pas que ce soit tenable de cette façon. Pour les événements indésirables graves, c'est la voie à suivre, mais pour les événements indésirables qui compromettent l'utilité et l'efficacité des médicaments, je ne crois pas que ce soit le cas. Il faut l'intégrer aux méthodes de travail, se servir des technologies de l'information pour y arriver et utiliser tout ce qui est portable. Tous les Canadiens ont un cellulaire; nous devrions nous servir de cela, bon sang!

Le président : Nous ne lancerons pas un débat, si vous avez une idée précise à formuler.

M. Carleton : Ce que je dis, c'est que je ne prétends pas que c'est le seul système à utiliser. Je suggère que c'en est un parmi beaucoup d'autres. Certains systèmes sont plus faciles à mettre en place et à exploiter que d'autres. Mon système vise à regarder particulièrement les effets indésirables d'un médicament qui entraînent une invalidité permanente, la mort ou de graves répercussions. Je conviens avec Mme Tamblyn que des systèmes multiples sont nécessaires. Je ne laisse rien entendre de négatif sur les autres systèmes, je suggère qu'il en faut un plus grand nombre.

Le sénateur Cordy : Pour assurer la variété et obtenir que plus de la moitié des personnes fassent rapport.

M. Carleton : Oui.

Le sénateur Cordy : La plupart des Canadiens ayant une ordonnance du médecin — vous avez dit que 80 p. 100 de la population reçoit une ordonnance au cours d'une année — supposent, au moment où ils la font exécuter, qu'ils iront mieux. S'ils ne se sentent pas mieux tout de suite, les membres de la famille et les amis leur disent de continuer à prendre le médicament, qu'il faut trois ou quatre jours pour qu'il fasse effet et, qu'à ce moment-là, ils iront mieux. Si ce n'est pas le cas, beaucoup cessent de prendre leur médicament, laissent les pilules dans le tiroir et ne se donnent même pas la peine de dire à leur médecin qu'ils ont cessé de les prendre.

Je ne suis pas certaine qu'on effectue une analyse risques-avantages personnalisée assez poussée avant de délivrer un médicament. Au moment où l'on exécute une ordonnance, généralement, on n'indique pas quels seront les effets indésirables du médicament en question. Est-ce qu'on prévient les personnes quand on leur donne un médicament pour un emploi non conforme? D'autres témoins ont suggéré qu'un avertissement apparaisse sur l'étiquette de tout médicament qui vient tout juste de subir les essais cliniques. La personne concernée fera peut-être attention et se dira qu'il vaut mieux surveiller les choses de près et, s'il y a une réaction indésirable, le dire à son médecin et ne pas se contenter de cesser de le prendre.

Parlons-nous suffisamment des risques et avantages d'un médicament au patient au moment où le pharmacien exécute l'ordonnance ou le médecin prescrit le médicament? Est-ce que les patients sont suffisamment renseignés?

Mme Tamblyn : La réponse est non. De plus en plus, les provinces subventionnent les pharmaciens en milieu communautaire, afin que ces derniers augmentent le nombre de services cliniques offerts, et notamment mieux expliquer en quoi consistent les médicaments prescrits et effectuer un examen des médicaments au dossier. Beaucoup reste à faire à cet égard. Je pense que c'est un objectif qu'on devrait viser.

M. Carleton : Je suis d'accord. Nous ne donnons pas assez de renseignements. J'ajouterais que le prescripteur et le préparateur devraient effectuer une évaluation du patient des pieds à la tête et ne pas se contenter de lui demander s'il éprouve des problèmes ou s'il y a des réactions particulières. Il faut plutôt, après s'être enquis de l'état de santé du patient, passer en revue toutes les parties du corps en lui disant que vous effectuez un examen des divers systèmes : la peau, les yeux, le nez, la bouche, et cetera, et poser plusieurs questions pour mieux cerner les effets du ou des médicaments.

On exerce souvent l'art de la flagornerie en médecine, c'est-à-dire que l'on cherche à plaire aux patients. Le prescripteur vous administre un traitement. Pour un grand nombre de patients, il est difficile de revenir vous voir pour vous dire que le traitement ne fonctionne pas. De suggérer cela peut être plus un problème de générations pour les Canadiens d'âge mûr. Par conséquent, je veux bien comprendre. Je veux qu'ils comprennent que les effets qu'ils attribuent à une sorte de rhume pourraient en fait être dus aux médicaments qu'ils prennent. Ces échanges demandent temps et énergie.

Je suis d'accord avec Mme Tamblyn : les pharmaciens peuvent aider à cet égard, tout comme ceux qui fournissent les médicaments.

Le président : La réalité, c'est que, dans le vrai monde, tous ceux qui prennent part au système n'ont que peu de temps à leur disposition. Vous deux nous avez dressé un très bon aperçu des possibilités, monsieur Carleton, quant à l'adoption d'une approche ciblée et à la capacité de réunir les ressources pour effectuer un examen très approfondi d'un secteur déterminé en ce qui concerne la surveillance du comportement de patients prenant des médicaments en particulier. Vous avez donné d'excellents exemples de ce à quoi cela peut mener en regard des conclusions générales.

Mme Tamblyn a par ailleurs placé cela dans le contexte de la totalité des médicaments, soit les plus de 4 000 ou les 5 000 disponibles au Canada régulièrement, et de certains de ceux utilisés couramment par un pourcentage très élevé de la population, sur lesquels ce genre de détails n'est peut-être pas évident sur le coup. Pourtant, à partir des situations que vous décrivez, on pourra peut-être tirer des leçons qui nous permettront de formuler une approche plus globale.

Je veux vous soumettre un exemple qui nous a été donné. Il s'agit d'un projet pilote réalisé dans l'Est des États-Unis. Je m'adresse à Mme Tamblyn. Ça a un lien avec ce que vous nous disiez en ce qui concerne l'arrêt de médicaments par le patient, le prescripteur ou le pharmacien et le suivi immédiat assuré. Cependant, dans le cadre de ce projet en particulier — et aux États-Unis, ils obtiennent le consentement du patient à qui on a exécuté une ordonnance — le suivi auprès des patients visés est effectué un mois après la délivrance du médicament.

On revient à ce à quoi le sénateur Eggleton faisait allusion. J'ai utilisé l'exemple qui, à mon avis, est représentatif du genre de choses auquel nous sommes de plus en plus habitués en tant que consommateurs. Nous apportons notre voiture chez le concessionnaire pour la faire vérifier et, une semaine plus tard, le fabricant nous envoie un courriel pour connaître notre niveau de satisfaction de l'expérience vécue. Dans le cadre de ce projet en particulier, on rappelle à dessein les patients qui ont accepté d'être suivis et ce suivi est effectué un mois plus tard.

Il me semble que ce projet présente des aspects d'un suivi à base de technologies qui ne fournira pas sur le coup les données dont parle M. Carleton au niveau de la complexité. Je veux revenir là-dessus. Je ne veux pas perdre le fil, mais j'aimerais revenir sur cette complexité. Ce pourrait être un bon moyen d'obtenir cette première tranche de renseignements nous permettant de creuser la question.

Madame Tamblyn, que diriez-vous à ce sujet?

Mme Tamblyn : J'adorerais cela. Je peux même imaginer à quoi ressemblerait ce projet pilote en particulier et, en fait, certains collaborateurs dans ce projet ont collaboré avec mon équipe. Nous avons organisé un montage similaire à Montréal et à Québec.

Voici comment ça marchait : les médecins prescrivaient par voie électronique. Lorsqu'ils prescrivaient un nouveau médicament, ils avaient en main l'information sur toutes les ordonnances exécutées pour le patient en question ainsi que le profil historique complet de ce dernier. Un message apparaissait à leur écran pour leur demander s'ils voulaient inscrire le patient au programme de suivi lié aux médicaments et, dans l'affirmative, il suffisait d'écrire le numéro de téléphone du patient. Ce numéro était acheminé à un système téléphonique automatisé, soit un système de reconnaissance vocale interactif. Le système composait le téléphone à domicile du patient à une fréquence déterminée et laissait le message que c'était le médecin qui appelait pour faire un suivi.

C'est vraiment intéressant, parce qu'on s'en est servi dans les cliniques antihypertenseurs et anticoagulants, où, très souvent, les gens ont des saignements et les effets secondaires dus à l'emploi d'anticoagulants. Dans ce cas, c'était un milieu de pratique où l'on prodiguait des soins primaires. Le patient recevait un appel. Nous avons constaté que la moitié des appelés signalait quelque problème ou demandait à parler au pharmacien. Le suivi téléphonique était effectué 3 jours et 21 jours après la délivrance du médicament. Sur cette moitié des appelés, 25 p. 100 avaient vécu un événement indésirable lié au médicament utilisé. On ne parle pas ici de choc anaphylactique, mais les réactions avaient été assez vives pour que la personne ne veuille plus prendre ses médicaments. C'est un gros problème, quand il est question d'hypertension, d'insuffisance cardiaque congestive, de diabète et autres choses du genre et que les personnes qui en souffrent subissent des effets secondaires tellement intolérables qu'elles ne veulent plus continuer de prendre leurs médicaments.

Une fois ces personnes repérées, un courriel était expédié à la pharmacienne, qui ensuite leur téléphonait. Il s'est trouvé que la pharmacienne soit en Allemagne tout l'été. En fait, elle a placé tous ses appels à partir de l'Allemagne. Elle consultait le dossier de santé électronique de la personne, lisait ce que cette dernière avait dit au téléphone et l'appelait ensuite au téléphone pour prendre des nouvelles et discuter du problème. La pharmacienne remplissait un formulaire qui ressemble au vôtre, mais moins détaillé, sur lequel elle indiquait quels étaient les problèmes et quelles étaient ses recommandations. Bien souvent, c'était un problème de dosage, car les effets secondaires sont souvent dus à une trop forte dose. Ainsi la dose était réduite et un courriel à cet égard était expédié au médecin. Le tableau de bord numérique dans le dossier médical électronique tenu par le médecin de cette personne affichait le message que cette personne avait eu un problème, que telles mesures avaient été prises et que la recommandation serait la suivante si on devait décider de changer de médicament. Le champ d'exercice d'un pharmacien ne l'autorise pas à le faire lui-même.

Toutes ces choses ont été mises à l'essai au Canada dans divers milieux de recherche. Nous sommes réellement en mesure de faire cela. En fait, on n'est pas obligé de procéder de cette façon, mais nous avons la capacité numérique de procéder de telle manière que les gains seraient sensibles au Canada.

Le président : J'ai vraiment l'impression, à entendre les témoignages en lien avec notre étude, que le premier seuil critique à franchir consiste à élargir le spectre des sources initiales de renseignements. Je crois que ce que M. Carleton nous a aidés à faire aujourd'hui, c'est de définir l'analyse extrêmement détaillée qui doit être effectuée avant même d'établir si l'effet ressenti par le patient est lié à un médicament en particulier ou à un ensemble de facteurs autres qui amènent la personne en question à tirer une telle conclusion. Par ailleurs, il faut alimenter le système en données que vous pouvez décortiquer.

M. Carleton a ensuite donné l'exemple d'une approche très spécialisée dans le domaine pédiatrique, où les ressources sont mises en place pour effectuer cette sorte d'analyse approfondie, ce qui représente un modèle vraiment excellent. Ensemble, vous avez mis la chose en contexte. Il faut trouver le moyen d'obtenir ces données initiales qui nous permettent d'aller de l'avant.

Pour reprendre l'exemple de la pharmacienne, le comité a commandé une étude sur la réponse du Canada à l'épidémie de grippe A (H1N1). Voilà l'exemple d'une situation où les pharmaciens ont l'occasion de fournir des renseignements sur une vaste échelle, comme ils l'ont eux-mêmes souligné devant le comité. Environ deux semaines avant que la population ne se rende compte qu'il y avait épidémie de grippe, les pharmaciens le savaient, et ce, en raison du nombre d'ordonnances de Tamiflu exécutées à un moment donné.

C'est simple. Je reconnais que ce n'est pas la même chose qu'une réaction indésirable, mais c'est un élément intéressant. Si on pouvait intégrer les bonnes questions dans le système, elles pourraient nous servir à recueillir ce genre de données en première ligne.

Je ne vous ai pas posé la question, monsieur Carleton, mais avez-vous quelque chose à ajouter à la réponse que m'a donnée Mme Tamblyn?

M. Carleton : Non, le problème est de taille, comme je vous l'ai dit au début de mon témoignage. Plus il y aura de personnes intéressées à travailler sur les solutions possibles, mieux ce sera.

Actuellement, le système n'est pas adéquat. La mise à contribution des pharmaciens et des médecins par rapport à ce genre de systèmes de surveillance ne me dérange pas du tout, mais je dois vous dire que je ne suis pas seulement intéressé à connaître les effets indésirables observés. Je veux savoir quoi faire face à ces effets. Des tests prédictifs qui permettent de définir les risques individuels font partie des objectifs visés par mon équipe.

Le président : Vous nous avez donné un excellent exemple de ce que nous avons tenté d'aborder avec des témoins antérieurs en ce qui concerne l'utilisation de ce genre de surveillance pour favoriser une approche médicale personnalisée. C'est en effet exactement ce que vous nous avez décrit. Vous avez employé ces mêmes mots pour décrire cette approche et cela constitue un magnifique exemple dans ce domaine.

Le sénateur Eggleton : Je parle de toute autre chose, mais je reviens à la question de la mécanique et au moyen de corriger le système en place. L'industrie et Santé Canada ont fait l'objet de critiques devant le comité, et notamment leur manque d'ouverture et de transparence est revenu souvent sur le tapis. Certains pourraient laisser entendre qu'une des façons de régler le problème consiste à créer un organe de réglementation des médicaments qui soit indépendant de Santé Canada. La France a adopté cette option en constituant une Agence nationale de sécurité des médicaments et des produits de santé. L'organisme est financé par l'État, alors que Santé Canada, en particulier à l'étape des essais cliniques, reçoit des émoluments de l'industrie. En France, c'est le Parlement qui a droit de regard, donc l'Agence est indépendante à cet égard. Pensez-vous que quelque chose du genre serait bénéfique ici? Avez-vous d'autres idées quant au moyen de corriger le problème de réglementation à notre bout de la chaîne?

Le président : Il est question de surveillance, ici. Je vais restreindre la question à la surveillance des médicaments. Je comprends ce que vous voulez dire, et nous allons étudier en détail la question des réactions indésirables et l'emploi non conforme face auquel les problèmes de réglementation prennent une forme beaucoup plus immédiate, mais vous pourriez peut-être donner un éclairage au problème de surveillance.

M. Carleton : Le Bureau de la modernisation des lois et des règlements de Santé Canada s'occupe d'examiner un nouveau mode de réglementation des médicaments sur ordonnance et la possibilité de délivrer un permis de mise en marché d'une durée limitée. Ainsi vous pourriez obtenir la permission de commercialiser un médicament pendant cinq ans au Canada, période à la fin de laquelle vous seriez tenu de fournir des preuves de l'efficacité et de l'innocuité du médicament pour la population canadienne pour obtenir un renouvellement de permis.

Évidemment, le secteur pharmaceutique, et sans doute beaucoup de services de Santé Canada, expriment leur désarroi face à l'éventualité d'un tel virage. En passant, c'est une idée géniale, et je crois que si c'est fait avec doigté avec les cliniciens et les patients, en plus de l'industrie, à qui il incombe de fournir des renseignements sur l'efficacité et l'innocuité des médicaments, nous pourrions nous retrouver avec beaucoup plus d'informations sur le mode de fonctionnement de ces médicaments peu après leur mise sur le marché et par la suite, à mesure que se diversifie l'éventail des personnes qui prennent ces médicaments. Le comité offre une excellente occasion d'intégrer cet élément. J'hésite un peu à obliger les institutions à fournir ces données. Ce sont les prescripteurs et préparateurs individuels qui devraient alimenter le système d'informations sur l'utilisation faite des médicaments.

Le sénateur Eggleton : Madame Tamblyn?

Mme Tamblyn : Je suis un peu sensible au fait que vous vouliez distinguer surveillance et événements indésirables. Tout le monde en fait veut connaître l'efficacité des médicaments mis sur le marché et utilisés par des cohortes autres que celles visées par les essais cliniques. Le payeur en particulier doit avoir cette information, parce qu'il doit décider s'il paie pour obtenir le médicament en question. Je ne voudrais surtout pas d'un système mis en place uniquement pour évaluer le risque ou les événements indésirables, et non l'efficacité d'un médicament, car ce serait contraire à l'intention première d'en avoir pour son argent.

L'idée d'un permis de cinq ans renouvelable après examen de l'efficacité réelle et du risque effectif du médicament visé est une très bonne idée. L'industrie serait très intéressée si ça lui permettait d'entrer plus tôt sur le marché, ce qui représente un argument de poids pour les médicaments qui sont prometteurs et qu'on veut comparer en situation réelle aux concurrents sur le marché. Les trois aspects seraient couverts. Je ne sais pas si vous avez besoin de créer un organe distinct à cette fin, mais il est évident que vous devez vous associer aux provinces pour y arriver.

Le président : Néanmoins, cet organisme pourrait se voir confier la tâche d'examiner la question sous les deux facettes.

Mme Tamblyn : Oui, il faut évaluer les deux éléments.

Le président : L'Union européenne suit les mêmes principes que ceux que vous énoncez.

Mme Tamblyn : Il arrive qu'un emploi non conforme produise un résultat extrêmement bénéfique. Pour certains médicaments ayant été utilisés à des fins autres que celles testées, on a trouvé de nouvelles indications.

M. Carleton : Le domaine de la pédiatrie en est un parfait exemple.

Mme Tamblyn : Oui, ils sont tous utilisés sans avoir été testés sur les cohortes visées.

M. Carleton : C'est un point important. Nous ne devons pas traiter un enfant atteint d'un cancer parce que la preuve n'est pas faite que le médicament fonctionnera sur lui, mais nous devons réunir systématiquement les éléments probants pour faciliter les décisions ultérieures quant au traitement à prescrire.

Le président : L'étude sera très intéressante quand on se penchera sur ces questions.

Le sénateur Cordy : Monsieur le président, avant que vous ne leviez la séance, je souhaite en appeler au Règlement.

Le président : D'accord.

Sur ce, je conclus cette partie de la réunion et remercie les témoins de nous avoir présenté un résumé intéressant, détaillé et professionnel des aspects essentiels. Je remercie les membres du comité d'avoir posé des questions qui ont suscité le genre de réponses que nous avons obtenues.

Les témoins peuvent quitter la salle, mais je demande aux membres du comité de rester assis.

Mme Tamblyn : Merci.

M. Carleton : Merci.

Le sénateur Munson : La seule chose qui déprime Jacques Demers, c'est que le Canadien n'ait pas gagné la Coupe Stanley depuis 1993.

Le président : Sénateur Cordy.

Le sénateur Cordy : Merci, monsieur le président. Je voulais prendre la parole avant la levée de la séance.

Je viens de recevoir le programme de demain et je remarque que la première partie de la séance est à huis clos. Je suppose que le huis clos a été décidé lors d'une séance à huis clos du comité permanent.

Le président : Oui.

Le sénateur Cordy : Je ne suis pas sûre que la décision ait été unanime. Également au programme demain, il y a l'étude du projet de loi S-204. Est-ce que le projet de loi S-204 sera débattu à huis clos?

Le président : La procédure de la séance sera débattue pendant la partie à huis clos.

Le sénateur Cordy : Est-ce qu'il sera débattu pendant la séance à huis clos?

Le président : Il y aura une séance à huis clos au début et les questions seront débattues à huis clos.

Le sénateur Cordy : Le projet de loi S-204.

Le président : Il y aura un huis clos avant la séance publique portant sur le projet de loi S-204, en effet.

Le sénateur Cordy : Bien. Des centaines de personnes atteintes de la sclérose en plaques suivent nos débats diffusés sur le Web et elles ont hâte d'assister à l'étude article par article du projet de loi S-204 demain. Si elles se branchent demain matin et constatent que le projet de loi S-204 a déjà été discuté à huis clos, la surprise sera grande. Ce serait malheureux que le débat ne soit pas ouvert et transparent. Ça ne me dérange pas de discuter d'une ébauche d'un programme; nous tenons sans cesse des réunions à huis clos pour cela. Par contre, si on devait débattre du projet de loi à huis clos, je trouverais cela très insultant à l'égard de ces personnes qui attendent pour voir la diffusion des débats sur le Web.

Le président : Sénateur Cordy, je vous assure que les débats du comité quant aux recommandations présentées au Sénat seront menés en séance publique.

Le sénateur Cordy : Je vous prie de m'excuser.

Le président : Je peux vous assurer que pour un projet de loi, par exemple le projet de loi S-204, les décisions finales du comité sont prises en séance publique. J'en ai assuré le sénateur Eggleton quand nous en avons discuté au comité permanent également. Les décisions finales du comité seront prises en séance publique.

Le sénateur Munson : L'étude article par article aura lieu en séance publique.

Le président : C'est ce qui est inscrit au programme et il fera partie de l'ordre du jour en séance publique.

Le sénateur Cordy : Merci.

Le président : Le Règlement du Sénat s'applique à cette procédure. Il est au programme en vue d'une séance publique. Est-ce que ça répond à votre question?

Le sénateur Cordy : En autant que les personnes atteintes de la sclérose en plaques puissent suivre l'étude article par article du projet de loi en séance publique, je suis d'accord.

Le président : Le sujet « étude article par article » sera débattu en séance publique.

Sénateur Eggleton, j'espère que vous confirmez que je vous en ai donné l'assurance.

Le sénateur Eggleton : Oui, absolument.

Le sénateur Cordy : Merci.

Le président : Le comité va décider du reste. Je ne peux vous dire que ce que prévoit la procédure.

Honorables sénateurs, merci infiniment.

(La séance est levée.)


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