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SOCI - Comité permanent

Affaires sociales, sciences et technologie

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Affaires sociales, des sciences et de la technologie

Fascicule 31 - Témoignages du 13 février 2013


OTTAWA, le mercredi 13 février 2013

Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, auquel a été renvoyé le projet de loi C-316, Loi modifiant la Loi sur l'assurance-emploi (incarcération), se réunit aujourd'hui, à 16 h 14, pour examiner le projet de loi.

Le sénateur Kelvin Kenneth Ogilvie (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Je déclare la séance ouverte.

[Français]

Je vous souhaite la bienvenue au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie.

[Traduction]

Je m'appelle Kelvin Ogilvie, sénateur de la Nouvelle-Écosse et président du comité. Je commencerai en demandant à mes collègues de se présenter, en débutant par ma gauche.

Le sénateur Eggleton : Je m'appelle Art Eggleton, sénateur de Toronto et vice-président du comité.

La sénatrice Merchant : Bonjour et bienvenue. Je m'appelle Pana Merchant, de la Saskatchewan.

La sénatrice Dyck : Lillian Dyck, de la Saskatchewan.

La sénatrice Cordy : Je m'appelle Jane Cordy, originaire de la Nouvelle-Écosse.

Le sénateur Enverga : Tobias Enverga, de l'Ontario.

[Français]

La sénatrice Verner : Josée Verner, de Québec, province de Québec.

[Traduction]

La sénatrice Seth : Asha Seth, de Toronto, en Ontario.

La sénatrice Martin : Yonah Martin, de la Colombie-Britannique.

La sénatrice Seidman : Je m'appelle Judith Seidman, de Montréal, au Québec.

Le président : Je vous remercie, mesdames et messieurs. J'aimerais rappeler à mes collègues que la séance d'aujourd'hui se déroule en deux temps. En première partie, nous entendrons les témoins que je vous présenterai dans un instant. Cette partie se terminera à 17 h 15, après quoi nous procéderons à l'examen article par article jusqu'à 18 h 15. Cet horaire vous convient-il?

Des voix : Oui.

Le président : J'ai le plaisir de souhaiter la bienvenue à nos témoins d'aujourd'hui et de vous les présenter. Je commencerai par Teresa Edwards, directrice, Affaires internationales et droits de la personne. Je crois comprendre que vous prendrez la parole en premier.

Teresa Edwards, directrice générale, Affaires internationales et droits de la personne, Association des femmes autochtones du Canada : En effet.

Le président : Nous accueillons également Erin Corston, directrice, Environnement. Toutes deux représentent l'Association des femmes autochtones du Canada. Je vous remercie beaucoup de comparaître à si court préavis. Madame Edwards, si vous voulez bien commencer.

Mme Edwards : [Le témoin s'exprime dans une langue autochtone.]

Je porte le nom anglais de Teresa Edwards, mais en micmac, je m'appelle Jeune femme de feu. J'ai le privilège de m'adresser à vous aujourd'hui, au nom de l'Association des femmes autochtones du Canada. Avant de commencer, j'aimerais rendre hommage au peuple algonquin, sur le territoire duquel nous nous trouvons aujourd'hui. Je dois toujours me centrer sur la terre et penser à mes racines pour pouvoir discuter de la voie de l'avenir. Je comprends que le temps nous est compté; je n'aborderai donc que quelques points de mon exposé en espérant que vos questions nous permettront de tenir un débat plus approfondi par la suite.

Au nom de l'Association des femmes autochtones du Canada, aussi connue sous l'acronyme d'AFAC, nous témoignons afin de mettre en lumière certaines préoccupations dont les femmes autochtones nous ont fait part au cours des 40 dernières années, lesquelles sont toutes liées au progrès et au bien-être des femmes et des filles autochtones, de leurs familles et de leurs communautés. Il importe de souligner que les femmes autochtones continuent aujourd'hui de jouer un rôle crucial à titre de détentrices du savoir. Elles sont essentielles au bien-être de leurs familles et de leurs communautés, dont elles constituent les piliers de force et de stabilité. Cependant, malgré leur résilience, les femmes autochtones continuent de se heurter à des obstacles sociaux, politiques et économiques qui les empêchent de participer pleinement, comme autrefois, aux processus de prise de décisions de leurs communautés et du pays.

Voilà qui nous amène à la raison de notre présence ici aujourd'hui. Des générations de communautés autochtones ont vu leurs vies, leurs familles, leurs collectivités, leurs terres, leur culture et leurs traditions exploitées, dépouillées, déconsidérées et mises à mal. Quel lien existe-t-il avec l'objet de votre étude d'aujourd'hui? À cause de ces problèmes, les Autochtones, et particulièrement les femmes autochtones, figurent parmi les gens les plus désavantagés et les plus vulnérables du pays. Ils continuent de faire l'objet de marginalisation, de pauvreté, d'inégalité, d'incarcération et de discrimination persistantes en raison des lois, des programmes et des politiques discriminatoires antérieurs et actuels du Canada.

Les femmes autochtones sont rarement prises en compte et consultées en ce qui concerne les décisions importantes prises au pays; je sais donc gré à la sénatrice Dyck d'avoir demandé au comité de convoquer l'Association des femmes autochtones du Canada pour lui donner l'occasion de prendre la parole aujourd'hui. Je tiens à souligner cette attention et à vous en remercier.

Fondamentalement, la pauvreté prive l'être humain de choix et d'occasions, et brime sa dignité. Sous le joug de la pauvreté, on est obligé de faire des choix que l'on ne ferait pas autrement.

Bien des femmes autochtones se trouvent dans des situations qui les forcent à choisir entre payer le loyer et mettre du pain sur la table. Personne dans un pays aussi riche que le Canada ne devrait se trouver dans pareille situation.

Compte tenu de la situation où les femmes autochtones sont placées, nous considérons que le présent projet de loi pourrait avoir des répercussions néfastes sur une population déjà marginalisée, notamment sur les femmes autochtones en prison. Les statistiques publiées à ce jour montrent que le nombre des femmes autochtones incarcérées augmente. Si on songe à la pénalité que subiront ces femmes quand elles tenteront de se refaire une vie après leur libération, elles qui seraient autrement admissibles à l'assurance-emploi, l'effet négatif de cette mesure leur assènerait un autre coup dur alors qu'elles sont déjà en position difficile. Elles ont déjà payé leur dette envers la société et tentent de se prendre en main. C'est pour cette raison que l'AFAC s'oppose au projet de loi et vous demande d'en recommander le rejet.

Je veux aussi établir un lien entre les femmes autochtones qui ont été dans les pensionnats et leur incarcération dans des établissements et des prisons. Mme Corston peut traiter des progrès accomplis dans le cadre du projet auquel elle travaille au nom de l'AFAC.

Comme je l'ai indiqué, les femmes autochtones forment la population en plus forte croissance, et leur taux d'incarcération est quatre fois supérieur à celui des femmes non autochtones. Elles sont habituellement incarcérées pour des infractions attribuables à la pauvreté, comme la fraude, le vol et le trafic. Le présent projet de loi les toucherait directement si elles sont, de fait, admissibles à l'assurance-emploi. Comme je l'ai souligné, elles sont incarcérées en raison de facteurs liés au fait qu'elles ont été envoyées au pensionnat, qu'elles ont subi un traumatisme, qu'elles ont grandi dans le système d'aide à l'enfance et qu'elles ont perdu leur langue, leur culture et leur identité.

En outre, les provinces et les territoires verront leurs coûts augmenter si ces femmes ne peuvent se prévaloir de l'assurance-emploi et prendre soin de leurs enfants. Ces derniers grandiront aux soins de l'État, ce qui fera augmenter les coûts des provinces et des territoires. Si le projet de loi est adopté, on commencera à en observer les effets punitifs sur ceux qui ont été en prison, car des sanctions civiles s'ajouteront aux sanctions pénales.

Je terminerai en faisant remarquer qu'il faut s'attaquer au contexte d'inégalité et de traumatisme intergénérationnel qui constitue le terreau de la criminalité des femmes et des filles autochtones. Il faut notamment porter davantage attention au climat de violence et de pauvreté, où les femmes autochtones sont sans défense, maltraitées à répétition et entraînées dans la criminalité, et où elles seront maintenant passibles de sanctions civiles.

Une fois que les gens ont été condamnés et ont purgé leur peine, ils ne devraient pas être punis de nouveau en perdant leur accès à l'assurance-emploi. C'est contraire aux mesures de la protection des droits de la personne, comme l'égalité, l'équité et la justice, censées être garanties au Canada.

En dépouillant les gens de leur accès à l'assurance-emploi, on porterait un dur coup à leurs familles. En outre, ces dernières pourraient se trouver en situation difficile pendant l'incarcération de leur partenaire, et le désespoir pourrait en pousser certains à récidiver. L'assurance-emploi est un régime d'assurance fondé sur les cotisations versées par les employés et les employeurs. Le fait qu'une personne ait commis un acte criminel ou non n'a rien à voir avec les cotisations, puisqu'elle a déjà payé sa dette en perdant sa liberté et en ayant un dossier criminel pour le crime dont elle a été jugée coupable.

Ce projet de loi aura finalement pour effet d'acculer les femmes autochtones marginalisées dans une misère encore plus grande. Je demande donc au comité de l'abandonner.

Erin Corston, directrice, Environnement, Association des femmes autochtones du Canada : Bonjour, mesdames et messieurs. Je suis directrice, Environnement, AFAC. Originaire du territoire visé par le Traité 9, je suis membre de la Première Nation des Cris de Chapleau.

Comme le temps nous presse, j'essaierai d'insister sur certains points que Mme Edwards a soulevés, notamment le fait que le nombre de femmes autochtones coupables d'infraction a augmenté de près de 90 p. 100 au cours des 10 dernières années. Elles constituent donc le segment de la population carcérale qui connaît la croissance la plus rapide. Ces chiffres sont tirés d'un rapport du Bureau de l'enquêteur correctionnel de 2009-2010.

J'aimerais également traiter du coût, auquel Mme Edwards a fait allusion. Services correctionnels Canada estime actuellement que le coût moyen de l'incarcération d'une femme dans une prison fédérale est de 175 000 $ par année et peut même atteindre 250 000 $ par année pour une femme gardée dans les conditions d'isolement les plus draconiennes, comme dans les unités d'isolement à sécurité maximale des prisons pour femmes. Ces données viennent de la Société Elizabeth Fry. Vous avez certainement entendu le témoignage de Kim Pate, mais il me semblait nécessaire d'insister sur ces deux points.

Je vais maintenant vous donner un bref aperçu du rapport que nous vous avons remis. Vous n'en avez pas tous un exemplaire, car je n'ai pu apporter que six copies en anglais et trois copies en français de ce rapport, intitulé La condition féminine importe. Ce document est le résultat d'une initiative financée par Affaires autochtones et Développement du Nord Canada, qui en est essentiellement au quatrième volet.

Tout a commencé par un document de recherche universitaire fondé sur des modèles de réconciliation conçus en fonction du sexe et de la réalité culturelle. L'année suivante, nous avons noué le dialogue avec un certain nombre de personnes des quatre coins du pays, initiative dont est issu le document intitulé Arrest the Legacy, qui relate les tribulations des femmes autochtones des pensionnats aux prisons, évoquées par Mme Edwards. Le rapport que vous avez en main s'intitule La condition féminine importe. Dans mon exposé, je traiterai brièvement de quelques recommandations qui concernent particulièrement le projet de loi qui nous intéresse.

Les obstacles auxquels se heurtent les femmes et les filles autochtones qui sortent du système de justice ou d'aide à l'enfance sont déjà insurmontables. Les statistiques parlent d'elles-mêmes, et je vous renverrais à la page 30 du rapport. On y rapporte que dans nos cercles, les jeunes filles ont parlé des difficultés qu'elles doivent affronter à leur sortie des prisons pour jeunes et indiqué à quel point il est difficile de s'en sortir pour un jeune quand il est libéré avec peu ou pas d'expérience de travail et un dossier criminel. Certaines ont révélé que les gens finissent par abandonner après un certain temps.

Les personnes avec lesquelles nous avons parlé au pays ces dernières années étaient, en grande partie, des femmes et des filles en conflit avec la loi ou incarcérées, ainsi qu'un certain nombre de personnes qui travaillent avec des femmes ou des filles autochtones qui se trouvent en pareilles situations. Selon le rapport, certains ont indiqué qu'au cours de leur incarcération, les prisonniers ne sont pas préparés en vue de leur libération et sont destinés à l'échec à leur sortie de prison.

Le point principal que l'AFAC veut souligner, c'est que le projet de loi ne fera que les acculer encore plus à l'échec, puisqu'il fera en sorte que les personnes les plus marginalisées du Canada, c'est-à-dire les femmes et les filles autochtones, non seulement resteront en marge de la société, aux prises avec la pauvreté et des situations encore pires, mais seront encore plus susceptibles de demeurer dans le système toute leur vie.

Les travaux que nous avons effectués avec des femmes de toutes les régions du pays ont donné lieu à un éventail de recommandations, brièvement résumées dans le « coup d'œil » figurant aux pages 40 et 41. Aux pages 44 à 50 se trouvent des recommandations plus approfondies concernant les programmes communautaires de guérison des Autochtones, la sensibilisation relative aux pensionnats et la prévention précoce. Ces recommandations sont regroupées sous divers sujets, comme les jeunes et le système de justice pénale en ce qui concerne l'aide sociale à l'enfance. Il y a à la page 49, un point particulièrement pertinent pour le projet de loi que vous examinez.

La quatrième puce de la colonne du milieu de la page 49 indique qu'il faut offrir un soutien particulier aux femmes et aux filles dans le cadre de leur plan de sortie au moment de leur libération de prison ou du système d'aide sociale. Elles ont besoin d'un plus grand soutien au chapitre du logement, de l'emploi et de l'éducation. Comme vous le savez certainement, le fait d'avoir un dossier criminel cause bien des difficultés quand vient le temps de combler ses besoins essentiels en matière de logement, d'emploi et d'éducation. Les femmes et les filles autochtones ainsi que leurs familles se trouveront dans une situation encore plus précaire si le projet de loi est adopté, et les répercussions des pensionnats et du système de justice pénale du Canada continueront de se faire sentir pendant longtemps dans la vie de leurs enfants et de leurs petits-enfants.

Je m'arrêterai là.

Le président : Merci beaucoup. Je laisserai maintenant mes collègues vous poser des questions.

Le sénateur Eggleton : Je m'intéresse aux statistiques que vous avez évoquées. Je veux avoir une idée de certains cas typiques. Ces personnes sont-elles jeunes ou surtout d'âge moyen? Les femmes ont-elles pour la plupart des enfants? Qui s'occupe de ces derniers pendant qu'elles sont incarcérées? Qu'est-ce qui les a menées en prison? Pour quelles raisons sont-elles incarcérées? Donnez-moi des exemples.

J'essaie d'avoir une idée de la situation typique d'une femme autochtone dans notre système carcéral. Évidemment, comme il n'est question que des peines de deux ans et moins dans le projet de loi, les crimes graves ne sont pas concernés. Par exemple, une bonne partie se classe probablement dans les 75 p. 100 des peines d'emprisonnement de moins de trois mois. C'est le genre de situation à court terme auquel nous nous intéressons. Pourquoi sont-elles incarcérées? Et qu'en est-il des autres questions que j'ai posées?

Mme Edwards : Je ne crois pas avoir en main aujourd'hui la tranche d'âge précise, mais nous savons que la majorité des femmes incarcérées sont mères; l'État doit donc assumer des frais quand elles sont incarcérées, et le faire également si elles perdent la garde de leurs enfants une fois libérées parce qu'elles sont incapables de s'en occuper. Il s'agit en grande majorité de mères, nous en sommes certaines. Mais je n'ai pas la tranche d'âge devant moi. Je peux cependant vous trouver l'information très facilement.

Sachez en outre qu'elles sont incarcérées pour des infractions mineures, passibles de peines de deux ans et moins, que nous qualifions de délits attribuables à la pauvreté.

Le sénateur Eggleton : Comme quoi?

Mme Edwards : Il s'agit par exemple de trafic, de fraude de l'aide sociale et de vol à l'étalage. Ce sont des méfaits, qui entraînent des peines d'emprisonnement de deux ans et moins par procédure sommaire. C'est du trafic et de la prostitution. Ce ne sont donc pas des délinquantes violentes. J'ai eu le privilège, car ce fut pour moi un privilège et une révélation, de visiter certaines prisons au Canada. Cette année, je fais partie du comité national de Services correctionnels Canada, où je suis la seule représentante d'une organisation autochtone nationale. J'ai donc pu visiter des prisons, notamment celle de Grand Valley. J'ai pu y déambuler et constater qu'exception faite de trois ou quatre femmes incarcérées pour des infractions graves, toutes les détenues étaient libres de circuler. Nous avons demandé la permission de visiter leur maison. Une des femmes maniait un couteau en préparant une pizza. Ces femmes ne sont pas dangereuses, contrairement aux hommes incarcérés en prison. Elles n'ont pas été condamnées pour des infractions avec violence, mais principalement pour des infractions attribuables à la pauvreté.

Le sénateur Eggleton : Qui s'occupe de leurs enfants?

Mme Edwards : C'est souvent l'État, les provinces ou des familles non autochtones. Si par chance, elles ont une famille autochtone, alors les grands-parents pourraient en assumer la garde.

Le sénateur Eggleton : Est-ce que beaucoup d'entre elles ont un conjoint?

Mme Edwards : Non, la majorité sont chefs de famille monoparentale. C'était dans les notes plus détaillées que j'allais présenter. La majorité des femmes autochtones du Canada élèvent seules leurs enfants. Si elles ont la chance de pouvoir compter sur une famille pour s'en occuper, alors elles peuvent plus aisément les reprendre avec elles à leur sortie de prison; dans le cas contraire, elles ont bien plus de difficultés à recommencer à prendre soin d'eux après que l'État s'en soit occupé pendant un certain temps.

Le sénateur Eggleton : Vous affirmez que ces crimes résultent pour la plupart des conditions de pauvreté dans lesquelles elles vivent.

Mme Edwards : En effet. C'est ce qui rend les femmes autochtones particulièrement marginalisées et déstabilisées. Comme Mme Corston l'a souligné, la pauvreté nuit à leur capacité de faire des études et d'accéder à un logement et à un emploi; de plus, même si elles ont la chance d'être admissibles à l'assurance-emploi, cela constituerait un autre obstacle sur leur route.

La sénatrice Merchant : J'ai trouvé vos renseignements intéressants, car vous avez fait remarquer que l'assurance- emploi est une assurance à laquelle ces femmes ont cotisé. Elle est destinée aux personnes qui occupaient un emploi et qui ont versé des cotisations au régime. Comme vous l'avez souligné, rien n'indique que les gens ne pourront recevoir de prestations ou qu'ils bénéficient d'une période de grâce pour retourner dans leur famille et obtenir du soutien.

Je pense à la porte-tournante, qui les ramène constamment au système de justice pénale. Avez-vous une idée du nombre de femmes qui récidivent? Si elles ne reçoivent pas le soutien de la communauté, le risque de récidive est accru. Avez-vous des statistiques à ce sujet? Il importe que nous disposions de données pour étayer les dires.

Mme Corston : Je vous recommanderais de consulter l'information publiée sur le site Web de la Société Elizabeth Fry, car la question relève du domaine d'expertise de Kim Pate. Elle connaît les chiffres par cœur. L'AFAC n'est pas en mesure d'examiner ces questions aussi profondément qu'elle le voudrait.

Il y a également le rapport annuel de l'enquêteur correctionnel, qui comprend moult statistiques.

La sénatrice Merchant : Pourriez-vous nous dire ce qu'elles révèlent?

Mme Corston : Je ne les connais pas par cœur.

La sénatrice Merchant : Nous avons entendu les témoignages de la Société Elizabeth Fry et de Centraide Calgary. Tous deux s'opposent au projet de loi pour de multiples raisons, que vous avez vous-même évoquées.

La sénatrice Seidman : J'ai surtout une observation, à laquelle vous pourriez vouloir répondre. Je crois comprendre que la mesure législative aurait des répercussions sur les délinquants purgeant une peine d'une durée inférieure à 104 semaines, une situation qui s'applique généralement aux établissements provinciaux.

Mon autre observation concerne les personnes condamnées à des peines d'emprisonnement d'un an ou moins. Vous en avez parlé pendant votre exposé, Mme Edwards, indiquant que jusqu'à 75 p. 100 des personnes incarcérées purgeaient des peines de moins de trois mois pour des infractions mineures contre la propriété, des délits liés aux stupéfiants et des voies de fait simples. Il me semble que les 75 p. 100 de détenus dont vous parlez ne seraient que peu ou pas touchés par le projet de loi, car ils pourraient encore cumuler un nombre suffisant d'heures de travail assurable même sans prolongation de la période de référence. C'est là l'aspect visé par le projet de loi.

Mme Edwards : À mon avis, tout effet supplémentaire est de trop. Ces femmes sont déjà extrêmement marginalisées. Je considère donc qu'il serait excessif de leur imposer un fardeau de plus. Voilà mon avis sur la question.

La sénatrice Seidman : Le fait est que bien peu de détenus seraient touchés. Le projet de loi aurait une incidence sur les délinquants purgeant des peines d'une durée inférieure à 104 semaines, ce qui concerne généralement les établissements provinciaux et non fédéraux.

Mme Edwards : En effet. Vingt-sept pour cent des Autochtones sont incarcérés dans des prisons provinciales, où les taux de détenus autochtones sont élevés. Je considère que la mesure aurait tout de même une incidence plus marquée sur les délinquants autochtones que sur les délinquants non autochtones.

La sénatrice Eaton : Ce que vous nous révélez sur les femmes et les enfants autochtones marginalisés est absolument épouvantable. Cependant, si je considère que le projet de loi n'aurait pas de grande incidence sur eux, c'est parce que la situation déplorable dans laquelle nous savons que bien des Autochtones se trouvent est souvent liée à l'éducation, à la santé et au logement.

Combien d'entre eux sont vraiment admissibles à l'assurance-emploi et combien dépendraient de l'aide sociale? Cette information revêt une importance capitale. Si vous dites de 95 p. 100 d'entre eux ne sont pas admissibles à l'assurance-emploi d'entrée de jeu, alors le projet de loi ne leur sera pas d'un grand secours. Il faudrait s'y prendre autrement pour les aider.

Mme Edwards : J'espère également que le comité disposera de cette statistique, s'il veut réaliser une évaluation tenant compte de la réalité culturelle des répercussions du projet de loi et des personnes sur lesquelles il aurait une incidence. Nous n'avons pas de statistiques sur le nombre d'Autochtones recevant des prestations d'aide sociale ou d'assurance-emploi. Il n'en demeure pas moins que les femmes admissibles à l'assurance-emploi et qui ont versé des contributions au régime subiraient des effets négatifs. Une seule femme serait de trop, car elles ont bien assez d'obstacles à surmonter. Je vous donnerais la même réponse. Je ne dirais pas que la plupart d'entre elles dépendent de l'aide sociale de toute façon.

La sénatrice Eaton : Je ne présume pas que c'est le cas. Je voulais simplement savoir combien d'entre elles seraient admissibles aux prestations d'aide sociale.

Mme Edwards : Il faudrait que j'effectue des recherches à cet égard.

La sénatrice Eaton : Quand il est question de marginalisation, parlons-nous vraiment de l'assurance-emploi ou parlons-nous peut-être d'éducation et de santé?

Mme Corston : Je me demande seulement ce qui vous satisferait. Je me sens un peu prise au dépourvu parce que les questions qu'on me pose en ce moment sont très axées sur les statistiques.

Le président : J'estime que les témoins ont répondu aux questions ayant trait au projet de loi. Les questions qui vont plus loin peuvent être très intéressantes, mais elles ne sont pas directement liées au projet de loi.

Si je vous ai bien comprise, madame Edwards, dans la réponse que vous avez donnée aux sénatrices Seidman et Eaton, vous avez indiqué très clairement qu'à votre avis, ce nombre n'était pas très élevé. Vous avez déclaré que, si une femme était touchée durement par cette mesure, ce serait encore trop, selon vous. Vous ai-je bien comprise?

Mme Edwards : Oui.

Le président : Par conséquent, vous avez répondu à la question avec clarté. Merci beaucoup.

La sénatrice Dyck : Je vous remercie de l'exposé que vous nous avez donné, relativement au pied levé. Je suis heureuse que vous soyez ici.

La sénatrice Eaton vous a posé quelques questions intéressantes, mais ma question complémentaire est la suivante : est- ce que le parrain du projet de loi a déjà communiqué avec vous afin de trouver des réponses à des questions de ce genre? Vous a-t-il demandé quelle incidence le projet de loi aurait sur les prisonnières autochtones, et combien d'entre elles reçoivent des prestations d'assurance-emploi ou une aide sociale?

Mme Corston : Non.

Mme Edwards : Pas du tout. Malheureusement, Mme Corston et moi n'avons pas eu le temps de peindre un tableau complet afin de vous montrer le lien qui existe entre ces femmes et les répercussions qu'ont eues les pensionnats indiens avant de fermer leurs portes en 1996 seulement. Ce n'est pas de l'histoire ancienne. C'est une histoire très pertinente qui a eu des répercussions sur les femmes qui ont résidé dans les pensionnats en question. Après avoir vécu dans ces pensionnats, elles en sont venues à perdre la garde de leurs enfants, qui sont parfois confiés aux soins de l'État, à être institutionnalisées, puis, à se heurter à de nombreux obstacles, comme la pauvreté et le manque d'accès à l'éducation, au logement et à la sécurité financière, parce qu'elles sont prises dans un cercle vicieux qui doit être brisé. Comme je n'ai cessé de le dire, pour toute femme admissible à qui ce projet de loi nuirait, ce serait simplement un obstacle de trop.

Non, personne n'a jamais communiqué avec nous pour nous permettre de faire parvenir les résultats statistiques d'une analyse comparative entre les sexes qui est pertinente sur le plan culturel, analyse qui démontrerait l'effet que le projet de loi aurait. Je crois comprendre que le Conseil du Trésor exige que toute mesure législative fasse l'objet d'une analyse différenciée selon les sexes. Les ministères hôtes ou les personnes qui présentent la mesure législative doivent soumettre une liste des facteurs qu'ils ont pris en considération, afin de démontrer qu'ils ont, en fait, procédé à une analyse comparative entre les sexes. J'ose espérer que, lors de l'examen des répercussions du projet de loi, ils se livreraient également à une analyse différenciée selon les sexes, ce qui n'a pas été fait dans le cas présent.

La sénatrice Dyck : Le parrain du projet de loi a soutenu qu'il était injuste, en un sens, de verser des prestations d'assurance-emploi à des gens qui ont été incarcérés. Il citait en exemple le cas d'une femme atteinte de cancer. Toutefois, le problème n'était pas lié à sa maladie, mais plutôt à son congé de formation. Souscrivez-vous d'une manière ou d'une autre à l'argument du parrain du projet de loi?

Mme Edwards : Non. En fait, il compare des pommes avec des oranges en opposant les droits des uns à ceux des autres. Je pense que les circonstances des femmes autochtones sont uniques et leur situation, particulière. Bien que les immigrantes et les femmes réfugiées soient extrêmement marginalisées, je n'opposerais jamais leurs droits à ceux d'un autre groupe, parce que leurs droits sont uniques et distincts. Pour cette raison précise, j'estime que nous devons toujours tenir compte des répercussions particulières que les projets de loi auront sur les Autochtones. Après tout, leur situation est tout à fait particulière, et les multiples obstacles et répercussions qu'ils affrontent de nos jours ne datent pas d'il y a 100 ans. Les événements qui les ont acculés à la situation dans laquelle ils se trouvent aujourd'hui sont très pertinents et se sont produits récemment.

La sénatrice Cordy : Pour donner suite à vos propos — et j'ai effectivement posé la question au parrain du projet de loi la semaine dernière —, je dirais que le projet de loi est de nature punitive. C'est un genre de projet de loi qui défavorise doublement certaines personnes. En plus de purger une peine, vous êtes punis sur le plan civique. Non seulement on vous jette derrière les barreaux, ce qui est approprié si vous avez enfreint la loi, mais on vous retire aussi vos prestations d'assurance-emploi. Vous avez fait valoir, madame Edwards, que l'assurance-emploi n'était pas une aumône du gouvernement; c'est en fait un régime d'assurance auquel les gens cotisent.

Au lieu de présenter un projet de loi punitif qui, comme la sénatrice Dyck l'a déclaré, dresse différents groupes les uns contre les autres, ne devrions-nous pas envisager l'adoption de mesures législatives qui avantagent les gens, en particulier parce que les chiffres montent en flèche en ce moment, et ne devrions-nous pas envisager de mettre en œuvre des programmes qui empêchent les femmes autochtones de finir derrière les barreaux, en premier lieu. Ne pensez-vous pas que ce serait une meilleure utilisation des deniers publics?

Mme Edwards : Ce serait assurément un meilleur investissement. Nous n'avons peut-être pas été en mesure de vous fournir les statistiques relatives aux femmes incarcérées que vous désiriez, mais nous savons que les jeunes Autochtones sont le segment de la population canadienne qui croît le plus rapidement. Plus de 50 p. 100 des jeunes Autochtones sont des filles. Si le Canada investissait dans le développement et la sécurité économiques des femmes et des filles autochtones en les aidant à faire des études, à suivre de la formation, à acquérir des compétences et à trouver des emplois, ces dernières combleraient le manque de main-d'œuvre.

Lorsque nous examinons les importantes sommes d'argent que le gouvernement actuel a investies dans le développement économique des Autochtones et que nous procédons à une analyse différenciée selon les sexes, nous constatons que seulement à peu près 17 000 des 400 millions de dollars investis ciblaient précisément les femmes autochtones. Pourtant, elles représentent plus de la moitié de la population autochtone. Alors, cela explique la raison pour laquelle le développement économique autochtone et la sécurité économique des collectivités ne progressent pas. Si l'on néglige de cibler les compétences, les métiers, l'éducation, et l'emploi de plus de la moitié de la population, on ne peut pas obtenir de bons résultats.

Oui, le gouvernement en bénéficierait. Nous savons que des liens existent entre ces éléments. Lorsque j'ai fait un exposé il y a un an, un sénateur m'a dit ce qui suit : « vous ne cessez de parler de la pauvreté comme si elle était liée à la criminalité ». Les personnes présentes ne faisaient pas le lien. Toutes les statistiques montrent que la criminalité est liée aux crises du logement, à la violence et aux activités criminelles. Si nous investissons dans les femmes — en particulier les femmes autochtones —, le développement économique, la sécurité, les compétences et la formation, cela contribuera grandement à améliorer la situation socio-économique de l'ensemble des Autochtones.

Mme Corston : J'aimerais ajouter quelque chose à ce sujet. Un important pourcentage des recommandations tirées du rapport intitulé La condition féminine importe sont axées sur la prévention. Elles ciblent en particulier les jeunes et la prévention précoce.

La sénatrice Cordy : Ce serait certainement moins coûteux que de maintenir des gens en prison.

J'ai parlé plus tôt de la double peine, des gens qui étaient doublement défavorisés. Le projet de loi punit-il les pauvres? Nous considérons certainement que les femmes autochtones appartiennent à cette catégorie. Le projet de loi punira-t-il les pauvres?

Mme Edwards : Je dirais que oui. De plus, c'est le point de vue de l'AFAC.

La sénatrice Cordy : Vous avez toutes deux parlé du lien qui existe entre les pensionnats indiens et le nombre de femmes autochtones incarcérées. Pourriez-vous nous expliquer brièvement en quoi consiste ce lien, et quel est l'effet des pensionnats indiens sur l'incarcération des femmes et la croissance fulgurante du nombre de femmes détenues?

Mme Corston : Bon nombre de ses réponses se trouvent dans le rapport.

La sénatrice Cordy : Nous voulons simplement que les renseignements sur l'effet qu'ont eu les pensionnats indiens figurent dans le compte rendu.

Mme Edwards : J'avais aussi une citation précise.

La sénatrice Cordy : À la page 9, je crois.

Mme Edwards : Oui, et je cite :

On estime que 40 p. 100 des Autochtones qui se trouvent en prison sont des survivants des pensionnats. Bien d'autres sont des survivants intergénérationnels, des survivants des organismes de protection de la jeunesse ou les deux, y compris de la rafle des années 1960, et d'autres legs législatifs...

Mme Corston : Je crois aussi que le rapport établit des liens entre les pensionnats, la protection de la jeunesse et le nombre de femmes incarcérées. Si les pensionnats en ont mené plusieurs à la prison, les organismes de protection de la jeunesse en ont fait autant. Aujourd'hui, il y a trois fois plus d'enfants autochtones en familles d'accueil qu'il y en avait à l'époque des pensionnats. À long terme, je pense que les incidences seront encore plus graves.

La sénatrice Cordy : Nous savons qu'entre 25 et 40 p. 100 des crimes commis sont contre les tribunaux, comme le défaut de payer une amende. Nous avons appris la semaine dernière que, selon une étude, 40 p. 100 des habitants de la Nouvelle-Écosse ont été emprisonnés pour ne pas avoir payé une amende. Nous savons que 75 p. 100 des personnes incarcérées le sont pour trois mois. Le projet de loi n'influerait pas sur 4 p. 100 des détenus qui ne seraient incarcérés que pendant une courte période, alors que 4 p. 100 des personnes en prison seraient pleinement touchées. Selon les renseignements que nous détenons, 92 p. 100 des prisonniers, en particulier ceux qui purgent des peines de 6 à 12 mois, auraient plus de difficulté à recevoir des prestations. Encore une fois, pour en revenir aux types de crimes contre les tribunaux comme les amendes impayées, ne diriez-vous pas que les gens qui seraient le plus touchés seraient encore une fois les personnes vivant dans la pauvreté?

Mme Edwards : Oui, tout à fait. J'ai pensé à quelque chose pendant que vous parliez. Oui, il y a des crimes qui ne font pas de victimes, communément appelés des infractions liées à la pauvreté. Elles influeraient négativement sur les personnes défavorisées, en particulier les femmes, surtout si elles sont autochtones.

La sénatrice Seth : Merci pour votre très bon exposé. Je reviens encore une fois à la même chose — la façon dont le projet de loi influe sur les personnes incarcérées pendant moins d'un an. Supposément que c'est plus d'un an, c'est-à- dire 52 semaines. Qu'arrive-t-il lorsqu'elles sortent de prison? Ne reçoivent-elles pas déjà un autre type de prestation, comme une prestation sociale? Ces femmes font partie de groupes à faible revenu, et elles viennent souvent à mon cabinet. Je suis médecin. J'ai un cabinet et je pratique la médecine depuis longtemps. D'habitude, on envoie un formulaire rempli par un médecin. Cela dépend du salaire qu'elles gagnent et de la situation. Nous remplissons le formulaire, qui couvre tous les membres de la famille et précise qu'elles peuvent faire une demande de logement, de médicaments, et cetera. Voilà où je veux en venir : comment ce projet de loi influe-t-il sur elles? À ce stade, je n'en suis pas certaine.

Le président : Si l'on pouvait préciser la question, voici l'interprétation que j'en fais : Pourriez-vous nous donner une idée des programmes de soutien qui sont offerts aux femmes à leur sortie de prison?

La sénatrice Seth : Merci.

Mme Edwards : J'ai été frappée que vous disiez que les femmes reçoivent facilement du soutien à leur sortie de prison. En tant que membre de ce comité national, le comité national des services autochtones destinés aux femmes autochtones en prison, nous avons rencontré des gardiens de prison, des agents de libération conditionnelle de Service correctionnel, des fonctionnaires fédéraux et des intervenants communautaires, et on nous a demandé de visionner un court-métrage dans lequel on montrait le taux élevé de récidivisme attribuable à un manque de soutien. Je n'ai pas de statistiques exactes avec moi, mais ils se sont certainement plaints du fait que cette lacune préparait les femmes, les Autochtones en particulier, à l'échec parce qu'il n'y avait pas d'organismes communautaires pour leur venir en aide. Dans le film que Service correctionnel Canada a montré au comité, une femme qui était remise en liberté recevait deux billets d'autobus, n'avait nulle part où rester ce soir-là et ne bénéficiait pas d'aide sociale. L'argent qu'elle avait à son arrivée — quelque chose comme 16 $ — lui a été rendu, et on l'a laissée partir. Dans les trois jours, elle était retournée en prison à Edmonton. Il n'y avait pour elle ni logement, ni maison d'hébergement transitoire, ni lien à un organisme communautaire, comme un centre d'amitié. Même si les membres de l'Association des femmes autochtones du Canada ont dit aux employés de Service correctionnel Canada qu'elles voulaient collaborer avec eux pour voir ce qu'elles peuvent faire au sein des associations membres provinciales et territoriales pour offrir un soutien aux femmes autochtones, cela ne s'est pas fait. Il n'y a pas de financement pour ces types d'initiatives en ce moment. Le manque de logements et la difficulté d'en trouver est un des grands problèmes auxquels elles font face. Si elles ont perdu la garde de leurs enfants et que ceux-ci n'ont pas été confiés à leurs familles ou ne se trouvent pas dans un système de réintégration avec elles, elles ne peuvent pas les récupérer, car elles ne peuvent montrer qu'elles ont un endroit où vivre et une chambre pour eux. Elles ne peuvent trouver de maison avec une chambre pour un enfant à moins d'avoir la garde de leur enfant.

Vous voyez comment cela se passe? C'est un peu un cercle vicieux pour elles à moins qu'il y ait un programme précis qui leur permette de travailler avec un casier judiciaire et qu'elles aient la chance d'avoir un plan.

Sur papier, une partie de la mission de Service correctionnel Canada et de la Commission des libérations conditionnelles est d'avoir cette série de mesures et ce plan, mais ils nous ont dit eux-mêmes que cela ne se passe pas ainsi dans les faits. En conséquence, les taux de récidivisme sont élevés parce que les femmes n'ont nulle part où aller et elles sont désespérées. En l'espace de quelques jours, elles commettent une infraction mineure, comme ne pas prévenir leur agent de liberté conditionnelle. Elles sont ensuite ramenées à l'institution.

Le sénateur Munson : Je suis impressionné par le rapport de l'Association des femmes autochtones du Canada et de Justice for Girls dont vous avez parlé tout à l'heure et qui s'intitule La condition féminine importe. J'enchaîne sur la question précédente.

Vous parliez de vos recommandations concernant les personnes qui sortent de prison, en particulier les femmes autochtones. Vous avez parlé d'une meilleure « collaboration avec les intervenants communautaires pour offrir aux femmes et aux filles un soutien au plan du logement, de l'emploi, de l'éducation, de la culture et de la santé mentale pour planifier leur sortie ». Au lieu de ce projet de loi, quel type de collaboration accrue préconisez-vous? Qu'attendez- vous du gouvernement fédéral, de façon concrète, au plan financier ou des programmes de soutien offerts?

Mme Edwards : Certainement de la formation et des logements.

Mme Corston : Des programmes sociaux. Je pense que ce qui est arrivé à bien des femmes est que les programmes relatifs au logement, à l'éducation et à l'emploi ont été coupés à l'échelon communautaire. C'est une recommandation qui nous vient directement des premières concernées.

Mme Edwards : Des programmes concrets comme les programmes de maisons d'hébergement transitoires, les programmes de réintégration, et les programmes de formation par observation et de mentorat sont choses du passé. Si le gouvernement recommençait à faire ces types d'investissement, s'il faisait fond sur la capacité des femmes de participer à l'économie, il contribuerait grandement à réduire le récidivisme, la violence et bien des problèmes qui requièrent l'intervention de l'État et les coûts élevés qui en découlent.

Le sénateur Munson : À mon sens, nous sommes censés être une nation qui privilégie l'empathie, le partage, et l'entraide; cela me semble être une double punition. Quel message ce projet de loi envoie-t-il aux femmes autochtones qui passent une courte période en prison pour un délit comme le vol à l'étalage comme vous l'avez dit, si elles avaient travaillé et étaient admissibles à des prestations d'assurance-emploi? Selon vous, quel message ce projet de loi transmet- il?

Mme Edwards : Le message est que vous n'avez pas droit à l'erreur et que vous serez puni pour le restant de vos jours. Ce n'est pas un État qui valorise les droits de la personne, l'équité et la justice sociale et dans lequel il est possible de tirer un trait sur son passé. Comme ces femmes ont déjà été incarcérées, on leur répète qu'elles ne sont pas importantes, qu'elles sont mieux en prison et qu'elles ne peuvent rien apporter à la société. Je n'estime pas que ce projet de loi soit le moindrement utile. Je crois qu'il y a moyen de faire de bien meilleurs investissements. Le gouvernement favorise le développement économique et la sécurité, et je dis « bravo ». Privilégions le développement économique, mais faisons-le en investissant dans l'aide aux populations les plus marginalisées, et non dans les prisons. Je pourrais vous en parler longtemps; les prisons coûtent cher. Nous pourrions investir davantage dans la formation et le perfectionnement des compétences.

Le sénateur Munson : Comme vous l'avez dit, le coût d'une année d'incarcération est de 175 000 $, ce qui est incroyable.

Le sénateur Enverga : Merci pour votre exposé. Vous dites que nous avons la population de détenues autochtones dont la croissance est la plus rapide. Il semble même que nous les marginalisions en les qualifiant d'auteurs de crimes au lieu de victimes. Sont-elles plutôt des victimes que des auteurs de crimes?

Lorsque vous dites que 75 p. 100 de personnes sont incarcérées, environ 10 p. 100 d'entre elles ont été incarcérées pour plus de deux ans, et je présume qu'elles ont fait de nombreuses victimes, peut-être de crimes violents. Je pensais qu'il pourrait s'agir de femmes autochtones. Puisqu'elles sont victimes de crimes, ne trouveront-elles pas réconfortant de penser que les conditions sont les mêmes pour les victimes et les auteurs de crimes ou que c'est plus équitable pour elles, surtout si la femme a le cancer? Ce projet de loi n'aidera-t-il pas les personnes qui ont le cancer et les victimes de crimes?

Mme Edwards : En quoi le fait d'infliger une double punition à une Autochtone aiderait-il une personne qui a le cancer?

Le sénateur Enverga : Si l'auteur d'un crime touche des prestations d'assurance-emploi à sa sortie de prison, mais pas une personne cancéreuse, ne vous sentez-vous pas encore plus mal d'être victimisée?

Mme Edwards : C'est une mauvaise représentation de la situation.

Le président : On a expliqué que la question de l'admissibilité à l'assurance-emploi pour les personnes souffrant de maladies graves ou chroniques comme le cancer a déjà été traitée dans le règlement. Cette question a été réglée.

Le sénateur Enverga : Je parlais des victimes.

Le président : Il est difficile pour nous de comprendre la nature de votre question pour ce qui est de la double victimisation. Je ne suis pas certain, madame Edwards. Comprenez-vous la question?

Mme Edwards : Je ne vois pas comment une victime se sentirait mieux. Je ne vois pas du tout ce lien. J'ai peut-être l'air de m'éloigner du sujet, mais si vous me permettez de m'expliquer, toutes les statistiques montrent qu'une victime sent beaucoup plus qu'on lui donne raison et qu'elle n'est pas victimisée lorsqu'elle se retrouve dans une situation avec l'auteur du crime et qu'il y a eu un règlement de quelque sorte ou la réparation des torts causés.

Par exemple, la propriété de quelqu'un a été endommagée et un conseil de détermination de la peine lui a donné la possibilité, sous la supervision des anciens et de la collectivité, de faire en sorte que l'auteur du méfait reconstruise ou répare les dommages causés. La victime a dit qu'elle sentait qu'il y avait eu réparation en raison du lien direct entre le crime et la peine ou l'acte même, ce qu'il n'y aurait pas eu si l'auteur était allé en prison. Le fait que le contrevenant soit privé de liberté n'apporte rien à la victime. Je ne suis pas certaine de comprendre ce que vous dites lorsque vous parlez d'une victime qui se sentirait plus brimée parce qu'une femme qui est allée en prison est admissible à des prestations d'assurance-emploi. Je vois mal les gens établir ce lien. Je crois que cela revient à comparer des pommes et des oranges.

Le sénateur Enverga : Je pensais aux victimes qui ont subi des violences. Nous parlons ici de peines de deux ans; il doit s'agir de crimes violents.

Mme Edwards : Il est très rare que les femmes autochtones commettent des crimes violents. Lorsque je suis entrée dans la prison, il n'y avait que trois femmes en milieu fermé. Toutes les autres étaient libres d'aller et de venir, et il y en avait même une qui préparait une pizza avec un couteau parce qu'il ne s'agit pas de contrevenantes violentes. Elles sont incarcérées parce qu'elles sont défavorisées.

Le sénateur Enverga : On parle bien d'une peine de deux ans, non?

Mme Edwards : Dans ce cas, elles ne seraient même pas admissibles à des prestations d'assurance-emploi. C'est sans objet.

Le président : Je me demandais si vous pouviez clarifier un point. Mme Corston ou vous avez donné des statistiques stupéfiantes concernant le montant d'argent que le gouvernement fédéral a affecté au développement économique et l'infime partie de ce montant qui a été versé aux femmes. Comment le gouvernement fédéral a-t-il fait son compte? Le chiffre que vous avez donné est si éloquent. Le gouvernement fédéral verse-t-il ce financement aux organisations autochtones qui le redistribuent, ou les particuliers des collectivités autochtones présentent directement des demandes de financement auprès du gouvernement fédéral?

Mme Edwards : Le gouvernement fédéral aurait conclu des accords avec les organisations provinciales-territoriales. Il ne l'a pas fait avec l'OAN, alors ce ne serait pas avec l'Assemblée des Premières Nations. Ce serait directement avec les collectivités, peut-être celles qui ont signé des accords. Cependant, la question est que lorsqu'il signale les investissements aux Canadiens, il parle d'investissements dans les peuples autochtones, alors que les données sexo- spécifiques montrent qu'il s'agit plutôt d'investissements dans les hommes autochtones. Je n'ai rien contre les investissements qui favorisent les hommes autochtones. Cependant, dites-le franchement et ne venez pas ensuite demander pourquoi ce financement n'améliore pas la situation économique si vous n'investissez pas dans la moitié de la population qui vit sous le seuil de la pauvreté.

Le président : Les chiffres étaient éloquents, et je suis entièrement d'accord avec vous. J'ai été frappé par la façon inégale dont le financement était distribué entre les sexes et j'étais curieux de connaître le mécanisme utilisé pour accorder le financement. Il va du gouvernement fédéral aux organisations provinciales et territoriales qui ont, vraisemblablement, pour mandat de l'aiguiller vers les collectivités autochtones, mais quel que soit ce mécanisme, il engendre le résultat que vous venez de résumer.

Mme Edwards : En effet. Comme l'AFAC est une organisation nationale, nous tentons de diriger le réseau des femmes autochtones en affaires. Il est nouveau de cette année, et je participe à un petit projet pilote sur les femmes autochtones et le leadership, le renforcement de l'estime de soi et l'accroissement de la participation communautaire. J'ai rencontré des représentants de l'école polytechnique SAIT, le collège de Calgary qui vient d'être fondé et qui entrera en opération en mai, et nous essayons de créer une alliance avec eux pour lancer un programme national de formation et de perfectionnement des compétences pour les femmes autochtones. Les données montrent déjà, avec les rares femmes qui suivent ce type de formations, qu'elles s'en sortent mieux que les hommes autochtones dans ce domaine. C'est une possibilité de réussite.

Le président : Merci à vous deux pour la clarté de vos réponses. Je pense que vous avez fait preuve d'une précision remarquable dans vos réponses sur un sujet très difficile, qui vous tient manifestement à cœur. Nous vous remercions pour la façon dont vous avez répondu à nos questions.

Je tiens aussi à remercier mes collègues pour la clarté de leurs questions, ce qui, je crois, nous a aidés à bien comprendre les questions générales et spécifiques que nous étudions.

Merci beaucoup d'avoir accepté de venir à la dernière minute.

Honorables sénateurs, le comité doit-il procéder à l'étude article par article du projet de loi C-316, Loi modifiant la Loi sur l'assurance-emploi (incarcération)?

Des voix : D'accord.

Le président : Merci.

L'étude du titre est-elle reportée?

Des voix : D'accord.

Le président : Merci.

L'article 1 est-il approuvé? Sénateur Eggleton.

Le sénateur Eggleton : Une grande partie de la discussion a porté sur le terme « équité ». Le parrain de ce projet de loi à la Chambre des communes a employé ce terme, qui a été utilisé un certain nombre de fois. Je crois comprendre que ce qu'il entend et que certains d'entre vous entendez par « équité » est que vous craignez que certaines personnes qui sont malades ou qui semblent être des membres exemplaires de la collectivité n'aient pas droit à ce délai supplémentaire, mais elles peuvent l'obtenir. Je comprends parfaitement. Cependant, le mot « équité » est complexe et ne s'applique pas qu'à ces personnes.

Par exemple, il y a l'équité envers le public. Je ne crois pas que c'est équitable envers le public. Pourquoi? Parce que moins il y a de ressources et moins on offre de réadaptation à ces gens pour qu'ils se reprennent en main, plus ils risquent de récidiver et de se retrouver à nouveau dans le système. La récidive fait souvent de nouvelles victimes; on fait donc davantage de victimes dans les collectivités en agissant ainsi.

Nous avons vu des statistiques qui indiquent que pour les gens qui sortent de prison, les chances sont bien meilleures; 11 à 13 p. 100 des personnes qui obtiennent un emploi sont susceptibles de le conserver, mais ce n'est souvent pas le cas.

En ce qui concerne la sécurité publique, nous ne sommes pas équitables envers le public si nous créons des conditions favorables à la récidive. Nous ne sommes pas justes à l'égard des familles, comme nous l'ont dit les représentantes de l'Association des femmes autochtones du Canada, car bon nombre des femmes incarcérées, et en particulier les femmes autochtones, ont des enfants et ont du mal à trouver quelqu'un pour s'en occuper. Elles n'ont pas de conjoint à la maison pour le faire. La situation est encore pire si la mère ne peut se trouver un emploi à sa sortie, ou du moins recevoir des prestations d'assurance-emploi pendant qu'elle cherche du travail. Ce n'est pas équitable envers les familles.

Et ce n'est pas équitable non plus envers le contribuable. Je tiens à réagir au commentaire de la sénatrice Seth à ce propos, car elle dit que d'autres programmes de soutien sont offerts. Je n'en suis pas sûr. Certains de nos témoins — dont ceux d'aujourd'hui, mais aussi des représentants de la Société Elizabeth Fry — nous ont dit qu'il est difficile pour eux d'en bénéficier. Ils ne le peuvent pas toujours. C'est exactement ce que nous avons entendu aujourd'hui. Et s'ils peuvent bénéficier de ces programmes, ce sera alors injuste pour le contribuable, car le système d'assurance-emploi est payé par la personne elle-même et par son employeur, alors que le programme sera maintenant payé par le contribuable parce qu'il comprend des services sociaux additionnels. C'est exactement ce qui se passe. On renvoie la balle au contribuable. C'est clair.

Oui, il y a des mesures de soutien, mais la solution n'est pas de les réduire. Je doute que ce soit agir dans l'intérêt public. L'intérêt public doit passer avant tout. Oui, nous pouvons parler d'équité, mais notre principale responsabilité, c'est l'intérêt public.

En 1959, le premier ministre Diefenbaker et son ministre du Travail ont pensé qu'il était dans l'intérêt public d'inclure cette disposition, que l'on tente aujourd'hui d'éliminer dans le projet de loi. Plus précisément, M. Starr a affirmé :

D'ordinaire, une personne qui a passé jusqu'à deux ans dans un pénitencier perdrait le bénéfice de ses contributions d'assurance-chômage, ce qui imposerait une peine supplémentaire à celles qui lui sont imposées par le tribunal. Cette cause d'inadmissibilité est maintenant éliminée; cela aidera beaucoup à la réadaptation de ceux qui ont eu le malheur d'encourir une punition des tribunaux.

Ces propos remontent à 1959 et viennent d'un ministre d'un gouvernement conservateur. Je crois que c'est autant dans l'intérêt public aujourd'hui que ce l'était à l'époque.

En outre, en ce qui a trait aux coûts pour les contribuables, je tiens à mentionner que non seulement les services sociaux sont offerts aux frais des contribuables, mais si ces personnes retournent en prison, cela coûte 175 000 $, comme on l'a indiqué aujourd'hui. Cela coûte énormément d'argent aux contribuables. L'objectif devrait être d'empêcher les gens de retourner en prison et de leur donner les services de soutien dont ils ont besoin pour se reprendre en main, et non de leur mettre des bâtons dans les roues en leur enlevant quelque chose.

La sénatrice Seidman a fait quelques observations, aujourd'hui et lors d'une séance précédente, sur lesquelles je voudrais revenir. Je crois que certaines d'entre elles, qui portaient sur les personnes qui seraient touchées ou non, émanent des statistiques fournies dans le rapport du personnel. On dit que 4 p. 100 des détenus ne seraient pas touchés par le projet de loi C-316; 4 p. 100 seraient totalement touchés; et les 92 p. 100 qui restent auraient plus de difficulté à recevoir des prestations d'assurance-emploi, en particulier ceux dont la peine était d'une durée de six à douze mois.

Les pourcentages sont les pourcentages. De combien de personnes parlons-nous? Il semble que le calcul repose sur une population carcérale d'environ 90 000 personnes; donc, une proportion de 4 p. 100 correspondrait à environ 3 600 personnes. Ce sont 3 600 personnes touchées et 3 600 personnes non touchées. C'est tout de même beaucoup. Si ces gens récidivent et retournent dans le système, cela coûte de plus en plus cher. Et cela ne les aide pas à se remettre en selle.

Les 92 p. 100 qui seraient quelque peu touchés représentent plus de 82 000 personnes. C'est seulement pour la période 2008-2009, sur laquelle reposent les statistiques. Nous parlons encore de beaucoup de gens.

J'ai aussi remarqué une chose qu'a dite la sénatrice à la dernière séance. Elle estimait que l'information au sujet des personnes qui seraient touchées n'était pas claire, qu'il y avait parfois des statistiques contradictoires et qu'il faudrait mener plus de recherches. Voilà une raison de ne pas adopter un projet de loi. Si toutes les recherches n'ont pas été effectuées, si nous n'avons pas toutes les statistiques nécessaires, alors nous ne devons pas adopter un projet de loi. C'est une question de bon sens. Je pense qu'il est temps de dire que ce n'est pas un bon projet de loi à adopter.

Il ne s'agit pas d'un projet de loi émanant du gouvernement; vous n'êtes donc pas tenus de suivre les directives des whips. Vous estimerez peut-être avoir une obligation envers l'équipe, mais nous avons une responsabilité, ici, de second examen objectif. C'est pourquoi j'espère que nous allons rejeter ce projet de loi. Je pense qu'il ne sert pas du tout l'intérêt public.

Le président : Merci, sénateur.

Avez-vous un commentaire, sénatrice Seidman?

La sénatrice Seidman : Si vous le permettez, j'aimerais apporter un éclaircissement. À deux reprises, on a dit que j'ai parlé de la nécessité de mener d'autres recherches, mais je pense que ce n'est pas vraiment ce que j'ai dit. En fait, j'ai dit que les statistiques fournies au comité n'étaient pas claires, que les gens nous présentaient des données contradictoires et qu'ils devaient s'assurer de nous présenter des renseignements exacts. Je n'ai pas du tout laissé entendre que davantage de recherches étaient nécessaires. Je voulais simplement clarifier les choses.

Le président : C'est ce que j'avais compris. Merci.

L'article 1 est-il adopté?

Des voix : Non.

Le sénateur Eggleton : Un vote par appel nominal?

Le président : Vous demandez un vote par appel nominal.

Jessica Richardson, greffière du comité : L'honorable sénatrice Cordy?

La sénatrice Cordy : Non.

Mme Richardson : L'honorable sénatrice Dyck?

La sénatrice Dyck : Non.

Mme Richardson : L'honorable sénatrice Eaton?

La sénatrice Eaton : Oui.

Mme Richardson : L'honorable sénateur Eggleton, C.P.?

Le sénateur Eggleton : Non.

Mme Richardson : L'honorable sénateur Enverga?

Le sénateur Enverga : Oui.

Mme Richardson : L'honorable sénatrice Martin?

La sénatrice Martin : Oui.

Mme Richardson : L'honorable sénatrice Merchant?

La sénatrice Merchant : Non.

Mme Richardson : L'honorable sénateur Munson?

Le sénateur Munson : Non.

Mme Richardson : L'honorable sénatrice Seidman?

La sénatrice Seidman : Oui.

Mme Richardson : L'honorable sénatrice Seth?

La sénatrice Seth : Oui.

[Français]

Mme Richardson : L'honorable sénatrice Verner, C.P.?

La sénatrice Verner : Oui.

[Traduction]

Mme Richardson : Pour, six; contre, cinq.

Le président : L'article 1 est adopté.

L'article 2 est-il adopté?

Le sénateur Eggleton : Pouvons-nous simplement appliquer le même résultat du vote sans avoir à lire de nouveau les noms?

Le président : Le comité convient-il que l'article est adopté par six voix contre cinq? Êtes-vous d'accord?

Des voix : D'accord.

La sénatrice Cordy : Puis-je prendre la parole?

Le président : Voulez-vous parler maintenant de l'article 2?

La sénatrice Cordy : Oui, s'il vous plaît.

Le président : Je suis désolé, sénatrice Cordy, si j'avais su que vous vouliez en parler, je n'aurais pas poursuivi.

La sénatrice Cordy : Je peux parler de l'article 3, si vous préférez.

Le président : Si cela vous convient.

La sénatrice Cordy : Cela me va.

Le président : Je vais poser la question pour l'article 3 et vous donner tout de suite la parole.

La sénatrice Cordy : Merci beaucoup.

Le président : L'article 3 est-il adopté? Je donne la parole à la sénatrice Cordy.

La sénatrice Cordy : Nous avons discuté de renseignements, de statistiques et d'informations divergentes de la part de différents groupes. Je trouve malheureux que le parrain du projet de loi ne nous ait pas présenté toutes les informations qu'il aurait eues, à mon avis, s'il s'était agi de son projet de loi d'initiative parlementaire. Il nous a dit avoir fait peu de recherches, n'avoir parlé ni aux groupes communautaires, ni aux groupes autochtones, ni aux représentants de la Société John Howard, ni à ceux de la Société Elizabeth Fry. C'est ce qu'il nous a dit lorsque des personnes lui ont posé la question.

Quand je lui ai demandé pour quels types de crimes les gens étaient incarcérés, il a dit qu'il l'ignorait, mais qu'il s'agissait de crimes mineurs. Quand je lui ai parlé de personnes incarcérées pour ne pas avoir payé leurs amendes, il a dit que c'était très peu probable. Or, nous avons découvert qu'en Nouvelle-Écosse, 40 p. 100 des personnes incarcérées pour moins de deux ans étaient en prison parce qu'elles n'avaient pas pu payer leurs amendes.

Selon moi, ce projet de loi punit les pauvres, les Autochtones et, surtout, les femmes autochtones. Comme je l'ai demandé au parrain du projet de loi, pourquoi présentons-nous un projet de loi punitif? Pourquoi ne mettons-nous pas sur pied des programmes pour aider les gens qui sont dans le besoin, pour aider les plus démunis, afin qu'ils risquent moins de se retrouver en prison?

L'un de nos témoins a parlé aujourd'hui des défis liés à la libération; elle a dit que les gens obtiennent peu d'aide lorsqu'ils sortent de prison. La semaine dernière, j'ai demandé aux représentants de la Société Elizabeth Fry et de la Société John Howard s'ils avaient des programmes visant à aider financièrement les gens qui sortent de prison; ils m'ont répondu qu'ils ont juste assez d'argent pour maintenir les programmes existants et qu'ils n'auraient certainement pas les ressources nécessaires pour aider ceux qui ne seront plus admissibles aux prestations d'assurance-emploi lorsqu'ils seront libérés.

L'assurance-emploi, soit dit en passant, est un régime d'assurance, pas une subvention du gouvernement. Nous savons que 25 à 40 p. 100 des crimes pour lesquels les gens sont incarcérés durant moins de deux ans sont des crimes contre le tribunal, comme le non-paiement des amendes, lorsque les personnes démunies ne sont pas capables de les payer, ou le fait de ne pas se présenter à un agent de libération conditionnelle.

C'est très difficile; je ne peux pas appuyer un projet de loi qui favorise une double sanction. Nous avons une sanction pénale. Ceux qui commettent un crime doivent être emprisonnés; ils doivent être punis. Cela ne fait aucun doute dans mon esprit. Si on commet un crime, on doit recevoir une sanction pénale.

Devrait-on, en plus, recevoir une sanction civile? Je ne pense pas. Je crois que ce projet de loi nuira aux pauvres, aux plus démunis de notre société. Comme l'ont indiqué nos témoins Kim Pate et Catherine Latimer la semaine dernière, c'est un projet de loi conçu pour nuire aux pauvres. En fait, Kim Pate a dit que non seulement il nuirait aux pauvres, mais qu'il pénaliserait également les contribuables canadiens, car les gens risquent davantage de perpétrer un autre crime lorsqu'ils sortent de prison, qu'ils n'ont pas d'argent et que personne ne leur donne une chance. Comme l'ont dit nos témoins, tout le monde s'en fiche.

Le président : Merci beaucoup. Je vais poser de nouveau la question. Voulez-vous formuler la suggestion?

Le sénateur Eggleton : Ce sera un vote par appel nominal, mais le même vote. Vous n'avez qu'à appliquer les résultats du vote par appel nominal à celui-ci.

Le président : Est-il convenu que nous acceptons cela et que l'article est adopté par six voix contre cinq, conformément au vote par appel nominal?

Des voix : D'accord.

Le président : L'article 3 est adopté à cette condition.

L'article 4 est-il adopté?

Le sénateur Eggleton : C'est la même chose. Appliquez le résultat du vote par appel nominal.

Le président : Il est entendu que l'article 4 est adopté par le comité par une majorité de six voix contre cinq, l'appel nominal ayant été fait lors du premier vote. Adopté.

L'article 5 est-il adopté?

Le sénateur Eggleton : C'est la même chose.

Le président : Il est entendu que l'article 5 est adopté par six voix contre cinq, selon la même répartition des votes que pour l'article 1. Adopté.

Le titre est-il adopté? D'accord?

Des voix : D'accord.

Le président : Adopté.

Le projet de loi est-il adopté?

Des voix : Oui.

Des voix : Non.

Le sénateur Eggleton : Nous demandons un vote par appel nominal.

Mme Richardson : L'honorable sénatrice Cordy?

La sénatrice Cordy : Non.

Mme Richardson : L'honorable sénatrice Dyck?

La sénatrice Dyck : Non.

Mme Richardson : L'honorable sénatrice Eaton?

La sénatrice Eaton : Oui.

Mme Richardson : L'honorable sénateur Eggleton, C.P.?

Le sénateur Eggleton : Non.

Mme Richardson : L'honorable sénateur Enverga?

Le sénateur Enverga : Oui.

Mme Richardson : L'honorable sénatrice Martin?

La sénatrice Martin : Oui.

Mme Richardson : L'honorable sénatrice Merchant?

La sénatrice Merchant : Non.

Mme Richardson : L'honorable sénateur Munson?

Le sénateur Munson : Non.

Mme Richardson : L'honorable sénatrice Seidman?

La sénatrice Seidman : Oui.

Mme Richardson : L'honorable sénatrice Seth?

La sénatrice Seth : Oui.

[Français]

Mme Richardson : L'honorable sénatrice Verner, C.P.?

La sénatrice Verner : Oui.

[Traduction]

Mme Richardson : Pour, six; contre, cinq.

Le président : Le projet de loi est adopté par six voix contre cinq.

Le comité souhaite-t-il joindre des observations?

La sénatrice Cordy : Pourquoi nous donner cette peine?

Le président : Dans ce cas, est-il convenu que je fasse rapport du projet de loi au Sénat?

Des voix : Non.

Des voix : Oui.

Le président : Avec dissidence. Merci, chers collègues.

Je crois que nous avons beaucoup appris sur les enjeux et la complexité des problèmes sociaux auxquels sont confrontées les personnes incarcérées. En fait, nous avons beaucoup appris au sujet de ces questions, des déterminants sociaux, dans le cadre des études que nous avons effectuées et de celles que nous sommes en train d'achever. Elles nous ont renseignés sur ces questions également.

Je tiens à remercier les membres du comité de leur collaboration durant ce processus.

(La séance est levée.)


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