Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Affaires étrangères et du commerce international
Fascicule 13 - Témoignages du 5 juin 2014
OTTAWA, le jeudi 5 juin 2014
Le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international se réunit aujourd'hui, à 11 h 5, pour effectuer l'étude sur les conditions de sécurité et les faits nouveaux en matière d'économie dans la région de l'Asie- Pacifique, leurs incidences sur la politique et les intérêts du Canada dans la région, et d'autres questions connexes.
La sénatrice A. Raynell Andreychuk (présidente) occupe le fauteuil.
[Traduction]
La présidente : Honorables sénateurs, nous sommes prêts à commencer, mais auparavant, j'aimerais souligner un événement qui, comme nous le savons tous, secoue actuellement Moncton. Je veux présenter, au nom du comité, nos condoléances aux familles des agents qui sont décédés et qui ont été blessés. C'est un drame qui me touche, étant donné que j'ai étudié au Dépôt de la GRC. Ces excellents agents faisaient leur devoir en notre nom, et nous présentons nos sincères condoléances aux familles, en priant pour que le suspect soit appréhendé sans autre incident. Je tiens à ce que ces mots figurent au compte rendu et soient transmis.
J'exprime ces sentiments en votre nom, et nous espérons que la communauté se serrera les coudes et aidera les familles. Je suis convaincue qu'elle ne manquera pas de le faire.
Passons maintenant à notre étude. Nous poursuivons aujourd'hui notre étude sur les conditions de sécurité et les faits nouveaux en matière d'économie dans la région de l'Asie-Pacifique, leurs incidences sur la politique et les intérêts du Canada dans la région, et d'autres questions connexes.
Au cours de la présente séance, nous avons le plaisir de recevoir Rebecca Wolsak, gestionnaire de programme chez Inter Pares. Elle est accompagnée d'une délégation de Birmanie en visite au Canada, laquelle comprend la Dre Cynthia Maung, directrice de la clinique Mae Tao; Saw Nay Htoo, directeur de programme à l'Association médicale birmane; Nang Snow, directrice adjointe de l'Équipe mobile de travailleurs de la santé; Nai Ley Ye Mon, directeur du Comité national de santé môn; et Gary Rozema, coordonnateur de programme au Centre de secours birman.
Nous sommes enchantés que vous comparaissiez pour nous parler de votre travail et des sujets dont vous souhaitez nous entretenir concernant la Birmanie. Je crois comprendre que Mme Wolsak, Dre Maung et M. Htoo feront un exposé, après quoi les sénateurs poseront des questions. Bienvenue devant le comité.
Rebecca Wolsak, gestionnaire de programme, Inter Pares : Je travaille pour Inter Pares, une petite organisation de justice sociale canadienne sise à Ottawa. Notre nom, qui signifie « entre égaux », décrit essentiellement la manière dont nous aimons travailler.
Nous œuvrons en Birmanie depuis plus de 20 ans. Dans le cadre du présent programme, nous collaborons avec plus de 60 organisations communautaires, qui s'occupent de documents sur les droits de la personne, de la promotion de la liberté des médias, du soutien essentiel des réfugiés vivant dans des camps, de l'autonomisation des femmes et de la prestation de soins de santé. Nous recevons actuellement du soutien financier du gouvernement fédéral par l'entremise du ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement pour ces travaux.
Avant de céder la parole à mes collègues de Birmanie qui travaillent dans le domaine des soins de santé, j'aimerais prendre quelques instants pour tenter de résumer l'histoire, le contexte actuel et les points essentiels à considérer pour aller de l'avant.
Je décris souvent la Birmanie comme un pays qui est le théâtre d'une double lutte : la lutte pour la démocratie et la lutte pour les droits ethniques. La lutte pour la démocratie est celle dont on entend parler dans les médias. C'est celle qui est dirigée par Aung San Suu Kyi, dont bon nombre d'entre vous ont certainement entendu parler. Au cours des trois ou quatre dernières années, nous pouvons affirmer que des progrès ont été accomplis afin de passer d'une dictature militaire à une démocratie, même si je décrirais le gouvernement actuel de Birmanie comme étant quasi civil, puisque 25 p. 100 des sièges du Parlement sont réservés aux officiers militaires en service actif en vertu de la constitution et que la plupart des autres sièges sont occupés par des hommes qui ont quitté l'armée juste avant les élections.
Mais la deuxième lutte est au cœur de 60 ans de conflit et est trop souvent oubliée. Il s'agit de la lutte pour que les communautés ethniques de Birmanie obtiennent le respect et une certaine forme d'autonomie gouvernementale. Les groupes ethniques constituent 40 p. 100 de la population; c'est donc une part considérable du pays. Le général Aung San, le père d'Aung San Suu Kyi, a compris que cette nation, rafistolée ensemble par les colonies britanniques, ne survivrait que si les groupes ethniques non birmans acceptaient d'en faire partie.
En 1947, juste avant l'indépendance, le général Aung San a tenu une conférence et réuni les gens afin de convenir d'une structure fédérale pour cette nouvelle nation. Mais quelques mois plus tard, lui et plusieurs autres dirigeants ont été assassinés. Ainsi, quand elle a acquis l'indépendance, la Birmanie est devenue un pays centralisé dominé par l'ethnie birmane.
Depuis lors, divers régimes ont justifié le gouvernement militaire en indiquant que c'était le seul moyen de maintenir l'intégrité du pays. Ils ont recouru à des campagnes brutales pour tenter d'étendre leur souveraineté jusqu'aux frontières. Ils considéraient que les villages ethniques devaient être conquis et contrôlés, et que leurs populations devaient être soumises et ce qu'on appelle « birmanisées » en vertu d'un plan d'assimilation dont l'objectif consistait à ce que tous parlent birman et soient de préférence bouddhistes.
Les campagnes militaires ont suscité une résistance tant non violente qu'armée. Comme les offensives militaires devenaient plus brutales, la résistance n'en est devenue que plus déterminée. Les villageois se sont cachés dans les collines plutôt que de se soumettre au contrôle militaire, pendant que des groupes ethniques se ménageaient de grands territoires et y instauraient leurs propres gouvernements régionaux, des services sociaux et une société civile active. Au fil des ans, de nombreux cessez-le-feu ont été décrétés, mais en l'absence de dialogue politique, ils n'ont pas duré.
Aujourd'hui, en Birmanie, la guerre fait toujours rage dans les États de Kachin et de Shan, alors que des cessez-le- feu sont en vigueur ailleurs. Un sentiment anti-musulman s'est rapidement répandu, ce qui a aussi suscité des violences. Le conflit a forcé le déplacement d'un quart de million de personnes au cours des trois dernières années. Je vais le répéter, car je crois que c'est très important. Nous pensons que ces trois dernières années, la Birmanie a vu poindre une sorte de printemps birman en raison de la transition vers la démocratie, mais un quart de million de personnes ont été déplacées pendant cette période, lesquelles s'ajoutent aux centaines de milliers de déplacés dans le monde et aux personnes qui ont fui le pays.
On espère toutefois que les pourparlers qui ont lieu actuellement dans le cadre du cessez-le-feu débouchent sur un cessez-le-feu national qui pourrait mener à un dialogue politique. Il est cependant très difficile pour les villageois d'espérer que ces échanges soient différents des précédents, surtout quand ils voient les troupes du gouvernement en profiter pour approvisionner, renforcer et agrandir leurs bases.
La société civile n'attend pas de voir comment ces pourparlers progresseront. Les groupes avec lesquels nous travaillons participent activement à l'élaboration de politiques et à un processus dans le cadre duquel on envisage de façons pratique et stratégique les étapes nécessaires pour favoriser l'établissement d'une démocratie inclusive.
J'espère que je vous ai donné une idée de la raison pour laquelle il est si crucial que nous parlions des groupes ethniques quand on discute de la Birmanie afin de les inclure dans tous les espoirs de paix et de démocratie durables en Birmanie. Le Canada devrait être fier du rôle qu'il a joué. Ce rôle est essentiel pour soutenir la société civile au sein des communautés ethniques et entre ces dernières. Nous considérons qu'à l'avenir, il faut que l'analyse de ce conflit continue de faire partie intégrante de la politique étrangère évolutive du Canada à l'égard de la Birmanie.
Dre Cynthia Maung, directrice, Clinique Mae Tao, à titre personnel : Je suis la Dre Cynthia Maung, professionnelle de la santé travaillant depuis 20 ans auprès des groupes ethniques dans les divers États ethniques de Birmanie et auprès des populations déplacées et touchées par le conflit. En raison du réseau de santé centralisé, des conflits armés et de la discrimination, la Birmanie est un des pays de la région où la situation est la pire au chapitre des soins de santé et des droits de la personne. Quand j'ai commencé à travailler à la frontière il y a 20 ans, près de 90 p. 100 des femmes accouchaient à la maison avec l'aide de sages-femmes sans formation. Depuis notre arrivée à la frontière, nous formons des travailleurs de la santé et des sages-femmes au sein de la communauté, et nous continuons d'offrir des services aux gens, sans quoi ils n'ont pas accès aux services de santé du gouvernement.
Le conflit fait rage, mais nous pouvons réunir de nombreux groupes ethniques pour qu'ils aient accès à de meilleurs soins de santé, et pour améliorer la coordination et le réseautage entre les diverses communautés.
En 2000, nous avons établi un réseau d'organismes de santé ethniques afin de développer le système de santé. Le groupe de travail sur le système d'information sur la santé a été mis sur pied, et depuis, nous pouvons mieux uniformiser et coordonner la prestation de soins de santé, et surveiller les effets de nos services de santé. Nous formons des travailleurs de la santé à divers niveaux afin de fournir différents types de soins. L'Équipe mobile de travailleurs de la santé travaille dans les régions touchées par le conflit les plus éloignées, prodiguant des soins surtout dans les villages. Quant à l'Association médicale birmane, elle fournit du soutien technique et de la formation continue, et surveille les effets des résultats sur la santé.
Divers groupes ethniques ont pris les politiques en main, et la coordination et l'uniformisation de la santé contribueront à l'élaboration de politiques et permettront de mieux comprendre en quoi consiste un système de prestation de soins de santé approprié sur les plans culturel, social et économique dans la région frontalière.
Avant 2012, il n'y avait aucun lien entre le système de santé du gouvernement birman et le système de santé ethnique. Au cours des 20 dernières années, nous avons formé plus de 4 000 travailleurs de la santé qui ont eu accès à plus d'un demi-million de personnes afin d'offrir de meilleurs services de soins aux mères et aux enfants. Nous fournissons des soins de maternité ainsi que des activités de promotion de la santé publique, comme la promotion de la santé à l'école et des programmes sur l'eau et l'assainissement. Nous continuons également de nous occuper des besoins et des plans de la communauté pour appuyer les services de santé de base.
Ces 20 dernières années, l'établissement de partenariats nous a permis d'avoir de meilleures occasions. Depuis 2012, avec le cessez-le-feu entre le gouvernement birman et les groupes ethniques, nous avons pu tenir plus de réunions et établir certains rapports avec les services ou les responsables des soins de santé du gouvernement, mais le système centralisé du gouvernement ne pouvait prendre de décision dans les États. Les organisations de santé ethniques ont rencontré les gouvernements des États à plusieurs reprises pour discuter de la future politique sanitaire et du système de santé. Le système très centralisé les empêche toutefois de prendre des décisions. Parallèlement, un plus grand nombre de communautés internationales ont accès aux frontières, mais comme elles n'ont pas consulté les organisations de santé ethniques ou tenu compte des installations sanitaires existantes, la situation a empiré parce que les services se chevauchent et que de nombreux programmes verticaux ne conviennent pas à notre situation.
Nous allons continuer de travailler pour assurer l'uniformisation et la coordination entre nous, et nous consulterons les diverses communautés et les groupes ethniques pour avoir de meilleures occasions. Cela favorisera la paix, et contribuera à renforcer le sentiment d'appartenance et à habiliter les organisations de la société civile. L'aide que le Canada nous a apportée au cours des 15 dernières années nous a été cruciale. Elle a permis de renforcer la capacité des travailleurs de la santé, d'améliorer l'accès à des soins de santé de qualité et d'adopter une approche plus neutre et exhaustive afin de promouvoir les soins de santé pour la population.
Saw Nay Htoo, directeur de programme, Association médicale birmane, à titre personnel : Bonjour à tous. Je suis honoré de témoigner aujourd'hui afin de vous exposer notre processus d'élaboration de politiques. Je m'appelle Saw Nay Htoo, directeur de programme à l'Association médicale birmane. Nous sommes membres du groupe central de convergence de la santé représenté ici aujourd'hui.
Comme on l'a déjà indiqué, la Birmanie a un système de santé centralisé principalement présent dans les régions centrales et urbaines. C'est un des pires systèmes au monde. Actuellement, nos organisations de santé ethniques élaborent ensemble une politique pour déterminer comment nos systèmes de santé locaux s'intégreront à la future union fédérale de Birmanie.
Même si on tient un dialogue politique pour s'attaquer aux causes fondamentales de la guerre civile, l'autonomie ethnique n'a pas encore vu le jour. Les organisations de santé birmanes étudient les autres pays fédéraux pour trouver leur propre solution. Celle que nous proposons pour la convergence de notre système de santé en une structure nationale repose entièrement sur la décentralisation. Nous sommes ici principalement pour étudier le système de santé du Canada et pour voir la mesure dans laquelle les pouvoirs sont décentralisés et délégués aux provinces et aux régions.
D'ici à ce qu'un accord politique puisse être conclu en Birmanie et que l'ensemble de la population et des structures sociales puissent être représentés sous un seul gouvernement, nous demandons que l'aide au développement international soutienne les structures sociales des deux côtés du conflit. Cela peut aider à renforcer la confiance des deux côtés au cours du processus de convergence en vue d'une paix durable en Birmanie. Cela appuiera également des soins de santé efficaces et viables.
Nous apprécions l'aide que le Canada a fournie pour l'élaboration de nos systèmes dans le passé. Nous espérons qu'il continuera d'appuyer les démarches visant à assurer une paix et des soins de santé durables. Merci.
[Français]
La sénatrice Fortin-Duplessis : Soyez les bienvenus à notre comité, et merci pour vos présentations. Ma question s'adressera à la Dre Maung et à M. Saw Nay Htoo. Je voudrais vous poser des questions sur les conditions médicales précaires en Birmanie.
Tantôt, Mme Wolsak a mentionné qu'il y avait eu des progrès pour ce qui est des accouchements, parce que vous avez formé des sages-femmes. Êtes-vous au courant que les autorités birmanes ont expulsé Médecins sans frontières il y a quelques semaines et que la Croix-Rouge a dû retirer 300 membres de son personnel? Dans quelle mesure cela complique-t-il l'offre de soins de santé aux populations locales qui en ont grandement besoin?
[Traduction]
Dre Maung : Comme je l'ai indiqué plus tôt, nous avons formé 4 000 travailleurs de la santé, tous issus de la communauté, qu'il s'agisse des sages-femmes ou des travailleurs de la santé communautaires. Maintenant qu'ils ont été formés, nous continuons de surveiller et de superviser les services qu'ils prodiguent. Cela renforce le système de soins de santé communautaire. Nous avons expliqué à la communauté internationale, aux ONGI et au gouvernement qu'il existe une infrastructure et un système de santé, et qu'il s'agit d'un processus d'autonomisation continu. En outre, aucune barrière linguistique n'entrave le travail au sein de la communauté, et puisque ces travailleurs vivent depuis longtemps dans la communauté, cette solution est plus viable sur les plans géographique et économique. Nous avons là une belle occasion de travailler avec le système de soins de santé birman. Les services de soins de santé primaires et la formation des travailleurs de la santé doivent cadrer avec les besoins locaux.
Nous sommes ravis d'assurer la coordination avec un grand nombre d'ONG et de travailleurs de la santé internationaux afin de tenir compte du système de soins de santé existant, lequel s'est bâti au cours des 20 dernières années. C'est absolument crucial pour nous, car les travailleurs de la santé qui ont été formés ont eu des effets substantiels sur la communauté. Comme je l'ai souligné précédemment, nous formons des sages-femmes. Bien des femmes accèdent aux soins de santé par l'entremise des sages-femmes qui œuvrent dans la communauté, et près de 70 p. 100 des femmes accouchent maintenant avec l'aide de sages-femmes ayant reçu une formation. Nous devons encore envoyer des patients à l'hôpital quand ils ont besoin de soins de santé plus spécialisés; il nous faut donc renforcer le système de recommandation, et améliorer les connaissances et les compétences. C'est pour nous une bonne occasion de réunir les travailleurs de la santé pour améliorer la normalisation et la coordination du système de soins de santé. Nous devons soutenir les services de soins de santé dans la communauté.
[Français]
La sénatrice Fortin-Duplessis : D'après ce que je comprends, vous n'aviez pas plus besoin de Médecins sans frontières que de la Croix-Rouge; vous avez donc d'autres organismes internationaux et gouvernementaux qui vous aident. J'aimerais savoir s'il y a des régions où il n'y a pas encore de soins de santé. Vous avez formé beaucoup de sages-femmes pour faire les accouchements, mais il n'y a pas que cela dans les soins de santé. Qui s'occupe des chirurgies, des maladies qui sont très graves, comme la dengue ou autres? Ce n'est sûrement pas que les sages-femmes qui peuvent s'occuper de cela?
[Traduction]
Gary Rozema, coordonnateur de programme, Centre de secours birman, à titre personnel : Le retrait de MSF et du CICR s'est surtout fait dans l'État de Rakhine. Les groupes représentés aujourd'hui travaillent essentiellement dans l'Est de la Birmanie, alors que l'État de Rakhine se situe à l'Ouest, près du Bangladesh. Ces ONGI œuvraient dans des régions contrôlées par le gouvernement, où on a besoin d'aide. C'est important, mais ces régions diffèrent de celles dont la Dre Maung a parlé.
Le sénateur Oh : Ma question s'adresse à la Dre Maung. Du grand nombre de gens qui affluent vers votre clinique chaque jour, j'imagine que ceux qui font partie des minorités ethniques sont plus vulnérables et davantage touchés par les troubles sociaux, comme ceux des minorités kachin, rohingya musulmane, shan, karen et lahu. Pourriez-vous nous donner des statistiques sur les origines des patients qui fréquentent votre clinique? Considérez-vous que la situation s'améliore ou empire au fil du temps?
Dre Maung : Dans l'État ethnique, l'organisation de santé ethnique ou l'Équipe mobile de travailleurs de la santé fournissent des services; nous continuons de surveiller ces services et d'évaluer les effets des programmes sanitaires. Comme je l'ai indiqué plus tôt, par le passé, les femmes accouchaient à la maison avec l'aide de sages-femmes sans formation. Les femmes ont maintenant accès à des soins obstétricaux d'urgence et aux services de soins de santé de base pour la mère et l'enfant. À la clinique, nous offrons des soins primaires et secondaires, mais pour ce qui est des soins tertiaires, nous devons encore envoyer à l'hôpital les femmes qui ont besoin d'une césarienne ou de soins plus intensifs. Cela nous donne l'occasion de renforcer notre partenariat avec le gouvernement des deux côtés de la frontière, car la frontière avec la Thaïlande est longue dans l'Est de la Birmanie. Nous envoyons beaucoup de patientes en Thaïlande, car les femmes peuvent y accéder à des soins obstétricaux d'urgence. Nous voudrions envoyer un plus grand nombre de femmes vers les installations de santé du gouvernement, qui peuvent prodiguer des services obstétricaux d'urgence et des soins néonataux. Nous sondons régulièrement les clients, et nous constatons qu'il est encore difficile d'accéder aux installations de santé du gouvernement actuellement en raison des obstacles linguistiques, des coûts et des problèmes de transport. Voilà pourquoi nous devons continuer d'offrir ou d'agrandir les installations de santé existantes, lesquelles sont accessibles et abordables pour la population locale.
Le sénateur Oh : Est-ce que les Nations Unies ou d'autres pays vous aident? Je sais que vous recevez énormément de patients chaque jour. Vous avez besoin de financement et d'autres ressources.
Dre Maung : Au cours de la dernière année, nous avons formé des travailleurs de la santé. Nous en avons formé plus de 4 000. Du côté thaïlandais de la frontière, nous avons mis au monde plus de 3 000 bébés. Dans les États ethniques, nous avons enregistré plus de 8 000 naissances avec l'aide des sages-femmes en 2013. Nous continuons donc de fournir les services essentiels, sinon les femmes n'ont pas accès aux services de santé maternelle et infantile. Il nous faut élargir le soutien et le système de surveillance, et renforcer le réseau de santé existant, ce qui comprend notamment la gestion de l'information, les pharmacies et les médicaments essentiels, en plus d'assurer la formation continue des travailleurs de la santé. Il faut donc que nous continuions à recevoir du soutien.
Le sénateur Oh : D'où vient votre financement? Qui vous aide?
Dre Maung : Nous bénéficions du soutien des gouvernements du Canada et des États-Unis, ainsi que de certaines ONGI des Pays-Bas ou d'autres pays européens. En 2015, les contrats avec de nombreux bailleurs de fonds internationaux viendront à échéance; nous voudrions donc continuer de soutenir des services de base essentiels.
Le sénateur Downe : Dans votre exposé, vous avez parlé du Parlement et des sièges réservés aux militaires et aux ex- militaires qui ont quitté l'armée pour servir le pays.
Je me demande, dans l'ensemble, de quelle liberté la société civile dispose. Est-elle soumise à une pression considérable? Cette pression a-t-elle augmenté ou diminué par suite des changements intervenus ces trois dernières années? S'est-il produit un changement notable?
M. Rozema : Je pense que la société civile jouit d'un peu plus de liberté, particulièrement en ce qui concerne les médias. Cette évolution s'est toutefois surtout manifestée à Yangon, ou Rangoon, l'ancienne capitale. Certains considèrent qu'il s'agit plutôt d'un effet de bulle, dont le gouvernement quasi civil se sert pour faire étalage de ces libertés.
La situation est toutefois très différente dans d'autres régions du pays, comme dans les capitales d'États ethniques, où il y a moins de contrôle civil et plus de contrôle militaire. Évidemment, le contrôle est entièrement militaire dans les régions où le conflit perdure.
Le phénomène s'observe également dans les médias. Par exemple, à Yangon, les médias birmans sont assez libres d'écrire sur de nombreuses questions, y compris la corruption du gouvernement et des sujets semblables. Par contre, dans les États ethniques, les médias ethniques, karen ou shan sont soumis à un peu plus de restrictions. La situation est donc un peu différente.
Récemment, même à Yangon, on a assisté à un léger retour en arrière, même chez les médias. Quelques journalistes ont été arrêtés dernièrement, et des journalistes étrangers ont été expulsés du pays. On craint donc un recul à cet égard.
Le sénateur Downe : Les médias dont vous parlez sont-ils indépendants ou appartiennent-ils à des sociétés? Appartiennent-ils à une seule personne? Combien de personnes en sont-elles propriétaires?
M. Rozema : Avant l'élection de 2010 et l'avènement du nouveau gouvernement civil, les médias appartenaient surtout au gouvernement. Depuis lors, les autorités ont autorisé la formation de nombreux médias privés. Au cours des trois dernières années, les médias se sont beaucoup libéralisés, particulièrement à Yangon. Les autorités ont même donné le feu vert aux journaux quotidiens. La concurrence a été féroce, et bien des médias privés ont fermé leurs portes. Le gouvernement a alors renforcé ses propres médias en leur octroyant des fonds. Il est beaucoup question des « amis du régime » en Birmanie quand on parle des hommes d'affaires qui ont des liens avec le gouvernement ou les généraux au pouvoir précédemment et qui bénéficient de nombreuses occasions d'affaires. Ces prétendus amis du régime achètent un grand nombre de médias privés et commencent à dominer les médias à Yangon. Ce phénomène ne se manifeste pas encore dans les régions ethniques.
La sénatrice Ataullahjan : Quand on parle de la Birmanie, il est invariablement question du sort des musulmans rohingya et des violations des droits de la personne commises à leur endroit. Notre ministre des Affaires étrangères a dénoncé la situation avec vigueur. La Birmanie a récemment créé une commission des droits de la personne. Connaissez-vous cette institution et savez-vous si elle est efficace?
Mme Wolsak : Je pourrais répondre ou tenter de commencer à répondre à cette question. Nous ferions brièvement remarquer que nous sommes nous aussi horrifiés par ce qui arrive aux musulmans rohingya et nous voulons insister sur le fait que le problème est encore plus large que cela. Le sentiment est devenu carrément anti-musulman et s'étend aux autres États. C'est un symptôme des politiques de discrimination et d'oppression que nous observons depuis de nombreuses années en Birmanie. Il s'agit d'un autre groupe pris à parti à l'heure actuelle.
Pour ce qui est de la commission des droits de la personne, certains de nos partenaires ont tenté de joindre cette commission pour lui demander de faire enquête sur des violations des droits de la personne, et ces démarches qui n'ont pas été très loin. La commission est dirigée exactement par les mêmes personnes qui ont défendu les actes du régime militaire devant les Nations Unies. L'institution telle qu'elle est actuellement ne suscite pas beaucoup d'espoir, mais des gens sont en train d'essayer d'entrer en relation avec elle pour amorcer un changement.
La sénatrice Ataullahjan : Je voulais poser une question au sujet de la clinique Mae Tao. Vous disposez d'une salle d'hospitalisation où vous prodiguez des soins génésiques, et il semble qu'un grand nombre de patients que vous recevez sont des travailleurs migrants. Combien de cas traitez-vous habituellement par année? Combien de temps les patients restent-ils à la clinique?
Dre Maung : Près de la moitié de nos patients sont des travailleurs migrants, mais l'autre moitié traverse la frontière de la Birmanie pour aller en Thaïlande, ce qui signifie qu'ils n'ont pas accès aux soins de santé en Birmanie; ils traversent donc la frontière. Quand nous effectuons notre sondage annuel auprès des patients, ces derniers nous indiquent qu'il leur est très difficile d'accéder aux services de santé ailleurs en raison des barrières linguistiques, du coût et du transport. Ce sont là les trois principaux obstacles à l'accès aux services. Les gens franchissent donc la frontière de la Birmanie et restent là.
Les gens quittent la Birmanie pour se rendre en Thaïlande principalement pour se faire hospitaliser, car pour les services externes, ils se rendent dans des cliniques privées. Mais pour les hospitalisations, ils n'ont pas accès aux installations de santé du gouvernement.
La Birmanie a un hôpital de 50 lits, alors qu'en Thaïlande, l'hôpital du gouvernement comprend 400 lits. La clinique Mae Tao offre 200 lits. Nous traitons plus de 150 000 patients par année et nous en admettons plus de 12 000. La clinique est devenue un pont entre l'hôpital de Thaïlande et celui de la Birmanie. Même l'hôpital du gouvernement birman nous envoie des patients, particulièrement des cas néonataux ou obstétricaux d'urgence. Si ces cas ont besoin de traitements plus avancés, nous les transférons à l'hôpital de Thaïlande.
[Français]
Le sénateur Demers : Je vous remercie d'être ici aujourd'hui; c'est un plaisir de vous entendre. En 2015, la Birmanie aura des élections.
[Traduction]
Ces élections seront libres et justes. Que fait-on actuellement pour prévenir la fraude électorale? A-t-on pris des mesures à cet égard? 2015 s'en vient vite maintenant.
M. Htoo : Merci de la question. En 2015, des élections nationales auront lieu en Birmanie. Il ne reste pas beaucoup de temps d'ici la fin de 2014; nous n'avons que six mois. Au cours de cette période, la plupart des partis politiques, particulièrement la Ligue nationale pour la démocratie, dirigée par Aung San Suu Kyi, tenteront d'apporter une réforme constitutionnelle. C'est absolument crucial pour toute la Birmanie. Selon moi, sans une réforme constitutionnelle, la Birmanie ne changera pas parce qu'en vertu de la constitution, 25 p. 100 du Parlement est constitué de militaires qui, de par la loi, n'ont pas à se faire élire. Ils sont déjà là en vertu de la loi et de la constitution.
Ainsi, peu importe ce qu'on fait de la constitution au Parlement, il est très difficile de changer les choses. Je pense que les partis politiques ont un défi de taille à relever avec la réforme constitutionnelle. Ils doivent mettre l'accent sur cette réforme en premier. Même la date de l'élection nationale de 2015 n'est pas encore confirmée; nous ne savons pas vraiment ce qu'il en est.
Le sénateur Demers : Merci.
La présidente : Madame Wolsak, j'aimerais revenir à ce que vous avez dit au sujet du problème des minorités, et pas seulement dans une région. Il existe une opinion généralisée au sujet des minorités et de la manière de les traiter.
Considérez-vous que cette opinion a une origine sociologique? Est-elle plutôt attribuable au fait qu'il s'agit d'une société fermée où l'information était contrôlée? Faudrait-il de tenter d'exposer la société birmane aux efforts que déploient les défenseurs des droits de la personne et la communauté internationale pour faciliter les choses?
Mme Wolsak : Je conviens parfaitement avec vous que le régime militaire a pendant longtemps contrôlé étroitement l'information, ce qui a engendré et, dans certains cas, inspiré la discrimination. Comme il a agi ainsi pendant des décennies, il faudra beaucoup de temps pour commencer à éliminer les préjugés bien enracinés et pour renforcer la confiance. C'est un problème que bien des gens ici ont mentionné au fil du temps.
Une bonne partie de nos travaux s'effectuent dans divers secteurs, comme je l'ai souligné, mais nous nous efforçons principalement de réunir les gens pour travailler dans des coalitions comprenant divers groupes ethniques pour tenter de favoriser la confiance et la compréhension. Ce sera un travail de longue haleine.
La présidente : Je vous pose la question parce qu'on dit souvent qu'un pays qui veut faire partie d'une société démocratique devrait adhérer aux normes internationales et à la déclaration des Nations Unies. Mais il me semble que pour la Birmanie, qui comprend une classe de gens fort instruits, mais qui ne se parlent pas, notre stratégie en matière de droits de la personne devrait peut-être être différente et tenir compte du besoin d'information et du fait qu'il faut renseigner la population sur les options qui s'offrent à elle pour vivre dans une société plus diversifiée.
Mme Wolsak : Je serais d'accord avec vous. Il faut montrer de façon pratique ce que c'est que de vivre dans un pays très diversifié. La Birmanie pourrait tirer des leçons du Canada.
Je pense toutefois qu'il peut être un peu difficile du point de vue technique d'aller donner de la formation sur les droits de la personne, particulièrement aux Birmans qui vivent au centre du pays. Cette démarche pourrait avoir certains effets bénéfiques, mais il faudra vraiment beaucoup plus de temps et de collaboration avant que les effets ne se fassent sentir.
La présidente : Dois-je comprendre alors que la formation sur les droits de la personne peut s'avérer utile, mais qu'il faut vraiment commencer à s'attaquer aux problèmes de gouvernance et à d'autres questions afin de voir comment on peut offrir des services à toutes les communautés? De plus, comment peut-on faire participer les gens aux structures de gouvernance?
Mme Wolsak : Je suis certainement d'accord avec vous à cet égard. Je pense que Gary voudrait ajouter quelque chose.
M. Rozema : En effet. Je voudrais simplement répéter ce que Saw Nay Htoo a affirmé dans son exposé : il y a deux populations en Birmanie, où les groupes ethniques forment environ 40 p. 100 de la population. Ces groupes ont constitué leurs propres structures sociales, en ce qui concerne notamment la santé, l'éducation, les organisations de droits de la personne et les organisations de femmes. Je pense que peu importe ce que le Canada et d'autres pays feront en Birmanie, ils doivent vraiment travailler avec les deux communautés, des deux côtés du conflit, afin de les aider à converger, comme on l'a dit, et à combler les fossés. Si la communauté internationale travaille avec un seul côté, cela perpétuera l'impression qu'a la partie adverse qu'on cherche encore à la dominer. Cela ne favorisera pas la paix et la confiance.
[Français]
Le sénateur Robichaud : Je vois sur mon iPad que les moines bouddhistes sont très actifs. Ont-ils beaucoup d'influence auprès du gouvernement? Ont-ils une influence sur votre travail? Vous aident-ils ou ne font-ils que vous tolérer? Quel rôle jouent-ils?
[Traduction]
M. Rozema : C'est à titre de Canadiens que je donne mon avis à ce sujet. En Birmanie, les moines bouddhistes ont traditionnellement une grande influence et occupent des positions de leadership au sein des communautés bouddhistes. Les enseignants ont souvent participé aux luttes politiques par le passé; c'est donc ce qui se passe partout où on pratique la religion bouddhiste au pays. La Birmanie comprend une population chrétienne et musulmane importante.
La Birmanie compte également la population rohingya, qui se trouve principalement dans l'État occidental de Rakhine. Initialement, les gens croyaient que le conflit concernait les Rohingya et le statut de citoyen, mais force nous est de constater que ce conflit s'est étendu dans le reste du pays et est en fait un sentiment anti-musulman. Un groupe appelé le mouvement 969 a vu le jour, lequel est formé de moines plus radicaux qui diffusent un message très nationaliste, pas seulement religieux, mais qui indique essentiellement que les Birmans sont bouddhistes, ne parlent qu'une langue, ne constituent qu'une race et n'ont qu'une nationalité. Voilà qui est dangereux pour tous les groupes ethniques.
Il convient de se demander comment ce groupe peut être actif à l'échelle nationale. Comment a-t-il pu étendre ses tentacules dans l'ensemble du pays? Qui a pu lui donner les ressources pour y parvenir? Il n'y a que deux organisations qui peuvent le faire en Birmanie : l'armée et le gouvernement.
On se pose bien des questions à ce sujet. En outre, le président du Myanmar a récemment félicité le chef du 969, qui s'est érigé en modèle pour les chefs bouddhistes. Nombreux sont ceux qui se demandent si ce mouvement 969 est utilisé à des fins politiques, peut-être en vue des élections de 2015, afin de conforter la base électorale, voire défaire la Ligue nationale pour la démocratie, dirigée par Aung San Suu Kyi. Il existe bien des hypothèses à cet égard.
La présidente : C'est la sénatrice Fortin-Duplessis qui posera la dernière question.
[Français]
La sénatrice Fortin-Duplessis : Que peut faire le gouvernement du Canada pour promouvoir les droits humains en Birmanie?
[Traduction]
Dre Maung : Comme la Birmanie compte des groupes multi-ethniques de confessions différentes dans diverses régions géographiques, il faut combler adéquatement les besoins en services sociaux et en infrastructures, et assurer les droits de la personne fondamentaux que sont la santé et l'éducation. Il faut continuer de renforcer l'autonomie des communautés pour répondre aux besoins des gens sur le plan de la santé.
En outre, nous avons relevé de nombreux problèmes en ce qui concerne les droits de la personne. Au cours des 20 années de violations des droits de la personne, il y a eu des déplacements forcés, du travail forcé et de la destruction de nourriture à bien des endroits du pays, ainsi que les prisonniers politiques. Il faut qu'il y ait une réconciliation, car les gens se méfient les uns des autres et sont traumatisés, car ils vivent depuis longtemps sous l'oppression. Il faut donc intégrer de nombreux services d'aide psychosociale au système d'éducation, faire de l'éducation sur les droits de la personne dans les écoles, les installations de santé et les groupes médiatiques, et renforcer les organisations de la société civile pour promouvoir les droits de la personne.
[Français]
La sénatrice Fortin-Duplessis : Madame Wolsak, voulez-vous ajouter quelque chose?
[Traduction]
Mme Wolsak : Oui, merci. Je voulais souligner quelque chose dont il n'a pas été question : c'est le fait que la majorité des ressources naturelles du pays, lesquelles seraient bien entendu porteuses d'espoir de développement économique dans l'avenir, se trouvent dans les régions ethniques et sont une source importance de conflit. Comme l'exploitation des ressources tend à engendrer des violations des droits de la personne, la plupart des gens avec lesquels nous travaillons tendent à voir le mot « exploitation » d'un mauvais œil, l'associant étroitement à la contamination par des mines terrestres et aux violations des droits de la personne.
Ici encore, il faudra vraiment favoriser la paix dans les régions ethniques et entre ces régions et la région centrale pour qu'on puisse espérer accomplir cette transformation.
La présidente : Notre temps est écoulé.
Je vous remercie d'avoir comparu alors que nous étudions la région de l'Asie-Pacifique, en accordant un intérêt particulier à la Birmanie ou au Myanmar. Je tiens à remercier la Dre Maung et tous ceux qui travaillent sur le terrain dans le domaine médical. Nous entendons souvent parler de politique et d'économie, mais vous nous avez informés du travail précieux que vous accomplissez sur le terrain en travaillant avec tous les gens que vous devez servir. J'ai beaucoup aimé que vous fassiez remarquer que ceux qui font appel à vos services le font en raison d'un besoin, auquel vous vous efforcez de répondre, et c'est extrêmement important.
Merci de nous avoir révélé cette facette de la Birmanie. Je vous suis reconnaissante d'avoir témoigné en temps opportun pour que nous puissions vous entendre personnellement dans le cadre de notre étude.
Mesdames et messieurs, nous levons la séance et reprendrons nos travaux la semaine prochaine.
(La séance est levée.)