Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Affaires étrangères et du commerce international
Fascicule 22 - Témoignages du 19 février 2015
OTTAWA, le jeudi 19 février 2015
Le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international se réunit aujourd'hui, à 10 h 30, pour étudier des questions qui pourraient survenir occasionnellement se rapportant aux relations étrangères et au commerce international en général (sujet : promotion du commerce).
La sénatrice A. Raynell Andreychuk (présidente) occupe le fauteuil.
[Traduction]
La présidente : Le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international est autorisé à étudier les questions qui pourraient survenir occasionnellement se rapportant aux relations étrangères et au commerce international en général.
La semaine dernière, dans le cadre de ce mandat, nous avons entendu la Chambre de commerce du Canada parler de promotion du commerce. Aujourd'hui, comme hier, nous poursuivons sur notre lancée. Nous sommes heureux d'accueillir Lorna Wright, directrice exécutive, Centre for Global Enterprise, Schulich School of Business, Université York; Laura Dawson, présidente, Dawson Strategic; bienvenue également à Chuck Cartmill, président-directeur général, fondateur et actionnaire majoritaire de LED Roadway Lighting Ltd., C-Therm Technologies Ltd. et EEDTech Ltd., Solar Global Solutions, qui se joint à nous par vidéoconférence, de Halifax.
Bienvenue à tous au comité. Nous cherchons à obtenir des renseignements et des conseils de votre part sur les questions de promotion du commerce, généralement parlant, c'est-à-dire les initiatives lancées par le gouvernement, les mesures prises par des associations, la façon dont nous pouvons améliorer notre avantage concurrentiel et les avantages et les obstacles que rencontre le Canada à l'heure actuelle.
Je vais vous laisser la parole dans l'ordre où vous apparaissez à l'ordre du jour, en commençant donc par Mme Lorna Wright. J'espère que vous avez tous de brèves remarques liminaires, après quoi mes collègues et moi aurons bien entendu des questions. Je pense que vous avez tous eu l'occasion, à un moment ou à un autre, de comparaître devant des comités de la Chambre ou du Sénat, si bien que notre façon de faire vous est familière. Encore une fois, bienvenue au comité. Madame Wright, à vous la parole.
Lorna Wright, directrice exécutive, Centre for Global Enterprise, Schulich School of Business, Université York, à titre personnel : Merci beaucoup, madame la présidente et membres du comité. Je vous remercie de me donner aujourd'hui l'occasion de donner mon avis sur les initiatives de promotion du commerce du Canada, ainsi que sur les mesures supplémentaires qui pourraient être utiles.
Je me placerai du point de vue des petites et moyennes entreprises et j'aimerais, dans le temps dont je dispose, aborder 12 points, si bien que je risque de devoir parler vite. Tout d'abord, une bonne part de ce que j'ai lu sur la promotion du commerce semble reposer sur un présupposé implicite, à savoir qu'il est uniquement question d'exportations. J'aimerais souligner, quant à moi, que cela va dans les deux sens : importations et exportations, car de plus en plus, de nos jours, il s'agit de faire partie de la chaîne de valeur mondiale. Nous devons suivre de plus près cet aspect. Il faut aider les sociétés canadiennes non seulement à s'intégrer à cette chaîne de valeur, mais aussi à perfectionner l'élaboration et la gestion de ces chaînes; c'est ce qui va devenir de plus en plus important à l'avenir. Nous voulons en effet progresser dans la chaîne de valeur, au lieu de stagner comme fournisseurs de premier niveau.
Parlons aussi des accords commerciaux. C'est une bonne façon d'encourager plus d'activités commerciales internationales, mais c'est seulement un départ. Les PME doivent être encouragées à profiter des occasions offertes par les accords, et le Service des délégués commerciaux est très utile à cet égard. Je suis heureuse de constater qu'on y consacre plus de ressources dans le cadre du PAMN. Les missions commerciales peuvent être utiles, surtout sous la houlette de hauts fonctionnaires, mais elles réalisent leur plein potentiel uniquement à certaines conditions : tout d'abord, il faut bien choisir les sociétés, pour qu'elles s'inscrivent dans l'objectif de la mission; il faut préparer les choses avant le départ; et il faut que les organisateurs de la mission assurent un suivi. C'est un point sur lequel je ne saurais trop insister : le suivi est essentiel. Une mission ne devrait pas être un effort isolé; elle devrait s'inscrire dans une stratégie pour le pays ou la région.
Où que ce soit dans le monde, on ne conclut pas une entente commerciale du jour au lendemain; elle repose forcément sur des liens.
Je suis heureuse aussi de voir plus d'accent sur la marque Canada. L'existence de missions commerciales, provinciales et municipales, sans parler de bureaux commerciaux, partout dans le monde, laisse parfois nos interlocuteurs perplexes. On le constate, en particulier, dans le secteur de l'éducation, quand on s'efforce de promouvoir nos établissements d'enseignement auprès d'étudiants de par le monde. La question revient sans arrêt : l'Ontario, c'est quoi? La Saskatchewan, c'est quoi? La marque Canada est donc très importante, mais c'est plus facile à dire qu'à faire.
Autre chose dont je voudrais parler : une tendance trop fréquente à mesurer le succès par l'activité plutôt que par les réussites. On a tendance, par exemple, à voir dans la participation à un séminaire ou à un atelier une preuve suffisante, au lieu d'approfondir la question pour déterminer si on a bien atteint les PME que l'on visait et non pas simplement l'écosystème des fournisseurs de services aux PME. Il faut veiller à utiliser des paramètres plus significatifs.
Fournir une feuille de route aux PME qui se lancent dans le commerce international serait également extrêmement utile — un guichet unique ou un service de guide-expert. Il y a énormément de renseignements, provenant de toutes sortes de sources. Le résultat est que les PME ne savent pas par où commencer ni quelles questions poser. Même celles qui ont une certaine expérience ont des difficultés à s'orienter parmi toutes les sources possibles. En Ontario, le Forum Canada-Ontario sur l'exportation commence à aplanir les difficultés pour les sociétés ontariennes, mais il faut aller plus loin. Autre manifestation du problème : il y a trop d'entités s'attachant à différents éléments de la question, sans savoir quels services offrent leurs consœurs, même s'ils sont complémentaires — un effet de silo. De ce fait, les PME ne sont pas orientées comme elles devraient l'être et n'ont pas un portrait complet de la situation. Elles doivent se débrouiller par elles-mêmes, si bien qu'elles finissent souvent par abandonner.
Souhaitant remédier un peu au problème, mon centre, le Centre for Global Enterprise de la Schulich School of Business organise, la semaine prochaine, une réunion à laquelle sont invitées une bonne part des entités de l'écosystème. Il nous faut accroître la mise en commun du savoir, la collaboration et la coordination entre les divers organismes. Parlant de silos, nous devons solliciter plus systématiquement les associations d'entreprises appartenant à des membres de communautés ethniques dans le cadre de nos efforts. Ces organisations ont en effet des liens avec les marchés auxquels nous nous efforçons d'avoir accès; elles ont des connaissances qu'elles peuvent partager sur la pratique des affaires, la langue et les coutumes, ce qui pourrait être très utile. La Fondation Asie-Pacifique du Canada a publié, il y a 20 ans environ, un rapport intitulé Canada's Hidden Advantage portant justement sur cette question. Or, je ne pense pas que les choses se soient beaucoup améliorées dans les deux décennies s'étant écoulées depuis.
Nous devrions également lier plus étroitement le Programme d'immigration des gens d'affaires aux sociétés canadiennes souhaitant exporter. Nous devrions miser davantage sur le multiculturalisme dont nous sommes si fiers en tant que Canadiens, afin que chacun en tire avantage.
Un partenariat du gouvernement avec d'autres organisations du milieu des affaires qui se consacrent aux mêmes objectifs — par exemple, les MEC, l'Association canadienne des importateurs et exportateurs, la Chambre de commerce du Canada, les chambres de commerce, les conseils d'affaires ethniques, mon Centre for Global Enterprise — peut créer des synergies et permettre à des ressources limitées de rapporter plus. Le réseautage peut améliorer la portée et la fiabilité des solutions.
Dire que le milieu des affaires canadien est conservateur et qu'il évite le risque est quasiment un lieu commun. Or, le commerce international entraîne un risque, même si l'on peut le gérer. Il faut que les PME surmontent la peur, si elles veulent réussir sur la scène internationale. Je crois que nous allons entendre un représentant d'une PME qui nous dira comment il s'y prend.
Les PME doivent savoir comment gérer le risque. Formation, forums, séminaires et mentorat peuvent les y aider. Cela existe déjà et cela devrait être maintenu. Le Service des délégués commerciaux est une excellente ressource en la matière, mais on devrait proposer différents niveaux de séminaires, s'adressant aux personnes plus expérimentées, aussi bien qu'aux néophytes.
En tant que professeure de commerce, je me dois de rappeler qu'il faut s'attacher non seulement à la génération actuelle de gens d'affaires, mais à celle qui s'en vient, afin qu'elle soit équipée pour soutenir la concurrence internationale. Adoptons donc une vision d'avenir et faisons en sorte de mieux préparer la relève. Il serait bon d'établir des partenariats avec les universités et les collèges, afin de lier le présent à l'avenir. Permettez-moi de mentionner deux programmes qui travaillent à cela : le Forum pour la formation en commerce international, ou FITT, dont les cours sont offerts dans de nombreux collèges, et un programme de certificat en gestion du commerce et des investissements internationaux, parrainé par EDC et offert à Schulich. Mettre des PME en contact avec des étudiants en commerce ayant certains savoirs et certaines habiletés en matière de commerce international bénéficierait à la fois aux PME et aux étudiants, qui seraient embauchés pour certains projets comme stagiaires ou comme employés à plein temps.
Je voudrais parler également des obstacles au commerce interprovincial. Cela va en s'améliorant, mais nous risquons d'être bientôt dans une situation où il sera plus facile de commercer avec la Corée qu'entre l'Ontario et la Colombie-Britannique. Outre les accords commerciaux que nous signons avec d'autres pays et régions, nous nous devons de déployer des efforts pour éliminer les obstacles au commerce au sein de notre pays.
J'aurais encore beaucoup à dire, mais je vais en rester là. Je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de témoigner et je souhaite souligner qu'il est vraiment réconfortant de voir le commerce revenir au premier plan des préoccupations des décideurs. Je vous remercie.
La présidente : Merci, madame. Vous avez certainement exploité au mieux le temps dont vous disposiez, ce dont je vous remercie. Nous allons maintenant laisser la parole à Mme Dawson.
Laura Dawson, présidente, Dawson Strategic, à titre personnel : Bonjour, sénatrice Andreychuk, et merci à tous de votre invitation. Je suis ravie de comparaître à nouveau devant le comité. J'ai l'impression d'être une amie de longue date, parce que mon bureau est à trois coins de rue. Mais j'espère quand même vous apporter de nouveaux éléments de réflexion.
Quand on m'a demandé de venir parler de promotion du commerce, il m'est venu à l'esprit toute une gamme de sujets, mais le premier a été les PME, les petites et moyennes entreprises. Fort heureusement pour nous, Mme Wright nous a présenté un survol exhaustif des rouages eux-mêmes, si bien que je suis en mesure, quant à moi, de vous raconter des histoires.
J'ai été professeure de commerce international, avant de travailler pour le gouvernement — le mauvais gouvernement. J'étais canadienne, mais je travaillais du côté américain. J'ai ainsi eu le profond regret, par exemple, d'informer votre prochain intervenant, M. Cartmill, du fait qu'il tombait hélas sous le coup des règles Buy America. Désolée, Chuck. Et j'imagine que cela reste vrai.
Après avoir quitté le gouvernement des États-Unis, j'ai lancé une société qui aide les entreprises à régler les problèmes liés au marché transfrontalier et aux questions de réglementation. Je suis donc en contact avec les entreprises jour après jour. Hélas, ce n'est pas avec des petites entreprises que je suis en contact jour après jour, car elles sont bien trop occupées à fabriquer des choses, à gagner leur vie et à faire prospérer les affaires. Elles n'ont pas le temps de se frotter à des avocats, des lobbyistes et des experts-conseils, si bien que c'est par l'entremise de différentes associations avec lesquelles je travaille que je les rencontre. Je suis devenue une espèce de personne-ressource ou de « Chère Abby » pour beaucoup de questions liées au commerce. Permettez-moi de vous parler de certains des problèmes auxquels se heurtent les gens.
Tout d'abord, je crois pouvoir dire, sans exagérer, que j'en ai vraiment mon voyage des initiatives gouvernementales, notamment des initiatives fédérales qui affirment vouloir faire des PME une priorité absolue du programme commercial du Canada. Priorité, mon œil! Beaucoup de mots, peu d'action.
Certainement pas l'aide qu'il faudrait pour permettre aux entreprises de faire entrer et sortir leurs produits. Je vous donne l'exemple d'une entreprise avec laquelle je travaille : un fabricant ontarien de pièces pour des camions. Il fait venir les châssis, le gros du camion, des États-Unis. Il installe dessus des choses intéressantes, comme des systèmes de relevage hydraulique. Le plus grand problème dans tout ça, pour cette petite entreprise? Eh bien, c'est le fait qu'elle importe un véhicule des États-Unis comportant un indicateur de vitesse calibré en milles. On ne peut pas conduire un véhicule calibré ainsi au Canada, si bien que l'entreprise doit expliquer à la douane que le véhicule ne sera pas revendu au Canada, qu'elle se contente d'installer des éléments sur le châssis et de renvoyer le tout. Mais si c'est le cas, une entreprise doit acquitter de grosses sommes en TPS, comme si elle importait, avant de pouvoir peut-être récupérer ces montants un jour ou l'autre, avec un peu de chance. Cela crée donc un problème de trésorerie pour une petite entreprise disposant de liquidités limitées — un énorme problème, en fait, au caractère impondérable. Nous n'aidons pas une entreprise comme celle-là.
Voici un autre exemple. Prenez un fabricant de chapeaux de fourrure connaissant un certain succès, qui doit exporter ses chapeaux de Vancouver à des clients qui voudraient bien se les procurer aux États-Unis. Et je parle d'animaux à fourrure élevés en captivité dans le respect de toutes les règles de l'éthique, histoire de ne pas m'aventurer sur un terrain mouvant. Mais la personne ne peut plus envoyer ce produit par un poste frontalier terrestre proche de Vancouver, parce que le service américain de la pêche et de la faune ne peut plus y effectuer d'inspections. Le résultat? Elle doit expédier ses chapeaux de Vancouver à Seattle. Vous imaginez un peu les coûts supplémentaires et les complications que cela représente? Il n'y a rien d'étonnant alors à ce qu'elle s'abstienne purement et simplement d'envoyer ses chapeaux à des clients américains.
En fait, pour certaines entreprises, si un client appelle de l'étranger, notamment des États-Unis, autant raccrocher et dire non, histoire de s'éviter une masse de complications pour un bénéfice relativement limité. Nous poussons les petites entreprises à exporter, mais nous ne leur donnons pas le soutien dont elles ont besoin.
Il existe toutes sortes de sites web qui prétendent faire cela pour vous ou vous aider à le faire. J'en ai essayé plusieurs. Hier, j'ai parcouru le guide à l'exportation de l'Agence des services frontaliers du Canada. C'est un peu comme un guide d'une page sur la façon dont on devient astronaute, qu'aurait écrit Chris Hadfield : premièrement, obtenir un diplôme de second cycle en aéronautique, puis devenir pilote d'essai, puis apprendre à converser en russe et voilà, le tour est joué. Les exigences imposées à de petits importateurs et exportateurs sont d'un même ordre de grandeur. En plus, si vous exportez vers les États-Unis, votre client américain vous dira souvent qu'il n'a vraiment pas envie de s'occuper de toutes ces histoires de douanes, que c'est trop compliqué et qu'il préfère que vous lui envoyiez le tout devant sa porte. Si tel est le cas, une entreprise canadienne doit se familiariser également avec le système de douanes américain, devenir importateur officiel et faire toutes les démarches voulues du côté des États-Unis.
À quel organisme gouvernemental cette entreprise doit-elle s'adresser? J'en ai fait une liste, qui n'est même pas exhaustive. Si vous êtes un petit exportateur, vous devez traiter avec l'Agence des services frontaliers du Canada, l'Agence des douanes et du revenu, et peut-être même avec le MAECD ou l'ACIA ou les ministères des Finances, de l'Agriculture, des Ressources naturelles, des Pêches et des Océans, des Transports ou de l'Industrie — personne n'aide cette entreprise de façon globale, du moins pas au gouvernement du Canada.
J'aimerais que quatre choses soient mises en place. Premièrement, j'aimerais voir un point d'accès en ligne à guichet unique pour les petites entreprises, quelque chose de fonctionnel pour elles, quelque chose de mieux qu'un guide d'une page pour un voyage intergalactique.
Deuxièmement, j'aimerais qu'il y ait un ombudsman à qui on pourrait s'adresser quand on a un problème complexe mettant en cause l'agriculture, les aliments, l'étiquetage et la douane — quelqu'un en mesure de vous dire à qui parler et comment faire.
Troisièmement, j'aimerais beaucoup que le gouvernement travaille aux règles d'origine. La plupart des petits commerçants ne tirent pas parti des avantages que leur apportent ces formidables accords commerciaux négociés à grand-peine. Pourquoi? Parce qu'il est difficile de démêler les règles d'origine pour un produit complexe. D'où vient le produit? Du Canada, des États-Unis, de la Bulgarie ou de l'Autriche? Quel pourcentage représente la composante autrichienne? Quel pourcentage, la composante bulgare? On l'ignore, si bien que le petit commerçant ne tire pas parti des avantages que le gouvernement a négociés pour lui.
Quatrièmement, regardez donc de plus près la question de la TPS. Essayez de voir s'il n'y a pas une façon plus facile, plus globale d'aider nos petits commerçants qui font venir des pièces des États-Unis, ou d'ailleurs dans le monde, afin de fabriquer un produit au Canada, pour ensuite le réexporter. Ne les contraignez pas à laisser dormir dans les coffres du gouvernement des dizaines de milliers de dollars. Je vous remercie.
La présidente : Je donne maintenant la parole à M. Cartmill de Halifax. Je constate que l'accumulation de neige ne vous a pas empêché de venir vous entretenir avec nous. Bienvenue.
Chuck Cartmill, président-directeur général, fondateur et actionnaire majoritaire de LED Roadway Lighting Ltd, C- Therm Technologies Ltd et EEDTech Ltd, Solar Global Solutions : Madame la présidente, sénateurs et sénatrices, merci de me donner l'occasion de vous présenter mon point de vue sur la promotion du commerce. Permettez-moi tout d'abord de vous donner quelques détails sur mon cheminement et de vous parler un peu de la région de l'Atlantique. Il est bien connu que la population de notre région est en déclin et qu'elle est vieillissante, qu'elle n'attire pas les immigrants, que nos diplômés et nos gens de métier émigrent, alors que notre économie marque le pas. La seule solution est de procéder à la création d'entreprises durables tournées vers la croissance et l'exportation et qui créent des emplois solides et durables à long terme.
Je suis devenu entrepreneur et inventeur écologique sur le tard, car c'est à l'âge de 54 ans que j'ai lancé ma première entreprise de fabrication et d'exportation. Auparavant, j'étais propriétaire et exploitant de deux sociétés de commercialisation et de vente de produits techniques, l'une dans la région de l'Atlantique et l'autre à Toronto. C'est ainsi que j'ai réuni les fonds me permettant de me lancer dans la fabrication, ce que ma femme qualifie de « trou noir ou gouffre financier ».
En 2002, j'ai acheté un édifice vacant de 55 000 pieds carrés à Amherst, en Nouvelle-Écosse et je n'avais ni client, ni argent en banque, ni employés, et pas plus de financement de la part du gouvernement. J'ai démarré une entreprise de fabrication en sous-traitance, appelée C-Vision. En 2007, j'ai mis au point mon premier lampadaire DEL, et c'est ainsi que LED Roadway Lighting a vu le jour. En 2011, j'ai réuni ces deux entreprises sous l'appellation de LED Roadway Lighting Ltd, laquelle emploie entre 250 et 300 personnes, pour la plupart à Amherst, dans la région rurale de la Nouvelle-Écosse et pour le reste, à notre siège social et de recherche à Halifax.
Je suis fier de pouvoir dire que nous avons gardé et rapatrié des dizaines de diplômés de nos collèges et universités, deux d'entre eux étant mes propres fils, ce qui compte énormément quand ma femme fait le bilan des avantages et inconvénients des longues heures de travail, du travail autonome et des déplacements à l'échelle mondiale. Je marque encore plus de points, maintenant que nos petits-enfants habitent à quelques pâtés de maisons de chez nous.
LED Roadway Lighting emploie des travailleurs qui viennent du Mexique, du Royaume-Uni, des États-Unis, du Brésil, d'Afrique, de la Nouvelle-Zélande, du Venezuela et des Philippines, et pour la plupart, ils travaillent à Halifax. J'ai également fondé C-Therm, Solar Global Solutions et EED Tech Ltd. C-Therm est établie à Fredericton, depuis 2007. La société emploie environ 20 personnes et elle exporte vers 60 pays de l'équipement très spécialisé pour l'analyse de la conductivité thermale, lequel a été conçu et élaboré à Fredericton. Solar Global Solutions a vendu environ 500 de ces équipements à l'étranger, dont 80 p. 100 ont été exportés essentiellement vers le Moyen-Orient, les Caraïbes et les États-Unis.
EED Tech est une nouvelle société que je suis en train de monter grâce à l'équipe de conception et de recherche et développement de Fredericton afin de produire des chauffe-eau avec réseau intelligent.
Je dois vous dire que j'ai constaté lors de mes déplacements que les gens adorent les Canadiens et le Canada. Depuis que j'ai lancé mes PME de fabrication, j'ai eu l'occasion de me rendre un peu partout dans le monde. Je voudrais féliciter le gouvernement du Canada d'accorder de l'attention à la promotion du commerce avec un soin particulier pour les PME, car elles sont à l'origine d'environ trois nouveaux emplois sur quatre.
Tout au long de ma carrière, et de mes efforts pour créer une PME orientée vers l'exportation, j'ai essayé d'obtenir l'aide d'Exportation et développement Canada, du Service des délégués commerciaux, de la Corporation commerciale canadienne et de la Banque de développement du Canada.
Exportation et développement Canada, ou EDC, et le Service des délégués commerciaux ont été d'une aide précieuse, et ils nous ont permis de faire prospérer notre entreprise. Les services d'assurance et de financement d'EDC ont été l'appui nécessaire pour nos transactions d'exportation. Jusqu'à tout récemment, je n'avais pas de gérant de crédit. Ainsi, je disais à mes employés que si EDC n'approuvait pas une vente ou l'ouverture d'un compte, nous ne procéderions pas à une telle transaction, et c'est ainsi que nous n'avons subi pour ainsi dire aucune perte. Le Service des délégués commerciaux a fourni un appui remarquable grâce à des renseignements sur les marchés et à des contacts avec des clients, et il m'a aidé à rencontrer des dignitaires comme le maire de São Paulo, le maire de la ville de Panama et, à une occasion, j'ai pu partager le déjeuner familial d'un des fils du cheik Zayed aux Émirats arabes unis.
Par contre, nous avons constaté qu'il a été quasiment impossible de traiter avec la Corporation commerciale canadienne, ou CCC, qui ne se soucie absolument pas des PME à moins qu'elles aient été recommandées par le département américain de la Défense pour le programme des retombées industrielles et régionales. À mon avis, la CCC est l'organisme fédéral qui a la plus grande capacité de venir en aide aux PME pour qu'elles accroissent leurs exportations rapidement et sans guère de risques. Si je ne m'abuse, la CCC touche un cachet annuel pour ce qui est des ventes aux États-Unis et désormais, elle touchera une commission à hauteur de 12 à 15 milliards de dollars pour le contrat des véhicules légers vendus à l'Arabie saoudite, ce qui devrait contribuer au financement de la plupart de ces initiatives avec les PME.
Les PME qui exportent font face à un défi, et c'est surtout vrai dans le cas des entreprises à vocation technologique, à savoir qu'elles doivent livrer concurrence à des sociétés comme General Electric et Philips. Ces géants peuvent compter sur des appuis financiers énormes. On sait que ces sociétés ne vont pas disparaître de sitôt. Ce n'est pas le cas des PME créées relativement récemment. Si elles pouvaient compter sur la Corporation commerciale canadienne qui serait un intermédiaire lors de transactions entre gouvernements, elles auraient la possibilité d'obtenir des contrats sans qu'il y ait appel d'offres, et à moindre risque sur le plan des paiements. Cela donne également beaucoup de crédibilité à une PME qui fait affaire avec le gouvernement du Canada, car elle obtient ainsi la même attention que GE ou Philips.
Je ne pense pas que les dirigeants de la CCC comprennent l'importance des PME pour l'économie canadienne. Il faudrait que la corporation s'engage à se donner des objectifs mesurables et qu'elle soit consciente des conséquences si ces objectifs ne sont pas atteints. Le fait que la CCC puisse négocier des contrats gouvernementaux accentue la crédibilité d'un fournisseur et offre des solutions de financement.
La Banque de développement du Canada, ou BDC, que l'on considère dans le milieu comme un créancier de dernier ressort maintient, à mon avis, un trop grand nombre d'employés en région, et leurs responsabilités se chevauchent. En outre, les taux d'intérêt de la BDC sont exorbitants. Je n'ai pas pu avoir mes entrées ni à la CCC, ni à la BDC, mais je sais que les PME qui traitent avec ces deux entités sont nombreuses, tout comme celles qui ont essayé de le faire. La BDC relève du ministre Moore, tandis que les trois autres entités — le SDC, EDC et la CCC — relèvent du ministre Fast. Je pense que si l'on pouvait relier toutes ces entités, on obtiendrait une approche plus cohérente en matière de programmes et d'appuis à l'intention des PME.
La préparation des missions commerciales est cruciale. D'habitude, il y a un agent de liaison qui est nommé, mais il serait utile de prévoir une séance d'information sur la façon de recourir à ses services et la façon de les choisir. Quand je participe à une mission commerciale, je demande toujours à discuter avec l'agent de liaison avant de partir et je lui dis, d'entrée de jeu, que je serai son pire cauchemar. Je lui dis qui je veux voir et j'insiste. Quand l'agent de liaison ne parvient pas à me donner satisfaction, soit le consulat, soit l'ambassade, voire l'ambassadeur, interviennent pour aider à établir le contact.
Je voudrais ajouter que le Canada devrait rendre les dons au titre d'une aide étrangère plus accessibles aux entreprises canadiennes, en particulier aux PME. Par exemple, nous avons fait un don de 250 millions de dollars à la BID pour qu'il soit versé au fonds canadien pour le climat à l'intention de l'Amérique latine et des Caraïbes. Il s'agit du fonds C2F, et je suis allé à Washington pour rencontrer les responsables. Deux Américains dirigent le programme, et j'en ai reconnu un que j'avais rencontré à Los Angeles quand nous avions été exclus en raison de la politique d'achat aux États-Unis. C'est lui qui en était responsable pour la ville de Los Angeles. Cela vous donne une idée de l'estime qu'on nous porte. À ce moment-là, aucune entreprise canadienne n'avait reçu de contrat découlant de ce fonds de 250 millions de dollars. Par contre, les États-Unis et le Japon, qui avaient également donné des sommes considérables, ont exigé que les pays bénéficiaires se rendent chez des fournisseurs potentiels chez eux et qu'ils détiennent l'approbation définitive des projets. Ce genre de projets peut véritablement lancer une PME sur la voie de la prospérité. Son succès dépend de ce genre de projets pour passer au palier suivant. Je pense que c'est extrêmement important.
J'ai lu les témoignages des chambres de commerce du Canada où il était question de l'institution financière de développement et, si j'ai bien compris, cette entité pourrait être d'une grande utilité, car elle accomplirait des choses semblables à ce que fait notre propre BID. Je pense que cette institution devrait relever également du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international.
Je pense qu'il a été question plus tôt de libre-échange avec les États-Unis. D'après nous, il n'y a pas de libre-échange avec les États-Unis. Les exportations de DEL vers les États-Unis ont représenté par le passé 3 p. 100 ou moins. Les appels d'offres des municipalités, des États et du gouvernement fédéral aux États-Unis précisent qu'il faut des produits américains, fabriqués en Amérique, et il y a de lourdes conséquences si on ne se conforme pas à cette exigence. Par conséquent, plutôt que de courir le risque, les sociétés et les municipalités se bornent à faire affaire avec des fournisseurs américains.
Un autre aspect important pour les PME orientées vers l'exportation est l'appui qu'elles reçoivent du gouvernement fédéral sur le plan de la preuve de la conception. Le ministère des Travaux publics a lancé un programme relativement nouveau : le Programme d'innovation Construire au Canada, pour l'investissement dans la technologie. C'est un programme phénoménal, une des meilleures choses que le gouvernement fédéral ait faites pour les PME.
Le gouvernement offre 500 000 $ à un ministère fédéral pour l'achat de nouvelles technologies. Il y a appariement d'une technologie et d'une entreprise avec un ministère fédéral, après quoi il y a démonstration de cette technologie. La prochaine étape devrait être le lancement d'un appel d'offres pour ce genre de technologies innovatrices élaborées au Canada et mises à l'essai par le gouvernement fédéral.
Pour que les PME soient plus solides et plus durables, il faut mettre l'accent sur le commerce et les exportations. EDC et la BDC devraient envisager d'investir dans les actions ordinaires des PME, et on devrait lever l'exigence actuelle liée au capital de risque.
Le capital de risque est extrêmement important, mais dans le cas de la plupart des PME, et ce fut le mien et celui d'une de mes entreprises, il y a un manque d'expérience. Les accords que les petites entreprises sont forcées de signer sont extrêmement détaillés et assortis de multiples clauses sur le traitement préférentiel, les actions privilégiées, les dispositions de récupérations et les tableaux à l'appui. La liste des exigences est longue, et cela nuit véritablement aux PME. Je pense qu'il faudrait forcer EDC et la BDC à investir dans les entreprises qui comptent sur les fonds de capital de risque, car les ententes actuelles ne favorisent pas la prospérité des PME.
Quand un investisseur en capital de risque intervient, son objectif est de se débarrasser de l'entreprise en question le plus rapidement possible pour réaliser un bénéfice. Est-ce ainsi qu'on crée des entreprises durables au Canada? Pas vraiment. Très souvent, ces entreprises sont vendues aux États-Unis, et c'est là qu'elles deviennent florissantes.
Je vous ai dit que j'ai envoyé un résumé de certaines observations de M. Vinod Khosla, un milliardaire qui est cofondateur de Sun Microsystems, mais qui investit également du capital de risque. Vous trouverez le document auprès d'Adam.
J'ai terminé. Excusez-moi si j'ai été un peu long.
La présidente : Merci, monsieur Cartmill. Nous avons certainement reçu beaucoup de renseignements et d'opinions. Comme vous pouvez l'imaginer, la liste des sénateurs qui veulent poser des questions est longue.
Le sénateur Dawson : Madame Wright, étant donné que vous n'avez pas eu l'occasion de respirer quand vous lisiez votre exposé, j'ai regardé ce que faisaient les interprètes face à ce défi, car ils essayaient de maintenir la cadence. Vous avez fini bien avant eux.
Je voudrais que vous développiez deux points importants. On a souvent parlé de la nécessité de quantifier. Il y a eu, par exemple, 12 réunions dans tel ou tel pays, et nous avons rencontré beaucoup de bureaucrates. Mais on n'a pas parlé de la mesure du succès du point de vue de l'appui accordé par le gouvernement fédéral. Nous quantifions le nombre de réunions, mais est-ce que nous mesurons les résultats?
Vous avez également parlé d'un avantage stratégique clé pour le Canada, à savoir nos communautés multiculturelles et le fait que nous avons accès à 150 communautés de par le monde. En effet, nous avons 150 communautés culturelles au Canada et elles sont, dans bien des cas, multilingues. Je voudrais que vous développiez ces deux points.
Je suis sûr que je n'aurai qu'une seule chance de poser des questions, si bien que ma question « Chère Abby » s'adresse à Mme Dawson. Je n'ai jamais l'occasion de la rencontrer, sauf quand elle vient témoigner ici.
Vous avez parlé d'un « ombudsman ». On nous a dit que c'était un peu comme un concierge dans un hôtel, ou un guide-expert, quelqu'un à qui on pouvait téléphoner pour obtenir de l'aide sur les rouages du système fédéral ou sur la façon d'interpréter le guide d'exploitation de l'ASFC. Est-ce ainsi que vous interprétez la notion d'ombudsman, ou est- ce différent?
Mme Wright : La question des données quantitatives est une chose qu'il faut commencer à prendre un peu plus au sérieux, car nous devons savoir ce que nous mesurons exactement; après tout, ce sont ces choses-là qui retiennent l'attention et sur lesquelles on agit.
Je constate que beaucoup d'activités font l'objet de mesures, et c'est exactement ce que vous dites. On calcule le nombre de réunions, le nombre de personnes qui se sont présentées aux séances d'information, et cetera, mais on ne va pas plus loin et on ne se demande pas si les participants à une séance étaient les gens qui importaient. Étaient-ce des gens qui pourraient vraiment nous aider à faire progresser les entreprises? Est-ce qu'une transaction a été conclue par la suite?
J'ai participé à certaines missions commerciales où une entreprise canadienne et une entreprise étrangère semblaient avoir conclu une bonne affaire pour les deux parties. Toutefois, de retour à Mississauga, les dirigeants de l'entreprise canadienne se sont remis à leur travail habituel, et l'affaire ne s'est jamais concrétisée.
Il s'agissait d'une entreprise thaïlandaise. Quand je suis retournée en Thaïlande, j'ai demandé à l'entreprise thaïlandaise ce qui s'était produit. On m'a répondu que l'entreprise canadienne n'avait jamais donné signe de vie.
Voilà pourquoi j'insiste sur le suivi des missions commerciales, car sinon, trop de choses nous passent entre les doigts. Si on ne quantifie pas, encore plus de choses nous passerons entre les doigts.
Par ailleurs, le ministre Fast organise des séances d'information sur la façon de se tailler une place sur les marchés mondiaux. Je pense que c'est une excellente idée. Un de mes collègues est allé à Waterloo pour y assister. C'était une bonne séance, mais quand il a évalué l'auditoire, il s'est rendu compte qu'il y avait très peu de PME, alors que la séance les visait au premier chef. Il y avait là des avocats, des comptables et des fonctionnaires, mais les gens que l'on souhaitait rejoindre étaient absents.
À propos du multiculturalisme, je conviens qu'il faudrait que nous tirions meilleur parti que nous ne l'avons fait jusqu'à présent. J'ai parlé des cloisonnements. Il y a trop de cloisonnements et pas assez d'interrelations.
Mme Dawson et moi avons parlé d'un guichet unique, d'un portail, d'un guide-expert. C'est crucial, à mon avis, si nous voulons progresser. Un guichet unique bénéficierait non seulement aux entreprises canadiennes, mais à certaines entreprises des communautés ethniques pour créer des synergies qui seraient extrêmement utiles.
Certaines entreprises canadiennes voudraient faire des affaires en Chine. Il y a, au Canada, bien des gens qui viennent de Shanghai, Chongqing ou Guangzhou et qui pourraient être extrêmement utiles afin de tisser des liens pour travailler avec des gens là-bas.
L'Université York a sans doute le corps estudiantin le plus multiculturel au Canada. Si ces étudiants pouvaient être embauchés par des PME ou toute autre entreprise, ce serait une expérience profitable pour eux comme pour l'entreprise, car ils parlent plusieurs langues. Ils savent comment les affaires sont menées dans bien des endroits, et certains souhaiteraient obtenir un emploi au Canada. Si nous pouvions travailler ensemble, ce serait utile.
Mme Dawson : À propos du service de guide-expert, je dirais que c'est une question de sémantique. Si vous préférez l'appellation « guide-expert » plutôt qu'« ombudsman », soit.
Essentiellement, cette personne — ou plutôt ce bureau, car il ne peut pas s'agir d'une seule personne en réalité — devrait relever de plusieurs organismes. La tâche ne peut pas être confiée à l'ASFC ou au MAECI. Il devrait s'agir d'un bureau capable de faire la coordination avec le ministère de l'Agriculture, l'Agence canadienne d'inspection des aliments, le ministère des Transports et toutes les entités qui s'occupent de commerce. Finies les réponses comme : « C'est un problème terrible, mais désolé, cela relève de l'Agence canadienne de l'inspection des aliments », et c'est tout.
Il est important de créer un organisme regroupant plusieurs entités à l'échelle nationale. Mais si nous voulons obtenir un franc succès, cette entité devrait pouvoir établir une coordination avec les États-Unis.
Pour une grande partie, mon travail ne concerne pas de grands différends commerciaux, mais il exige une compréhension des interprétations données par le département des Transports aux États-Unis. Comment cela peut-il être concilié avec Transports Canada? Il faut que nous soyons sur la même longueur sur le plan de la nomenclature et des règles. C'est le Conseil de coopération en matière de réglementation entre le Canada et les États-Unis qui s'occupe de cet aspect. Le conseil fait du bon travail. Il faudrait que notre ombudsman ou guide-expert soit en relation avec le conseil.
Brièvement, pour ce qui est des paramètres, les mesures prises actuellement sont valables, mais les entrepreneurs sont des gens très occupés, et il nous faut quantifier les résultats. Nous devons non seulement quantifier nos exportations en vrac, mais aussi nuancer les choses du point de vue de la chaîne de valeur. S'il y a une composante canadienne dans un produit qui est envoyé aux États-Unis où il y a d'autres transformations avant l'exportation vers l'Autriche, le produit cesse d'être une exportation canadienne. Il ne reste que la partie du produit exporté du Canada vers les États-Unis.
Le gouvernement fait du bon travail pour ce qui est de la traçabilité des produits à valeur ajoutée échangés. Il faut encourager pareille initiative. En outre, nous ne faisons pas du très bon travail en matière de traçabilité des échanges de services. Il y a des faiblesses sur le plan de l'évaluation des services que nous exportons et importons, même si ces services représentent de 25 à 40 p. 100 de la valeur d'un produit fini.
Voilà où devraient se concentrer nos calculs et ainsi, nous comprendrons mieux notre commerce.
Le sénateur Demers : Le sénateur Dawson vient de poser la question. Madame Wright, je suis très impressionné par votre définition de ce qu'est le succès. Pour moi, le succès vient du fait qu'on est entouré des gens qu'il faut connaître et qu'on atteint ses objectifs. Bien des gens ne comprennent pas ce qu'est le succès. Je suis impressionné par le témoignage que vous avez donné et celui de Mme Wright, et certainement celui du témoin que nous avons entendu par vidéoconférence. Nous avons très bien compris votre message. Merci beaucoup.
Le sénateur Oh : Madame Wright, vous avez dit que les missions commerciales étaient une composante clé du succès. J'ai participé à certaines de ces missions à l'étranger, mais à mon avis, elles prennent désormais trop d'envergure. Si elles prennent des proportions exagérées ou qu'elles sont mal cernées, elles ne produiront pas de résultats. Les gens d'affaires, occupés qu'ils sont, n'ont pas le temps de réserver deux semaines à une mission commerciale. On devrait limiter la durée des missions commerciales à sept jours au maximum pour qu'elles réussissent.
En fait, nous n'avons pas les éléments adéquats pour tirer le meilleur parti de notre communauté multiculturelle afin de tisser des liens avec le pays visé par une mission commerciale. Nous avons ici d'importantes ressources. Par votre intermédiaire, les ministères devraient préparer un guide sur la façon de mener à bien des missions commerciales efficaces à l'étranger. Qu'en dites-vous?
Mme Wright : Ce serait assurément utile. En fait, nous y travaillons.
Je pense que tous ceux qui ont pris la parole jusqu'à présent ont évoqué le système disparate qui existe actuellement. Tout le monde n'est pas au courant de ce que les autres font, et il n'y a pas de guichet unique. Nous essayons de réunir des représentants de divers organismes gouvernementaux pour obtenir un système homogène et nous faisons de notre mieux pour nous diriger vers un guichet unique.
Comment diriger une mission commerciale? Il y a probablement des consultants qui savent comment faire. Ce qui m'a toujours étonnée depuis l'époque d'Équipe Canada — et certaines de ces missions étaient en fait excellentes —, c'est qu'au retour, il n'y avait aucun suivi. J'ai participé à celle en Thaïlande et à une autre au Japon. Lorsque j'ai essayé de faire un suivi de la mission au Japon, je n'ai pas pu obtenir du gouvernement canadien le moindre renseignement sur ce qui s'était passé dans les trois mois ou les six mois suivant la mission. Je suis allée au Japon, et on avait toutes les données. J'ai pu obtenir de l'information auprès du gouvernement japonais, mais pas du gouvernement canadien. Nous ne savions pas vraiment quelle avait été la valeur réelle de cette mission commerciale.
Le sénateur Oh : Au sujet de ces missions commerciales, les premiers ministres provinciaux et tous ceux qui sont allés en Chine, en Asie et ailleurs ont signé de nombreux protocoles d'entente. Ils sont revenus en agitant leur papier, mais il n'y a eu aucun suivi, comme vous le dites, et aucun résultat. Après la signature d'un si grand nombre de protocoles d'entente, notre économie devrait être en plein essor, n'est-ce pas?
Mme Wright : Oui. Il faut faire un suivi et il faut que ces protocoles d'entente se transforment en véritables contrats.
La sénatrice Johnson : Bonjour. Je suis ravie de vous voir. Monsieur Cartmill, votre succès est remarquable. J'ai lu quelque chose à votre sujet et au sujet du travail que vous faites. Mme Wright et les autres témoins nous disent souvent que les entrepreneurs canadiens ont peur du risque et que les PME doivent surmonter leurs craintes s'ils veulent réussir sur la scène internationale. Il faut qu'ils sachent gérer le risque et cela peut s'apprendre. Étant donné votre succès, ce que vous avez vécu et ce que vous avez réalisé et surmonté, dites-nous ce que vous pensez de cette opinion et de ces commentaires. D'après vous, le Plan d'action sur les marchés mondiaux, ou PAMM, que nous avons lancé en 2013 vous rejoint-il, ou est-il prometteur? Je sais qu'il est encore tôt, mais il y a vraiment quelqu'un qui fait le travail. Nous essayons d'intéresser d'autres entreprises canadiennes. Pouvez-vous nous en dire un peu plus au sujet de votre expérience à cet égard et avec ces paramètres?
M. Cartmill : Les entreprises canadiennes doivent être beaucoup plus énergiques. Je traînais toujours mon produit — une lampe — aux réceptions données par le Service des délégués commerciaux et les consulats. Souvent, c'était mal vu, mais ils invitaient toutes sortes de personnes importantes à connaître. J'installais ma lampe et j'étais le seul à avoir apporté un échantillon. Tous les autres sirotaient leur vin. Ce que j'essaie de dire, c'est qu'il faut vraiment y mettre de l'effort.
J'ai rencontré le ministre Fast au Brésil lors de sa première mission commerciale, et il m'a invité à faire le trajet de retour avec le premier ministre à bord de l'avion de celui-ci. Nous avons rencontré le président du Brésil et bien d'autres personnes clés et maintenant, nous avons un partenariat avec la ville de Sao Paulo, ce qui est une occasion en or. Lorsque le premier ministre dit que les Canadiens sont trop gentils et qu'ils ne sont pas assez énergiques, M. Fast lui répond : « Vous avez assez d'énergie pour nous tous ».
Nous devons encourager les PME à se lancer et à tenter leur chance. J'ai participé à des missions commerciales. Je me souviens d'une mission au Panama où il y avait un charmant couple de l'Île-du-Prince-Édouard qui a passé le plus clair de son temps autour de l'hôtel et qui n'a pas retiré grand-chose de la mission. Nous devons apprendre aux Canadiens à être plus énergiques.
Je pense que le PAMM est fantastique. Il y a maintenant plusieurs accords commerciaux qui ont été conclus ou qui sont en train d'être négociés avec l'AECG. Nous trouvons qu'il faut cibler ces marchés. Il ne sert à rien d'inviter des tas de gens à participer à nos missions commerciales dans un marché où ils ne peuvent pas exporter, où ils ne peuvent pas être concurrentiels ou qui n'a pas les moyens d'acheter leurs produits. Il y a quelques règles de base. Premièrement, il faut un accord de libre-échange en vigueur. Nous ne tenons pas à aller dans un pays avec lequel le Canada n'a pas d'accord de libre-échange. Deuxièmement, il faut que les taux d'énergie soient élevés. Toutes mes activités et mon orientation sont axées sur l'efficacité énergétique, la production d'énergie ou le déplacement de la charge durant les périodes de pointe. Choisissez vos marchés et choisissez les pays qui sont capables de payer. Même s'ils n'ont pas d'argent, certains peuvent quand même payer. Ils peuvent obtenir du financement de la BID, de la Banque mondiale, de la Banque européenne de développement ou d'autres organismes de ce genre.
Le PAMM tombe en plein dans le mille. Il faut vraiment mettre l'accent sur la promotion du commerce, ce dont la plupart des entreprises et peut-être même la plupart des gens, surtout dans le milieu technique, ne se rendent pas compte. Nous avons beaucoup d'ingénieurs et de titulaires de doctorat. Personne n'arrive à rien à moins que quelque chose soit vendu, et il faut nous concentrer sur la conclusion de marchés et la vente. Nous avons besoin des spécialistes de la vente et du marketing qui comprennent vraiment la technologie et qui peuvent communiquer. Malheureusement, la plupart des gens du domaine technique, quand ils pensent aux ventes et à la commercialisation, et c'est ce dont il s'agit ici, pensent notamment aux vendeurs d'assurances et préfèrent ne pas s'y engager, alors qu'en fait, c'est une carrière fantastique. C'est un domaine qui exige beaucoup de concentration et d'attention pour savoir comment promouvoir les produits et les vendre efficacement.
La sénatrice Johnson : Merci beaucoup. Et que pensez-vous du PAMM?
Mme Dawson : Je ne peux pas parler du PAMM.
La sénatrice Johnson : D'accord.
Le sénateur D. Smith : Ma question s'adresse surtout à Mme Dawson, mais si d'autres veulent aussi y répondre, je vous y invite. Vous avez dit que nous n'aidons pas ces gens-là. C'est bien vous qui l'avez dit. Je crois que vous parliez des petites entreprises qui souhaitent exporter. Fait ironique, il y a un peu plus de 30 ans, pendant toute une année, j'ai été ministre de la Petite entreprise. C'est exactement ce que j'entendais déjà, à l'époque. J'étais tout prêt à les écouter et à dialoguer avec eux, mais il y a eu des élections, et je me suis retrouvé sur la rue Bay, à m'occuper de dossiers juridiques. Cela m'a toujours intéressé.
Alors ma question est la suivante : y a-t-il un pays dont on peut s'inspirer pour aider ce genre de personnes? Je sais qu'avec un système fédéral, c'est toujours plus fastidieux et complexe, mais y a-t-il un pays que vous considérez comme étant un modèle, qui aide vraiment ces gens à déterminer ce qu'ils doivent faire?
Mme Dawson : Les États-Unis s'en tirent mieux que nous, mais ce n'est pas pour des raisons de nuance. C'est pour des raisons d'échelle et d'argent. Ainsi, leur département du Commerce s'investit beaucoup dans le développement des petites entreprises, dans l'expansion des exportations des petites entreprises, pour trouver des marchés d'exploitation et établir des liens. Je crois que le Canada peut faire les choses de façon plus intelligente. C'est ce que font les États-Unis, et pas à petite dose. Il ne me vient pas vraiment à l'esprit d'autres pays — peut-être la Nouvelle-Zélande — dont on peut dire qu'il a le même degré de succès.
Le Canada doit vraiment se concentrer sur ce qu'il peut faire à l'échelle nationale pour stimuler la compétitivité de nos exportations. Il y a 30 ans, quand vous étiez ministre, je crois que vous étiez confronté, comme vous dites, à bon nombre des mêmes défis que ceux que nous avons de nos jours, mais les grandes sociétés qui ont des lobbyistes et toutes sortes de moyens prennent toute la place. Les petites et moyennes entreprises n'y arrivent pas parce qu'elles sont trop occupées à faire des affaires et elles n'ont ni la capacité ni le temps de faire un suivi. Ce sont comme des enfants négligés d'une famille élargie; il faut les défendre et représenter, même s'ils ne sont pas dans la pièce.
Le sénateur D. Smith : Moi, j'achète bien du vin et de l'agneau de la Nouvelle-Zélande.
[Français]
La sénatrice Fortin-Duplessis : Bienvenue à tous les trois et merci pour vos présentations très intéressantes. Tous les trois, vous avez mentionné qu'il était extrêmement important d'offrir un guichet unique.
Madame Dawson, vous avez insisté sur le problème du paiement de la TPS avant que les petites entreprises ne soient payées pour les produits qu'elles ont fabriqués. D'autres mesures pourraient-elles être mises en place afin de rendre plus facile aux petites et moyennes entreprises la pénétration de nouveaux marchés et l'accroissement de leurs exportations?
[Traduction]
Mme Dawson : Certains éléments peuvent s'être perdus dans la traduction. J'insiste : la TPS est un enjeu tellement important. Elle part du principe qu'on importe un produit fini, sans tenir compte du fait que nous vivons dans un monde où la chaîne d'approvisionnement est intégrée et où les produits traversent la frontière dans les deux sens, à un rythme très rapide. À cet égard, c'est un système très démodé. J'aimerais bien que nous nous efforcions à un peu de créativité. Je ne voudrais certainement pas soustraire quoi que ce soit aux recettes fiscales, mais il serait bon de faire preuve d'un peu de créativité pour faciliter aux PME canadiennes la participation aux chaînes d'approvisionnement transfrontalières sans qu'elles doivent consacrer une bonne partie de leurs liquidités à ce genre de frais.
Je me dois d'ajouter que lorsqu'un commerçant se retrouve dans le trouble pour des questions de douane ou d'impôt, il ne suffit pas qu'il verse la différence pour avoir fait une erreur dans les documents soumis. Il doit souvent aussi payer ce qu'on appelle des « frais administratifs » et des « pénalités ». Alors il faut payer une pénalité en plus du montant dû, quand on a fait une erreur de calcul. Nous pénalisons nos PME et nous suscitons beaucoup de résistance alors que nous devrions plutôt leur ouvrir le monde. Je le répète : règles d'origine, questions fiscales, guichet unique, ombudsman — voilà les quatre éléments sur lesquels j'aimerais bien qu'on se concentre.
[Français]
La sénatrice Fortin-Duplessis : Ma deuxième question est d'un tout autre ordre. En ce qui concerne les droits de la personne, dans les pays où ces droits ne sont pas respectés, avez-vous remarqué si cela nuisait aux petites et moyennes entreprises? Respectent-ils cela? En entendez-vous parler?
[Traduction]
Mme Dawson : Les PME ont plutôt tendance à faire des échanges commerciaux d'abord avec les États-Unis, parce que c'est un marché relativement facile. On peut discuter de la question de savoir s'il existe ou non des problèmes de droits de la personne aux États-Unis, mais de façon générale, ce n'est pas une très grande préoccupation pour les PME canadiennes. Si on veut élargir le sujet et parler du commerce en général, les questions de droits de la personne sont un enjeu pour le commerce canadien.
Je pense que le gouvernement du Canada a su bien lancer sa démarche en la matière; ainsi, la Charte des droits de la personne est maintenant intégrée dans l'accord de libre-échange avec la Colombie. Je crois que les Canadiens sont beaucoup plus attentifs aux enjeux liés aux droits de la personne et à l'environnement dans le secteur de l'extraction. Les sociétés canadiennes sont, de façon générale, mais pas toujours, considérées comme de bons citoyens corporatifs. Il faudrait, à mon avis, insister là-dessus, et même aller plus loin. S'il y a une chose pour laquelle le Canada est reconnu, c'est que les Canadiens sont dignes de confiance, fiables et de bons partenaires en affaires. Cette perception englobe aussi les aspects des droits de la personne, et c'est l'une de nos grandes valeurs nationales.
La sénatrice Eaton : Madame Wright, est-ce qu'on fait quelque chose dans les écoles de commerce? On pourrait tout aussi bien commencer par la prochaine génération de gens d'affaires pour leur enseigner à être tout aussi entrepreneurs que M. Cartmill.
Mme Wright : Oui, on le fait. Il est intéressant de voir combien les choses ont changé dans les écoles de commerce ces 15 dernières années. Je suis revenue au Canada depuis maintenant 20 ans. J'ai commencé à enseigner un peu tard dans la vie, alors j'ai fait autre chose avant cela. Quand je suis venue enseigner dans les écoles de commerce du Canada, il y a 20 ans, il n'y avait à peu près aucun cours d'entrepreneuriat. À la Schulich School of Business, actuellement, il est possible de se spécialiser en entrepreneuriat. Il y a maintenant des débats sur la question de savoir si l'entrepreneuriat peut s'enseigner. Il est possible d'enseigner aux étudiants les fondements de la création d'un plan d'affaires, ce qu'il faut faire, et de les jumeler à des mentors. Par exemple, des organisations comme The Next 36 et Futurpreneur peuvent aider les jeunes entrepreneurs. On voit donc maintenant beaucoup plus de réseautage avec les étudiants en commerce qu'il y a 15 ans. Cela me remplit d'optimisme.
Autre chose que j'aimerais voir aussi, c'est un beaucoup plus vaste contenu international dans nos cours de commerce. Il faut, pour cela, former également les professeurs.
La sénatrice Eaton : Surtout pour les pays avec lesquels on conclut ces énormes accords de libre-échange, comme dans le cas de l'Union européenne ou du Partenariat transpacifique.
Mme Wright : On travaille justement là-dessus avec EDC, actuellement. Nous essayons de rassembler du matériel d'accès libre à l'intention des professeurs de commerce du Canada pour leur permettre d'intégrer du matériel international au cours de base : marketing, finances, stratégie et comportement organisationnel. Ce sont là des cours que tous les étudiants doivent suivre. Si on peut y intégrer un contenu international, nous aurons alors une génération de gens d'affaires qui comprennent la scène internationale et dont une partie, espérons-le, voudra bien aller encore plus loin.
À l'école Schulich, nous offrons un baccalauréat international en administration des affaires, un programme pour les étudiants qui savent déjà qu'ils veulent faire une carrière internationale. Nous offrons aussi un programme international de MBA. Ces deux programmes sont beaucoup plus petits que nos programmes réguliers. Je pense qu'il y aura toujours une minorité d'étudiants qui souhaitent entamer une carrière mondiale. Mais si tous les étudiants peuvent comprendre ce qu'il faut pour faire des affaires à l'étranger, nous serons en meilleure position. De nos jours, même si on ne quitte jamais Ottawa ou Toronto, on sera touché par le commerce international.
La sénatrice Eaton : Y a-t-il une personne, parmi les collaborateurs du ministre Moore, qui comprend tout ce que le gouvernement peut offrir?
Mme Wright : Non.
La sénatrice Eaton : Hier, nous avons reçu un témoin de l'Association des manufacturiers canadiens. Je lui ai parlé des intervenants-pivots dans le domaine de la santé, lesquels sont chargés de guider chaque patient à travers les méandres du système. Il a dit que, dans le cas de son association, on parle de « guide-expert », ce qui correspond, j'imagine, à votre ombudsman. D'ailleurs, l'association a un petit programme de guide-expert. Comment pouvons- nous encourager le gouvernement? Oui, nous pouvons rédiger un rapport, mais quels sont les efforts de l'extérieur qui pourraient encourager le gouvernement à créer un poste d'intervenant-pivot, d'ombudsman ou de guide-expert afin que les services soient plus facilement accessibles à tout le monde?
Mme Wright : Premièrement, il faut que les différents organismes gouvernementaux en sachent plus sur ce que font les autres et, deuxièmement, il faut qu'ils soient prêts à collaborer. Laura a parlé de plusieurs organismes qui ont chacun leur part du gâteau. Une autre chose que j'ai constatée dans le cadre de mon travail, c'est la différence entre le MAECD et CIC. J'ai souvent l'impression qu'ils travaillent en sens inverse. Le MAECD essaie d'attirer des investissements au pays et d'accroître les exportations, alors que CIC continue de créer des obstacles en matière de restrictions de visa, et cetera.
Donc, les ministères ne vont pas tous dans la même direction. De plus, les ministères ne savent pas vraiment ce que font les autres. Quelqu'un au MAECD ne sait pas nécessairement ce qui se passe à Ressources naturelles. Peut-être qu'il faudra quelqu'un de l'extérieur du gouvernement pour rassembler tous ces organismes gouvernementaux et créer un guichet unique ou un poste de guide-expert.
La sénatrice Eaton : Quelqu'un qui pourrait guider le client.
Mme Wright : Exactement. On a besoin de ça. On a besoin d'un intervenant-pivot, d'un guide-expert ou d'un ombudsman, quel que soit le nom qu'on lui donne. Cela serait extrêmement utile. À l'heure actuelle, les PME, surtout celles qui débutent sur la scène internationale, ne savent pas vers qui se tourner. Il y a des tonnes de renseignements disponibles, mais par où commencer? On en trouve un peu ici, mais où trouve-t-on le reste?
La sénatrice Eaton : Qui peuvent-elles appeler?
Mme Wright : Exactement.
La sénatrice Eaton : Laura, j'ai eu la chance de vous entendre lors d'une autre séance. Ce que vous disiez était très intéressant, et nous parlions des États-Unis. Je comprends ce que vous dites à propos de la TVH, et nous devrions nous en occuper, mais il est plus difficile, me semble-t-il, de faire affaire avec les États-Unis qu'avec le Mexique ou le Japon. On dirait que c'est devenu très difficile dernièrement.
Mme Dawson : Je suis ravie que vous posiez cette question. J'ai passé beaucoup de temps à examiner la relation entre le Canada et les États-Unis. Normalement, je répète que les choses vont bien et que les problèmes constituent des exceptions. Mais je suis vraiment consternée par l'état des relations actuelles. Avez-vous lu les journaux ce matin? Le gouvernement du Canada va maintenant tout payer pour le pont et le complexe douanier à Detroit-Windsor. Le Canada paie la note pour ce pont. C'est peut-être parce qu'un chien canadien a gagné au concours canin des États- Unis. C'est, je crois, ce qui explique cette mauvaise décision.
Il existe de nombreux obstacles. Mettons les choses en perspective. Premièrement, il s'agit du principal marché d'exportation du Canada, de sorte que nous y sommes beaucoup exposés. Nous sommes plus conscients des obstacles là-bas que de ceux en Autriche. Les États-Unis ont dû agir et trouver une façon de se sortir du 11 septembre et de toutes ces inquiétudes en matière de sécurité. Il semble y avoir une petite industrie de création d'obstacles, pas nécessairement pour nuire à leur meilleur et plus proche ami, mais plutôt en vue de satisfaire aux exigences politiques à l'échelle nationale; c'est d'ailleurs pour cette raison que Chuck Cartmill ne peut jamais rien vendre en vertu de la politique d'achat aux États-Unis. Il ne s'agit peut-être que d'un recouvrement des coûts — par exemple, dans le cas des chapeaux de fourrure, cela évite de recourir à un agent des douanes qui doit ensuite faire appel à un inspecteur de la pêche et de la faune.
Notre relation économique avec les États-Unis est mise à mort à petit feu, à coups de compressions. On peut expliquer et défendre chacune d'elles — par exemple, le Michigan n'a pas d'argent ni de règles d'étiquetage sur les pays d'origine pour le bœuf et le porc — puisqu'elles s'expliquent par la protection des consommateurs ou le programme d'achat aux États-Unis. Lorsqu'on met tout cela ensemble, on constate que la relation économique est en difficulté. Je suis consternée de voir que les États-Unis ne font aucune pression politique pour contribuer à rétablir cette relation.
La sénatrice Eaton : L'ambassadeur mexicain est d'accord avec vous. Il dit qu'il y a un obstacle majeur à surmonter.
Mme Dawson : L'obstacle majeur entre le Canada et le Mexique, ce sont les États-Unis. C'est une immense frontière.
La présidente : Nos témoins constateront qu'ils ont suscité beaucoup d'intérêt. Nous aurions pu continuer encore longtemps. Il faudra peut-être vous convoquer à nouveau. Nous commençons à peine notre étude de la promotion du commerce. Monsieur Cartmill, certains membres de notre comité ont déjà eu le plaisir de bénéficier de vos lumières. Nous comprenons bien que vous n'êtes pas du tout réticent à prendre des risques. Vous êtes un excellent modèle pour les entreprises canadiennes.
Nous avons eu droit aujourd'hui à un dialogue intéressant et très riche en information. Madame Wright, vous avez formulé d'excellents arguments, et j'espère que ceux-ci se retrouveront quelque part dans notre rapport. Madame Dawson, comme d'habitude, vous nous avez donné de bons points de vue. Monsieur Cartmill, vous êtes sans aucun doute un modèle pour les entreprises canadiennes. Je pense que vous lirez votre nom quelque part dans notre rapport, à l'avenir.
Nous espérons poursuivre ce dialogue, et nous vous remercions de votre présence ici aujourd'hui.
Le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international est autorisé à étudier les questions qui pourraient survenir occasionnellement se rapportant aux relations étrangères et au commerce international en général.
Passons maintenant à notre prochain groupe de témoins. Nous recevons M. Ernie Lynch, président, Lynch Fluid Controls Inc.; et M. John Kalbfleisch, chef de l'exploitation, Alpha Technologies Ltd, qui se joint à nous par vidéoconférence de Burnaby, en Colombie-Britannique, le point chaud du Canada en ce moment. Nous avons pris un peu de retard, mais je céderai la parole à nos deux témoins pour les observations liminaires. Ensuite, je suis certaine que les sénateurs auront des questions à leur poser. Si nous utilisons notre temps de façon efficace, nous serons en mesure de donner la parole à tout le monde et de respecter notre heure limite.
Je céderai la parole aux témoins dans l'ordre où ils apparaissent sur ma liste.
Monsieur Lynch, veuillez faire vos observations liminaires si vous le souhaitez. Bienvenue à notre comité.
Ernie Lynch, président, Lynch Fluid Controls Inc. : Bonjour. Merci, madame la présidente, mesdames et messieurs les sénateurs. Merci de m'avoir invité aujourd'hui. Je représente le groupe d'entreprises Lynch. Notre groupe a été lancé il y a 27 ans. Nous nous situons à Mississauga, en Ontario, et nous employons environ 100 personnes. Nous exportons dans 57 pays, et notre objectif est de faire passer ce chiffre à 75 pays d'ici 2018. Nous suivons notre banque, HSBC, qui a une présence dans 75 pays. Nous aimons nous sentir chez nous, partout là où se trouve notre banque.
Nous œuvrons dans le domaine de l'hydraulique et des systèmes de commande de mouvement. Les marchés que nous desservons sont le militaire, l'aérospatial, l'exploitation minière, le divertissement, la manutention — nos activités sont assez variées.
L'an dernier, la NASA a été l'un de nos principaux clients. Nous avons construit pour elle des systèmes de contrôle pour les ombilicaux qui se détachent de l'astronef lorsque celui-ci décolle de la plateforme de lancement. Cela a été pour nous un projet intense qui nous a permis d'apprendre beaucoup.
Nous montrons nos produits dans le monde entier. Dans le secteur du divertissement, par exemple, nous avons participé à des spectacles comme Miss Saigon, Le Fantôme de l'Opéra, Terminator 2, et nous travaillons avec le Cirque du Soleil et Universal Studios. Nous avons construit pour Spar Aérospatiale des modèles de tricératops. Certains ont été livrés en Floride et d'autres sont allés à Universal Studios, au Japon. Nous participons à des salons professionnels aux États-Unis, en France, au Royaume-Uni, en Allemagne et en Amérique latine.
En 2013, j'ai été nommé au Conseil consultatif sur les PME du ministre du Commerce international, ce qui s'est révélé une bonne expérience pour moi. J'y ai beaucoup appris, et j'ai vu les résultats de la collaboration entre le Service des délégués commerciaux, EDC, la BDC et MEC.
La CCC a également adopté une nouvelle approche. Lors de la dernière session, il y a eu des discussions au sujet de la CCC. Je suis heureux de pouvoir vous dire qu'elle a peut-être adopté une nouvelle attitude et qu'elle devient plus énergique.
L'an dernier, nous avons essayé d'acquérir une entreprise américaine. Tout au long du processus, nous avons été bien appuyés par EDC et la BDC. Ces deux organismes nous ont beaucoup aidés. EDC va même jusqu'à financer des clients éventuels dans d'autres pays. Nous avons recours à son programme d'assurance comptes clients depuis longtemps.
Nos départements de marketing et de ventes utilisent activement le Service des délégués commerciaux. Nous sommes une entreprise trop petite, avec seulement 100 employés, pour avoir une présence dans tous les pays du monde; nous considérons donc les délégués commerciaux comme nos employés. Nous faisons de notre mieux pour leur expliquer ce que nous faisons et nous profitons des services qu'ils offrent.
Nous avons constaté que les délégués commerciaux sont très actifs dans les salons professionnels auxquels nous avons participé. Ils viennent organiser pour nous des rencontres avec leurs contacts et ils nous mettent en rapport avec les personnes présentes. Si nous pouvons communiquer avec eux avant le salon professionnel, ils peuvent organiser pour nous des rencontres, et cela s'est avéré une bonne expérience pour nous.
L'an dernier, EDC a appuyé une initiative pour que MEC lance et administre le RCE, le Réseau canadien d'entreprises. C'est un site web de jumelage. Ce n'est pas un site de rencontres express, mais nous pouvons jumeler nos capacités avec les besoins d'entreprises étrangères.
Ce système n'est pas réservé aux manufacturiers, bien qu'il soit administré par MEC. En fait, toutes les industries l'utilisent, que ce soit celui des logiciels, celui des services, ou un autre.
Lors d'une précédente comparution, nous avions discuté des activités « Le monde à votre portée ». J'ai participé à deux de ces ateliers, une fois comme panéliste. Je suis d'accord avec Lorna. Elle a assisté à l'atelier de Waterloo, tout comme Jim Reynolds qui, je crois, a comparu ici hier. J'ai constaté la même chose qu'eux, c'est-à-dire qu'il n'y avait pas beaucoup de PME à ces rencontres. L'un des représentants d'EDC m'a dit qu'il faudrait informer cet organisme plus à l'avance pour qu'il puisse, si l'occasion se présente, encourager ses clients qui auraient intérêt à se rendre à ces réunions pour savoir quels services existent, afin qu'il n'y ait pas seulement des banquiers, des spécialistes de la finance et des fonctionnaires. Il faudrait qu'il y ait une plus forte proportion de personnes qui ont vraiment besoin de savoir quels services sont offerts.
Il faudrait, me semble-t-il, qu'un plus grand nombre d'entrepreneurs canadiens prennent l'avion et aillent à l'étranger pour participer aux salons professionnels. Les gouvernements provinciaux et fédéral offrent de l'aide et des fonds pour qu'ils puissent y aller, mais c'est eux qui doivent prendre l'initiative.
Récemment, vous avez peut-être vu la publicité d'EDC encourageant les entreprises canadiennes à partir à l'assaut du monde. Comme vous vous rappelez peut-être, on y voit un homme qui fait le tour de sa maison et qui remarque le lieu de fabrication des différents produits — Chine, Inde, Suisse, et cetera — et même son terrier écossais, que l'on voit à la toute fin, vient de l'Écosse. Quel est donc le problème des manufacturiers canadiens? J'ai trouvé que c'était une excellente publicité. Elle devrait être diffusée plus souvent.
J'ai déjà mentionné que nous utilisons l'assurance comptes clients et je crois que Chuck Cartmill a mentionné qu'il l'utilisait aussi. Si EDC n'appuie pas un projet, nous n'avons pas d'affaire à y toucher.
C'est seulement au cours des derniers mois que nous avons commencé à faire affaire avec la CCC, mais elle a fait preuve de diligence pour nous trouver de l'information financière et maintenant, grâce à notre expérience des systèmes de lancement, il y a d'autres possibilités avec lesquelles nous pourrions être jumelées dans d'autres pays.
J'ai appris que l'infrastructure des transports au Canada — ce n'est pas vraiment mon domaine, mais d'après une étude qui n'a pas encore été publiée, l'infrastructure des transports serait insuffisante pour répondre à la croissance des exportations. Si cela intéresse quelqu'un, nous pourrions peut-être en parler après la réunion.
Je me suis lancé dans une croisade personnelle au cours des deux dernières années pour qu'un tronçon de la 401 soit aplati et qu'on construise un pont dans la vallée au-dessus de la rivière Credit. La lutte que je mène contre le ministère provincial est ardue. Il y a une vallée. Chaque jour, 400 000 véhicules franchissent ces vallées; il y a un relais routier, et il faut faire quelque chose. Nous devons aplatir ce tronçon, car cela nous permettrait d'économiser beaucoup de carburant et de temps.
J'en arrive aux derniers points. J'ai lu un article récent de David Suzuki qui attire l'attention sur le fait que le gouvernement du Canada est parfois poursuivi par des entreprises américaines pour non-respect des règles de l'ALENA. Apparemment, cela arrive régulièrement au Mexique aussi. Les États-Unis n'ont pas perdu une seule fois depuis l'entrée en vigueur de l'ALENA. Ce sont eux les agresseurs, et ils trouvent le moyen de faire ce qu'ils veulent de moyen légal, mais l'accord de libre-échange ne fonctionne pas trop bien sur ce plan.
Enfin, je crois qu'un des témoins de la session précédente a mentionné qu'il existe aux États-Unis une masse critique. Ils ne sont peut-être pas meilleurs que nous. D'après mon expérience, les services fournis par le gouvernement sont excellents, mais ce n'est peut-être pas pareil pour toutes les entreprises.
En terminant, au Conseil consultatif sur les PME, nous discutons de la création d'un poste d'ombudsman et d'un portail commun, et je pense que ces deux initiatives sont déjà en cours. Cela s'en vient.
La présidente : Merci. Je passe maintenant immédiatement à M. Kalbfleisch de Burnaby. La parole est à vous.
John Kalbfleisch, chef de l'exploitation, Alpha Technologies Ltd. : Merci, madame la présidente, mesdames et messieurs les sénateurs. Je m'appelle John Kalbfleisch. Je suis chef de l'exploitation d'Alpha Technologies Ltd.
Alpha existe depuis 1975. Nous sommes une société privée créée et basée à Burnaby, en Colombie-Britannique. Nous avons environ 500 employés au Canada, aux États-Unis et en Amérique latine. Nous exportons depuis environ 35 ans.
Nous nous spécialisons dans la fabrication de systèmes de conversion de l'énergie et d'alimentation sans interruption, surtout pour l'industrie des télécommunications, afin d'alimenter et d'appuyer l'infrastructure filaire et sans fil au Canada, aux États-Unis et en Amérique latine, mais nous avons également vendu des produits sur le marché industriel et celui du trafic. Nous sommes le premier fournisseur de circuits électriques de secours en Amérique du Nord. Nous vendons également nos produits sur le marché de la sécurité et celui des réseaux électriques intelligents. Nous avons également une entreprise de services et un groupe de services à différents endroits au Canada.
L'an dernier, nous avons ouvert un bureau de vente au Mexique. Nous avons des représentants de commerce aux États-Unis, en Amérique latine et au Brésil. Nous avons des réseaux de distribution en Asie et des partenaires en Europe et au Moyen-Orient ainsi qu'en Australie.
Parlons maintenant des exportations. L'an dernier, notre revenu s'est chiffré à 185 millions de dollars. Environ 30 p. 100 de ces revenus sont générés au Canada. Le reste est surtout un revenu d'exportation, dont 70 p. 100 aux États-Unis et environ 6 p. 100 dans le reste du monde.
Notre stratégie pour les prochaines années est de prendre de l'expansion au Mexique, en Amérique centrale et en Amérique du Sud ainsi qu'en Asie du Sud-Est et au Moyen-Orient.
Au sujet des efforts du gouvernement pour promouvoir la libéralisation des échanges, nous sommes très heureux des accords de libre-échange avec l'Union européenne et avec la Corée du Sud. Selon nous, chaque fois que nous éliminons des obstacles au commerce sur les marchés internationaux, c'est formidable pour les exportateurs canadiens.
À la dernière session, il a été question de l'image de marque. Je pense que nous pouvons renforcer l'image de marque du Canada et nous concentrer sérieusement sur l'innovation, la qualité et l'intégrité. Les Canadiens sont respectés dans le monde entier, et je crois que nous devons utiliser cette image de marque comme un levier. Les provinces et le gouvernement fédéral doivent continuer à coordonner leurs efforts avec grande efficacité et à optimiser les ressources limitées dont ils disposent.
Il faudrait aussi informer les entreprises au sujet des services que les gouvernements fédéral et provinciaux fournissent aux entreprises qui souhaitent exporter.
Nous avons travaillé avec EDC et avec les délégués commerciaux dans un certain nombre de pays. Nous avons beaucoup apprécié cette collaboration. Ils n'hésitaient pas à nous dire quels genres de services ils peuvent nous fournir.
Nous avons essayé de faire l'acquisition d'une entreprise étrangère l'an dernier, et EDC n'a pas hésité à financer cette transaction. EDC a également offert d'assurer nos comptes clients.
Pour ce qui est des délégués commerciaux, ils nous ouvrent beaucoup de portes. Les entreprises doivent faire appel à eux. Ce serait formidable si les délégués commerciaux avaient une mentalité plus proactive, s'ils étaient mieux informés au sujet des entreprises, de leurs marchés et de ce dont elles ont besoin pour réussir. Souvent, les délégués commerciaux se pointent, mais ils ne savent pas très bien ce que nous faisons ni quels débouchés pourraient s'offrir à nous. C'est là une occasion.
De manière plus générale, je pense que nous devons travailler collectivement pour modifier la psyché canadienne. Les Canadiens n'aiment pas le risque. Ils ont un peu peur d'étendre leurs entreprises à l'extérieur du Canada. Il y a d'ailleurs un livre formidable qui parle de cette mentalité et qui s'intitule Why Mexicans don't Drink Molson. Je vous le recommande, c'est fascinant.
À mon avis, lorsque nous exportons, nous nous limitons trop souvent au marché américain parce qu'il est tout près, il est très vaste et on y parle l'anglais. C'est facile de vendre aux États-Unis, mais au-delà des États-Unis, c'est un peu plus complexe pour les entreprises canadiennes. Il y a beaucoup de cultures et de langues différentes à comprendre, mais je pense que cela contribue à la difficulté.
Les entreprises canadiennes et le Canada en général doivent améliorer leur productivité. Nous devons nous efforcer d'être aussi efficaces que possible; nous devons être plus intelligents et plus rapides dans tout ce que nous faisons; nous devons éliminer le gaspillage dans tous nos processus, toutes nos entreprises, afin d'être aussi rentables que possible.
Pour réussir sur le marché mondial, il nous faut une chaîne d'approvisionnement mondiale. Il nous faut une stratégie clé-en-main pour le marché mondial. Nous devons savoir où nous voulons vendre nos produits, quelle est la meilleure façon d'accéder à ce marché, et quelle structure de coûts il nous faut pour réussir sur ce marché. Parfois, il faut fabriquer ailleurs qu'au Canada, comme en Chine; d'autres fois, il faut fabriquer localement.
Je pense que si une entreprise veut prendre de l'expansion à l'échelle internationale, elle doit s'engager à long terme. Il faut pouvoir prendre l'avion et voyager. L'an dernier, j'ai passé un mois en Turquie. C'est loin, la Turquie. Si on veut étendre ses activités, il faut être prêt à travailler fort, à prendre l'avion et à aller rencontrer les clients et d'éventuels partenaires pour l'approvisionnement et la distribution.
Pour ce qui est du financement, je pense qu'il est essentiel que les sociétés canadiennes aient accès à des sources de financement pour pouvoir accroître les échanges commerciaux à l'étranger. Dans bon nombre de marchés, les modalités de paiement sont bien différentes de celles que nous connaissons en Amérique du Nord. En Europe méridionale, on peut attendre 180 jours avant d'être payé. On peut travailler avec une entreprise chinoise et attendre un an pour être payé. Souvent, au moment de payer, un de vos clients va essayer de renégocier le prix.
Il faut comprendre les coutumes locales. Il faut avoir une source de financement afin de pouvoir tenir le coup si les délais se prolongent alors que le client a déjà en main votre produit.
En outre, il est essentiel de comprendre les coutumes locales et de savoir où vous vendez votre produit. Quels sont les risques sur le plan de la propriété intellectuelle? Quelle importance ont les relations personnelles dans certains pays? Il y a des pays où elles sont beaucoup plus importantes qu'ailleurs.
J'ajouterai que le Canada devrait peut-être songer à créer un système de mentorat où les petites et moyennes entreprises pourraient créer des partenariats avec d'autres entreprises canadiennes qui pourraient les aider à apprendre et leur faire profiter de ce qu'elles-mêmes ont appris au moment de prendre de l'expansion à l'échelle internationale. Je pense que ce serait là une excellente occasion.
Par ailleurs, il nous faut plus d'innovations au Canada. Nous devons avoir accès aux plus brillants cerveaux. Parfois, ces personnes sont formées ici au Canada, mais souvent, elles ne le sont pas. Nous devons amener ce talent au Canada et agir beaucoup plus rapidement, avec moins d'obstacles bureaucratiques. C'est la clé du progrès. Nous devons songer à l'innovation pédagogique, à la productivité et à l'efficacité dans les programmes scolaires, car c'est essentiel pour notre réussite à long terme.
M. Lynch a parlé de l'infrastructure. Pour nous, sur la côte Ouest, il faut que les conteneurs puissent circuler librement dans nos ports. Il y a eu un certain nombre de ralentissements dans le port de Vancouver. En fait, à l'heure actuelle, les ports de la côte Ouest sont dans un état terrible, et il faut souvent attendre une ou deux semaines avant de pouvoir expédier des conteneurs par le port de Vancouver. Nous avons grandement besoin d'aide pour accélérer l'entrée au Canada des produits.
Pour notre part, notre stratégie consiste à fabriquer nos produits dans notre installation à Burnaby, pour ensuite les vendre à nos clients au Canada, aux États-Unis et dans d'autres pays. Nous savons que sur certains marchés, comme le Moyen-Orient, les produits canadiens sont tenus en haute estime; ils ont la réputation d'être de très grande qualité. Notre image de marque devrait nous être très utile sur ces marchés. C'est tout.
La présidente : Merci. Vous avez tous les deux été très concis, et je vous en suis reconnaissante.
Je passe maintenant la parole à la sénatrice Fortin-Duplessis qui va poser les premières questions.
[Français]
La sénatrice Fortin-Duplessis : D'abord, merci à tous les deux de vos présentations. Ma question s'adresse à M. Lynch. Je ne sais pas si j'ai bien compris, mais dans votre présentation, je crois que vous avez mentionné qu'EDC subventionnait des entreprises aussi dans d'autres pays. J'ai constaté cette façon de faire quand notre comité est allé en Turquie, un pays en plein essor. Le président Erdogan, avec un conseil de ministres restreint, avait cerné les champs ou les niches où il voulait voir les entreprises rayonner et atteindre des succès extraordinaires.
Ma question pour vous est la suivante. Tout d'abord, je voudrais m'assurer d'avoir bien compris. Deuxièmement, serait-il préférable pour un gouvernement d'identifier des champs, des avenues ou des niches pour les entreprises et de tout faire pour les soutenir afin qu'elles rayonnent et qu'elles prennent beaucoup d'essor, ou bien est-ce mieux de laisser faire le marché?
[Traduction]
M. Lynch : Merci pour cette question.
Il y a deux choses que j'aimerais dire. Tout d'abord, je n'ai pas parlé de « subvention ». J'ai parlé de « financement ». Il y a une différence entre subventionner et financer.
La deuxième partie de votre question était de savoir s'il appartient au gouvernement de trouver et de développer des débouchés ou si c'est au marché de le faire. Je pense que ça devrait être les deux à la fois.
Certainement, les deux parties concernées devraient pouvoir déterminer leurs besoins individuels pour réaliser des profits. Les délégués commerciaux — dont on parle dans ce cas-ci — devraient être entièrement au courant des capacités et des besoins des deux parties pour qu'ils puissent les réunir.
Les délégués commerciaux ont une présence dans ces pays, et ils devraient en savoir le plus possible sur le marché pour qu'ils puissent guider les PME canadiennes vers les meilleurs endroits et faire les meilleurs jumelages possible, sans perdre de temps, et pour expliquer à l'entreprise qui vend un produit, c'est-à-dire à l'entreprise canadienne, les nuances qui existent, les risques possibles, et les moyens de maximiser les profits.
Est-ce que cela répond à votre question?
[Français]
La sénatrice Fortin-Duplessis : J'avais oublié de vous dire qu'en Turquie, le gouvernement subventionne même les industries qui ne sont pas turques. Tout à l'heure, pour la question du financement, j'avais peut-être mal compris.
[Traduction]
La sénatrice Cordy : Merci à vous deux.
Monsieur Kalbfleisch, vous avez parlé du besoin de renseigner les entreprises au sujet des possibilités qui existent, et c'est un argument que nous avons déjà entendu. On nous a dit qu'il y a certains bons organismes gouvernementaux et non gouvernementaux qui sont prêts à aider, mais que les gens n'en sont pas au courant, ou bien les petites et moyennes entreprises ne sont pas au courant de leur existence. D'autres témoins nous ont également parlé du phénomène du travail en vase clos. Certains organismes relèvent du ministère du Commerce, d'autres, de l'Industrie, et d'autres encore, de l'Agriculture. Cela pose donc parfois un défi pour les PME parce qu'elles n'ont ni le personnel ni les moyens financiers pour avoir quelqu'un qui s'occupe de ce problème.
Quelle serait une bonne façon de s'y prendre, à l'avantage des PME, mais sans investir énormément de temps ou de ressources financières? Si les informations et les organismes sont là, ce serait dommage que les PME ne soient pas vraiment au courant des possibilités qui existent.
M. Kalbfleisch : C'est une bonne question. À mon avis, nous avons un problème similaire dans le monde des affaires, c'est-à-dire le travail en vase clos. Il y a plusieurs groupes au sein d'une même organisation qui ne se parlent pas. Donc, il faut établir des lignes de communication entre les organismes pour comprendre les possibilités qui existent et pour faire passer les connaissances entre ces divers groupes. Nous avons travaillé avec Manufacturiers et Exportateurs du Canada, et je pense que cette organisation réussit très bien à communiquer à ses membres les services offerts par le gouvernement et les possibilités qui existent.
Souvent, les entreprises se concentrent trop sur leurs activités quotidiennes, et elles ne pensent pas très souvent aux possibilités que le gouvernement peut leur offrir. Il faudrait que j'y réfléchisse davantage pour vous donner une meilleure réponse.
Sénatrice Cordy : D'accord. Merci. Tous les autres témoins, et vous aussi, avez dit que ce serait une approche logique, mais comment est-ce qu'on pourrait la mettre en œuvre de manière efficace? Ça, c'est une autre question. Si une bonne idée vous vient à l'esprit à un moment donné, n'hésitez pas à nous en faire part. Ce serait vraiment bien.
Monsieur Lynch, vous avez dit que les PME n'assistent pas souvent aux réunions « Le monde à votre portée », et qu'on y trouve plutôt des comptables, des banquiers et des fonctionnaires, ce qui n'est pas très utile. Les témoins précédents nous ont dit qu'on devrait se concentrer non pas sur le nombre de réunions ou les gens qui y assistent, mais plutôt sur les résultats de ces réunions. Quels sont les résultats de ces réunions, quel en est le suivi? Les témoins ont insisté sur le suivi des missions commerciales. C'est bien beau d'y aller, de rencontrer des gens et de présenter son produit, mais au retour, quel a été le résultat de la mission commerciale? Quel a été le suivi? A-t-on gardé le contact avec les gens qu'on a rencontrés? Donc, comment assurer cette transition, pour se concentrer non pas sur le nombre de réunions, mais plutôt sur les résultats et le suivi, ce qui est plus important, à mon avis?
M. Lynch : Je pourrais faire une comparaison avec les résultats d'un salon professionnel. Si on assiste à un salon professionnel, on pourra peut-être trouver 100 nouvelles pistes. De ce chiffre, il faudra sélectionner les pistes de haute qualité, ce qui pourrait nécessiter un an ou deux ans — parce qu'il faut beaucoup de temps pour obtenir des résultats. Parfois, il faut trois ou quatre ans avant qu'une entreprise trouve une bonne piste dans un autre pays et arrive à conclure une vente. On devrait évaluer cela en fonction des IRC. C'est quelque chose qui me tient à cœur.
La sénatrice Cordy : Je ne sais pas c'est quoi un IRC.
M. Lynch : C'est un indicateur de rendement clé, et le groupe de commerce international devrait fonctionner comme une entreprise avec des IRC et des mandats, pour que tout le monde sache ce qu'il est censé faire et pour que les résultats puissent être jugés, selon les chiffres. On devrait voir les résultats découlant des efforts, pour ensuite les déclarer.
J'aurais quelque chose à ajouter par rapport à votre première question. Depuis un an et demi, je constate un effort solide de la part des organismes qui nous aident : la BDC, la CCC, MEC, et il y a beaucoup d'acronymes, j'en conviens. En tout cas, j'ai observé une vraie transition vers non pas une consolidation de ces groupes, mais plutôt un esprit de collaboration.
Dans le cadre des réunions du Conseil consultatif sur les PME, toutes les parties y assistent pour savoir ce qui se passe. Je pense qu'il s'agit du côté humain ou de la dimension humaine du portail que l'on est en train de créer. Plutôt que d'avoir des informations disparates en vase clos, je pense que si une PME est bien organisée, si elle prend contact avec la BDC, je crois que ce partenaire, la BDC, peut communiquer avec son homologue, EDC, pour faire intervenir les gens qui peuvent vraiment être utiles dans ce cas-là. Je pense que l'autre monsieur qui voulait acheter une entreprise américaine a probablement constaté la même chose que nous, à savoir que ces organismes travaillent ensemble.
C'est aux PME d'avoir le courage de se présenter et d'obtenir les informations. Ce n'est pas facile d'attirer l'attention quand on est une PME; il faut être audacieux.
La sénatrice Cordy : Je suis nouvelle au comité, et il y a beaucoup d'acronymes à apprendre; je tenais à vous le dire.
M. Lynch : Moi aussi, je n'ai pas fini d'apprendre.
La sénatrice Johnson : Merci d'être venus aujourd'hui. Monsieur Kalbfleisch, est-ce que vous avez commencé votre carrière dans le domaine de la technologie, et est-ce que c'est votre entreprise?
M. Kalbfleisch : Certainement pas, sinon j'aurais dû fonder l'entreprise quand j'avais quatre ans.
La sénatrice Johnson : Alors vous êtes très intelligent. Quand est-ce que vous êtes devenu chef de l'exploitation?
M. Kalbfleisch : Je travaille chez Alpha depuis six ans. Quand j'ai commencé, Alpha avait un revenu d'environ 100 millions de dollars, et il y a eu une croissance importante au cours des six dernières années. En fait, j'ai réfléchi un peu à la question précédente. Pour ce qui est de l'image de marque des organisations, si on pouvait avoir une seule image de marque, un seul site web, je pense que ce serait utile pour pouvoir rassembler toutes les PME dans un seul endroit.
En fait, quand j'ai voyagé en Turquie, j'ai reçu une petite brochure rouge de Turkish Airlines, un document très percutant sur lequel est inscrit le nom du site web, invest.gov. On y parle des investissements en Turquie. Il s'agit d'un message très puissant sur les subventions et les avantages d'investir en Turquie. Ce sont des choses intéressantes auxquelles on devrait réfléchir sur le plan du marketing et de l'image de marque.
La sénatrice Johnson : À plusieurs reprises au comité, on nous a dit que les entreprises canadiennes ont peur du risque. D'après votre expérience, est-ce que vous trouvez que c'est toujours le cas? Un de nos témoins précédents a même dit que les PME ont besoin de surmonter leur peur. Si elles veulent réussir à l'échelle internationale, elles vont devoir gérer les risques, et c'est grâce à l'éducation qu'elles pourraient y arriver.
Un de mes collègues a parlé tout à l'heure de l'éducation, surtout lorsqu'il s'agit de l'entrepreneuriat. Avez-vous des observations à faire à ce sujet? Ensuite, j'aimerais vous poser une question concernant votre expérience en dehors des États-Unis.
M. Kalbfleisch : Oui, le Canada est toujours un pays qui a peur du risque. Nous sommes très compétitifs sur le plan international lorsqu'il s'agit de hockey sur glace, mais nous devons adopter cette même mentalité dans le monde des affaires.
Pour ce qui est de l'éducation, oui, il serait utile d'expliquer aux gens les pratiques d'affaires dans d'autres pays. On a toujours peur de ce qu'on ne connaît pas. Comme vous l'avez dit, c'est facile de fonder une entreprise aux États-Unis parce que c'est un pays anglophone, parce qu'on y est exposé par les médias et parce qu'on peut y voyager très facilement. Par contre, si on doit prendre l'avion pour traverser un océan, ou voyager pendant six heures pour se rendre dans un pays où on ne parle pas l'anglais comme langue première, c'est plus intimidant.
Il faut expliquer aux gens qu'on peut réussir, et c'est pourquoi je pense que ce serait très bien d'avoir un programme de mentorat. Des entreprises qui ont réussi à exporter leurs produits ou à faire affaire en dehors des États-Unis seraient disponibles pour aider les autres entreprises. Comme vous l'avez dit, il serait utile d'avoir une seule image de marque, un seul site web, où les entreprises pourraient parler aux PME et leur poser des questions sur leur succès.
La sénatrice Johnson : Pourquoi sommes-nous tellement timides ici, au Canada?
M. Kalbfleisch : C'est une bonne question. Je pense que le Canada est un pays humble, et je ne pense pas qu'on veuille conquérir le monde.
La sénatrice Johnson : Sauf en hockey sur glace.
M. Kalbfleisch : En effet.
La sénatrice Johnson : Si nous ne voulons pas conquérir le monde, à quel point pouvons-nous vraiment faire des progrès? Il reste beaucoup à faire, surtout dans le domaine de vos technologies.
M. Kalbfleisch : Absolument. Dans notre cas, nous livrons concurrence à des entreprises mondiales, dont certaines sont basées en Chine et d'autres aux États-Unis. Ce sont des entreprises multimilliardaires, alors que nous représentons une entreprise beaucoup plus petite. Nous pouvons soutenir la concurrence parce que nous avons un produit de haute qualité, doté d'excellentes fonctionnalités, parce que nous sommes à l'écoute de nos clients et parce que nous fournissons le produit qu'ils veulent dans les meilleurs délais.
Nous essayons de livrer un produit de haute qualité de manière efficace sur le plan des coûts. Je pense que la plupart des entreprises canadiennes pourraient faire cela. Il faut dire aux gens qu'on peut soutenir la concurrence internationale. Nous avons l'intelligence et la capacité nécessaires pour fabriquer des produits technologiques de haute qualité, et nous pouvons réussir.
Il faut que les gens comprennent le processus de financement d'une entreprise, parce que c'est en effet un processus risqué. Les gens se demandent comment ils peuvent financer leur première transaction sur le marché international, en dehors des États-Unis. Il faut parler aux gens des services offerts par la BDC, par exemple. La BDC offre de très bons services qui aident à éliminer certains des risques pour les entreprises canadiennes. Cela peut donner la confiance nécessaire aux gens pour qu'ils puissent faire ce premier pas.
La sénatrice Johnson : J'ai une autre question pour vous deux. Pourquoi n'accorde-t-on pas plus de soutien à l'entrepreneuriat? Ou pensez-vous que nous le faisons déjà dans ce pays? Ça revient à la question de l'éducation, mais je ne trouve pas beaucoup de jeunes entrepreneurs à qui parler — c'est très difficile au Canada de fonder sa propre entreprise.
M. Kalbfleisch : Là encore, il s'agit d'une question d'accès au financement et au capital de risque. Il est plus facile d'avoir accès au capital de risque aux États-Unis qu'au Canada. Mais là encore, la situation évolue. Avec le temps, on constate que les gens ont de plus en plus un esprit d'entreprise.
Je ne veux pas dire qu'il n'y avait pas d'entrepreneurs auparavant, mais en raison de la multiplication des technologies et de la mondialisation, les gens voient qu'il y a de nouvelles possibilités d'innover et ils veulent lancer leur propre entreprise pour récolter le fruit de leurs efforts.
La sénatrice Johnson : Merci beaucoup. Avez-vous quelque chose à ajouter, monsieur Lynch?
M. Lynch : J'aimerais répondre à cette question. Avant de commencer mes observations, j'avais écrit : « Un entrepreneur est une personne qui n'est jamais satisfaite ». Je suis conscient du fait qu'il existe des cours en entrepreneuriat pour aider ceux qui ont véritablement l'esprit d'entreprise, mais on ne peut pas changer l'ADN d'une personne.
La sénatrice Johnson : Non, c'est inné.
M. Lynch : Il faut être ambitieux. Pour ce faire, on doit être capable de sortir des sentiers battus. Un bon chef trace la voie à suivre pour le reste de ses collègues dans le milieu des affaires ou pour le reste de ses concitoyens afin qu'ils puissent s'en inspirer et faire leur travail.
En ce qui concerne l'aversion au risque, je pense que les entrepreneurs canadiens ont tous les outils dont ils ont besoin, surtout grâce à la bonne couverture offerte par EDC pour l'assurance comptes clients. Au pire, ils ne se font pas payer. Si on élimine ce risque et qu'on garantit le paiement, il ne fait aucun doute que cela encouragera un entrepreneur à faire affaire à l'étranger; sinon, je ne sais pas quelle autre solution pourrait fonctionner.
La sénatrice Johnson : Merci à vous deux de vos observations instructives.
La présidente : J'aimerais dire un mot sur les échanges commerciaux avec des pays qui ne sont pas anglophones, et cetera. Dans le cadre de vos activités à l'échelle internationale, travaillez-vous avec des partenaires locaux? Est-ce là un des outils clés pour faire affaire à l'étranger?
M. Lynch : Oui. Je pense que mon collègue à l'écran en conviendra. Il y a bien des façons d'accéder à un marché. On peut passer par un distributeur, par un agent qu'on a choisi ou, encore, par un agent ou un représentant du fabricant. Cela dit, ce qui a bien fonctionné pour nous — et les entreprises peuvent profiter d'un financement à cet égard —, c'est de faire appel à un gestionnaire des exportations.
Dans notre cas, nous faisons très peu d'affaires en Amérique latine. Mais, il y a quelques années, nous avons embauché une jeune femme colombienne qui parle la langue et qui est ambitieuse. Elle a fait connaître un véritable essor à l'entreprise, et j'ai appris ma leçon rapidement.
Nous organisons des webinaires en Amérique du Sud. Par exemple, il y a parfois 20, voire 30 participants en ligne — des Péruviens, des Chiliens, des Équatoriens et des Colombiens qui travaillent auprès de la même société, mais dans différents secteurs. Je me connecte à la séance et je me prépare à faire mon travail. Je ne parle pas l'espagnol, mais j'ai vite appris qu'ils veulent m'entendre dire un simple bonjour. Puis, c'est aux hispanophones de mon équipe de continuer le dialogue.
Quand nous faisons affaire avec des entreprises étrangères, le directeur parle souvent anglais, et il s'agit parfois d'un anglais approximatif. Il se peut aussi que son adjoint s'exprime en anglais. Mais c'est tout. Tous les ingénieurs et les acheteurs veulent parler dans leur langue maternelle. Au Canada, il nous faut du personnel qui puisse répondre au téléphone et gérer les demandes de prix qui en découlent.
M. Kalbfleisch : J'en conviens, il nous faut des représentants locaux. Les clients veulent voir une personne de leur région à qui ils peuvent faire confiance et à qui ils peuvent parler si un problème survient. Notre entreprise a également souvent besoin d'un soutien local. En cas de problème technique, ils doivent être capables d'obtenir un soutien téléphonique immédiat. Nous vendons nos produits à d'importants fournisseurs de télécommunication qui veulent un réseau fiable, et ils ne peuvent pas se permettre d'avoir un matériel en panne. Nous avons embauché des vendeurs là où nous faisons affaire. Nous travaillons avec nos distributeurs. Nous avons des agents de vente. Si nous tenons à avoir une présence à long terme sur un marché, nous pouvons envisager la possibilité d'ouvrir un bureau local. D'ailleurs, nous venons d'ouvrir une agence commerciale au Mexique. La semaine dernière, lors de mon séjour au Mexique, je me suis entretenu avec un représentant d'América Móvil. C'est primordial pour ces gens qu'il y ait un soutien local là où ils font affaire. Ils ne veulent pas travailler avec quelqu'un qui, pour reprendre leur expression, survole leur pays comme une comète. La présence d'un soutien local et d'un locuteur natif est essentielle pour le succès.
La présidente : Nous n'avons plus de temps. Une des questions que je voulais soulever porte sur le fait que, grâce à nos investissements, nous recevons de nombreux étudiants au Canada qui choisissent de venir dans nos universités, nos collèges et nos écoles techniques. Toutefois, il n'y a pas autant d'étudiants canadiens qui se rendent à l'étranger pour étudier et avoir une perspective et une expérience internationales, mais cela fera peut-être l'objet d'une autre étude.
S'il y a quelque chose que vous voulez rajouter à vos témoignages, n'hésitez pas à communiquer avec le greffier qui nous transmettra le tout. Nous vous sommes très reconnaissants de vos observations, puisque vous faites du travail de terrain et que vous connaissez de première main les enjeux que nous étudions.
(La séance est levée.)