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AGFO - Comité permanent

Agriculture et forêts

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent de
l'Agriculture et des forêts

Fascicule no 26 - Témoignages du 26 mars 2015


OTTAWA, le jeudi 26 mars 2015

Le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts se réunit aujourd'hui, à 8 h 2, pour étudier les priorités pour le secteur agricole et agroalimentaire canadien en matière d'accès aux marchés internationaux.

Le sénateur Percy Mockler (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Mesdames et messieurs les sénateurs et témoins, je vous souhaite la bienvenue à cette séance du Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts. Je suis le sénateur Percy Mockler, du Nouveau-Brunswick. Je suis le président du comité. Je demanderais maintenant aux sénateurs de se présenter à tour de rôle.

La sénatrice Beyak : Lynn Beyak, de l'Ontario; soyez les bienvenus.

La sénatrice Merchant : Bienvenue. Je suis Pana Merchant, de la Saskatchewan.

La sénatrice Tardif : Bonjour, je suis Claudette Tardif, de l'Alberta.

Le sénateur McIntyre : Paul McIntyre, du Nouveau-Brunswick.

La sénatrice Unger : Betty Unger, de l'Alberta.

[Français]

Le sénateur Ogilvie : Bonjour. Je suis Kelvin Ogilvie, de la Nouvelle-Écosse.

[Traduction]

Le président : Merci.

Avant que nous ne commencions les audiences prévues, je tiens à signaler que la vice-présidente et moi-même serons absents pendant la première partie de la réunion de mardi prochain, le 31 mars. J'aimerais savoir si vous êtes d'accord pour que le sénateur Maltais agisse à titre de président suppléant jusqu'à mon arrivée.

Merci. La motion est adoptée.

Nous allons présenter notre témoin dans quelques minutes. Le comité poursuit son étude sur les priorités pour le secteur agricole et agroalimentaire canadien en matière d'accès aux marchés internationaux.

[Français]

Le secteur agricole et agroalimentaire canadien joue un rôle important dans l'économie canadienne.

[Traduction]

En 2012, un travailleur sur huit au pays, représentant plus de 2,1 millions de personnes, était employé dans ce secteur, qui a d'ailleurs contribué à près de 6,7 p. 100 du produit intérieur brut du Canada. Au niveau international, le secteur agricole et agroalimentaire canadien était responsable de 3,6 p. 100 des exportations mondiales des produits agroalimentaires en 2012. Cette année-là, le Canada a été le cinquième plus important exportateur de produits agroalimentaires au monde.

Le Canada participe à plusieurs accords de libre-échange. À ce jour, 12 ALE sont en vigueur. L'Accord économique et commercial global entre le Canada et l'Union européenne est conclu, et des négociations sont en cours relativement à 11 ALE, y compris les négociations en vue de moderniser l'Accord de libre-échange Canada-Costa Rica. Le gouvernement fédéral entame également des discussions préliminaires sur le commerce avec la Turquie, la Thaïlande et les États membres du Mercosur, c'est-à-dire l'Argentine, le Brésil, le Paraguay, l'Uruguay et le Venezuela.

Mesdames et messieurs, nous accueillons ce matin l'honorable JoAnne Buth, ancienne sénatrice et membre du comité, et maintenant chef de la direction de l'Institut international du Canada pour le grain.

Nous vous remercions d'avoir accepté de comparaître devant le comité. Vous êtes chez vous au sein du comité de l'agriculture et des forêts. Au nom de tous les membres du comité, je tiens à dire que nous attendions avec impatience votre retour au sein du comité, et vous voilà maintenant devant nous aujourd'hui.

Cela dit, nous pourrons la bombarder de questions, mais tout d'abord, je lui demanderais de bien vouloir prendre la parole.

L'honorable JoAnne Buth, chef de la direction, Institut international du Canada pour le grain : Merci, monsieur le président. Permettez-moi de vous dire que j'ai été quelque peu perturbée lorsque j'ai appris que j'allais passer une heure dans ce fauteuil. J'espère que vous ne serez pas trop durs envers moi ce matin.

C'est un véritable plaisir, honorables sénateurs, d'être ici aujourd'hui pour vous parler de l'Institut international du Canada pour le grain dans le cadre de votre étude sur les priorités pour le secteur agricole et agroalimentaire canadiens en matière d'accès aux marchés internationaux.

L'Institut international du Canada pour le grain, ou l'IICG, est une organisation indépendante fondée en 1972. Auparavant, nous étions financés par la Commission canadienne du blé et Agriculture et Agroalimentaire Canada, AAC. Aujourd'hui, nous sommes financés par les agriculteurs de l'Ouest canadien, et nous continuons de bénéficier d'un financement d'AAC, par l'entremise des programmes Agri-marketing et Agri-innovation.

Nous souhaitons que les cultures céréalières et autres grandes cultures canadiennes soient reconnues comme étant le choix par excellence dans la fabrication des produits consommés partout dans le monde. Notre mission consiste à trouver de nouveaux débouchés pour ces récoltes sur les marchés internationaux.

Qu'est-ce que cela signifie exactement? Cela signifie que nous voulons que les produits et les ingrédients canadiens se retrouvent dans les aliments, les épiceries et les foyers de partout dans le monde, et que les transformateurs et utilisateurs finaux demandent expressément des céréales et des cultures canadiennes. Les responsables d'une minoterie au Sri Lanka nous ont dit : « Nous sommes heureux de pouvoir dire que l'utilisation du blé canadien est devenue essentielle au maintien de la qualité de la majorité de nos produits à haut volume. » Nous voulons entendre plus de commentaires comme ceux-là. Cette minoterie, qui a participé à un programme de l'IICG en 2014, a également ajouté : « Nous devons continuer de mettre en commun nos connaissances pour accroître notre chiffre d'affaires. »

À l'IICG, nous offrons une expertise technique, une formation ciblée et des solutions de transformation novatrices à nos clients du monde entier, c'est-à-dire les minoteries, les boulangeries et les fabriques de pâtes et de nouilles. Nous créons une expérience canadienne sans pareil dans nos installations uniques du centre-ville de Winnipeg, où on retrouve un laboratoire d'analyse et des installations pilotes de minoterie, de boulangerie et de fabrication de pâtes et de nouilles asiatiques, qui reproduisent toutes les conditions de transformation commerciales. Depuis 1972, nous avons accueilli quelque 40 000 participants de 120 pays partout dans le monde. La plupart de nos programmes sont axés sur le blé, mais portent aussi sur l'orge alimentaire et les légumineuses, telles que les fèves, les pois, les lentilles et les pois chiches.

Aujourd'hui, j'aimerais vous expliquer pourquoi l'accès aux marchés est si important pour les producteurs de blé.

Les agriculteurs canadiens produisent entre 25 et 30 millions de tonnes de blé chaque année. En 2013, nous avons produit une récolte record de 37,5 millions de tonnes. Le Canada occupe le 6e rang des plus grands producteurs de blé et est le troisième plus important exportateur de blé au monde, exportant en moyenne 17,5 millions de tonnes métriques chaque année. Cela représente environ la moitié du volume exporté par les États-Unis. Les exportations canadiennes de blé et de blé dur s'élevaient à plus de 6,1 milliards de dollars en 2012. Sur le marché mondial, le Canada livre concurrence aux États-Unis, à l'Union européenne, à l'Australie et à la Russie.

Le blé canadien est acheminé vers plus de 70 pays aux quatre coins du monde. Il existe deux types de blé — un qu'on appelle le blé commun, parce que c'est celui auquel on pense habituellement; l'autre est le blé dur. Le blé commun est utilisé dans la fabrication de divers pains, y compris les pains moulés, populaires en Amérique du Nord, les baguettes, les pains sur la sole, les pains plats comme les tortillas, ainsi que d'autres produits comme les nouilles instantanées et hokkien en Asie. Parmi ses principaux marchés, mentionnons les États-Unis, le Japon, la Chine et l'Indonésie.

Le blé dur est utilisé dans la confection des pâtes et du couscous. Ses principaux marchés sont les États-Unis, l'Italie, le Maroc, l'Algérie et le Japon. Évidemment, nos produits sont acheminés vers d'autres marchés, mais ce sont les principaux.

Mesdames et messieurs, je vous ai apporté un échantillon d'un produit du blé dur fabriqué à notre installation pilote. Dans cette minoterie, nous pouvons produire tous les différents types de pâtes et de nouilles. Nous pouvons également fabriquer des produits extrudés comme les bâtonnets de fromage, mais j'ai pensé qu'un rotini serait une option plus saine pour vous aujourd'hui. Cette pâte est composée de blé dur canadien, principalement en provenance de la Saskatchewan.

Chacun de ces marchés est important pour la chaîne de valeur de l'industrie céréalière canadienne. Voici donc quelques exemples des programmes que nous offrons à l'appui du développement et du maintien des marchés pour notre blé.

Nous avons un programme de formation intensif à l'intention les minotiers d'Arabie saoudite. Nous sommes en train d'accroître la capacité des minotiers marocains en les aidant à établir, à Casablanca, un laboratoire de qualité pour la formation. Chaque année, nous réalisons une analyse approfondie des diverses variétés de blé, en collaboration avec l'une des plus grandes boulangeries du Royaume-Uni. Nous aidons les phytogénéticiens canadiens à déterminer les caractéristiques que les clients recherchent en matière de qualité. Nous organisons, tous les ans, le Programme international de l'industrie du grain, auquel participent des clients de marchés clés qui souhaitent en apprendre davantage sur le secteur du grain, de la ferme jusqu'au port.

L'une de nos plus importantes initiatives s'est déroulée en novembre et décembre derniers, lorsque l'industrie canadienne s'est regroupée pour présenter à ses clients du monde entier de l'information technique sur la nouvelle récolte de blé. C'était la première fois que nous nous réunissions tous, c'est-à-dire l'IICG, la nouvelle organisation Cereals Canada et la Commission canadienne des grains, ou CCG, ainsi que les producteurs, pour représenter le Canada à l'échelle internationale. Sur une période de six semaines, nous avons visité 20 pays et parlé à près de 1 000 acheteurs, minotiers, boulangers et fabricants de nouilles et de pâtes. Nous leur avons donné des renseignements sur les changements dans notre secteur, les programmes d'assurance de la qualité et les caractéristiques qualitatives de la nouvelle récolte. C'était particulièrement important pour les clients, étant donné les conditions climatiques difficiles qui ont nui à la qualité des récoltes en 2014.

L'équipe canadienne a été très bien accueillie par les clients. Nous avons pu répondre à leurs questions et dissiper leurs préoccupations. L'une des questions les plus fréquentes était : Pouvez-vous nous garantir que vous serez en mesure de livrer votre produit à temps, compte tenu des problèmes de transport de l'an passé?

La raison pour laquelle je vous parle des programmes de l'IICG, c'est pour vous faire comprendre l'importance des marchés d'exportation pour le blé et les autres grandes cultures.

Le travail que nous faisons auprès de nos clients au nom de la chaîne de valeur de l'industrie canadienne est très important, mais dans certains pays, la promotion de notre image de marque peut être limitée par les barrières au commerce tarifaires et non tarifaires. Ces marchés ne sont pas accessibles aux exportations canadiennes. Les efforts que le gouvernement du Canada déploie au chapitre de l'accès aux marchés sont cruciaux pour la chaîne de valeur. Seuls les gouvernements peuvent réduire ces barrières; par conséquent, le travail du gouvernement canadien est essentiel pour toute la chaîne de valeur des grains du Canada.

En conclusion, nous demanderions au gouvernement du Canada de continuer de conclure des accords commerciaux avec nos principaux partenaires pour s'assurer que les agriculteurs canadiens et notre secteur peuvent fournir des produits librement dans le monde entier. Nous ne pouvons pas nous permettre d'être restreints par les barrières tarifaires et non tarifaires. Le gouvernement devrait adopter une approche axée sur la chaîne de valeur pour s'attaquer aux problèmes d'accès aux marchés et revoir ses priorités.

Nous félicitons le gouvernement pour ces ententes qui ont déjà été négociées et signées. Nous exhortons le gouvernement à poursuivre ses pourparlers, dans le cadre du Partenariat transpacifique, et d'autres négociations. Il est primordial que l'agriculture fasse partie de ces discussions et négociations.

Pour ce qui est de l'amélioration durable des capacités de production de la chaîne d'approvisionnement et de la compétitivité et rentabilité du secteur agricole et agroalimentaire canadien, qui constituent des volets de votre étude, sachez que l'une des plus grandes difficultés auxquelles nous sommes confrontés est le transport. C'est ce que nous disent nos clients et la chaîne de valeur canadienne. Nous devons être en mesure d'offrir à nos clients le produit qu'ils ont acheté dans les délais. Nous ne pouvons pas prendre le risque de les perdre aux mains d'un fournisseur plus fiable.

Le gouvernement du Canada a pris des mesures audacieuses pour essayer de régler le problème du transport. Je ne peux pas donner de détails, parce que l'IICG n'a pas de position sur le transport, ni les politiques, le système ou l'expertise à cet égard, mais je peux vous transmettre les commentaires de nos clients. Ils sont très préoccupés.

J'espère que j'ai réussi à vous démontrer à quel point il est essentiel d'élargir l'accès aux marchés pour nos producteurs céréaliers et la chaîne de valeur au Canada. Je vous félicite pour votre initiative dans ce dossier très important, et je serais ravie de répondre à vos questions.

Le président : Merci.

La sénatrice Tardif : Je vous souhaite de nouveau la bienvenue et je vous remercie pour votre excellent exposé sur les programmes et les produits de l'IICG. C'est très impressionnant.

Différents témoins ont abordé la question de la présence d'une faible concentration et nous ont dit que les progrès technologiques nous permettent désormais de détecter de faibles traces d'une substance interdite, ce qui fait en sorte qu'il est pratiquement impossible pour les producteurs canadiens d'acheminer leurs produits vers des pays qui appliquent une tolérance zéro en ce qui concerne ces substances. Qu'est-ce que fait l'industrie céréalière pour aider les producteurs canadiens à faire face à cette nouvelle réalité?

Mme Buth : Il est vrai que certains pays ne tolèrent pas la présence de faibles quantités de cultures génétiquement modifiées. Le secteur du canola, entre autres, s'est montré très proactif pour s'assurer d'avoir l'approbation de ces caractères du canola sur les grands marchés afin de pouvoir exporter dans ces pays.

De plus, cela signifie qu'on est maintenant tolérant à l'égard des caractères du canola qui ont été approuvés. Par exemple, si on trouve du canola dans un envoi de blé à destination de ces pays, cela ne poserait aucun problème parce que les caractères ont été approuvés. Cependant, dans les autres pays où ce n'est pas le cas, même de faibles quantités de canola ou de soja dans un envoi de blé pourraient occasionner de sérieux problèmes.

Comme l'industrie céréalière est un système de manutention en vrac, il est très difficile de ne pas trouver de faibles quantités d'un autre produit dans les expéditions en vrac. Toutefois, on a beaucoup discuté, comme vous l'avez indiqué, madame Tardif, de la possibilité d'établir une certaine relation avec les pays afin d'amener d'autres pays à tolérer la présence d'une faible concentration. C'est un peu ce qu'on ferait dans le cas d'un pesticide, où on établirait une limite maximale de résidus.

Évidemment, le blé génétiquement modifié fait l'objet de beaucoup de discussions. Les clients nous posent cette question chaque année : Cultivez-vous du blé GM? Nous leur répondons que non et que la politique de l'industrie est que, si nous le faisons, nous allons nous assurer que les clients ont le choix d'acheter du blé GM ou non GM. Évidemment, tout dépendrait de la tolérance des marchés, parce que nous ne pourrions pas complètement séparer les deux cultures, c'est-à-dire les cultures de blé génétiquement modifiées et les non génétiquement modifiées.

La sénatrice Tardif : La Chine et le Japon sont des marchés importants pour les exportations canadiennes. Quel est leur niveau de tolérance à l'égard des cultures génétiquement modifiées?

Mme Buth : Aucun caractère non autorisé n'est toléré. S'il s'agit d'un caractère approuvé, ils tolèrent un certain niveau. L'Union européenne, par exemple, permet une présence à un taux de 0,9 p. 100. C'est la situation que je connais le mieux; je ne suis pas tout à fait certaine du seuil de tolérance du Japon ou de la Chine. Cependant, pour ces deux pays, bien entendu, si ce n'est pas approuvé, on applique la tolérance zéro.

La sénatrice Tardif : Est-ce que cela nuit à votre industrie?

Mme Buth : Cela peut poser problème si, par exemple, nous avions un caractère du canola qui serait approuvé, mais qui n'a pas été autorisé sur ces grands marchés.

La sénatrice Tardif : S'agit-il d'un obstacle non tarifaire?

Mme Buth : Oui. Il est donc important de ne pas se concentrer uniquement sur les droits de douane. À ma connaissance, dans les négociations commerciales, on met habituellement l'accent sur les droits de douane. Dans le cas de l'accord commercial Canada-Union européenne, il y avait un volet sur la biotechnologie qui n'a pas été facile à négocier. Je ne sais pas exactement comment ont abouti les négociations, mais je sais que l'industrie avait demandé que la biotechnologie soit inscrite à l'ordre du jour des pourparlers avec l'UE en raison de sa politique de tolérance zéro.

Ce qui ressort de ces types de négociations, c'est la nécessité de poursuivre les discussions, de tenir des rencontres bilatérales et même d'envisager la possibilité d'examiner les produits ensemble. Évidemment, si un produit fait l'objet d'un examen au Canada, il doit d'abord être approuvé au Canada avant d'être cultivé. Les renseignements pourraient ensuite être transmis à l'UE. Il doit également exister un lien de confiance entre les deux systèmes, de façon à ce que les pays puissent mettre en commun les résultats de leurs examens.

Pour ce qui est des caractères du canola qui ont été autorisés par l'UE, les recommandations finales n'étaient pas différentes de celles des États-Unis, du Canada et de l'Australie.

La sénatrice Tardif : Merci.

[Français]

Le sénateur Maltais : Nous vous souhaitons la bienvenue, madame. Nous sommes heureux de voir qu'une ancienne collègue, surtout une femme, occupe un poste aussi important pour l'avenir de nos exportations. Je n'ai pas changé de marotte, madame Buth. On sait qu'en raison des accords de libre-échange — et vous l'avez bien expliqué selon vos visites dans plusieurs pays —, le Canada sera appelé, au cours des 20 ou 30 prochaines années, à produire beaucoup plus de céréales. La demande est très importante, et bon nombre de pays en ont besoin pour s'alimenter.

Ma question est la suivante : comptez-vous faire appel aux nouvelles technologies et est-ce que ce sera fait dans le respect de l'environnement des sols canadiens, c'est-à-dire qu'on s'assurera que les sols ne deviendront pas improductifs à cause d'une surproduction? Avec l'appât du gain, il arrive parfois qu'on néglige certains aspects de notre capacité de production. Est-ce l'une de vos préoccupations à long terme?

[Traduction]

Mme Buth : Sénateur, je vous remercie beaucoup de la question. Je vais commencer par répondre à votre première remarque. Il est intéressant que vous disiez que nous produirons plus de céréales. Je crois que l'objectif est d'accroître le rendement, mais le choix appartient aux agriculteurs, car ils choisiront les cultures les plus rentables qui conviennent à leurs rotations.

Au cours des 20 dernières années, nous avons observé des baisses pour certaines cultures et des hausses pour d'autres. Nous avons vu des baisses considérables du côté de l'orge et de l'avoine, des hausses pour le canola, et de petites baisses pour le blé.

Nous prévoyons accroître la production de céréales. Les agriculteurs font leurs choix en fonction du rendement qu'ils obtiendront par rapport aux coûts de production. Si la demande de blé ou de canola augmente dans le monde et que les gens sont prêts à payer le prix, le virage se fera.

En ce qui concerne la durabilité, surtout dans les exploitations agricoles, personne ne se préoccupe plus de cet aspect que les agriculteurs, car c'est leur moyen de subsistance. Ils doivent s'assurer que leurs pratiques ne seront pas dommageables à long terme. La plupart des exploitations sont cédées à la génération qui suit. C'est de plus en plus difficile, mais les agriculteurs portent une attention particulière aux pratiques qu'ils utilisent et à leurs répercussions sur les sols.

Nous avons fait des progrès depuis la dépression, qu'on appelle également la crise des années 1930. À l'époque, l'érosion des sols était un phénomène d'une grande ampleur. C'est en fait un sénateur canadien qui a mené le mouvement de la conservation des sols au Canada. La façon dont les agriculteurs labourent la terre a grandement changé. Nous nous sommes tournés vers un système de culture sans labour. Il n'y a presque plus de jachère d'été dans l'Ouest canadien, et le labourage est minimal ou inexistant. L'érosion des sols est limitée dans cette région.

En ce qui a trait aux autres pratiques, nous constatons que l'utilisation de produits tels que les herbicides est avantageuse pour les agriculteurs; ils peuvent les utiliser comme produits foliaires plutôt que de les appliquer sur le sol. Nous avons vraiment cessé d'appliquer ces produits sur le sol. Ils peuvent maintenant être utilisés dans les champs, aux endroits où poussent certaines mauvaises herbes.

Votre observation est intéressante. Bien sûr, le monde exige que nous prouvions que nos pratiques sont durables et que nous prenons soin de l'environnement. Un groupe mixte industriel-gouvernemental, la Table ronde sur l'industrie des grains, mène une initiative de durabilité importante. Il examine et recueille l'information sur les pratiques des agriculteurs et détermine comment l'on pourrait faire mieux les choses. Il s'agit d'une question très importante que les agriculteurs prennent au sérieux, et ils cherchent à apporter des améliorations.

[Français]

Le sénateur Maltais : Je vous remercie, madame Buth. J'ai une dernière question à vous poser.

On sait que dans le cadre des traités de libre-échange, les droits de douane baissent sur une période de six à sept ans en moyenne. Est-ce avantageux ou non, compte tenu de la faiblesse du dollar canadien actuel? Quels sont les avantages que nos agriculteurs pourraient tirer de la situation actuelle?

[Traduction]

Mme Buth : Nous préférerions qu'ils disparaissent tout de suite. C'est peut-être que dans le cadre d'une négociation, nous ne sommes pas prêts à réduire les droits de douane tout de suite. Lorsqu'on négocie avec quelqu'un qui n'est pas prêt à le faire, on doit faire des concessions. Nous ne savons pas toujours pourquoi les droits sont réduits au bout d'une certaine période. Il serait préférable qu'ils disparaissent immédiatement.

[Français]

Le sénateur Maltais : Je comprends que l'idéal, pour vous, c'est de ne pas en avoir du tout.

[Traduction]

La sénatrice Merchant : Ce matin, j'ai lu un article dans le journal qui portait sur l'étiquetage précis comme moyen pour les consommateurs de prendre des décisions éclairées. Il s'agissait d'un autre produit, mais croyez-vous que nos pratiques d'étiquetage sont bonnes? Lorsqu'on traite avec différents pays, à quel point les renseignements sur l'étiquette doivent-ils être précis? À votre avis, est-ce que l'accord entre le Canada et l'Union européenne devrait ou pourrait avoir des répercussions sur notre cadre pour l'étiquetage des OGM?

Mme Buth : Sur le plan de l'étiquetage, nous exportons surtout des produits de base. Par exemple, une cargaison de blé ne sera pas étiquetée comme telle. Il faut garantir aux clients que le produit ne contient pas certaines choses, et dans ce cas-ci, la Commission canadienne des grains est responsable d'examiner le contenu, que l'on parle d'impuretés ou de microtoxines, par exemple.

L'étiquetage est un aspect important et il est axé sur les clients. Il est à espérer que rien concernant les marchandises n'empêchera de répondre aux attentes des clients.

Nous devons entre autres observer constamment les clients pour déterminer ce qui se passe dans leur pays, ce qu'ils examinent; il s'agit essentiellement d'obtenir des renseignements sur les marchés, de sorte que nous ne soyons pas surpris par une exigence qui doit être respectée.

Ce que vous avez dit au sujet de l'étiquetage des OGM est intéressant. Je ne sais pas si notre accord de libre-échange avec l'Europe changera quoi que ce soit à cet égard. À l'heure actuelle, l'Europe a des conditions spécifiques sur l'étiquetage pour les produits en vente sur les tablettes et pour les produits bruts qui entrent sur son territoire également.

Je suis d'avis que l'étiquetage est nécessaire pour des raisons de santé et de sécurité, lorsque le produit contient un allergène ou lorsque le produit a subi un changement important qu'il faut déclarer au consommateur. Je suis contre l'étiquetage des OGM pour les produits finaux, car ils ne sont pas problématiques sur le plan de la santé et de la sécurité et n'ont pas subi de changement important, car c'est de cette façon que les choses sont approuvées. Ils sont examinés. Jusqu'à maintenant, les produits qui ont été approuvés équivalent en fait au produit non génétiquement modifié, et ils ont été testés de sorte qu'on est certain qu'ils ne contiennent aucun allergène.

Je répondrais que les consommateurs ont le droit d'avoir l'information. S'ils cherchent des produits qui ne sont pas génétiquement modifiés, ils peuvent acheter des produits biologiques, car il y a une limite. Dans ce cas, aucun produit génétiquement modifié n'est accepté. Si l'on veut dire que les consommateurs ont besoin de choix, eh bien, c'est le cas ici. Je pense que nous devons rester fidèles à nos principes et étiqueter les produits pour des raisons de santé et les équivalents.

La sénatrice Merchant : L'article dont je parlais porte sur les pommes Arctic, et on disait que le succès de ce produit dépendrait du consommateur. Êtes-vous en train de dire qu'à part les produits biologiques, tous les produits sont génétiquement modifiés?

Mme Buth : Non, pas tous, mais le maïs, le blé et le canola, soit les trois principales cultures qui sont modifiées génétiquement, sont des ingrédients de bon nombre de produits. Si nous y apposons une étiquette indiquant que c'est un produit génétiquement modifié, on constaterait que la plupart des produits en vente sur les tablettes contiennent des OGM, car bon nombre de produits contiennent de la fécule de maïs et de la lécithine de soja.

La sénatrice Merchant : Il y a une tendance et les consommateurs canadiens s'intéressent beaucoup aux produits sans gluten. Ce phénomène s'étend-il à l'échelle mondiale, ou le retrouve-t-on seulement dans certains pays?

Mme Buth : Il existe un certain intérêt en Europe, mais c'est un phénomène très nord-américain.

La sénatrice Merchant : De quoi s'agit-il exactement?

Mme Buth : Des gens diront que c'est une mode chez les gens riches. Lorsqu'on a les moyens d'acheter ce que l'on veut, on commence à se tourner vers les tendances. Je n'arrive pas à comprendre ce qui pousse les gens à considérer comme étant vrai ce que dit une célébrité.

Un article intéressant est paru récemment dans le Maclean's. On se demande si Gwyneth Paltrow est en train de ruiner notre santé, car elle a passablement de produits de santé et fait des recommandations. C'est à se demander pourquoi nous sommes aussi fascinés par les célébrités et pourquoi nous sommes prêts à nous fier à leurs opinions plutôt qu'à celles d'autres personnes.

Récemment, l'émission The Fifth Estate a fait du bon travail dans sa critique du livre Wheat Belly et des faux raisonnements et renseignements qu'il contient. Dès le premier paragraphe ou le premier chapitre, l'auteur fait une erreur flagrante : il dit que tout est de la faute du blé génétiquement modifié. Il n'y a pas de blé génétiquement modifié sur le marché. En sachant cela, on remet en question l'ensemble des recommandations de l'auteur.

On en revient à toute la question d'essayer de bien informer les consommateurs, et c'est parfois difficile parce qu'on essaie de leur fournir des renseignements scientifiques qui ne sont pas toujours faciles à expliquer.

Le sénateur Ogilvie : Avant de vous poser ma question, je vais intervenir sur les observations que vous venez de faire au sujet des OGM. Bien sûr, vous avez très bien décrit les choses.

Je trouve toujours fascinant qu'aucun végétal aujourd'hui ne soit pas modifié génétiquement dans le processus de sélection classique, qui est le transfert global de gènes d'un organisme à un autre. La modification génétique implique souvent le transfert d'un seul gène, et en fait, c'est beaucoup plus sécuritaire pour ce qui est du changement dans la structure de l'organisme par rapport à l'hybridation concernant le caractère génétique. Ce n'est qu'une observation.

Ma question porte sur le concept de produit à valeur ajoutée. Je tiens à souligner que le blé, les grains et les céréales que nous récoltons sont déjà des produits à valeur ajoutée et que beaucoup de connaissances et d'efforts ont été investis dans la culture des végétaux et leur récolte, et cetera. Concernant ma question, j'aimerais examiner les grains et le blé récoltés en tant que matière première. Vous nous avez donné un exemple de produit à valeur ajoutée.

Je vais poser mes questions. Premièrement, actuellement, quelle proportion de nos récoltes est transformée en produits à plus grande valeur ajoutée au Canada? Deuxièmement, quelle sera la croissance probable au cours de la prochaine décennie, à votre avis?

Mme Buth : Je vais revenir tout d'abord à votre première observation, sénateur Ogilvie, c'est-à-dire que tout est modifié génétiquement. Je suis d'accord avec vous et je crois qu'il est regrettable que nous n'ayons pas été clairs dès le départ en parlant de modification génétique et du génie génétique. Vous avez tellement raison de dire que le génie génétique est précis quand on pense aux activités de sélection classique des végétaux que nous avons menées au fil des ans et qui ne sont pas précises du tout.

Je vous remercie de votre question sur la valeur ajoutée. C'est une question difficile, car nous produisons tellement de matières premières, avant tout dans les Prairies, que bien souvent, nous ne cherchons pas d'occasions d'ajouter de la valeur pour pouvoir garder les emplois et la transformation ici.

Je ne connais pas la proportion exacte pour ce qui est de la valorisation des produits. Avant tout, au Canada — et j'imagine que c'est entre 2 et 3 millions de tonnes sur peut-être 20 à 25 millions de tonnes de cultures —, c'est que le produit demeure au pays et est transformé en farine. C'est l'un des principaux produits à valeur ajoutée et il est acheminé vers les minoteries partout au Canada. Une partie est en Ontario et au Québec parce qu'elles sont situées plus près de la population. Une partie est acheminée vers les boulangeries et les usines de fabrication de pâtes alimentaires. Nous faisons du très bon travail sur le plan de la valorisation des produits.

Particulièrement en ce qui concerne les exportations, nous devons aller dans ces pays, savoir quelle utilisation ils font du produit et être capables de le produire en fonction de leurs goûts, à un coût moins élevé par rapport à ce qui leur en coûterait pour produire ou acheter la matière première et la transformer là-bas. Bien que nous cherchions souvent des possibilités de valorisation, tout dépend des coûts. Du côté des exportations, le choix du client est également un facteur.

Pour certains produits, comme le canola, nous en triturons une bonne partie au Canada; soit environ la moitié. Nous vendons donc de l'huile et des tourteaux de canola, qui sont des produits à valeur ajoutée.

Pour revenir à l'accès au marché, nous vendons nos graines de canola principalement au Japon, car dans ce pays, les droits sur l'huile sont très élevés et on y protège l'industrie de la trituration nationale. Des problèmes d'accès au marché peuvent survenir dans des situations où nous avons beaucoup de mal à vendre un produit à valeur ajoutée dans un marché donné.

Nous avons maintenant un projet spécial sur la mouture de légumineuses. Nous voulons moudre des pois chiches, des lentilles et des pois jaunes pour les transformer en différents produits de farine de sorte que nous puissions ajouter de la valeur et offrir des produits spécifiques comme du pain ou des pâtes sans gluten. Concernant le plat de rotini que j'ai apporté ici, nous produisons un produit en ajoutant de la farine de lentille rouge, ce qui augmente l'apport en protéines et en fibres. Toute la question de la valorisation des produits et de l'augmentation de la production alimentaire est difficile.

Le sénateur Ogilvie : Êtes-vous optimiste quant aux possibilités de croissance?

Mme Buth : Je pense que c'est possible, mais je ne dirais pas qu'elle sera spectaculaire ou substantielle.

Le sénateur Ogilvie : Merci beaucoup.

La sénatrice Unger : Encore une fois, bienvenue, JoAnne. Je suis heureuse de vous voir. Je sais très bien que vous vous plaisez dans votre nouveau rôle.

Vous dites que d'autres pays sont très préoccupés par la capacité du Canada de mettre ses grains sur les marchés et de les exporter. Compte tenu de la situation en Alberta, et surtout en Saskatchewan, comment garantissez-vous que nous serons en mesure de livrer la marchandise à temps et comme prévu?

Mme Buth : Je vous remercie de la question, madame la sénatrice. Comme je l'ai déjà dit, cette question est revenue sans cesse dans le cadre de nos missions sur les nouvelles cultures. La seule chose que nous pouvions faire, c'était indiquer à nos clients que le gouvernement du Canada prend la question très au sérieux et qu'il y a un engagement à l'égard de l'industrie du grain concernant le transport des produits. Nous avons ensuite parlé du décret qui impose une quantité minimum de produits que les compagnies de chemin de fer doivent transporter et de l'augmentation de la capacité à laquelle la chaîne de valeur travaille concernant le port of Vancouver. C'est le type de garanties que nous pouvons donner.

Il est impossible de dire qu'il n'y aura jamais de problèmes, car l'an dernier, la situation était le résultat de plusieurs facteurs : une grande quantité de cultures, le mauvais temps, la compétition avec d'autres marchandises, et cetera. Cependant, nous disons aux clients que nous prenons la question très au sérieux et que, en vertu du décret, le gouvernement serait prêt à agir si nous devions faire face aux mêmes contraintes.

La sénatrice Unger : J'imagine que c'est tout ce que vous pouvez faire.

En octobre 2014, le gouvernement fédéral a annoncé que l'IICG recevrait une contribution de 15 millions de dollars pour mener des activités d'éducation de la clientèle et de formation qui aideront le secteur canadien des grandes cultures à trouver d'autres débouchés et à accroître les ventes sur les marchés mondiaux. Voudriez-vous nous parler un peu de cette initiative?

Mme Buth : C'est notre moyen d'existence et l'essentiel de ce que nous faisons.

Le financement gouvernemental dans le cadre du Programme Agri-marketing est un élément très important. Il donne une contribution équivalente à celle que les producteurs de blé canadiens versent dans nos programmes.

Nous suivons un processus lorsque nous examinons les débouchés. Nous nous concentrons avant tout sur les produits finaux qu'utilisent les clients dans leurs pays. Nous faisons tout d'abord une mission d'investigation, qui consiste à aller dans un pays et à rencontrer les minotiers, à examiner ce que font les boulangers et les fabricants de nouilles et à déterminer si nous pensons qu'il y a des possibilités. S'ils utilisent, par exemple, le blé australien ou le blé états-unien, nous voulons qu'ils essaient le blé canadien. Nous organisons un échange technique dans le cadre duquel ils viennent au Canada. Grâce à nos installations pilotes, ils sont capables d'utiliser notre blé et le voir passer dans la minoterie. S'ils viennent de l'Asie, ils feront peut-être des nouilles asiatiques; s'ils viennent de l'Afrique du Nord, ils feront des pâtes alimentaires de blé dur et du couscous. Ils ont alors une idée de la qualité des produits canadiens. Nous renvoyons alors une équipe technique au pays — avec un peu de chance, ils font un achat — et nous collaborons avec eux en utilisant le produit canadien là-bas. Nous pourrions les inclure dans une mission sur les nouvelles cultures, et continuer à essayer de nous assurer qu'ils connaissent les avantages d'utiliser des produits canadiens et qu'ils continuent d'en acheter.

Voilà où va l'argent public. Dans ce genre de missions et d'échanges techniques.

La sénatrice Unger : Merci.

Existe-t-il une méthode pour mesurer votre efficacité, par exemple, l'augmentation brusque des exportations? Je sais que la demande de blé dur est très forte, non seulement aux États-Unis, mais ailleurs aussi, si vous deviez citer des exemples, mais comment mesurez-vous votre efficacité?

Mme Buth : Vous parlez comme si vous faisiez partie de notre organisation. C'est l'une des questions que nous nous posons constamment. Si nous épousons votre point de vue, nous devons nous assurer de consacrer les fonds publics à des initiatives fructueuses. C'est toujours une question que je me pose aussi. Nous nous la posons, à l'institut, sur la façon de mesurer notre impact.

Nous pouvons le mesurer grâce à l'augmentation des ventes. L'apport de l'institut est modeste, ce n'est que d'essayer d'influer sur les ventes. En fait, nous ne vendons rien. Tant de nombreux autres facteurs peuvent compter aussi, comme la valeur du dollar canadien, les frais de transport, l'actualité dans tel pays et la concurrence avec d'autres pays.

Par divers moyens, nous examinons les tendances des exportations. Les exportations vers tel pays ont-elles tendance à augmenter ou à baisser? La tendance à la hausse se maintient-elle au bout de cinq ans? Nous nous attribuons, essentiellement, une partie seulement de cette réussite.

Nous recherchons aussi des faits anecdotiques. D'après le credo actuel, aucune mesure de l'efficacité n'est parfaite. Nous sommes à la recherche d'un faisceau des preuves de notre impact, tout comme le ferait un avocat pour un procès. Nous puisons notamment des exemples de la forte demande de produits canadiens, comme celui de ce meunier sri lankais que j'ai mentionné dans mon exposé. C'est le genre de faits que nous recherchons.

En fin de compte, nous ne voulons pas seulement que les exportations canadiennes continuent d'augmenter, mais, aussi, que les produits se vendent, sinon à un prix légèrement supérieur, à un prix difficile à battre par nos concurrents.

La sénatrice Unger : J'appuie beaucoup votre travail, je dois le signaler. J'espère que nous avons d'autres organisations comme vous qui vendent d'autres produits canadiens à l'étranger. Merci beaucoup.

Mme Buth : Je vous en prie.

Le sénateur McIntyre : JoAnne, je vous remercie pour votre exposé. Si j'ai bien compris, votre institut fournit ses services à l'industrie des grandes cultures au Canada et à l'étranger. De plus, comme vous l'avez dit dans votre exposé, ces services comprennent la prestation d'une expertise technique, de la recherche appliquée et des programmes de formation. Pourriez-vous en dire un peu plus sur la prestation de ces services, s'il vous plaît?

Mme Buth : Bien sûr. En ce qui concerne l'expertise technique, nous avons des employés remarquables, qui ont été longuement formés dans les sciences des aliments, les techniques d'analyse et des domaines pratiques comme la meunerie, la boulangerie et la fabrication des nouilles. Je me plais à mentionner que l'un d'eux, le meunier Ashok Sarkar, peut, aux seuls sons qu'émet une meunerie, y soupçonner l'existence de problèmes. Il possède 35 années d'expérience, et sa renommée est mondiale. Au cours de nos missions techniques, c'est comme si nous avions parmi nous une étoile du hockey. Tout le monde veut lui parler, parce qu'il est essentiellement la vedette de notre institut et de l'industrie.

Bien sûr, nous avons d'autres employés compétents. Souvent, ils nous arrivent de l'industrie, avec l'expertise à l'avenant. Notre boulanger a travaillé dans une très grosse boulangerie. Nos employés possèdent les compétences dont nous avons besoin.

Nous nous en enorgueillissons vraiment de notre expertise, parce que, en fin de compte, que vendons-nous? Nous vendons des connaissances et nous avons besoin de ces gens pour les posséder et posséder l'expertise.

Nos programmes de formation sont tout à fait intéressants. J'ai parlé de la formation de meuniers d'Arabie Saoudite. Ce programme s'achemine vers sa cinquième année. Nous le livrons par l'entremise d'une association d'Arabie Saoudite. Elle perçoit notre institut comme un centre expert de formation. Cela nous donne la possibilité de former les meuniers en utilisant des produits canadiens. Quand ils retourneront dans leur pays, j'ai bon espoir qu'ils les préféreront aux autres.

Nous avons aussi des programmes très particuliers de formation. Nous venons de terminer un cours auprès des producteurs, pour leur faire suivre leur produit depuis la récolte jusque chez le client. Les producteurs des Prairies qui suivent le cours connaissent ensuite la destination de leur produit. Nous les accompagnons à la meunerie et à la boulangerie et ils constatent l'importance de la qualité de la récolte tirée du champ. Voilà des exemples de programmes que nous exécutons.

Le sénateur McIntyre : Dans votre exposé, vous avez émis l'opinion que le Canada devait continuer à signer des accords de libre-échange. À ce que nous sachions, 10 de ces accords sont en vigueur. Nous savons aussi que des négociations se poursuivent avec plusieurs autres pays ou groupes de pays. Beaucoup de ces accords et de ces négociations touchent le secteur agricole et agroalimentaire canadien. Pourriez-vous nous mentionner des pays avec qui le Canada devrait signer des accords de libre-échange? Avez-vous ciblé certains pays?

Mme Buth : Quand il s'agit de nos marchés d'exportation où nous devons être assurés de pouvoir continuer à y exporter des produits, sans interruption, je pense que le Partenariat transpacifique est un accord très important auquel nous devrions consacrer nos efforts et que nous devons signer. Nos exportations au Japon, en Chine, en Indonésie et dans d'autres pays du Sud-Est asiatique sont considérables. Ce partenariat est donc une priorité.

Faute d'accord avec le Partenariat transpacifique, nous devrions privilégier des accords bilatéraux avec le Japon, la Chine. Nous avons des accords avec des pays sud-américains; ils ont été importants pour nous. Les autres marchés importants pour nous sont l'Afrique de l'Ouest, l'Afrique du Nord et le Moyen-Orient.

Le sénateur Moore : Madame Buth, heureux de vous revoir.

Dans vos documents d'information, on lit que votre institut a des clients partout dans le monde. Ma question fait suite à celle du sénateur McIntyre. L'institut est-il connu au point que des organismes homologues ou des pays s'adressent au Canada pour profiter de votre expertise et essayer de faire régler un problème d'agriculture? Avons-nous ce rayonnement?

Mme Buth : On s'adresse à nous, et nous sommes probablement mieux connus à l'étranger qu'au Canada, à cause de ce rayonnement mondial. On s'adresse à nous pour obtenir de l'aide dans la résolution d'un problème peut-être causé par le blé canadien.

Par exemple, un chargement qui a subi la mouture et des tests cause des problèmes dans les boulangeries. Nous dépêchons des gens sur place ou ils nous en envoient ici, pour un problème qu'ils éprouvent sur place. Ils peuvent même envoyer des échantillons. Nous les analysons immédiatement et nous mesurerons des propriétés comme l'absorption d'eau. C'est une propriété vraiment importante en boulangerie. Il faut obtenir la bonne absorption d'eau pour que la pâte ne soit pas trop collante.

Le sénateur Moore : Enverriez-vous votre meunier de réputation internationale sur place et vous assureriez-vous du bon fonctionnement de leur équipement, et, si le blé canadien n'est pas en cause, peut-être devraient-ils corriger d'autres paramètres? Faites-vous ce genre de vérification?

Mme Buth : Oui, mais pas de façon régulière. Nous essayons de cibler des groupes. Par exemple, un courtier qui vend beaucoup de blé en Afrique de l'Ouest s'est adressé à nous. Les meuniers, là-bas, observaient des différences, d'un cargo à l'autre ou d'un compartiment de cale à l'autre et ils voulaient comprendre ce qui se passait. Nous avons réuni 30 meuniers de différents pays d'Afrique de l'Ouest. Nous avons monté une équipe que nous avons envoyée au Cameroun où elle a passé deux jours avec eux à revoir toutes les analyses, à visiter les meuneries et à les renseigner sur ce qu'ils recevaient et à leur montrer la meilleure manière d'utiliser le produit.

Le sénateur Moore : Quand votre institut élabore des processus, tenez-vous un répertoire de propriété intellectuelle? Avez-vous des brevets pour vos systèmes ou votre équipement? Est-ce quelque chose que vous faites?

Mme Buth : Non, partout dans le monde on travaille avec de l'équipement commercial, alors nous devons comprendre l'équipement qu'utilisent les clients. Quand il est question de solutions de traitement innovatrices, même si cela peut paraître plus ou moins innovateur, il peut s'agir de l'ajustement du moulin et d'un paramètre encore inédit.

Moudre du blé est une entreprise très complexe. C'est beaucoup plus compliqué que moudre du maïs, du soya ou du canola, qui sont des grains faciles à séparer.

Le blé comporte plusieurs couches. Quand on a séparé le son et la membrane suivante, il faut s'occuper du germe. Dans certains pays, par exemple au Japon, la mouture se fait à un taux d'extraction de 60 p. 100 afin d'obtenir une farine très blanche; d'autres vont plutôt jusqu'à 75 p. 100 pour tirer le maximum de farine. Certaines des solutions que nous leur offrons peuvent paraître assez rudimentaires, mais elles cadrent précisément avec leurs activités.

Le sénateur Moore : Elles sont adaptées aux clients?

Mme Buth : Oui.

Le sénateur Moore : Merci.

La sénatrice Beyak : Je suis heureuse de vous revoir, JoAnne. C'est une perte pour le Sénat, mais c'est tout à l'avantage de l'IICG. Je sais que les Canadiens qui nous regardent de la maison ont trouvé votre exposé clair, net et précis.

J'ai été impressionnée par la liste de clients que vous formez à l'échelle internationale. Allez-vous à leur rencontre? Est-ce grâce au bouche à oreille? Faites-vous de la publicité? J'aimerais que vous nous en parliez brièvement.

Mme Buth : Nous faisons beaucoup de sensibilisation. J'ai mentionné que nous invitions les clients au Canada pour qu'ils puissent vivre une expérience typiquement canadienne. Malheureusement, cela tombe parfois en février à Winnipeg; c'est une semaine qu'ils n'oublient jamais.

Quand nous partons en mission de recherche, nous pouvons notamment travailler avec une association locale de meuniers, qui peut nous transmettre les coordonnées de clients potentiels. Notre cours sur l'industrie du grain dure deux semaines. Les clients passent une semaine dans les Prairies, à Winnipeg et dans les environs, puis nous traversons les Rocheuses avec eux pour nous rendre jusqu'au port, dans le but de voir la chaîne de valeur dans son ensemble. Nous entrons en contact avec les entreprises et leur demandons de désigner des représentants.

L'institut est plutôt bien connu. Les photos de ceux qui ont suivi le cours de l'IICG tapissent les corridors de nos locaux, un genre de temple de la renommée. Toutes les personnes qui viennent chez nous pour la première fois ou qui connaissent quelqu'un qui est passé par là essaient de trouver leur photo. Je l'ai fait, moi aussi, car j'ai suivi un cours à l'IICG en 2001 sur les ingrédients alimentaires. Quand je suis arrivée, le personnel aussi essayait de repérer mon visage sur les photos de classe. Nous allons vraiment au-devant des clients.

Le sénateur Enverga : Merci et bienvenue. Je suis heureux de vous revoir.

Ma question revient sur ce que la sénatrice Unger vous a demandé. Elle porte sur le soutien accordé par le gouvernement fédéral. Pourriez-vous nous donner des exemples de cours donnés par l'IICG dans le cadre de son initiative de sensibilisation et de formation des clients?

Mme Buth : Nous pouvons par exemple accueillir un groupe de travailleurs techniques d'un laboratoire d'analyse d'une grande entreprise chinoise. Le dernier groupe était composé de six personnes qui étaient venues pour en savoir plus sur les capacités techniques de différentes pièces d'équipement utilisées ailleurs dans le monde. Il est possible de mesurer la farine et ses diverses caractéristiques de différentes façons grâce à trois ou quatre pièces d'un équipement principal. Je ne donnerai pas les termes techniques, mais dans certains pays, on privilégie un type d'équipement en particulier. Nous leur offrons de la formation sur toutes ces pièces d'équipement pour leur montrer qu'il existe d'autres moyens de mesurer les caractéristiques d'un produit et que cela pourrait s'avérer une possibilité pour leurs propres produits finis.

Je pourrais aussi vous parler des meuniers marocains avec lesquels nous travaillons en ce moment. En plus du financement que nous recevons d'Agriculture et Agroalimentaire Canada, nous avons du soutien du ministère des Affaires étrangères et du Développement international. Nous participons à un projet de développement au Maroc et nous assurons la formation des meuniers marocains et des responsables du contrôle de la qualité là-bas, de façon à ce qu'ils puissent former à leur tour d'autres personnes de la région et du pays. Nous les aidons également à mettre sur pied un laboratoire d'analyse. Ces deux dernières semaines, nous avons accueilli un groupe de huit femmes très talentueuses qui dirigent des laboratoires dans différentes régions du Maroc, dont l'institut avec lequel nous travaillons; elles collaborent aussi à différents projets de l'IICG.

Le groupe précédent était très intéressant parce qu'un des projets auxquels nous avons travaillés consistait à accroître l'utilisation d'ingrédients dérivés des légumineuses pour rehausser la teneur en protéines de leurs produits. Quand les participants sont arrivés, on a formé deux groupes et on leur a demandé de développer un produit marocain. L'un deux a conçu des pâtes alimentaires contenant de la farine de lentille rouge, pour une plus forte teneur en protéines, et l'autre a travaillé à une farine de pois à intégrer dans un mélange à pain, que les particuliers pourraient acheter au Maroc et utiliser dans la fabrication de leur pain plat traditionnel. Les participants vont donc retourner au Maroc avec ces connaissances et tenter de se lancer en affaires avec ces produits.

Le sénateur Enverga : Puisqu'il est question du soutien technique, croyez-vous que cela suffise pour accroître la productivité et les possibilités de commercialisation de nos produits? Que manque-t-il d'autre, selon vous?

Mme Buth : Je pense que le soutien technique est très important. Je pourrais demander plus de fonds, évidemment, parce que nous avons une petite organisation et nous devons faire concurrence aux U.S. Wheat Associates. Ils ont 17 bureaux partout dans le monde, qui embauchent une centaine de personnes. Donc, dans chaque pays où nous menons nos missions sur les nouvelles cultures, nous arrivons soit avant soit après les U.S. Wheat Associates pour parler des cultures de blé.

Il est vraiment difficile pour nous de faire le poids face à un tel rayonnement. En plus d'avoir des bureaux partout dans le monde, ils sont soutenus par cinq laboratoires aux États-Unis. Celui de Portland, en Oregon, tente d'imiter l'IICG. À notre avis, il ne lui arrive pas à la cheville, mais c'est tout de même un soutien non négligeable. C'est toujours désagréable de quémander, mais ce serait certainement apprécié si nous pouvions avoir plus de fonds.

Je tiens à vous dire, sénateur Enverga, que nous avons eu la grande chance d'embaucher un meunier des Philippines. Il est venu s'installer à Winnipeg avec sa famille afin d'améliorer sa qualité de vie, mais surtout pour offrir une meilleure éducation à ses enfants. À son arrivée, il a trouvé un emploi peu rémunéré. Quand nous avons annoncé être à la recherche d'un meunier, il avait déjà dirigé plusieurs moulins d'envergure aux Philippines. Nous avons été très chanceux de pouvoir l'embaucher. Il suit actuellement une formation d'appoint à l'école de meunerie suisse afin de parfaire ses connaissances et ainsi poursuivre son travail pour le blé canadien à l'échelle mondiale.

Le sénateur Enverga : Merci beaucoup.

Le président : Honorables sénateurs, comme le temps presse, la présidence accordera une question au sénateur Oh.

Le sénateur Oh : Bon retour, sénatrice Buth. Ce sera probablement plus un commentaire qu'une question. Quand je suis allé en Chine l'an dernier, je me suis rendu dans la province de Shaanxi, où on se nourrit principalement de dumplings et de nouilles. On m'a invité à un restaurant énorme de six étages, où on ne servait que des nouilles et des dumplings. Je leur ai demandé d'où venait la farine qu'ils utilisaient, et on m'a répondu qu'elle arrivait du Canada. On m'a dit qu'au début, la texture n'était pas tout à fait au point. Dans certaines provinces, on aime que la farine ait une texture bien particulière. Je crois que vous les avez aidés à trouver une solution.

Mme Buth : En effet.

Le sénateur Oh : Les gens m'ont dit que désormais, l'ensemble de la province utilise les farines canadiennes, dont la texture convient aux dumplings et aux nouilles. Je tiens à vous en remercier puisque vous aidez le Canada.

Mme Buth : Merci beaucoup, sénateur Oh. En fait, j'ai parlé de l'équipe d'analystes qui était venue de Chine, et nous nous sommes notamment penchés sur la façon de mesurer la texture de la pâte à dumpling et sur les différentes méthodes pour y arriver.

Nous avons tous fait des dumplings ensemble à partir de différentes classes de blé canadien, puis les avons goûtés pour en coter la texture. Une des classes est le blé de force roux de printemps canadien, qui est très dur. Lorsque nous croquons dans un pierogi, la pâte est très résistante, et ce n'est pas la texture que nous recherchons. Nous utilisons donc d'autres classes de blé pour ces usages.

Le président : Mesdames et messieurs les sénateurs, la sénatrice Buth a dit en début de séance qu'elle avait une heure à nous consacrer. Le deuxième tour aurait pu empiéter sur la deuxième heure, mais ce ne sera pas possible.

Avez-vous une conclusion, madame la sénatrice Buth?

Mme Buth : J'aimerais simplement dire que cette étude du Sénat est des plus importantes à mes yeux. Le Sénat a cette capacité remarquable d'obtenir de l'information auprès de toutes sortes de sources et de témoins, et votre travail approfondi contribue grandement à régler les problèmes du Canada. Je vous félicite de cette initiative, et j'ai hâte de lire le rapport.

Le président : Merci.

Pour conclure, je me souviendrai toujours en tant que président le moment où vous aviez présenté l'étude sur la santé des abeilles au comité. Je tiens à vous signaler que le comité soumettra après Pâques son rapport sur la question au Sénat du Canada. Je vous remercie infiniment d'être venue comparaître ce matin.

[Français]

Honorables sénateurs, le comité va maintenant entendre le deuxième groupe de témoins.

[Traduction]

Pour la deuxième partie de la séance, mesdames et messieurs les sénateurs, nous accueillons Ken Whitehurst, directeur exécutif du Conseil des consommateurs du Canada; et Myles Frosst, conseiller du président de l'Association des consommateurs du Canada. Je vous remercie d'avoir accepté de donner votre point de vue, vos recommandations et vos idées au Comité sénatorial de l'agriculture.

M. Pittman, notre greffier, m'informe que M. Whitehurst va commencer, puis sera suivi de M. Frost, après quoi les sénateurs poseront des questions.

Ken Whitehurst, directeur exécutif, Conseil des consommateurs du Canada : Je vous remercie de nous avoir invités aujourd'hui. Normalement, un bénévole de notre conseil serait présent puisque nous sommes un organisme bénévole. Je suis le directeur exécutif du conseil. J'ai été dépêché étant donné que bien des gens sont en déplacement à cette période-ci de l'année.

Je suis ravi de vous faire connaître le point de vue des consommateurs que le Conseil des consommateurs du Canada a recueilli sur le sujet à l'étude. Le conseil est un des groupes de consommateurs les plus actifs au Canada. En tant qu'organisme bénévole national, il jette un pont entre l'opinion des consommateurs et les politiques gouvernementales. Il intervient par exemple auprès du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes, ou CRTC, et de la Commission de l'énergie de l'Ontario. Il représente les consommateurs à la Table ronde des groupes de consommateurs de l'Agence canadienne d'inspection des aliments, ou ACIA. Les membres du conseil ont contribué à renseigner les décideurs et les organismes de réglementation sur des sujets aussi variés que les prêts sur salaire, la gestion des déchets, le marché du condominium, les codes nationaux du bâtiment, l'étiquetage énergétique sur les appareils ménagers, la rénovation domiciliaire et même la réputation en ligne. Je pense que certains à la table pourraient d'ailleurs s'y intéresser.

Chacun de nous est un consommateur, mais nous ne parlons pas des besoins et des expériences de chaque consommateur. Pour le représentant, un des défis consiste à mettre de côté ses intérêts personnels. Les représentants doivent tenter d'aider l'ensemble des consommateurs à mieux jouir de leurs droits et à mieux assumer leurs responsabilités sur le marché; voilà ce que nos membres essaient de faire.

Permettez-moi de vous décrire les attentes des consommateurs d'aujourd'hui. Les consommateurs apprécient la valeur d'un accès honnête, complet et rapide à l'information sur les aliments, ce qui leur permet de prendre des décisions en matière de santé, de salubrité et de prix. Le conseil recommande aux sénateurs de prendre connaissance du rapport du Groupe de consommateurs sur les renseignements, la publicité et l'étiquetage liés aux produits alimentaires, qui se trouve sur notre site web. Le rapport est le fruit d'une collaboration rare sur le sujet entre les grandes associations de consommateurs.

L'opinion publique quant à la définition de la salubrité alimentaire évolue plus vite que la réglementation. Le public instruit s'intéresse plus que jamais à la science et aux nouvelles connaissances. Parallèlement, il reçoit souvent des renseignements tendancieux sur les aliments. Les communicateurs du secteur agroalimentaire devraient résister à la tentation de compliquer davantage les choses au moyen d'allégations publicitaires ambiguës et de leurs propres interprétations tendancieuses.

Les consommateurs reconnaissent la valeur d'un approvisionnement alimentaire fiable et de prix justes et prévisibles. Les consommateurs ne s'entendent pas tous sur les aliments qu'ils devraient acheter pour satisfaire ce qu'ils considèrent être leurs besoins fondamentaux. En fait, les besoins fondamentaux peuvent être définis par des facteurs relatifs à la santé, au mode de vie et aux valeurs. Certains peuvent même considérer que l'accès à la nourriture fait partie des obligations découlant de la Charte.

Le conseil croit que les décideurs politiques ont de très bonnes raisons de se soucier d'améliorer le caractère durable de la chaîne d'approvisionnement alimentaire nationale. C'est d'autant plus important à cette époque où les consommateurs accueillent les produits alimentaires d'autres pays sur le marché. Alors qu'un nombre grandissant de consommateurs se préoccupent, pour toutes sortes de raisons, de la capacité du Canada à produire ses propres aliments et à approvisionner le pays, d'autres n'ont pas réfléchi aux conséquences pour eux du fait que le Canada dépend de produits alimentaires étrangers. La plupart des consommateurs croient aveuglément que la surveillance de l'approvisionnement alimentaire exercée par le Canada va les protéger. Des aliments salubres, abondants et abordables sont tellement essentiels aux attentes en matière de sécurité nationale que nous devrions nous attendre à ce que la plupart des consommateurs ne puissent pas envisager une brèche grave en matière de sécurité.

Le conseil croit qu'il est essentiel d'introduire l'octroi de permis dans le secteur agroalimentaire. La traçabilité des aliments est importante tant pour assurer la sécurité alimentaire que pour être en mesure de gérer rapidement une crise alimentaire, de façon à ne pas alarmer le public ou lui causer de tort. La traçabilité et l'étiquetage du lieu d'origine peuvent être un premier moyen de défense pour les producteurs, afin d'éviter que les consommateurs ne boudent leur produit en cas de crise de salubrité alimentaire. Bien des consommateurs souhaitent connaître la chaîne d'approvisionnement afin d'exercer leur droit de choisir en cas d'urgence, et en tout temps aussi. L'intérêt des consommateurs à l'égard de l'origine des aliments pourrait d'ailleurs représenter une occasion d'affaires.

Mieux nous comprenons ce que signifie être un humain, plus les idées entourant une alimentation saine et salubre deviennent personnelles et impossibles à généraliser. Parallèlement, grâce à la diversité culturelle du Canada, les consommateurs peuvent découvrir de nouveaux aliments et sont ravis d'en apprendre davantage à leur sujet, de les acheter et de les consommer.

Le secteur agroalimentaire pourrait mieux répondre aux besoins complexes des consommateurs à l'aide de renseignements plus justes, complets et précis sur le produit. Heureusement, le secteur a l'habitude, et non pas l'inverse, d'utiliser la technologie de l'information pour faire son travail, et il s'améliorera à ce chapitre dans le but de servir non seulement les consommateurs locaux, mais aussi les marchés internationaux. Si un agriculteur est capable d'utiliser un iPhone pour diriger sa machinerie lourde dans le but de labourer, de planter et de fertiliser, un concept qui m'a été montré récemment, les agriculteurs et les autres intervenants de la chaîne d'approvisionnement alimentaire peuvent certainement se regrouper et communiquer des renseignements fiables sur les aliments.

Il y a lieu de s'inquiéter que la plupart des consommateurs ne comprennent pas le passage à la surveillance et à l'application de la loi fondées sur les risques dans le secteur agroalimentaire. Même certains intervenants de l'industrie semblent avoir du mal à comprendre leurs nouvelles responsabilités. Le discours sur la gestion des risques va à l'encontre de ce que les Canadiens comprennent des droits individuels indispensables à la citoyenneté. Même réussir à protéger les Canadiens à 99 p. 100 ne supprimera pas la responsabilité de ne pas avoir servi et protégé chaque individu. De plus, le conseil s'inquiète que les modèles de surveillance réglementaire fondée sur les risques soient en constante évolution. Il sera donc important de bien gérer la transition vers une surveillance de la salubrité alimentaire axée sur les risques.

Par contre, même si les organismes de réglementation en matière de sécurité alimentaire sont devant ce défi, nous ne pouvons que féliciter l'ACIA et Santé Canada des efforts qu'ils ont déployés récemment pour améliorer la collaboration avec les groupes de consommateurs et le grand public.

Permettez-moi maintenant de dire en quoi un secteur agroalimentaire durable est dans l'intérêt des consommateurs. Le conseil est d'avis que les agriculteurs et les transformateurs alimentaires canadiens doivent réaliser des bénéfices raisonnables. J'ai déjà exprimé mes inquiétudes quant à la durabilité de l'approvisionnement alimentaire national. Une concurrence loyale et des chaînes d'approvisionnement fiables, efficaces et équilibrées sont avantageuses pour les consommateurs, mais je n'ai pas besoin de vous dire que cette condition peut être difficile à obtenir. Les consommateurs canadiens ont accepté dans une large mesure des outils stratégiques comme la gestion des approvisionnements, dans le but d'assurer une sécurité alimentaire et la prévisibilité des prix, mais cet outil nécessite une représentation des consommateurs capable et responsable dans le système. Or, le conseil a observé des lacunes à cet égard au sein des systèmes canadiens de gestion des approvisionnements.

Mais la bonne nouvelle, c'est qu'il est plus simple de régler ce problème que de restructurer les secteurs. Le conseil ne s'oppose pas à ce que les systèmes de réglementation soient plus souples, car le public s'attend à ce que le gouvernement puisse s'adapter dans notre monde en constante évolution. Nous avons tous mieux à faire que de composer avec une complexité indue ou pernicieuse lorsque nous traitons avec les entreprises ou le gouvernement. La vie est trop occupée et trop courte. Assouplir la réglementation devrait permettre à la fois de protéger les consommateurs et d'assurer la prospérité économique, des objectifs qui se renforcent mutuellement.

Or, les représentants des consommateurs au sein des réformes réglementaires ont besoin à la fois d'un accès et d'une capacité pour fonctionner comme prévu. D'ailleurs, le Conseil des consommateurs du Canada est ravi de l'appui récent d'Industrie Canada et du ministre de l'Industrie, qui étudieront de leur côté les rôles institutionnels durables possibles que les organismes de consommateurs pourraient jouer dans le cadre des initiatives d'harmonisation du commerce intérieur, qui découlent de l'Accord sur le commerce intérieur. En fait, le conseil est d'avis que la pensée réformiste visant à placer les consommateurs au centre du commerce intérieur est une bonne idée.

Je vous remercie d'avoir écouté si attentivement le point de vue des consommateurs. Je suis prêt à répondre à vos questions.

Le président : Merci.

Myles Frosst, conseiller du président, Association des consommateurs du Canada : Je vais prendre un instant pour m'éloigner du texte et dire que nous sommes d'accord. Je suis persuadé que l'Association des consommateurs du Canada saluerait une bonne partie des propos de Ken.

Je vous remercie de nous donner la chance de participer à votre étude importante et de grande portée sur les priorités pour le secteur agricole et agroalimentaire canadien en matière d'accès aux marchés internationaux. L'Association des consommateurs du Canada se réjouit de votre initiative, compte tenu de l'importance capitale que revêt le secteur pour l'économie canadienne, l'innovation au pays, le bien-être des Canadiens notamment en tant que consommateurs, les consommateurs à l'étranger, et l'utilisation profitable, durable et à long terme des ressources agricoles.

En tant que bénévole, j'ai l'honneur de présenter les points de vue de l'association au nom de son président, Bruce Cran. Depuis 65 ans, l'association représente les intérêts des Canadiens lorsqu'ils consomment les produits et les services que leur offrent les secteurs privé et public.

L'association a pour mandat d'informer et d'éduquer les consommateurs sur les enjeux du marché, de les défendre auprès du gouvernement et du milieu, et de contribuer à trouver des solutions utiles aux problèmes du marché.

Si je suis ici aujourd'hui, c'est parce qu'on m'a demandé de vous donner deux conseils se rapportant aux quatre grands volets de votre étude. Tout d'abord, l'Association des consommateurs du Canada vous invite à dire, dans votre rapport définitif, qu'il est grand temps de moderniser la réglementation sur les alimentations et drogues en matière d'irradiation des produits de viande.

En deuxième lieu, l'association vous encourage aussi à recommander au gouvernement de faire réaliser un examen exhaustif et approfondi de toutes les préoccupations entourant l'avenir de la gestion des approvisionnements au pays.

Je vais commencer par la proposition la moins litigieuse, qui a été formulée à bien des reprises au cours des 15 dernières années, à savoir l'irradiation des produits de viande. Le problème, c'est que le secteur canadien de la viande ne puisse pas employer l'irradiation comme moyen supplémentaire pour minimiser les risques de maladie d'origine alimentaire, ce qui présente un risque supérieur pour la santé des consommateurs que si l'irradiation était utilisée. La réglementation les empêche d'acheter les produits de viande irradiés qui sont offerts aux États-Unis. Elle empêche aux producteurs et aux transformateurs canadiens de satisfaire la demande provenant d'un créneau commercial américain.

La solution, qui passe par une modification réglementaire, a été proposée par le gouvernement, l'ACIA, Santé Canada, les agriculteurs, la Canadian Cattlemen's Association, les usines de transformation, le Conseil des viandes du Canada, les organisations internationales, l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture, ou FAO, l'Agence internationale de l'énergie atomique, l'Organisation mondiale de la santé, ainsi que de nombreux professionnels de la santé et des scientifiques. Je pense plus particulièrement à Rick Holley, qui fait partie de l'Association des consommateurs du Canada.

Aux termes de la Loi sur les aliments et drogues, Santé Canada a la responsabilité d'établir des normes concernant la salubrité des aliments vendus aux consommateurs canadiens. L'organisme évalue entre autres les changements qui s'opèrent sur les plans chimique, microbiologique et nutritionnel dans les aliments pendant l'irradiation avant d'approuver cette technologie, dans le but d'assurer la salubrité et la qualité nutritionnelle des aliments.

L'ACIA, qui relève désormais du ministre de la Santé, est responsable de toutes les questions relatives à l'application de la loi et à la conformité se rapportant aux aliments irradiés. Elle gère entre autres l'étiquetage des produits irradiés en vertu de la Loi sur les aliments et drogues, et surtout de la Loi sur l'emballage et l'étiquetage des produits de consommation.

Déjà en mars 1998, la Canadian Cattleman's Association a présenté une pétition à Santé Canada concernant l'irradiation de la viande. À l'époque, il y avait bon espoir que ce soit vite approuvé. Il y avait de l'optimisme puisque l'année précédente, à la lumière de recherches scientifiques exhaustives réalisées aux États-Unis, la Food and Drug Administration américaine avait approuvé l'irradiation de la viande rouge pour limiter les agents pathogènes d'origine alimentaire. Le ministère américain de l'Agriculture, qui est responsable de la salubrité, de la qualité et de l'étiquetage approprié des produits de viande, a publié sa décision en 1999.

Aujourd'hui, les États-Unis consomment chaque année près de 20 millions de livres de viande irradiée, et plus de 35 millions de livres de produits frais irradiés. Les sociétés, les transformateurs et les détaillants comme Wegmans ont offert à leurs consommateurs la possibilité de choisir des produits du bœuf irradiés, y compris des hamburgers, qui sont de ce fait avantageux sur le plan de la salubrité alimentaire.

Pendant ce temps, le Canada continue d'attendre et refuse ce choix aux consommateurs canadiens. Pourquoi le gouvernement canadien n'a-t-il pas approuvé l'irradiation du bœuf haché pour donner aux consommateurs le choix entre le bœuf régulier ou le bœuf irradié?

En 2002, Santé Canada a publié dans la Gazette du Canada des propositions visant à permettre l'irradiation des produits de viande. Selon le rapport canadien Weatherill de 2009 — vous vous souviendrez de l'étude indépendante sur la listériose —, il s'avère que l'irradiation est la méthode la plus efficace qui soit pour éradiquer la bactérie sans altérer l'apparence, le goût ou la texture des aliments.

Au début de 2012, l'Association des consommateurs du Canada a commandé une étude visant à prendre le pouls de la population sur le sujet de l'irradiation alimentaire. Selon le sondage d'opinion Angus Reid, lorsque les Canadiens sondés se faisaient expliquer brièvement le processus, 66 p. 100 disaient être d'accord pour qu'on leur donne la possibilité de choisir des aliments irradiés à l'épicerie.

Aussi peu que 10 bactéries microscopiques E. coli hautement contagieuses peuvent vous rendre malade et peut-être même vous tuer. Voilà pourquoi certains consommateurs sont inquiets et souhaitent pouvoir acheter du bœuf irradié. Même si l'usine de fabrication est aussi propre qu'une salle de chirurgie et que les sociétés inspectées par le gouvernement vérifient de vastes échantillons, il nous manque encore une étape permettant de tuer les pathogènes.

Si les initiatives de salubrité des aliments du gouvernement et la surveillance qu'il exerce sont fondées sur le risque et sur des données scientifiques, au Canada, on comprend difficilement l'impasse dans laquelle nous nous trouvons actuellement concernant l'évaluation des demandes visant la prolongation de l'utilisation de l'irradiation des aliments. En juillet 2013, Santé Canada a consenti à accélérer l'évaluation d'une pétition de la Canadian Cattlemen's Association, encore une fois, concernant l'utilisation de faibles doses de rayonnements ionisants pour le bœuf, mais il n'y a eu aucun progrès véritable à ce jour.

L'ACC vous encourage donc à encourager le gouvernement à prendre les mesures nécessaires pour que la réglementation soit modifiée et que l'irradiation de la viande soit permise.

Si cela n'est pas assez problématique, il y a la question, plus complexe encore, de la gestion de l'offre. Le système canadien de gestion de l'offre — les producteurs, les transformateurs et le gouvernement qui le font fonctionner — est de plus en plus mis au défi par les progrès technologiques tant pour la production primaire que pour la transformation des produits laitiers; par la valeur des contingents en hausse; par l'augmentation de la taille des exploitations agricoles et la diminution de leur nombre; par la mondialisation des entreprises de traitement de propriété canadienne et étrangère; par la croissance des capacités commerciales internationales; et par les négociations commerciales.

Ajoutez à ces éléments ceux qui sont liés aux demandes des consommateurs : des produits de grande qualité à bas prix; la sécurité de l'offre; une plus grande diversité d'aliments à base de produits laitiers; et les préférences changeantes des consommateurs concernant les diverses catégories de produits laitiers et d'autres produits dont l'offre est réglementée.

D'après moi, le moment est venu de réaliser un examen approfondi des meilleurs instruments de politique publique à utiliser pour atteindre les objectifs initiaux de la gestion de l'offre, soit accroître la concurrence entre les producteurs et les transformateurs — c'est-à-dire établir un équilibre dans le secteur des produits laitiers de sorte que les producteurs laitiers du Canada puissent collectivement négocier les prix et adapter la production laitière à la demande des consommateurs —, assurer aux transformateurs des prix prévisibles et stables plutôt que de les soumettre à des fluctuations radicales du marché des produits primaires, et en conséquence garantir une sécurité relative du revenu pour les producteurs agricoles et les transformateurs.

Les diverses stratégies agroalimentaires qui font partie de la discussion publique sur l'avenir du secteur agroalimentaire canadien, c'est-à-dire celles du PICAA, du Conference Board du Canada, de la FCA et de Sécurité alimentaire Canada font toutes allusion à la gestion de l'offre. Elles cherchent toutes un quelconque changement. Dans le cadre de leurs travaux, ces organisations ont toutes essayé d'y inclure les intérêts des Canadiens en tant que consommateurs.

L'ACC encourage le comité permanent à se faire le champion de l'effort que déploieraient ces organisations pour travailler collectivement avec le gouvernement à une stratégie alimentaire nationale unique et, ce faisant, à revoir la gestion de l'offre en gardant à l'esprit les intérêts des consommateurs.

Il y a donc deux éléments. L'un est l'irradiation de la viande, une question qui est sur la table depuis longtemps. C'est peut-être à cause d'un manque d'audace politique. Je ne le sais pas, mais cela ne s'est pas concrétisé. L'autre est l'intérêt des consommateurs concernant la gestion de l'offre, en tant que consommateurs ou membres contribuant à l'économie. La gestion de l'offre est soumise à des pressions intenses, et il est donc temps de l'examiner de près. Si vous pouvez, dans le cadre de vos travaux, faire des recommandations en ce sens, ou concernant un examen plus approfondi, ce sera encore mieux.

Merci beaucoup.

Le président : Merci.

La sénatrice Tardif : Vous avez soulevé de nombreux points importants. Je ne sais trop où commencer, mais je vais poser ma première question à M. Whitehurst.

Vous avez fait trois énoncés au sujet du processus de réglementation. Vous avez indiqué dans votre exposé que les préoccupations des consommateurs concernant la salubrité des aliments évoluent plus rapidement que la réglementation, que le processus de réglementation fondé sur le risque est une œuvre en chantier et qu'il faut de la flexibilité réglementaire. Où voulez-vous en venir, exactement, avec ces trois énoncés?

M. Whitehurst : Nous savons que l'inspection des aliments est en train de passer d'un modèle axé sur l'inspection à un modèle plutôt axé sur le processus et que nous sommes en train d'en transférer la responsabilité à l'industrie. Franchement, compte tenu de l'échelle du système alimentaire, c'est probablement raisonnable. Cependant, nous en sommes maintenant à un point où les modèles de risque associés à cela n'en sont qu'à leurs balbutiements; ils y travaillent encore. Cela ne veut pas dire qu'ils n'en savent pas beaucoup sur le risque. Je ne veux pas être alarmiste, mais je dis que nous vivons une transition. En général, qu'il s'agisse des consommateurs ou des gens de l'industrie, on se dit encore : « Dites-moi tout simplement quelles sont les règles, et je vais les suivre. » Il importe peu que ce soit un consommateur ou une personne qui fait de la transformation.

En réalité, dans un système fondé sur le risque, cela ne fonctionne pas ainsi. On vous confie la tâche de concevoir un processus qui va garantir un résultat, et personne ne va vous dire quelle est la règle. Vous demandez des responsabilités et on vous les confie. Cela change tout, car maintenant, bien des entreprises doivent vraiment décider elles-mêmes des mesures qu'elles vont prendre et de la façon dont elles vont s'y prendre pour gérer leur risque et le risque que court le consommateur. Il y a des gens qui sont aux prises avec cette situation ambiguë. C'est d'une ambiguïté inévitable. Même dans notre système actuel, plus axé sur l'application des règles, il y a de l'ambiguïté, mais les gens doivent maintenant comprendre cette ambiguïté d'une manière différente. Cela va causer des difficultés à des gens.

La sénatrice Tardif : Que recommanderiez-vous pour améliorer la situation?

M. Whitehurst : Je pense que vous devrez prévoir une période de transition pendant laquelle il vous faudra comprendre que les gens ne comprennent pas et peaufiner les modèles. Par exemple, renoncer à une méthode et en choisir une autre ne vous permettra pas immédiatement de faire des économies. Il vous faudra, pendant un certain temps, travailler des deux côtés, aider les gens à vivre la transition et aider le public à comprendre ce qui se passe pendant la transition.

Comme je l'ai dit dans mon exposé, vous pouvez aller à une conférence sur la salubrité des aliments et vous y verrez des gens se féliciter mutuellement des faibles pourcentages de dommages causés. Cependant, personne, dans notre société, n'estime acceptable que « la plupart des gens aillent bien, mais pas vraiment » et que personne n'aille se prévaloir du système judiciaire ou autre. Tout le monde doit bien comprendre cela et s'attendre à une tension. Je pense que bien des organisations se sont satisfaites de laisser le gouvernement assumer le risque. « J'obéis aux règles, donc la responsabilité liée au risque incombe au gouvernement. » C'est maintenant une responsabilité partagée. Tout le monde va devoir l'assumer. C'est plutôt essentiel.

Sur le plan des permis et de la traçabilité, la circulation d'aliments au pays est énorme, aujourd'hui, et le régime n'est pas encore en place; personne ne sait d'où les aliments viennent. Concrètement, quelqu'un pourrait s'employer à trouver d'où ils viennent, mais ce ne serait pas rapide.

Ce sont des problèmes très difficiles et pratiques qu'il faut résoudre pour que nous ayons un approvisionnement alimentaire mondial sûr. Cela ne veut pas dire que nous ne devons pas en avoir un, mais que nous devons reconnaître sérieusement ce qu'il faut pour en avoir un.

Je pense que cela explique en partie pourquoi nous nous concentrons beaucoup sur l'aspect de l'information; parce que pour résoudre les problèmes liés à l'approvisionnement alimentaire mondial, il faut que l'information soit excellente. Une fois que nous avons véritablement de l'excellente information et que l'investissement a été fait, nous pouvons alors peut-être libérer le marché d'une bonne part de dissonance en donnant aux consommateurs l'accès à l'information qui va leur permettre d'exercer leur propre jugement.

Il n'est pas nécessaire que leur jugement soit rationnel. Personne ici ne fait tous ses achats de façon rationnelle, jour après jour, mais vous aimez qu'on respecte votre point de vue concernant les achats que vous décidez de faire. L'information est importante, sur ce plan. Les gens peuvent savoir ce qu'ils veulent au moment de faire un achat sans se préoccuper du fondement scientifique de leur achat ou se demander si Gwyneth Paltrow en fait la promotion, par exemple. Les gens veulent prendre la décision et ils ont besoin d'information. Cela devrait suffire.

M. Frosst : Les consommateurs prennent de bien meilleures décisions quand ils sont informés. De toute évidence, plus on a de l'information, mieux c'est.

Quand il est question de salubrité des aliments et du passage d'une approche réglementaire plutôt fondée sur le risque ou sur les résultats, il est difficile pour de très nombreux consommateurs de s'y retrouver.

Une majorité écrasante de consommateurs canadiens est très satisfaite et confiante, et se sent très à l'aise, concernant la salubrité de leurs aliments. Il y a cependant de petits groupes de personnes pour lesquels ce n'est pas le cas.

Pour dire cela, je m'appuie sur mes quelque 20 années d'expérience de travail auprès de groupes de l'industrie, de producteurs, de transformateurs et de consommateurs. De temps en temps, des éléments du secteur agroalimentaire se réunissent afin de lancer des campagnes de sensibilisation liées à la salubrité des aliments. Je peux me tromper, mais je n'ai pas vu d'effort concerté de la part du gouvernement du Canada, par l'intermédiaire de Santé Canada ou d'Agriculture et Agroalimentaire Canada, pour travailler avec des groupes de consommateurs, lesquels sont assez nombreux et dont certains n'ont pas le même point de vue, des groupes de producteurs, de transformateurs et de détaillants, en particulier les gros détaillants, dans le but de mettre sur pied une campagne de sensibilisation portant sur la salubrité des aliments. Je vais dire un mot pour l'irradiation. Quelles sont les diverses technologies qui sont utilisées ou qui pourraient l'être? Comment faisons-nous pour y arriver? Je rêve en couleurs, peut-être, parce que c'est une chose qu'il faut faire avec les provinces, car cela s'intègre dans le système d'éducation et il faut que cela commence dès la petite enfance.

De nos jours, on a tant de raison de ressentir de l'insécurité ou de la peur. Il serait bon de ne pas ressentir de la peur et de l'insécurité au sujet de la façon dont nous produisons la nourriture.

La sénatrice Tardif : Cela ferait partie de vos recommandations concernant une campagne de sensibilisation sur la sécurité alimentaire?

M. Frosst : En effet. Je n'en ai pas parlé avec Bruce ou avec qui que ce soit d'autre, à l'Association des consommateurs du Canada. Je ne crois pas qu'il y a une différence énorme entre le CCC et l'ACC, mais il y a d'autres groupes de consommateurs qui auraient de la réticence à appuyer de nombreuses technologies ou méthodes relatives à la salubrité des aliments, mais il faut les inclure.

La sénatrice Tardif : Merci. Compte tenu du temps que nous avons, je vais m'arrêter là.

M. Whitehurst : J'allais brièvement ajouter quelque chose. Le Conseil des consommateurs du Canada souhaite beaucoup jouer le rôle lié à l'information des consommateurs. Le problème, c'est qu'il n'y a pas de ressources. La recherche que nous avons réalisée démontre que seulement en fonction de la marque, compte tenu de ce que les gens concluent au sujet d'une organisation de consommateurs, nous serions probablement vus comme une des sources d'information les plus fiables pour le public canadien. On ne fait pas tant confiance au gouvernement sur les questions de ce genre, de nos jours, et ce, pour de multiples raisons. Il y a beaucoup de voix discordantes, sur le marché. Il en va de même des médias d'information, qui se contractent incroyablement et qui ne se concentrent plus sur bon nombre de ces questions. Ils n'ont plus les ressources. L'industrie a alors vraiment un problème, car elle produit et fait le marketing, et dans certains cas, le marketing sort des sentiers battus. Il faut une voix crédible, mais il n'y a pas de moyen de faire en sorte que les ressources soient canalisées vers les organisations comme la nôtre pour le faire.

J'ai une dernière chose à dire. Avant d'être au Conseil des consommateurs du Canada, j'étais un gestionnaire très expérimenté de Global News. Cela représente une partie importante de ce que j'ai fait, et j'ai aussi travaillé dans le domaine des services financiers. J'ai donc une assez bonne connaissance de la façon dont l'information fonctionne. La vérité, c'est que le public canadien est confiant, présentement. Il ne faut qu'un gros incident. En 15 minutes, la confiance sera disparue. C'est aussi simple que cela.

Vous devez donc tout simplement accepter cette réalité et vous demander comment resserrer l'information de sorte que les gens aient de meilleures chances de prendre des décisions raisonnables d'eux-mêmes. C'est ce qu'il faut faire. C'est essentiel, et cela n'existe pas aujourd'hui.

Le sénateur Ogilvie : Je pourrais aborder plusieurs sujets, mais je vais me concentrer sur une seule chose.

Monsieur Frosst, vous avez à raison relevé quelques aspects cruciaux, et je tiens à vous féliciter du courage que vous manifestez en soulignant énergiquement des aspects qui sont, d'après moi, tout à fait essentiels pour les Canadiens.

Je vais parler de l'irradiation des aliments. En fait, le leadership dont le Canada est capable dans ce domaine remonte au début des années 1970, à l'époque de la centrale nucléaire Whiteshell, au Manitoba. Le Canada était alors un chef de file mondial dans la conception des technologies permettant d'irradier les aliments et d'éliminer complètement les bactéries — les microorganismes, mais les bactéries en particulier, parce qu'elles étaient plus inquiétantes — des aliments et surtout de la viande. Cette installation est maintenant fermée, d'après moi, à cause d'un manque de leadership politique qui aurait permis de mettre en avant une technologie capable de garantir aux Canadiens une sécurité absolue concernant la contamination bactérienne de la nourriture, surtout de la viande. Je pourrais parler plus généralement des microorganismes, mais je pense que les Canadiens sont bien au fait des décès des 50 ou 60 dernières années qui se sont produits à cause d'aliments contaminés et qui n'auraient pas dû se produire.

J'estime qu'on refuse ainsi aux Canadiens la sécurité alimentaire absolue dans un secteur particulier, vu l'existence d'une technologie qui est connue depuis longtemps et qui a fait ses preuves, et je considère que c'est un échec de notre part de ne pas avoir pu garantir ce degré de sécurité aux Canadiens.

Je ne vous pose pas de question, en réalité. Je ne fais que renchérir, je l'espère, sur ce que vous avez dit, car c'est un domaine que je comprends extrêmement bien.

M. Frosst : Oui. D'accord. Je ne suis pas l'expert scientifique dans ce domaine, et je ne voudrais pas donner aux consommateurs canadiens l'impression que si la viande a été irradiée, ils ne risquent absolument pas de tomber malades à cause de la façon dont la viande est traitée ou manipulée. Cependant, il y a beaucoup de...

Le sénateur Ogilvie : Je parlais spécialement de contamination bactérienne et du moment où l'aliment est emballé, après la transformation. La façon dont le consommateur manipule l'aliment dans sa cuisine ou ailleurs, comme au restaurant, est une tout autre chose. Je parlais de la livraison du produit traité jusqu'à la fin du processus de ce système.

M. Frosst : Dans ce cas, je dirais : « Bravo! » Je suis d'accord.

M. Whitehurst : C'est un domaine très difficile du point de vue du consommateur et de la politique publique. Ce que le sénateur a dit à propos de l'absence de bactéries dans la viande, quand elle est emballée, est très sensé, à moins que l'emballage se fasse dans un environnement qui n'est pas propre.

D'après notre expérience, quand on discute de cela, que ce soit au sein de groupes de consommateurs ou d'experts qui se penchent sur le processus de bout en bout, il s'ensuit une discussion de trois heures au sujet de tous les effets secondaires, de ce que les gens attendront du processus à cause de son introduction. Honnêtement, la conversation porte très peu sur l'irradiation, laquelle est le point chaud pour certaines personnes. Une telle décision s'accompagne de bien des incidences, sur le plan des hypothèses des consommateurs concernant la valeur, de ce qui se produit sur les rayons, une fois le produit rendu au point de vente, du fait que la réglementation des aliments, du point de vue du fédéral, se termine une fois que l'aliment a quitté l'usine, mais que cela ne se termine pas là pour la santé publique. Certains incidents récents de contamination bactérienne de la viande se sont produits dans des commerces de détail. Il y a quand même des personnes inquiètes. Les gens seront-ils rassurés sur le produit parce qu'on aura monté une grosse campagne disant que le produit est sûr quand il sort de l'usine?

Je ne sais que vous dire à ce sujet. Compte tenu des données de l'ACC, sachant comment les consommateurs réagissent sur le marché, tout ce que je peux dire, c'est qu'un assez grand nombre de personnes — il n'est pas nécessaire que ce soit la majorité — aura d'assez sérieuses préoccupations à ce sujet pour qu'une telle mesure nuise beaucoup à l'industrie des services alimentaires pendant un bon bout de temps. Les gens seront pratiques et leur gros bon sens leur fera dire : « Nous entendons beaucoup parler de gens qui sont malades après avoir consommé de la viande contaminée, aux États-Unis, et ils ont l'irradiation. »

Vous avez raison de secouer la tête. Il est simplement difficile de dire « Comment intégrer une telle mesure dans le processus en ayant exactement le bon effet? » C'est ce qu'il faut examiner du point de vue des consommateurs. Comme nous le savons tous, sur les marchés, ils ne sont peut-être pas aussi rationnels que nous voudrions le penser à long terme.

La sénatrice Merchant : Dans les années 1970 et 1980, il existait un ministère fédéral de la Consommation et des Affaires commerciales. Il a été démantelé en 1993, je pense, et ses responsabilités ont été déléguées à divers ministères. Je le connais, car ma belle-mère a été directrice régionale à ses bureaux de Winnipeg. Je pense que le ministère avait des bureaux dans chaque province, et elle en a dirigé plusieurs à divers moments.

Qu'est-il advenu de ce ministère? A-t-on besoin d'un ministère de la Consommation et des Affaires commerciales? Je pense que les provinces ont peut-être une sorte d'organisme similaire. Compte tenu de l'intérêt que manifestent actuellement les consommateurs, qui s'intéressent grandement à ce qu'ils achètent, le gouvernement fédéral a-t-il besoin d'un ministère spécial pour s'occuper de la question?

Je sais qu'à l'époque, les gens pouvaient soumettre leurs problèmes et leurs plaintes au bureau régional. Les employés de ce bureau participaient à toutes sortes de foires commerciales dans la province et parlaient à diverses organisations. Ces bureaux assuraient un lien entre le consommateur et le gouvernement fédéral.

M. Whitehurst : Merci de cette question. J'y répondrai par étapes, car c'est comme un oignon.

Le fait qu'il existe une ACC et un CCC découle de l'élimination de cette autorité fédérale, qui soutenait très généreusement la représentation des consommateurs au Canada. Ce n'est pas tout : sachez que c'est aussi parce que les provinces ont fait de même. Les changements se sont opérés à l'échelle tant fédérale que provinciale, et les attentes relatives au financement de la représentation des consommateurs au pays ont évolué à mesure que nous recourions davantage à un modèle de producteur-payeur. Mais ce modèle n'a pas fourni de ressource pour soutenir la représentation des consommateurs.

Le conseil est d'avis qu'il serait avantageux d'avoir un ministère fédéral de la consommation, une position que je crois partagée par tous les groupes de défense des consommateurs que j'ai rencontrés. Cette position s'appuie sur le passé historique, mais le principe le plus important consiste à se demander si l'intervention est coordonnée au chapitre de l'élaboration de politiques à l'échelle nationale et provinciale pour déterminer comment la protection des consommateurs s'applique dans chaque règlement.

Le règlement du Conseil du Trésor sur l'évaluation des impacts dans le processus de réglementation exige certainement que tous les ministères réalisent une évaluation des répercussions sur les consommateurs. Selon nous, ce travail a été effectué mollement, les consommateurs sont sous-représentés dans le processus et ils pourraient être mieux représentés parce que les organisations de défense des consommateurs ont besoin de ressources plus solides pour faire des évaluations indépendantes de ces processus à titre de tiers. En ce qui concerne très précisément des points comme celui soulevé par la sénatrice, comment pouvons-nous intégrer davantage de données scientifiques, d'objectivité et d'informations dans la communication avec les consommateurs, et comment ces derniers peuvent-ils être les instigateurs de cette communication pour qu'ils n'aient pas toujours l'impression de recevoir les renseignements « tout cuits dans le bec » de la part d'un gouvernement ou d'une industrie qui a son propre plan? De nombreuses personnes intelligentes et compétentes s'intéressent à ces questions.

Parmi nos membres figurent un grand nombre de gens ayant fait partie d'organismes de protection des consommateurs. Don Mercer, originaire de Colombie-Britannique, était haut fonctionnaire au Bureau de la concurrence jusqu'à son départ à la retraite. Il en sait beaucoup au sujet de la concurrence et de la protection des consommateurs. Il y a aujourd'hui bien des tiers qui pourraient formuler d'excellentes observations et contribuer à renforcer la confiance de la population s'ils étaient mieux en mesure de le faire.

M. Frosst : La seule complication que j'ajouterais, c'est que j'ai dirigé de nombreux organismes consultatifs de l'industrie où nous avons toujours tenté d'intégrer un représentant des consommateurs quelconque. Il importe de se rappeler que les entreprises cherchent à comprendre les désirs et les besoins des consommateurs. Il ne faudrait pas oublier que l'industrie elle-même a beaucoup à ajouter au sujet des besoins et des préférences des consommateurs; il ne faut donc pas l'oublier quand on s'intéresse aux consommateurs.

[Français]

Le sénateur Maltais : Monsieur Whitehurst, dans l'une de vos recommandations, vous mentionnez l'importance de l'étiquetage, et je me pose des questions à ce sujet.

Tout d'abord, durant la semaine de relâche, sachant que vous alliez venir, j'ai fait une petite expérience. Je suis allé dans les supermarchés, le jeudi, le vendredi et le samedi après-midi. J'ai observé des familles, des mères et des pères avec leurs enfants, faire leur épicerie.

Je peux vous assurer que, parmi les personnes que j'ai vues, aucune de celles-ci ne lisait les étiquettes. Personne n'a compté le nombre de petit pois ou de tomates contenus dans une boîte. Je ne sais pas si l'étiquetage est aussi important pour la majorité des gens. Les personnes très méticuleuses par rapport à leur alimentation, qui ont toute la semaine pour faire leur épicerie, prennent sans doute le temps de lire toutes les étiquettes. Mais pour la grande majorité des gens, ce n'est pas la préoccupation première.

Dans un deuxième temps, on a fait référence à l'irradiation des aliments, des viandes en particulier. Lorsque cela a commencé, le premier organisme à s'y opposer était l'Association des consommateurs du Canada de divers coins du pays. Vous allez en convenir.

Aujourd'hui, ce n'est pas encore prouvé. Je ne suis pas un scientifique, mais j'ai écouté aussi les consommateurs. Au Québec, il y a l'Office de la protection du consommateur, qui est une agence du gouvernement et qui bénéficie de subventions gouvernementales. Elle a pour but de renseigner les consommateurs, non pas un par un, mais publiquement, par l'entremise de revues et de publicités à la télévision ou à la radio. Je ne crois pas qu'elle fasse partie de votre association.

Monsieur Frosst, puisque vous avez parlé de la gestion de l'offre, je me demande si vous avez souvent pris part à des assemblées. Prévoyez-vous participer aux assemblés de producteurs de lait, de fromage, de bœuf, de porc et de veau pour les informer de l'abolition de la gestion de l'offre? Je vous invite à le faire.

[Traduction]

M. Frosst : À titre de membre de l'Association des consommateurs du Canada, je ne l'ai pas fait. En qualité de directeur administratif du Conseil canadien de commercialisation des produits agroalimentaires, de chef de la direction de l'Institut agricole du Canada et de dirigeant des Groupes consultatifs sur le commerce international, ainsi qu'à divers autres titres, j'ai travaillé avec des producteurs et des transformateurs de produits laitiers, ainsi que dans d'autres secteurs à offre réglementée, comme le domaine du bœuf. En fait, j'ai travaillé avec pas mal tout le complexe agroalimentaire.

Comprenez-moi bien : je ne proposais absolument pas d'abolir la gestion de l'offre. Je ne suis pas certain si c'est vers là que vous vous dirigiez.

[Français]

Le sénateur Maltais : C'est ce que vous avez dit au début. On devrait revoir...

[Traduction]

Le président : Monsieur Frosst, pourriez-vous clarifier vos propos?

M. Frosst : Oui. Les changements intervenus ces dernières années dans les secteurs des produits laitiers, de la volaille et d'autres secteurs à offre réglementée ont soumis les producteurs et les transformateurs à des pressions. Dans le contexte de la présente étude, je voulais indiquer que comme l'Association des consommateurs canadiens s'intéresse depuis bien des années au prix, à la qualité et à la quantité des produits issus des secteurs à offre réglementée, il est peut-être temps d'examiner attentivement les secteurs où la gestion de l'offre est un instrument de politique de premier plan.

[Français]

Le sénateur Maltais : Vous êtes conscient que jouer avec la gestion de l'offre, à l'heure actuelle, c'est jouer avec une bombe atomique. Compte tenu de tous les traités de libre-échange, et de nos agriculteurs — ce qui représente des dizaines de milliards de dollars —, dont les employés sont des consommateurs, il faut être très prudent avec ce dossier. Il ne faut pas spéculer sur le fait que le gouvernement canadien puisse revoir la gestion de l'offre. Il n'en est aucunement question pour le gouvernement.

Le président : Je vous remercie pour vos commentaires, sénateur.

[Traduction]

Le sénateur Enverga : Vos organisations défendent les consommateurs. Mais que défendez-vous vraiment? Défendez-vous les besoins et les préférences des consommateurs, ou agissez-vous en faveur de bons prix ou d'aliments sains pour les consommateurs? Comment conciliez-vous tout cela?

M. Whitehurst : Nous représentons les consommateurs dans un cadre entourant les droits et les responsabilités de consommateurs. Ce cadre inspiré des droits civils des citoyens comprend un ensemble de valeurs concernant le choix, la sécurité, le droit à l'information et le droit de recours. Nous voulons que le marché soit équitable.

Chaque consommateur prend ses propres décisions au sujet de la valeur, et nous essayons de permettre aux gens de fonctionner équitablement dans le marché, compte tenu de leur situation personnelle et d'autres facteurs. Nous nous portons donc à la défense d'un environnement adéquat où les gens peuvent participer au marché.

Nous nous intéressons aux prix, mais la question nous préoccupe particulièrement si ces prix empêchent quelqu'un de satisfaire ses besoins essentiels. Nombre de gens doivent prendre des décisions difficiles, et nous nous intéresserons à la question. Mais nous préoccupons-nous exclusivement des prix? Nous le faisons en général, mais le prix n'est qu'une valeur parmi tant d'autres. Notre objectif premier ne consiste pas à réduire les prix au maximum, mais bien à nous assurer que l'économie soit équitable pour les consommateurs.

M. Frosst : L'Association des consommateurs canadiens est très semblable à cet égard.

Le sénateur McIntyre : Ma question fait suite à celle du sénateur Enverga.

Monsieur Whitehurst, je sais que votre conseil préconise la création d'une charte des droits internationaux des consommateurs. D'après ce que je comprends, cette charte comprendrait des droits comme les droits du consommateur à la sécurité, au choix, à l'information et à la protection de la vie privée. Est-ce le cas?

M. Whitehurst : Oui.

La sénatrice Unger : Monsieur Whitehurst, en vous écoutant, j'ai l'impression que vraiment rien n'est très sécuritaire à consommer. Comme vous pouvez le voir, j'ai bien du vécu et je suis en parfaite santé. Vous affirmez que personne ne connaît l'origine de certains aliments qui entrent au pays. Pourriez-vous me donner un ou deux exemples?

M. Whitehurst : Je suis désolé, je ne cherchais pas à tirer la cloche d'alarme. En fait, je crois avoir dit que les Canadiens font confiance à l'approvisionnement alimentaire, forts de leur expérience personnelle. C'est parfois pour la bonne raison, mais parfois non. Bien des gens sont malades à cause d'un aliment et ils ne le comprennent même pas. Mais objectivement, nous savons que c'est le cas.

Bien des aliments sont importés, et c'est un simple fait que le gouvernement du Canada ne connaît pas tous les importateurs. Il est incapable de gérer la situation et de surveiller tous les aliments qui entrent au pays. Historiquement, même dans certaines catégories d'aliments, il n'a jamais examiné ce qui entre dans la composition des aliments produits au pays. Mais notre culture de salubrité alimentaire est excellente.

La sénatrice Unger : Je vous demandais simplement un exemple précis.

M. Whitehurst : Je pense que nous connaissons tous le produit contenant de la mélamine qui avait été importé de Chine il y a quelques années. C'est arrivé.

En ce qui concerne d'autres catégories de produits d'importation, il y a quotidiennement des rappels, pour des produits de bijouterie pour enfants, par exemple.

Ce n'est pas pour cibler un pays en particulier. Bien des pays peuvent éprouver des problèmes, même dans des domaines faisant l'objet de surveillance, comme les fruits et légumes en provenance des États-Unis.

Tout ce que je dis, c'est que si nous voulons nous attaquer à la source du problème pour permettre à la population de faire confiance au fonctionnement du système et si nous voulons être capables de déterminer très précisément où sont les problèmes pour éviter de mettre fin au commerce avec des pays entiers, par exemple, alors nous devons savoir où se trouve la source du problème quand il survient et nous devons le savoir rapidement.

Le président : Pour que tout soit bien clair, le président voudrait informer le comité, les téléspectateurs et les personnes présentes de l'existence d'un bureau de la consommation à Industrie Canada.

J'indiquerais aux témoins que s'ils souhaitent ajouter quelque chose ou s'ils considèrent qu'ils devraient apporter des précisions à leurs observations, à leurs déclarations ou à leurs recommandations, ils peuvent communiquer avec le greffier M. Pittman.

Merci beaucoup aux témoins. Si vous souhaitez exprimer d'autres opinions à mesure que nous poursuivons notre étude, n'hésitez pas à le faire.

(La séance est levée.)


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