Délibérations du Comité sénatorial permanent de
l'Agriculture et des forêts
Fascicule no 28 - Témoignages du 14 mai 2015
OTTAWA, le jeudi 14 mai 2015
Le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts se réunit aujourd'hui, à 8 heures, pour poursuivre son étude sur les priorités du secteur agricole et agroalimentaire canadien en matière d'accès aux marchés internationaux.
La sénatrice Claudette Tardif (vice-présidente) occupe le fauteuil.
[Français]
La vice-présidente : Honorables sénatrices et sénateurs, je vous souhaite la bienvenue à cette réunion du Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts. Je suis Claudette Tardif, et j'ai l'honneur de présider ce comité aujourd'hui.
J'aimerais commencer en demandant aux sénateurs de se présenter, en commençant à ma gauche.
[Traduction]
La sénatrice Beyak : Lynn Beyak, de l'Ontario.
Le sénateur Oh : Victor Oh, de Toronto, Ontario.
Le sénateur Enverga : Tobias Enverga, de l'Ontario.
[Français]
Le sénateur Maltais : Bienvenue. Sénateur Ghislain Maltais, du Québec.
[Traduction]
La sénatrice Unger : Betty Unger, de l'Alberta.
[Français]
Le sénateur Dagenais : Jean-Guy Dagenais, du Québec.
[Traduction]
Le sénateur Ogilvie : Kelvin Ogilvie, de la Nouvelle-Écosse.
[Français]
La vice-présidente : Aujourd'hui, le comité continuera son étude sur les priorités du secteur agricole et agroalimentaire canadien en matière d'accès aux marchés internationaux.
Le secteur agricole et agroalimentaire canadien joue un rôle important dans l'économie canadienne. En 2013, un travailleur sur huit au pays, représentant plus de 2,2 millions de personnes, était employé dans ce secteur qui a d'ailleurs contribué à près de 6,7 p. 100 au PIB.
À l'échelle internationale, le secteur agricole et agroalimentaire canadien était responsable de 3,5 p. 100 des exportations mondiales de produits agroalimentaires en 2013. En 2013, le Canada se classait cinquième parmi les exportateurs de produits agroalimentaires les plus importants au monde. En outre, le Canada participe à plusieurs accords de libre-échange. À ce jour, 12 accords de libre-échange sont en vigueur.
Aujourd'hui, nous avons le plaisir d'accueillir, de Canada Hippique, Mme Julie Cull, gestionnaire de programmes, Développement de la participation et du secteur équin. Aussi, de la Fédération canadienne du mouton, Mme Corlena Patterson, directrice exécutive.
Merci beaucoup d'avoir accepté notre invitation. Je comprends que c'est Mme Cull qui va commencer. Par la suite, les sénateurs vous poseront des questions.
[Traduction]
Julie Cull, gestionnaire de programmes, Développement de la participation et du secteur équin, Canada Hippique : Honorables sénatrices et sénateurs, bonjour. Merci de m'avoir invitée à témoigner aujourd'hui.
Canada Hippique est un organisme national de régie du sport équestre et de défense des intérêts de l'industrie équine dont le rôle, reconnu par Agriculture et Agroalimentaire Canada, Sport Canada, la Fédération équestre internationale et les Comités olympique et paralympique canadiens, consiste à représenter, promouvoir et servir la communauté et l'industrie équestres. Canada Hippique compte 78 000 membres issus de 10 associations équestres provinciales et d'une association du Yukon. Ses activités sont organisées en fonction de trois divisions : sports, industrie et initiatives en matière de loisirs.
Il existe 40 associations d'éleveurs de chevaux au Canada. Elles représentent environ 30 000 éleveurs, dont 27 000 sont représentés auprès de Canada Hippique par l'intermédiaire de l'association nationale des éleveurs, qui est membre affilié de notre fédération.
J'aimerais vous renseigner sur les exportations de produits équins. Les exportations canadiennes dans ce secteur sont réparties dans trois grandes catégories. La première catégorie d'exportation de produits équins comprend les chevaux destinés au sport, aux courses et aux concours, y compris les animaux reproducteurs, qui sont les animaux qui ont le plus de valeur par unité sur le marché d'exportation de l'industrie équine. Cette valeur est liée à l'âge des chevaux. Ce sont habituellement des chevaux âgés de trois à cinq ans — parfois un peu plus — qui ont nécessité d'importants investissements pour l'entraînement et l'acquisition d'une expérience en compétition. C'est une chaîne d'approvisionnement unique, car la plupart du temps, l'exportateur ultime est le propriétaire, et non l'éleveur. Nos éleveurs produisent des poulains et de jeunes chevaux destinés aux secteurs du sport, des courses ou des concours. C'est dans ces secteurs qu'aura lieu l'entraînement à valeur ajoutée. Le produit d'exportation, c'est le cheval entraîné.
La deuxième catégorie est la génétique. Le Canada exporte de la semence équine vers certains marchés internationaux. Il s'agit principalement de semence fraîche réfrigérée qui doit être expédiée rapidement à l'échelle internationale. L'évolution continue des marchés internationaux représente pour le Canada une occasion d'accroître les exportations dans le marché de la semence équine. Le Canada a le potentiel d'accroître sa participation dans les marchés internationaux par rapport à d'autres produits génétiques, dont la semence congelée et les embryons. Le marché des ventes à l'exportation de semence congelée est directement lié au succès que connaît l'étalon canadien dans les secteurs des sports et de la course; à cela s'ajoute le succès que connaît habituellement sa progéniture dans les marchés du sport et des concours.
La troisième et dernière catégorie d'exportation de produits équins est la viande chevaline. Le Canada exporte annuellement un important volume de viande chevaline. Selon l'ACIA, la viande chevaline canadienne est le plus important produit de viande rouge exporté vers l'Europe par le Canada. En 2014, le Canada a exporté pour 5 millions de dollars de bœuf et de veau, 5 millions de dollars de porc et 27 millions de dollars de viande chevaline vers les pays de l'UE 28. Le Canada exporte également chaque année un nombre limité de chevaux vivants au Japon; ces animaux sont destinés aux parcs d'engraissement et au marché de la transformation de ce pays.
Ce n'est qu'un aperçu de notre industrie d'exportation de produits équins. Je vais maintenant vous parler de certains enjeux ou préoccupations au sein de notre industrie.
L'un de nos plus importants problèmes est lié aux envois directs. Les facteurs les plus importants qui limitent notre accès aux marchés émergents sont le coût du transport vers les pays de destination et les exigences propres aux pays de destination en matière de quarantaine et de tests préalables à l'exportation. Dans la plupart des cas, les chevaux à valeur élevée expédiés à l'extérieur de l'Amérique du Nord sont transportés par avion. Comme l'expédition par voie maritime prend beaucoup de temps, on préfère habituellement expédier les chevaux par avion plutôt que par bateau.
Au Canada, les chevaux peuvent être expédiés par avion à partir des aéroports de Toronto et Calgary. À l'échelle internationale, les déplacements de chevaux sont assortis d'exigences zoosanitaires : mise en quarantaine avant l'exportation et après l'importation, tests de santé obligatoires avant l'exportation. La seule installation de quarantaine reconnue par l'ACIA au Canada est celle de Spruce Meadows, à Calgary, en Alberta. La majorité des chevaux expédiés outre-mer passe par les installations de quarantaine du département de l'Agriculture des États-Unis, qui sont situées à Atlanta, Los Angeles, Miami, Houston, Lexington et New York.
En ce qui concerne l'accès aux marchés émergents, il serait plus viable sur le plan économique d'autoriser le transport des chevaux par avion directement à partir du Canada. Idéalement, le Canada devrait conclure des accords de commerce et de déplacement de produits équins avec des pays avec lesquels il n'a pas d'accord sur le transport des chevaux par vol direct, comme certains pays des Amériques et la Chine, notamment. Actuellement, les exportateurs canadiens doivent assumer le coût supplémentaire du transport des chevaux à partir du Canada jusqu'aux installations de quarantaine américaines en vue de leur exportation vers leur destination ultime.
La conclusion d'accords commerciaux supplémentaires avec les marchés émergents et l'homologation, par l'ACIA, d'installations de quarantaine supplémentaires au Canada pour les producteurs canadiens entraîneraient une baisse des coûts de transport, ce qui rendrait les produits équins plus concurrentiels sur le marché international et permettrait d'accroître la marge de profit de chaque produit équin vendu. De plus, les chevaux canadiens exportés par l'intermédiaire des installations de quarantaine de l'USDA sont considérés comme des chevaux américains lors de l'exportation à leur destination ultime. Ces chevaux et la valeur qui leur est associée comptent dans la balance commerciale des États-Unis et non dans celle du Canada.
La part de marché du Canada dans le secteur de la génétique équine est une autre préoccupation. Actuellement, l'ACIA fait rapport des exportations d'unités de semence équine vers tous les pays de destination, à l'exception des États-Unis. Comme aucun certificat de santé animale n'est exigé pour les exportations de semence vers les États-Unis, aucun organisme ne fait un suivi à cet égard.
De plus, les données recueillies actuellement par l'ACIA sur les exportations de semence ne comportent aucune information sur la race du cheval ni sur la valeur de la semence exportée. De 2006 à 2009, les exportations de semence équine, en volume d'unités, ont augmenté de 198 p. 100, et ces chiffres seraient beaucoup plus élevés et seraient comptabilisés avec une plus grande exactitude si les exportations de semence vers les États-Unis faisaient l'objet d'un suivi.
La dernière préoccupation est liée à la traçabilité équine. L'ACIA a entrepris une deuxième ronde de consultations concernant des modifications à la Loi sur la santé des animaux visant la mise en place d'une réglementation nationale en matière de traçabilité d'ici juillet 2015. Actuellement, l'ACIA n'a pas l'intention d'inclure les chevaux dans la réglementation.
L'absence d'un système national d'identification des chevaux représente une menace importante pour l'industrie équine canadienne, et ce, à plusieurs égards.
En collaboration avec les chefs de file et les partenaires de l'industrie équine, l'ACIA a créé une norme relative à la biosécurité dans l'industrie équine, qui vient d'être diffusée au sein de notre industrie. La norme de biosécurité est un outil qui aidera les propriétaires et les gardiens de chevaux à protéger la santé des chevaux à la ferme et à minimiser les risques de transmission de maladies.
Toutefois, cette seule norme ne suffit pas à protéger la population canadienne des chevaux. Étant donné la multitude de maladies équines et la facilité avec laquelle elles se propagent en raison des déplacements fréquents au sein de la population équine, le troupeau canadien pourrait facilement être menacé. Cela entraînerait une fermeture des frontières et l'arrêt immédiat des déplacements de chevaux à l'échelle internationale.
La traçabilité et l'identification équines faciliteraient considérablement le retraçage en amont de chevaux potentiellement contaminés et, advenant une telle situation, permettraient une reprise plus rapide du commerce international et de la concurrence internationale.
La fiche d'identification équine actuellement mise en place par l'ACIA pour les produits équins destinés à la transformation comporte des limites. La mise en œuvre d'un programme national d'identification et de traçabilité des chevaux qui viserait l'ensemble des chevaux dans tous les secteurs assurerait la mise en place de mesures adéquates pour la gestion des animaux destinés à la production de viande et garantirait que seuls des chevaux propres à la consommation humaine seraient transformés.
La vice-présidente : Merci beaucoup, madame Cull. Nous passons maintenant à Mme Patterson, s'il vous plaît.
[Français]
Corlena Patterson, directrice exécutive, Fédération canadienne du mouton : Bonjour, madame la présidente et honorables sénateurs. La Fédération canadienne du mouton vous remercie de l'invitation à comparaître devant vous aujourd'hui.
[Traduction]
La Fédération canadienne du mouton est un organisme sans but lucratif qui représente plus de 11 000 producteurs de moutons du Canada. La principale responsabilité de cet organisme fondé en 1990 est d'établir les politiques nationales de l'industrie ovine. La mission de la FCM est d'assurer une coopération étroite avec tous les ordres de gouvernement et les organismes liés à l'industrie, tant au pays qu'à l'étranger, pour favoriser la viabilité, l'essor et la prospérité de l'industrie canadienne du mouton et de la laine.
C'est pourquoi la Fédération canadienne du mouton se réjouit de l'occasion de faire part au Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts de ses attentes et de ses préoccupations concernant l'accès aux marchés et la compétitivité.
L'accès aux marchés est un problème de longue date pour l'industrie canadienne du mouton. Avant l'annonce du premier cas d'encéphalopathie spongiforme bovine — la maladie de la vache folle — en 2003, le Canada était un exportateur net de moutons, et l'industrie était en croissance. Entre 1992 et 2002, le cheptel reproducteur canadien a augmenté de 39,3 p. 100, et la valeur des exportations de moutons a franchi la barre des 18 millions de dollars.
En mai 2003, la fermeture de la frontière canadienne en raison de la maladie de la vache folle a eu des répercussions sur l'élevage de tous les ruminants, y compris le mouton. Cette fermeture a eu comme effet immédiat de faire chuter le prix de l'agneau et la taille du cheptel de brebis. En janvier 2015, la taille du cheptel reproducteur à l'échelle du pays était de 11,8 p. 100 inférieure à celle d'avant la crise de l'ESB. En 2014, les exportations ovines s'élevaient à environ 443 000 $. Si la taille du cheptel de brebis canadien était demeurée à son niveau de 2002, les ventes d'agneau auraient généré, en 2014, 72 millions de dollars de plus que les résultats enregistrés.
Le rétablissement de l'accès aux marchés perdus en raison de la crise de l'ESB de 2003, en déployant le même zèle et le même niveau d'efforts qu'aux autres secteurs touchés, devrait être autant une priorité pour le Canada qu'il l'est pour l'industrie ovine canadienne.
Depuis 2003, l'industrie ovine éprouve de la difficulté à renouveler son cheptel, à maintenir l'infrastructure de l'industrie et à répondre à la demande du marché. Lorsque le cheptel de brebis rétrécit et que la capacité de production diminue, il est difficile de maintenir la capacité de transformation de la chaîne de valeur. Il devient de plus en plus difficile d'acheminer les produits canadiens sur des tablettes canadiennes, à la portée de consommateurs canadiens.
Dans un exposé fait récemment devant le Comité permanent de l'agriculture et de l'agroalimentaire de la Chambre des communes, la Fédération canadienne du mouton a fait état de préoccupations concernant les limites imposées par le système d'inspection des viandes du Canada à l'égard du commerce interprovincial. Le fardeau réglementaire nuit aux éleveurs canadiens de moutons et aux consommateurs canadiens et, de même, il empêchera l'industrie de profiter de débouchés futurs sur les marchés. Il s'agit d'un excellent exemple de la façon dont on mine la capacité de l'industrie ovine canadienne d'être concurrentielle sur le marché intérieur et dans le monde.
Pendant que la production intérieure continue de baisser, la demande intérieure est satisfaite en grande partie par des produits importés. En 2013, seulement 46 p. 100 des moutons et agneaux consommés au Canada étaient produits au pays. La même année, 54 p. 100 des produits consommés au Canada ont profité à des producteurs étrangers et à leurs économies respectives.
Les produits ovins importés, principalement de la Nouvelle-Zélande et de l'Australie, sont produits dans un environnement beaucoup plus concurrentiel que celui dans lequel évoluent les producteurs canadiens, ce qui a pour conséquence de mettre les producteurs canadiens en situation de désavantage sur le plan de la concurrence. Le fardeau réglementaire et la différence dans le degré de soutien accordé aux producteurs expliquent les coûts de production supérieurs des éleveurs d'ici.
Au Canada, il incombe aux producteurs et aux groupes de l'industrie de soutenir financièrement un système national de traçabilité qui n'est qu'en partie opérationnel, alors que, dans d'autres pays, un système de traçabilité complet est financé par les autorités fédérales. Les producteurs ovins canadiens n'ont pas accès aux mêmes médicaments à usage vétérinaire que leurs concurrents à cause de la lourdeur des processus d'approbation au Canada. En plus d'entraîner des pertes accrues pour les producteurs canadiens, cela entrave la rentabilité, soulève des préoccupations à l'égard du bien-être des animaux et accroît l'utilisation de médicaments non indiquée sur l'étiquette qui pourrait poser un risque important au chapitre de la salubrité des aliments.
À cet égard, d'ailleurs, les programmes nationaux de salubrité des aliments à la ferme et des programmes comme la Canadian Global Food Animal Residue Avoidance Database, aussi appelée CgFARAD, ne reçoivent qu'un financement partiel du gouvernement fédéral. Les groupes de l'industrie doivent donc composer avec des modèles de partage des coûts de plus en plus contraignants. Dans les pays concurrents, les programmes visant le bien commun sont financés par l'ensemble de la société et non seulement par les producteurs.
En tant que pays qui mise sur sa force à titre d'exportateur de produits agricoles, le Canada devrait se concentrer sur la création d'un environnement qui soutient la productivité et la rentabilité des producteurs.
La Fédération canadienne du mouton souhaite formuler les recommandations suivantes afin d'améliorer l'accès aux marchés et la compétitivité des producteurs du pays. Nos recommandations sont les suivantes : accorder la priorité à l'accès aux marchés à l'industrie ovine canadienne et travailler immédiatement à la réouverture des marchés américains, y compris l'obtention d'un accès en transit afin que les producteurs canadiens puissent accéder au marché mexicain; concevoir un programme novateur d'inspection des viandes qui conservera la norme canadienne élevée en matière de salubrité des aliments et qui répondra aux attentes des marchés intérieur et mondial tout en soutenant des secteurs d'élevage en croissance; restructurer le processus d'approbation des médicaments à usage vétérinaire afin de faciliter l'approbation de médicaments pour utilisations mineures et espèces mineures, y compris ceux visant les moutons; concevoir et mettre en œuvre des stratégies de financement soutenu à long terme pour des programmes agricoles fondamentaux visant à maintenir un environnement concurrentiel pour les producteurs canadiens de tous les secteurs.
L'industrie ovine canadienne occupe une position unique lui offrant la possibilité de connaître une énorme croissance qui permettrait à ses membres de s'emparer d'une plus grande part de marché au pays et à l'étranger, moyennant des règles du jeu équitables. Les organismes nationaux et provinciaux ont mis au point des stratégies pour augmenter la production et fournissent des outils pour accroître la rentabilité des producteurs afin de faire croître cette industrie. Le rôle du gouvernement fédéral et des politiques fédérales doit être d'appuyer les producteurs ovins canadiens à cet égard, et non d'entraver les progrès. Le fait d'accorder la priorité à l'accès aux marchés et à la compétitivité de l'industrie servira de moteur à la croissance et à la prospérité de l'industrie ovine au Canada et soutiendra les efforts des producteurs pour satisfaire à la demande toujours croissante des consommateurs, au pays et à l'étranger.
Au nom de notre président, M. Phil Kolodychuk, et de notre conseil d'administration, merci de nous avoir donné l'occasion de témoigner.
[Français]
La vice-présidente : Je vous remercie. Nous allons maintenant commencer la période des questions.
Le sénateur Maltais : Merci beaucoup, madame la présidente, et bienvenue, mesdames. L'élevage du mouton est assez particulier au Canada. Nous avons tout d'abord un problème de barrières interprovinciales. Si ce n'était pas le cas, votre production pourrait probablement augmenter de beaucoup. De plus, nous avons, dans certaines provinces, dont le Québec, des marques protégées. Tout le monde connaît sans doute l'agneau de Charlevoix.
Je regarde ce qui se passe au Québec, de même que dans d'autres provinces. Les marques protégées sont peu productrices et la balance de l'agneau qui vient du Québec vient de la Nouvelle-Zélande. Il n'y a pas deux ou trois marchés. Il n'y a pas d'agneau de l'Ontario ou des provinces de l'Ouest ou de la Colombie-Britannique. C'est l'un des facteurs qui empêchent l'augmentation de la production de l'agneau au Canada. Lorsqu'on parle de mouton, bien sûr, on parle d'abord d'agneau.
Cela a toujours été un problème, et cette barrière doit être abolie. C'est l'une des premières choses à faire pour ouvrir le marché canadien à nos producteurs, peu importe la région du pays. Si on ne le fait pas, l'industrie aura de la difficulté à être compétitive sur le plan international, parce que, lorsqu'on ouvre un marché à l'intérieur d'un pays aussi grand que le Canada, là aussi, il est question de nouvelles technologies, comme l'accès aux médicaments. Cela devrait être fait. Voilà un premier constat.
Lorsqu'on parle de nouveaux marchés internationaux, l'un des problèmes que vous avez, c'est la traçabilité. Comment la traçabilité s'exerce-t-elle dans l'élevage du bœuf et du porc? Est-ce le producteur qui paie ou est-ce le gouvernement?
[Traduction]
Mme Patterson : Je vous remercie de vos commentaires. Nous sommes entièrement d'accord pour dire que le commerce interprovincial est l'un de nos principaux problèmes. Cet enjeu était au centre des observations que nous avons présentées au Comité permanent de l'agriculture et de l'agroalimentaire de la Chambre des communes.
En guise de contexte, 53 p. 100 de l'agneau canadien est transformé en Ontario, mais 90 p. 100 de ce volume est transformé dans des établissements sous inspection provinciale. Par conséquent, ce produit ne peut être vendu à l'extérieur de la province. Cela signifie que 28 p. 100 de l'agneau produit au Canada doit être utilisé en Ontario et ne peut être expédié dans d'autres provinces. Certaines provinces n'ont aucune capacité d'inspection, tant à l'échelle fédérale qu'à l'échelle provinciale. Par conséquent, nous ne pouvons vendre nos produits dans ces marchés.
De plus, en raison de la structure des réseaux de distribution des principaux distributeurs en alimentation, les mouvements interprovinciaux sont inévitables. Donc, pour distribuer l'agneau aux principaux détaillants en alimentation — je ne les nommerai pas, car vous connaissez certainement les grandes chaînes nationales —, le produit doit être inspecté par le fédéral, sans quoi il ne peut être mis en marché. Souvent, il nous est impossible de vendre de l'agneau de la Nouvelle-Écosse dans les épiceries de cette province parce que l'usine est en Nouvelle-Écosse, tandis que le centre de distribution est au Nouveau-Brunswick. Les producteurs ne peuvent donc y expédier leur produit. C'est un obstacle, évidemment. Je suis heureuse d'avoir de nouveau l'occasion d'en discuter au comité.
Concernant votre question sur la traçabilité, des groupes, comme l'industrie ovine, ont un programme national d'identification. C'est dans la réglementation tout comme c'est le cas dans le secteur bovin, de sorte que nous avons un processus de traçabilité, et nous sommes en train d'établir un système de traçabilité. Il a été question tout à l'heure de la deuxième ronde de consultations sur la traçabilité, qui a été entreprise, et on s'attend à ce que des changements soient apportés à la réglementation en 2016 pour que le système de traçabilité soit plus vaste et efficace.
De façon générale, dans le secteur porcin, tout comme dans les secteurs bovin et ovin, les dépenses liées à la traçabilité sont financées par les organisations de producteurs et de l'industrie. Par exemple, dans le secteur ovin, qui a un programme d'identification réglementé, les producteurs paient pour le programme lorsqu'ils achètent une étiquette, et ils sont obligés d'en acheter une si l'animal quitte son exploitation d'origine. C'est l'argent qui sert à la gestion de la base de données contenant cette information, pour les communications et les négociations avec l'Agence canadienne d'inspection des aliments et Agriculture Canada concernant l'information relative à la réglementation et la façon d'assurer la conformité.
Il en va de même pour les secteurs bovin et porcin. Au bout du compte, ils finissent par payer, que l'on parle de frais liés à l'achat d'étiquettes ou de groupes de membres et d'associations sectorielles nationales. Des fonds existent dans le cadre d'initiatives de financement et à divers niveaux, mais dans l'ensemble, le programme n'est pas financé par le fédéral, mais bien par les producteurs.
[Français]
Le sénateur Maltais : Un autre problème, au Québec, est celui de la production de fromage fin fait à partir du lait de brebis. Depuis une vingtaine ou une trentaine d'années, c'est un marché qui se développe énormément. Si on considère la brebis pour la production de lait, elle ne produit qu'un agneau ou deux au maximum par année, ce qui limite le marché. La production intérieure au Québec ne fournit que le tiers de la consommation nécessaire.
Or, le fromage fin du Québec et de l'Ontario commence à prendre beaucoup d'espace sur le marché et est exporté également dans d'autres pays. Je reviens toujours à la même question de la barrière tarifaire, qui est un obstacle extraordinaire. Nous avons de l'agneau du Nouveau-Brunswick, de la Nouvelle-Écosse et même de l'Île-du-Prince-Édouard qu'on ne peut pas mettre sur les tables. Comment pouvons-nous arriver à enlever ces barrières?
[Traduction]
Mme Patterson : Lorsque nous avons fait des recommandations au comité de la Chambre des communes, nous avons dit entre autres que nous devons trouver une façon de créer un système d'inspection fédéral qui coûte moins cher sur le plan des approbations. Il ne s'agit pas seulement des coûts liés à la migration d'un établissement provincial dans un système inspecté par le gouvernement fédéral, car remplir les conditions relatives à l'inspection fédérale coûte cher. Il s'agit aussi des coûts de gestion. Les coûts peuvent être épongés par des secteurs qui ont d'énormes capacités de transformation. Il est possible de récupérer les coûts liés au passage à l'inspection fédérale et de financer les coûts liés à la gestion de l'inspection fédérale si l'on peut transformer un grand nombre d'animaux. Pour un marché en pleine expansion et, avec un peu de chance, émergent, qui n'est pas encore en mesure de transformer un nombre suffisant d'animaux, il est difficile de maintenir la capacité.
Il nous faut trouver une méthode, et je ne dis pas que j'ai la solution et que je sais comment les choses devraient se faire, mais nous devons trouver un modèle d'inspection fédérale dont les coûts sont moins élevés et qui peut être soutenu par les transformateurs d'espèces mineures ou émergentes.
Je crois qu'il s'agirait en partie de revoir les exigences liées à l'inspection fédérale. Dans certains cas, les seuls éléments qui différencient un établissement inspecté par le gouvernement fédéral d'un établissement inspecté par le gouvernement provincial, c'est l'allée asphaltée et une salle de bain supplémentaire, et cela a à voir avec le confort matériel des inspecteurs et très peu à voir avec les exigences de salubrité des aliments. Ce n'est pas comme cela partout. Chaque province a son personnel d'inspection, et il peut donc y avoir des différences très importantes pour certaines provinces, tandis que pour d'autres, c'est très similaire. Il suffirait peut-être de modifier le système d'inspection pour qu'il soit davantage axé sur les résultats et un peu moins normatif, axé surtout sur la salubrité des aliments, et moins sur le confort de l'inspecteur pour ce qui est de la disponibilité des installations d'inspection disponibles. Il faut que le milieu de travail soit sécuritaire, sans pour autant être luxueux. Peut-être que cela contribuera en partie à trouver le modèle d'un système d'inspection fédéral qui répond d'abord et avant tout aux exigences relatives à la salubrité des aliments et à celles des grands épiciers. Un système à deux vitesses crée presque un environnement où les détaillants sont forcés de choisir. Établissons-nous une norme? Quelle est la norme? Si le gouvernement fédéral fait les inspections pour la norme internationale, il devrait en être de même pour les normes intérieures, mais nous avons deux systèmes et nous devons choisir. Nous avons en quelque sorte créé des conditions où nous leur laissons le choix. Si nous pouvons trouver un modèle qui non seulement couvre la salubrité alimentaire, mais qui le fait de manière abordable et qui est reconnu par les détaillants nationaux, je crois que ce sera un bon début.
Le sénateur Ogilvie : Ma première question s'adresse à vous deux. Dans vos secteurs respectifs, utilise-t-on couramment de faibles doses d'antibiotiques dans les aliments des animaux?
Mme Patterson : Je dirais que dans le secteur ovin dans son ensemble, les antibiotiques sont utilisés à des fins thérapeutiques plutôt que comme stimulateur. Dans notre industrie, nous avons un problème lié au marché concernant l'utilisation d'antibiotiques et de médicaments. Ce n'est pas parce que nos producteurs ne font pas preuve de la diligence voulue. Dans le secteur ovin canadien, il y a très peu de produits approuvés.
C'est en raison des décisions d'affaires que prennent les sociétés pharmaceutiques, et on ne peut pas les blâmer. Le système canadien d'approbation des médicaments est lourd, ce qui fait que l'approbation d'un nouveau produit pour un animal coûte cher. Lorsqu'une société pharmaceutique doit décider si elle demande l'approbation d'un produit, elle doit faire les prévisions des recettes. Parce que le secteur ovin est encore petit, souvent, le problème, c'est qu'il faut suivre un processus qui fait en sorte que faire approuver un produit coûte des centaines de milliers de dollars et que les ventes ne permettront jamais de couvrir les frais.
Le secteur a donc accès à très peu de produits. Par conséquent, l'utilisation non indiquée sur l'étiquette constitue un élément important de notre utilisation de médicaments, ce qui requiert l'aide d'un vétérinaire. Dans mon exposé j'ai parlé de la CgFARAD, c'est-à-dire de la Canadian Global Food Animal Residue Avoidance Databank. Elle permet aux vétérinaires qui collaborent avec les producteurs — de façon indirecte — de les appeler et de faire une recommandation sur la dose et le délai d'attente pour le médicament si l'utilisation du produit pour cet animal n'est pas indiquée. Cela permet d'éviter des problèmes de surdose. S'il n'y a pas d'étiquette, on indique la quantité à administrer, la durée du traitement et le délai d'attente. Il faut ensuite une recommandation qui assure la salubrité des aliments. Cela donne à tous les groupes d'espèces cette possibilité, pas seulement aux nôtres.
Si nous n'utilisons pas nécessairement ces produits comme stimulateurs, nous en utilisons pour soigner les animaux malades. Il est nécessaire d'avoir accès à des produits, mais nous n'avons pas d'indications autorisées dans leurs cas. Nous devons souvent faire appel aux vétérinaires. Dans certains cas, nous devons faire appel à la CgFARAD, et dans d'autres, les producteurs subissent des pertes de production parce qu'ils ne les ont pas.
Toutes ces situations font en sorte que nous avons des problèmes de résidus dans la viande d'agneaux et de moutons. Nous ne sommes pas les seuls. C'est le cas de tous les secteurs.
Le sénateur Ogilvie : J'aimerais revenir à ma première question. Votre réponse m'indique que le secteur ovin utilise des antibiotiques comme stimulateurs de croissance.
Mme Patterson : Non, nous en utilisons à des fins thérapeutiques, et non pas tellement comme stimulateur de croissance. Ce n'est pas...
Le sénateur Ogilvie : Vous dites « non pas tellement comme ». Cela signifie-t-il qu'on n'en utilise pas de cette façon?
Mme Patterson : Je ne peux pas dire que cela n'existe pas.
Le sénateur Ogilvie : Et qu'en est-il du secteur équin?
Mme Cull : En un mot, non.
Le sénateur Ogilvie : On n'utilise pas d'antibiotiques dans votre secteur?
Mme Cull : Pour stimuler la croissance des chevaux? Cela ne se voit pas; le produit n'est pas intégré aux aliments ou à l'eau. On ne donne pas d'antibiotiques aux chevaux pour stimuler leur croissance.
Le sénateur Ogilvie : C'est vraiment formidable. Vous dirigez les secteurs, et c'est important. C'est très bien.
Ma dernière question portait sur ce dont vous avez parlé, c'est-à-dire de l'accès à de nouveaux médicaments. Je ne reviendrai pas sur toutes les réponses que vous avez données. Vous avez répondu en partie à la question que j'allais vous poser. Vous avez indiqué que les médicaments auxquels a accès le secteur ovin dans d'autres pays ne sont pas nécessairement accessibles au Canada pour des raisons liées au marché, par exemple.
Par la suite, vous avez parlé de l'utilisation non indiquée. Ai-je raison de conclure que vous parliez de médicaments qui ont été approuvés pour d'autres animaux au Canada, mais qui, à l'origine, n'ont pas été mis à l'essai dans le cas des moutons? Est-ce exactement ce à quoi vous faisiez référence?
Mme Patterson : Oui.
Le sénateur Ogilvie : Merci beaucoup.
La sénatrice Unger : Je vous remercie toutes les deux de vos exposés.
Madame Cull, j'ai des questions à vous poser au sujet du secteur équin.
Les exportations canadiennes dans le secteur équin sont réparties dans trois grandes catégories, que vous avez nommées. Concernant la catégorie de la génétique, nous exportons de la semence équine. Pourquoi en exportons-nous? En importons-nous également? Je pense en particulier aux pur-sang et aux chevaux de spectacles et de courses à obstacles.
Mme Cull : Concernant les pur-sang, partout dans le monde, on ne peut expédier que le cheval. Habituellement, il s'agit d'expédier les juments vers l'étalon. C'est la façon de faire habituelle. Cette industrie n'a pas changé et, à ma connaissance, la règle interdisant d'expédier des semences demeure.
Le Canada exporte de la semence. Ce qui se passe, c'est que certaines lignées génétiques et certains étalons sont désignés comme très performants durant leur carrière, ont une progéniture de qualité exceptionnelle, ou les deux. Lorsque c'est le cas, le monde prend en note qu'un cheval en particulier est excellent. On veut alors faire l'élevage de chevaux. Il arrive très souvent maintenant que des gens de l'Allemagne, de l'Australie, de l'Amérique du Sud appellent au Canada et disent qu'ils veulent élever un cheval en particulier. Dans cette situation, la plupart du temps, il s'agit de chevaux de compétition, de chevaux de course à obstacles, de toutes les disciplines olympiques.
Si un étalon a de bons résultats à l'échelle internationale ou si c'est le cas de sa lignée, alors les éleveurs veulent utiliser cette lignée.
Ce qui est bien maintenant, c'est que le transport de nuit nous permet de placer la semence dans un contenant réfrigéré et de l'expédier vers divers pays, de sorte que d'autres éleveurs ont l'occasion d'utiliser d'excellentes lignées canadiennes. Cela fait en sorte qu'il s'agit d'un marché mondial pour les chevaux et que de bons chevaux sont accessibles partout dans le monde.
Le Canada est reconnu pour sa production d'excellents chevaux en très bonne santé et forts étant donné la façon dont ils sont élevés, soit dans de grands pâturages. Nous avons une bonne réputation, et la génétique que nous avons est prisée.
Nous aimerions vraiment accroître les possibilités d'exportation des éleveurs, et nous aimerions également pouvoir faire le suivi. Les États-Unis constituent l'un de nos principaux partenaires de l'exportation des semences, et puisqu'il n'y a pas de suivi de ces résultats parce qu'aucun certificat de vétérinaire n'est obligatoire, nous ne savons pas combien traversent la frontière, d'un côté ou de l'autre. Nous aimerions vraiment connaître ces données sur notre secteur et montrer qu'il se développe.
En ce qui concerne votre question sur les semences, nous en importons beaucoup. À l'heure actuelle, il y a une maladie aux États-Unis qui s'appelle la métrite contagieuse équine. En raison de cela, un vétérinaire fédéral aux États-Unis doit autoriser chaque importation de semence pour vérifier que la maladie ne se trouve pas dans la semence et qu'elle peut alors être importée au Canada. Cela coûte cher aux éleveurs qui veulent obtenir des semences provenant des États-Unis. Il a été recommandé entre autres que la maladie soit déclarée endémique aux États-Unis, mais ce serait bien qu'on isole les régions ou les races pour lesquelles la situation s'applique et qu'on facilite le transport de semences au Canada des races qui ne sont pas touchées.
La sénatrice Unger : Il faut donc que des tests soient effectués.
Mme Cull : Pour l'importation au Canada de semences provenant des États-Unis, oui, mais pas pour les semences que le Canada exporte aux États-Unis.
La sénatrice Unger : D'accord. Vous avez parlé de certains enjeux, dont le coût du transport vers les pays de destination et les exigences en matière de quarantaine préalable à l'exportation et de formation.
À quoi ressemblent les capacités qu'il faut avoir concernant la mise en quarantaine préalable à l'exportation? Je connais Spruce Meadows, et c'est bien connu. Les chevaux du Canada ne peuvent pas être mis en quarantaine au Canada; il faut que ce soit aux États-Unis. Pourquoi?
Mme Cull : De grandes compétitions internationales ont lieu à Spruce Meadows. C'est une force à cet égard dans le monde. À Calgary, les choses ont été conçues pour l'importation et l'exportation.
Je ne le sais pas. Je devrai vérifier l'information pour vous. À l'heure actuelle, les chevaux sont expédiés au sud et passent par les installations de quarantaine des États-Unis. À ma connaissance, Toronto et Calgary ont des capacités liées à l'exportation. Essentiellement, le seul endroit réglementé par l'ACIA pour les exportations, c'est Calgary. Les coûts sont donc élevés. Si un propriétaire vend un cheval, il faut qu'il soit exporté à partir soit de Calgary, soit des États-Unis, ce qui augmente les coûts pour l'achat d'un cheval canadien à expédier à l'étranger.
L'autre problème, c'est que contrairement aux États-Unis, le Canada n'a pas signé d'accords de commerce international avec d'autres pays pour les équidés. Ainsi, les accords qui ont été établis avec les États-Unis s'appliquent à un cheval canadien expédié aux États-Unis, qui passe par les États-Unis pour être exporté dans le pays de destination. Le problème que cela pose, c'est que l'on considère que le cheval est américain, et les documents d'exportation indiquent que c'est un cheval américain, de sorte qu'il n'est pas indiqué que c'est un cheval élevé au Canada qui a été expédié en Chine et qui a été intégré à l'équipe olympique chinoise.
La sénatrice Unger : Quelle est la valeur globale des exportations du Canada?
Mme Cull : Ce sont des chevaux de très grande valeur, dont le prix peut varier entre 50 000 $ et 100 000 $ ou plus chacun, et peut atteindre 1 ou 2 millions d'euros. Certains chevaux de niveau olympique ont été vendus pour 9 millions d'euros dans le monde.
Pour ce qui est de l'exportation à l'unité, ils ont beaucoup de valeur, et nous voulons cibler les marchés émergents avec notre volet de la génétique et les volets des chevaux élevés et entraînés au Canada. En augmentant les possibilités d'exporter à partir du Canada pour les vendeurs, on réduirait les coûts.
La sénatrice Unger : C'est donc votre industrie ou votre groupe canadien d'exportateurs qui doit se réunir et formuler des idées précises pour promouvoir ce commerce.
[Français]
Le sénateur Dagenais : Je vous remercie d'être avec nous ce matin. Mes deux questions s'adressent à Mme Cull. Dans le dossier que vous nous avez transmis, vous avez mentionné qu'il y avait peut-être un manque de données récentes concernant le recensement du cheptel de chevaux. Corrigez-moi si je me trompe, mais je crois que le dernier recensement a été fait vers 2010. Avez-vous l'intention de mettre à jour ce recensement? De quelle façon le gouvernement fédéral pourrait-il vous aider à mettre ce recensement à jour?
[Traduction]
Mme Cull : Nous avons mené une enquête dans l'ensemble de l'industrie; en 1998, en 2003 et en 2010, Canada Hippique a fait des enquêtes nationales pour déterminer la valeur de notre secteur, considérablement à l'échelle nationale, mais aussi à l'échelle internationale. Ce type d'enquêtes coûte très cher à l'industrie, mais il sera nécessaire d'en faire une autre bientôt, car 2010, c'est déjà loin. Nous procéderons à une autre enquête bientôt.
J'ai communiqué avec Statistique Canada et j'ai demandé s'il était possible d'inclure les équidés dans l'analyse statistique dans le cadre du recensement. On m'a dit que les éleveurs de chevaux sont considérés comme des agriculteurs amateurs et qu'ils ne sont pas inclus dans le monde agricole dans le cadre du recensement. Je collabore présentement avec le gouvernement pour déterminer si nous pouvons inclure les éleveurs de chevaux et le secteur équin dans le recensement. C'est l'une des initiatives que je mène au travail.
Je ne sais pas si j'ai répondu à vos deux questions.
[Français]
Le sénateur Dagenais : Vous dites que c'est extrêmement dispendieux. Avez-vous une idée des coûts approximatifs par rapport à ce que vous avez dû payer en 2010?
[Traduction]
Mme Cull : Je suis désolée, mais je n'ai pas ces chiffres en main. Je peux faire des vérifications en retraçant les coûts des sondages que nous avons menés pour faire une projection de ce que cela pourrait coûter à l'industrie.
Les fois précédentes, c'est une experte-conseil qui a sondé l'industrie pour nous. Il a fallu une année complète à son équipe et à elle pour mener ce sondage approfondi.
Je peux faire le nécessaire pour transmettre ces chiffres à votre greffier.
La vice-présidente : Cela serait très apprécié.
Le sénateur Oh : Bienvenue à nos témoins. C'est justement en ce 14 mai que l'on procède à l'inspection annuelle du Carrousel de la GRC à Ottawa. Bienvenue à notre comité.
La contribution de l'industrie à l'économie canadienne se chiffre à 15 milliards de dollars par année. C'est donc une industrie très importante qui emploie à temps plein plus de 200 000 Canadiens qui s'occupent des soins aux chevaux et des activités connexes.
Voici ma question pour vous deux. Plusieurs témoins ont souligné au comité l'importance du marché asiatique, et surtout de la Chine et du Japon. Quelle est l'importance actuelle des marchés asiatiques pour votre industrie? Y a-t-il des débouchés importants dans ces marchés pour votre industrie?
Mme Cull : Je vais commencer. La Chine, plus particulièrement, et l'Asie en général sont considérées comme des marchés émergents pour les exportations équines canadiennes. Différents pays ont demandé au Canada de les aider à entraîner leur équipe équestre en vue des compétitions mondiales. Dans certaines disciplines des sports équestres, certains sont venus au Canada pour acheter des chevaux et s'entraîner avec eux chez nous avant de participer à différents concours équestres.
Nous avons ciblé l'Asie, et la Chine tout spécialement, comme marché émergent pour l'exportation de chevaux de très grande valeur. Le gouvernement chinois a en effet placé la réussite olympique au rang de ses priorités. Le succès dans les sports équestres s'inscrit à l'intérieur de cet objectif olympique. Le gouvernement chinois s'emploie donc à faire le nécessaire pour exceller dans les sports équestres au niveau olympique. Des efforts considérables sont ainsi déployés pour importer des chevaux haut de gamme, et le Canada aimerait contribuer à répondre à cette demande.
Il y a toutefois un problème. Nous n'avons pas actuellement d'entente commerciale qui nous permettrait d'exporter directement en Chine des chevaux canadiens. En conséquence, les chevaux que l'on nous achète doivent transiter par les États-Unis, ce qui augmente considérablement les coûts. Pour un pays qui acquiert un grand nombre de chevaux, la nécessité de leur faire parcourir une longue distance pour les mettre en quarantaine et obtenir les permis d'exportation peut entraîner des coûts trop élevés par rapport à un achat direct aux États-Unis ou en Allemagne.
Dans un monde idéal, de tels échanges seraient libéralisés. Mais, pour répondre à votre question, l'Asie fait effectivement partie des marchés émergents ciblés par Canada Hippique.
Le sénateur Oh : Vous devez donc envoyer d'abord vos chevaux aux États-Unis pour qu'ils soient ensuite expédiés sur le marché asiatique.
Mme Cull : Je crois que certains chevaux ont effectivement été exportés de cette façon.
Mme Patterson : Nous gardons à l'œil le marché chinois, tant à court terme qu'à plus long terme. À court terme, nous voyons la Chine comme un débouché pour nos produits transformés à valeur ajoutée.
À titre d'exemple, des boyaux de mouton étaient exportés vers la Chine à partir de ce qui est sans doute notre plus important établissement inspecté par le fédéral. C'était le marché cible principal pour ces produits. Nous avons toutefois perdu ce marché chinois pour les boyaux de mouton en raison de préoccupations phytosanitaires — qui n'étaient probablement pas vraiment fondées, mais s'apparentaient davantage à une forme quelconque de barrière non tarifaire.
Dans le contexte du Secrétariat à l'accès aux marchés, c'est l'un de nos marchés prioritaires avec celui des États-Unis pour les animaux vivants. Il est bien certain que nous cherchons à reprendre ce marché.
Dans une perspective à plus long terme, les gens pensent souvent d'abord à l'Australie et à la Nouvelle-Zélande lorsqu'il est question des puissances mondiales en production ovine, mais c'est la Chine qui est le principal pays producteur. Les gens l'ignorent, parce que les produits chinois ne sont pas exportés; ils servent uniquement à répondre à la demande intérieure de mouton et d'agneau.
Cependant, la Nouvelle-Zélande a obtenu il y a deux ans l'accès au marché chinois pour ses produits d'agneau. Cela semble indiquer que la Chine a besoin d'aide pour répondre à la demande intérieure.
Lorsque nous avons rencontré en 2013 les gens de l'office néo-zélandais de commercialisation du bœuf et de l'agneau, ils nous ont demandé si nous pensions que le Canada pourrait éventuellement contribuer à l'approvisionnement du marché chinois. Bien que nous devions pour l'instant davantage nous employer à répondre à la demande sur le marché canadien, c'est assurément une perspective commerciale qui nous apparaît alléchante à plus long terme.
Le sénateur Oh : Vous avez parlé tout à l'heure des installations à Toronto. Ne pourrait-on pas y adjoindre un mécanisme d'inspection fédérale pour permettre l'exportation outre-mer?
Mme Patterson : Notre plus grand établissement inspecté par le fédéral est situé en Alberta, et c'est à partir de là que nous exportions nos produits à valeur ajoutée vers la Chine, un marché que nous avons perdu depuis pour des motifs que j'estime davantage politiques que nécessairement phytosanitaires. Cela coïncidait presque avec l'arrivée des produits d'agneau néo-zélandais sur le marché chinois. Généralement, les produits d'agneau s'accompagnent de produits dérivés, et on croit que c'est peut-être ce qui explique la perte de ce marché.
Il est bien certain que nous aimerions qu'il y ait un plus grand nombre d'établissements inspectés par le fédéral. Il y a deux usines ontariennes qui ont fait la transition en passant de l'inspection provinciale à l'inspection fédérale mais, encore là, la diminution du cheptel de brebis et la baisse de productivité ont entraîné un ralentissement des activités de transformation. Malheureusement, ces deux usines ont fait faillite et fermé leurs portes du fait que leur capacité de transformation n'était pas suffisante pour éponger les coûts du passage à l'inspection fédérale de manière à pouvoir maintenir ce statut.
Il faut donc trouver un moyen de faire en sorte que les installations de transformation qui desservent des marchés émergents plus petits puissent bénéficier d'une inspection fédérale, sans que cela n'entrave leur prospérité malgré la quantité inférieure d'animaux transformés. C'est le juste équilibre qu'il nous faut rechercher. Nous pourrions ainsi envisager des marchés d'exportation.
Ce n'est toutefois pas en raison de l'inspection fédérale que nous avons perdu le marché des boyaux. C'était une installation inspectée par le fédéral. Comme je l'ai indiqué, il semblait y avoir des liens très étroits avec les négociations commerciales entre la Nouvelle-Zélande et la Chine pour les produits d'agneau. C'est certes un facteur qui a pu influer sur la perte de ce marché que nous aimerions récupérer. C'est assurément sur la liste des priorités de notre Secrétariat à l'accès aux marchés.
Le sénateur Enverga : Merci de vos exposés. Je vais poursuivre dans le sens des questions du sénateur Oh. La viande chevaline n'est pas perçue de la même façon au Canada. Certains soutiennent qu'on ne devrait pas en manger, mais je sais que les Européens sont de grands consommateurs de cette viande.
Comment envisagez-vous les choses dans le contexte de l'AECG, notre entente de libre-échange avec l'Europe? Est-ce qu'il y aura croissance de ce marché? Pouvons-nous répondre à la demande? Dans quelle mesure nos échanges augmenteront-ils?
Mme Cull : Ce n'est pas un dossier que je suis de très près, mais je pourrais vous trouver ces renseignements. Nous savons que cela fait partie de nos exportations. Je peux faire quelques vérifications pour voir quelles sont les perspectives de croissance envisagées à ce chapitre. Je suis vraiment désolée. Je n'ai pas vraiment beaucoup d'information sur le secteur de la viande chevaline au Canada. Je peux me renseigner sur les taux de croissance des dernières années et déterminer ce qu'on peut prévoir pour l'avenir.
Le sénateur Enverga : Je vous remercie. Pour ce qui est de l'industrie ovine, croyez-vous pouvoir trouver de nouveaux marchés en Europe?
Mme Patterson : Je ne pense pas, encore une fois, parce que nous allons d'abord chercher à profiter des perspectives d'expansion qui s'offrent à nous au Canada. Pour ce qui est de l'accès à long terme au marché de l'Union européenne, il faut savoir que les Européens sont eux-mêmes de très grands producteurs ovins. À court terme, nous ne considérons donc pas que cet accord présente des avantages pour nous. Je ne sais d'ailleurs même pas si à plus long terme l'Europe pourrait devenir un marché de premier plan pour nos produits au même titre peut-être que l'Amérique du Sud, la Chine ou l'Asie sont appelées à l'être. Il faudrait sans doute prioriser davantage ces derniers marchés.
La sénatrice Beyak : Merci pour vos exposés. Je vais vous poser des questions d'ordre pratique en me mettant à la place des nombreux consommateurs qui nous regardent à la maison. La plupart de nos témoins nous ont entretenus de la vente de leurs produits à l'étranger en utilisant l'image de marque du Canada.
On entend beaucoup parler de l'agneau de printemps de la Nouvelle-Zélande ainsi que de l'agneau australien, comme vous l'avez indiqué, mais lorsque j'achète de l'agneau à mon supermarché, je ne vois jamais l'indication « Canada ». Est-ce à dire que tout le reste est de l'agneau canadien, ou serait-il préférable que nous fassions une mise en marché plus ciblée de notre agneau?
Comme le soulignait le sénateur Enverga, la viande chevaline est un mets recherché en Europe ainsi que dans certains restaurants de Toronto, mais on nous dit de ne pas en manger au Canada étant donné, et je ne sais pas si c'est un fait établi ou une simple perception, que le processus d'inspection n'est pas le même. Pouvez-vous nous dire ce qu'il en est dans vos secteurs respectifs?
Mme Cull : Je peux d'abord vous parler de la consommation de viande chevaline au Canada. En autant que je sache, le processus d'inspection n'est pas différent; il est tout à fait approprié.
Je pense qu'il existe une certaine perception culturelle concernant la viande chevaline au Canada. On en consomme tout de même chez nous. Je crois qu'il y a environ 18 p. 100 de la viande chevaline produite au Canada qui est consommée au pays, mais il faudrait que je vérifie. Selon moi, c'est davantage une perception qui existe dans notre culture; au Canada, les chevaux sont souvent considérés comme des partenaires de compétition et des animaux de compagnie, plutôt que comme du bétail.
Canada Hippique aimerait bien que tous les équidés soient considérés comme du bétail par l'ensemble des ministères gouvernementaux. Il y a un manque d'uniformité à cet égard. Ce n'est pas tant pour le secteur de la viande chevaline que pour l'accès aux différents programmes et initiatives agricoles qui pourraient nous aider à consolider notre part de marché et à mieux commercialiser nos produits.
Les chevaux de compétition représentent un produit unique dans le contexte agricole. Ils naissent sur des fermes et sont pris en charge par des éleveurs. Ce sont des produits de l'agriculture qui deviennent souvent des partenaires de sport ou des animaux de compagnie pour les Canadiens. Si les chevaux étaient considérés comme du bétail, il deviendrait plus facile pour nos producteurs de profiter de la gamme de programmes et d'initiatives accessibles auprès du gouvernement fédéral et des provinces.
Il y a un manque de cohérence en la matière au sein du gouvernement du Canada, et nous aimerions que ces difficultés soient aplanies.
Comme je l'indiquais, la plus grande partie de la viande chevaline produite au Canada est exportée, un phénomène attribuable selon moi à des réserves d'ordre culturel concernant cette viande.
Mme Patterson : Dans l'industrie ovine, il peut parfois être difficile de placer un produit canadien sur les tablettes des grands supermarchés. Nous pouvons certes en faire davantage pour mettre en valeur la marque Canada, et nous avons d'ailleurs lancé un projet en ce sens. Dans le cadre de ce projet, nous allons miser sur nos programmes de salubrité alimentaire et de biosécurité en faisant valoir la façon dont nous traitons nos animaux. Vous pourrez constater au cours des deux ou trois prochaines années des efforts beaucoup plus ciblés pour la commercialisation de l'agneau produit au Canada.
Nous devons toutefois vanter le travail de bon nombre de nos organisations provinciales qui capitalisent sur le mouvement locavore. Il existe certains programmes provinciaux spécialement conçus à cette fin. Il y a des programmes de commercialisation de l'agneau en Colombie-Britannique, en Alberta, en Ontario et au Québec. La Nouvelle-Écosse a pour sa part un programme faisant la promotion de la production locale et de la consommation des produits de la province.
Dans le contexte de ces efforts provinciaux et des mesures que nous prenons pour faciliter le commerce interprovincial et la libre circulation des marchandises tout en concevant à l'interne notre programme pour la commercialisation des produits canadiens, nous pouvons envisager une amélioration à ce chapitre. C'est bien sûr à nous qu'il incombe de mieux présenter nos produits aux consommateurs canadiens et d'en assurer la qualité constante et l'innocuité en ayant recours à certains programmes de contrôle qui n'ont pas nécessairement été utilisés par d'autres pays. Il s'agit de combiner les normes à respecter en matière de salubrité alimentaire, de soins aux animaux, de biosécurité et de traçabilité pour pouvoir créer un produit de qualité supérieure.
Je vous invite à suivre la situation de près au cours des prochaines années.
La vice-présidente : Je tiens à remercier très sincèrement nos deux témoins pour leur comparution devant nous aujourd'hui. Mesdames Patterson et Cull, nous vous sommes reconnaissants d'avoir bien voulu nous faire bénéficier de votre expérience et de votre expertise en nous faisant part de vos recommandations.
Si vous trouvez d'autres informations en réponse aux questions posées par les sénateurs, veuillez les transmettre à notre greffier. Cela serait grandement apprécié.
Honorables sénateurs, nous allons maintenant entendre nos prochains témoins qui représentent l'Institut canadien des politiques agroalimentaires. Nous sommes très heureux d'accueillir de nouveau M. McInnes et M. Bilyea qui ont comparu devant nous en octobre 2014. Depuis lors, ils ont rendu public en février un rapport intitulé Concurrencer dans le plus important marché émergent au monde à la suite d'un voyage en Chine en novembre 2014.
Nous avons grand hâte d'entendre ce que vous avez à nous dire. Je crois que c'est M. McInnes qui va nous présenter un exposé, après quoi les sénateurs auront des questions à vous poser.
David McInnes, président-directeur général, Institut canadien des politiques agroalimentaires : Merci de nous avoir invités à nouveau à comparaître devant le comité. Nous vous en sommes reconnaissants.
Je vous rappelle que l'Institut canadien des politiques agroalimentaires (ICPA) est un catalyseur de recherche indépendant, sans but lucratif, sans parti pris et non gouvernemental qui s'emploie à rallier des chefs de file de l'industrie pour présenter une perspective équilibrée des différents enjeux et offrir des choix stratégiques aux Canadiens.
Dans le but d'alimenter une discussion pratique sur nos perspectives commerciales avec la Chine et les ramifications stratégiques qui s'ensuivent, nous avons effectué, comme vous l'avez indiqué, un voyage à Shanghai et à Beijing en novembre 2014.
[Français]
Nous étions accompagnés par plusieurs entreprises alimentaires et organismes canadiens de partout au Canada, et avons rencontré des détaillants et des commerçants alimentaires en ligne dans ces deux métropoles.
[Traduction]
Nous avons également visité la zone pilote de libre-échange de Shanghai et rencontré les représentants de l'ambassade canadienne et de l'agence chinoise de réglementation. Je vous invite à consulter le document que nous vous avons remis. À la page 1, il y a une carte indiquant les endroits que nous avons visités dans ces deux villes, ainsi qu'une répartition des entreprises et des organisations qui nous ont accompagnés en novembre. Comme la présidente vient de le souligner, nous avons rendu public notre rapport en février 2015.
Le but de notre voyage était plutôt simple. Nous voulions connaître les moyens que doivent prendre les entreprises alimentaires canadiennes pour que davantage de leurs produits se retrouvent sur les tablettes en Chine. Nous aimerions donc vous faire part d'une partie de nos observations, des enseignements que nous avons tirés de ce voyage et des recommandations qui en découlent. Nous conclurons avec un mot de la fin, mais j'aimerais d'abord vous soumettre notre message principal.
Les détaillants chinois aimeraient bien présenter davantage de boissons et d'aliments canadiens sur leurs étagères, virtuelles ou non, mais nos concurrents nous dament carrément le pion. Nous avons vu des boissons et des aliments canadiens sur les étagères des supermarchés chinois comme sur leurs sites de commerce en ligne, mais il y a encore beaucoup à faire.
Au haut de la deuxième page, vous pouvez voir un exemple du dépliant publicitaire de Carrefour, un grand détaillant français présent en Chine. On y offre tout un éventail d'aliments, mais pas un seul produit canadien. La bonne nouvelle, c'est que la situation n'est pas désespérée, et je vais vous présenter nos observations à cet effet.
Parlons d'abord de la vente au détail dans les divers marchés d'alimentation. Les détaillants alimentaires chinois se livrent une vive concurrence pour attirer les consommateurs. À cette fin, ils cherchent à se distinguer au moyen de leur offre alimentaire. Chez les détaillants haut de gamme que nous avons visités, plus de 70 p. 100 des produits sur les étagères, ce qu'on appelle les unités de gestion des stocks, sont importés. Chez un des détaillants en ligne, cette proportion dépassait les 80 p. 100. Nous avons pu voir directement comment nos concurrents ont recours à des présentoirs en magasin, à des promotions et à des dégustations pour se gagner la faveur des consommateurs.
Toujours à la page 2, vous pouvez voir un étalage de bœuf australien dans l'un de ces magasins haut de gamme de Beijing. La photo n'est pas très grande, mais on peut tout de même y distinguer des affiches présentant des paysages australiens. On y traite de protocoles sur les aliments pour animaux, de qualité et d'environnement. Il y a aussi un drapeau australien, ce qui met en valeur la marque du pays.
Pour s'acquitter de leur engagement, les détaillants chinois cherchent sans cesse de nouvelles sources d'approvisionnement en produits alimentaires de qualité provenant de l'Occident ou d'ailleurs. À titre d'exemple, un grand détaillant chinois, Beijing Hualian Group, vient d'installer à Toronto son bureau d'approvisionnement en Amérique du Nord. Pour être complètement transparent avec vous, je dois vous dire que Ted Bilyea, le président de notre institut, est aussi directeur de cette filiale au Canada.
Traitons brièvement du commerce en ligne. Bien que seulement 10 p. 100 des ventes au détail en Chine s'effectuent en ligne, le cybercommerce gagne rapidement du terrain. En 2013, la Chine a surpassé les États-Unis à titre de premier marché mondial pour le cybercommerce, et les achats d'aliments en ligne qui sont encore peu fréquents aujourd'hui — environ 3,3 p. 100 du total — sont l'une des catégories qui connaissent la croissance la plus rapide. Les grands détaillants chinois en ligne ont créé des plateformes permettant de mettre en valeur les aliments et les boissons produits par plusieurs de nos compétiteurs, comme les États-Unis, l'Australie et les pays de l'Union européenne. Il y a à la page 2 une image montrant plusieurs des drapeaux de ces pays. Elle est tirée d'un site où un détaillant en ligne fait la promotion de festivals gastronomiques mettant en vedette ces différents pays. En faisant défiler l'écran, vous pouvez ensuite voir les produits vendus sur ce site en ligne.
Le Canada a déjà mené quelques activités de promotion en ligne et explore actuellement de nouvelles possibilités, mais nous avons du retard à rattraper par rapport à nos concurrents.
Parmi les enseignements à tirer de tout cela, je pourrais vous parler de l'importance des relations ciblées. Assez ironiquement, il est possible que nos efforts collectifs pour inciter les entreprises à exporter vers la Chine aient pour effet d'entraver leur capacité de le faire. Pour les entreprises alimentaires canadiennes qui ne sont pas déjà présentes sur le marché chinois, ce n'est pas nécessairement une bonne chose de considérer l'ensemble de la Chine comme un seul et unique marché d'exportation. Il serait peut-être préférable au départ de cibler un seul détaillant dans l'une des villes chinoises pour obtenir l'accès à ce marché immense. À cet égard, les possibilités sont nombreuses.
Au niveau de la vente au détail, la concentration est très faible en Chine. Ainsi, les cinq principaux détaillants ont une part de marché combinée de 6,5 p. 100 ou de près de 7 p. 100. Il est donc essentiel, comme nous le savons tous, de se montrer sélectif dans l'établissement de relations.
Il y a aussi l'aspect confiance qui prime dans la mise en valeur d'une marque. Dans la foulée de nombreux scandales d'aliments contaminés en Chine, les épiciers traditionnels et en ligne s'efforcent de satisfaire aux attentes de plus en plus élevées des consommateurs qui recherchent des aliments salubres et de qualité qui ont été produits dans un environnement propre. À ce titre, je pourrais vous citer le gestionnaire d'un marché d'alimentation de Shanghai que nous avons rencontré : « Les Chinois ne font pas confiance aux aliments produits en Chine. »
Ce sont quelques-unes des qualités sur lesquelles l'image de marque du Canada peut miser pour gagner du terrain parmi ces grands détaillants. Cela vaut autant pour les produits de base que pour les produits à valeur ajoutée.
Mais d'autres pays ont vite fait d'offrir des sources d'approvisionnement de confiance, et le prix de la préparation pour nourrissons, par exemple, importée de la Nouvelle-Zélande et d'ailleurs a mis ce fait en évidence. Nous l'avons bien compris en voyant sur les tablettes là-bas les aliments pour bébé et autres préparations.
J'ai quelques recommandations à faire concernant la promotion des produits canadiens. Le monde de la consommation connaît une révolution en Chine en ce moment. C'est une révolution provoquée par la hausse des salaires, le bourgeonnement de la classe moyenne et de la classe supérieure, et l'urbanisation. On assiste ainsi à une hausse de l'importation de produits alimentaires, et le Canada doit maintenir le cap. Nous devons valoriser nos marques d'aliments et lancer notre propre festival culinaire en ligne, par exemple, afin de permettre aux entreprises canadiennes, notamment les petites et moyennes entreprises, de faire la promotion de leurs produits auprès des consommateurs chinois.
Nous devons tenter l'expérience au Canada et voir si cela fonctionne. Certains produits alimentaires conviennent très bien au commerce virtuel, comme le homard, le vin et les cerises. Mais il faut garder à l'esprit que 90 p. 100 des achats au détail se font encore dans un contexte plus traditionnel. Un festival en ligne permettrait tout de même aux entreprises canadiennes d'avoir la chance de concurrencer avec d'autres pays exportateurs sur le marché électronique, qui prend de plus en plus d'expansion.
Ma deuxième recommandation est de clarifier les règles. Les organisations commerciales et les gouvernements doivent clarifier le processus d'exportation-importation et faciliter les approbations réglementaires en Chine, en particulier pour les produits nouveaux ou les produits-créneaux. Lors de notre passage en Chine, nous avons passé beaucoup de temps à visiter les commerces et les différentes organisations avec les entrepreneurs qui nous accompagnaient, de façon à comprendre les règles du jeu, à savoir comment faire pénétrer un produit sur le marché et à s'y retrouver dans les processus complexes de la Chine.
Dans notre rapport, nous proposions de mettre en place une feuille de route qui, sans énumérer en détail tous les règlements, donnerait des scénarios pour expliquer aux exportateurs comment procéder et leur enseigner les grands principes. C'est donc avec plaisir que nous avons appris il y a quelques semaines à peine que le gouvernement de l'Ontario avait décidé, après son dernier périple en Chine, d'adopter cette idée de la feuille de route pour ses exportateurs. Il a émis un communiqué de presse à cet effet.
Troisièmement, il nous faut une stratégie en deux volets. À court terme, il faut bien sûr mettre l'accent sur des mesures qui faciliteront l'accès au marché à nos plus grands exportateurs, et le produit le plus exporté est sans contredit l'huile de canola, avec des ventes de quelque 1,2 milliard de dollars en 2013. Les exportations de produits à valeur ajoutée ou transformés, comme le vin et les aliments emballés, représentent à peine 1 p. 100 de la valeur totale des exportations. Nos concurrents s'intéressent de plus en plus au secteur des aliments emballés, et ce serait investir dans notre compétitivité future de faciliter la mise en marché de ces produits également.
À moyen terme, nous devons réfléchir à la stratégie du Canada en Chine et déterminer comment elle devrait évoluer. Devrait-on établir des objectifs, comme doubler ou tripler les exportations canadiennes de produits agroalimentaires à valeur ajoutée? Nous devons décider comment faire pour que les aliments, les boissons et les ingrédients d'origine canadienne se démarquent réellement de ceux de nos concurrents afin de récolter une plus grande part du marché.
Je note en passant qu'à l'heure actuelle, nous ne fournissons qu'environ 4 p. 100 des importations alimentaires en Chine.
Nous devons aussi tenir compte du contexte géopolitique pour faciliter l'accès au marché. D'autres pays ont conclu des accords de libre-échange avec la Chine. Le libre-échange n'était pas un sujet au programme lors de notre voyage, mais les entrepreneurs qui nous accompagnaient ont bien vu que l'Australie avait conclu un tel accord avec la Chine — c'était le sujet de l'heure en Chine lors de notre passage —, et ils se sont demandé si le Canada y avait songé pour faciliter l'accès à ce marché.
J'aimerais conclure sur un dernier commentaire. Pour conquérir ce marché, et c'est peut-être vrai pour tous les marchés, l'industrie et le gouvernement doivent être mieux coordonnés. Nous avons vu ce que les autres font en Chine. Notre voyage n'a fait que confirmer qu'une de nos priorités doit être d'adopter une approche plus concertée et stratégique pour nous démarquer et saisir les possibilités commerciales qui s'offrent à nous pour surpasser nos concurrents.
Merci beaucoup.
La vice-présidente : Merci, monsieur McInnes. Nous allons commencer la période de questions avec le sénateur Ogilvie.
Le sénateur Ogilvie : Votre présentation était très intéressante, et on pourrait vous poser bien des questions sur son contenu, puisque vous avez le mandat de surveiller le commerce pour l'industrie agricole, et vous couvrez tous les secteurs de l'agriculture selon votre dépliant.
J'aimerais vous poser une question qui porte directement sur les obstacles non tarifaires au commerce pour les marchandises canadiennes — et je ne parle pas seulement de la Chine. Je pense par exemple aux résidus de pesticides, car certains pays appliquent une politique de tolérance zéro à cet égard. En réalité, c'est une règle impossible à suivre, mais dans les faits, cela demeure un obstacle à l'importation de certains produits, comme les grains, dans certains pays.
Parlons de la résistance aux antibiotiques, un enjeu international devenu pandémique; c'est un sérieux problème sanitaire pour l'homme à l'échelle planétaire. Dans les secteurs de la volaille et de l'élevage de bovins, on a longtemps fait l'utilisation généralisée, et on le fait encore, d'antibiotiques comme hormones de croissance. Bien que certains producteurs aient annoncé récemment abandonner cette pratique, ils sont encore nombreux à l'appliquer.
Avez-vous eu vent de l'intention des marchés internationaux, notamment les marchés européens, de n'importer que des produits de bœuf et de volaille qui n'ont pas été soumis à une utilisation généralisée d'antibiotiques et d'hormones de croissance? Autrement dit, est-ce que l'utilisation d'antibiotiques est un argument utilisé pour faire obstacle au commerce?
M. McInnes : Merci, sénateur. Je vais commencer, mais je pense que Ted voudra aussi intervenir.
À notre dernière comparution, nous vous avions présenté notre plus récent rapport, que nous avions publié au début de l'automne l'an dernier. Dans ce rapport, nous faisions état des enjeux entourant la compétitivité et le commerce selon trois catégories : l'accès au marché — accords de libre-échange ou autres exigences; les obstacles réglementaires et non tarifaires auxquels sont confrontés les pays et les entreprises une fois l'accès au marché établi; et, finalement, nous devons nous assurer que les chaînes d'approvisionnement et les gouvernements ont la capacité de mettre le produit sur les tablettes des détaillants, et qu'ils peuvent remplir les exigences requises pour livrer le produit final.
Ces trois volets doivent être harmonisés. Toutes ces conditions doivent être réunies si nous voulons être concurrentiels. Cela accentue la nécessité de remédier aux obstacles non tarifaires et aux autres barrières. Peut-être que Ted a quelque chose à ajouter par rapport à cela.
Ted Bilyea, président du conseil d'administration, Institut canadien des politiques agroalimentaires : Oui. Je crois que le Canada traverse une période très stratégique.
Je vous dirais d'abord que stratégiquement parlant, il est effectivement tout à fait logique d'éviter les règles de tolérance zéro, car cela devient trop politique. Peut-être que ce que je vais dire ne fera pas l'unanimité, mais je crois que les Canadiens s'en porteraient très bien si on acceptait des niveaux de résidus au seuil de détection. Si je dis cela, c'est qu'en général, tous nos produits animaux en présentent de très faibles concentrations — et j'ai vu des données à cet effet. Si c'est le cas, c'est que nous sommes confrontés à beaucoup moins de difficultés que les grands marchés et certains de nos plus grands concurrents. Nous avons ainsi la possibilité de restreindre l'utilisation d'antibiotiques.
Je pense que tout est dans la mesure, et non pas dans l'utilisation. Les pays qui ne permettent pas l'utilisation d'antibiotiques à titre de stimulateurs de croissance animale ont du mal à exporter leurs produits, car c'est un agent qu'on emploie beaucoup dans le traitement des animaux. Je crois que cela va rattraper certains de nos plus grands concurrents.
Je crois que l'industrie canadienne le réalise peu à peu; bon nombre des grandes entreprises le voient. La norme devrait viser le plus faible taux détectable dans les produits alimentaires; cela revient essentiellement à dire que nous ne voulons pas qu'il y en ait assez pour qu'ils soient détectables. Si nous arrivons à faire accepter ce concept, cela donnera une bonne longueur d'avance au Canada dans ce secteur et dans bien d'autres encore. Nous en tirerions bien plus d'avantages qu'avec l'approche actuelle, car nous sommes forcés de suivre des normes internationales plus permissives et moins avantageuses pour nous.
Le sénateur Ogilvie : Permettez-moi de préciser ma question concernant les antibiotiques. Je suis tout à fait d'accord avec vous pour ce qui est du niveau détectable et de tout cela. Il y a moyen de composer avec une limite raisonnable.
Dans le cas des antibiotiques, je ne parlais pas des résidus dans les produits en tant que tels. Je fais plutôt référence au fait qu'ils sont employés en grande quantité comme stimulateurs de croissance, dit-on. L'idée est que si un pays est reconnu pour permettre une telle pratique dans l'industrie alimentaire, même s'il y a absence totale de résidus dans le produit, il est possible que cela vienne accroître la résistance aux antibiotiques de manière générale, et ainsi avoir des répercussions sur la santé humaine, déjà une préoccupation.
Comme la question a été soulevée par au moins un parlement européen, je crois qu'il serait sage pour les producteurs canadiens de faire preuve de vision dans ce dossier, car très peu de données scientifiques semblent indiquer que l'utilisation massive d'antibiotiques entraîne réellement une croissance accrue. L'utilisation d'antibiotiques pour les traitements vétérinaires est acceptée à l'échelle mondiale, et ce n'est pas de cela dont je parle. Merci beaucoup pour votre réponse.
Le sénateur Oh : Merci, messieurs. Je suis heureux de vous revoir. Vous avez fait un bon voyage en Chine. Votre observation sur les piètres pourcentages d'exportations alimentaires en Chine était très juste. Seuls 4 p. 100 de nos produits agroalimentaires sont exportés en Chine, et c'est pourtant un marché énorme. Dans les villes que j'ai visitées, je suis allé jeter un coup d'œil dans les supermarchés, et je n'ai pas pu trouver un seul produit canadien sur les tablettes. La Chine a besoin d'aliments de qualité en provenance du Canada.
Que retirez-vous principalement de votre mission en Chine? Quelle serait la meilleure stratégie pour les entreprises canadiennes qui souhaitent pénétrer le marché chinois? Que pourrait faire le gouvernement fédéral pour les aider?
M. McInnes : Merci beaucoup, sénateur. Nous avons surtout remarqué, et cela confirme ce que vous disiez, qu'on pouvait reconnaître des produits sur les tablettes, mais ils provenaient des pays qui nous font concurrence. Les détaillants et les consommateurs chinois réclament des produits étrangers en lesquels ils peuvent avoir confiance, mais nos produits sont essentiellement absents des tablettes. Il y a toutefois des exceptions.
C'est une preuve de nature anecdotique, mais elle est tirée des données que nous vous avons fournies sur les pourcentages d'exportations de produits à valeur ajoutée. Elle suscite une question importante : comment aider les petites et moyennes entreprises, et même les grandes, à comprendre comment exporter leurs produits et quel soutien aller chercher? Les règles sont complexes. Elles changent constamment. Ce n'est pas un contexte très stable, alors il est vital de comprendre comment fonctionne l'exportation dans ce pays.
Ce qui est intéressant, c'est que certaines grandes chaînes, en Chine, et fournisseurs de produits par Internet, essaient de faciliter l'importation de produits de qualité de partout dans le monde. Nous voyons des Chinois aller au-delà de leurs frontières pour essayer de l'autoriser. Par exemple, Carrefour, que j'ai déjà mentionné, est un détaillant français qui a sa propre marque et qui s'efforce de faciliter l'importation de produits pour cette raison.
La principale tâche, alors, est de trouver le point de convergence entre la marque canadienne, l'accès réglementaire et tous les canaux nécessaires pour optimiser notre potentiel, sans jamais oublier que nous ne sommes pas le plus grand acteur. Cela nous porte à croire qu'un bon point de départ consiste à assortir notre stratégie d'exportation de mesures destinées à accroître notre visibilité sur les sites de commerce en ligne, puis idéalement à utiliser les magasins physiques au détail pour permettre aux consommateurs de toucher, de sentir, de prendre et de manipuler le produit ensuite.
Ce que je décris, c'est qu'il y a une façon de faire globale sur le web. Les gens ne se bornent pas à dire : « Nous avons besoin de ceci. » Le message doit transpirer à divers endroits pour que nous puissions être plus stratégiques.
Le sénateur Oh : Ted, avez-vous quelque chose à ajouter?
M. Bilyea : David vous a donné un bon aperçu. J'ajouterais qu'il y a d'autres choses qui vont être nécessaires à beaucoup plus long terme. D'abord, il va falloir établir une nouvelle relation entre le gouvernement et les entreprises au pays. Nous allons devoir faire preuve de collaboration dans notre façon d'aborder ce marché.
Le fait est que si nous n'avons pas le volume — la plupart des entreprises canadiennes n'ont pas de grand volume — alors il faut travailler extraordinairement fort pour nous distinguer et ainsi attirer les détaillants vers des produits à plus petite échelle.
Pour certains grands produits, nous n'aurons qu'à essayer de trouver des façons de collaborer assez pour prendre de l'expansion. Nous avons besoin d'acquérir un volume significatif. Pour entrer dans les plus grandes régions de Chine, il faudra être plus gros. Nos entreprises doivent prendre de l'expansion, mais c'est essentiel de toute façon.
Nous avons également besoin d'approfondir nos connaissances. Nous devons développer nos réseaux en Chine; je parle particulièrement des dirigeants d'entreprises et du gouvernement. Nous avons cruellement besoin de réseaux personnels parce que nous allons devoir être capables de faire certaines choses. Beaucoup de gens dans le secteur de la viande croient qu'il suffit de vendre ses produits à un supermarché ou à un importateur, un point c'est tout. La réalité est beaucoup plus complexe, parce que comme vous le savez, la plupart des détaillants ne sont même pas propriétaires de leur comptoir viande; c'est un espace qu'ils louent. Les bouchers chinois fournissent le personnel, les produits, et les magasins ne touchent que des frais de location et une certaine marge.
Donc quand on parle aux Canadiens, on constate qu'ils s'attendent à vendre leurs produits aux détaillants, mais qu'ils ne se rendent même pas compte de la façon dont le commerce fonctionne en Chine. Il y a tellement d'enjeux compliqués comme celui-là qu'on ne peut pas en sortir gagnant autrement qu'en développant ses réseaux personnels, en y consacrant tout le temps et les efforts nécessaires sur le terrain pour bâtir des réseaux. Et ce ne sera pas possible, d'après moi, tant que le gouvernement et les entreprises ne resserreront pas leur collaboration au Canada. Le manque de connaissances, sans parler du manque de leadership, est énorme. C'est ce que j'ajouterais aux observations de David.
Le sénateur Oh : Pour les marchés chinois et asiatiques, la culture est telle, habituellement, qu'ils veulent que le gouvernement d'ici mène la charge. C'est la confiance qu'inspire l'image de marque de la feuille d'érable. C'est ce qu'ils veulent voir mis de l'avant.
[Français]
Le sénateur Maltais : Merci, et bienvenue encore une fois. Churchill disait qu'un bon repli stratégique équivaut à une demi-victoire.
Lorsqu'on regarde le marché, actuellement, comme vous nous l'expliquez et comme ces feuillets nous l'indiquent, nous devrions peut-être changer notre stratégie pour l'Asie. Quels seraient les créneaux nécessaires à la population, à l'alimentation de l'Asie dans lesquels nous pourrions faire concurrence aux français, aux Australiens, aux Américains, et à toute la chaîne qui est là? Il doit y avoir des créneaux qui restent ouverts, et je pense que le Canada aurait tout avantage à entrer dans ces créneaux, parce qu'il y a tout de même une population très importante en Chine. Je ne crois pas que tout le monde mange du bœuf tous les jours, du poulet, du filet mignon ou du ketchup Heinz, mais il y a des créneaux qui restent à exploiter, et le Canada aurait avantage à percer ces marchés. Vous êtes allé en Chine plusieurs fois et vous avez peut-être pu repérer ces secteurs. Cela nous ouvrirait peut-être des portes afin d'élaborer une nouvelle stratégie pour les exportations canadiennes.
[Traduction]
M. McInnes : Merci, sénateur. Il y a tellement de façons de répondre à cette question. Je vais l'aborder sous un angle particulier, et Ted pourra vous offrir un autre point de vue.
Je ne crois pas qu'il revienne à l'ICPA, à notre groupe, de vous dire qu'il y a là un créneau pour le Canada. Il y a beaucoup de bons spécialistes du marketing et d'entreprises qui pourraient le faire mieux que moi.
Cependant, j'aimerais vous encourager à mettre l'accent non seulement sur les créneaux d'aujourd'hui, mais sur les créneaux potentiels de demain. On nous en a donné des indices très intéressants quand nous nous sommes rendus en Chine, et permettez-moi de vous raconter une histoire.
Nous y sommes allés dans le cadre du Sommet des leaders de l'APEC, à Beijing, et la Chine avait retiré un million de voitures des routes, si je ne me trompe pas, en plus d'avoir fermé des milliers d'usines de la vallée entourant Beijing, pour que le smog s'évapore et qu'on puisse voir le ciel pour la première fois depuis longtemps, peut-être depuis les Olympiques, de sorte que les gens disaient que le ciel était « bleu APEC ».
C'est un facteur important pour répondre à cette question, parce que je crois que les gens sentent de plus en plus que la nourriture en Chine est produite dans des sols et avec des eaux contaminés et que l'environnement et la durabilité deviennent des enjeux de plus en plus importants dans ce pays.
Dans les commerces que nous avons visités, nous avons vu des produits biologiques. Nous avons vu des produits qui mettaient l'accent sur l'innocuité et le prix. Nous avons vu des produits locaux.
Nous n'avons toutefois pas vu, à ce que je me souvienne, d'indicateur de durabilité, comme on en voit ici et en Europe.
Peut-être que la future niche pour le Canada, bien qu'ils veuillent des aliments produits en Occident dans un environnement propre, consiste à nous présenter comme l'un des producteurs agroalimentaires les plus durables au monde et à bâtir notre image de marque véritablement autour de ce concept, encore bien plus qu'aujourd'hui. Nous utilisons les mots « qualité » et « sûreté », qui sont importants — « goût » aussi —, mais notre véritable créneau futur consiste peut-être à miser sur la santé de l'environnement et à dire que les aliments viennent vraiment du sol, de l'eau ou de l'air. C'est un avantage pour l'avenir du Canada.
Cela ne nous dit pas comment nous pouvons battre Nabisco pour la vente de biscuits, bien qu'il y ait sûrement des possibilités pour les fabricants canadiens dans ce domaine, mais cela nous oriente pour trouver notre futur créneau. Je pense que c'est fortement lié à notre image de marque. Je pense que c'est là où l'industrie et le gouvernement, comme Ted l'a mentionné, pourraient être beaucoup plus stratégiques et accroître leur collaboration. Je pense qu'il doit à tout le moins y avoir une conversation à ce sujet.
M. Bilyea : Je suis d'accord avec David. Je pense que les Chinois, comme beaucoup d'Asiatiques, en fait, et comme les Occidentaux aussi, voient un lien entre l'innocuité des aliments et la durabilité. Les deux vont de pair. Si l'on surexploite la terre, on risque probablement de se retrouver avec un problème d'innocuité des aliments, mais il va certainement y avoir un problème de durabilité. On surexploite l'eau — le Nord de la Chine est comme la Californie — ou l'on émet beaucoup trop de dioxyde de carbone dans l'atmosphère, ce qui rend la situation invivable.
Le Canada est dans une position enviable. Très peu de pays peuvent dire qu'ils sont en mesure d'accroître leur production sans endommager de façon considérable leur capital naturel. C'est très rare. Les gens commencent à faire le lien entre les deux, d'une part la santé, et d'autre part, la salubrité alimentaire combinée au développement durable. C'est un créneau qui nous est largement ouvert.
[Français]
Le sénateur Maltais : Le Canada devrait alors axer sa publicité, son marketing vers la qualité des produits et la qualité biologique. Ce serait une ouverture pour les entreprises canadiennes dans l'avenir, peut-être pas aujourd'hui. Ce serait un créneau que le gouvernement canadien devrait viser au chapitre du marketing en Asie.
[Traduction]
M. McInnes : En gros, oui, mais je dirais que c'est l'orientation que doivent adopter ensemble l'industrie et le gouvernement. Ce n'est pas quelque chose qui relève uniquement du gouvernement.
J'ai également entendu un autre commentaire d'un détaillant chinois au sujet du Canada. Il se demandait en quoi consistaient les aliments canadiens. Est-ce que ce sont des aliments canado-américains? Pour revenir à ce que Ted a dit plus tôt, comment est-ce qu'on peut se démarquer? C'est là toute la question du créneau. Je ne crois pas qu'il revient à un ministère du gouvernement de trouver la solution. C'est trop demandé.
Nous avons besoin de la participation de l'industrie, de ceux qui gèrent les terres, des chercheurs, des organismes de réglementation, des chefs de file de l'industrie, du gouvernement et des universitaires qui réfléchissent à ces choses-là.
Il faut que nous ayons une approche systémique pour faire face à la concurrence à l'avenir. Autrement, nous pourrons seulement nous démarquer par le prix, ce qui est une option que nous pouvons choisir.
Ce voyage en Chine, bien que ce ne soit pas nos activités courantes, a été une expérience très instructive. Cela nous a permis de voir les choses dans une autre perspective.
[Français]
Le sénateur Maltais : Voilà l'essentiel de notre mandat, qui est l'innovation dans le monde agricole. Selon moi, ce n'est pas le travail du gouvernement, mais celui de l'industrie. Le gouvernement pourra soutenir ce travail, mais c'est à l'industrie de se prendre en main et de suivre les conseils que vous venez de nous donner. L'innovation ne porte pas ses fruits immédiatement, mais bien au cours des 10, 15 ou 25 prochaines années. C'est l'ouverture sur laquelle nous devrions travailler, selon votre expertise et selon ce que vous avez constaté sur le terrain. Merci, cela a été vraiment intéressant, et vous avez fait un travail exceptionnel.
Le sénateur Dagenais : Merci beaucoup, madame la présidente. Merci à nos invités. Je vais revenir un peu sur la Marque Canada. Comme vous l'avez dit, cette marque est un enjeu. En Chine, il y a des étalages, et si la marque Canada y est inconnue, elle se retrouve sur la dernière tablette du bas. C'est comme à la SAQ, on voit que les vins italiens sont bien en vue et que les vins québécois sont sur la tablette du bas. L'étalage est important, et il faut le faire comprendre aux détaillants là-bas.
J'aimerais revenir aux achats en ligne. Vous dites que les achats d'aliments en ligne ont fortement progressé. Y a-t-il d'autres marchés où la vente d'aliments en ligne pourrait être un excellent débouché pour les exportateurs?
[Traduction]
M. McInnes : Merci, sénateur. Je ne sais pas s'il y a d'autres marchés. Peut-être que Ted pourrait vous donner son point de vue à ce sujet.
J'aimerais revenir sur cette question intéressante des possibilités en ligne, car je crois que vous avez mis le doigt dessus : Comment pouvons-nous améliorer notre visibilité auprès d'un milliard de consommateurs lorsque le monde entier essaie de faire concurrence sur le même marché?
C'est la raison pour laquelle nous nous sommes concentrés sur la promotion en ligne pour voir ce qu'il y avait à faire à ce chapitre — misons sur nos meilleurs produits, ceux pour lesquels nous sommes réputés, c'est-à-dire le homard, les fruits de mer, le sirop d'érable, le vin de glace et ainsi de suite. Il faut exposer ces produits sur les sites web sur lesquels les gens achètent du vin de glace et du homard. On pourrait ainsi présenter plein d'autres produits canadiens.
Les gens peuvent s'intéresser au Canada pour ses fruits de mer, mais ils pourraient ne pas savoir que le Canada offre tel et tel produit. C'est pourquoi cette possibilité est intéressante; ce n'est pas une panacée, mais cela peut faire partie d'une stratégie de promotion des produits des petites et moyennes entreprises à l'échelle du pays.
M. Bilyea : Je suis d'accord avec David concernant la promotion en ligne. Je crois que les entreprises doivent travailler avec les détaillants, c'est-à-dire qu'elles doivent choisir un détaillant en Chine où elles pourront y présenter leurs produits. Elles doivent avoir un pied-à-terre, ce qui pourrait s'avérer un excellent complément à leurs efforts en ligne. Je crois que c'est essentiel.
Si on veut présenter tous nos produits, il va falloir en offrir davantage. Je sais que le gouvernement a mis des moyens à notre disposition afin que nous puissions accéder à de nouveaux marchés. Il a investi de l'argent, et c'est une bonne chose. Toutefois, selon moi, il va falloir en faire plus parce qu'il y a tellement de produits sur la liste des priorités en matière d'accès aux marchés, uniquement pour la Chine, et c'est sans parler des autres pays.
Ce que je ne comprends pas, c'est pourquoi l'industrie n'en profite pas davantage. Dans certains cas, il y a des retombées intéressantes. L'industrie va habituellement investir si elle récupère son argent deux ou trois ans plus tard; ce n'est donc pas un problème. Par conséquent, pourquoi ne pourrait-elle pas aider le gouvernement? Je vais vous donner un exemple simple : la volaille. Une bonne partie du dos de la volaille est exportée, et la poitrine reste ici. Nous gardons la poitrine et nous ne savons pas quoi faire du reste de la volaille; nous l'expédions à l'étranger. Même si les Canadiens devraient manger davantage de pattes de poulet, parce que c'est ce qu'il y a de meilleur, nous les exportons.
La Chine est le pays qui paie le mieux pour cette viande, car elle en raffole. Le supermarché auquel je suis associé me demande constamment : « Quand allons-nous avoir du poulet canadien? Nous aimerions le faire connaître. » Je leur dis que je suis désolé, que nous n'avons pas encore de protocole avec la Chine et que, par conséquent, nous ne sommes pas autorisés à l'importer de façon légale.
Sur cette liste de priorités en matière d'accès aux marchés figure le poulet. Chose certaine, cela coûte cher de faire entrer le poulet, mais je suis sûr que nous récupérerions notre argent si nous affections deux personnes de plus au processus. Il y aurait des retombées d'ici deux ans environ; j'en suis convaincu.
Les Chinois n'y voient aucun inconvénient. Ce n'est pas une priorité, mais si les gens s'y mettaient, on pourrait arriver à quelque chose. Pourquoi ne pas demander à l'industrie : « Qu'attendez-vous pour investir et aller de l'avant? »
Ce sont des questions qu'il faut poser.
La sénatrice Beyak : Merci, messieurs. Je suis ravie de vous revoir. J'ai eu le temps de réfléchir à la marque Canada depuis votre dernière comparution. Il semble que vous ayez fait un voyage fructueux.
Si je pense au drapeau du Canada, comment pourrions-nous nous démarquer avec nos montagnes, nos cours d'eau, notre poisson et notre homard? Je pense que vous travaillez là-dessus. De plus, je crois qu'une plus grande collaboration entre le gouvernement et l'industrie s'impose.
Pourriez-vous nous dire ce que le comité pourrait faire pour que cela devienne réalité? Nous allons formuler des recommandations, et tout le monde semble être sur la même longueur d'onde, mais il me semble qu'il faille coordonner nos efforts.
M. McInnes : Je crois que c'est l'une des questions les plus difficiles : Comment favoriser la collaboration? Nous vivons dans une fédération. Il y a de nombreuses associations qui représentent différents intérêts dans le secteur agroalimentaire — des chaînes d'approvisionnement concurrentielles, différentes régions du pays, différentes tailles. C'est la question ultime pour le Canada : Comment pouvons-nous faire mieux?
Il y a très peu de façons. Nous avons publié un rapport l'année dernière sur la compétitivité du secteur des aliments transformés, qui est le principal segment de la fabrication dans l'économie canadienne, soit dit en passant, au chapitre du PIB et du nombre d'employés, et sachez qu'il fait face à certaines difficultés. Dans ce rapport, on a indiqué qu'il fallait faciliter la collaboration non seulement entre le gouvernement et l'industrie, mais aussi entre les divers secteurs d'activités.
C'est pratiquement une question de gouvernance. Le fait d'avoir une représentation diversifiée au sein des conseils d'administration d'associations qui représentent d'autres intérêts est une façon d'accroître notre visibilité et notre participation aux discussions. Par exemple, pourquoi une organisation de producteurs n'inviterait-elle pas un détaillant à venir siéger au conseil d'administration, et vice versa?
Nous avons ici une occasion en or. La concurrence ne se situe pas seulement entre produits alimentaires; elle se joue aussi au niveau des chaînes d'approvisionnement. Nous avons donc besoin de multiplier la représentation autour de la table.
Par conséquent, comment peut-on travailler davantage de concert avec le gouvernement? Il y a diverses tables de concertation à l'échelle fédérale où le gouvernement et l'industrie sont représentés. Elles ont un rôle à jouer. Toutefois, le travail ne peut être effectué que par une seule organisation. On doit adopter une approche culturelle ou systémique si on veut susciter de nouvelles idées.
La sénatrice Beyak : Monsieur Bilyea, avez-vous quelque chose à ajouter?
M. Bilyea : Je crois qu'il a bien répondu à votre question.
Le sénateur Enverga : Je vous remercie pour vos exposés. Je sais que notre industrie se heurte à certaines difficultés dans le domaine agricole, surtout en ce qui concerne le bœuf et peut-être les produits laitiers ou la volaille.
Je croyais que pratiquement tous les secteurs d'activités — notamment le secteur bovin — éprouvaient des difficultés à l'égard de la production d'aliments transformés à cause de la pénurie de main-d'œuvre. Y a-t-il de plus en plus de producteurs de bœuf dont les produits sont transformés, par exemple, en Chine, là où la main-d'œuvre coûte beaucoup moins cher? A-t-on songé à l'impartition pour la transformation de nos aliments?
M. Bilyea : Comme vous le savez, c'est déjà ce qu'on fait dans l'industrie du poisson, et je pense que cela peut représenter des économies.
Je sais qu'au moins un des transformateurs de bœuf au Canada demande maintenant à ceux qui veulent acheter du bœuf pour la Chine, mis à part les abats, de prendre le bœuf en entier, ce qui revient à ce que vous dites. Autrement dit, on s'engage dans cette voie, puisque la main-d'œuvre est le principal enjeu. C'est la façon de remédier à cette pénurie de main-d'œuvre.
Il faut regarder ce qui se passe dans chaque secteur. Dans bien des cas, une partie de la transformation est rapatriée ici. Comme vous le savez sans doute, en Chine, particulièrement, les détaillants aimeraient avoir un produit fabriqué, transformé et étiqueté ici, au Canada, de sorte qu'il y ait une garantie que ce n'est pas un produit de contrefaçon.
Deux différents facteurs jouent en notre défaveur. D'une part, il y a la question de la main-d'œuvre, sur laquelle il faut se pencher, et d'autre part, la demande du consommateur qui dit : « Non, je ne veux pas que vous envoyiez le bœuf non désossé là-bas pour qu'il y soit coupé parce que je n'ai pas la certitude qu'il est canadien. Il peut se perdre dans le processus de transformation en Chine, même si ce n'est pas intentionnel. Il est acheminé dans des usines qui traitent de multiples espèces et de multiples produits provenant de différents pays. »
C'est une question complexe, mais on sait ce que veulent les consommateurs. Ils veulent un produit fait au Canada.
Le sénateur Enverga : Je ne peux que m'en réjouir. Je suis heureux de vous l'entendre dire.
La vice-présidente : Notre comité envisage d'effectuer une mission d'information en Chine à l'avenir. Croyez-vous que cela serait utile et, si oui, qu'est-ce que nous devrions voir et faire, d'après votre expérience et votre récent voyage en Chine?
M. McInnes : C'est une très bonne question. Nous n'avons pas pu faire tout ce que nous voulions dans le cadre de ce voyage. Nous n'avons pu visiter que deux grandes villes sur la côte Est, c'est-à-dire Shanghai et Beijing. Nous-mêmes estimons n'avoir qu'un aperçu de la situation en Chine et non pas une vue complète. C'est un grand pays.
Il serait bien de voir ce qui se passe dans l'ensemble de la Chine, qui est un pays à la fois fascinant et complexe. Comme l'indique le titre de notre rapport, la Chine est le plus important marché en émergence du monde. Il s'agit d'un important partenaire commercial pour le Canada, puisqu'il est actuellement notre deuxième plus important marché pour les exportations agroalimentaires. Comme je l'ai dit plus tôt, plus nous comprenons les possibilités et les relations et plus nous en tirons parti, mieux ce sera.
Toutefois, il est important d'avoir une multitude de points de vue. Comme nous n'avions pas beaucoup de temps, nous avons regardé seulement une partie de la chaîne d'approvisionnement, c'est-à-dire la vente au détail. Nous ne nous sommes pas penchés sur le secteur de la transformation ou d'autres secteurs de la chaîne d'approvisionnement. Cela dépendra donc de ce que vous voudrez savoir au sujet du secteur agroalimentaire.
M. Bilyea : Chose certaine, je vous encouragerais à vous renseigner le plus possible avant de partir et, comme David l'a dit, à examiner tous les aspects de la chaîne d'approvisionnement jusqu'au consommateur.
Je partirais en ayant à l'esprit la position du Canada quant aux avantages de ces échanges commerciaux. Je dis ça parce que je considère que les entreprises canadiennes n'ont pas beaucoup de temps pour croître et profiter du marché chinois. La Chine sera de plus en plus présente ici. Ils savent ce que le Canada a à offrir, du point de vue des produits alimentaires et de notre production, et ils vont trouver des façons d'offrir aux consommateurs ce qu'ils veulent. Si les Canadiens veulent en profiter pleinement, il va falloir mieux comprendre la situation et assurer la croissance du secteur.
Je vous encouragerais donc à le faire, mais n'oubliez pas que le commerce agroalimentaire entre le Canada et la Chine n'est pas quelque chose qui va peut-être se produire; cela va assurément arriver. Cependant, il faut se demander dans quelles conditions ce commerce va avoir lieu et qui en profitera le plus. Le Canada va-t-il contrôler la situation? Voilà donc des questions fondamentales.
La vice-présidente : Cela sera fort utile pour notre comité.
[Français]
Le sénateur Maltais : À la suite de votre témoignage, j'ai l'impression que vous envoyez le message suivant à la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante : « Vous avez des devoirs à accomplir pour le futur. » J'espère que vous allez leur transmettre votre excellente expérience. La Fédération canadienne de l'entreprise indépendante a des devoirs à faire pour l'avenir, et elle doit s'y mettre, sinon on risque de rater notre chance, n'est-ce pas?
[Traduction]
M. McInnes : Merci, monsieur. J'aimerais revenir sur notre voyage. Plusieurs entreprises et organisations alimentaires de partout au pays nous ont accompagnés. Elles ont voulu faire leurs devoirs. Elles voulaient mieux comprendre ce qui rendait la Chine aussi fascinante.
Depuis ce voyage, certaines de ces entreprises ont augmenté leur chiffre d'affaires et d'autres ont amélioré leur stratégie; elles n'ont pas sauté sur l'occasion seulement parce que c'est à la mode ou parce que c'est une nécessité.
D'une certaine façon, oui, nous devons faire nos devoirs, mais nous devons améliorer notre présence sur place. Toutes les parties du système alimentaire, les organismes de réglementation gouvernementaux et tous ceux qui font partie de la chaîne d'approvisionnement doivent faire leurs devoirs et, dans la mesure du possible, ensemble. Nous avons beau avoir l'accès, le protocole, le produit que désire le consommateur, si le produit ne peut pas sortir du port de Vancouver ou ne peut être expédié pour une raison ou pour une autre, nous ne respectons pas nos obligations en tant que fournisseur fiable.
Voilà ce qu'il faut faire.
La vice-présidente : Au nom du comité, je tiens à remercier sincèrement David McInnes et Ted Bilyea de leur présence ce matin. Je vous remercie infiniment d'être revenus pour nous faire part de vos observations judicieuses à la suite de votre récent voyage en Chine.
Cela dit, je déclare la séance levée.
(La séance est levée.)