Délibérations du Comité sénatorial permanent de
l'Agriculture et des forêts
Fascicule no 31 - Témoignages du 18 juin 2015
OTTAWA, le jeudi 18 juin 2015
Le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts se réunit aujourd'hui, à 8 h 30, afin d'étudier les priorités pour le secteur agricole et agroalimentaire canadien en matière d'accès aux marchés internationaux.
Le sénateur Percy Mockler (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue à cette réunion du Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts. Je suis le sénateur Percy Mockler, du Nouveau-Brunswick, président du comité.
J'aimerais commencer par demander à tous les sénateurs de se présenter.
La sénatrice Beyak : Je suis la sénatrice Lynn Beyak, de l'Ontario. Bienvenue.
La sénatrice Merchant : Pana Merchant, de la Saskatchewan.
[Français]
La sénatrice Tardif : Bonjour, je m'appelle Claudette Tardif, sénatrice de l'Alberta.
Le sénateur Maltais : Bonjour, je m'appelle Ghislain Maltais, sénateur du Québec, de la région de Beauport.
[Traduction]
Le sénateur Oh : Bonjour. Je suis le sénateur Oh, de l'Ontario.
[Français]
Le sénateur Dagenais : Bonjour, je m'appelle Jean-Guy Dagenais, sénateur du Québec, de la région de Montréal.
[Traduction]
Le sénateur Ogilvie : Kelvin Ogilvie, de la Nouvelle-Écosse.
Le président : Merci.
[Français]
Aujourd'hui, le comité poursuit son étude sur les priorités pour le secteur agricole et agroalimentaire canadien en matière d'accès aux marchés internationaux.
[Traduction]
Le secteur agricole et agroalimentaire canadien joue un rôle important dans l'économie du pays.
[Français]
En 2013, un travailleur sur huit au pays, ce qui représentait plus de 2,2 millions de personnes, était employé dans ce secteur qui a d'ailleurs contribué à près de 6,7 p. 100 au produit intérieur brut canadien.
[Traduction]
En 2013, le secteur agricole et agroalimentaire canadien était à l'origine de 3,5 p. 100 des exportations mondiales de produits agroalimentaires. La même année, le Canada était le cinquième exportateur mondial de produits agroalimentaires.
Le Canada a conclu plusieurs accords de libre-échange. En 2006, cinq pays avaient un accord de libre-échange avec le Canada. Aujourd'hui, en 2015, il y en a 43.
[Français]
Aujourd'hui, honorables sénateurs, nous accueillons Mme Wendy Zatylny, présidente de l'Association des administrations portuaires canadiennes, et le capitaine Yoss B. Leclerc, vice-président et chef des Opérations maritimes de l'Administration portuaire de Québec de l'Association des administrations portuaires canadiennes.
[Traduction]
Du Canadien Pacifique, nous avons Robert Taylor, vice-président adjoint, défense des intérêts nord-américains.
Merci aux témoins d'avoir accepté notre invitation à comparaître devant le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts pour nous faire part de leurs points de vue et de leurs recommandations au sujet de l'avenir du secteur agricole et de la voie à suivre pour faire du Canada le meilleur pays au monde où vivre.
Les sénateurs vous poseront des questions après les exposés.
Le greffier me dit que Mme Zatylny sera la première à intervenir, suivie de M. Taylor. Madame Zatylny, vous avez la parole.
Wendy Zatylny, présidente, Association des administrations portuaires canadiennes : Monsieur le président, honorables sénateurs, bonjour. Merci de nous donner l'occasion de discuter avec vous aujourd'hui. Nous savons que vous avez mené une vaste étude et examiné de nombreux aspects liés au secteur agricole canadien et aux exportations agroalimentaires du pays. Le transport n'a pas nécessairement de lien direct avec la production agricole, mais il permet sans aucun doute d'acheminer nos produits vers les marchés ciblés. Nous sommes donc reconnaissants de pouvoir vous parler aujourd'hui.
Je vais parler aujourd'hui du rôle important que jouent les ports en facilitant le transport des produits agricoles et agroalimentaires de calibre mondial du Canada vers toutes les régions du pays et à l'intérieur de celles-ci. Je vais également parler de difficultés auxquelles nous faisons face compte tenu de la croissance du commerce mondial, qui est attribuable aux accords commerciaux auxquels la présidence a fait allusion, ainsi que du genre de pression que cette croissance exerce sur nos installations portuaires. Pour terminer, je vais présenter certaines solutions que nous proposons, car nous continuons de travailler pour améliorer notre compétitivité et pour donner suite à la promesse et aux possibilités créées par le secteur du transport maritime. Mais permettez-moi tout d'abord de situer le contexte.
Étant donné que 90 p. 100 de ce que nous achetons arrive par bateau, le commerce maritime est vraiment à la base de l'économie mondiale. Les ports du Canada jouent un rôle clé dans le chargement et le déchargement de produits et de marchandises transportés par navire ou par camion. En fait, les administrations portuaires du Canada manutentionnent chaque année des marchandises d'une valeur de plus de 400 milliards de dollars avec leurs partenaires commerciaux se trouvant dans plus de 160 pays. Ils contribuent ainsi à la croissance économique du Canada en créant 250 000 emplois directs et indirects qui offrent des salaires supérieurs à la moyenne.
Comme je vais l'expliquer aujourd'hui, notre rôle en tant que moteur de la création d'emplois et de la croissance économique au Canada ne fera que gagner en importance dans les années à venir.
Le commerce maritime mondial, y compris les exportations agricoles et agroalimentaires, devrait presque doubler et passer de 10 milliards de tonnes en 2014 à un nombre se situant entre 19 et 24 milliards de tonnes d'ici 2030. La population mondiale devrait augmenter de plus de 1 milliard de personnes dans cette même période. L'effet combiné de l'essor du commerce et de la croissance démographique mondiale forceront les administrations portuaires du Canada, y compris celles qui desservent les marchés américains, à élargir considérablement leurs infrastructures de manutention de marchandises et à améliorer leurs gains d'efficacité fonctionnelle.
Par exemple, les ports à conteneurs de la Chine et d'autres pays d'Asie manutentionnent déjà, en moyenne, 14 millions de conteneurs EVP — équivalents 20 pieds — de plus chaque année. Si on se fie aux tendances commerciales actuelles, on peut s'attendre à une augmentation de la demande se traduisant par 5 millions de conteneurs EVP supplémentaires par année dans les ports nord-américains.
La part du Canada de ce commerce asiatique en croissance équivaut à une hausse potentielle de quelque 11 millions de conteneurs EVP d'ici 2030. Les nouveaux accords de libre-échange que le Canada a signés dernièrement ou qu'il est en train de négocier accroîtront la demande à laquelle doivent répondre les administrations portuaires du Canada.
La question que doit se poser le comité est très simple : comment pouvons-nous tirer pleinement profit de l'essor du commerce, de la croissance démographique mondiale et de la hausse correspondante de la demande à laquelle les ports doivent répondre? De notre point de vue, le statu quo n'est pas une option.
Les produits agricoles, notamment les céréales, représentent une grande part des marchandises acheminées par les administrations portuaires du Canada. En 2014, le volume des exportations de grain correspondait à 22 p. 100 des marchandises manutentionnées dans nos grands ports. Ces marchandises représentent quelque 55 millions de tonnes métriques.
De plus, tous les ports ont fait état d'une augmentation importante du volume de grain en 2014. Une grande partie de ces céréales, y compris de l'orge, du canola, des granulés, du blé et de l'avoine, est expédiée partout dans le monde à partir de ports se trouvant dans chaque région de notre pays. Par exemple, pour acheminer les céréales vers l'ouest, il est nécessaire de les transporter par train, à partir des élévateurs des Prairies, jusqu'au port de Prince-Rupert ou aux installations de Port Metro Vancouver, où les marchandises sont chargées sur des vraquiers internationaux afin d'être expédiées à l'étranger.
Plus à l'est, le port de Thunder Bay expédie des céréales vers les marchés de l'Europe, de l'Afrique et du Moyen- Orient, que ce soit directement à l'aide de navires océaniques ou au moyen de laquiers qui se rendent dans des ports plus en aval du fleuve Saint-Laurent, notamment à Trois-Rivières et à Québec, pour y transborder leur cargaison. Entretemps, le port d'Hamilton a adapté ses installations afin de devenir un important centre de transport intermodal de produits agricoles, qui exporte des céréales cultivées par des producteurs du Sud de l'Ontario vers des marchés étrangers et qui importe des produits essentiels tels que l'engrais.
Donc, tous les ports canadiens de manutention de grains ont composé avec une augmentation importante de marchandises au cours des deux dernières années. Le port de Thunder Bay a d'ailleurs obtenu ses meilleurs résultats depuis 16 ans.
Pour les administrations portuaires, il s'agit autant d'une bénédiction que d'un défi, car pour répondre à la demande croissante, ils ont besoin de terrains supplémentaires — ce qui pose d'énormes difficultés dans les régions urbaines —, de corridors réservés de transport par camion et par train et, surtout, de nouvelles infrastructures portuaires, à savoir de l'équipement et des aires de mouillage.
Selon une étude menée conjointement par l'APAC et Transports Canada il y a quelques années, les infrastructures portuaires ont besoin de 5 milliards de dollars supplémentaires pour répondre à la demande croissante en matière de commerce intérieur et extérieur. Ces besoins en infrastructure comprennent la remise en état de biens existants et la construction de nouvelles installations. Le problème, c'est qu'environ le tiers de ce financement est nécessaire pour la réfection d'infrastructures existantes et les deux tiers pour des projets de développement visant à répondre à la demande croissante.
Étant donné l'ampleur des investissements nécessaires dans les installations portuaires, il est évident qu'aucun intervenant, comme les administrations portuaires canadiennes, ne peut assumer seul ce coût. Il est donc nécessaire d'établir des partenariats public-privé novateurs pour avoir de bonnes infrastructures portuaires et des investissements adéquats. Nos administrations portuaires concluent déjà ce genre d'ententes pour combler les lacunes en matière d'infrastructures, mais il reste encore beaucoup à faire.
Il est également possible de réaliser des gains d'efficience en améliorant l'échange de renseignements et la transparence des données en ce qui a trait à la production du grain et d'autres produits, à la capacité ferroviaire et à l'utilisation des biens, au potentiel opérationnel ou aux retards attribuables aux conditions météorologiques, ainsi qu'à d'autres facteurs qui ont une incidence sur la fluidité de la chaîne d'approvisionnement.
Nous croyons que les administrations portuaires ont un rôle à jouer en tant que courtiers honnêtes parmi les partenaires de la chaîne d'approvisionnement en collaborant à la réduction des obstacles et à la gestion des hausses subites de la demande. À cette fin, nous avons également recommandé que des ministères tels que le ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement jouent un rôle dans l'élaboration d'une stratégie cohérente en matière d'approvisionnement.
Enfin, une analyse approfondie de la voie maritime du Saint-Laurent est nécessaire pour trouver des solutions aux difficultés auxquelles font face les administrations portuaires et les expéditeurs, notamment en ce qui a trait à l'incidence cumulative du pilotage et des droits d'écluse, ainsi qu'au besoin criant de brise-glace pour prolonger la saison de navigation.
Pour aider à résoudre ces difficultés, l'APAC a récemment terminé son mémoire à l'intention du comité d'examen de la LTC à partir d'une étude approfondie des APC. Nos recommandations aideront à faire du Canada un chef de file mondial en matière de logistique du transport et d'efficacité de la chaîne d'approvisionnement. Nous croyons d'ailleurs que notre objectif en tant que nation devrait être d'amener le Canada à se classer au palmarès des 10 pays les plus efficaces sur le plan logistique selon la Banque mondiale. Le moment est venu de faire du programme commercial du Canada un programme digne du XXIe siècle au chapitre de l'efficacité du transport.
Nous avons soumis un exemplaire de notre mémoire au greffier du comité. Nous serons heureux de participer à la discussion et de répondre aux questions. Merci de nous avoir donné l'occasion de témoigner, honorables sénateurs.
Le président : Merci beaucoup.
Nous allons maintenant entendre M. Taylor, du Canadien Pacifique.
Robert Taylor, vice-président adjoint, Défense des intérêts nord-américains, Canadien Pacifique : Monsieur le président, mesdames et messieurs, bonjour. Je vous remercie de l'invitation à comparaître devant vous aujourd'hui pour discuter de la compétitivité du secteur agricole canadien.
Le Canadien Pacifique exploite un réseau de 22 000 kilomètres à la grandeur du Canada et des États-Unis. En 2014, nous avons transporté plus de 2,7 millions de wagons de marchandises. Environ les deux tiers de ces wagons sont déplacés en provenance ou à destination d'un port ou de la frontière pour soutenir le commerce international du Canada.
Je suis fier de dire que les tarifs ferroviaires du Canada sont les moins élevés au monde. En moyenne, le Canadien Pacifique achemine une tonne de céréales pour 38 $, ce qui est vraiment remarquable. Le transport d'une tonne de céréales de l'intérieur de notre grand pays jusqu'à un port coûte en moyenne 38 $.
Les produits agricoles représentent un important secteur d'activité pour le Canadien Pacifique. En 2014, nous en avons transporté 464 000 wagons de produits agricoles.
Je vous prie de vous rendre au graphique 1, qui montre que le revenu des exploitations de céréales et oléagineux a augmenté de 152 p. 100 depuis 2000, ou de 8 p. 100 par année. Cette croissance est attribuable au prix plus élevé des matières premières ainsi qu'à l'augmentation du volume des exportations, auquel Wendy a fait allusion. C'est une croissance remarquable; 8 p. 100 par année. Nous nous en sortons bien.
Le graphique 2 montre la production canadienne de grain. La production globale connaît une croissance constante d'environ 2 p. 100 par année depuis 15 ans. La tendance à long terme est assez stable. Par contre, la production annuelle est hautement variable, et cela dépend du rendement des cultures. Dans le graphique, la ligne bleue représente le rendement.
Les connaissances scientifiques se sont certainement améliorées, mais le principal moteur de la production dans le secteur agricole continue d'être dame nature. Au cours des 15 dernières années, nous avons vu la production fluctuer jusqu'à 50 p. 100 d'une année à l'autre. C'est unique à la culture du grain, et c'est un défi pour une chaîne d'approvisionnement à faible coût qui exige beaucoup de capitaux.
J'aimerais maintenant vous présenter un résumé de la campagne agricole de 2013-2014, dont nous avons beaucoup entendu parler. Cette production dépassait de 37 p. 100 la moyenne quinquennale qui était de 56 millions de tonnes, et c'était une production record. Pour mettre le tout en perspective, cette augmentation a considérablement excédé le volume de potasse que le Canada exporte normalement par année. En 2013-2014, le CP a transporté 16 p. 100 de plus de grain et de produits céréaliers que le record précédent. La production de 2014-2015 est aussi en voie d'être une année record. Actuellement, même si les volumes sont encore élevés, la tendance semble se diriger vers un retour à des volumes plus normaux; la production en 2015-2016 correspondra à la moyenne quinquennale.
Un autre élément important de la chaîne d'approvisionnement du grain est son caractère saisonnier. Le graphique 3 représente les mouvements de grain et de produits céréaliers par le CP au cours des deux dernières campagnes agricoles. Il est important de souligner que chaque année, à l'exception de 2013-2014, il y a normalement une capacité excédentaire dans la chaîne d'approvisionnement de mai à septembre. Nous constatons une augmentation progressive et un pic chaque automne au moment où les récoltes arrivent. En hiver, la capacité est réduite, et les envois diminuent. Cela s'explique par l'arrêt des activités au port de Thunder Bay — un port très important — en raison de la fermeture de la route maritime. L'hiver peut aussi avoir des conséquences sur la chaîne d'approvisionnement. Lorsque nous connaissons des hivers rigoureux, tous les éléments de la chaîne d'approvisionnement peuvent être plus difficiles. Il y a généralement un regain au printemps, lorsque le port de Thunder Bay reprend ses activités. D'ici mai ou juin, comme je l'ai mentionné, la demande diminue normalement; nous entreposons nos wagons, et nous avons une capacité excédentaire. Ce pic saisonnier constitue également un défi pour une chaîne d'approvisionnement à faible coût qui exige beaucoup de capitaux.
Comment pouvons-nous nous assurer de maintenir la compétitivité du secteur agricole? Il faut une commercialisation accrue. Le transport du grain destiné à l'exportation est régi par un programme de revenu admissible maximal, ce que nous appelons souvent le plafond de revenu. Le grain destiné à l'exportation est la seule denrée au Canada visée directement par un règlement sur les revenus. C'est un frein aux investissements en vue d'accroître la capacité, et cela complique la mise en œuvre des mécanismes commerciaux qui peuvent arrimer la capacité de la chaîne d'approvisionnement au marché du grain. C'est d'autant plus important compte tenu de la variabilité annuelle et des pics saisonniers. La commercialisation est le moteur de l'innovation et nous donne un marché plus souple.
Nous devons également penser à long terme. Du point de vue des compagnies de chemin de fer, il y a encore beaucoup de croissance possible avec les bonnes conditions de marché et le bon environnement réglementaire. Par exemple, le CP investira cette année environ 1,5 milliard de dollars en capitaux privés, soit près de 20 p. 100 de ses revenus.
Nous sommes également heureux de constater que nos partenaires de la chaîne d'approvisionnement ont accru la capacité des terminaux portuaires et envisagent l'ajout d'autres infrastructures portuaires. C'est positif, parce que notre chaîne d'approvisionnement est en concurrence avec d'autres chaînes d'approvisionnement hautement novatrices dans le monde, y compris aux États-Unis.
Nous devons également nous pencher sur le cas de nos wagons-trémies couverts au Canada. Nous utilisons environ 6 000 wagons-trémies couverts qui appartiennent au gouvernement du Canada. Nous devons les remplacer par de nouveaux wagons qui augmenteront grandement la productivité, mais un tel investissement est un défi considérable, compte tenu des risques relatifs à notre régime réglementaire.
Nous pouvons aussi accroître la compétitivité grâce à l'innovation opérationnelle. Des progrès ont été réalisés concernant le chargement des navires lorsqu'il y a de mauvaises conditions météorologiques, mais nous pouvons en faire plus. Nous pouvons avoir plus de capacité si les wagons peuvent être déchargés en tout temps. Actuellement, certains terminaux ont trois quarts de travail par jour cinq jours par semaine, et d'autres ont deux quarts par jour sept jours par semaine. Il faut que l'ensemble de la chaîne d'approvisionnement collabore pour accélérer le rythme et ainsi rendre disponible une capacité accrue. Au lieu d'attendre d'être chargés ou déchargés, les wagons devraient faire l'aller- retour entre les élévateurs à grain des Prairies et les ports.
Merci. Je serai ravi de répondre à vos questions.
[Français]
Le président : La première question sera posée par le sénateur Maltais.
Le sénateur Maltais : Bienvenue à tous. J'ai deux questions à poser; la première s'adressera à M. Taylor. Nous savons que, durant l'hiver, le port de Thunder Bay est fermé, car la voie maritime n'est pas ouverte. Si des ports dans l'Est du Québec avaient la capacité d'entreposer les grains qui sont congelés à Thunder Bay, les transporteriez-vous? À ce que je sache, le CP possède un réseau ferroviaire au Québec.
[Traduction]
M. Taylor : Vous avez parlé des mouvements du grain durant l'hiver. Normalement, lorsque Thunder Bay arrête ses activités, le grain est acheminé par-delà les Grands Lacs au Québec, et ces mouvements dépendent de la demande de nos clients; ce sont eux qui déterminent l'endroit où sera transporté le grain. Ils décident du point de départ et de la destination.
Ce que les clients veulent faire varie, mais, lorsque le port de Thunder Bay arrête ses activités, nous acheminons normalement par train le grain vers les ports de la côte Est qui fonctionnent toute l'année.
[Français]
Le sénateur Maltais : Ma deuxième question s'adresse à M. Leclerc.
Le port de Québec est en évolution constante. Nous savons notamment que le projet Beauport 2020 est en voie d'être réalisé. Il s'agit d'un projet de 189,928 millions de dollars qui prévoit l'agrandissement du port et une plus grande capacité d'accueil pour les marchandises.
Cet agrandissement suffira-t-il pour les 25 prochaines années? Vous permettra-t-il d'accueillir plus de grain à entreposer? Vous permettra-t-il également d'entreposer plus de grain à Baie-Comeau et à Port-Cartier? Tout le monde est d'accord pour entreposer du grain sur la Côte-Nord. Ce projet représente-t-il, pour vous, un avenir intéressant à long terme? On sait que le port de Québec est le deuxième en matière de tonnage, à l'entrée du fleuve Saint-Laurent, après celui de Sept-Îles. Ce sont surtout les céréales qui font la renommée du port de Québec. Cet agrandissement, tout de même très important, vous permettra-t-il, au cours des 25 prochaines années, de répondre à la demande du commerce?
Capitaine Yoss B. Leclerc, vice-président et chef des Opérations maritimes, Administration portuaire de Québec, Association des administrations portuaires canadiennes : Comme vous le savez, une stratégie maritime pour le Québec a été annoncée il y a plusieurs mois. Toute l'industrie maritime, à ce que je sache, est très heureuse de cette stratégie, qui était attendue depuis fort longtemps.
Comme le disait Mme Zatylny — et je puis le confirmer, ayant passé plusieurs années en mer à sillonner le monde —, les ports sont vraiment l'un des nœuds les plus importants de toute la chaîne logistique. C'est l'interface entre la mer et la terre. Tout ce qui se passe, dans la chaîne logistique, en amont ou en aval, dépendra de l'efficacité, de la sécurité, de la sûreté et de la productivité que les autorités portuaires et les ports en général pourront fournir.
Pour revenir au port de Québec, comme vous le savez, c'est l'un des plus anciens ports au Canada, sinon le plus ancien. Il a plus de 400 ans, et reflète la merveilleuse histoire du Saint-Laurent et de ses chantiers navals. On pourrait passer des heures à en parler. Les autorités portuaires, aujourd'hui, comme celles du port de Québec, comme l'a dit Mme Zatylny, ont besoin d'espace pour grandir. J'ai vécu l'expérience à Vancouver, ayant passé huit ans là-bas. Les terrains sont très rares. Il y a beaucoup de pression exercée sur les investisseurs pour transformer les anciens terrains industriels en terrains résidentiels. Cela pose, par la suite, des défis au plan de l'acceptabilité sociale — et je pourrais m'étendre sur le sujet si vous le voulez. Ce projet d'expansion est non seulement vital pour l'avenir du port de Québec, mais aussi pour remettre à niveau les infrastructures vieillissantes.
M. Mario Girard, notre président-directeur général, en a fait l'annonce. Il en coûtera environ 200 millions de dollars simplement pour remettre nos présentes infrastructures à niveau. Ce projet est donc vital pour l'avenir. Mme Zatylny vous a présenté des chiffres au sujet des projets à venir à l'échelle mondiale. Nous devons être prêts, non seulement grâce à ce projet d'expansion, mais aussi pour remettre à niveau nos infrastructures. Tous les ports du Canada doivent se tourner vers l'avenir et se préparer pour la demande à venir.
Le sénateur Maltais : Pourriez-vous transmettre un message à vos autorités portuaires et leur demander de bien vouloir remplir les documents le plus rapidement possible, et de les envoyer au Conseil du Trésor? Le gouvernement du Canada prend en charge un tiers de cette enveloppe de 189 millions de dollars, et il nous manque encore beaucoup de documents. Ce petit message s'adresse à M. Girard.
D'autre part, je suis originaire de la Côte-Nord. La capacité d'entreposage, comme M. Taylor le disait, deviendra une question de clientèle. Québec, Baie-Comeau et Port-Cartier ont une capacité d'entreposage énorme. Compte tenu du traité de libre-échange qui sera mis en œuvre, nous aurons certainement des céréales à faire transporter en hiver également. On sait que, l'hiver, le fleuve Saint-Laurent est impraticable à partir de Québec. Toutefois, le problème ne se pose pas de Québec en descendant.
Les clients, qu'il s'agisse de Bunge ou de Cargill, peuvent-ils envisager d'entreposer plus de grains à Québec, Baie- Comeau ou Port-Cartier, pour répondre à une demande accrue de l'Europe?
M. Leclerc : En ce qui concerne les terminaux à grain sur le fleuve Saint-Laurent, au port de Québec, nous avons Bunge. C'est l'un des plus gros terminaux. Sa capacité d'entreposage est d'environ 300 000 tonnes. Nous avons d'autres entrepôts au port de Bécancour et un peu plus bas sur le Saint-Laurent.
Il y a environ deux ans, la Commission canadienne des grains a disparu. Il a fallu un certain temps pour réajuster le modèle d'affaires et de transport par rapport au mouvement du grain. Comme le disait M. Taylor, aujourd'hui, ce n'est plus la Commission canadienne des grains qui décide où diriger le grain. La discussion se tient entre le fournisseur et le client. Ce sont eux qui décident où sera chargé le grain, en fonction de considérations économiques et en termes de productivité et d'efficacité.
Comme vous le dites, le Saint-Laurent a beaucoup de capacité à offrir pour répondre à la demande future.
Le sénateur Maltais : Merci, et bonne chance dans vos projets d'agrandissement. N'oubliez pas — pour faire une métaphore —, je vous surveille de la fenêtre de ma cuisine.
[Traduction]
La sénatrice Tardif : Ma première question s'adresse à M. Taylor. En janvier, l'AG Transport Coalition a publié un rapport qui mentionnait que les compagnies de chemin de fer n'avaient pas réussi à fournir plus de 11 000 wagons qui avaient été demandés durant les cinq premiers mois de la campagne agricole et que la demande de wagons excédait l'offre. Nous savons que le gouvernement fédéral a pris des mesures en 2014 pour exiger le transport d'une quantité minimale de blé et de grain pour protéger les agriculteurs canadiens et leur réputation internationale.
Vous avez expliqué que les choses se sont améliorées, mais qu'il reste des défis à relever. Pourriez-vous nous expliquer ces défis? Comme vous l'avez indiqué dans votre graphique, si nous anticipons une augmentation de la production de grain, comment prévoyez-vous répondre à la demande croissante en matière de transport?
M. Taylor : Merci de votre question.
Je ne peux pas parler des données de l'AG Transport Coalition. Malheureusement, nous produisons différentes sources de données, et nous n'arrivons pas à faire correspondre les données des associations de l'AG Transport Coalition aux données réelles. Je vais en rester là.
En fait, 11 000 wagons constituent un nombre assez faible, si nous considérons que nous en transportons un demi- million par année.
Madame la sénatrice, j'aimerais attirer votre attention sur le graphique 3. Je ne veux pas passer beaucoup de temps ici aujourd'hui à parler de 2013-2014, mais je crois que c'est important et que c'est encore d'actualité. Si vous prenez le graphique 3, vous pouvez voir la campagne agricole 2013-2014. Comme vous êtes à même de le voir, en août 2013, soit avant qu'arrivent les récoltes record, la demande était très faible dans la chaîne d'approvisionnement. Nous n'avions pas de grain à transporter. Nous avions jusqu'à 4 000 wagons en attente d'août à septembre, ce qui est dommage.
Tout d'un coup, en raison de conditions météorologiques exceptionnelles, les cultures ont eu un énorme rendement. Nous avons transporté une quantité record de grain en octobre, en novembre et en décembre. La ligne rouge représente la moyenne quinquennale. Nos unités transportées étaient littéralement astronomiques. Il s'agit de véritables données qui le démontrent. Nous avons été en deçà de la moyenne quinquennale durant seulement sept semaines en 2013-2014, et nous ne l'étions pas de beaucoup.
Après la fin de l'hiver rigoureux — et c'était un hiver tellement rigoureux que, si vous habitiez à Winnipeg, vos tuyaux ont probablement gelé —, nous avons transporté une quantité record de grain. Nous ne l'avons pas fait, parce que le gouvernement l'a ordonné; nous l'avons fait, parce que, dans un libre marché, le transport du grain génère des revenus. Je voulais mettre le tout en perspective. Nous avons transporté une quantité record de grain.
En ce qui concerne la chaîne d'approvisionnement, nous avons beaucoup de chemins de fer pour transporter le grain. Nous avons besoin d'une capacité accrue dans les ports et les terminaux.
Vancouver est un endroit très difficile. C'est le plus important port de sortie pour le grain canadien, et nous sommes ravis de discuter avec certains de nos clients de l'augmentation de la capacité à Vancouver.
La sénatrice Tardif : Merci de cette explication.
Monsieur, êtes-vous en train de dire que les données fournies par l'AG Transport Coalition ne sont pas des données réelles?
M. Taylor : Nous n'arrivons pas à faire correspondre les données.
La sénatrice Tardif : L'association indique que les choses se sont améliorées cette année, mais qu'il y a encore des préoccupations réelles. Vous avez reçu une amende de 50 000 $ l'année dernière, si j'ai bien compris. Vous avez dit que vous transportez 12 p. 100 de plus de grain cette année qu'à la même période l'année dernière, mais qu'il n'y a toujours pas suffisamment de wagons. Êtes-vous d'accord?
M. Taylor : Non.
La sénatrice Tardif : Avez-vous suffisamment de wagons?
M. Taylor : Oui, absolument. Madame la sénatrice, nous sommes en transition vers une période au cours de laquelle nous entreposerons des wagons. Comme j'y ai fait allusion dans ma déclaration, si vous examinez les données et les faits, nous entreposons des wagons chaque année de mai à septembre, à l'exception de la campagne agricole de 2013- 2014 en raison du rendement exceptionnel des cultures, à savoir la production du siècle au Canada. C'est illogique de penser que plus de wagons permettront de transporter plus de grain. Il s'agit d'une chaîne d'approvisionnement à composantes multiples. Si vous ajoutez des wagons dans la chaîne d'approvisionnement, vous augmentez en fait la congestion. C'est l'équivalent d'ajouter plus de véhicules sur la 401 à l'heure de pointe. L'ajout de wagons alors qu'il y a déjà une congestion dans la chaîne d'approvisionnement est absolument la pire chose à faire.
Je ne suis donc pas d'accord avec cette déclaration.
La sénatrice Tardif : Des wagons sont-ils réaffectés au transport du pétrole?
M. Taylor : C'est un wagon différent.
La sénatrice Tardif : Je l'espère. Je suis d'accord.
M. Taylor : Il s'agit de wagons-citernes appartenant à une société pétrolière. Le grain est transporté dans des wagons-trémies couverts; le grain en vrac est aussi transporté dans des wagons-trémies couverts. Il y a certains produits céréaliers qui sont transportés dans des wagons-citernes, mais ces wagons-citernes ne servent pas au transport du pétrole brut; qui plus est, le pétrole brut circule sur une tout autre voie.
Le pétrole brut n'est qu'une fraction de nos activités. Il représente environ 4 p. 100 des wagons transportés par le CP, tandis que le grain représente environ 20 p. 100 de nos mouvements. Ce n'est donc pas un facteur.
La sénatrice Tardif : Selon vous, étant donné que vous et le CN représentez 85 p. 100 des revenus de l'industrie du transport ferroviaire au Canada d'après des données de 2011, un tel niveau de concentration dans le secteur ferroviaire canadien influe-t-il sur les coûts de transport des exportateurs Canadiens?
M. Taylor : Si vous examinez les données, le Canada offre les plus faibles taux au monde dans le secteur ferroviaire. Nous transportons une tonne de grain sur une distance de 2 000 milles pour 38 $. Nous chargeons de 3 à 4 ¢ le mile pour transporter une tonne de grain. Pensez-y. Nous chargeons quelques cents le mille pour transporter une tonne d'un produit. Cela concerne le canola. Cela vaut 500 ou 600 $ FAB à destination de Vancouver.
Nous transportons une tonne de céréales sur une distance de 2 000 milles pour 30 ou 40 $, et nos clients — que nous estimons — déplacent cette tonne de céréales de 200 pieds — ils l'élèvent de 100 pieds et la laissent tomber de 100 pieds — pour 30 ou 40 $.
Au Canada, la chaîne d'approvisionnement par train est incroyablement efficace. Nous faisons l'envie du monde en entier pour l'efficacité avec laquelle nous faisons circuler nos produits.
Mais en y regardant de plus près, on constate que c'est tout à fait normal. La population du pays est peu nombreuse, les distances à parcourir sont extrêmement grandes et nous sommes le deuxième pays en importance au monde pour son commerce. Et s'il est en ainsi, c'est grâce à la très grande efficacité de notre chaîne d'approvisionnement.
Oui, nos activités sont concentrées, car nous sommes comme un « monopole naturel ». Nos activités exigent beaucoup de capitaux. Nous réinvestissons 20 p. 100 de nos recettes. La fragmentation en centaines de compagnies ferroviaires faisant rouler de petits trains éroderait complètement l'efficacité du système actuel. Et nous sommes très réglementés. Les clients ont une multitude d'options.
Je crois que le modèle canadien est un bon modèle. En matière de chemins de fer, la seule autre chaîne d'approvisionnement qui pourrait nous apprendre quelque chose est celle des États-Unis. Dans le domaine des céréales, la chaîne d'approvisionnement américaine est incroyablement efficace elle aussi. Ils ont des terminaux portuaires de grande capacité qui peuvent accueillir des trains-blocs en tout temps et qui ne sont pas assujettis aux caprices de la météo.
J'incite respectueusement le comité à jeter un coup d'œil à un terminal comme celui de Kalama, qui est situé dans l'État de Washington. À Kalama, on réussit lors d'une bonne journée à décharger trois ou quatre fois plus de wagons qu'à Cascadia, le plus gros terminal de Vancouver. Je regarderais de ce côté.
Je vais me retenir de continuer à vanter la grande efficacité de la chaîne d'approvisionnement par train du Canada.
[Français]
Le sénateur Dagenais : Je tiens à remercier nos invités de leur présence. Ma question s'adresse à M. Taylor.
Monsieur Taylor, vous êtes au courant que, en 2014, le gouvernement fédéral avait entrepris des démarches pour obliger les compagnies ferroviaires à transporter un volume minimal de grain. Le gouvernement avait adopté un décret afin de protéger les agriculteurs canadiens et de préserver notre réputation en tant qu'exportateur de grain dans le monde. Or, le gouvernement n'a pas renouvelé cette exigence lorsque le décret a pris fin, le 28 mars 2015.
Tout d'abord, quel a été l'impact de cette exigence sur les exportations canadiennes de grain? Ensuite, croyez-vous qu'il serait nécessaire de renouveler le décret?
[Traduction]
M. Taylor : Merci de cette question. Il aurait été presque absurde de forcer juridiquement le CN et le CP à transporter 500 000 tonnes de céréales par semaine alors que ce n'est pas ce que le marché demandait.
Lorsque le projet de loi C-30 a été présenté, le minimum hebdomadaire obligatoire avait été fixé à 500 000 tonnes, ce qui équivaut à environ 5 500 déchargements par semaine pour le CN et le CP. C'est la capacité actuelle de la chaîne d'approvisionnement.
Cela, c'est lorsque tous les points de sortie sont opérationnels. En hiver, Thunder Bay ne fonctionne pas, ce qui réduit la capacité durant cette saison. Le gouvernement a pris une décision et c'était sa prérogative de le faire; je ne peux pas me prononcer là-dessus. Je ne peux pas me prononcer sur les raisons qui ont motivé cette décision. Je peux cependant parler du chiffre qui a été fixé. Je crois qu'il y a une raison pour avoir choisi ce chiffre. Si, en effet, on avait proposé 7 000 déchargements, ou 600 000 ou 700 000 tonnes par semaine, la chaîne d'approvisionnement — pas les compagnies ferroviaires — n'aurait pas été à la hauteur. Vous ne pouvez pas considérer la chose seulement en fonction des chemins de fer. Les céréales arrivent par camion — tout commence par le camion. Le camion se rend à un silo- élévateur. Les céréales sont élevées et transférées à un wagon, et le wagon est acheminé jusqu'à un port. La chaîne d'approvisionnement est constituée de multiples composantes.
Je crois qu'il a fallu réfléchir au moment de fixer ce seuil. Après cette première proposition, le gouvernement a revu son chiffre à la baisse, parce que l'acheminement de cette récolte exceptionnelle était essentiellement terminé. Alors, il serait complètement absurde d'imposer par une loi la quantité de céréales qui doit être transportée alors que la demande n'est tout simplement pas au rendez-vous. C'est ce que le gouvernement a admis.
Dans mes notes, le tableau 3 montre qu'une telle demande n'existe pas. Dans une année normale — et la récolte de 2014-2015 est plus normale —, la capacité dépasse les besoins, de mai à septembre.
Grâce à certains mécanismes davantage axés sur l'aspect commercial, il serait possible d'abaisser cette pointe et d'augmenter la demande, mais durant toute l'année, et c'est que je proposerais au comité d'examiner. Des mécanismes commerciaux comme la vente aux enchères de wagons et d'autres choses de ce genre pourraient sûrement permettre cela.
Je ne crois pas que nous aurons désormais à nous astreindre à un minimum obligatoire. Nous pouvons transporter des volumes record de céréales et c'est ce que nous faisons.
L'autre aspect qui mérite qu'on s'y intéresse est l'effet de l'hiver sur la chaîne d'approvisionnement. L'hiver de 2013- 2014 a été exceptionnellement rude. Les chemins de fer reposent essentiellement sur le contact de l'acier avec l'acier; les roues sont en acier et les rails aussi. Or, l'acier se contracte quand il fait froid. Lorsque la température descend en dessous de moins 25 degrés, il faut ralentir, car les rails peuvent casser. Les rails sont soudés les uns aux autres et ils se contractent. Alors si le mercure descend en dessous de moins 25, il est de mise de ralentir pour éviter de dérailler. Les déraillements sont des événements catastrophiques, et comme nous visons l'objectif de zéro déraillement, nous ralentissons. La vélocité et les cycles sont des composantes clés d'une chaîne d'approvisionnement à faible coût.
Nul n'ignore qu'il est très difficile de fonctionner lorsqu'il fait moins 40. Le train est un sport de plein air, alors l'hiver ne passe jamais inaperçu. Notre performance est fonction de la rigueur de l'hiver. Fort heureusement, l'hiver dernier a été plus clément que le précédent.
Je tiens à ce que vous compreniez que nous faisons maintenant plus de travail en hiver que nous n'en faisions durant l'été, il y a trois ou quatre ans de cela. Les compagnies de chemin de fer grandissent, et elles font des investissements. Ce n'est pas comme si nous faisions du surplace sans chercher à innover. Nous faisons désormais une plus grande quantité de travail en février. Nous transportons désormais plus de tonnes-milles brutes en février qu'au mois de juillet, il y a quelques années, mais nous sommes limités par les rigueurs de nos hivers et par l'effet du froid sur l'acier.
Toujours à propos de l'hiver, l'autre problème que nous avons, c'est que tous les wagons et locomotives sont en service nord-américain. Les compagnies ferroviaires canadiennes — le CN et le CP — ne pourraient pas décider de modifier unilatéralement la technologie pour l'adapter aux hivers canadiens. Nous devons faire en sorte que la BNSF change aussi la technologie qu'elle utilise. La BNSF est une compagnie ferroviaire basée au Texas et c'est la plus grande en Amérique du Nord. Il y a un million de wagons en service en Amérique du Nord, alors c'est une question complexe.
[Français]
Le sénateur Dagenais : Vous m'avez bien répondu. Mais il y a une chose que je voudrais confirmer auprès de M. Leclerc. Je me souviens, je ne sais pas si c'est avant ou après le décret, certains témoins avaient mentionné qu'au port de Vancouver où les bateaux arrivent, il se pouvait — et vous me confirmerez si c'est vrai ou non — que certains bateaux puissent attendre une journée ou deux ou trois la cale vide, parce que les transporteurs ferroviaires ne réussissaient pas à acheminer le grain. Cela doit occasionner des coûts lorsqu'un bateau arrive et doit rester une journée ou deux au port la cale vide en attendant le grain. Est-ce que vous avez examiné la possibilité d'arrimer les deux transporteurs? On m'a expliqué le problème de l'hiver canadien, avec lequel nous sommes pris, à moins que les environnementalistes décident que le réchauffement de la planète puisse aider les rails, mais nous n'en sommes pas là.
Avez-vous constaté que, à un moment donné, les bateaux attendaient le grain une journée ou deux en cale vide, parce qu'il manquait de wagons?
M. Leclerc : Lorsqu'on examine un peu le modèle logistique du grain, et je vais essayer de m'élever à 10 000 mètres d'altitude, c'est une chaîne logistique très, très complexe. Comme le disait M. Taylor, il y a tellement de parties prenantes et d'acteurs dans toute cette chaîne logistique qu'il est difficile de cibler une personne — c'est vraiment la chaîne logistique en entier. Je m'explique : il y a premièrement l'acheteur du produit qui va affréter un navire; on affrète un navire comme on loue une voiture. Dépendamment du moment de l'année ou de l'année, les coûts de fret sont très, très bas et, souvent, il arrive que l'acheteur prévoie un navire; il l'envoie et cela ne lui coûte pas cher. Parfois, on utilise les navires comme entreposage, parce que cela ne coûte pas cher.
Je dirais qu'il y a tout le modèle du moment opportun qui sous-tend tout cela. Il y a le côté du navire qui peut être utilisé comme lieu d'entreposage, ce qui ne coûte pas cher. Il y a aussi la problématique dont M. Taylor discutait par rapport aux terminaux; dépendamment du terminal, certains travaillent 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, et d'autres ne sont ouverts que 5 jours par semaine. Donc, il y a aussi la question des terminaux.
À l'époque, il y avait la Commission canadienne des grains qui s'occupait de la logistique du transport du grain à travers le territoire canadien. Je dirais qu'il y avait plusieurs parties prenantes, avec les efficacités et les inefficacités que cela a amenées.
Selon mon expérience, il est certain que les hivers au Canada sont très rigoureux, et il y a aussi les limites technologiques. Je sais que les transporteurs, notamment le CN et le CP, ont fait beaucoup d'efforts l'hiver pour prévoir du matériel roulant de part et d'autre des Rocheuses, de sorte à répondre à la demande l'hiver, s'il y avait une tempête de neige, par exemple.
Donc, il est certain qu'il y a de l'amélioration à apporter sur toute la chaîne logistique. Je sais que sur la côte Ouest ainsi qu'aux autres ports, il y a beaucoup de travail qui est en train d'être fait actuellement pour faire collaborer toutes les parties prenantes.
En ce qui concerne l'administration portuaire — et là, je vais prêcher un peu pour ma paroisse —, l'un des problèmes auxquels nous faisons face, c'est l'accès aux bases de données. On parle d'outils de performance, d'outils d'ICP, mais pour nous, les autorités portuaires, avoir accès à cette information est très difficile. J'étais au port de Vancouver où un travail extraordinaire a été fait pour accorder de la visibilité à toute cette chaîne logistique. On le fait ici, au port de Québec, au port de Montréal, à tous les ports, on l'a fait à même nos ressources, tant humaines que financières, pour pouvoir accorder de la visibilité et de la transparence à la chaîne logistique. Cependant, il est très difficile d'obtenir de l'information pour diverses raisons.
[Traduction]
La sénatrice Merchant : Monsieur Taylor, je viens de la Saskatchewan, alors je vais poursuivre dans la même veine. Je comprends que vous avez de nombreux défis à relever.
Je ne sais pas si vous avez répondu à la question qui vous a été posée concernant la hausse de la demande qui ne tardera pas à se produire en raison de tous les accords commerciaux que nous sommes en train de signer et, bien entendu, de la croissance de la population mondiale, comme le soulignait Mme Zatylny.
Cela signifie-t-il que les exportateurs et les sociétés exportatrices devront payer plus — je ne sais pas si vous avez répondu à cette question — pour faciliter la circulation de leurs produits? Vous avez dit que vous exportez des marchandises à faible coût, mais qu'envisagez-vous? Vous aurez à faire des investissements — et je vais vous demander en quoi consisteront ces investissements — pour répondre à toute cette demande.
Pouvez-vous répondre à cette question : cela signifie-t-il que les prix vont augmenter pour les exportateurs et les sociétés exportatrices?
M. Taylor : C'est une grande question. Merci de me la poser. Je ne vais pas vous donner une réponse trop longue, car je sais que le temps que vous avez est important.
Nous investissons plus que jamais. Cette année, le CP investit 1,5 milliard de dollars, et il s'agit d'argent qui vient du secteur privé, ce qu'il est important de souligner.
Je trouve la Saskatchewan très intéressante, car c'est comme un microcosme du Canada; c'est un bon endroit pour faire une étude de cas. La population de la Saskatchewan est très modeste. C'est une province qui dépend de ses chemins de fer et du commerce avec l'extérieur. J'ai fait des calculs : pour chaque Saskatchewanais, il y a plus de 20 tonnes de produits, et tous ces produits sont transportés par train. Par comparaison, en Ontario, il faut compter deux tonnes par habitant.
Pour poursuivre la comparaison, disons que l'Ontario aurait de bonnes raisons d'envier la Saskatchewan, car le PIB de cette province a augmenté de 4, 5 ou 6 p. 100 au cours des cinq ou six dernières années, une croissance qui a été rendue possible grâce à une chaîne d'approvisionnement très efficace.
Je trouve par conséquent intéressant de voir que nous sommes montrés du doigt comme étant un problème, alors que nous sommes ceux qui ont permis la hausse très importante du PIB en Saskatchewan. Sans une chaîne d'approvisionnement efficace, sans nos formidables partenaires portuaires et sans le CN et le CP, je ne vois pas comment la croissance de cette province pourrait atteindre 5 ou 6 p. 100 par année.
Je tiens aussi à faire un retour sur la nature de notre secteur d'activités. Dans les chemins de fer, nous avons quelques contrats d'achat ferme. Je viens du secteur des services publics. Dans ce secteur, avant de bâtir quoi que ce soit, il faut signer un contrat d'achat ferme. Alors, avant de construire une infrastructure qui prendra beaucoup de capitaux — encore une fois, une ligne de transport d'énergie de quelques milliards de dollars —, vous devez vous assurer que vous avez des clients et que la ligne sera bel et bien utilisée.
Or, il nous arrive en de rares occasions d'avoir des clients pour des contrats d'achat ferme. Nous tenons compte de toutes les variables. Passant en mode céréale, voici ce que nous disons au client : « D'accord, client céréalier, vous nous dites que vous avez besoin de telle capacité, de tant de trains par jour, par exemple. Si vous nous garantissez que vous allez utiliser cette capacité, nous vous garantissons de vous la fournir. »
D'un point de vue commercial, je ne crois pas qu'il est sensé de s'attendre à ce qu'une compagnie ferroviaire se mette du jour au lendemain à transporter 22 millions de tonnes de céréales de plus sans quelque forme de filet de sûreté. C'est ce qui s'est produit en automne 2013 : tout à coup, tout le monde s'est mis à vouloir transporter 22 millions de tonnes de céréales additionnelles. Mais nous revoilà dans la même situation : si nous prenons les mesures pour agréer à cette demande, nous allons nous retrouver avec une capacité excédentaire.
En ce qui concerne les prix, le rail ne devrait pas être perçu différemment des autres secteurs. Si vous voulez un service supérieur, il faut y mettre le prix. Ce n'est qu'une question de gros bon sens. Si vous voulez payer 14 $ pour une enveloppe, nous allons procéder comme FedEx : nous allons poster un de nos hommes au coin de la rue, dans une camionnette. Les gens qui veulent un service supérieur devraient avoir à payer en conséquence.
Mais, pour la suite des choses, notre croissance devrait suivre ou surpasser celle du PIB. Nos prix ont augmenté au rythme de l'inflation. Je crois que cette tendance se poursuivra — peut-être au taux de l'inflation, peut-être un peu plus —, si nous devons prendre de l'expansion et accroître notre capacité.
Ce sont des choses que nous devrons discuter dans l'optique de l'industrie céréalière. Nous avons le revenu admissible maximal, ce qui tire les prix vers le bas. Nos prix pour le transport des céréales sont plus bas que tous nos autres prix. Si nous voulons un marché souple, nous devrions davantage parler de la commercialisation; nous pourrions alors augmenter la capacité et ainsi permettre aux producteurs d'avoir accès à plus de débouchés.
Je vais m'arrêter, car je pourrais en parler pendant longtemps, et je sais que votre temps est précieux.
La sénatrice Merchant : Vous avez peut-être répondu à ma deuxième question, parce que vous offrez un service supérieur lorsque vous pouvez obtenir des taux plus élevés. Il y a quelques années, tout le monde savait que de nombreux wagons étaient expédiés vides de Vancouver directement là où Walmart, par exemple, disait avoir besoin de tel nombre de wagons — je ne suis pas certaine si c'était le CP ou le CN, mais nous avons un duopole. Ce pays est un monopole naturel en ce qui concerne l'expédition du grain. Or, vous expédiiez des wagons vides pour récupérer les commandes de Walmart. L'entreprise devait payer un prix supérieur; est-ce bien ce que vous dites?
M. Taylor : On parle beaucoup du grain canadien et des wagons-trémies couverts. Nous n'en envoyons aucun à Walmart. Walmart est un client de services intermodaux. Ses produits sont transportés dans des conteneurs. Certains grains sont transportés dans des conteneurs.
Je ne peux donc pas parler de cette anecdote. À mon sens, c'est comparer des pommes et des oranges.
Le transport intermodal est une activité pleinement concurrentielle. Si nous voulons tenir une discussion fondée sur les faits, nous devons parler de différents secteurs d'activité, parce que le transport intermodal est incroyablement compétitif. Les ports se livrent concurrence entre eux. Vancouver est en concurrence avec Los Angeles, Long Beach ou Seattle. Tout peut être chargé sur un camion. Ce sont des conteneurs. Il n'y a pas de duopole en soi dans le transport intermodal, car c'est une activité extrêmement concurrentielle.
Mais je ne peux parler de cette anecdote, je suis désolé.
La sénatrice Merchant : Ce n'était peut-être pas pour des chargements de grain, toutefois, mais seulement des chargements généraux à travers les Prairies. Vous envoyiez des wagons vides. Était-ce le cas?
M. Taylor : Non. C'est ce qui me pose problème. Nous faisons de l'argent. La « main invisible » d'Adam Smith est une notion formidable; le Politburo, pas tellement. Je pense que demander le transport d'une marchandise plutôt qu'une autre en cherchant à planifier ce système logistique complexe, ce n'est pas une bonne politique publique.
Nous voulons accélérer le transport et nous le faisons. Nous transportons plus de marchandises que jamais. Nous investissons plus que jamais. Nous ne pouvons tout simplement pas transporter 22 millions de tonnes supplémentaires du jour au lendemain. C'est aussi simple que cela.
Le sénateur Enverga : Merci. Votre exposé nous a beaucoup appris.
On nous a parlé d'un partenariat entre le gouvernement fédéral et l'AAPC et de l'affectation d'un délégué commercial canadien au bureau d'Halifax. Il offrira des services aux exportateurs canadiens qui cherchent à se développer à l'échelle internationale, étant donné que nous aurons l'AECG, l'accord avec la Corée du Sud, et beaucoup plus d'échanges commerciaux à l'avenir.
Pouvez-vous m'en parler? Avez-vous les mêmes installations ou les mêmes services sur la côte Ouest?
Mme Zatylny : Je vous remercie de la question. Nous sommes enthousiastes en ce qui concerne cette initiative, car c'est tout nouveau. C'est un projet pilote extrêmement novateur. Cela n'a jamais été fait auparavant. Nous le concevons au fur et à mesure.
Il s'agit essentiellement d'intégrer un délégué commercial au sein du réseau portuaire national. Son bureau sera situé au port d'Halifax, car le ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement avait déterminé qu'il s'agissait d'un emplacement prioritaire, mais ce délégué commercial devra desservir tout le réseau portuaire, de la côte Est à la côte Ouest.
Le mandat du délégué commercial est de travailler avec les autorités portuaires et avec les entrepreneurs locaux dans leurs collectivités afin de les aider à promouvoir et à faire croître leurs entreprises. Deux raisons justifiaient cette décision. La première concerne la chaîne d'approvisionnement, et nous avons beaucoup parlé des chaînes d'approvisionnement ce matin; nous croyons fermement que l'efficacité de la chaîne d'approvisionnement canadienne est tout autant une « valeur ajoutée » pour la politique commerciale canadienne à l'étranger que les produits que nous vendons. Les clients d'Europe ou d'Asie qui achètent des produits canadiens comptent sur notre capacité de les expédier là-bas de façon opportune, efficace et rentable. Tous les éléments de la chaîne d'approvisionnement, en particulier les autorités portuaires, travaillent d'arrache-pied pour rendre le processus le plus efficace possible et pour ajouter de la valeur. Nous voulons être en mesure de vendre cet élément à l'étranger et, pour le faire, il nous fallait nous assurer que le service des délégués commerciaux comprenait parfaitement bien les choses.
Le deuxième élément, c'est que les autorités portuaires elles-mêmes se transforment. Leur rôle évolue au sein de leur collectivité. On considère généralement les ports comme des endroits où les marchandises sont traitées et transbordées, mais les autorités portuaires ont commencé à assumer un rôle plus important sur le plan de la logistique, de l'efficacité et de la gestion, mais également du développement des affaires. Elles travaillent avec les clients locaux et les exploitants de terminaux afin d'étendre et de percer les marchés à l'étranger.
Le port de Belledune, au Nouveau-Brunswick, en est un excellent exemple. Il a collaboré avec un fabricant local afin de développer un marché pour les granulés de bois en Europe du Nord. Le port gère les navires, et le fabricant local fournit les granulés de bois. Ils chauffent les maisons de l'Europe du Nord. Nous voulions tirer parti de cette idée; la possibilité que le délégué commercial puisse cerner les débouchés potentiels pour les entreprises canadiennes situées à proximité des ports et du milieu maritime représenterait une valeur ajoutée extrêmement puissante.
Le sénateur Enverga : Disposez-vous des mêmes installations au port de Vancouver, par exemple, ou recommanderiez-vous la mise en place de quelque chose de semblable dans l'Ouest?
Mme Zatylny : J'espère que nous pourrons avoir un délégué commercial dans l'Ouest et également dans le centre du pays, car beaucoup de marchandises sont acheminées vers les États-Unis ou passent par les Grands Lacs et la Voie maritime du Saint-Laurent. Encore une fois, il s'agit d'un projet pilote; nous voulions commencer par un seul emplacement, concevoir les tâches et bien mettre les choses en place. Nous pourrons ensuite, espérons-le, étendre cette initiative.
Le sénateur Enverga : Pourriez-vous me donner des exemples de l'incidence que cela aura sur l'agriculture et le secteur agricole au Canada? Y aura-t-il quelque chose qui les aidera? Pouvez-vous nous donner des exemples de la façon dont cela avantagera l'industrie agricole?
Mme Zatylny : C'est un peu une anticipation; nous tentons tous encore d'évaluer pleinement quelle sera l'incidence d'accords comme l'AECG. Nous savons qu'il y aura des avantages, une augmentation des échanges commerciaux, mais nous devons encore examiner beaucoup de détails.
L'un des avantages de la présence d'un délégué commercial, c'est qu'il a des contacts avec ses homologues dans d'autres marchés du monde. Lorsqu'un délégué commercial connaît bien les produits canadiens, que ce soit pour des produits ou des intrants agricoles, il peut communiquer avec ses homologues dans d'autres marchés afin d'établir les liens d'affaires qui permettront de conclure des contrats de vente et d'expédier nos produits à l'étranger. C'est à peu près cela. C'est une seule personne qui consulte un réseau mondial pour nous aider à développer nos entreprises.
Le sénateur Enverga : Y aura-t-il une incidence sur l'industrie ferroviaire?
M. Taylor : Nous sommes très enthousiastes à l'idée d'une croissance continue dans les échanges commerciaux du Canada. Nous sommes un partenaire motivé. Je pense que nous avons beaucoup de possibilités d'accroître le commerce avec le reste du monde. Comme je l'ai dit, nous continuons de croître. Le PIB augmente. Nous investissons. Nous avons une chaîne d'approvisionnement d'une efficacité incroyable. Nous avons d'excellents producteurs dans le monde agricole. Nous avons de solides entreprises et nous envisageons l'avenir avec optimisme. Nous appuyons toute mesure qui nous permettra de faire la promotion de notre industrie.
Le sénateur Moore : Je tiens à remercier les témoins de leur présence.
Je viens d'Halifax. J'ai grandi juste de l'autre côté des voies ferrées; je connais donc très bien le bruit, mais aussi la valeur des chemins de fer. Je suis un partisan. Si vous avez besoin d'un port profond et ouvert toute l'année, nous en avons un à Halifax et nous sommes prêts à accroître nos activités. Je fais un peu de promotion.
Monsieur Taylor, j'aimerais aborder la question du projet de loi C-30. Le nombre requis de wagons était-il sécuritaire? Transports Canada ne dit-il pas qu'un train ne peut compter qu'un certain nombre de wagons?
M. Taylor : Nous augmentons continuellement la taille de nos trains en Amérique du Nord grâce à de nombreuses innovations. Nous utilisons ce que nous appelons la traction répartie. Nous avons maintenant plus d'une locomotive par train. Il y en a une devant, une en milieu de train, et parfois une autre à l'arrière. Elles communiquent toutes entre elles. Cela permet d'avoir des trains plus longs.
Nous investissons aussi beaucoup d'argent pour allonger les voies d'évitement. Au Canada, les lignes du CN et du CP sont principalement des lignes à voie unique avec des voies d'évitement. Nous avons quelques voies doubles. Aux États-Unis, à certains endroits, les voies ferroviaires de BN ou d'UP sont quadruples. Quand je parle du fait que nous avons beaucoup de voies de roulement à développer, je veux dire que nous avons beaucoup de possibilités d'augmenter la capacité des voies à l'intérieur de notre cadre existant.
Il n'y a aucune limite réglementaire concernant la taille des trains. Le déplacement de trains plus longs comporte des contraintes d'ordre physique et nécessite une véritable optimisation quant à la longueur des voies d'évitement. Nous allongeons maintenant toutes nos voies d'évitement afin qu'elles aient 10 000 pieds de longueur. Auparavant, elles mesuraient environ 7 000 pieds. C'est une amélioration. De plus, nous collaborons avec le CN pour ce que nous appelons l'accord de « copro »; nous utilisons les voies du CN dans une direction, et celles du CP, dans l'autre.
Au sujet du projet de loi C-30 et du volume, je pense que lorsque le gouvernement a présenté ce projet de loi et qu'il a proposé les 500 000 tonnes par semaine, ce chiffre correspondait à la capacité de la chaîne d'approvisionnement, qui était très importante. Nous n'aurions pas réussi chaque semaine à transporter une certaine quantité de grain au-delà de la capacité de la chaîne d'approvisionnement. On nous a donc demandé d'en transporter une quantité raisonnable, et c'est ce que le CP a fait presque chaque semaine, sauf la semaine de la fête du Travail, parce que le port de Vancouver était fermé à l'occasion de ce congé. On ne peut pas décharger un wagon quand le port est fermé.
J'espère que cela répond à votre question, sénateur.
Le sénateur Moore : Dans le graphique 3, les périodes de pointe en matière de demande étaient-elles attribuables au fait que les agriculteurs retenaient leur récolte dans l'espoir d'obtenir un meilleur prix?
M. Taylor : Absolument. C'est une excellente question. Quand on examine la demande de transport du grain, on constate qu'elle varie considérablement en fonction du prix.
Aux États-Unis, par exemple, la demande est actuellement très faible; beaucoup de grain est entreposé là-bas parce que le marché ne demande tout simplement pas le service. En août et septembre 2013, la demande n'était pas très forte parce qu'on s'attendait, sur le marché, à ce que les prix augmentent. Puis, lorsqu'est venue l'énorme récolte — et il n'y en a pas eu seulement au Canada, mais ailleurs dans le monde — les agriculteurs se sont dit que les prix allaient chuter et qu'ils devaient expédier immédiatement leur grain. Nous avons alors connu cette vaste demande. C'est une excellente question.
Le sénateur Moore : J'ai beaucoup appris ce matin. L'une des choses que j'ignorais, c'est que le gouvernement du Canada possède 6 000 wagons-trémies. J'ignore pourquoi c'est le cas. Peut-être que l'un de vous pourrait me l'expliquer. Comment cela fonctionne-t-il? Les compagnies ferroviaires les louent-elles du gouvernement? Qui les entretient?
M. Taylor : Vous souvenez-vous du tarif du nid-de-Corbeau?
Le sénateur Moore : Vaguement.
M. Taylor : Il y a très longtemps, il y avait un taux réglementé incroyablement faible. C'était moins d'un cent. Le chiffre ne me vient pas à l'esprit. Le transport du grain ne nous rapportait absolument rien. Nous ne pouvions pas investir pour le transport du grain, si bien que le gouvernement du Canada a subventionné le transport du grain en achetant des wagons-trémies, que nous avons utilisés. Maintenant, ces wagons acheminent le grain conformément à un accord d'exploitation que nous avons conclu avec le gouvernement du Canada.
Ces wagons sont vieux. On ne peut pas les moderniser pour qu'ils respectent les normes actuelles, et ils sont plus longs. Les nouveaux wagons sont plus courts, si bien qu'ils offrent un meilleur rendement.
Le sénateur Moore : Cela fonctionnerait avec le terminal de manutention à l'autre bout de la chaîne.
M. Taylor : Exactement. L'espace est limité dans les terminaux à Vancouver, par exemple, de même que dans les voies d'évitement des clients. C'est un wagon plus court qui peut transporter de plus grandes quantités et qui ne se remplit pas à pleine capacité volumétrique. La densité de chargement est faible. C'est la taille physique du wagon. On peut le remplir jusqu'à une certaine capacité. C'est un peu la différence entre des croustilles et du minerai de fer.
On peut placer un plus grand nombre de ces wagons plus courts dans une voie d'évitement des clients. On peut avoir un train plus productif et obtenir un meilleur rendement pour un chargement qui prend moins de place à un terminal portuaire. C'est donc un wagon beaucoup plus productif.
Le sénateur Moore : Vous avez mentionné le port de Cascadia à Washington...
M. Taylor : Le port de Cascadia à Vancouver, le terminal Viterra.
Le sénateur Moore : Vous en avez mentionné un à Washington.
M. Taylor : Le port Kalama, à Washington.
Le sénateur Moore : Vous avez dit qu'il est trois ou quatre fois plus efficace. Pourquoi?
M. Taylor : Chaque jour, trois ou quatre fois plus de wagons peuvent y être déchargés. Il est doté d'une voie à double boucle.
Le sénateur Moore : Comment pouvons-nous rivaliser avec cela au Canada?
M. Taylor : C'est une installation dotée d'une voie à double boucle. On y décharge deux trains-blocs en l'espace de 24 heures. À Vancouver, on n'a pas l'espace pour aménager des voies à double boucle. Les terminaux ferroviaires les plus efficaces sont maintenant dotés d'une voie à double boucle. La locomotive reste attachée.
Au terminal Cascadia de Vancouver, par exemple, on dissocie le train à l'aide de dispositifs de halage. On sépare les wagons grâce à ce système de halage et on peut décharger deux ou trois wagons en même temps.
On décharge continuellement un train-bloc plutôt qu'un wagon à la fois. C'est beaucoup plus efficace. C'est un excellent système. Certains clients — et c'est du domaine public —, Bunge et G3, qui ont fait l'acquisition de la Commission du blé, envisagent d'aménager un nouveau terminal céréalier à Vancouver, ce qui est une excellente nouvelle. Ils prévoient l'aménager dans l'arrière-port, ce qui n'est pas un bon endroit. Nous pensons que pour l'avenir du grain de Vancouver, un nouveau terminal ne devrait pas être aménagé dans l'arrière-port, mais quelque part comme au terminal Deltaport, où l'on retrouve un terrain vacant et où l'on peut installer des technologies de pointe et des voies à double boucle.
Certains des terminaux aux États-Unis ont des structures de protection contre les intempéries pour le chargement des navires. Tout le processus de chargement se fait sous un toit, car il faut faire très attention à l'humidité lorsque l'on procède au chargement de grain en vrac. Les céréales ne doivent pas être mouillées.
Le sénateur Moore : Ce parc de 6 000 wagons sera-t-il maintenu ou sera-t-il éliminé progressivement?
M. Taylor : On l'élimine progressivement.
Le sénateur Moore : Les différentes sociétés ferroviaires construisent leurs propres wagons pour contribuer à répondre à ce besoin. Est-ce que c'est ce qui se passe? Vous aurez besoin de wagons-trémies. D'où proviendront-ils?
M. Taylor : Nous sommes confrontés à un vrai défi en ce moment en raison du revenu admissible maximal. Nous sommes également préoccupés par les interventions réglementaires. Ces 6 000 wagons-trémies représentent un investissement de plusieurs milliards de dollars. Vous vous attendez d'investir 1 milliard de dollars, alors que nous avons très peu de certitudes réglementaires que nous serons en mesure de payer pour cet actif de 30 ou 40 ans.
La sénatrice Beyak : Merci de vos exposés. Les chiffres que vous avez fournis et vos connaissances sont très impressionnants. Je suis épatée. En tant que comité, nous avons toujours été ravis d'entendre des solutions exhaustives et concrètes et de voir ce genre de coopération et de vision commune. Merci.
Ma question se rapporte aux observations que vous avez faites au sujet des affaires étrangères, de la nécessité de prendre de l'expansion et de la collaboration locale qui sera nécessaire. Comment vous voyez-vous dans le rôle de courtiers honnêtes des administrations portuaires locales?
Je suis au nord-ouest de Thunder Bay. Il y a toujours le conseil municipal et les gouvernements fédéral et provincial, mais il est souvent difficile d'amener tous les intervenants à avancer dans la même direction. Avez-vous une stratégie?
Mme Zatylny : Je pense que la réponse comporte de nombreux volets. Pour ce qui est des relations avec leur collectivité, les administrations portuaires font partie intégrante de leur collectivité. Elles ont une présence physique ou elles sont fermement résolues à être des citoyens corporatifs honnêtes et à travailler dans leur collectivité.
Chacune des administrations portuaires, selon sa taille et la nature de leur collectivité, a des programmes de communication. Les administrations portuaires travaillent étroitement avec leurs conseillers municipaux et leurs représentants provinciaux pour que le port prenne de l'expansion pour répondre aux besoins de la collectivité et que la collectivité comprenne les besoins du port.
À l'extérieur de Thunder Bay, on a l'excellent exemple de Saint John, au Nouveau-Brunswick, qui a travaillé étroitement avec le conseil municipal pour veiller à ce qu'il y ait une compréhension des deux côtés. La ville et le port entretiennent maintenant une relation symbiotique. Chacune des administrations portuaires a ce type d'approche pour traiter et collaborer avec leur collectivité.
Par ailleurs, elles investissent massivement dans leur collectivité, notamment en finançant d'importants programmes locaux, que ce soit le programme des petits-déjeuners dans les écoles, des programmes d'activité physique ou des activités environnementales. Elles veillent également à ce que les opérations portuaires aient une incidence minimale sur les citoyens de la collectivité. Elles prennent donc des mesures de réduction du bruit et de la pollution. Elles s'efforcent d'être d'excellents citoyens corporatifs.
À plus grande échelle, la notion de courtiers honnêtes se rapporte également à l'évolution du rôle des administrations portuaires que j'ai mentionnée plus tôt. Elles commencent à devenir des promoteurs ou des partenaires pour l'expansion des affaires et des marchés.
Nous avons beaucoup parlé de l'efficacité de la chaîne d'approvisionnement. Nous exhortons les administrations portuaires à assumer le rôle de réunir tous les intervenants de la chaîne d'approvisionnement — les sociétés ferroviaires, les entreprises de camionnage, les fournisseurs, les marchés, les exploitants de terminaux — pour qu'ils commencent à échanger des données et à faire preuve de transparence, comme le capitaine Leclerc l'a mentionné. Il faut échanger des données et bâtir des relations de confiance pour que nous puissions tenir des conversations afin de cibler et de régler les problèmes dans la chaîne d'approvisionnement. Ainsi, nous nous assurons d'être en mesure de gérer les augmentations soudaines de marchandises ou de simplement transporter les produits le plus efficacement possible. Il y a de nombreux aspects associés au rôle de courtier honnête.
La sénatrice Beyak : Pourriez-vous faire le point sur l'examen de la voie maritime du Saint-Laurent que vous proposez? Je pense que c'est une excellente idée. J'aime aussi les chemins de fer et les ports. Mon père a travaillé pour Muirhead Steamship Lines, et il nous amenait partout en train car nous n'avions pas de voiture. Je suis intéressée de savoir ce qui se passe.
Mme Zatylny : C'est une recommandation, et je pense qu'elle est grandement nécessaire. Les autres intervenants de la voie maritime du Saint-Laurent appuient cette recommandation, que ce soit la Société de développement de la voie maritime du Saint-Laurent, la Corporation de gestion ou l'Association des armateurs canadiens.
Tim Heney, le PDG du port de Thunder Bay, m'a rappelé ceci l'autre jour. La voie maritime a été construite à l'origine pour l'expédition du grain canadien vers les marchés de l'Est. Elle donne d'excellents résultats. La demande change. Les navires sont de plus en plus gros. Nous devons acheminer les produits et nous sommes confrontés à des climats plus rigoureux.
De nombreux facteurs ont une incidence sur l'efficacité de l'utilisation que nous faisons de la voie maritime du Saint- Laurent, mais les facteurs sont interreliés et très complexes. Nous aimerions qu'un examen exhaustif soit effectué pour voir comment nous pouvons améliorer le plus possible l'efficacité. Par exemple, et nous discutons de la façon de gérer les augmentations soudaines de marchandises, la voie maritime du Saint-Laurent a une capacité excédentaire pour transporter les produits, les céréales.
J'apporte peut-être ici une petite précision, mais lorsque M. Taylor a dit que le port de Thunder Bay ferme durant l'hiver, c'est en fait la voie maritime qui ferme. Le port se ferait un plaisir d'être opérationnel à l'année longue, mais c'est impossible.
Une façon de régler ce problème, c'est d'augmenter le nombre de brise-glaces à notre disposition. Nous avons désespérément besoin de brise-glaces dans les Grands Lacs pour garder les ports ouverts. Pouvoir prolonger la saison de navigation de quelques semaines de part et d'autre nous aiderait grandement à gérer les augmentations soudaines de marchandises et à utiliser de façon maximale la voie maritime. Nous espérons que l'examen nous permettra de régler certains de ces problèmes.
Le président : Avant que nous passions à la deuxième série d'interventions, j'ai quelques questions. Il y a un sujet que nous n'avons pas abordé et sur lequel le comité aimerait connaître votre opinion.
Nous devons faire rouler l'économie. Nous avons besoin d'un dénominateur commun. Nous reconnaissons que nos produits doivent arriver à destination. Il y a un facteur ici, à savoir les lignes ferroviaires sur courtes distances. Avez- vous quelque chose à dire sur les lignes ferroviaires sur courtes distances? Quel rôle ces lignes jouent-elles, et comment pouvons-nous les améliorer pour aider les principaux transporteurs?
M. Taylor : C'est une bonne question. Les lignes ferroviaires sur courtes distances sont très importantes. Pour vous donner une bonne analogie, les branches d'un arbre sont les lignes ferroviaires sur courtes distances et le tronc représente les chemins de fer de catégorie 1. Les lignes ferroviaires sur courtes distances sont très importantes.
Contrairement aux chemins de fer de catégorie 1, dans lesquels nous devrons investir d'importantes sommes si nous ne nous débarrassons pas de règlements inutiles — car nous sommes encore fortement réglementés —, je pense que le gouvernement devra financer les lignes ferroviaires sur courtes distances. Elles rivalisent directement avec les camions et n'ont pas la capacité de financer l'infrastructure. Le gouvernement du Canada l'a reconnu. Nous pourrions travailler davantage avec les provinces, mais d'un point de vue de la politique publique, nous pourrions faire valoir de bons arguments pour que du financement public soit versé pour les lignes ferroviaires sur courtes distances.
Le président : Madame Zatylny, avez-vous quelque chose à dire?
Mme Zatylny : C'est probablement un sujet que nous n'abordons pas autant.
Le président : Nous savons que l'Association des administrations portuaires canadiennes a présenté une demande à Infrastructure Canada pour effectuer une étude exhaustive de l'état de l'infrastructure maritime au pays. Où en êtes- vous avec votre demande auprès d'Infrastructure Canada, et quels ports ont été ciblés?
Mme Zatylny : Je dois avouer que je ne le sais pas.
Nous avons terminé une étude avec Transports Canada sur les lacunes en matière de financement pour l'infrastructure des ports. Cette étude a été achevée il y a deux ou trois ans. Elle a permis de découvrir que les ports ont besoin de 5,3 milliards de dollars pour financer les besoins de remise en état, les réparations à l'infrastructure existante et les besoins en matière de développement.
L'étude a été réalisée avant que l'Accord économique et commercial global soit signé. C'est maintenant probablement plus que 5,3 milliards de dollars. Nous aimerions effectuer à nouveau cette étude, mais nous n'avons pas pu le faire jusqu'à maintenant.
M. Taylor : Le comité voudra peut-être examiner le modèle de la porte d'entrée. La porte d'entrée Asie-Pacifique était une politique importante, et le fait que du financement public soit versé dans certaines des plateformes publiques entre les ports a été une mesure positive. La porte d'entrée Asie-Pacifique a été une initiative fructueuse du gouvernement.
Le président : Puisque vous parlez de la porte d'entrée, monsieur Taylor, je vais poser une autre question. Vous avez expliqué ce processus de voies à double boucle au port de Vancouver. Pensez-vous que d'autres ports canadiens pourraient être aussi efficaces pour acheminer des volumes de marchandises plus grands? Le cas échéant, quels ports recommanderiez-vous, ou sur lesquels avez-vous une opinion?
Le sénateur Moore : Vous pouvez seulement dire Halifax.
M. Taylor : Malheureusement, nous n'allons pas à Halifax.
Vancouver enregistre une croissance marquée. Thunder Bay demeure une porte d'entrée importante, mais si l'on regarde la nature du commerce, Vancouver connaît une croissance considérable. À long terme, je pense qu'il serait certainement possible à Vancouver de sortir de l'arrière-port et de construire une installation très efficace.
Nous avons des voies à double boucle dans d'autres installations que nous desservons, mais nous devons penser à long terme pour désengorger les ports achalandés dans les centres urbains.
Mme Zatylny : Je pense qu'il est important de concevoir les 18 administrations portuaires canadiennes en tant que système de ports nationaux. C'est un système pancanadien qui dessert les deux côtes et le centre du pays. Pour ce qui est d'envisager des façons d'améliorer l'efficacité et d'élargir les activités, chaque administration portuaire a l'occasion de prendre de l'expansion par des moyens des plus appropriés. Nous parlons de l'expansion à Vancouver, et nous oublions que Montréal est en pleine croissance. De nouveaux investissements y sont effectués, de même qu'à Québec, à Belledune et à Halifax.
La solution pour répondre à nos besoins en matière de marchandises et d'exportations consiste en grande partie à trouver des moyens d'optimiser l'ensemble du système constitué de 18 administrations portuaires.
[Français]
M. Leclerc : Simplement pour les coûts d'infrastructure, pour donner un ordre d'idées. Souvent, j'ai eu de la visite de personnes aux ports de Vancouver, de Québec et de Montréal, et les gens ne se rendent pas vraiment compte des coûts d'infrastructure. Je veux simplement donner un ordre d'idées pour savoir.
Dans les ports, en ce qui a trait aux quais, il y a ce qu'on appelle des défenses. Ce sont les morceaux en caoutchouc qui se retrouvent entre le navire et le quai. Un seul de ces éléments, une fois placé, coûte 150 000 $. Pour un navire, il en faut une dizaine. Nous avons 1,5 milliard de dollars en défenses seulement, et je ne parle pas de la façade de quai. Pour chaque mètre linéaire, c'est 100 000 $. Pour un navire de 300 mètres, vous pouvez faire le calcul, nous parlons de dizaines de millions de dollars.
Souvent, les gens ne se rendent pas compte de l'infrastructure et du poids pour les autorités portuaires qui, comme vous le savez, doivent générer leurs propres revenus qu'elles réinvestissent chaque année.
Le président : Pourriez-vous envoyer cette information au greffier? Nous aimerions avoir ces données, compte tenu de ce qui s'est dit ce matin.
Le sénateur Maltais : Madame Zatylny, vous êtes la présidente de l'Association des administrations portuaires canadiennes qui regroupe, je présume, la majorité des ports importants au Canada?
Mme Zatylny : Oui.
Le sénateur Maltais : En ce qui concerne l'exportation des céréales, il y a le fermier, il y a le CP et le CN qui les transportent, il y a les quais qui reçoivent les bateaux qui repartent avec les grains.
Il y a une association pour les ports. Existe-t-il une association des acheteurs de grains?
Mme Zatylny : C'est une bonne question. Il existe plusieurs associations qui représentent bien les producteurs, les fermiers et les terminaux. Toutefois, je n'ai pas encore rencontré une association d'acheteurs de grains.
Le sénateur Maltais : Serait-il important qu'il y en ait une?
Mme Zatylny : Pour moi, ce qui est important, c'est la possibilité de tenir une bonne discussion entre les parties prenantes et les partenaires dans la ligne d'approvisionnement. Que cela se fasse de façon individuelle ou avec une association, ce qui est important, c'est le dialogue et le partage d'information.
Le sénateur Maltais : Je vous pose la question, parce que, même si cet aspect paraît anodin, il est important.
On sait que les Grands Lacs sont gelés l'hiver. Vous dites qu'il faudrait beaucoup de brise-glaces pour tenir le chenal ouvert pendant l'hiver. Serait-il moins dispendieux pour les acheteurs de grains d'investir eux-mêmes dans des silos à grain dans les ports de l'Est du Canada qui sont ouverts 12 mois par année?
Mme Zatylny : Il y a également des ports qui sont ouverts dans l'Est du Canada toute l'année.
Le sénateur Maltais : C'est ce que je dis. Je parle de l'Est du Canada.
[Traduction]
Mme Zatylny : Il faut aplanir les difficultés dans l'ensemble du système, mais nous devons avoir toute la flexibilité voulue et la possibilité d'expédier nos céréales à partir de Thunder Bay, de Québec ou d'ailleurs. Nous devons créer un système qui offre un maximum de flexibilité pour pouvoir gérer toutes les augmentations soudaines. Pour ce faire, nous devons régler des problèmes, notamment faire en sorte que la voie maritime reste ouverte le plus longtemps possible, mais nous avons besoin d'uniformité dans toutes les régions.
[Français]
Le sénateur Maltais : Le grain n'est pas appelé à diminuer. On a de meilleures saisons et des marchés ouverts. Le fait de garder des entrepôts de grains à Thunder Bay pendant quatre mois n'est rentable pour personne. Amenez-les dans l'Est, entreposez-les à Québec, à Baie-Comeau, à Port-Cartier, et vos clients seront desservis 12 mois par année en très grande quantité. Ce sont des ports en eaux profondes. M. le capitaine Leclerc les connaît fort bien. Ainsi, vos clients seront approvisionnés 12 mois par année.
Le président : Je comprends que cette dernière intervention n'était pas une question.
La sénatrice Tardif : Madame Zatylny, vous avez fait 14 recommandations dans votre excellent mémoire. Laquelle de ces recommandations croyez-vous que le gouvernement fédéral devrait examiner en premier?
Mme Zatylny : Les 14.
La sénatrice Tardif : Laquelle?
[Traduction]
Mme Zatylny : On en revient au thème abordé par M. Taylor, à savoir l'idée de commercialisation accrue. Depuis leur création en 1998, les autorités portuaires ont pour mandat d'être financièrement autonomes tout en restant des actifs stratégiques. Afin d'y arriver dans un monde de plus en plus concurrentiel, nous avons besoin d'une aide qui nous mettra sur la voie d'une commercialisation accrue. Parmi les points notés dans notre mémoire, mentionnons le relèvement des limites et la possibilité de trouver d'autres sources de financement.
Pour ce qui est des besoins en infrastructures, on a trouvé des sources de financement disparates et l'on fonctionne dans un marché financier concurrentiel. La mesure probablement la plus efficace serait la possibilité d'avoir des conditions commerciales souples.
M. Leclerc : J'aimerais ajouter une observation au sujet des ports au Canada. J'ai étudié ce dossier dans de nombreuses régions du monde, par exemple sur la côte nord du Maroc. Au moment où j'y ai séjourné dans les années 1990, il ne se passait pas grand-chose dans les petits ports de la côte.
Le nouveau gouvernement, sous l'égide du fils du roi, a donné toute la priorité aux transports. Il a commencé par mener un examen complet des ports. Il consacre plus d'un milliard de dollars à mettre à niveau tous les ports du pays. J'y suis revenu il y a trois ans et, aujourd'hui, ces ports font concurrence à Barcelone, à l'Italie, à l'Espagne et à la France.
M. Taylor parle de porte d'entrée. Eh bien, ce pays veut devenir la porte d'entrée de toute l'Afrique du Nord, il comprend l'importance des ports.
Le président : Merci beaucoup à tous les témoins de nous avoir fait part de leurs points de vue.
Mesdames et messieurs les sénateurs, il nous reste un point à traiter avant de partir.
[Français]
J'aimerais attirer votre attention sur le voyage à Edmonton que le comité avait préparé et présenté au Comité de la régie interne.
[Traduction]
Cela dit, seriez-vous disposés à retirer la demande de budget que nous avions adoptée pour ce voyage? En l'occurrence, je propose que nous adoptions la motion suivante et j'en aviserai en conséquence le Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration.
Honorables sénateurs, êtes-vous d'accord pour :
Que, nonobstant l'approbation donnée par le comité le 12 mars 2015 relativement à la demande de budget de 80 936 $ pour l'étude spéciale, pour l'exercice se terminant le 31 mars 2016, le comité retire sa demande de budget?
Il s'agit d'un processus administratif. Êtes-vous d'accord?
Des voix : D'accord.
Le président : Merci.
(La séance est levée.)