Aller au contenu
ENEV - Comité permanent

Énergie, environnement et ressources naturelles

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent de
l'Énergie, de l'environnement et des ressources naturelles

Fascicule 15 - Témoignages du 25 septembre 2014


OTTAWA, le jeudi 25 septembre 2014

Le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles s'est réuni aujourd'hui, à 7 h 59. pour étudier le projet de loi S-6, Loi modifiant la Loi sur l'évaluation environnementale et socioéconomique au Yukon et la Loi sur les eaux du Nunavut et le Tribunal des droits de surface du Nunavut, qui lui a été renvoyé.

Le sénateur Richard Neufeld (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bienvenue à la réunion du Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles. Je m'appelle Richard Neufeld, je représente la province de la Colombie-Britannique au Sénat et je préside le comité.

J'aimerais souhaiter la bienvenue aux honorables sénateurs, aux membres du public ici présents et aux téléspectateurs de partout au pays qui nous regardent. J'aimerais rappeler à ces derniers que les audiences du comité sont ouvertes au public et qu'elles peuvent être visionnées sur le site web sen.parl.gc.ca. Vous y trouverez de plus amples renseignements concernant la liste des témoins, à la rubrique « Comités du Sénat ».

J'aimerais vous présenter le président adjoint du comité, le sénateur Paul Massicotte du Québec, qui vient d'être élu. Je demanderais maintenant aux sénateurs qui siègent aujourd'hui de se présenter.

Le sénateur Mitchell : Grant Mitchell, Alberta.

Le sénateur Wallace : John Wallace, Nouveau-Brunswick.

Le sénateur Boisvenu : Pierre-Hugues Boisvenu, Québec.

Le sénateur Black : Bonjour. Doug Black, Alberta.

La sénatrice Seidman : Judith Seidman, Montréal, Québec.

Le sénateur Lang : Dan Lang, Yukon.

Le président : J'aimerais aussi présenter notre personnel, en commençant par la greffière, à ma gauche, Lynn Gordon, ainsi que Sam Banks et Mark LeBlanc, nos analystes de la Bibliothèque du Parlement.

Le 17 juin 2014, le Sénat a autorisé le comité à étudier le projet de loi S-6, Loi modifiant la Loi sur l'évaluation environnementale et socioéconomique au Yukon et la Loi sur les eaux du Nunavut et le Tribunal des droits de surface du Nunavut. Honorables sénateurs, ce projet, dont le titre abrégé est la « Loi sur l'amélioration de la réglementation au Yukon et au Nunavut », a été présenté au Sénat et a été lu une première fois le 3 juin 2014. C'est la troisième fois que nous nous réunissons pour en discuter.

Pour la première partie de notre réunion, j'ai le plaisir d'accueillir le grand chef Ruth Massie du Conseil des Premières Nations du Yukon; le chef Eric Fairclough de la Première Nation de Little Salmon/Carmacks; et Mary Jane Jim, conseillère; Brian MacDonald, conseiller juridique; et Roger Brown, gestionnaire de l'environnement et des ressources naturelles, des Premières Nations de Champagne et de Aishihik.

Je suis très heureux de vous accueillir aujourd'hui et je me réjouis à la perspective d'entendre vos exposés.

Pour votre information, nous disposons d'une heure pour la première partie de notre réunion parce que nous entendrons ensuite un autre témoin et qu'un autre comité siégera immédiatement après nous. Nous vous saurions gré de garder du temps pour des questions à la fin de vos exposés. Je crois que certains sénateurs voudront vous en poser.

Je cède maintenant la parole au grand chef Massie.

Ruth Massie, grand chef, Conseil des Premières Nations du Yukon : Bonjour à tous. J'aimerais aussi souligner la présence du conseiller juridique du Conseil des Premières Nations du Yukon, M. Daryn Leas.

Je m'appelle Ruth Massie et je suis le grand chef du Conseil des Premières Nations du Yukon. J'aimerais présenter les collègues qui m'accompagnent : Eric Fairclough de la Première Nation de Little Salmon/Carmacks, et Mary Jane Jim, conseillère des Premières Nations de Champagne et de Aishihik. La Première Nation de Little Salmon/Carmacks et les Premières Nations de Champagne et de Aishihik représentent deux des neuf membres autonomes du Conseil des Premières Nations du Yukon.

Daryn Leas et Brian MacDonald, nos conseillers juridiques, nous accompagnent aussi ce matin, de même que d'autres représentants des Premières Nations du Yukon puisque le sujet les concerne directement.

Nous nous réjouissons de pouvoir vous faire part de nos préoccupations concernant le projet de loi S-6 relatif à la Loi sur l'évaluation environnementale et socioéconomique au Yukon, ou LEESY. Notre exposé durera environ 25 minutes. Je dois dire qu'une heure ne suffit pas pour discuter du projet de loi. Nous exhortons le comité permanent à donner l'occasion aux Premières Nations autonomes du Yukon de lui faire des exposés.

Le CPNY est l'organisme qui a succédé au Conseil des Indiens du Yukon qui a représenté les citoyens membres des Premières Nations du Yukon dans le cadre des négociations sur les revendications territoriales au Yukon. Au titre de l'Accord-cadre définitif, le CPNY et les gouvernements du Canada et du Yukon devaient formuler des mesures législatives pour mettre en œuvre les objectifs et les principes énoncés au « Chapitre 12 — Évaluation des activités de développement ». La loi fédérale de mise en œuvre des dispositions du chapitre 12 est aussi appelée LEESY.

Après plus de 20 ans de négociations, le Conseil des Premières Nations du Yukon a signé l'Accord-cadre définitif en 1993 avec le Canada et le gouvernement du Yukon. Par la suite, 11 Premières Nations du Yukon ont négocié et ratifié leurs accords de revendication territoriale et d'autonomie gouvernementale exhaustifs respectifs conformément à l'Accord-cadre définitif. Ces accords de revendication territoriale sont protégés par l'article 35 de la Constitution du Canada. Au titre de l'Accord-cadre définitif, chaque Première Nation du Yukon s'est vu accorder 16 000 miles carrés, soit moins de 10 p. 100 de la superficie totale du territoire du Yukon. Même s'il leur était difficile d'accepter cette quantité limitée de terres, les Premières Nations du Yukon croyaient que l'Accord-cadre définitif prévoyait la cogestion, comme convenu, conformément aux principes et au processus énoncés dans les accords définitifs.

Le chapitre 12 de l'Accord-cadre définitif prévoit notamment un processus d'évaluation socioéconomique et environnementale des projets situés sur les terres publiques et les terres visées par l'accord qui soit indépendant des Premières Nations du Yukon et des gouvernements fédéral et territorial.

Le chapitre 12 de l'Accord-cadre définitif visait à mettre en place une approche à l'égard de l'évaluation des activités de développement qui soit adaptée au Yukon. Cette approche tiendrait compte des circonstances juridiques et socioéconomiques propres au territoire et ferait en sorte que l'évaluation des activités de développement soit fondée sur les valeurs et principes du Yukon. Le chapitre 12 est la pierre angulaire de nos accords sur les revendications territoriales, et il importe de veiller à ce que les terres et les ressources de nos territoires traditionnels soient gérées dans l'esprit et l'intention de nos accords. La LEESY et toute modification y étant apportée doit être conforme aux accords définitifs et atteindre les objectifs énoncés au chapitre 12.

Conformément à l'Accord-cadre définitif, le CPNY, y compris les Premières Nations du Yukon, le Canada et le Yukon, a procédé à un examen exhaustif de la LEESY. Au départ, le CPNY, les Premières Nations du Yukon, le Canada et le Yukon ont collaboré à la rédaction du rapport d'examen intérimaire de cette loi, mais au bout du compte, le Canada a unilatéralement finalisé le rapport et systématiquement rejeté les commentaires du CPNY et des Premières Nations du Yukon.

Le Conseil des Premières Nations du Yukon rappelle que l'évaluation quinquennale n'a pas été menée et que trois points importants soulevés par les Premières Nations du Yukon n'ont toujours pas été réglés, en l'occurrence :

4.1 Examen futur : L'on s'attend à ce que le processus relatif à la LEESY doive être ajusté pour tenir compte de situations futures et être efficace et efficient. Certaines dispositions n'ont pas été mises en œuvre. Par conséquent, il y aurait lieu que les parties s'engagent à procéder à un examen futur du processus relatif à cette loi.

4.2 Financement adéquat pour les Premières Nations du Yukon : Pour assurer le fonctionnement efficace et efficient du processus relatif à la LEESY, les Premières Nations du Yukon doivent disposer des ressources nécessaires pour remplir leurs fonctions et participer pleinement à l'évaluation des projets dans leurs territoires traditionnels respectifs. Compte tenu de l'augmentation considérable du nombre, de l'envergure et de la complexité des projets proposés dans certaines zones du territoire du Yukon, le Conseil des Premières Nations du Yukon a soulevé cette question à maintes reprises.

4.3 Consultation des Premières Nations concernées dans le cadre d'un processus décisionnel : le CPNY a proposé qu'un organe décisionnel territorial ou fédéral consulte la Première Nation du Yukon lorsqu'il étudie des recommandations du comité exécutif ou d'un bureau désigné dans le cadre de projets susceptibles d'influer sur les droits issus de traités, les titres et les intérêts. Cette consultation doit être tenue avant qu'une décision écrite ne soit prise.

Bien qu'on ait proposé d'apporter un certain nombre de modifications à la LEESY afin de mettre en œuvre diverses recommandations formulées à l'issue de l'examen quinquennal, les responsables fédéraux ont refusé d'envisager la moindre modification à cette loi pour régler ces trois points.

Les modifications proposées devant le Sénat aujourd'hui n'ont pas fait l'objet de discussions avec le Canada et le gouvernement du Yukon pendant l'examen quinquennal.

Initiatives fédérales d'améliorations réglementaires : À la fin de 2007, Affaires autochtones a annoncé qu'il avait chargé M. Neil McCrank d'examiner les régimes et systèmes réglementaires des trois territoires septentrionaux. Dans son rapport, M. McCrank a formulé une seule recommandation concernant le Yukon : « Toutes les parties concernées devraient faire de la participation à l'examen quinquennal de la Loi sur l'évaluation environnementale et socioéconomique au Yukon (LEESY) une priorité pour que celui-ci soit mené à bien en temps opportun ».

Le projet de loi S-6 propose des modifications dont le CPNY, le Canada et le Yukon n'ont pas discuté pendant l'examen quinquennal. Bien qu'il ait été question d'apporter des modifications législatives à la LEESY dans le plan d'action du Canada, le Conseil des Premières Nations du Yukon et les Premières Nations n'ont pas reçu l'ébauche de ces modifications proposées dans le projet de loi S-6 avant le début de l'année.

Eric Fairclough, chef, Première Nation de Little-Salmon/Carmacks : Nous sommes d'accord avec les points soulevés par le CPNY en ce qui touche les modifications qui se trouvent devant nous. Bien que le CPNY ait des réserves quant à la nature et à la portée de bon nombre des modifications proposées dans le projet de loi S-6, nous voulons attirer votre attention sur quatre modifications précises qui nous préoccupent grandement. Le CPNY et les Premières Nations du Yukon insistent pour dire que les modifications proposées nuiraient à l'indépendance et à l'autonomie de la LEESY et mineraient son efficacité.

Orientation stratégique de l'Office : Le CPNY s'oppose à toute modification autorisant le ministre fédéral à émettre des orientations stratégiques exécutoires en ce qui a trait aux pouvoirs, tâches et fonctions de l'Office.

Dans le contexte de la modification proposée, le ministre fédéral n'est pas tenu d'obtenir le consentement des Premières Nations avant d'imposer une orientation stratégique à l'Office. Le fait de donner au ministre fédéral le pouvoir d'émettre des orientations stratégiques unilatérales mine l'autonomie de l'Office et des bureaux désignés lorsqu'ils mènent des évaluations.

L'autonomie est l'un des éléments fondamentaux de la LEESY dont le CPNY, le Canada et le Yukon ont discuté en profondeur au stade de la rédaction législative. Donner à une seule partie le pouvoir d'imposer des orientations stratégiques à l'Office est contraire à l'esprit et à l'intention de la LEESY et aux dispositions des accords définitifs.

Délégation des pouvoirs fédéraux : Le CPNY s'oppose à toute modification qui permettrait au ministre fédéral de déléguer une partie ou la totalité de ses pouvoirs, tâches et fonctions à son homologue territorial en vertu de la LEESY.

La modification proposée suscite un certain nombre de préoccupations auprès du CPNY. Le ministre fédéral n'est pas tenu d'obtenir le consentement des Premières Nations du Yukon avant de déléguer des pouvoirs, des tâches et des fonctions; il est simplement tenu de leur donner un avis. La LEESY met en œuvre les droits issus de traités. La disposition exclurait les Premières Nations du Yukon des discussions et des décisions concernant la redistribution future des pouvoirs, des tâches et des fonctions en vertu de la LEESY. Elle créerait un processus fédéral-territorial bilatéral qui irait à l'encontre de l'intention des accords définitifs.

Exemptions relativement aux renouvellements et aux modifications : Le CPNY s'oppose à toute modification qui crée une exemption très large à la LEESY en ce qui concerne les renouvellements et les modifications des permis ou autorisations.

Cette modification est inadmissible puisqu'elle contreviendrait directement aux accords conclus par le CPNY, le Canada et le Yukon à cet égard dans le cadre de l'examen quinquennal. Elle est superflue puisque les questions concernant l'évaluation des renouvellements et des modifications ont déjà été réglées par le truchement de modifications aux politiques de l'Office tel qu'il a été convenu pendant l'examen quinquennal. Les modifications proposées mineront un processus qui fonctionne efficacement. Pendant la rédaction de la LEESY, le CPNY, le Canada et le Yukon ont convenu que le règlement déterminerait quels seraient les projets évalués. Les modifications proposées nuiraient à cette approche.

Délais pour les évaluations de la LEESY : Le CPNY s'oppose aux modifications proposées qui fixent des délais généraux pour mener à bien les évaluations prévues dans la LEESY puisque des délais ont déjà été fixés.

Les délais proposés pour l'examen initial du comité exécutif et les examens par une commission ne donnent pas suffisamment de temps pour évaluer des projets complexes qui feront l'objet de ces évaluations. Cela aura une incidence négative sur la rigueur des évaluations et fera en sorte qu'il soit plus difficile pour les Premières Nations du Yukon d'évaluer les projets de façon exhaustive et de faire valoir leur point de vue.

Bien qu'aucune évaluation n'ait été menée à bien au titre de la LEESY, les délais proposés ne sont pas conformes aux délais requis pour mener des examens par une commission dans d'autres juridictions. Le Canada n'a pas abordé les modifications proposées pendant l'examen quinquennal, au cours duquel elles auraient fait l'objet de discussions approfondies. Il n'en a jamais été question pendant cet examen.

Mary Jane Jim, conseillère, Premières Nations de Champagne et de Aishihik :

[Mme Jim s'exprime dans une langue autochtone.]

Je me suis présentée aujourd'hui en me servant du nom que m'a donné ma grand-mère à la naissance. Le nom qui rend hommage à mes origines tlinglit est Dak wa ul. C'est le nom qui m'a été donné à l'âge de 19 ans lorsque j'ai décidé de me lancer en politique. Je me suis présentée sous ce nom pour rendre hommage à mes ancêtres et à mes racines.

Je suis ici aujourd'hui à titre de représentante des Premières Nations de Champagne et de Aishihik. Je remercie mes collègues de m'avoir donné le temps de m'exprimer. Je veux continuer l'exposé et terminer en vous faisant part des préoccupations des Premières Nations de Champagne et d'Aishihik en ce qui touche ce processus.

Préoccupations concernant le projet de loi S-6 : Sous réserve des questions soulevées pendant l'examen quinquennal, nous sommes d'avis que la LEESY fonctionne efficacement depuis sa promulgation en 2003. Le gouvernement fédéral veut maintenant y apporter unilatéralement des modifications supplémentaires. Nous ne lui avons pas demandé de le faire et nous ne sommes pas non plus en faveur de ces modifications qui ne sont pas nécessaires.

Si le projet de loi S-6 modifie la LEESY, le CPNY fait les affirmations suivantes.

7.1 : Le CPNY et les Premières Nations du Yukon affirment que les modifications que le projet de loi S-6 propose d'apporter à la LEESY iraient à l'encontre au devoir du gouvernement de tenir des consultations et d'offrir des accommodements en ce qui touche les changements qu'il veut apporter.

Les responsables fédéraux étaient disposés à rencontrer des représentants du CPNY et des Premières Nations du Yukon pour fournir des explications et des clarifications concernant la nature et la portée des modifications proposées et d'écouter les préoccupations soulevées. Cependant, le gouvernement fédéral ne s'est pas montré intéressé à tenir des consultations ou des négociations dignes de ce nom avec le CPNY et les Premières Nations du Yukon pour se pencher sur les questions et intérêts qui nous tiennent à cœur concernant le projet de loi S-6.

7.2 : Le CPNY et les Premières Nations du Yukon affirment que le gouvernement fédéral manquerait à son devoir constitutionnel de défendre l'honneur de la Couronne en apportant unilatéralement des modifications à la LEESY. Ces modifications n'ont pas fait l'objet de discussions ou même été soulevées pendant l'examen quinquennal; dans le cas de la modification qui créerait des exemptions pour le renouvellement et la modification de projets, elles vont même à l'encontre des accords conclus pendant l'examen quinquennal.

De plus, le gouvernement fédéral a manqué à ses fonctions constitutionnelles lorsqu'il a refusé de compléter l'examen quinquennal. À notre avis, nous sommes passés d'un processus de coopération à un processus unilatéral, ce qui constitue une violation de nos accords.

Le CPNY et les Premières Nations du Yukon soutiennent que les amendements proposés à la LEESY sont en violation des droits issus de traités en vertu du Chapitre 12, y compris le droit à des évaluations indépendantes pour certains projets, conformément aux objectifs du Chapitre 12. Les amendements proposés auraient des répercussions sur l'intégrité, l'indépendance et l'efficacité du processus lié à la LEESY. Selon nous, le gouvernement fédéral n'agit pas de bonne foi; le projet de loi S-6 constitue un geste de mauvaise foi.

En terminant, nous exhortons le Sénat à prendre en considération cet exposé et à rejeter le projet de loi S-6 ou à le modifier en tenant compte de nos préoccupations. Ce qui nous inquiète, c'est que certaines Premières Nations, y compris les Premières Nations de Champagne et de Aishihik, n'ont pas eu l'occasion de se faire entendre dans le cadre de ce processus très important.

Nous tenons à souligner que le résumé législatif du projet de loi S-6, Loi modifiant la Loi sur l'évaluation environnementale et socioéconomique au Yukon et la Loi sur les eaux du Nunavut et le Tribunal des droits de surface du Nunavut publié le 18 juin 2014 précise que l'examen quinquennal a pris fin en octobre 2012 et que « selon la documentation préparée par le ministère, le projet de loi S-6 tient compte des recommandations issues de l'examen de la LEESY [...]. »

Ces déclarations sont trompeuses et contredisent les faits. Comme nous l'avons déjà souligné, les Premières Nations du Yukon n'appuient pas bon nombre des amendements proposés unilatéralement dans le projet de loi S-6.

Ni le CPNY, ni les Premières Nations de Champagne et de Aishihik ne veulent intenter de poursuites judiciaires comme l'ont fait les Premières Nations des Tlichos et du Sahtu. Elles doivent remettre en question la validité des amendements proposés au processus d'évaluation environnementale dans les Territoires du Nord-Ouest. Ce n'est pas la voie que veulent suivre les Premières Nations des Tlichos et du Sahtu, pas plus, à mon avis, que le CPNY.

Malheureusement, si le projet de loi S-6 est adopté dans sa forme actuelle, le CPNY et les Premières Nations des Tlichos et du Sahtu devront prendre les mesures nécessaires pour protéger l'intégrité de leurs accords-cadres définitifs.

Je le répète, les Premières Nations de Champagne et de Aishihik ne souhaitent pas intenter de poursuite judiciaire. Grâce à ce processus, nous espérons avoir l'occasion de soumettre une présentation au nom de ces Premières Nations. Comme l'a souligné plus tôt le grand chef, nous avons renoncé à une bonne partie de nos terres afin de créer une relation de confiance entre le Canada et le Yukon. Cette relation de confiance repose sur le partenariat; les décisions unilatérales ne contribuent pas à bâtir cette relation.

Je me souviens du jour où les Premières Nations de Champagne et de Aishihik ont signé leur accord. Ma grand-mère m'a dit : « Et voilà. Nous avons tout abandonné. Nous avons renoncé aux droits que nous avions sur nos terres. » J'ai dû lui expliquer que nous avions renoncé à nos droits sur une plus grande portion de nos terres, mais que nous avions également fait un grand pas en avant et un acte de foi en créant une relation de confiance avec le Canada.

En tant que seule représentante des Premières Nations de Champagne et de Aishihik — notre chef est en campagne électorale en ce moment —, je suis ici pour vous dire que le Canada doit honorer ses obligations en vertu des traités conclus il y a de nombreuses années. Ne donnez pas raison à ma grand-mère qui dit que nous avons tout perdu. Il est difficile de dire à nos aînés que pour créer une relation de confiance, ils ont renoncé à leurs droits issus de traités, leurs droits autochtones, pour une majeure partie de leurs terres afin que quelqu'un d'autre puisse en assumer la responsabilité.

Je tiens à réitérer que les Premières Nations de Champagne et de Aishihik veulent se faire entendre. Toutes les autres ont eu l'occasion de s'exprimer au cours d'un segment d'une heure.

Nous sommes une Première Nation autonome dont la contribution à l'économie générale du Yukon s'élève à plus de 20 millions de dollars par année. Cela dit, la LEESY n'a pas eu beaucoup d'impact sur l'économie — les amendements proposés n'auront aucun impact, puisque l'économie Yukon se porte très, très bien depuis 10 ans. D'ailleurs, même sans avoir de données à l'appui, je prétends que l'économie se porte très bien, et c'est grâce à la LEESY dans sa forme actuelle.

Encore une fois, nous faisons un énorme acte de foi en rappelant au Canada son obligation de consulter et qu'il est tenu de protéger l'accord qu'il a conclu, un accord protégé par la constitution.

En tant que représentante des Premières Nations de Champagne et de Aishihik, je tiens à dire que nous aussi voulons être entendus. Je remercie le grand chef et mon collègue Éric de m'avoir permis de présenter cet exposé en leur nom, car nous n'avons pas reçu d'invitation distincte, et de les représenter ici en tant que chef.

Le président : Merci beaucoup pour vos exposés. Nous allons maintenant passer à la période des questions. Le vice- président, le sénateur Massicotte, sera notre premier intervenant.

Le sénateur Massicotte : Merci beaucoup d'avoir accepté notre invitation. Je tiens à vous assurer que nous vous entendons très bien. Nous tentons de comprendre les problèmes que vous soulignez et nous sommes sincères dans nos efforts.

Je vais d'abord tenter de résumer, en mes propres mots, ce que vous avez dit. D'abord, vous dites être déçus par le processus. Selon vous, le gouvernement a l'obligation de consulter et doit satisfaire cette obligation et il ne l'a pas fait. Vous dites que vous n'êtes pas d'accord avec les amendements proposés et que le gouvernement les a proposés sans votre consentement. Vous n'êtes donc pas satisfaits du processus.

Ensuite, vous dites que les amendements proposés contreviennent à vos droits issus de traités et que, par conséquent, il s'agit d'un problème majeur. Vous avez formulé trois ou quatre commentaires sur les amendements proposés, car, selon vous, ils contreviennent à vos droits actuels et ne respectent pas les accords conclus, verbalement ou par écrit, et les discussions qui ont eu lieu.

Comme vous le savez, en ce qui a trait à ce dernier point, le ministre a répondu : « Il va de soi que nous respectons vos droits issus des traités. D'ailleurs, à l'article 4 de l'accord actuel, il est clairement précisé qu'en cas de conflit avec la loi, contrairement à votre accord-cadre définitif, vos droits issus de traités prévalent. » Autrement dit, cet article précise très clairement que vous disposez d'un droit prévalent.

Je dois admettre qu'en lisant l'article 4 de la loi, ça me semble très clair, mais vous ne semblez pas être d'accord. Pourriez-vous nous expliquer pourquoi, selon vous, l'article 4 ne protège pas vos droits issus de traités?

Daryn R. Leas, conseiller juridique, Conseil des Premières Nations du Yukon : Bonjour. Je vais répondre rapidement à cette question.

Le principal problème, c'est que si ces amendements sont adoptés et qu'ils sont contestés, cela créera énormément d'incertitudes inutiles. Cela aura des répercussions sur l'économie et la relation entre les Premières Nations du Yukon et les gouvernements fédéral et territorial, ainsi que sur la relation de confiance à laquelle la conseillère Mary Jane a fait référence.

Il est vrai que nos accords sur les revendications territoriales l'emporteraient sur une loi fédérale ou territoriale, mais le principal point que nous voulons soulever, et il est peut-être subtil, c'est que le résultat n'est pas le seul problème; ce qui nous pose problème, c'est le processus suivi du fait que, selon nous, le gouvernement fédéral a manqué à ses obligations constitutionnelles envers les Premières Nations — l'obligation de défendre l'honneur de la Couronne, de satisfaire à ses obligations et de respecter les dispositions de nos accords de revendications territoriales.

Tout compte fait, on peut dire que, techniquement, ces amendements n'auront aucun impact sur l'Accord-cadre définitif ou que ce dernier prévaudra sur les dispositions qui, selon nous, sont en conflit avec l'accord-cadre. Mais, au bout du compte, ces amendements auront de sérieuses répercussions sur l'économie et la relation entre les parties signataires des accords auxquelles la conseillère Mary Jane Jim a fait référence.

Le sénateur Massicotte : Je vais aller encore plus loin. Vous avez soulevé les problèmes techniques, comme le moment opportun; vous n'êtes pas d'accord avec l'échéancier. On pourrait en parler longtemps. Un autre élément qui vous préoccupe, c'est la clause conditionnelle selon laquelle le ministre a le droit de donner des directives relatives aux décisions stratégiques. Comme vous le savez, cette situation ne s'est pas encore présentée, tout comme le transfert des responsabilités. Rien n'est encore fait.

Peut-être craignez-vous que le ministre utilise cette clause pour nuire à l'accord actuel. Mais, ne croyez-vous pas qu'avant de poser un tel geste, le ministre conclurait que l'article 4 est très clair sur la question? Je suis convaincu que vous pourriez obtenir très facilement un jugement favorable devant les tribunaux; il serait ensuite de mauvaise foi de ne pas les respecter. Mais, vous ne croyez pas qu'avant de proposer une directive stratégique ou autre pour laquelle vous êtes censés être consultés et qui serait en conflit avec l'accord-cadre, le ministre dirait : « Non, l'article 4 m'empêche de procéder de la sorte »?

Pourquoi prendrait-il sciemment une décision qui contrevient à un accord? On s'inquiète toujours de ce qui pourrait arriver. Mais, tout ministre raisonnable se dirait : « Non, je ne proposerai pas cela, car ça va à l'encontre de la clause. »

Mme Jim : Je vais tenter de vous répondre. Je ne connais pas aussi bien ce projet de loi que mes collègues, mais si le ministre fédéral peut déléguer le pouvoir qui lui est confié, alors pourquoi ne pourrait-il pas le déléguer à la Première Nation du Yukon? Cette possibilité n'est pas énoncée dans l'amendement.

Le sénateur Massicotte : Il le pourrait.

Mme Jim : Ce n'est pas explicite. La question est donc très légitime : pourquoi ne pourrait-il pas? Si le ministre peut déléguer ce genre de pouvoirs au gouvernement territorial, pourquoi pas à la Première Nation? Nous sommes une Première Nation autonome. Nous avons les compétences nécessaires. Nous pouvons créer des lois et les appliquer. Alors, pourquoi pas?

Si vous voulez aller encore plus loin, alors confiez le même genre de pouvoirs à la Première Nation ou ne modifiez pas la loi.

Le sénateur Lang : J'aimerais souhaiter la bienvenue à mes amis et voisins du Yukon. Je sais tout le temps et l'effort qu'il faut pour faire ce voyage; c'est un long voyage. Je vous souhaite la bienvenue. Je suis très heureux que vous ayez l'occasion de venir nous présenter votre point de vue.

J'aimerais établir la cadre pour une partie de la discussion d'aujourd'hui. Peut-être devrions-nous parler de ce qui nous unit plutôt que ce qui nous différencie.

J'aimerais revenir à l'exposé de Mary Jane Jim. Vous avez parlé du succès de la LEESY. Cette loi a été adoptée il y a 11 ans. Depuis, l'économie du Yukon s'est énormément développée en partie grâce à ce conseil où siègent trois membres du Conseil des Premières Nations du Yukon. Le conseil prend des décisions très importantes au nom des Yukonnais.

J'aimerais parler davantage des terres désignées pour que ceux qui nous regardent soient au courant. Nous avons une Première Nation où se trouve une mine en exploitation et qui touche toutes les redevances associées à cette mine. Elle profite énormément, directement et indirectement, de cette exploitation, comme tous les Yukonnais.

Aussi, diverses Premières Nations à l'échelle du territoire ont conclu plusieurs ententes relatives aux avantages avec les sociétés d'exploitation minière ou sont en cours de négociation pour conclure de telles ententes, y compris, si je ne m'abuse, le chef Fairclough. J'espère que ces négociations connaîtront un dénouement positif.

Afin que l'on puisse voir le Yukon d'un œil positif, j'aimerais que le grand chef nous explique un peu l'exposé de Mary Jane Jim, les succès obtenus grâce à la LEESY et la façon dont le processus fonctionne.

Mme Massie : Merci, sénateur Lang. Il est vrai que nous avons connu beaucoup de succès dans nos domaines de développement économique. D'ailleurs, Brian MacDonald travaille pour la société de développement des Premières Nations de Champagne et de Aishihik. Il pourrait certainement vous donner des exemples concrets de réussites. Les Premières Nations du Yukon ont contribué des millions de dollars à l'économie. Toutes les Premières Nations ont leurs propres sociétés, et elles connaissent du succès. Elles contribuent des millions de dollars à l'économie du Yukon. Brian pourrait vous partager quelques-unes des expériences de ces sociétés.

Comme nous l'avons dit plus tôt, la LEESY a joué un rôle très important dans la réalisation de projets. Ces amendements proposés nous inquiètent. Je vais demander à Brian de vous parler de ses réussites dans le secteur du développement économique.

Brian MacDonald, conseiller juridique, Premières Nations de Champagne et de Aishihik : Un des problèmes lorsqu'on travaille sur un petit territoire, c'est qu'on a tendance à porter plusieurs chapeaux. Donc, je suis ici aujourd'hui en tant que conseiller juridique pour ma Première Nation, mais je participe également à un des moteurs économiques de notre collectivité, soit la société de développement.

Nous avons écouté plusieurs des exposés présentés. Il a été question de stimuler l'économie. À mon avis, le processus lié à la LEESY constitue réellement un des moteurs de l'économie du Yukon. Il fonctionne efficacement et fait en sorte que la relation entre les Premières Nations et les ordres de gouvernement est harmonieuse. Selon nous, en tant qu'entreprise, c'est essentiel à la croissance économique du Yukon. En tant que société, nous avons besoin de cette certitude afin de protéger les intérêts de nos actionnaires.

Notre portefeuille d'investissement a augmenté à près de 30 millions de dollars en valeur réelle. Nous touchons des revenus de plus de 65 millions de dollars provenant de la fabrication, de la construction et de l'asphaltage, notamment. Tout récemment, nous avons acquis une société de technologie novatrice dans le secteur des ressources.

Nous avons acquis des expériences très variées. Nous comptons également environ 170 employés qui viennent du Nord. Donc, nous apportons une présence appréciable à l'économie du Yukon. Et je ne parle que d'une seule des sociétés de développement.

Comme l'a souligné le grand chef, des intervenants de partout au Yukon contribuent à l'économie du territoire. Bien que les autres témoins aient parlé du processus, je crois que tous réalisent également qu'un degré de certitude est nécessaire, car nous voulons tous une économie qui nous sert bien.

Selon nous — en nous appuyant sur notre expérience en tant que société et sur le fonctionnement du processus —, le processus d'évaluation actuel ne pose aucun problème majeur.

Le processus permanent, ça, c'est une autre chose, mais ce n'est pas le sujet d'aujourd'hui.

M. Leas : Je remercie le sénateur pour son commentaire. Comme l'ont souligné Brian et le grand chef, c'est un commentaire pertinent.

Aussi, il est important de souligner pourquoi la LEESY est si efficace au Yukon. Comme certains l'ont déjà dit, le processus lié à la LEESY a été créé au Yukon, mais il y a plus. Comment y sommes-nous parvenus?

Pendant plusieurs années, le Canada, le CPNY, les Premières Nations du Yukon et le gouvernement du Yukon ont collaboré, dans le cadre d'un groupe de travail tripartite en compagnie des conseillers législatifs du gouvernement, à l'élaboration de la LEESY et des règlements connexes. Lorsqu'on examine le processus utilisé pour élaborer les amendements proposés, c'est totalement différent. C'est la raison pour laquelle nous sommes très préoccupés. Nous avons mis en place quelque chose au Yukon de très efficace et efficient grâce à un processus tripartite qui s'est déroulé sur plusieurs années. Aujourd'hui, on propose des changements subtils qui, selon nous, auront de sérieuses répercussions.

Le sénateur Lang : Je vous remercie, monsieur MacDonald, pour ces commentaires au sujet de votre société de développement et de votre participation.

Je comprends également que vous portez beaucoup de chapeaux. Peut-être devrais-je adresser ma question au grand chef ou au président de la chambre des commerces des Premières Nations. Monsieur MacDonald, c'est vous le président.

Au début de mon intervention, j'ai parlé de la réussite de la LEESY. Au bénéfice des autres sénateurs, en 2012, des données ont été publiées selon lesquelles le nombre de membres des Premières Nations au sein de la population active avait augmenté de 41,4 p. 100, soit de 1 200 postes. C'est une excellente histoire de réussite pour le Yukon et le pays; c'est peut-être un exemple à suivre pour le reste du pays.

Nous avons parlé de la période de sept ans et de la consultation qui a eu lieu. Qu'on soit d'accord ou non avec divers articles de la loi, on peut soutenir qu'il y a eu des milliers d'heures de consultation. Toutes les parties concernées se sont entendues sur 73 des 76 amendements politiques et législatifs proposés. Donc, beaucoup de travail a été fait au cours des dernières années. Le dossier est maintenant abordé à l'échelle nationale. Un projet de loi a été déposé au Parlement. Ça ne se voit pas tous les jours.

Je crois que je vais adresser ma question à M. MacDonald. Même si vous êtes en désaccord avec certains articles proposés dans le projet de loi, êtes-vous d'accord que cette mesure législative constitue une mise à jour importante et qu'il est important qu'elle soit présentée au Parlement étant donné ce à quoi le Yukon est confronté, notamment le degré d'incertitude? Monsieur MacDonald, je fais référence à votre commentaire au sujet de la certitude.

La réalité, c'est que les investisseurs qui veulent investir au Yukon regardent d'un très mauvais œil le processus de délivrance de permis à la suite des expériences qu'ils ont vécues à ce chapitre. Monsieur MacDonald, j'aimerais obtenir vos commentaires à ce sujet.

M. MacDonald : Sincèrement, nous avons eu beaucoup de discussions de haut niveau avec beaucoup de sociétés différentes et aucune n'a exprimé de frustration quant au processus d'évaluation. Elles se sont dites frustrées par la relation entre les Premières Nations et le gouvernement et l'incertitude que tout cela crée, notamment le climat de litige qui semble percoler au Yukon.

La source du problème, c'est cette incertitude. Pour nous, les sociétés avec lesquelles nous avons discuté et les autres sociétés de développement, c'est la fin du processus qui inquiète.

Mais, pour revenir à votre question, la LEESY est efficace. À première vue, les amendements proposés à la suite de l'examen de sept ans semblent très utiles.

Selon le CPNY, la Première Nation de Little-Salmon/Carmacks et les Premières Nations de Champagne et de Aishihik, le principal problème, c'est les amendements unilatéraux proposés en parallèle à notre processus, celui auquel participaient les Premières Nations. À notre avis, les autres amendements proposés n'ont pas été bien évalués dans le cadre de ces discussions. Le processus a permis de trouver certains compromis. Il est vrai que les Premières Nations n'ont pas obtenu tout ce qu'elles voulaient, mais elles croient au principe du compromis et sont conscientes que tous les participants doivent pouvoir tirer quelque chose de ces processus.

Les amendements concernant la délégation et les politiques n'ont pas été présentés dans le cadre de ce processus. Il s'agit d'un problème fondamental pour les Premières Nations de Champagne et de Aishihik. Il n'y a eu aucune discussion approfondie sur ces questions, et c'est une des choses qui les inquiète.

M. Fairclough : Les amendements proposés dans le cadre de l'examen quinquennal ne posent pas problème. Ce sont les quatre dont j'ai parlé qui sont problématiques et qui n'ont pas fait l'objet de milliers d'heures de consultation. Dites- moi où il en est question, et vous réussirez peut-être à me faire changer d'avis. Mais il n'en est question nulle part.

Aussi, nos accords-cadres définitifs et la LEESY ont apporté un degré de certitude élevé à la collectivité du développement. C'est la raison pour laquelle le territoire du Yukon est en plein essor, à un point tel que les sociétés communiquent avec les Premières Nations afin de créer avec elle des relations.

Selon un des promoteurs de projets dans la région, les amendements proposés ont l'effet contraire. Ils créent de l'incertitude.

Dans quelle direction allons-nous? Les quatre principaux points que nous avons soulevés ont fait l'objet de très peu de discussions et je crois que le Sénat devrait sérieusement en tenir compte.

Si l'intention derrière les amendements proposés est de moderniser les articles concernés, alors très bien, concentrons-nous sur cet aspect. Mais il faut éviter de compromettre notre processus environnemental et les accords que nous avons conclus. Si l'intention est vraiment de mettre l'accent sur la mise en valeur afin d'améliorer le territoire, il y a peut-être d'autres façons de procéder. Mais, à mon avis, cette mesure législative ne convient pas.

Le sénateur Black : Merci d'avoir accepté notre invitation et merci beaucoup pour vos exposés très informatifs et honnêtes.

Vous devez savoir que tous les gens autour de cette table comprennent et respectent l'obligation de consulter et les avantages de ce processus. C'est ce que j'aimerais que tous ici comprennent.

Aux pages 6, 7, 11 et 14 de votre exposé, vous faites de sérieuses allégations. Vous dites que, selon vous, vous n'avez pas été consultés ou pas suffisamment. C'est ce que j'ai entendu.

D'autres prétendent qu'en réalité, entre avril 2013 et juin 2014, votre organisation a participé à 10 rencontres. Je dis « votre organisation », car j'ignore exactement qui y a participé. C'est peut-être quelqu'un de la fédération-cadre.

Ce sont les faits qui nous ont été transmis. Pourriez-vous me dire si c'est exact?

Mme Massie : Même si nous avons été consultés à plusieurs reprises, nos recommandations ont été très rarement retenues. Il faut savoir qu'il s'agit d'un processus tripartite; on se réunit et on discute. Nous ne nous opposons pas l'un à l'autre. Nous voulons que les choses fonctionnent.

Le sénateur Black : Bien entendu.

Mme Massie : Nous voulons offrir un degré de certitude aux industries qui veulent investir chez nous ou aux autres gouvernements. Nous voulons également faire partie intégrante de la gouvernance globale du Yukon, car, sur le plan juridique, il existe 17 ordres de gouvernement au Yukon.

Le sénateur Black : Ça me semble cauchemardesque.

Mme Massie : Parfois, la coordination est facile; tout dépend du sujet. D'autres fois, même si on nous rencontre, l'obligation de consulter n'est pas respectée. Dans ce cas, quel est le but de l'exercice?

Le sénateur Black : Je retiens deux choses de ce que vous dites. D'abord, je vous remercie de votre ouverture. Ce que vous venez de dire, c'est que vous avez été consultés; vous n'êtes simplement pas satisfaite du résultat.

Mme Massie : Il n'y a eu aucun résultat. Dans le cadre de discussions tripartites, il devrait être possible de conclure un accord. N'importe qui peut être consulté et exprimer son opinion, mais comment faire pour bâtir une bonne relation dans un environnement de travail ou de gouvernance? Il a fallu plusieurs années de discussions avant de conclure les ACD.

Le sénateur Black : Je comprends ce que vous dites, mais certains diront — et j'ignore si quelqu'un autour de cette table dirait cela — que la consultation n'est efficace que si l'on obtient ce que l'on veut. Êtes-vous d'accord?

Mme Massie : Non. Il faut parfois faire des compromis, mais au bout du compte, il s'agit d'un accord de volonté, n'est-ce pas?

Le sénateur Black : D'accord. C'est très bien.

Mme Massie : Toutes les parties concernées doivent être satisfaites du résultat.

Le sénateur Black : Merci beaucoup. Merci à vous tous.

Le sénateur Mitchell : Merci à vous tous. Je suis très impressionné; vous avez dit 25 minutes et nous y sommes exactement. Je suis convaincu que le président me surveille attentivement pour voir combien de temps je vais prendre. J'irai donc droit au but.

J'aimerais aborder le pouvoir du ministre. Je ne vis pas les mêmes choses que vous et je n'habite pas la même région, mais je comprends très bien votre préoccupation selon laquelle le ministre pourrait outrepasser vos droits issus de traités et vos droits traditionnels. Mais, n'a-t-il pas déjà ce pouvoir? Oui. Ce n'est pas comme si ce projet de loi aggravait la situation. Je ne suis pas un avocat, mais il me semble que rien ici n'empêcherait un changement dans la structure de pouvoir. Essentiellement, cet amendement signifie qu'à un certain moment, les gouvernements autochtones et des territoires... Plus précisément, les territoires deviendraient des provinces et le ministre n'aurait plus ce pouvoir.

Je comprends ce que vous dites. Ma question est la suivante : le projet de loi S-6 aggrave-t-il la situation? Selon moi, non.

M. Leas : Je vais répondre rapidement à votre question, sénateur. Vous avez raison. En vertu de la loi, le ministre a certains pouvoirs ainsi que certaines obligations et fonctions. Le problème que nous avons avec cet amendement qui permet au ministre de déléguer son pouvoir uniquement au ministre territorial, et non aux Premières Nations — l'amendement dit clairement que le pouvoir peut être délégué à un ministre territorial et non à une Première Nation autonome —, c'est que dans le cadre de l'élaboration de ce projet de loi, les parties concernées ont convenu que le ministre aurait ce pouvoir. En vertu de la LEESY, c'est ainsi que s'établirait la relation entre les parties de façon à ce que lors du transfert des pouvoirs, les organismes de réglementation n'aient pas ce pouvoir. Le ministre fédéral assurerait une certaine surveillance.

Il est troublant de constater que cette relation pourrait être modifiée unilatéralement ou bilatéralement par le gouvernement du Yukon et le gouvernement fédéral. D'ailleurs, si l'amendement disait, par exemple, que toutes les parties doivent consentir à ce que les pouvoirs soient délégués entre les Premières Nations du Yukon, le gouvernement fédéral et le gouvernement territorial, je crois qu'il ne poserait aucun problème. Le fait que deux des parties aient ce pouvoir et que nous soyons exclus de cette relation en évolution est problématique.

Le sénateur Mitchell : J'aimerais maintenant aborder la question du processus d'évaluation environnementale. Le chef Fairclough a dit avoir quelques préoccupations à cet égard. Cette mesure législative propose au moins une amélioration au processus d'évaluation environnementale en ce sens qu'elle redéfinit la question des effets cumulatifs. Donc, ce ne sont plus uniquement les projets terminés ou en cours qui feront l'objet d'une évaluation; les projets proposés également. Est-ce que cela vous rassure? Du point de vue environnemental, les effets cumulatifs ne sont pas pris en considération comme ils le devraient.

M. Fairclough : Oui, ça nous rassure quelque peu, notamment dans les régions durement touchées. C'est ce que nous demandions sur mon territoire traditionnel... Bien entendu, n'est-ce pas? Ce qui nous inquiète, c'est que, si cet amendement est adopté, le ministre pourrait décider quel projet doit faire l'objet d'une évaluation environnementale. Il n'aurait qu'à nous informer de sa décision. Nous n'aurions rien à dire. Il s'agit d'un élément important pour nous.

Le territoire du Yukon est assez vaste, mais peu peuplé. Ce sont les petites collectivités et les Premières Nations qui surveillent la situation. Nous évaluons les effets durables possibles pour nous, et c'est ce qui nous tient à cœur. Malheureusement, selon moi, le gouvernement territorial ne partage pas nos intérêts. D'ailleurs, il en a déjà fait la démonstration.

La sénatrice Seidman : Il ne fait aucun doute que nous prenons très au sérieux tout ce que vous dites.

Chef Massie, dans votre exposé, vous avez dit que, selon vous, l'examen quinquennal n'a pas été complété et que l'obligation de consulter n'a pas été respectée. Vous avez dit également que trois questions sont toujours sans réponse. J'aimerais savoir quels ont été les compromis acceptés et pourquoi, selon vous, l'examen quinquennal n'a pas été complété.

Mme Massie : Dans le cadre du processus d'examen quinquennal, et les parties se sont réunies pour procéder à l'examen. Cet examen détaillé s'est déroulé sur une période d'environ deux ans et demi. Si je ne m'abuse, 76 amendements ont été proposés. Certains ne concernaient que du langage et ont donc été rapidement acceptés. Environ 60 des recommandations ont rapidement fait l'objet d'une résolution. M. McCrank a ensuite publié son rapport et les responsables se sont de nouveau réunis pour discuter des recommandations restantes. La plupart ont été acceptées.

La recommandation sur la tenue d'autres examens de la LEESY a été rejetée. La LEESY a-t-elle besoin d'être améliorée? Qu'est-ce qui fonctionne, et qu'est-ce qui ne fonctionne pas? C'était le but de l'examen. D'ailleurs, il s'agissait d'un examen législatif. Nous avons demandé à ce que d'autres examens aient lieu, mais cette recommandation a été rejetée. Nous sommes revenus à la charge disant que ces examens étaient nécessaires, car les choses évoluent, comme la loi environnementale dont il est question aujourd'hui. L'examen ne servait qu'à analyser ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas. Le manque d'examens futurs est une chose qui ne fonctionne pas. Cette recommandation a été rejetée. Est-ce la dernière fois que cette loi environnementale sera modifiée, cette loi qui exclut la participation des Premières Nations du Yukon?

De plus, les Premières Nations participent au processus d'évaluation environnementale. Elles ont dépensé des millions de dollars dans l'examen des demandes; chaque mois, des centaines de demandes doivent être analysées. Les Premières Nations ont dû dépenser beaucoup d'argent pour participer à ce processus et respecter leurs obligations. Certaines n'ont pas cette capacité. C'est dans ce genre de situation que le CPNY intervient.

Certains projets sont très complexes. Par conséquent, on doit faire appel à des experts pour s'en occuper. Certains de ces projets ont trait à des industries tout à fait nouvelles dans lesquelles nous n'avons jamais joué un rôle. Compte tenu de ce qui est proposé, nous serons totalement exclus du processus décisionnel. Il y a tellement d'ordres du gouvernement au Yukon, en particulier lorsqu'il s'agit d'approuver les accords-cadres dans lesquels les membres de nos Premières Nations ont leur mot à dire. Il est approprié qu'ils participent à la fin du processus décisionnel.

Nous nous efforçons d'établir de bonnes relations de travail au Yukon. Je ne crois pas que les trois parties qui ont signé nos accords-cadres devraient pouvoir choisir les jours où ils souhaitent entretenir une bonne relation. Nous n'avons pas eu une bonne expérience de travail avec le gouvernement du Yukon.

La sénatrice Seidman : Compte tenu des changements apportés à la LCEE de 2012, dans quelle mesure, selon vous, le contenu du produit final apportait-il un certain degré d'uniformité dans toutes les régions, toutes les provinces et tous les territoires, donc à l'échelle nationale?

Mme Massie : Parce que la LEESY comporte des accords-cadres et que nous nous efforçons d'établir une relation tripartite, je pense que sa création — il a été mentionné qu'elle avait été créée au Yukon à l'intention du Yukon — revêt une grande importance pour notre région, car elle tient compte de notre région.

La LCEE était mise en œuvre à l'extérieur de notre région, ce qui signifiait qu'il fallait constamment être à Ottawa pour obtenir les preuves requises. La LEESY a, en fait, transféré le processus de réglementation dans notre région.

La sénatrice Seidman : Croyez-vous que l'uniformité à l'échelle territoriale et nationale apporte une certitude et une valeur?

Mme Massie : Je suis certain que nos techniciens et nos négociateurs avaient suivi les grandes lignes de la LCEE, mais je crois que le résultat est uniforme.

Le sénateur Patterson : Je tenais simplement à dire que nous, les habitants du Nunavut, cherchons toujours à obtenir que le gouvernement fédéral nous transfère les pouvoirs en matière de gestion des terres et des ressources du Nunavut. Nous voyons le Yukon comme un phare qui nous indique la voie à suivre, et il est très impressionnant, selon moi, d'entendre tous les gens assis à la table décrire les progrès économiques réalisés au Yukon.

Toutefois, depuis que la LEESY a été établie il y a 11 ans de cela, des changements ont eu lieu. L'étude McCrank a recommandé une réforme de la réglementation des trois territoires. La LCEE a été modifiée. Comme le chef Fairclough l'a indiqué, je pense que la mesure législative tente d'actualiser les dispositions et d'améliorer les choses.

J'aimerais reprendre encore une fois les propos de la sénatrice Seidman. En raison de l'existence d'un marché mondial, nous rivalisons non seulement avec les autres provinces et territoires du Canada, mais aussi avec les pays du monde entier pour obtenir des investissements. Il me semble que les trois changements qui vous préoccupent, à savoir la délégation de pouvoirs par le ministre, les délais et la capacité de prolonger un permis si aucun changement important n'est apporté, sont des mesures qui sont déjà en place partout au Canada, notamment dans le nouveau régime de transfert des responsabilités aux Territoires du Nord-Ouest qui vient juste d'être établi et au Nunavut. Trois membres du conseil de la LEESY vous représentent. Vous avez plus de représentants au sein du conseil que chacun des deux gouvernements. Vous aurez amplement voix au chapitre lorsque le temps viendra d'administrer tout changement découlant de ces amendements.

Je suis curieux de savoir la raison pour laquelle vous vous opposez à ces articles alors qu'en leur absence, votre régime serait discordant par rapport à ceux des autres provinces et territoires et rendrait peut-être le Yukon moins attrayant pour les investisseurs qu'il l'était jusqu'à maintenant.

Mme Jim : Je vais formuler des observations à ce sujet. Les Premières Nations autonomes Champagne et Aishihik ont négocié un accord avec le Canada, et cet accord est administré ici. La mesure législative a été adoptée par le Parlement. C'est une situation différente de celle de toute autre administration, mis à part les autres Premières Nations autonomes du Canada, dont certaines se trouvent dans les Territoires du Nord-Ouest et en Colombie-Britannique. C'est une situation différente qui rend le processus différent.

Nous avons établi un partenariat, faute d'un meilleur terme, et nous avons recours à un processus tripartite. Ces accords indiquent très clairement que le Canada est obligé de respecter ce traité, et ce traité est purement et simplement à l'origine de la LEESY. Le traité n'a pas donné naissance à la LCEE ou à quoi que ce soit d'autre à Winnipeg, en Ontario ou en Colombie-Britannique. Il a créé la LEESY dans le territoire du Yukon, et voilà ce qui nous préoccupe. En tant que Première Nation autonome, le projet de loi dont nous sommes saisis aujourd'hui nous intéresse, car nous souhaitons faire connaître notre point de vue à son sujet. Donc, ce qui nous préoccupe à propos des changements que le projet de loi et ses amendements apportent, ce sont les compromis ou, si vous voulez, le manque de compromis auxquels le gouvernement consent.

Le sénateur Patterson : Comme le sénateur Massicotte l'a indiqué, j'espère que les termes fermes de l'article 4, selon lesquels l'accord-cadre — qui est protégé par la Constitution, soit la protection la plus importante qui peut être accordée à une loi nationale — prévaudra en cas d'incohérence, vous donneront un peu l'assurance que tous les aspects de votre accord seront respectés dans les années à venir.

J'aimerais vous poser une autre question à propos d'une autre facette que je ne comprends pas tout à fait. Au Nunavut, nous cherchons — et je ne dirai pas que nous avons du mal — à couper le cordon ombilical, à détenir des pouvoirs sur nos terres et les ressources près de chez nous et à les retirer au gouvernement fédéral. Les conseils de cogestion accordent aux Inuits de grands pouvoirs, mais le gouvernement territorial est assujetti au gouvernement fédéral. La situation au Yukon est différente, et nous considérons que c'est là la direction que nous voulons prendre.

Cependant, je suis vraiment perplexe. Je vous entends dire que des « différends » — je pense que c'est le terme que vous avez employé — vous opposent au gouvernement territorial actuel. Ce gouvernement pourrait bien changer et vous, par l'entremise de vos membres, aurez bien entendu votre mot à dire dans ce changement. Cela étant dit, le principe qui sous-tend ce qu'un membre de votre délégation a appelé un processus purement yukonnais, le principe qui vous permet de prendre des décisions plus près de chez vous, n'est-il pas beaucoup plus important que la façon dont vous vous entendez avec le gouvernement territorial actuel? Au Nunavut, nous avons du mal à gérer le fait que notre territoire est administré à distance depuis Ottawa. N'est-il pas préférable que les décisions soient prises plus près de chez vous, plutôt que par un gouvernement éloigné établi à Ottawa qui est moins susceptible de rendre des comptes? Pour vous le dire crûment, ce danger vous le connaissez et vous contribuez à l'élire et à le changer.

Donc, à mon avis, la disposition qui permet au ministre de déléguer ses pouvoirs à un ministre territorial devrait être la bienvenue. Je ne comprends pas pourquoi vous ne souhaiteriez pas que le pouvoir d'élaborer des politiques soit détenu par quelqu'un près de chez vous, qui fait partie de vos compatriotes yukonnais. Je vous entends dire que ces pouvoirs n'ont pas été accordés aux Premières Nations, mais on fera plus que vous avertir. Je crois comprendre que la disposition indique que les orientations politiques seront suivies seulement après avoir consulté le conseil. Pouvez-vous m'expliquer pourquoi cela ne représente pas une amélioration?

M. Leas : Je vais formuler quelques observations, sénateur.

D'emblée, il est important de signaler que cet enjeu n'est pas d'ordre politique; cela n'a rien à voir avec la question de savoir si nous tombons d'accord ou non avec le gouvernement actuel du Yukon ou tout autre processus. C'est une question ayant trait au processus qui revêt une grande importance pour nous.

Le Conseil de Premières Nations du Yukon a appuyé le transfert des responsabilités en 2003. Une longue période de négociations a eu lieu. Au début de cette période, soit en 1996, le gouvernement du Yukon et le gouvernement fédéral soutenaient qu'il s'agissait d'un processus bilatéral, et les Premières Nations n'y participaient pas sinon pour recevoir des avis ou être consultées. Nous ne prenions pas pleinement part au processus. Au cours des discussions concernant ce processus, nous avons finalement obtenu le statut de partie et signé l'accord, et la même chose est survenue dans le cadre du processus lié à la LEESY. En même temps, un processus tripartite a été élaboré.

Je ne crois nullement que les Premières Nations s'élèvent contre la notion de transfert des responsabilités, de processus décisionnel local et de reddition de comptes locale. L'argument que nous tentons de faire valoir très clairement est que, si des décisions doivent être prises, nous devons participer à la prise de décisions. Il ne peut pas s'agir d'une décision bilatérale prise par le gouvernement fédéral et le gouvernement territorial. Ces politiques et ces processus ont disparu il y a des dizaines d'années. Nous entretenons une nouvelle relation avec les gouvernements, tant celui d'Ottawa que celui de Whitehorse, et cette relation est fondée sur les accords sur les revendications territoriales; elle découle de ces accords et, par conséquent, nous devons prendre part à ces discussions. C'est la nature de la gouvernance au Yukon en 2014. C'est la raison pour laquelle nous sommes ici aujourd'hui. Nous sommes ici pour vous dire que ces décisions concernant la délégation des pouvoirs ne peuvent pas être prises simplement par le gouvernement fédéral et le gouvernement territorial, et que ces gouvernements ne peuvent pas simplement nous aviser de ces décisions. Nous devons participer à cette discussion.

Le sénateur Patterson : Une préoccupation a été soulevée à propos du dialogue entre l'organisme décisionnaire et les Premières Nations du Yukon qui sont touchées par les décisions. À la page 6 de votre exposé, il est indiqué qu'avant que soit prise la décision finale qui pourrait toucher une Première Nation, un dialogue doit être engagé avec cette Première Nation du Yukon. Je suis curieux à ce sujet parce que j'aurais cru que le processus de réglementation ayant mené à la décision aurait permis à la Première Nation touchée de prendre pleinement part au processus, quelle que soit la décision à prendre — que la Première Nation touchée aurait déjà eu l'occasion de dialoguer dans le cadre du processus de réglementation. Pourquoi souhaiteriez-vous ajouter une autre étape finale qui pourrait occasionner d'autres retards alors que vous devriez déjà avoir participé tout au long du processus?

Mme Massie : Je pense que, dans certains cas, notre participation accélérerait les projets au lieu de les retarder. Le processus actuel consiste à nous aviser, puis à nous donner l'occasion de formuler des observations. Lorsque vous faites face à des centaines de demandes, vous êtes forcé de les examiner une à la fois. Donc, ne serait-il pas préférable d'être à la table des négociations pendant que toutes les discussions ont lieu, au lieu de déplacer les discussions d'une salle à l'autre? Si l'examen de la demande nécessite la participation de toutes les parties, la Première Nation devrait prendre part au processus.

De plus, certains de ces projets se déroulent sur les territoires traditionnels ou sur les terres visées par les traités négociés par les Premières Nations autonomes. Selon la loi et selon les accords conclus, les Premières Nations devraient participer au processus.

Plus tôt, quelqu'un a fait allusion à des milliers d'heures de consultation. Lorsque des personnes se réunissent et échangent des renseignements, s'agit-il d'une consultation?

Le président : Merci. Vous aurez tous remarqué que nous avons dépassé le temps qui nous était imparti. J'ai retiré du temps à la prochaine personne qui fera un exposé. Le sénateur Wallace est le dernier intervenant.

Le sénateur Wallace : Grand chef Massie, revenons sur la question de la consultation. J'ai écouté attentivement les préoccupations que vous avez exprimées aux sénateurs Patterson et Black, en particulier. À un moment donné vous avez répondu au sénateur Black en disant : « Oui, des consultations ont eu lieu, mais toutes les parties assises à la table ne se sont pas tombées d'accord ». Je suis frappé par le fait que cela se produit parfois; il est difficile d'obtenir l'accord de tous à propos de chaque question.

Revenons au projet de loi S-6, d'après l'exposé du ministre Valcourt, je crois comprendre que toutes les parties ont été longuement consultées, y compris les Premières Nations, avant la rédaction de la version finale du projet de loi S-6; que, dans le cadre de ce processus, de nombreuses ébauches du projet de loi ont été distribuées aux diverses parties, dont les Premières Nations; et qu'à la demande particulière des Premières Nations du Yukon, la version finale du projet de loi a fait l'objet de rajustements et de compromis. Cela nous a donné l'impression que les préoccupations des Premières Nations avaient été cernées dans le cadre du processus.

Est-ce que toutes les dispositions ont été approuvées par tous? Je ne crois pas que le ministre nous a donné cette impression, mais je me demande si j'ai décrit ce qui s'était passé correctement. Les Premières Nations ont-elles constaté qu'au moins, certains des enjeux avaient fait l'objet de compromis dans la version finale du projet de loi S-6?

Mme Massie : Je pourrais demander à certains de nos techniciens de répondre à ces questions, ils en ont discuté pendant leurs réunions.

M. Leas : Le terme « consultation » ne signifie pas « vous devez être de notre avis ». Manifestement, les tribunaux ont indiqué que lorsque le gouvernement fédéral prend des décisions qui ont une incidence sur nos droits issus des traités, il a l'obligation de nous consulter, de nous écouter, d'entendre nos points de vue puis de prendre des mesures qui tiennent compte des préoccupations que nous avons soulevées.

Comme le grand chef l'a indiqué, il y a une différence fondamentale. Il est vrai que l'on nous a fourni les versions préliminaires et que les fonctionnaires du gouvernement fédéral nous ont rencontrés, à notre demande, pour expliquer les dispositions, mais il n'y a jamais eu de dialogue visant l'adoption d'un libellé qui tient compte de nos préoccupations. À mon avis, c'est fondamentalement sur cet aspect qu'il y a des lacunes. Se présenter et fournir des informations et des précisions ne suffit pas; nous cherchons des actions prises de bonne foi pour prendre en compte nos préoccupations.

Voilà les préoccupations que nous avons soulevées par écrit auprès du bureau du ministre fédéral ces deux ou trois dernières années concernant ces questions précises.

Inversement, avec les cinq modifications découlant de l'examen quinquennal, c'était clair. Nous avons eu beaucoup de discussions, ce qui explique pourquoi le processus a été si long. Il y avait des recommandations. Dans la plupart des cas, à l'exception des trois points que nous avons soulevés, nous étions satisfaits. Cela n'a jamais été le cas des quatre enjeux qui ont été soulevés aujourd'hui.

Le sénateur Wallace : Vous dites que les accommodements ou le processus de consultation ne visaient pas seulement à transmettre l'information. Cela me porte à croire que c'est tout ce qui a été accompli. Nous devrons peut-être faire un suivi à cet égard, mais d'après ce que j'ai compris de l'exposé du ministre, les Premières Nations du Yukon ont demandé des accommodements précis qui ont été satisfaits. Donc, les échanges ne visaient pas seulement à transmettre des renseignements, mais à régler des problèmes précis. Nous ferons un suivi à cet égard.

M. Leas : Pour certains enjeux — sans doute ceux dont nous n'avons pas parlé aujourd'hui —, nous sommes satisfaits. Cependant, en ce qui concerne les quatre enjeux dont nous avons parlé dans notre exposé d'aujourd'hui, nous sommes très troublés de constater qu'aucun accommodement n'a été fait pour répondre à nos préoccupations.

Roger Brown, gestionnaire de l'environnement et des ressources naturelles, Premières Nations de Champagne et d'Aishihik : En ce qui concerne les accommodements, il est très important d'y donner suite et d'examiner le bilan à cet égard.

Permettez-moi simplement de vous donner un exemple. À mon avis, les témoignages de certains témoins qui ont comparu devant le comité précédemment voulant qu'il y ait eu des accommodements sont trompeurs; d'autres étaient inexacts ou ne contenaient pas les bonnes informations. Par exemple, un des témoins que vous avez entendus a décrit l'évaluation des effets cumulatifs demandée par une des Premières Nations comme étant une disposition probable. Eh bien, cette question a en fait été discutée lors de l'examen quinquennal et nous nous étions tous entendus sur la question. Il n'en demeure pas moins que cela ne figurait pas dans une version antérieure de l'avant-projet de loi. Donc, les Premières Nations présentes à la réunion ont voulu savoir ce qu'il en était de cet aspect, car il y avait eu une entente à cet égard lors de l'examen quinquennal. Il s'agissait simplement d'aviser les rédacteurs que quelqu'un devait avoir omis une disposition sur laquelle nous nous étions entendus.

En ce qui concerne un autre enjeu, celui du renouvellement des projets, il y a l'idée selon laquelle une deuxième évaluation n'est pas exigée. Dans les versions antérieures de l'avant-projet de loi, on laissait entendre que cela pourrait être réglé par l'intermédiaire d'un pouvoir de réglementation en vertu de l'article 122 de la loi. Ensuite, cela a évolué; on a dit qu'il y aurait simplement une importante disposition législative générale qui empêcherait qu'une nouvelle évaluation soit exigée, sauf à la demande d'un important organisme décisionnel. En fait, nous demandons même le retrait de ce pouvoir de réglementation parce qu'une solution a déjà été trouvée dans le cadre de l'examen quinquennal, soit le règlement de ces questions par l'intermédiaire d'un processus de détermination de la portée. Donc, nous sommes très surpris de voir où nous en sommes aujourd'hui.

Le président : Grand chef Massie, chef Fairclough et madame Mary Jane Jim, merci.

Je tiens à souligner, aux fins du compte rendu, que je me suis permis de prendre 20 minutes du temps réservé au prochain témoin comité pour permettre à tous les membres de cet important groupe de faire leurs exposés. Je suis certain que vous en êtes reconnaissants, comme je suis certain que le prochain témoin comprendra l'importance de ces minutes supplémentaires pour vous. Merci beaucoup. Je vous en suis reconnaissant.

Le sénateur Massicotte : Je tiens simplement à vous dire que nous avons bien compris votre message. Comme je suis optimiste de nature, je dois dire que j'ai entendu une information positive de votre part. Lorsque vous avez parlé de délégation, vous avez indiqué que vous avez eu des problèmes avec le gouvernement provincial, mais que vous faites confiance au gouvernement fédéral. C'était très agréable de vous l'entendre dire.

Le président : Bienvenue à cette deuxième partie de la réunion du Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles. Nous poursuivons notre étude du projet de loi S-6, la Loi sur l'amélioration de la réglementation au Yukon et au Nunavut.

Pour la deuxième partie, nous avons le plaisir d'accueillir M. David Morrison, qui est président et chef de la direction de la Yukon Energy Corporation.

Monsieur Morrison, je sais que vous venez aussi de loin. Je tiens à vous remercier d'avoir donné une partie du temps qui vous était réservé au groupe précédent. Je vous en suis très reconnaissant. La parole est à vous.

David Morrison, président et chef de la direction, Société d'énergie du Yukon : Je vous remercie de me donner l'occasion de venir parler des modifications à la LEESY, comme je les appelle. Je n'ai pas une longue série de remarques préliminaires, mais je pense avoir des points importants à présenter.

Nous ne parlerons pas — du moins je l'espère — des enjeux discutés avec le groupe précédent. Ce ne sont pas les miens. Aujourd'hui, je suis ici pour dire que la Société d'énergie du Yukon a probablement fait l'objet de plus d'examens préalables de la LEESY que n'importe qui d'autre. Nous sommes donc bien au fait de ces questions. Nous voulons parler des aspects pratiques du processus et de l'incidence de bon nombre de ces modifications sur l'amélioration du processus.

Nous avons fait l'objet de trois examens préalables du comité de direction, ce qui est deux de plus que n'importe qui d'autre, je suppose. Nous avons fait l'objet de 33 examens préalables d'un bureau désigné et 39 examens du processus de la LEESY.

Les délais sont d'une importance capitale. Pour aider le comité à comprendre cet aspect, je vais prendre une minute pour vous expliquer le fonctionnement des projets. Les projets n'évoluent pas au rythme des délais des autres. Pour construire quelque chose, tout se déroule en fonction d'un ensemble de processus plutôt logiques. Il y a d'abord la planification; ensuite, il y a les études environnementales de référence et les études techniques préliminaires. Puis, les projets commencent à progresser. Cette progression ne se fait pas lorsque tous les détails sont fixés et réglés. Ils progressent au fil du temps, à mi-parcours, et font ensuite l'objet de processus d'examen. Avoir des processus d'examen dont les délais ne sont pas clairement définis — avec exactitude — complique beaucoup la tâche des gens qui investissent des millions, voire des centaines de millions de dollars.

Au cours des cinq dernières années, nous avons consacré plus de 250 millions de dollars dans la mise en oeuvre de projets, ce qui est plus que n'importe qui d'autre au Yukon, à l'exception du gouvernement. Je pense qu'on pourrait presque dire que nous sommes le gouvernement; nous sommes à tout le moins une société d'État. À ce titre, nous avons l'habitude de la réglementation. Nous y sommes assujettis en tout temps. Nous avons l'habitude d'une réglementation fondée sur des cadres opérationnels très clairs, bien définis et bien énoncés. Je dirais que même si la LEESY a évolué et qu'on y a apporté des améliorations depuis son entrée en vigueur, il reste du travail à faire. Je pense que certaines des modifications dont il est question ici seront très utiles à cet égard.

Même si j'ai écouté le débat sur le fonctionnement et la pertinence de la disposition sur les instructions générales, j'aimerais vous dire pourquoi j'estime qu'il s'agit d'une disposition très importante. On ne peut avoir une entité orpheline qui ne peut recevoir d'instructions de personne. Lorsque l'on veut orienter un organisme, une entité, un organisme de réglementation d'évaluation comme la LEESY, on ne peut pas toujours être obligé de demander à une assemblée législative de modifier la loi lorsqu'il s'agit simplement de trouver des façons pratiques d'améliorer un processus d'évaluation ou de réglementation.

Je souscris au point de vue du sénateur Patterson voulant qu'il soit préférable que la réglementation émane d'une entité qui est plus proche de nous que d'une entité éloignée, mais pour ce qui est de la disposition sur les instructions générales, je ne veux pas jeter le bébé avec l'eau du bain. Je pense qu'il est important qu'un organisme en évolution ait un guide; quelqu'un doit en avoir la responsabilité et doit disposer du pouvoir d'établir des politiques, des orientations et des cadres à cet égard. Il est essentiel que des organismes comme la LEESY — que je place dans ce groupe d'organismes de réglementation — puissent compter sur cette uniformité, cette équité et cette transparence. Il est possible de faire mieux, car les organismes, les économies, les provinces et les territoires croissent et évoluent au fil du temps; il faut quelqu'un pour les orienter.

Sans vouloir m'éterniser là-dessus, mon expérience, au fil des ans... Je suis dans le domaine depuis longtemps. Ces cheveux gris ne sont pas seulement attribuables au stress, mais aussi à l'âge et à l'expérience. Nous pouvons nous quereller pour des subtilités ou nous pouvons, à mon avis, examiner les aspects pratiques et chercher à construire des choses et à les améliorer.

Avant de vous donner des exemples de situations qui posent problème, j'aimerais aborder deux ou trois autres points. À mon avis, la pertinence est peut-être l'aspect le plus important dont on devrait s'occuper par rapport à la façon dont c'est défini et au fait que cela doit être défini clairement. Bien que les délais soient les bienvenus et bien qu'ils définissent réellement, selon moi, l'enjeu plus grand qu'est la réduction des délais des examens du comité de direction et du bureau désigné, je ne crois pas pour autant qu'ils aient été assez réduits, parce que l'on accorde toujours beaucoup de temps pour franchir les étapes d'un processus. Ce processus est interrompu et repris maintes fois, et il se termine bien au-delà des 16 mois. Certes, je comprends qu'il faut intégrer une certaine latitude, mais actuellement, cette latitude est illimitée. Il n'y a pas de limites, et il en faut. Toutes ces choses doivent être clairement définies pour toutes les parties, parce que lorsqu'on commence quelque chose en pensant que c'est la chose à faire et qu'on apprend ensuite que cela ne convient pas, c'est de l'ésotérisme. Cela ne rend pas le processus limpide. Lorsqu'on dépense des dizaines ou des centaines de millions de dollars, il faut connaître les règles du jeu, et ces règles doivent être claires et uniformes.

Comme je l'ai indiqué, les délais sont importants, mais l'uniformité du processus est essentielle. Pour ce qui est des délais, j'aimerais voir dans ce processus une grille qui me donnerait une idée de la façon dont on passe d'une étape à l'autre plutôt que d'avoir seulement le délai de 16 mois pour l'examen du comité de direction ou celui de 9 mois pour l'examen de l'organisme décisionnel.

À titre d'exemple, passer de la présentation d'une ébauche du rapport d'examen préalable à celle d'un rapport final devrait être un processus assez simple et assez rapide. Vous avez fait tout le travail. Vous avez entendu tous les commentaires. Vos consultants et experts ont étudié le dossier et vous avez rédigé une ébauche du rapport d'examen préalable.

Pour nos projets de GNL, qui viennent de franchir le processus de la LEESY, il a fallu 82 jours pour passer de l'étape de l'ébauche du rapport d'examen préalable à celle du rapport final. Je ne sais pas ce qu'il en est, mais comment cela peut-il prendre 82 jours? On parle de 30 jours pour obtenir les commentaires du public et 52 jours supplémentaires pour rédiger un rapport qui l'est déjà. C'est trop long, et je ne sais pas ce qui se passe entretemps.

Pour passer de l'étape de l'ébauche du rapport d'examen préalable à celle du rapport final, il a fallu 62 jours pour le projet Mayo B et 76 jours pour le projet Carmacks-Stewart. Soixante-seize jours pour un projet de ligne de transmission. Il n'y aura aucun poteau dans un plan d'eau, où que ce soit, il n'y a aucun problème; le trajet suit essentiellement l'autoroute.

Il faut tenir compte de la nature des projets. Je comprends qu'on puisse avoir besoin de 16 mois pour certains grands projets qui ont une empreinte environnementale considérable, mais j'aimerais que l'on tienne compte des projets plus modestes ayant des effets moins importants. Il existe peut-être un processus plus simple en ce qui concerne ces délais.

Je ne voulais pas faire de commentaire à ce sujet — je n'en avais pas l'intention —, mais il me reste deux derniers points. Ensuite, je céderai la parole aux sénateurs.

Le sénateur Patterson — ou le sénateur Mitchell — a parlé de la possibilité d'ajouter à cet enjeu la question des effets cumulatifs. Je tiens à faire une mise en garde à cet égard. Je dirais qu'il s'agit probablement d'un très bon exemple de quelque chose qui doit être défini adéquatement et clairement, tant du point de vue de la partie intéressée que de celui de l'organisme d'évaluation.

Nous avons construit une ligne de transmission. Je vais utiliser cela comme exemple, même les effets cumulatifs n'ont pas été pris en compte avec autant d'importance que ce dont vous parlez. Voici ce qui a été dit — parce qu'il en a été question — pour les effets cumulatifs d'une ligne de transmission : « Eh bien, cela pave la voie au développement de la région. Nous devons évaluer cela. »

Je vous demande de bien vouloir m'expliquer comment on peut l'évaluer, parce qu'il n'y a pas de développement économique. Comment peut-on savoir ce qui va se passer? Combien de temps faudra-t-il, selon vous? Quand est-ce que cela va se produire?

Je pense qu'il convient d'ajouter ces choses, et je suis un ardent défenseur des processus de réglementation. Toutefois, il faut être en mesure de définir clairement et de bien gérer ces processus afin d'éviter de lancer de grandes interrogations et ainsi entraîner des retards supplémentaires et des disparités au sujet de la définition des effets cumulatifs.

En ce qui concerne le processus de la LEESY, nous avons eu de bonnes et de mauvaises expériences. L'un des problèmes portait sur... Je ne me souviens pas de la phrase, mais il s'agissait d'essayer d'uniformiser les processus plutôt que de les dédoubler. Je vais vous donner deux exemples. L'un concerne le projet Mayo B, notre projet hydroélectrique, et l'autre, le projet de GNL que nous venons de construire.

Comme dans toutes les provinces, à l'exception de la Saskatchewan, nous sommes assujettis à la réglementation d'un organisme de réglementation économique — la commission des services publics — pour nos projets et toutes nos activités. C'est un organisme de réglementation économique. Dans le cadre de la LEESY, on fait toujours appel à cet organisme pour les questions suivantes : le projet est-il économique? S'agit-il du meilleur choix parmi les solutions étudiées?

Lors de la dernière audience, pendant la période entre la présentation de l'ébauche du rapport d'examen préalable à celle du rapport final, ces gens ont décidé à la dernière minute de demander une analyse économique du projet. Nous venions de terminer un processus avec la commission des services publics, ce qui avait pris trois ou quatre mois. C'était un processus exhaustif; il y avait quelque 600 questions écrites. Puis, les gens de la LEESY décident de demander un autre avis, selon leur point de vue, auprès d'une personne qui a travaillé des semaines, si ce n'est pas un mois, pour enfin revenir et dire qu'il ne le savait pas parce qu'il n'a jamais vu le rapport.

La même chose, mais de façon un peu différente, est arrivée avec l'Office des eaux. Nous suivons le processus de la LEESY, qui nous permet d'examiner l'empreinte écologique, l'utilisation de l'eau et tous les enjeux connexes; et puis nous nous tournons vers l'Office des eaux pour qu'il fasse exactement la même chose. Et tout cela prend de longs mois.

Lorsque l'on fait une demande de projet, on ne peut pas tout contrôler, et notamment le déroulement du processus, mais il faut tenir compte des coûts que doit assumer le promoteur.

Dernière chose, il y a souvent des coûts et le seul moyen que nous ayons de les contester ou de les refuser est de renvoyer le dossier en disant qu'on n'y donnera pas suite.

S'agissant de la ligne de transport d'énergie Carmacks-Stewart, dans le rapport final d'examen conformément à la LEESY, on a déplacé une partie de la ligne. Le changement de trajet a coûté 2 millions de dollars. C'est beaucoup d'argent et on ne nous a pas demandé notre avis. La seule chose qu'on aurait pu dire, c'est de revenir en arrière, mais le processus aurait pris alors six, huit ou neuf mois de plus. Alors on ne dit rien et on continue, mais ce n'est pas sans conséquence.

Nous devons trouver des moyens de réglementer ces types d'enjeux. Le fait que le ministre — et à mes yeux, ce pourrait être le ministre fédéral ou territorial, ça n'a pas d'importance — puisse élaborer des lignes directrices en s'assurant que tout est transparent et bien prescrit, est une étape incontournable du processus.

Je pourrais demander plus de temps, mais vous ne me l'accorderez probablement pas. Je suis donc prêt pour les questions, monsieur le président.

Le président : Merci beaucoup, nous allons commencer par le vice-président, M. Massicotte.

Le sénateur Massicotte : Merci d'être venu, monsieur Morrison. Vous connaissez bien notre président.

Parlez-moi du processus. Vous en faites partie depuis cinq ans que vous passez en revue la loi actuelle. Vous avez entendu de la part de nos témoins précédents qu'il y avait eu 76 recommandations, dont 72 faisaient l'objet d'un consentement unanime, et que cela constituait une amélioration importante et une loi importante. Mais ce qui les a mis en colère, c'est que le paragraphe sur la directive stratégique ainsi que le paragraphe sur la délégation ont été proposés au dernier moment, sans qu'on en discute avec votre groupe. Est-ce le cas?

M. Morrison : Je n'ai rien à dire, monsieur, sur l'endroit où ces paragraphes ont été proposés. Je ne voulais rien avoir à faire avec ce groupe tripartite. Nous avons certainement été autorisés à faire des commentaires. Nous en avons fait, mais je ne sais pas où tout cela s'est déroulé.

Le sénateur Massicotte : S'agissant de la politique, vous faites valoir qu'elle est très importante et utile, et que nous avons besoin que quelqu'un décide et fournisse les orientations nécessaires. Est-ce que cela faisait partie des 76 recommandations que le groupe a proposées en disant : « Nous devons indiquer une telle orientation »?

M. Morrison : Ça, je ne le sais pas. Je ne sais pas d'où cela provient dans le processus; tout ce que je dis c'est que c'est utile.

Je ne connais pas de processus réglementaire ou d'office de réglementation qui ne prévoit pas cela. Dans la Loi sur les entreprises de service public du Yukon, qui nous régit et que je connais bien, ce pouvoir existe. Le ministre peut fournir des orientations à l'entreprise de service public. Mon ami le sénateur Patterson, je ne sais pas s'il y a cela au Nunavut que je ne connais pas aussi bien, mais certainement, cette politique était également en vigueur dans les Territoires-du-Nord-Ouest.

Je n'aurais pas prêté beaucoup d'attention à sa provenance dans le processus. Je ne m'intéresse qu'au concept de lui- même et je sais combien cela est important.

Le sénateur Lang : J'aimerais accueillir M. Morrison. Vous nous avez donné un très bon résumé du processus et c'est la raison pour laquelle ce projet de loi est ici présenté pour, en partie, rendre ce processus plus efficace. La semaine prochaine, nous entendrons d'autres promoteurs qui ont suivi le processus et qui nous communiqueront leurs difficultés et leurs réussites.

Il y a quelque chose que j'aimerais approfondir. Cela se rapporte à la question que le sénateur Massicotte a posée à propos de la politique et la capacité, pour le ministre, ou pour être franc, pour le ministère, en consultation avec l'office, d'élaborer des politiques qui disciplineront le système.

J'aimerais que vous nous donniez d'autres détails sur son fonctionnement. Si vous étiez le ministre et dans la position de dire que, pour les effets cumulatifs, il devrait y avoir une politique et que vous décriviez cette politique, dans un cadre général, de façon à ce qu'un promoteur puisse en prendre connaissance, comment feriez-vous entrer cette politique en vigueur?

M. Morrison : On pourrait le faire d'une multitude de façons. Cela ferait partie d'un processus consultatif auprès de gens capables d'articuler cette politique et de la faire connaître. Mais pour un certain nombre de ces éléments, ce qu'il faut c'est une définition et des frontières claires de façon à ce que tout le monde sache jusqu'où on peut aller et les éléments à considérer.

Il y a des gens qui peuvent s'en charger et qui en débattraient avec les parties intéressées. Tout le monde n'obtiendra pas tout ce qu'il veut, mais au moins, vous serez en mesure de définir la politique, qui pourra être peaufinée au fil du temps.

Le sénateur Lang : J'aimerais revenir sur un autre élément, à savoir la question des enjeux dont on a parlé aujourd'hui. Je pense que les points de vue ont été exprimés de façon sincère. En même temps, nous avons une mesure législative qui est très importante pour le Yukon. Comme le sénateur Wallace l'a dit, je crois, consultation ne signifie pas d'obtenir tout ce que l'on demande. Ultimement, il y a des compromis à faire et, dans certains cas, d'autres points de vue sont prioritaires.

Je dirais simplement ceci : vous et moi savons, étant donné que nous sommes originaires du Yukon — et comme l'a dit très clairement le premier ministre l'autre jour — que notre processus, si nous n'avons pas de changement, est très en retard par rapport à ce qui est actuellement en vigueur dans toutes les autres provinces du Canada. À votre avis, dans quelle mesure cette loi est importante et incontournable pour retrouver notre position concurrentielle avec le reste du Canada, les Territoires du Nord-Ouest et le Nunavut et, partant, pour continuer d'attirer les investissements?

M. Morrison : Quelquefois, il est facile de dire qu'il ne s'agit que d'un processus d'évaluation comme tout le monde en a et qui fait son temps. Je ne pense pas que ce soit le cas. Avoir de bons processus est d'autant plus important de nos jours que l'argent circule plus facilement que jamais.

La concurrence pour attirer les investissements est féroce. Ce qui caractérise le Yukon, mis à part sa beauté et le fait que nous aimons tous y vivre, c'est le coût élevé des affaires. Si vous y ajoutez des processus réglementaires ou d'évaluation longs, encombrants et pas faciles à comprendre, cela fait un obstacle de plus. Vous en arrivez au point où le bouchon a été poussé trop loin et vous vous retrouvez à la case départ.

Les gens prennent tout cela en considération. Il ne s'agit pas simplement de la présence de minéraux, mais de leur mode d'extraction. Comment procède-t-on? Quel est le processus? Combien cela coûte-t-il? Quand j'ai dit que tous ces processus ajoutent des coûts aux projets, ils peuvent aussi ajouter des coûts importants aux processus, particulièrement lorsque ces processus ne sont pas bien définis. Ce flou fait perdre du temps et le temps est extrêmement cher.

Vous pouvez ajouter un retard de deux mois dans un processus d'évaluation qui vous coûte un an du point de vue de la construction, parce que vous avez laissé passer l'occasion. Toutes ces choses s'ajoutent et de façon importante.

La sénatrice Seidman : Merci beaucoup de votre point de vue pragmatique, que nous apprécions énormément.

Si je pouvais souligner quelque chose, et presque tous les intervenants en ont parlé, c'est l'appui que vous manifestez et l'idée que quelqu'un qui offre de larges orientations stratégiques revêt une extrême importance et que les amendements présentent des limites très précises à son intervention. J'en veux pour preuve le paragraphe 121.1(2) qui stipule que : « Les instructions ne visent toutefois pas la proposition relative à un projet de développement qui, au moment où elles sont données, a été soumis à un bureau désigné, au comité de direction ou à un comité restreint. » Les limites sont donc très bien définies.

M. Morrison : Et elles devraient l'être. Rien ne devrait rester vague.

La sénatrice Seidman : Exactement, le ministre a été très clair à ce sujet lorsqu'on en a parlé.

Vous avez beaucoup d'expérience et vous nous avez donné des exemples de dysfonctionnements. Pourriez-vous nous dire succinctement, sans entrer dans les détails, ce qui n'a pas fonctionné dans le système actuel?

M. Morrison : Je vais vous en donner quelques exemples que je vous décrirai de façon générale. Je vous en parlerai du point de vue de la direction, niveau que je connais le mieux.

Le bureau de la LEESY n'a pas d'expertise dans une industrie ou un processus donnés. On peut avoir un projet de GNL, et personne au bureau ne l'a examiné, ne sait ce qu'est un moteur au gaz ni du matériel de gazéification. Mais pas de problème, on se tourne vers les experts.

Dans ce cas, on s'est évidemment tourné vers les experts. En tant qu'intervenants, nous avons convenu des limites. L'un des points à envisager est la portée du processus, s'il y a un déversement ou une situation dangereuse. Il était très clair que cela se limitait à la propriété.

Bon, il s'agissait d'experts de la LEESY. Ils ont décidé ensuite, pour une quelconque raison, de s'adresser à d'autres experts qui leur ont dit d'autres choses. Mais leur action s'apparentait dès lors à une fonction de réglementation. Ils dépassaient une limite et parlaient de ce qui était vraiment des enjeux réglementaires, ce que leur a dit le responsable de la réglementation, mais ils ont voulu quand même procéder.

L'une des difficultés est qu'il y a beaucoup d'intervenants, donc beaucoup de commentaires. Comment les traiter? Jusqu'à un certain point, ils n'ont pas les ressources nécessaires.

Mais ce qui est plus important encore, c'est le manque de compréhension. On nous a adressé à un bureau d'évaluation désigné qui délivre des permis pour les émissions atmosphériques des moteurs diesel, où on nous a posé des questions du genre : « Comment allez-vous faire fonctionner le moteur diesel à l'échelle du système? » Il s'agit d'une seule communauté à un bureau désigné. « Dites-nous comment vous allez faire fonctionner ce système, pourquoi allez- vous le faire de cette façon-ci ou de cette façon-là? » Ce sont des questions opérationnelles qui n'ont rien à voir avec les émissions atmosphériques dans cette communauté.

Ils ont tendance à sortir de leur domaine. C'est pourquoi j'ai parlé de la nécessité de comprendre la pertinence de leur action. Mais vous devez aussi comprendre les rôles que vous évaluez. Vous évaluez ce qui est en face de vous. Si vous voulez vous écarter du sujet ou si des gens font des commentaires, on a tendance à s'écarter du sujet.

Ce que j'aime beaucoup à propos de la LEESY, et je m'en voudrais de ne pas le dire, c'est la possibilité de parler aux responsables, alors que dans la plupart des cas, il est impossible de parler aux responsables de la réglementation. On peut discuter avec eux. On n'a pas toujours gain de cause, mais au moins on peut faire valoir ses arguments, et c'est important. Dans tout ce processus, il est important de prendre conscience que l'on va gagner certaines choses, mais que l'on va en perdre d'autres. On va être soumis à une réglementation. On va faire l'objet d'une décision environnementale qui ne vous satisfera pas entièrement, mais là n'est pas la question. La question est de faire de son mieux et tant que cela est fait de façon équitable et transparente, je pense que nous sommes tous gagnants.

Le sénateur Black : Je sens chez vous un degré de frustration extrêmement élevé, monsieur Morrison. Venant du secteur de l'énergie, je vous comprends.

M. Morrison : Oui.

Le sénateur Black : Ayant examiné le projet de loi, y a-t-il des choses que vous aimeriez ajouter?

M. Morrison : J'y ai pensé, mais je ne vois rien à ajouter, mais seulement si les amendements sont adoptés, car ils sont très importants.

Le sénateur Mitchell : On comprend votre frustration dans l'exemple de 82 jours et celui de 62 jours, vous y avez fait allusion dans votre réponse précédente. Est-ce un problème de capacité, un problème de budget ou l'impression qu'il n'y a pas d'urgence? Ont-ils besoin de plus de gens ou de plus d'argent?

M. Morrison : Je n'ai pas suffisamment d'expérience pour vous dire qu'ils ont besoin de plus de gens, mais j'ai impression que c'est le cas. Nous procédions à une préétude du comité de direction et d'autres gens arrivaient et il y avait des choses qui ne fonctionnaient pas, mais le bureau n'est pas très grand. Ils cherchent des gens. Dans les conversations que j'ai eues avec des membres du comité de direction, je les ai entendus dire qu'ils avaient désespérément besoin de gens pour y arriver.

Le problème est celui des montagnes russes. Tout d'un coup, une foule de projets arrive et pendant un certain temps, il n'y a plus rien. Il est difficile de gérer leur arrivée. C'est donc là l'un des défis à relever, probablement, oui.

Dans le processus, il doit y avoir des cibles précises permettant de partir du point A pour arriver au point B. C'est là un des obstacles quelquefois, en plus du manque d'expérience du personnel.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Monsieur Morrison, merci beaucoup d'être ici. Je vous remercie encore de l'accueil que vous nous avez fait au printemps dernier, lorsque nous avons visité le Yukon. Personnellement, ce fut pour moi une très belle expérience.

J'ai été, pendant une dizaine d'années, haut fonctionnaire au ministère de l'Environnement du Québec. Je comprends vos frustrations. Il y a deux grands irritants que rapportaient les entreprises privées : c'étaient les délais pour l'obtention des autorisations et, surtout, le manque de discernement entre les projets à impact mineur et les projets à impact majeur. Je voyais souvent les fonctionnaires prendre plus de temps pour traiter un projet à impact mineur, ainsi que pour élaborer une loi où l'on traite des moyens de production plutôt que des résultats à atteindre. Cela représentait une grande frustration pour les entreprises.

Je ne sais pas si vous avez écouté le panel précédent. Dites-moi si je me trompe, mais j'en déduis que les gens des communautés autochtones du Yukon semblent frileux à ce que le ministre délègue à une autre autorité que la leur certains de ses pouvoirs. Vous, en tant qu'entrepreneur, dans laquelle des deux écoles de pensée vous situez-vous? Est-il préférable de déléguer ce type de responsabilité à un pouvoir provincial ou territorial, comme le Yukon, ou de transmettre directement ce type de pouvoir à un pouvoir local, comme une communauté autochtone? Laquelle des deux préférez-vous? Ce que j'ai compris de l'un des témoignages, c'est qu'il semblerait s'agir davantage d'un problème politique que d'un problème environnemental, selon le discours que tenait le témoin. Où vous situez-vous en termes d'efficacité, d'efficience? Les pouvoirs que l'on s'apprête à déléguer dans le cadre du projet de loi S-6, serait-il préférable de les déléguer à un pouvoir provincial, comme le Yukon, ou à pouvoir plus local, comme une bande autochtone ou une communauté autochtone?

[Traduction]

M. Morrison : Je connais suffisamment la politique pour tourner autour du pot. Je vais essayer d'être utile sans faire de politique.

Je commencerai par vous dire que notre projet de GNL vient juste d'être accepté aux fins du processus de réglementation. Il a fallu obtenir 38 permis avant de pouvoir soulever une pelletée de terre. Je vous dis cela pour vous renseigner, monsieur Boisvenu, parce que je pense qu'il y a des niveaux; ce n'est pas l'un ou l'autre, mais une combinaison.

Au niveau local, nous traitons directement avec les Premières Nations. Notre projet de GNL est un bon exemple, puisque nous nous trouvons sur le territoire traditionnel de la Première Nation de Kwanlin Dun, qui est sur notre terre, et des Premières Nations Ta'an Kwach'an. Nous sommes en partenariat avec la PNKD, qui possède 50 p. 100 des actifs du projet. Dans certains cas, il y a des organes décisionnaires.

Comme je l'ai déjà dit dans ma réponse au sénateur Patterson, je privilégie le local. Est-ce à dire que cela me gênerait si le pouvoir de donner des directives était maintenu au sein du gouvernement fédéral? Cela ne me gênerait pas du tout.

Quel que soit le gouvernement à Ottawa et quel que soit le gouvernement au Yukon, les gouvernements vont et viennent. Il y aura des changements. Si on ramène tout au niveau local, au niveau de la Première Nation, on descend trop bas. Ce qui est pratique, c'est que sur leurs terres, les Premières Nations sont en mesure d'élaborer des règlements, des lois, des normes et des lignes directrices. Ainsi, en ce qui concerne notre ligne de transmission Carmacks-Stewart, nous traversons les territoires de la Première Nation de Selkirk, de la Première Nation de Little-Salmon/Carmacks et d'autres terres des Premières Nations. Nous nous trouvons sur des terres revendiquées, sur lesquelles nous avons un droit de passage. On nous a prescrit ce que nous pouvions faire ou pas sur ses terres, dans les régions relevant de chacune des Premières Nations.

Vu sous cet angle, il y a des capacités pour tous les niveaux de gouvernement et pour toutes les administrations municipales au Yukon. Nous avons des permis de la ville de Whitehorse, du gouvernement du Yukon et du gouvernement fédéral. Tout cela est de portée assez générale.

Je ne veux pas y penser comme un ordre de gouvernement ou de la politique, mais par rapport à ce qui est pratique. S'il est difficile de passer du gouvernement fédéral au gouvernement territorial, laissons donc les choses au niveau fédéral. Cela m'est égal, tant que quelqu'un a des pouvoirs non fondés sur la législation de façon à ce que nous n'ayons pas à passer par un processus parlementaire pour orienter le navire. Et le navire a toujours besoin d'un pilote.

Le président : Monsieur Morrison, c'est gentil à vous de nous avoir consacré du temps. Nous vous en sommes reconnaissants. Merci de vos remarques qui sont excellentes et dont nous nous inspirerons pour prendre nos décisions.

M. Morrison : Merci de m'avoir donné cette possibilité, sénateur.

(La séance est levée.)


Haut de page