Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Finances nationales
Fascicule 4 - Témoignages du 28 janvier 2014
OTTAWA, le mardi 28 janvier 2014
Le Comité sénatorial permanent des finances nationales se réunit aujourd'hui, à 9 h 30, pour étudier les dépenses prévues dans le Budget principal des dépenses pour l'exercice se terminant le 31 mars 2014.
Le sénateur Joseph A. Day (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Je souhaite bon retour à tous les sénateurs du Comité sénatorial permanent des finances nationales. Nous revenons d'un petit congé, après l'horaire très chargé qui a précédé la période des Fêtes. Je tiens aussi à souhaiter bon retour à tout le personnel derrière moi et à remercier chacun de nous avoir aidés à terminer notre mandat de l'année dernière.
[Français]
Honorables sénateurs, ce matin, nous poursuivons notre étude du Budget principal des dépenses 2013-2014 pour l'exercice se terminant le 31 mars 2014.
[Traduction]
Nous sommes très heureux d'accueillir ce matin M. Jean-Denis Fréchette, le directeur parlementaire du budget qui a été nommé le 3 septembre 2013. Nous sommes ravis de vous avoir avec nous. M. Fréchette est accompagné de collaborateurs de son bureau, que je vais nommer. Je pense que toute votre équipe est présente : M. Mostafa Askari, directeur parlementaire adjoint du budget, Analyse économique et financière; M. Peter Weltman, directeur parlementaire adjoint du budget par intérim, Analyse des dépenses et des revenus; M. Jason Jacques, directeur de l'analyse économique et financière; et Trevor Shaw, analyste de l'analyse économique et financière.
Comme vous pouvez le constater, le Bureau du directeur parlementaire du budget compte deux divisions principales. Je suis certain que M. Fréchette nous en dira plus à ce sujet; je l'espère, du moins.
Monsieur Fréchette, je crois savoir que vous avez quelques remarques préliminaires, après quoi nous parlerons du Bureau du directeur parlementaire du budget. La parole est à vous.
[Français]
Jean-Denis Fréchette, directeur parlementaire du budget, Bibliothèque du Parlement : Monsieur le président et honorables membres du comité, je vous remercie pour cette invitation à comparaître devant votre comité afin de discuter du Budget principal des dépenses et du plus récent rapport du directeur parlementaire du budget intitulé Suivi des dépenses pour le deuxième trimestre de 2013-2014. Comme vous l'avez mentionné, je suis accompagné des principaux gestionnaires du Bureau du directeur parlementaire du budget et l'un des auteurs de ce dernier rapport.
Comme vous le savez, dans une fonction précédente, j'ai collaboré étroitement, pendant 27 ans, aux travaux de recherche offerts aux comités parlementaires. C'est toujours un plaisir pour moi de me retrouver dans un comité parlementaire, que ce soit assis à côté de vous lorsque j'étais analyste et directeur de recherche ou à titre de directeur parlementaire du budget comme témoin.
Dès les premiers jours suivant ma nomination comme nouveau directeur parlementaire du budget, j'ai fait valoir que je serais très à l'écoute des besoins de l'ensemble des parlementaires, mais que je porterais aussi une attention particulière aux comités parlementaires, notamment aux trois comités, dont le vôtre, qui sont spécifiquement mentionnés à l'article 79.2 de la Loi sur le Parlement du Canada. Je vous invite donc à ne jamais hésiter à nous contacter pour des demandes de recherche qui cadrent dans notre mandat.
[Traduction]
Grâce à sa raison d'être, le directeur parlementaire du budget (DPB) donne une autre dimension au service de recherche du Parlement. En effet, le DPB a pour mandat d'analyser la situation financière du pays, les prévisions budgétaires du gouvernement et les tendances de l'économie canadienne. Cette analyse pointue vient compléter celles que d'autres réalisent déjà.
Le DPB est déterminé — je ne le répéterai jamais assez — à appuyer votre travail comme législateurs et à obliger le gouvernement à rendre des comptes sur la bonne gestion des fonds publics. C'est d'ailleurs pourquoi, après avoir eu du mal à obtenir les données économiques de certains ministères et organismes — vous devez bien être informés —, j'envisage plusieurs options, y compris de faire appel au Parlement, ce qui, je l'espère, permettra d'obtenir l'information plus facilement à l'avenir. Toutes ces pistes sont prometteuses.
En ce qui concerne le plus récent rapport de Suivi des dépenses, il s'agit là d'un exemple d'outil que l'équipe du DPB a créé pour aider les parlementaires à évaluer les révisions des autorisations de dépenser proposées par le gouvernement.
Voici quelques faits saillants du rapport à propos du deuxième trimestre de l'exercice 2013-2014.
Par rapport à la période précédente en 2012-2013, les dépenses totales ont augmenté de 2,2 milliards de dollars, atteignant 124,6 milliards de dollars. Il s'agit là d'une augmentation de 1,8 p. 100. Ces résultats correspondent aux prévisions de la croissance des dépenses indiquées dans la Mise à jour des projections économiques et budgétaires de novembre 2013.
Les dépenses de programme directes se sont également accrues de 500 millions de dollars, soit une augmentation de 1,2 p. 100 en un an. La hausse des dépenses de programme directes a ralenti comparativement aux années passées et devrait se stabiliser, car le gouvernement entend réduire ses dépenses directes de 9,1 milliards de dollars au cours de l'exercice et de 13,7 milliards de dollars d'ici 2017-2018. Si toutes les économies prévues sont réalisées en 2017-2018, les dépenses de programme directes en tant que composante des dépenses de programme totales seraient réduites au plus bas niveau depuis 1998-1999 et représenteraient la plus petite part du PIB nominal depuis 2001-2002.
Le DPB n'a pas encore reçu, de la part des ministères et organismes fédéraux, les données complètes sur les niveaux de service, qui sont nécessaires à l'évaluation de la viabilité financière des compressions prévues dans le budget de 2012. Près de 40 p. 100 des résultats des programmes en 2012-2013 ne peuvent être évalués à cause des changements apportés en cours d'année aux objectifs, des données incomplètes ou d'éléments probants insuffisants.
[Français]
Au sein de chacun des programmes, l'augmentation la plus marquée, qui est aussi celle ayant retenu le plus d'attention de la part du public, touche l'activité de programme de gestion des urgences de Sécurité publique Canada dont les dépenses sont passées de 60 à 230 millions de dollars au cours des six premiers mois de 2013-2014. Cette augmentation reflète les contributions reliées à l'obligation fédérale d'aide aux sinistrés, estimée à 4,1 milliards de dollars au cours des 10 prochaines années, à la suite des inondations et des pluies abondantes survenues entre 2011 et 2013.
En conclusion, je réitère l'engagement de toute l'équipe du directeur parlementaire du budget à être à l'écoute de toute demande de votre comité en matière de recherche sur les finances et l'économie du pays.
Mes collègues et moi serons heureux de répondre à vos questions sur le Suivi des dépenses, sur le Budget principal des dépenses ou sur toute autre question relative aux opérations du directeur parlementaire du budget, que ce soit en matière de recherche ou d'accès à l'information. Je vous remercie.
[Traduction]
Le président : Merci beaucoup d'être avec nous, monsieur Fréchette. Je suis à la page II-77 du Budget principal des dépenses 2013-2014, dans la section sur la Bibliothèque du Parlement. Vous comparaissez aujourd'hui parce que nous avons pour mandat de surveiller et de comprendre les dépenses prévues au budget principal et aux différents budgets supplémentaires. Or, je ne vois la répartition du budget nulle part. J'aimerais que vous m'indiquiez où se trouve la ventilation du budget général de la Bibliothèque du Parlement qui montre le budget consacré au DPB.
M. Fréchette : Notre budget fait partie de celui de la Bibliothèque du Parlement, mais une somme nous est réservée. Au cas où vous vouliez le savoir, le budget du DPB est de 2,8 millions de dollars.
Le président : Est-ce la Bibliothèque du Parlement qui décide, et le bibliothécaire parlementaire qui répartit l'argent? Comment votre budget annuel est-il établi?
M. Fréchette : Le bibliothécaire parlementaire relève des deux Présidents, qui jouent en quelque sorte le rôle de ministres de la Bibliothèque du Parlement. Les Budgets principaux des dépenses sont déposés auprès des deux Présidents, et c'est là que le travail se fait.
Le président : Je me demande quel est le degré d'indépendance du DPB au sein de la Bibliothèque du Parlement lorsqu'il s'agit de déterminer les budgets et le nombre d'employés.
M. Fréchette : Le nombre d'employés du DPB?
Le président : J'y reviendrai, mais je m'intéresse plutôt à la question de l'indépendance. Vous impose-t-on chaque année un budget et un nombre d'employés? Il y a manifestement certaines consultations, mais qui décide au bout du compte quelle part du budget de la Bibliothèque du Parlement est accordée au DPB?
M. Fréchette : Ce sont mes prédécesseurs qui l'ont déterminé en 2008, et le budget n'a pas bougé depuis. La décision a été prise en consultation avec le bibliothécaire parlementaire de l'époque. Chaque fois que la Bibliothèque du Parlement prépare le Budget principal des dépenses, le DPB siège au Comité exécutif de la Bibliothèque. J'ai mon mot à dire, et c'est là que nous établissons le budget.
Mais le budget n'a pas bougé depuis 2008.
Le président : Combien d'employés avez-vous?
M. Fréchette : Environ 15, en comptant le personnel de soutien.
Le président : Relèvent-ils directement du DPB?
M. Fréchette : Oui.
Le président : Voilà qui aide à préparer le terrain. J'invite mes chers collègues à consulter la Loi sur le Parlement du Canada, modifiée il y a quelques années par la Loi fédérale sur la responsabilité, qui énonce le mandat du directeur parlementaire du budget, plus particulièrement à l'article 79.2. Fait intéressant, cet article dit justement que vous avez pour mandat de faire des recherches pour notre comité, entre autres. Est-ce exact?
M. Fréchette : Oui. C'est ce que j'ai dit en ouverture : j'ai hâte de collaborer étroitement avec votre comité. J'ai consulté des parlementaires au cours des quatre derniers mois, et j'ai aussi discuté avec l'honorable Noël Kinsella, le Président du Sénat, qui m'a justement dit de ne pas oublier que le Comité sénatorial des finances nationales fait partie de mon mandat. Je lui ai dit de ne pas s'inquiéter, que je ne l'avais certainement pas oublié.
Le président : Merci infiniment de cette mise en contexte qui, je pense, prépare la voie pour la séance d'aujourd'hui. Je vais maintenant laisser la parole aux sénateurs, en commençant par la sénatrice Buth, du Manitoba.
La sénatrice Buth : Je vous remercie de votre présence. Je suis ravie de vous revoir dans vos nouvelles fonctions de directeur parlementaire du budget, ou DPB. J'aimerais que vous nous expliquiez brièvement comment vous procédez lorsque vous recevez une demande; quels types de demandes vous recevez; combien vous en recevez; et comment vous choisissez la façon de transmettre l'information et d'effectuer l'analyse.
M. Fréchette : Il y a deux façons de faire. Nous recevons un grand nombre de demandes — plus que le nombre auquel nous pouvons répondre avec notre effectif.
Commençons par les demandes, qui sont évaluées en fonction de deux critères. Tout est public au Bureau du DPB. Si vous consultez notre site web, vous y trouverez notre plan opérationnel. Nous effectuons une analyse : les gestionnaires et les analystes se penchent sur les demandes formulées par les parlementaires à titre individuel ou au nom d'un comité. Nous évaluons l'importance relative de chacune et son incidence sur les finances publiques. En fait, l'importance relative se rapporte à l'incidence fiscale que peut avoir une demande. Par exemple, une demande d'une importance relative de deux ou trois millions de dollars ne sera peut-être pas retenue, alors que nous examinerons attentivement celle qui représente 100 millions de dollars.
Voilà un résumé de la première façon de faire. D'autre part, nous diffusons des publications régulières, comme le Suivi des dépenses et les Perspectives économiques et financières, qui ont été créées au fil du temps par les analystes et l'équipe du DPB afin d'aider les parlementaires dans leur travail.
La sénatrice Buth : Mis à part le rapport que nous avons entre les mains, quelles sont vos autres publications régulières?
Mostafa Askari, directeur parlementaire adjoint du budget, Analyse économique et financière, Bibliothèque du Parlement : À vrai dire, notre mandat comporte deux volets. D'une part, nous devons présenter au Parlement une analyse proactive et indépendante de la situation économique et fiscale canadienne en fonction de ce dont les parlementaires ont besoin et de ce qui leur serait utile, à notre avis.
Parmi nos publications régulières, nous présentons des projections quinquennales économiques et budgétaires deux fois par année. Le Comité permanent des finances à la Chambre des communes a adopté une motion qui nous oblige désormais à lui fournir l'information deux fois par année, soit en octobre et en avril.
Nous publions aussi le Rapport sur la viabilité financière, qui s'attarde essentiellement à la situation financière à long terme du Canada en tenant compte du vieillissement de la population et d'autres phénomènes transitoires qui ont une incidence sur les coûts et les revenus. Le rapport est publié chaque automne, au mois de septembre ou d'octobre. Nous publions aussi le Suivi des dépenses chaque trimestre. Nous offrons un service en ligne permettant aux utilisateurs de surveiller les dépenses du gouvernement. Chaque trimestre, le receveur général nous transmet de l'information que nous intégrons aux données. Il s'agit là d'une façon conviviale de présenter l'information aux parlementaires ou à leur personnel, à d'autres analystes et à l'ensemble des Canadiens.
En plus de ces publications, nous proposons une analyse de certains secteurs. Nous sommes d'ailleurs en train de nous pencher sur le marché du travail canadien, et d'examiner dans une certaine mesure la pénurie de main-d'œuvre et l'inadéquation des compétences dans certaines régions. En raison de toutes sortes de problèmes, nous avions déjà déterminé si une telle analyse serait utile pour les parlementaires et les comités.
L'autre volet de notre mandat est l'établissement des coûts pour les programmes et les projets de loi d'initiative parlementaire, que nous faisons essentiellement à la demande des parlementaires.
Comme l'a dit M. Fréchette, nous évaluons normalement les demandes en fonction de leur risque et de leur importance relative. Nous les inscrivons ensuite à une liste de priorités étant donné que nous n'avons évidemment pas assez de ressources pour répondre à chacune. Nous devons les étudier pour déterminer laquelle a la plus grande importance relative : nous plaçons cette demande en tête de liste, puis mettons les autres de côté.
Il nous faut parfois trois, quatre ou cinq mois pour établir les coûts, même en réponse à une demande, car notre objectif a toujours été de réaliser une analyse poussée, d'adopter une démarche acceptable et de faire évaluer notre travail par des spécialistes de façon à ce que les parlementaires puissent se fier à nos estimations.
La sénatrice Buth : Vous dites établir les coûts des projets de loi d'initiative parlementaire. Le faites-vous systématiquement?
Peter Weltman, directeur parlementaire adjoint du budget (par intérim), Analyse des dépenses et des revenus, Bibliothèque du Parlement : Permettez-moi de vous donner des exemples de dossiers dont nous nous chargeons. Nous appliquons les mêmes critères de risque et d'importance relative aux projets de loi d'initiative parlementaire : s'il est possible qu'un d'entre eux ait une incidence financière raisonnable ou importante, nous y jetterons un coup d'œil pour l'évaluer.
Nous n'analysons pas tous les projets de loi d'initiative parlementaire, mais bien ceux qui, selon nous, pourraient avoir des répercussions financières, ce qui n'est pas le cas la plupart du temps.
Pour ce qui est des autres types d'établissements des coûts dont nous nous sommes chargés, prenons l'exemple du dossier sur la guerre en Afghanistan, que nous avons pris en main à nos débuts. Nous devions évaluer le coût différentiel assumé par le gouvernement en plus du budget de défense de base. Un des éléments les plus connus était probablement l'incidence financière de l'éventuel achat d'avions de combat F-35.
Voilà un exemple de dossier complexe qui a pris des mois à monter. Pour la plupart de ces grands projets, nous devons envisager la question sous un angle financier. Il nous manque souvent des données. Dans le cas de l'avion de combat interarmées, nous avons d'ailleurs dû faire appel aux États-Unis, à l'Australie et au Royaume-Uni pour obtenir l'information.
Nous devons adopter une démarche convenable pour que la réponse que nous fournissons au demandeur fasse autorité, mais il arrive que l'information ne soit pas facile à réunir. Nous devons alors partir à la quête de données. Dans un cas semblable, nous demandons à des spécialistes du domaine de réviser notre travail avant de le publier.
On nous a demandé d'établir les coûts d'un projet de loi sur la reddition de comptes des organisations syndicales, dont votre comité a récemment été saisi, je crois. Je me rappelle avoir écouté les délibérations. La valeur du dossier était relativement peu élevée, soit à peine plus d'une dizaine de millions de dollars, ou moins. En revanche, nous pouvons avoir de grands dossiers comme celui des F-35, qui vaut des dizaines de milliards de dollars, et un peu de tout entre ces deux extrêmes.
La sénatrice Buth : J'ai d'autres questions, mais je vais attendre au deuxième tour.
Le président : La prochaine intervenante est la sénatrice LeBreton, ancienne leader du gouvernement au Sénat. Nous sommes très heureux de vous voir parmi nous, madame la sénatrice.
La sénatrice LeBreton : Merci. Je remplace la sénatrice Eaton. Je doute qu'on puisse me comparer à elle d'aucune façon, mais je suis heureuse de la représenter.
Il serait tout indiqué de continuer dans la même veine que la sénatrice Buth, car j'ai moi aussi des questions sur la procédure; je la connais bien, étant donné que je suis les travaux du DPB.
D'ailleurs, je tiens à féliciter M. Fréchette de mettre autant de renseignements à la disposition des parlementaires. Je connais bien les publications régulières.
En fait, j'ai deux questions précises au sujet de la procédure. Je sais que les demandes que vous recevez proviennent de parlementaires individuels ou de comités. Il arrive souvent que les parlementaires consultent la Bibliothèque du Parlement pour des recherches données. Comment déterminez-vous si c'est le DPB qui doit s'occuper du dossier, ou si la question fait plutôt partie des tâches courantes de la Direction de la recherche parlementaire?
De toute évidence, vous recevez de nombreuses demandes. Arrive-t-il à votre équipe de trouver que les questions ou les demandes sont déplacées et de les rejeter d'emblée? Comment procédez-vous?
Vous avez dit classer les demandes par ordre de priorité, mais arrive-t-il au DPB de trouver qu'une demande est inadéquate, pour une raison ou pour une autre, et d'aviser tout bonnement le demandeur que celle-ci ne sera pas retenue?
M. Fréchette : Je vous remercie de vos questions. Je vais répondre à la première, qui est facile, et je vais laisser la deuxième, plus difficile, à M. Askari.
Nous entretenons une bonne relation avec le service de recherche de la Bibliothèque du Parlement. J'y travaillais auparavant, et c'était la façon de faire.
Le DPB propose une analyse spécialisée. Comme nous l'avons dit tout à l'heure, lorsqu'une demande ne remplit pas le critère d'importance relative, par exemple, nous la renvoyons au service de recherche de la bibliothèque, qui s'en occupe si les parlementaires ou le comité sont d'accord.
Nous réexaminons toujours le dossier par la suite pour voir si la question pourrait être traitée sous un autre angle. M. Weltman est passé maître en la matière.
Même si nous ne traitons pas une demande immédiatement, rien ne nous empêche de le faire un jour pour une raison ou pour une autre, si un nouvel angle le justifie.
D'autres fois, la Bibliothèque du Parlement s'occupe du projet seule et transmet elle-même l'information aux parlementaires ou aux comités; le rôle du DPB s'arrête donc là.
M. Askari : Il nous arrive de recevoir des questions tendancieuses, c'est-à-dire des questions qui nous orientent vers certaines réponses. Dans ce cas, nous rencontrons normalement le député demandeur pour essayer de changer la formulation afin d'éviter toute situation partisane.
D'autres fois, nous rejetons la demande d'emblée. Si nous avons l'impression qu'un parti veut se servir de l'information dans son programme électoral, ou si l'établissement des coûts porte sur une idée, nous refusons le dossier puisque nous avons décidé de ne pas accepter ce genre de demandes. Même si notre mandat ne précise pas si nous devrions le faire ou non, nous avons choisi d'un point de vue organisationnel de ne pas le faire parce que, d'une part, nous tomberions dans la partisanerie, une situation qui serait très épineuse, et, d'autre part, les partis épuiseraient littéralement les ressources du bureau.
Par exemple, il est déjà arrivé qu'une personne nous demande d'établir les coûts d'un programme d'assurance médicament national dont il avait eu l'idée. Nous avons refusé étant donné qu'il ne s'agit pas d'un programme actuellement proposé par le gouvernement. Les demandes des parlementaires qui souhaitent que nous établissions les coûts de programmes qui font partie du budget fédéral ou d'autres mesures gouvernementales sont toutes acceptables.
Aussi, nous avons décidé de ne pas nous occuper des idées de projet ou des demandes de citoyens qui aimeraient évaluer une idée. Nos ressources ne nous le permettent pas.
Voilà comment nous avons décidé de procéder.
M. Weltman : La différence, c'est que tous les travaux du DPB sont publiés, entre autres. Tout est transparent et à la disposition du public. Or, les relations entre pairs, analystes, personnel de recherche et députés sont confidentielles, et il est important d'en tenir compte lorsqu'on dépose une demande au DPB.
Comme M. Askari l'a mentionné, nous établirons les coûts pour les projets de loi ou les questions publiques auxquels les références et les modèles peuvent s'appliquer. Nous ne pouvons pas nous occuper de simples idées pour nous protéger de la partisanerie, ce que nous faisons en publiant tous nos travaux. J'espère que ma réponse vous est utile.
Le président : Messieurs Shaw et Jacques, n'hésitez pas à nous faire signe si vous souhaitez intervenir ou commenter toute question.
J'aimerais poser une question complémentaire à celle de la sénatrice LeBreton : comment établissez-vous l'ordre de priorité des différentes demandes que vous recevez, compte tenu de vos ressources limitées et du fait que certains dossiers peuvent être... je ne veux pas dire « chauds », mais peuvent vous sembler nécessiter une attention plus pressante que d'autres? Comment déterminez-vous l'ordre? Quels sont vos critères?
M. Weltman : Nous commençons par appliquer les critères d'importance relative sur le plan financier et de risque. Si nous croyons qu'un dossier aura une incidence significative sur les finances publiques, c'est ce qui compte. Nous devons d'ailleurs définir le terme. Selon certaines normes, une incidence « significative » représenterait à peu près des centaines de millions de dollars. Quant à savoir si le dossier est chaud sur le plan politique, disons que tous nos dossiers finissent par l'être dans une certaine mesure.
Pour revenir au projet de loi sur la reddition de compte des organisations syndicales, voilà un exemple de dossier que j'ai tout fait pour renvoyer en raison de sa taille. Sa valeur était relativement faible, et il était assez épineux sur le plan politique. Or, le Comité des finances de la Chambre des communes a alors adopté une motion pour nous mandater d'établir les coûts du projet de loi.
Selon une procédure interne, si un des comités désignés adopte une motion pour nous demander d'établir les coûts d'un projet de loi, sa demande se retrouvera en tête de notre liste de priorités. Si un deuxième comité fait de même, sa demande figurera au deuxième rang. Voilà comment nous trions les demandes des députés.
L'autre façon de procéder, c'est de tenir compte de la disponibilité des ressources du bureau. Nous sommes 15, et notre budget n'a pas bougé depuis 2008; nous répartissons donc toujours nos ressources de façon à maximiser notre efficacité avec ce nombre d'employés.
Le président : C'est intéressant. Vous avez parlé des comités désignés dans la Loi sur le Parlement du Canada, puis des autres comités. Puis-je en déduire que les parlementaires qui déposent une demande à titre individuel arrivent au troisième rang des priorités?
M. Weltman : Les demandes de comités sont loin d'être courantes; nous n'en recevons presque jamais. On ne peut donc pas dire que nous plaçons les demandes individuelles au troisième rang. Comme nous l'avons dit, le risque financier et l'importance relative sont nos premiers critères. De mon point de vue — et il y en a peut-être d'autres au bureau qui pensent comme moi —, si un comité arrive à se faufiler en douce au moyen d'une motion, nous nous occuperons de sa demande, qui passe ainsi devant les autres.
Le président : Monsieur Fréchette et vous dites qu'un comité de la Chambre a adopté une motion pour vous demander de traiter un dossier. J'ignore si nous l'avons déjà fait, mais il est intéressant pour nous de connaître votre fonctionnement.
Monsieur Fréchette, vous avez dit que le Comité des finances de la Chambre des communes vous a demandé de produire un rapport deux fois par année. C'est peut-être vous qui avez mentionné cela, monsieur Askari. Est-ce que ces rapports sont rendus publics? Est-ce qu'ils sont mis à la disposition de tous les autres comités?
M. Askari : Absolument. Tous nos rapports sont publics. En fait, même quand un député nous demande de faire quelque chose à titre personnel, nous le rencontrons pour l'informer de notre mandat, notamment de la condition selon laquelle les résultats de sa requête seront publiés. Une fois que l'étude est terminée et que le rapport est prêt, il sera d'abord envoyé au député, mais dans les 24 heures qui suivent, normalement il sera publié sur notre site web. Les rapports que nous présentons au Comité des finances de la Chambre des communes sont aussi publiés.
Nous sommes tenus de comparaître devant le comité deux fois par année pour discuter de nos projections. Dans ce cas, nous publions notre rapport sur le site web 24 heures avant la réunion, pour permettre aux députés et à la population d'en prendre connaissance, après quoi nous en discutons avec les membres du comité lors de la réunion.
Le président : Très intéressant. Merci.
La sénatrice Callbeck : Merci d'être parmi nous ce matin. J'aimerais parler de la perpétuelle tentative du DPB pour obtenir des renseignements du gouvernement. Je sais que je trouve cela très frustrant quand notre comité demande aux bureaucrates du gouvernement et aux ministres de nous fournir de l'information concernant les économies qui seront réalisées aux termes du budget et que ceux-ci nous répondent : « Eh bien, cela se trouve dans nos plans et priorités. » Dans votre mémoire, vous dites que vous n'obtenez pas assez de données pour répondre à vos questions.
Nous savons tous que Kevin Page a fini par se présenter devant les tribunaux. Selon le document que vous nous avez donné à l'avance, on a fini par présenter des demandes de renseignements auprès des ministères et des organismes, puis des demandes d'accès à l'information.
Je trouve incroyable que le DPB soit obligé d'aller jusqu'à faire des demandes d'accès à l'information. D'après le paragraphe suivant, si j'ai bien compris, vous n'avez pas vraiment obtenu de réponse. Le gouvernement n'a pas donné de réponse officielle quant à la raison pour laquelle le DPB n'a pas reçu les données économiques nécessaires pour remplir son mandat. Les ministères et les organismes ont fait valoir diverses raisons. Est-ce que certains d'entre eux vous ont fourni des réponses?
M. Fréchette : Merci pour votre question. Dans ma déclaration, j'ai dit que nous avons éprouvé des difficultés au cours des derniers mois et que mon prédécesseur s'était rendu devant les tribunaux. Dans sa décision, le juge Harrington a rejeté l'affaire pour une considération d'ordre technique, mais il a aussi souligné quelque chose d'important, à son avis. Dans ma déclaration, j'ai mentionné que je poursuis la voie parlementaire et d'autres options, notamment des options parlementaires. Tous nos gestionnaires et analystes entretiennent de bonnes relations avec les ministères. Il importe de regarder la situation globale. Il ne s'agit pas toujours du même ministère; selon la demande, nous éprouvons plus ou moins de problèmes de ce genre.
J'aimerais citer la décision du juge Harrington. Il a proposé un certain nombre de solutions, comme celle de se plaindre au bibliothécaire en chef, peut-être aux coprésidents du comité mixte — le juge Harrington faisait référence au Comité mixte permanent de la Bibliothèque du Parlement — et peut-être à l'ensemble du Parlement.
Quand j'ai été nommé DPB, j'ai examiné tous les faits et j'en ai discuté avec un conseiller juridique. Nous avons décidé que, puisque le juge Harrington avait fait cette recommandation, nous devrions la suivre. C'est donc exactement ce que j'ai fait. Nous avons toujours l'option de retourner devant les tribunaux. Je ne dis pas que nous allons le faire, mais il s'agit d'une option parmi beaucoup d'autres, y compris celle d'entretenir de bonnes relations avec les gens des ministères en vue de bâtir des ponts.
J'ai donc poursuivi la voie parlementaire, comme le juge Harrington l'a recommandé. Nous avons d'abord soulevé la question auprès du bibliothécaire du Parlement, puis auprès des deux coprésidents. Dans ce contexte, il serait exagéré de dire que nous nous sommes « plaints », mais nous leur avons décrit la situation et ils nous soutiennent parfaitement. Le processus est en cours et, en même temps, nous établissons des contacts et bâtissons des ponts avec les gens des ministères.
Voici quelques-uns des chiffres qui ont été présentés à la conférence la semaine dernière. Depuis 2008, au total, le DPB a fait 358 demandes. Dans 188 cas, nous avons reçu des données complètes tandis que dans 170 cas, nous avons reçu des réponses de toutes sortes. Parfois, les données fournies étaient incomplètes et, parfois, les données n'ont pas été divulguées, et ce, pour différentes raisons.
La raison qu'on fait valoir le plus souvent, c'est que cela ne fait pas partie de notre mandat. En ce moment, le cœur du débat consiste à déterminer ce qui fait partie de notre mandat. Vous nous avez entendus parler de tendances économiques, de situations financières et ainsi de suite. Les questions que nous posons concernent toujours ces aspects, et surtout le budget de 2012, notamment les compressions des dépenses et leurs répercussions sur le niveau de services offerts. Toutefois, nous avons du mal à obtenir des réponses.
Voilà donc la voie parlementaire. Comme je l'ai dit, elle est très prometteuse. Le dossier est maintenant entre les mains des coprésidents. Je ne sais pas ce qu'ils vont faire. Ils connaissent la décision du juge Harrington, donc ils choisiront peut-être d'aller plus loin. Je fais confiance au Parlement. Les gens disent que je suis plus indulgent que mon prédécesseur, mais j'ai toujours travaillé avec des parlementaires, et je crois au Parlement. Nous verrons bien. Si cela donne de bons résultats, parfait; sinon, nous avons d'autres options.
La sénatrice Callbeck : J'ai votre mandat sous les yeux, et je cite : « de fournir au Sénat et à la Chambre des communes, de façon indépendante, des analyses de la situation financière du pays, des prévisions budgétaires du gouvernement et des tendances de l'économie nationale. »
Par conséquent, essentiellement, si vous ne pouvez pas obtenir ces données, vous ne pouvez vraiment pas remplir votre mandat. Est-ce exact?
M. Askari : Oui.
J'ai donné l'exemple suivant dans le rapport. Nous avons examiné les activités de programme des ministères, et nous en avons fait le suivi à l'aide des rapports, des plans, des priorités et des rapports sur le rendement des ministères qui sont fournis par le gouvernement. Nous avons essayé d'utiliser l'information à laquelle nous avions déjà accès pour évaluer les effets produits par les compressions budgétaires de 2012 sur le niveau de services des ministères. Nous nous sommes penchés sur les 1 300 activités de programmes des ministères et des organismes, et ce qui est ressorti de notre analyse, c'est que 40 p. 100 des rapports gouvernementaux ne fournissaient même pas suffisamment de données pour permettre à qui que ce soit de comparer le rendement de ces activités à celui que le gouvernement avait établi. Quarante pour cent d'entre eux ne contenaient même pas l'information nécessaire pour faire ce genre d'évaluation à l'interne, ce qui nous porte à demander comment on peut gérer des programmes quand il est impossible d'en évaluer le rendement. Voilà un défi.
Dans le cas où l'on nous a refusé des données sur l'impact des programmes, nous avons essayé de faire l'analyse à partir de toute l'information publique à notre disposition, mais nous en étions incapables.
La sénatrice Callbeck : Vous avez parlé de plusieurs options. Pourriez-vous nous en parler?
M. Fréchette : En ce moment, non seulement je consulte bon nombre de parlementaires, mais je communique aussi avec les gens des ministères. Je fais une tournée pour discuter de ces questions.
C'est prometteur. J'ai de bonnes relations, et des portes s'ouvrent. Parmi les autres options, il y a les demandes d'accès à l'information, dont vous avez parlé. C'est un outil qui, en passant, fonctionne bien. La seule chose que tous les gestionnaires du DPB et moi avons à redire de cette solution, ce n'est pas que nous devons payer 5 $ chaque fois que nous faisons une demande, mais c'est que cela pose un problème de perception. C'est le principe de devoir procéder de cette manière. C'est seulement 5 $ — quoique certains ministères exigent plus d'argent pour faire ce travail.
En tout, nous avons présenté 33 demandes d'accès à l'information concernant le budget de 2012. Nous attendons encore la réponse finale à onze d'entre elles, dont trois auxquelles nous n'avons rien reçu, mais pour lesquelles une réponse nous a été promise, du fait que nous avons dû verser plus d'argent pour obtenir les données.
Parmi les 22 autres demandes, nous avons reçu dix réponses. Nous avons seulement reçu des données limitées, et dans six cas, il n'y avait aucune donnée pertinente. Comme M. Askari l'a dit, cela arrive souvent. Dans un des cas, on nous a fait savoir qu'aucune donnée ne serait divulguée. Trois des organismes nous ont fourni toutes les données qui leur avaient été demandées, et deux autres ont fait valoir qu'ils sont couverts par un autre ministère. Par conséquent, nous devrons présenter la demande à ce dernier.
C'est essentiellement ce qui s'est passé dans le dossier du budget de 2012. M. Weltman a présenté neuf demandes d'accès à l'information pour établir des coûts et obtenir d'autres données qui ne concernaient pas le budget de 2012.
La sénatrice Callbeck : Dans le cas des données relatives aux compressions budgétaires, nous parlons d'estimations, donc le gouvernement peut dire que des économies de 100 millions de dollars seront réalisées grâce à des améliorations sur le plan de l'efficacité. Toutefois, comment faites-vous pour savoir d'où vient ce chiffre de 100 millions?
M. Askari : D'après moi, madame la sénatrice, quand on veut accroître son efficacité, il faut investir. On ne devient pas plus efficace simplement en réduisant ses effectifs et ses dépenses en capital, entre autres. En fait, pour être plus efficace, il faut investir.
Après la présentation du budget de 2012, nous avons notamment demandé au ministère de nous fournir l'information relative aux entrées et sorties de fonds pour divers programmes. Nous voulions savoir si de l'argent avait été investi dans les domaines où un énorme accroissement de l'efficacité avait censément été mesuré. Or, quand nous regardons la situation dans son ensemble, nous voyons que les critères de rendement et de qualité que le gouvernement a établis pour les activités de programmes n'ont pas du tout changé depuis le budget de 2012. Même si ces programmes ont subi des compressions, les objectifs visés sur le plan du rendement et du niveau de services n'ont absolument pas changé.
Nous voulons savoir comment on fait pour maintenir ce niveau et cette qualité de services sans vraiment investir dans ces domaines. Voilà une partie des données qu'il nous manque pour évaluer la situation. Nous ne comprenons pas vraiment comment cela peut se faire.
M. Weltman : Pour être plus précis, les salaires représentent environ 80 p. 100 des charges d'exploitation du gouvernement. Il faut un certain nombre d'employés pour mener à bien un programme. Si vous voulez réduire les dépenses pour faire des économies, il vous faut couper des postes. Voilà comment on procède. C'est ce que nous avons appris, non seulement au DPB, mais aussi au Conseil du Trésor, où M. Jacques et moi assumions des tâches similaires sur le plan de l'évaluation des économies réalisées.
Comme M. Askari l'a dit, si on n'investit pas dans les biens de capital pour remplacer les employés qui ont été renvoyés, il est difficile de comprendre comment on fait pour maintenir le même niveau de services. Or, nous ne sommes pas capables d'obtenir de données pour éclaircir ce mystère.
[Français]
La sénatrice Bellemare : Ma question touche surtout aux perspectives révisées que vous avez effectuées dernièrement. J'avais l'impression d'y voir un peu de contradiction, et j'aimerais que vous m'aidiez à voir comment concilier entre elles les données publiées.
D'un côté, par exemple, concernant 2015-2016, dans vos planifications révisées au tableau 2-1 — à la page 4, en français — on voit que vous prévoyez un solde budgétaire, comme vous le dites dans le sommaire, de 4,6 milliards de dollars, à la hausse. Par ailleurs, vos perspectives concernant le PIB et le taux de chômage sont plus élevées que ce que le ministère des Finances prévoit dans sa mise à jour.
Comment, selon vous, ces chiffres peuvent-ils se concilier? Comment peut-on prévoir un surplus budgétaire avec des prévisions de PIB plus faibles et des perspectives de taux de chômage plus élevées que ce que le ministère des Finances prévoit? Vous prévoyez encore un taux de chômage pour le Canada autour de 7 p. 100, peut-être même plus, alors qu'ailleurs on le situe autour de 6 p. 100.
Comment rapprocher ces perspectives?
M. Fréchette : Merci pour votre question; vous avez raison de poser une question sur l'emploi. Je vais demander à M. Askari de vous répondre.
M. Askari : Le modèle que nous utilisons pour le PIB est différent de celui utilisé par le ministère des Finances. Donc, les chiffres sont différents, mais la différence est très petite. Ce n'est pas une différence très importante, entre 4,6 pour le gouvernement et 3,7. Il s'agit de modèles différents et d'une sensibilité différente; pour le revenu, par exemple, le PIB nous donne des chiffres différents et différentes balances budgétaires.
La sénatrice Bellemare : En tout cas, cela m'a étonnée parce que vos prévisions de croissance sont plus faibles, vos prévisions d'emploi sont plus faibles, et en revanche le solde budgétaire est plus élevé. Cela soulève la question du modèle, n'est-ce pas?
M. Askari : Et de notre jugement.
La sénatrice Bellemare : En ce qui concerne votre modèle économique, les débats ont-ils lieu avec le ministère des Finances, qui a son propre modèle, ou simplement entre vous?
M. Askari : Il n'y a pas de débats avec le ministère des Finances, mais le modèle que nous avons adopté suit les principes établis par les économistes et autres experts. Finalement, chaque modèle est différent. Le modèle que la Banque du Canada utilise, par exemple, est différent de celui qu'utilise le ministère des Finances, et c'est la même chose pour nous, mais comme je l'ai dit, la différence entre les résultats n'est pas très grande.
La sénatrice Bellemare : Peut-être est-ce le cas pour le solde, mais pas nécessairement pour les autres paramètres, comme la croissance et le taux d'emploi.
Je pose cette question à la lumière du discours du Trône, où il était question d'équilibrer le budget tout au long du cycle. Pour ce faire, alors, les modèles utilisés sont très importants ainsi que les prévisions.
M. Askari : Oui.
La sénatrice Bellemare : Selon votre modèle, par exemple, tenez-vous des débats avec le Conference Board ou la Banque du Canada afin d'obtenir le plus grand nombre de modèles qui se ressemblent?
Un modèle est un modèle et chacun a le sien, mais si on veut s'appuyer sur un modèle, c'est quand même bon, au sein d'un gouvernement, d'en avoir un qui recoupe le plus de modèles pour soutenir les décisions à prendre, surtout si les décisions sont prises en fonction des prévisions qu'on a faites.
M. Askari : Nous étudions tous les modèles de prévision qui existent au Canada, ceux du secteur privé, du ministère des Finances et de la Banque du Canada. De façon générale, nous avons confiance en nos prévisions, et l'accord a montré que nous avions raison.
[Traduction]
Depuis 2009, nos projections et rapports soulignent que les projections économiques du ministère des Finances, qui sont fondées sur la moyenne du secteur privé, risquent toujours de devoir être révisées à la baisse. Cela veut dire que la croissance réelle sera plus faible que celle que le ministère avait prévue. En fait, chaque année, le gouvernement révise ses projections à la baisse après un certain temps, après quoi celles-ci se rapprochent davantage des nôtres.
Je ne suis pas en train de dire que nos projections sont toujours les meilleures; ce n'est jamais le cas. Une projection demeure une projection et personne ne dispose d'une boule de cristal qui lui permette de prédire l'avenir. Toutefois, comme je l'ai dit, nous nous servons de nos modèles et de notre jugement. Quand nous commençons l'exercice de projection, nous ne décidons pas d'emblée d'être optimistes ou pessimistes, d'influencer les marchés ou quoi que ce soit de ce genre. Nous avons toujours comme objectif d'utiliser nos outils, notre jugement et l'expérience que nous avons dans le domaine pour produire des chiffres.
Il se trouve que, par rapport aux chiffres des autres, les nôtres sont plus près des chiffres réels — du moins récemment —, mais cela pourrait changer à l'avenir.
[Français]
M. Fréchette : Vous touchez un point très important, celui du rôle du directeur parlementaire du budget, quand vous dites qu'il y a différents modèles.
Lorsque le poste n'existait pas, nous devions nous fier essentiellement à un modèle. Il y en a maintenant un autre et il est relativement très bon jusqu'à présent. Espérons que cela se poursuive.
De plus, pour les parlementaires, cela ajoute de l'information, c'est-à-dire qu'il y a une information supplémentaire qui touche au cœur même du contexte, à savoir pourquoi le poste de directeur parlementaire du budget a été créé. On peut ainsi donner cette information différente au lieu de se référer seulement à celle du secteur privé ou du ministère des Finances. Cela permet aussi de travailler avec les parlementaires.
Non seulement nous utilisons notre jugement, mais aussi notre expertise. Les gens qui travaillent dans mon équipe sont extrêmement doués. Ils ont travaillé au ministère et dans le secteur privé, et ils connaissent le jeu. Cela permet d'avoir un autre son de cloche.
La sénatrice Bellemare : Ma question concerne les taux de chômage. Selon votre modèle, le taux de chômage sera plus élevé que dans celui du ministère des Finances. C'est une variable dépendante qui est le résultat de votre modèle.
Selon ce modèle, avez-vous les données régionales pour le Canada qui sont associées à cela pour les Maritimes, l'Ouest du Canada ou le Québec, par exemple?
M. Askari : Non.
La sénatrice Bellemare : Merci.
Le président : Êtes-vous capables de faire cela?
[Traduction]
M. Askari : Une projection régionale de ce genre nécessiterait beaucoup de temps et de ressources. Premièrement, il faudrait avoir une meilleure connaissance de l'évolution et de la dynamique des provinces. Cela nécessiterait plus d'effectifs, des gens qui possèdent des connaissances dans ces domaines, car ce n'est pas notre cas. Ce genre d'initiative exige beaucoup plus d'efforts et de ressources. En fait, il n'est même pas certain que nous ayons le mandat de faire des analyses régionales ou provinciales.
Jusqu'à présent, nous avons analysé toutes les provinces en bloc. Dans nos Rapports sur la viabilité financière, nous avons évalué leur situation financière au fil du temps, mais nous n'avons jamais fait d'analyse plus détaillée. Il serait extrêmement difficile de procéder province par province ou région par région.
[Français]
M. Fréchette : Lors d'une rencontre avec des représentants du Fonds monétaire international afin de discuter de notre rapport sur la viabilité financière à long terme, cette question de procéder province par province a été soulevée.
Il est intéressant de constater que, maintenant, l'Ontario a un directeur parlementaire du budget ou l'équivalent. Au Québec, des universitaires viennent, il y a à peine une semaine, de publier exactement le même genre de rapport que celui du directeur parlementaire du budget à Ottawa, agrégé pour l'ensemble des provinces. Ils ont rédigé pour des universités, dont les Universités Laval et de Sherbrooke, des rapports sur les mêmes bases en suivant les directives de l'OCDE.
La sénatrice Bellemare : Avez-vous l'intention de rassembler ces personnes afin de vous orienter, à partir de vos hypothèses, pour créer un modèle de décentralisation?
M. Fréchette : Pas pour le moment puisque c'est relativement nouveau.
La sénatrice Hervieux-Payette : Le Canada a, depuis au moins cinq ans, signé plusieurs ententes commerciales. Par contre, le déficit commercial du Canada au plan de l'import-export augmente de façon importante.
Pourrions-nous demander à votre bureau d'étudier les facteurs qui font que le Canada, au lieu d'augmenter ses ventes à l'étranger, malgré qu'il ait signé davantage d'ententes, a réduit ses ventes à l'étranger et conséquemment augmenté le déficit commercial du Canada?
M. Fréchette : Si la demande est formelle, comme toute demande doit l'être, on peut l'examiner et en discuter avec vous. Nous abordons ici un domaine extérieur à notre mandat en termes fiscaux et économiques, mais nous ne refusons jamais d'aider les parlementaires.
La sénatrice Hervieux-Payette : J'ai fait avec mes collègues du Comité sénatorial des banques et du commerce une étude sur le blanchiment d'argent et le manque de coordination entre les organismes gouvernementaux. Pour commencer, c'est un fait qu'il y a pour 100 milliards de dollars de blanchiment d'argent par année, sans compter le coût de l'agence gouvernementale qui doit y donner suite.
Après ça, on s'aperçoit qu'ils font affaire avec Revenu Canada, avec la GRC et le ministère des Finances et que, en conclusion, les frais de fonctionnement de l'organisme CANAFE font en sorte qu'ils amassent tellement peu d'argent. On peut se demander si c'est parce qu'ils n'ont pas les ressources nécessaires. Vous entrez dans l'opérationnalité du système mis en place, parce que ça ne fonctionne pas et parce qu'il y a des sommes d'argent, totalisant 100 millions dollars par année, qui ne sont pas imposées et qu'on ne retrouve pas.
S'il y a une faille dans le système, un parlementaire comme moi se demande à quel moment on va réussir à corriger ce problème et à retrouver ces investissements vraiment bien camouflés.
M. Fréchette : Je vais demander à Jason de bien vouloir vous expliquer cela.
[Traduction]
Jason Jacques, directeur, Analyse économique et financière, Bibliothèque du Parlement : Nous ne sommes pas en mesure de faire des commentaires précis sur les subtilités du fonctionnement du CANAFE ni sur la manière dont l'argent est retracé. Toutefois, notre bureau donne présentement suite à la requête d'un sénateur, présentée l'année dernière, qui nous demandait d'analyser l'écart fiscal. Nous avons engagé un processus de négociations et de consultation avec l'Agence de revenu du Canada pour obtenir des données sur le montant de 100 milliards de dollars qui, comme vous l'avez dit, est souvent avancé, pour aller jusqu'au fond des choses et mieux comprendre où se trouve cet argent.
Le travail effectué par d'autres pays, comme les États-Unis avec l'IRS, le Royaume-Uni avec le Trésor du Royaume-Uni, la Suède et d'autres pays de l'OCDE, nous fournit beaucoup plus de détails par rapport à ce montant global. Ces pays peuvent mettre le doigt sur la partie du 100 millions de dollars, par exemple, qui a disparu à cause de la taxe à la valeur ajoutée à la consommation, sur le montant qui a disparu à cause de l'impôt sur les bénéfices des sociétés, sur certaines sociétés, et même sur le genre de sociétés dont il s'agit et les recettes dont le gouvernement se prive potentiellement.
Ce processus est en cours. Malheureusement, nous n'en sommes qu'aux étapes préliminaires. Encore une fois, nous menons des discussions suivies avec l'ARC. Nous nous sommes heurtés à certains obstacles sur le plan de la confidentialité des contribuables, mais nous espérons que ceux-ci seront écartés dans un avenir prochain. Les représentants de l'ARC ont indiqué qu'ils sont prêts à nous faire part de données, pour que nous en fassions l'analyse, mais ils exigent — à fort juste titre — la garantie que les renseignements personnels des contribuables seront protégés à toute épreuve.
[Français]
La sénatrice Hervieux-Payette : Nous nous demandons si les ressources financières spécialisées — et qui sont nécessaires — sont disponibles; on en a besoin autant à Revenu Canada qu'à la GRC. Si on ne sait pas comment chercher l'information, on ne peut pas obtenir l'information. C'est bien beau de dire qu'on va diminuer le nombre de ressources, mais, pour moi, une personne qui relance des gens qui ne paient pas d'impôt, c'est une personne qui rapporte de l'argent au gouvernement; ce n'est pas une personne qui dépense. Chaque cotisant rapporte beaucoup plus que son salaire. Je comprends que, de cette somme de 100 milliards de dollars, tous les fonds nécessaires ne seront pas récupérés. Considérez-vous la qualité de la main-d'œuvre affectée à cette tâche? Il ne s'agit pas seulement d'avoir pris un petit cours ou même d'être diplômé des HEC; il faut que les gens aient une connaissance intime des mécanismes financiers mondiaux.
[Traduction]
M. Jacques : Je suis complètement d'accord avec vous. On rapporte que, au moment de mettre sur pied la Securities and Exchange Commission, le président Roosevelt a déclaré qu'il faut embaucher un voleur pour vraiment attraper un voleur.
[Français]
La sénatrice Hervieux-Payette : C'est une bonne idée!
[Traduction]
M. Jacques : Dans le cas de l'analyse pointue de l'écart fiscal, nous devons collaborer avec l'Agence du revenu du Canada. Bien que M. Shaw — qui dirige les travaux sur le plan de la fiscalité — et moi nous soyons des statisticiens compétents, notamment en modélisme économétrique, nous ne sommes pas des experts dans le domaine de la fraude fiscale. Du moins, je parle en mon nom. M. Shaw commence à rougir un peu.
Par conséquent, il importe de travailler avec des représentants de l'Agence du revenu du Canada dans ce dossier parce que, parmi tous les fonctionnaires, ce sont eux qui ont l'expertise nécessaire pour déterminer non seulement quelles sont les données, mais aussi ce que celles-ci signifient vraiment. D'après ce que font les autres pays qui se livrent à ce genre d'exercice, il ne s'agit pas seulement d'analyser les données. Il existe aussi une importante composante comportementale. Dans un formulaire de recensement ou l'Enquête nationale auprès des ménages, c'est une chose de demander à quelqu'un combien de personnes vivent dans son ménage, mais c'est une tout autre chose de leur demander ce qui suit : Quels revenus avez-vous touchés l'année dernière? Combien d'argent avez-vous dans des comptes à l'étranger? On sait bien que les gens pourraient être incités à sous-évaluer ces données.
La sénatrice Hervieux-Payette : Nous avons aussi besoin de gens au ministère de la Justice pour engager des poursuites judiciaires contre les accusés, parce qu'il y a une pénurie de gens en prison qui pourraient vous aider sur ce plan. En fait, nous n'engageons pas de poursuites judiciaires contre ces gens. Ils vivent en toute liberté dans nos collectivités. Il est plus facile d'attraper un type qui vole 100 $ dans le magasin du coin qu'un type qui place 100 millions de dollars à l'étranger. Beaucoup de nos ministères n'ont pas ce genre d'expertise. J'espère que vous pourrez vous pencher sur cet aspect et nous donner des conseils.
[Français]
Ma dernière question concerne les aliments et drogues. On a eu récemment beaucoup de problèmes, par exemple avec le bœuf dans l'Ouest. On se fait dire que l'inspection des aliments qui viennent de l'étranger, de façon régulière, n'est pas adéquate. Avez-vous procédé à des études — je ne connais pas toutes les études que vous avez effectuées — sur la nécessité d'embaucher des gens qui sont compétents, mais aussi de mettre un système en place? Que ce soit des pommes, de l'ail ou du tilapia qui viennent de Chine, on me dit que ces produits ne sont pas inspectés autant que le saumon qui vient de l'Ouest.
M. Fréchette : Non, le directeur parlementaire du budget n'a pas examiné cette question. C'est un peu hors de notre mandat. Cette question faisait plutôt partie de mon mandat lorsque j'étais directeur général au service de recherche alors que les comités parlementaires avaient étudié ce genre de questions.
La sénatrice Hervieux-Payette : Cela nous donne une idée de la nature des recherches que vous faites.
M. Fréchette : Oui, tout à fait. Mais il s'agit là de réglementation. Il y a évidemment un impact budgétaire, mais il s'agit davantage d'une question de réglementation qu'autre chose.
La sénatrice Hervieux-Payette : Mais ce n'est pas aussi le fait que nous ne disposons pas des ressources? Par exemple, si on effectue des compressions quant au nombre d'inspecteurs.
M. Fréchette : Vous parlez de compressions budgétaires.
La sénatrice Hervieux-Payette : Oui, de compressions budgétaires sur le plan des inspections. Évidemment, si vous n'avez pas d'inspecteurs, il y a de fortes chances que même les règlements ne soient pas appliqués.
M. Fréchette : Ça revient un peu à ce que Mostafa et Jason ont expliqué auparavant; effectivement, il faut que les bonnes personnes soient en place, mais ce n'est pas quelque chose que nous avons examiné spécifiquement.
La sénatrice Hervieux-Payette : Concernant votre budget, monsieur le directeur, bénéficiez-vous d'une augmentation, je dirais, qui correspond au moins au coût de la vie, depuis la création de votre organisme?
M. Fréchette : La somme de 2,8 millions de dollars est stable, mais c'est la même somme d'argent depuis 2008.
Le président : Merci. Je donne maintenant la parole à la sénatrice Chaput, du Manitoba.
La sénatrice Chaput : Merci, monsieur le président. Dans votre document sur les perspectives révisées, vous prévoyez que les chances de rétablir l'équilibre budgétaire en 2015-2016 sont de 65 p. 100. Vous mentionnez, si je comprends bien, que pour atteindre cette proportion de 65 p. 100, trois facteurs sont très importants et doivent se matérialiser : les réductions des frais des programmes directs, les ventes d'actifs, tel que prévu, et aussi le fait que, si le gouverneur en conseil réduit les cotisations à l'assurance-emploi, l'équilibre pourrait être difficile à rétablir.
À part ces trois facteurs — et je trouve qu'il n'y a pas beaucoup de flexibilité, car les trois doivent se matérialiser —, y a-t-il d'autres facteurs qui pourraient nous empêcher de rétablir l'équilibre budgétaire en 2015-2016?
M. Askari : Certainement. Cela dépend vraiment de la croissance de l'économie. S'il y a un changement comme une autre crise économique, une crise financière ou un autre choc externe pour l'économie canadienne, les données vont changer complètement. Mais notre évaluation est basée sur le système actuel et nos prévisions économiques, ce qui comprend les différentes mesures introduites par le gouvernement sur l'assurance-emploi, la vente des actifs et les dépenses directes du gouvernement. S'il y a un changement concernant ces facteurs, oui, l'excédent budgétaire changera pour 2015-2016.
Donc oui, il y a beaucoup de facteurs; cependant, c'est un scénario que nous avons introduit dans notre prévision.
La sénatrice Chaput : Êtes-vous en mesure de prévoir ceci même si vous n'arrivez pas à obtenir toute l'information nécessaire de la part des ministères? Est-ce que l'un ne va pas sans l'autre?
[Traduction]
M. Askari : Cette demande d'information et cette question n'ont rien à voir avec nos projections. Il s'agit d'une question distincte.
La sénatrice Chaput : C'est bien ce que je pensais. Merci.
M. Askari : Bien sûr, d'une certaine manière, ces questions sont liées. Nous aimerions vraiment mieux comprendre les programmes de dépenses directes du gouvernement, qui ont fait l'objet de beaucoup de compressions budgétaires au cours des quatre dernières années.
Nos projections tiennent toujours compte des projections du ministère des Finances concernant les dépenses de programmes directes. Toutefois, cet élément, qui représente 40 p. 100 des dépenses totales, peut comporter certains risques et être sujet au changement.
À l'heure actuelle, nous constatons une diminution importante des dépenses de programmes directes du ministère par rapport au PIB. Il y a lieu de se demander si c'est viable à long terme. Évidemment, il y aura des répercussions sur la prestation et la qualité des services. Si jamais, pour une raison quelconque, le gouvernement décide de changer de cap, il y aura également des répercussions sur les projections.
C'est un aspect important. Ce que nous demandons au gouvernement, c'est de nous permettre de mieux examiner le portrait de la situation et de déterminer si nous pouvons avoir une meilleure évaluation des risques quant aux projections.
[Français]
La sénatrice Chaput : Si je comprends bien, le fait de ne pas obtenir l'information à 100 p. 100 vous limite quand même dans vos prévisions, dans une certaine limite.
M. Askari : Exactement.
[Traduction]
Le président : Nous avons réservé deux heures pour notre séance d'aujourd'hui et il s'avère que c'était sage de notre part, car trois sénateurs demandent un second tour.
Avant de passer justement au second tour, je veux faire une mise au point au sujet d'un document auquel la sénatrice Callbeck a fait référence. Il s'agit du Suivi des dépenses : deuxième trimestre de 2013-2014. Elle faisait référence à l'encadré 2,8 à la page 5. Vous le saviez probablement, mais j'espère que cette information sera utile pour les gens qui écouteront la séance ou qui en liront la transcription plus tard.
La sénatrice Buth : J'ai une question qui porte plus précisément sur les changements apportés au RPP, qui contient maintenant de l'information sur les trois années précédentes et les trois années ultérieures, et des explications sur l'évolution des dépenses prévues.
Que pensez-vous de l'information fournie, de sa pertinence et de son utilité?
M. Askari : Je pense que le changement a découlé d'un rapport du Comité des opérations gouvernementales et des prévisions budgétaires de la Chambre des communes. En fait, avant qu'il soit présenté, nous avions comparu devant le comité et nous avions donné notre avis sur des changements utiles à apporter au processus budgétaire. Nous étions favorables à ce changement et nous avons convenu qu'il serait utile que le RPP comprenne un aperçu de la situation financière précédente en plus de l'information sur les trois années à venir.
Dans l'ensemble, le cadre du document sur les plans et les priorités est bon. Cela aiderait les analystes et nous-mêmes à mieux examiner la situation présente et celle à venir.
La question qui se pose parfois concerne la qualité de l'information contenue dans les documents, et c'est plus difficile à juger. Nous accueillons favorablement le changement, mais il nous faut examiner la qualité de l'information fournie.
La sénatrice Buth : Vous soulevez un point intéressant. On en revient à l'idée de fixer des objectifs et des mesures ainsi qu'à la difficulté à évaluer les répercussions que semblent toujours avoir les gouvernements. Si nous n'examinons pas les répercussions financières, comment atteindrons-nous les objectifs fixés?
Voudriez-vous nous dire si le DPB a des suggestions quant à notre démarche au gouvernement et à la façon dont nous pourrions mieux faire notre travail?
M. Askari : Il y a un certain nombre d'années, le Conseil du Trésor a créé l'architecture d'harmonisation de programmes qui le détermine à cette fin, à savoir, pour aider le ministère à mieux moduler leurs efforts en examinant le rendement des différents programmes et en ayant des objectifs précis et les critères de rendement qu'il faut pour faire un suivi sur la qualité des services et le budget alloué aux programmes.
On se disait qu'avec cet outil, il est possible d'examiner le programme après quelques années et, s'il ne donne pas de bons résultats, de réaffecter les ressources et d'améliorer les services offerts aux Canadiens. Comme je l'ai dit, le cadre est très bon. Les questions qui se posent sont les suivantes : comment mettre cela en place, et a-t-on les outils et les objectifs qui conviennent pour ces programmes?
Les objectifs de certaines activités de programme sont très bons et donnent lieu à des données utiles qui permettent de déterminer si les critères de rendement ont été respectés. Cependant, ce n'est malheureusement pas toujours le cas. Selon le type de service qui est offert, il n'est pas toujours facile d'établir ce genre de critères. J'ai déjà vécu l'autre perspective. Je sais qu'il peut être très difficile pour un organisme central d'établir des critères de rendement, en particulier quand il doit, comme le ministère des Finances, donner des conseils au gouvernement. Comment établir des critères de rendement pour cela? Ce n'est pas facile et nous le savons.
Il y a eu des progrès à cet égard, et le cadre est bon. Il faut seulement l'améliorer et fournir l'information nécessaire, non seulement à l'interne, pour les sous-ministres qui gèrent le ministère, mais aussi pour d'autres personnes, au Parlement, afin d'évaluer le rendement de ces programmes et de déterminer s'il est nécessaire d'apporter des changements.
M. Jacques : Vous nous avez demandé une suggestion. Au sujet des RPP, il convient de souligner qu'il n'y a pas de mesures concrètes pour l'une des activités de programme qu'on retrouve dans tous les ministères et organismes et qui représentent pour eux des coûts indirects, soit les services internes. La gestion des ressources humaines et du gouvernement devrait ressembler beaucoup à ce qui se passe dans d'autres gouvernements et dans le secteur privé. Pour ce qui est de gérer le système de gestion financière ou le système des comptes créditeurs du gouvernement et d'émettre des chèques, cela devrait être très semblable au secteur privé et à d'autres ordres de gouvernement.
À divers moments, le sénateur Finley a indiqué que si l'on gère des biens immobiliers, au centre-ville d'Ottawa, il s'agit de locaux à bureaux de catégorie B. Qu'ils soient occupés par le gouvernement fédéral ou par une entreprise privée, il importe peu de savoir à qui les immeubles appartiennent. Les mesures de rendement devraient être les mêmes. En ce qui concerne le RPP, à ma connaissance, aucun ministère ne met en place ces mesures de rendement, alors qu'à bien des égards, du moins selon ce que font d'autres pays de l'OCDE, cela devrait être l'une des choses les plus faciles à suivre et à gérer, à mon avis.
Le président : Vos observations s'appliquent-elles aux rapports ministériels sur le rendement? Lorsqu'on parle des critères de rendement, on parle de la façon dont on y fait référence?
M. Askari : Exactement.
Le président : Pour ceux qui regardent initialement les plans et les priorités, et qui regardent par la suite nos résultats dans les rapports ministériels, les deux vont de pair en quelque sorte.
M. Askari : Exactement.
La sénatrice Callbeck : Tout à l'heure, nous avons parlé de votre mandat et de votre incapacité de le remplir, car le gouvernement ne vous fournit pas l'information.
Si le gouvernement coopérait avec vous et vous fournissait l'information voulue, avez-vous tout de même suffisamment ressources? Je sais que votre budget n'a pas augmenté depuis 2008.
M. Fréchette : Je vous remercie de la question. Tout d'abord, parfois nous ne remplissons pas complètement notre mandat parce qu'il nous manque des données, mais nous essayons tout de même de le remplir en grande partie.
J'imagine que poser la question, c'est y répondre. Bien entendu, oui, si nous avions plus de ressources, un meilleur budget, mais le budget sera gelé au cours des prochaines années. Nous suivons l'orientation que le gouvernement a choisie pour tous les ministères. La situation est la même pour le Sénat, la Bibliothèque du Parlement et le ministère.
On constate que les analystes et les gestionnaires informent très bien les parlementaires. Bien entendu, dans un monde idéal, nous pourrions en faire davantage si nous avions plus de ressources.
M. Askari : Notre mandat est très vaste. Je collabore avec le directeur parlementaire du budget depuis la création de ce poste, et M. Page a été le premier à l'occuper. En créant le poste, nous avons décidé qu'il nous fallait utiliser le mieux possible le peu de ressources qu'on nous avait fournies.
Nous avons géré la situation en recrutant des gens qui avaient une grande expérience et beaucoup de connaissances à cet égard. C'est de cette façon que nous sommes parvenus à produire près de 200 rapports sur différentes questions au cours des cinq dernières années. Comme l'a dit M. Fréchette, on peut toujours augmenter les ressources, mais compte tenu de notre façon de fonctionner, je dirais que ce ne sont pas nécessairement les ressources qui nous posent problème présentement.
Nous réussissons à remplir une grande partie de notre mandat, mais pour certains aspects, nous n'avons pas toute l'information qu'il faut pour offrir les meilleures analyses possible aux parlementaires.
La sénatrice Callbeck : Je veux vous poser également une question sur le Suivi des dépenses : deuxième trimestre de 2013-2014. À la page 7, il est question du programme des portes d'entrée et corridors, et on indique que les dépenses du programme n'ont jamais dépassé 37 p. 100 des autorisations totales en une année depuis 2009-2010.
Cette situation se compare-t-elle à celle des programmes fédéraux similaires d'autres ministères ou encore à des programmes comparables d'autres pays? Cela me semble bas.
M. Fréchette : Je vous remercie de la question. Demandons à M. Shaw d'y répondre puisqu'il est l'un des principaux auteurs du rapport.
Trevor Shaw, analyste, Analyse économique et financière, Bibliothèque du Parlement : Il est important d'évaluer le type de projets pour lesquels les fonds sont utilisés. Dans le cas du programme portes d'entrées et corridors, on parle principalement de subventions et de contributions. Cependant, la nature de ces subventions et de ces contributions est bien différente de celle d'autres programmes gouvernementaux, qui sont hautement axés sur des subventions et des contributions.
Le programme des portes d'entrées et corridors vise essentiellement à fournir de l'infrastructure et du soutien pour l'infrastructure dans les régions. En le comparant à d'autres activités de programme du gouvernement fédéral qui sont axées sur l'infrastructure, nous avons examiné les sommes non utilisées dans l'ensemble des ministères et nous avons constaté que pour certains de ces programmes, les fonds non utilisés risquent d'être plus importants par rapport à d'autres activités de programmes qui sont plutôt opérationnelles.
La sénatrice Callbeck : C'est donc 37 p. 100. Avez-vous des solutions à proposer pour améliorer la situation? C'est une chose. Vous parlez de 37 p. 100 depuis 2009-2010. Quelle était la situation en 2005, par exemple, quelques années auparavant?
M. Jacques : Si l'on remonte à 2005, je sais, simplement parce que je connais bien Infrastructure Canada et Transports Canada — et mon collègue M. Shaw l'a souligné —, qu'il y a eu des fonds non utilisés sans précédent pour des programmes de subventions et de contributions. Cela se produit; c'est chose courante. Dans le cas de l'infrastructure, si l'on retourne à cette période, la portion des fonds inutilisés a été semblable dans l'ensemble.
En examinant les rapports trimestriels et les RPP d'Infrastructure Canada, on remarque qu'ils indiquent que leurs prévisions des dépenses constituent un problème. Ils constatent qu'ils doivent améliorer la situation.
Je crois que c'est la première possibilité. Si plus de la moitié des fonds du budget est inutilisée chaque année, une ou deux choses se produisent. Tout d'abord, il faut refaire les prévisions, car il y a constamment des erreurs qu'on ne corrige pas, et ce, surtout pendant une longue période. Ensuite, peut-être qu'il y a de nouveaux aspects en jeu ou qu'il se passe quelque chose au ministère sur le plan opérationnel.
À ma connaissance, Infrastructure Canada et la fonction publique n'ont rien rendu public à cet égard, mais ils semblent avoir constaté qu'il y a du progrès à faire du côté des prévisions.
La sénatrice Callbeck : Merci.
[Français]
La sénatrice Bellemare : J'ai deux questions, une micro et une macro.
Je vais commencer par la micro. On parlait tantôt des gains d'efficience, et M. Askari a dit que ces gains d'efficience sont habituellement liés à de l'investissement. Je suis d'accord, mais je crois que c'est aussi lié à l'organisation du travail.
Je me demandais s'il vous arrive de travailler avec le Bureau du vérificateur général lorsque celui-ci fait des vérifications pour déterminer si on atteint bien les programmes, afin d'émettre des hypothèses quant à l'organisation du travail.
M. Weltman : Nous travaillons de façon informelle avec le Bureau du vérificateur général. S'il désire effectuer une enquête, il va tout d'abord nous demander les informations que nous avons et il nous demandera ensuite si nous faisons quelque chose à ce sujet. Mais c'est vraiment une relation très informelle. Nous ne travaillons pas ensemble pour viser quelqu'un ou quelque chose et faire enquête. Cela n'arrive jamais.
C'est important parce que nous avons deux différents mandats. Nous donnons de l'information aux parlementaires afin qu'ils puissent prendre des décisions fiscales. Et le Bureau du vérificateur général donne de l'information aux parlementaires après un incident ou suivant la livraison d'un programme, pour l'informer de la méthodologie, de l'opération ou de l'efficacité de la livraison du programme. Ce sont vraiment deux différents mandats.
La sénatrice Bellemare : Merci beaucoup. Mon autre question a trait à l'estimation du solde budgétaire. Étant donné qu'il va peut-être y avoir une loi sur l'équilibre budgétaire, j'aimerais comprendre où on s'en va.
Au tableau 2.3, dans vos perspectives révisées, vous présentez le solde structuré révisé en le divisant en solde structurel et en solde cyclique. Le solde structurel, comme vous l'expliquez, c'est le solde qu'on aurait si l'économie roulait à plein régime, ce qui pourrait vouloir dire le plein emploi, sur le plan du marché du travail, ou à plein régime, sur le plan des capacités de protections matérielle et physique.
J'aurais besoin de quelques explications. Pour 2015-2016, dans votre tableau, on a un solde cyclique. Ce que je comprends du solde cyclique, c'est que la demande de l'économie, comme on n'est pas au plein régime, pourrait se traduire par un déficit de 2,6 milliards. Cependant, on aurait un surplus structurel immense, à ce moment-là, de 7,1.
Comme on devra jouer avec ces chiffres dans le prochain budget, pouvez-vous commenter un peu le sens de ces chiffres? Parce que j'imagine que le ministère des Finances décompose lui aussi ses soldes de manière structurelle et cyclique.
[Traduction]
M. Askari : Nous faisons ces prévisions car pour les décideurs, il est important de savoir en tout temps si le solde budgétaire est vraiment un solde budgétaire au sens structurel, et c'est ainsi que nous l'appelons —, si l'économie roule à plein régime, si nous maintenons l'équilibre. Par exemple, si la croissance économique est supérieure à son niveau tendanciel, ce qui se produit souvent, et qu'elle revient à un niveau normal ou inférieur par la suite, cela entraînera peut-être une augmentation du solde budgétaire, car la croissance du PIB est beaucoup plus rapide et le niveau est bien supérieur au potentiel, et les revenus seront donc évidemment plus élevés. Cette augmentation des revenus n'est pas durable, car l'économie finira par revenir à son niveau tendanciel. Nous ne pouvons pas vraiment nous fier au solde budgétaire. Par exemple, si on décide de réduire les impôts pendant cette période parce qu'il y a un excédent, on se retrouvera peut-être avec un déficit quelques années plus tard parce que l'économie sera à un niveau inférieur à son potentiel. C'est pourquoi nous faisons ce calcul.
Selon les chiffres que vous voyez ici, par exemple, il y a un solde budgétaire de 4,6 milliards de dollars pour 2015-2016, mais le solde structurel est en fait plus élevé, ce qui indique essentiellement que l'économie ne roule pas à son plein potentiel. Une fois que le niveau est atteint, le solde budgétaire sera supérieur à 4,6 milliards de dollars. Si le potentiel est atteint à ce moment-là, le solde budgétaire sera supérieur à 4,6 milliards. Par ailleurs, cela ne change rien, car la différence de 2,6 milliards correspond à la différence entre les montants de 4,6 et de 7,1 milliards de dollars. Nous évaluons ces données en évaluant l'élément cyclique basé sur l'écart entre le PIB réel et le PIB potentiel pour ensuite le soustraire au montant actuel afin d'obtenir le solde structurel.
[Français]
La sénatrice Bellemare : Selon votre explication, est-ce que cela signifie que, en 2015-2016 — pour reprendre votre image sur la coupure d'impôt, — s'il y a des baisses d'impôt permanentes, étant donné qu'il y a un solde structurel permanent en surplus, cela veut dire que le gouvernement a réussi à cumuler un surplus par des mesures structurelles importantes?
M. Askari : Exactement.
La sénatrice Hervieux-Payette : Au cours de l'année dernière, j'ai découvert la fameuse règle 5 qui a permis de vendre pour plusieurs millions de dollars la résidence diplomatique en Angleterre. Rien n'avait été planifié dans le budget antérieur et on n'a jamais entendu parler de cette vente.
Je me demandais d'où provenait l'argent. Apparemment, la dépense a été autorisée sans référence au budget qui a été adopté au Parlement. Dans les budgets supplémentaires, nous avons approuvé une dépense pour laquelle toutes les autorisations avaient déjà été données sans que les parlementaires aient un mot à dire.
Est-ce qu'il se pourrait que dans n'importe quel budget il y ait un fonds d'urgence? Je ne pensais pas qu'un immeuble de plusieurs millions représentait une question urgente. On parlait d'une transaction immobilière. Je ne sais pas si vous êtes au courant de la vente de la résidence MacDonald?
Est-ce que la règle 5 ne s'applique qu'aux urgences, c'est-à-dire aux dépenses qu'on ne peut prévoir au préalable? Peut-on commencer à payer nos dettes en vendant nos immeubles sans que les parlementaires approuvent l'item dans le budget, et que toute la transaction soit autorisée? Je parle des règles générales qui s'appliquent lorsqu'on fait un budget. Cela m'a étonnée et je n'étais pas la seule à en être surprise.
M. Fréchette : Peut-on examiner votre question et vous revenir plus tard avec la réponse? On est au courant de la vente, mais pas de tout le processus.
La sénatrice Hervieux-Payette : C'est surtout le processus d'autorisation qu'il est important de connaître parce qu'il me semble que normalement, la vente d'un immeuble est prévue et elle se négocie. Il me semble qu'on retient les services de courtiers et que cela donne amplement le temps de demander les autorisations nécessaires.
Ma dernière question porte sur vos tableaux qui concernent le personnel. Lorsqu'on coupe des postes, il y a des compensations pour ceux qui sont embauchés depuis peu, il y a ceux qui sont mis à la retraite et il y a les agences de placement. J'essaie de voir dans vos tableaux s'il y a un changement important de ce côté parce qu'on a vécu antérieurement des mises à pied massives lorsque le déficit était très élevé sous le gouvernement Martin.
Souvent, on revoyait le même fonctionnaire qui avait été mis à la retraite et qui revenait par l'entremise d'une agence de placement. À mon avis, cela ne constitue pas de grosses économies parce qu'on sort par la porte d'en avant et on rentre par la porte de derrière. Est-ce la façon dont c'est présenté dans les budgets qui fait que cela paraît mieux ou si c'est parce qu'il y a moins d'effectifs permanents?
Dans le tableau 2-6 de la version française, je vois « autorisation » à gauche, « dépense totale » à gauche et « équivalent temps plein » à droite. Je vous avoue que je ne peux pas visualiser le tout en termes d'effectifs, à savoir combien de personnes donneront éventuellement des services et combien seront envoyées et réembauchées.
M. Fréchette : Le tableau ne montre que la variation. Le petit triangle correspond à la variation du nombre d'effectifs par rapport aux 20 000 postes d'équivalent temps plein qui ont été abolis depuis 2010. Il n'y a pas de comparaison sur le nombre de personnes qui seront réembauchées.
La sénatrice Hervieux-Payette : Comment est-ce rapporté dans le budget? Est-ce que ces personnes réembauchées sont comptabilisées de la même façon que le personnel permanent?
M. Weltman : C'est rapporté à un endroit différent dans le budget. C'est un coût opérationnel plutôt qu'un coût de salaire. Les comptes publics sont divisés en différentes catégories. Il y a des catégories qui comprennent tous les vendeurs, les consultants et les dépenses dans ce domaine.
Si quelqu'un quitte le service public et revient comme consultant, il sera payé comme consultant. Cela n'apparaît pas dans les chiffres d'emploi, mais le total global des dépenses actuelles et des dépenses directes du gouvernement continue de diminuer. Dans un sens total global, les coûts diminuent.
La sénatrice Hervieux-Payette : Mais pour avoir vraiment le portrait général, il faudrait compter et le personnel permanent et le personnel réembauché et aussi le montant des prestations de retraite qu'on verse chaque année. Parce que la personne contractuelle reçoit aussi des prestations de retraite. J'ai des exemples très précis.
M. Weltman : Vous avez raison.
La sénatrice Hervieux-Payette : La question que je me pose, c'est de savoir si on a économisé quelque chose à la fin de l'année.
M. Weltman : Tout dépendant du poste budgétaire. Par exemple, les équivalents temps plein qui sont des postes de fonctionnaires sont payés au moyen d'un poste salarial, alors que les consultants sont payés au moyen d'un poste de biens et de services. Ils sont donc comptabilisés différemment. Il faut regarder les deux postes budgétaires à ce moment-là.
La sénatrice Hervieux-Payette : Nous travaillons à partir de ce beau document dans lequel tout est mis ensemble. Il est donc difficile de connaître le coût de la main-d'œuvre, car les coûts d'opération représentent plus que la main-d'œuvre. Donc si on voulait connaître exactement le coût de la main-d'œuvre au gouvernement fédéral, il faudrait avoir ce rapport aussi.
M. Weltman : Les coûts de la main-d'œuvre ne sont pas isolés dans les estimations, mais ils le sont dans le rapport du vérificateur général des comptes publics qui définit le montant total dépensé sur les salaires et les autres coûts.
[Traduction]
M. Jacques : Nous retenons la suggestion. Nous avons les données sur les services professionnels tous les trimestres. Nous les intégrerons dans les prochains rapports, dans la mesure où les sénateurs ou les députés feront d'autres suggestions sur le contenu du rapport et l'ajout d'autres renseignements. Cela comprend l'excellente idée d'indiquer les limites de certaines de nos analyses qui ne portent que sur une partie des ressources humaines et que sur les équivalents temps plein, sans tenir compte des dépenses liées aux services professionnels.
C'est une excellente observation. C'est un point faible du rapport, et nous y intégrerons ces données la prochaine fois.
Le président : Pourriez-vous nous expliquer la démarche concernant quelque chose que vous considérez clairement insuffisant? Je fais référence à votre Suivi des dépenses pour le deuxième trimestre de 2013-14, à la partie qui porte sur la gestion des urgences. Il s'agit du programme dans le cadre duquel le gouvernement fédéral fournit de l'aide aux provinces et aux territoires. À ce sujet, Sécurité publique a dit au comité que le financement de base de 100 millions de dollars est insuffisant, ce que vous indiquez également — c'est-à-dire que les dépenses dépassent largement le niveau de financement de référence.
Je ne suis pas en mesure de comprendre clairement la figure 3.1, à la page 6, car nous n'avons qu'un exemplaire en noir et blanc; il semble que la figure était en couleur. De toute évidence, les dépenses prévues dépasseront largement le financement de base — le financement prévu — qui sera contenu dans le merveilleux document que nous consulterons dans un mois environ, comme tous les ans, dans le Budget principal des dépenses.
Que pouvons-nous faire pour rendre les prévisions réalistes? Vous avez signalé le problème. Comment pouvons-nous faire en sorte que le Conseil du Trésor corrige la situation?
M. Fréchette : Je vais demander à M. Shaw de vous donner des explications.
M. Shaw : Je vais parler du programme. Vous avez tout à fait raison de dire que le financement pour ce programme était de 100 millions de dollars pour l'exercice. Dans son plus récent rapport financier trimestriel, Sécurité publique estime que la charge à payer pour le gouvernement du Canada découlant de quatre catastrophes naturelles qui se sont produites récemment, est de 4,1 milliards de dollars, ce qui dépasse largement la somme déjà établie.
Selon les règles du programme qui sont en vigueur, on s'attend à ce que ce montant soit payé au cours des 10 prochaines années. Une grande partie le sera au cours des 5 prochaines années. C'est un calcul très facile qui indique que le montant dépassera le financement actuel.
Pour ce qui est de l'amélioration des prévisions, je ne suis pas en mesure de répondre à la question; je ne peux parler que du programme en tant que tel.
Le président : Espérez-vous que le Conseil du Trésor lise votre suivi des dépenses et qu'il apporte les changements voulus, ou faites-vous quelque chose de plus concret?
M. Jacques : Comme M. Fréchette l'a dit, nous discutons de ces rapports avec bon nombre de représentants du gouvernement, dont ceux du Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada, du Bureau du Conseil privé et du ministère des Finances. Je peux dire sans me tromper qu'avant même de rendre quoi que ce soit public, en particulier les présentes notes, nous en discutons, et parfois, de simples discussions les amènent à essayer d'améliorer leurs estimations.
Cependant, compte tenu de mon expérience limitée avec le DPB, et auparavant avec le Bureau du Conseil privé, le ministère des Finances et le Conseil du Trésor, à moins que les parlementaires, notamment les sénateurs, se penchent sur le sujet et posent des questions à cet égard, on ne déploie pas beaucoup d'efforts pour remédier à la situation.
Par conséquent, je pense que si les membres de votre comité posent des questions, les ministères et les fonctionnaires interviendront assez rapidement pour améliorer les prévisions.
Le président : Je vous remercie de la suggestion.
[Français]
La sénatrice Hervieux-Payette : Ma question semblera peut-être naïve, mais si on révise le montant de 100 millions pour un milliard demain matin, cela aura-t-il un impact sur le budget?
M. Fréchette : Absolument.
La sénatrice Hervieux-Payette : Il me semble que selon une entente avec les provinces, le gouvernement fédéral n'a pas nécessairement à payer durant l'année où le sinistre a lieu et que le paiement peut s'échelonner sur un certain nombre d'années, non? Un échéancier de remboursement a-t-il été prévu?
[Traduction]
M. Askari : Je veux préciser que les 4,1 milliards de dollars que nous mentionnons dans le rapport font déjà partie du budget — dans les prévisions du gouvernement —, et qu'ils ont donc déjà été pris en compte. L'un des problèmes que nous soulevons dans le rapport, c'est que selon les projections d'Environnement Canada, le nombre de catastrophes naturelles augmentera probablement avec le temps, mais on n'en tient pas compte. Le gouvernement devra évidemment en tenir compte et prendre des dispositions en prévision des prochaines catastrophes et pour le financement.
La sénatrice Hervieux-Payette : Les 4,5 milliards de dollars ont-ils été versés après ou avant les événements?
M. Askari : Après les catastrophes, les provinces font une demande de fonds supplémentaires, et l'argent est versé à ce moment-là.
La sénatrice Hervieux-Payette : Donc après les événements?
M. Askari : Oui.
Le président : Lorsqu'on commencera à recevoir un grand nombre de demandes pour des fonds supplémentaires dans le cadre du Budget supplémentaire des dépenses, on saura alors qu'il y a probablement un problème avec le financement de base. En ce qui concerne le Budget principal des dépenses, les représentants de Sécurité publique nous ont dit, juste avant Noël, que selon leurs prévisions, ils s'attendent à environ 470 millions de dollars chaque année au lieu de 100 millions de dollars.
Avez-vous tenté de déterminer quelle prévision serait raisonnable?
M. Weltman : On nous a demandé de nous pencher sur la question. D'après ce que nous comprenons, la façon dont le programme fonctionne maintenant, c'est qu'à mesure que les factures arrivent, le gouvernement verse l'argent pour les régler. Nous pensons également que très peu de travaux ont été menés — en fait, nous ne savons pas, nous essayons de le savoir — pour tenter de prévoir le profil de financement des 10 ou 20 prochaines années selon les rapports publiés par Environnement Canada sur l'augmentation hypothétique de la fréquence et de la gravité des catastrophes naturelles. Nous avons justement commencé à étudier cette question.
Nous collaborons en ce moment avec des collègues du Congressional Budget Office qui ont mené des travaux similaires il y a quelques années, et nous essayons de comprendre les résultats de ces analyses et de ces recherches.
Le président : Combien d'employés travaillent pour le Congressional Budget Office des États-Unis?
M. Weltman : L'organisme emploie 232 personnes.
Le président : Comparativement à 15.
M. Weltman : Oui, et son budget dépasse 200 millions de dollars.
La sénatrice Hervieux-Payette : Nous sommes sous la moyenne de l'organisme.
Le président : Où en êtes-vous avec votre base de données de suivi intégré? Est-ce une réussite? C'est une nouvelle initiative.
M. Jacques : Les choses vont bien. Il ne s'agit pas nécessairement d'une nouvelle initiative. En effet, nous avons lancé un projet pilote il y a quelques années; au départ, il s'adressait seulement aux députés de la Chambre des communes et aux sénateurs. Ensuite, en nous fondant sur la rétroaction, qui a été très positive, nous l'avons rendu public et la population y a eu accès.
Chaque mois, environ 1 000 personnes se connectent et téléchargent du contenu. Je trouve qu'il est remarquable que ces gens consultent le site et suivent les dépenses trimestrielles de certains programmes du gouvernement. Je croyais que j'étais le seul assez zélé pour faire ce genre de chose.
C'est la plus grande réussite de ce projet, au-delà du fait qu'il répond à un besoin et à une demande des parlementaires. Encore une fois, l'intérêt soutenu de la Chambre des communes, du Sénat et de la population a été démontré par le fait que le gouvernement s'est engagé dans cette voie. Il a aussi lancé sa propre base de données sur les dépenses, et je dois dire qu'elle a l'air beaucoup mieux organisée que celle que nous avons lancée il y a quelques années.
Au Bureau, on discute du fait que la nouvelle base de données sur les dépenses du gouvernement accomplit, en grande partie, les mêmes fonctions que la BDSI, à l'exception d'un élément précis : elle ne produit pas de données trimestrielles ou de données sur l'année en cours en ce qui concerne les activités de programmes. Donc, si vous voulez connaître les dépenses trimestrielles consacrées au fonctionnement de Pêches et Océans (crédit 1), la base de données peut vous fournir la réponse — tout comme nous pourrions également vous la fournir. Toutefois, si vous voulez savoir combien d'argent est dépensé pour la Garde côtière canadienne, ou combien d'argent a été dépensé pendant les trois premiers mois de l'année, malheureusement, seule la BDSI peut vous fournir ces renseignements pour le moment.
Dans l'ensemble, à notre avis, la véritable réussite, c'est que nous avons cerné, au cours d'un dialogue soutenu avec les parlementaires, un besoin et un manque de données majeurs concernant l'argent dépensé pendant l'année en cours. Le gouvernement a répondu à cette constatation par la production des rapports trimestriels et par le lancement de sa propre base de données concurrente.
À long terme, je m'attends à une demande accrue pour ces produits. M. Fréchette peut parler de certaines des idées qu'il a pour l'avenir. Il a beaucoup contribué à mettre en œuvre plus d'outils web et d'autres applications du même type pour répondre aux besoins des parlementaires, et à attirer l'attention sur le fait qu'un grand nombre d'entre vous se sert davantage des iPad que du papier.
M. Fréchette : Comme vous pouvez le voir, les analystes n'ont pas seulement une grande expertise, mais ils sont aussi passionnés. Il s'ensuit que la passion et l'expertise sont à votre service. Oui, nous étudions la possibilité d'offrir d'autres services. Je mène des consultations auprès des parlementaires, et les iPad et les produits électroniques font partie de l'avenir.
Nous avons aussi acheté la base de données Bloomberg, une énorme base de données utile pour nos produits, et nous nous penchons sur les services que nous pouvons fournir grâce à cet outil. La sénatrice Bellemare est certainement au courant de cela.
Le président : Je me souviens vaguement qu'un projet de loi d'initiative parlementaire avait été présenté pour demander des rapports sur les dépenses trimestrielles des ministères. Je présume qu'il n'a pas été adopté ou qu'il s'est perdu en route.
M. Jacques : Il s'agissait du projet de loi du sénateur Segal, et dans ce cas-là, le gouvernement a répondu en produisant ces rapports. Cela a pris beaucoup de temps. Un projet de loi d'initiative parlementaire a été présenté, et si on consulte le hansard, on constate qu'il a fait l'objet d'un grand nombre de débats et de discussions. Dans les annales du gouvernement et au sein de la fonction publique, la réponse officielle, c'est que c'était une bonne idée en théorie et qu'on allait l'étudier. On l'a d'ailleurs étudiée pendant plusieurs années.
Il peut s'agir d'une coïncidence, mais après que nous ayons commencé à produire la BDSI et à publier en ligne les données trimestrielles auxquelles nous avions accès, le gouvernement a décidé, environ 8 mois plus tard, de produire ces rapports trimestriels.
Le président : Je suis heureux d'apprendre que c'est grâce à un sénateur que les choses ont progressé. Monsieur Fréchette, le temps est presque écoulé, mais j'ai l'impression, d'après le déroulement de la réunion et les questions des honorables sénateurs, que nous ne devrions pas attendre aussi longtemps pour vous accueillir à nouveau et discuter avec vous. Nous avons tendance à nous fier énormément au Conseil du Trésor pour nous aider à naviguer le Budget principal des dépenses et les divers Budgets supplémentaires des dépenses, et aussi pour comprendre le cycle financier. Je crois que vous pourriez aider les honorables sénateurs qui s'intéressent au sujet à comprendre la différence entre la production de rapports fondée sur la méthode de comptabilité d'exercice et celle fondée sur la méthode de comptabilité de caisse, ainsi que ces comparaisons qui engendrent une grande confusion.
Participez-vous à des réunions de comité ou rencontrez-vous les parlementaires de temps en temps pour expliquer les ressources disponibles?
M. Fréchette : Nous serions heureux de le faire. Il ne s'agit pas seulement de formation pour les parlementaires, mais aussi d'échanges. En effet, nous avons besoin de votre contribution. C'est ce dont a besoin le Bureau du DPB. Si vous souhaitez instaurer une tradition, nous serions heureux de le faire une ou deux fois par année, comme on le fait à l'autre endroit, c'est-à-dire à la Chambre des communes. Nous serions heureux de comparaître devant votre comité en public ou, si vous voulez, à huis clos pour échanger de l'information.
Le président : Je suis heureux d'entendre cela. Et je présume que votre plan opérationnel de 2008 est en cours de révision. En effet, vous avez ce plan depuis un moment. Fonctionnez-vous toujours en fonction de ce plan? Si vous planifiez certains changements, seriez-vous prêts à participer à des discussions au sein des comités du Sénat au sujet des changements qui devraient être apportés à votre approche et à votre mandat?
M. Fréchette : C'est le bon moment de poser la question. En effet, demain, tous les gens du Bureau du DPB participeront à une retraite au cours de laquelle ils discuteront des cinq priorités que nous avons établies pour les cinq prochaines années. Le plan opérationnel de 2008 est un bon fondement. Je suis ici pour continuer de bâtir sur ce type de fondement avec un style différent, c'est-à-dire des approches différentes, de nouveaux produits et services, mais la même passion et la même expertise.
Le président : Fonctionnez-vous toujours en fonction de ce plan?
M. Fréchette : Nous fonctionnons. Le plan est fondé sur les principes de l'OCDE, et ce sont des lignes directrices, des principes qui découlent du gros bon sens et que nous continuerons de suivre.
Le président : Les membres du Comité sénatorial permanent des finances nationales aimeraient beaucoup travailler avec vous. Ils sont nombreux à avoir eu un rôle à jouer en ce qui concerne la Loi fédérale sur la responsabilité et les changements qui ont mené au rôle du directeur parlementaire du budget. Nous avons soutenu ce projet à l'époque.
Nous vous remercions de tout le travail que vous faites pour nous aider à accomplir le nôtre. Nous avons hâte de continuer à travailler dans ce climat d'entraide.
Chers collègues, c'est ce qui termine la réunion d'aujourd'hui. Nous nous réunirons demain soir à l'heure habituelle avec le représentant du Bureau du surintendant des institutions financières.
(La séance est levée.)