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APPA - Comité permanent

Peuples autochtones

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Peuples autochtones

Fascicule no 7 - Témoignages du 11 mai 2016


OTTAWA, le mercredi 11 mai 2016

Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones se réunit aujourd'hui, à 18 h 42 pour étudier les pratiques exemplaires et les problèmes constants du logement dans les collectivités des Premières Nations et les collectivités inuites du Nunavut, du Nunavik, de Nunatsiavut et des Territoires du Nord-Ouest.

La sénatrice Lillian Eva Dyck (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente : Bonsoir. Je souhaite la bienvenue à tous les honorables sénateurs et aux membres du public qui regardent cette séance du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones dans cette salle, sur CPAC ou dans Internet.

Dans un esprit de réconciliation, je tiens à souligner que nous nous réunissons sur le territoire non cédé des peuples algonquins du Canada.

Je m'appelle Lillian Dyck, je viens de la Saskatchewan et j'ai le privilège et l'honneur de présider ce comité. J'invite maintenant mes collègues sénateurs à se présenter, en commençant à ma gauche.

Le sénateur Moore : Merci, madame la présidente. Wilfred Moore de la Nouvelle-Écosse. Je vous remercie de vous être efforcées de venir.

La sénatrice Lovelace Nicholas : Bienvenue. Sénatrice Lovelace Nicholas, du Nouveau-Brunswick.

La sénatrice Beyak : Sénatrice Lynn Beyak, de l'Ontario. Bienvenue.

La sénatrice Raine : Sénatrice Nancy Green Raine, de la Colombie-Britannique. Je suis heureuse de vous revoir.

La présidente : Merci, mesdames et monsieur. Ce comité a pour mandat d'examiner la loi et les enjeux qui concernent les peuples autochtones du Canada en général.

Ce soir, nous continuons à entendre des témoignages sur notre étude du logement dans le Nord. Nous avons pour mandat d'examiner les pratiques exemplaires et les problèmes constants du logement dans les collectivités des Premières Nations et les collectivités inuites du Nunavut, du Nunavik, de Nunatsiavut et des Territoires du Nord- Ouest.

Nous sommes extrêmement heureux d'entendre le point de vue des jeunes. Nous avons eu le grand plaisir de parler à vous deux, dirigeantes du conseil de la jeunesse, quand nous avons visité Kuujjuaq il y a quelques semaines. Du Conseil de la jeunesse de Qarjuit, nous avons Louisa Yeates, vice-présidente et Olivia Ikey, représentante d'Ungava.

Mesdames, je vous prie de présenter votre allocution, après quoi les sénateurs vous poseront des questions. Vous avez la parole.

Olivia Ikey, représentante d'Ungava, Conseil de la jeunesse de Qarjuit : Merci de nous avoir invitées. Nous sommes très heureuses d'être ici, quoiqu'un peu nerveuses.

La présidente : Ne soyez pas nerveuses.

Mme Ikey : Je vais vous présenter ce dont nous avons parlé il y a deux ou trois semaines puisque certains d'entre vous n'ont pas pris part à cette visite. Il s'agit simplement d'un aperçu de la situation du logement au Nunavik.

Le Nunavik souffre d'une pénurie de logements pour ses résidants. Cette pénurie cause de nombreux problèmes aux familles, aux communautés et à toute la région. En cherchant du logement, les Inuits font face à beaucoup de graves obstacles. Ils doivent répondre à certaines exigences pour obtenir différents types de logements. Ces exigences causent diverses formes de discrimination et de racisme dans notre région.

Comme les Inuits de notre région deviennent de plus en plus autonomes et capables de gérer leur vie, ces exigences du passé entravent les chances qu'auraient les Inuits motivés et autonomes qui ont fait des études et développé leurs compétences d'obtenir certains types de logements dans notre région.

Notre région du Nunavik compte 13 000 résidants inuits; la jeune population représente une énorme part des résidents qui pourraient louer ou acheter un logement. Elle constitue 65 p. 100 de toute la population de la région. La plupart des jeunes ne sont pas admissibles à ces logements à cause des exigences que je vais vous décrire.

Comme notre population s'accroît rapidement, la situation du logement empire d'une année à l'autre. Cette pénurie de logements cause de nombreux problèmes aux familles et aux communautés. Les logements surpeuplés engendrent de nombreux problèmes comme la transmission de maladies telles que la tuberculose et les maladies transmises sexuellement ainsi que des problèmes de santé mentale, d'agression sexuelle et de violence familiale.

Le Nunavik compte 13 168 résidants à l'heure actuelle, mais cette population s'accroît de jour en jour. Elle se compose de 90 p. 100 d'Inuits, et il y a environ 3 000 unités résidentielles dans la région.

Chaque été, l'Office municipal de l'habitation Kativik, OMHK, et la Société Makivik construisent des maisons pour les résidents en suivant des listes de demandes établies dans chaque communauté et en fonction du nombre d'immeubles qui se trouvent dans chaque communauté.

Les logements que reçoivent les Inuits sont très vieux et mal tenus. Il est très difficile d'entretenir les unités résidentielles, et elles ne sont pas entretenues chaque année pour prévenir les dommages.

L'OMHK et la Société Makivik ont promis de construire 120 maisons cet été dans six communautés.

Je vais vous décrire les trois types de logements offerts dans notre région. Le premier est le logement abordable. Ce programme de logement social est géré par l'Office municipal de l'habitation Kativik et par la Société d'habitation du Québec. Les logements sont octroyés en fonction d'un système de points, et les candidats admissibles doivent répondre à de nombreux critères, comme avoir un revenu peu élevé, être en situation de crise, ou encore avoir des problèmes de santé mentale, des démêlés avec la loi, des problèmes de santé, des enfants.

Le deuxième type de logement est la propriété privée. Ce programme est aussi régi par l'OMHK et par la SHQ et reçoit un financement des gouvernements. Il aide les Inuits en subventionnant l'achat ou la construction d'une maison dans la région. Il impose différents critères et comporte de nombreuses défaillances, comme l'impossibilité d'assurer ces maisons parce que les inspecteurs ne peuvent pas venir si loin dans le Nord.

Le troisième type de logement est celui qu'offrent les entreprises. La plupart des sociétés et des organismes de la région offrent un logement aux employés qu'ils embauchent, mais pas aux Inuits qui résident dans la communauté où se situe le poste à combler. Pour obtenir ce type de logement, il faut vivre à 50 kilomètres du lieu de travail. Les Inuits jeunes, instruits et autonomes n'y sont pas admissibles, bien qu'ils aient passé des années loin de chez eux pour étudier au collège ou à l'université. Certains organismes s'efforcent de résoudre ce problème.

Le logement social va à l'encontre de l'intérêt des jeunes Inuits. Les jeunes ont tendance à abandonner leurs rêves professionnels face aux exigences du logement social. Ils commencent à avoir des enfants aussitôt que possible pour obtenir plus de points en vue d'obtenir ces logements. Ils lâchent leurs études pour obtenir un emploi de base afin d'obtenir ces logements aux loyers peu élevés. Ces exigences éliminent les occasions qu'auraient les jeunes de se faire une vie autonome et viable et de se perfectionner.

De ce fait, les jeunes ne sont plus motivés à réussir aux études, au travail et dans la vie en général. Les familles et les communautés inuites sont extrêmement perturbées; elles demandent l'aide de travailleurs sociaux et de médecins afin d'obtenir plus de points d'admissibilité à du logement social.

Les étudiants inuits qui reviennent de l'université ne sont pas admissibles au logement social, parce qu'ils n'ont pas accumulé assez de points; ils n'ont pas non plus assez d'ancienneté de résidence parce qu'ils ont passé trop d'années loin de leur communauté. Ils sont donc obligés de retourner vivre chez leurs parents. Comme la plupart d'entre eux ne veulent pas retourner chez leurs parents, ils ne reviennent pas dans leur communauté. Nous perdons ainsi de nombreux résidants instruits, qui s'installent désormais en ville.

Voici les répercussions que les exigences des entreprises et des organismes en matière de logement ont sur les jeunes Inuits. Les employés inuits ne peuvent pas obtenir ce type de logement s'ils vivent dans la communauté où se situe l'emploi. Les jeunes Inuits qui reviennent de l'université n'ont pas le droit d'inscrire l'adresse qu'ils avaient dans le sud dans leur formulaire de demande d'emploi. N'étant donc pas admissibles à un logement, ils décident de ne pas travailler pour les organismes inuits de leur communauté. Cela crée de la tension dans les communautés entre les Inuits qui y résident et les travailleurs du Sud qui viennent au Nunavik pour travailler. Ressentant cette discrimination, les Inuits se mettent à faire de la discrimination contre les autres, ce qui crée un cercle vicieux malsain dans nos communautés et dans les lieux de travail.

Voici les répercussions qu'ont les critères de la propriété privée sur les jeunes. Les Inuits ne comprennent pas les nombreux critères à respecter pour obtenir ces subventions, et les employés de l'OMHK devraient leur fournir un meilleur soutien pendant tout le processus.

Les futurs propriétaires ont de la peine à trouver de l'assurance, parce que les compagnies d'assurance ne peuvent pas envoyer leurs inspecteurs si loin dans le Nord. Par conséquent, les futurs propriétaires ont de la difficulté à recevoir de pleines subventions. Les jeunes ne font pas de demande à ce programme à cause de ses nombreuses exigences compliquées et de la longueur du processus.

Les exigences d'admissibilité à ces trois types de logements causent de graves problèmes. Ils créent des conditions d'habitation malsaines, la transmission de maladies, de grands risques de toxicomanie et d'alcoolisme ainsi que d'agression sexuelle. Ils causent aussi de l'isolement dans la communauté et dans les familles, un plus grand risque de violence ainsi que des taux élevés de décrochage. Les étudiants n'ont pas d'espace pour étudier et pour faire leurs devoirs chez eux, alors ils ne peuvent pas appliquer leur plein potentiel à leurs études. Ils perdent toute motivation et tout désir de réussir. Ces exigences causent aussi beaucoup de racisme et de négligence dans les communautés.

J'ai élaboré quelques brèves recommandations sur le logement. Je ne suis pas habituée de faire des présentations au gouvernement.

La présidente : Allez-y. Nous sommes très intéressés de savoir ce que vous recommandez.

Mme Ikey : Une de mes premières recommandations serait de créer un foyer refuge dans chaque communauté. Chaque communauté du Nunavik devrait offrir un foyer refuge à ses jeunes. Il s'agirait d'une sorte d'abri offrant aux jeunes un peu d'espace tranquille et un milieu sécuritaire. Pendant la journée on pourrait y offrir des ateliers sur différents sujets comme la santé mentale, la prévention du suicide, les compétences en leadership, le parentage, le rétablissement des familles. Le soir, les jeunes qui ont besoin d'un endroit sécuritaire pourraient y passer la nuit et manger un bon repas.

On pourrait établir ce programme en partenariat avec le Conseil de la jeunesse de Qarjuit, avec le CLSC, avec les ministères de la protection de la jeunesse, avec les municipalités locales et avec la Régie régionale de la santé et des services sociaux du Nunavik.

Le personnel de chacun de ces foyers refuges se composerait de travailleurs communautaires auprès des jeunes des municipalités locales comme des aînés, des comités de la jeunesse ou des travailleurs du comité du mieux-être. Il y faudrait aussi une équipe de travailleurs sociaux et de fournisseurs de soins de santé mentale qui suivraient les jeunes et leurs familles. Ce programme offrirait aussi des occasions de bénévolat pour les jeunes en organisant des activités parascolaires, des tournois sportifs et d'autres événements.

Voici quels seraient les avantages de ces foyers refuges et les résultats qu'ils produiraient: les jeunes y trouveraient refuge de la violence qui fait rage dans leurs familles ou dans la communauté. Ces foyers aideraient les jeunes à développer leurs aptitudes à la vie quotidienne et offriraient des services de counseling avec ou sans les autres membres des familles. Les jeunes y trouveraient un espace tranquille pour faire leurs devoirs ou pourraient acquérir d'autres connaissances en participant à des activités parascolaires pendant la journée.

Ces foyers refuges contribueraient à réduire la violence familiale et à écarter les jeunes de la consommation de drogues et d'alcool des autres membres de leur famille. Ce programme aiderait les services de protection de la jeunesse à établir de meilleures relations entre les jeunes et leur communauté. Il produirait ainsi une meilleure génération de locataires et de propriétaires dans notre région.

Ma deuxième recommandation est de créer des coopératives de logement dans nos communautés.

Créons des coopératives de logement pour les jeunes instruits et motivés qui sont prêts à prospérer. Un tel programme lancerait un défi aux programmes de logement social. Il fixerait des objectifs plus dignes en établissant comme critères d'admissibilité un certain niveau d'études, un emploi bien rémunéré et une saine participation sociale. Il éduquerait ainsi les enfants pour qu'à l'âge adulte ils désirent vivre dans une coopérative de logement et non dans un logement social. Ce programme aiderait aussi les jeunes à établir leur autonomie, à mieux gérer leur vie, à participer aux travaux d'un conseil d'administration et à assumer la responsabilité de leur logement et du milieu dans lequel ils vivent.

Ce programme construirait de petits ensembles domiciliaires où les jeunes pourraient profiter d'un loyer subventionné abordable. Chaque ensemble serait géré par un conseil d'administration composé des jeunes résidants de l'immeuble, qui géreraient les affaires de leur coop et prendraient les décisions.

Ces coops pourraient entrer en partenariats avec des magasins coops, avec les municipalités locales, avec le conseil de la jeunesse et avec les propriétaires des petites entreprises locales. Ces partenaires assumeraient le rôle important d'aider à gérer les questions financières, à choisir les locataires et les membres des conseils d'administration ainsi qu'à aider les coops à ne pas tomber dans le déficit.

En voici les avantages et les résultats potentiels: ce programme offrirait dans la région un type différent de logement. Il serait géré par les membres du conseil d'administration avec l'aide de la communauté en respectant les lois de la communauté. Ce programme encouragerait les jeunes à améliorer leur style de vie et à atteindre leurs objectifs en poursuivant leurs études et en revenant dans des communautés qui leur offriraient d'excellents débouchés. Le programme de coops enseignerait aux jeunes à gérer un conseil d'administration et à assumer la responsabilité de l'endroit où ils vivent.

Ma troisième recommandation est de relancer le programme de location avec option d'achat. De 1959 à 1965, le MAINC a établi deux types de logements dans la région. Le premier était offert aux résidants de la localité sous forme de location avec option d'achat; les locataires pouvaient payer leur loyer avec un intérêt de 4 p. 100 sur une période de 20 ans. Les propriétaires devaient rembourser toute leur hypothèque et payer des frais de service. Ce programme a échoué parce qu'à l'époque, les frais de service étaient trop élevés. Aujourd'hui, en 2016, alors que l'offre d'emploi est très élevée et que de plus en plus d'Inuits font des études, il serait excellent de relancer ce programme pour l'appliquer à certaines maisons.

Ce programme permettrait aux Inuits d'acheter des maisons et d'assumer leur propre subsistance. Il serait possible de soutenir ce programme dans nos communautés avec l'aide de l'OMHK, de la SHQ et des municipalités locales.

Voici les avantages et les résultats potentiels de ce programme: les Inuits deviendraient de fiers propriétaires et prendraient mieux soin de leurs logements. Il les encouragerait à payer leur loyer et à créer un milieu sain dans leurs communautés. Ce système de location avec option d'achat inciterait les Inuits à participer aux activités d'habitation dans la région et à établir de meilleures relations avec l'OMHK et avec la SHQ, ce qui avantagerait aussi beaucoup les familles de la région.

Ma quatrième recommandation est de réexaminer le programme d'accès à la propriété et de créer plus de systèmes de soutien. Ces programmes d'accès à la propriété devraient être mieux adaptés aux réalités de la vie inuite ainsi qu'aux difficultés auxquelles font face les personnes qui demandent une subvention et qui s'efforcent d'établir des liens durables avec l'OMHK, avec la SHQ et avec les gouvernements. Les Inuits qui présentent des demandes dans le cadre de ce programme devraient recevoir plus d'information et de conseils ainsi que du soutien tout au long du processus. Les agents de service de l'OMHK devraient recevoir une meilleure formation pour être prêts à aider les futurs propriétaires du début à la fin de processus.

Voici les avantages et les résultats potentiels de ce programme: les Inuits s'intéresseraient plus à ce programme et se sentiraient mieux soutenus. Ce programme calmerait les inquiétudes que ce système de propriété très bureaucratique et compliqué cause chez les familles. Elles comprendraient mieux le système et pourraient s'engager au programme à long terme. Certains propriétaires potentiels craignent les étapes à suivre pour obtenir ces subventions, qu'ils trouvent très compliquées; ils abandonnent le programme parce qu'ils ne reçoivent pas assez de soutien tout au long du processus.

Les préposés au service à la clientèle apporteraient leur soutien en connaissant toutes les étapes du processus comme les versements, l'assurance, et cetera. L'OMHK et les gouvernements établiraient ainsi de meilleures relations avec les propriétaires inuits et soutiendraient mieux leur clientèle.

Ma cinquième recommandation est de réviser les critères d'admissibilité aux logements pour salariés. Ces critères ont été établis par des syndicats dans les années 1960; il faut les réviser et les modifier. Il faut qu'ils assurent l'admissibilité des résidents inuits locaux qui ont fait des études et qui prospèrent. Tous les organismes devraient concevoir ces critères en fonction de leurs propres besoins et encourager les Inuits à travailler pour des employeurs inuits. Les organismes inuits devraient offrir le logement et d'autres avantages sociaux autant à leurs employés inuits qu'à ceux qu'ils font venir du sud.

Ce programme produirait les avantages et les résultats suivants: les Inuits des communautés locales seraient encouragés à travailler pour les entreprises et pour les organismes inuits de leur communauté. Il améliorerait l'atmosphère qui règne entre les résidents de la communauté et les travailleurs qui viennent du sud. Les Inuits deviendraient des employés fiers de leur autonomie.

Voilà, c'est tout ce que j'ai pour le moment.

La présidente : Louisa, désirez-vous ajouter quelque chose?

Louisa Yeates, vice-présidente, Conseil de la jeunesse de Qarjuit : Je n'ai que quelques mots à ajouter. D'abord, je tiens à vous remercier. Merci de nous avoir invitées. Vous nous avez offert une occasion extraordinaire dont les Inuits ne jouissent pas souvent.

Olivia a fait une excellente présentation; je t'en remercie, Olivia.

Des voix : Bravo!

Mme Yeates : Olivia parle au nom de tous les jeunes Inuits du Nunavik, qui se trouvent à l'heure actuelle dans une situation très vulnérable. Le Conseil de la jeunesse de Qarjuit est un conseil régional tout nouveau. Nous l'avons fondé en septembre, et depuis votre visite chez nous, nous avons perdu quatre autres jeunes de la région. Il est très malheureux de faire face à un taux de suicide si élevé. Depuis notre fondation en septembre, nous avons assisté à 13 autres suicides. Seulement depuis septembre. Alors les requêtes que nous venons vous présenter au nom des jeunes Inuits pour obtenir de meilleures conditions de logement nous tiennent très à cœur.

Olivia a dit que l'on allait construire 120 unités en 2016.

Mme Ikey : Dans six communautés.

Mme Yeates : Sur 14 communautés. Je sais que 50 p. 100 de ce projet sera financé par le gouvernement fédéral et 50 p. 100 par le gouvernement provincial, mais ce n'est pas assez. Ce n'est vraiment pas assez.

Elle a mentionné le taux élevé de décrochage. Notre taux de décrochage est de 90 p. 100 à l'heure actuelle, et dans sept ans, 7 p. 100 seulement de ces 90 p. 100 retourneront à l'école des adultes pour finir leurs études.

À mon avis, dans bien des cas nous faisons face à des problèmes de valeurs personnelles. Les Inuits se trouvent souvent dans des situations extrêmement difficiles, ce qui leur fait perdre le sens des valeurs. Il faut donc maintenant que nous trouvions moyen de redonner de la valeur au fait d'être Inuit. Il faut que nous rebâtissions l'estime de soi des Inuits, parce qu'à l'heure actuelle, les choses vont vraiment mal.

Je le répète, nous sommes dans un état fragile à l'heure actuelle, et nos conditions de logement y sont pour beaucoup.

Alors je te remercie encore, Olivia. Tu as fait une excellente présentation, et je remercie une fois de plus le comité sénatorial de nous avoir invitées pour entendre ce que nous avions à dire.

La présidente : Merci beaucoup, mesdames. Votre présentation était extraordinaire. Nous sommes très heureux de vous avoir avec nous ce soir.

Je vais commencer par vous poser une brève question. Pourriez-vous estimer le nombre de jeunes Inuits qui sont revenus dans votre région avec un certificat d'études secondaires?

Mme Yeates : Je ne le sais pas exactement, mais je peux vous dire que le nombre n'est pas élevé.

La présidente : Pourriez-vous trouver ces chiffres? Y a-t-il moyen de les trouver?

Mme Yeates : Je suis sûre que c'est possible. La Commission scolaire de Kativik a sûrement ces données.

La présidente : Il serait intéressant d'avoir ces chiffres pour les comparer au nombre de maisons ou à la taille des immeubles à appartements qu'il faudrait construire dans les différentes communautés. Merci. Nous commencerons par notre vice-président, le sénateur Patterson.

Le sénateur Patterson : Merci, madame la présidente.

[Le sénateur parle en inuktitut.]

Olivia, je vous félicite pour votre présentation. Nous avons eu le plaisir de vous écouter à Kuujjuaq, mais ce n'était qu'une séance d'information plutôt informelle. Ce soir nous pourrons inscrire vos observations au dossier et produire une transcription permanente de ce que vous avez dit. Cela nous aidera beaucoup à rédiger notre rapport.

Je tiens à vous remercier pour vos recommandations. Votre présentation de leur nécessité et des résultats potentiels est particulièrement utile. Vous avez très bien structuré votre allocution.

J'ai juste deux ou trois questions.

D'abord, vous nous avez mentionné cette discrimination contre les résidents de la localité qui dure depuis très longtemps. Les employeurs fournissent le logement à leurs employés du sud. Les étudiants inuits n'ont même pas le droit d'inscrire leur adresse du sud dans leur formulaire de candidature. Je crois que vous avez ajouté que certains organismes inuits appliquent ces mêmes critères. Si j'ai bien compris, vous avez dit que vous vous étiez attaqués à ce problème.

Pourriez-vous me dire ce que vous faites pour régler ce problème et, peut-être, ce que vous pensez que notre comité pourrait faire pour vous aider?

Mme Ikey : Je ne cherche pas personnellement à régler ce problème, mais les organismes commencent à comprendre qu'ils perdent beaucoup d'Inuits qui ont fait des études. L'ARK, l'Administration régionale Kativik, a examiné ce problème en essayant de trouver du logement pour des résidents de la localité. Il y a deux ou trois Inuits de Kuujjuaq qui ont un logement. Cela dépend surtout de l'emploi que l'on a et de la place que l'on occupe dans la hiérarchie de l'organisme. L'ARK est le premier organisme qui s'efforce de modifier ces règles, mais il est difficile de les modifier à cause des syndicats qui les ont créées.

Minnie Grey, de la régie de la santé, s'est aussi occupée de ce problème. Elle a essayé d'aider des finissants de cours universitaires en santé à se porter candidats pour des postes de la régie, mais elle a de la peine à leur trouver un logement, et ils ne pourront pas aller vivre chez leurs parents à leur retour. Alors nous essayons de trouver des échappatoires. L'une des échappatoires qui réussissent parfois — et parfois pas — est d'utiliser l'adresse que nous avions là où nous étudiions. Parfois cela nous réussit, mais la plupart du temps cette adresse est rejetée parce qu'elle n'est pas permanente. Ce n'est pas l'endroit d'où nous venons.

Il y aurait différentes façons de régler ce problème, mais la solution dépend vraiment des syndicats qui ont créé ces lois ou ces exigences.

Le sénateur Patterson : Merci. Je n'avais jamais pensé à cela. Je vous dirais que nous constatons ce même problème au Nunavut. Je sais que les résidents s'y heurtent aussi dans les Territoires du Nord-Ouest. J'ai aussi constaté cela au Groenland. C'est incroyable de retrouver ce problème partout dans le Nord. Il me semble que nous avons là une violation des droits de la personne et peut-être un problème lié à la Charte, et je suis sûr que notre comité voudra examiner cela.

La sénatrice Lovelace Nicholas : Je suis heureuse de vous revoir, mesdames.

L'une de vos recommandations porte sur la location avec option d'achat. Qu'arriverait-il si l'on retombait dans une crise économique et qu'un locataire perdait son emploi? Que se passerait-il alors? Le locataire ne pourrait plus payer son loyer, n'est-ce pas?

Mme Ikey : Nous faisons face à ce problème à l'heure actuelle avec les locataires de logement social. Il y a à peine deux ou trois ans, nous avons entamé un processus d'expulsion de locataires qui ont jusqu'à 80 000 $ en arriérés; ils n'ont jamais payé leur loyer.

Mais je suis convaincue que les Inuits seraient plus enclins à payer leur loyer et à prendre soin de leur logement s'ils savaient qu'il leur appartient. Nous louons nos maisons; elles ne nous appartiennent pas et elles ne seront jamais à nous, alors nous n'avons pas envie de payer pour ces maisons mal faites. Si nous avions au moins l'occasion d'en être propriétaires un jour, je crois que les Inuits feraient plus d'effort.

Le processus d'expulsion n'est pas un acte très charitable, mais c'est ainsi que le monde fonctionne. Il faut payer son loyer, et il faut qu'ils comprennent cela. Il est nécessaire d'appliquer ces règles. Mais je suis convaincue que les Inuits accepteraient de payer leur loyer dans le cadre de ce programme.

La sénatrice Lovelace Nicholas : Merci. Vous avez cité un taux de décrochage de 90 p. 100 chez les étudiants. Est-ce que l'un des problèmes réside dans le fait que pour obtenir une maison, parfois ils préfèrent avoir des enfants, et c'est l'une des raisons pour lesquelles ils quittent l'école?

Mme Ikey : C'est exactement cela. Pour obtenir un logement, vous devez avoir un emploi peu rémunéré, des enfants et des problèmes sociaux. Alors si je réussis bien mon secondaire et que je décroche un emploi bien rémunéré, on ne me donnera pas de logement. Nous encourageons les jeunes à agir ainsi. Ce sont les critères d'admissibilité à un logement. Ce n'est pas littéralement ce que le gouvernement encourage à faire, mais c'est ainsi que les jeunes interprètent cela. Alors vous voyez des jeunes de 16 ans qui ont deux enfants et qui quittent le secondaire, et on leur donne une maison. Il m'a fallu sept ans pour obtenir une maison. J'ai fini mon secondaire à l'école des adultes, je n'avais pas d'enfants et un emploi bien rémunéré, alors on m'a dit: « Nous sommes désolés, nous ne pouvons pas vous donner une maison. » Alors je leur ai répondu: « J'aurais vraiment dû quitter l'école et avoir un enfant. » Vous commencez à repenser à vos choix dans la vie.

Le logement a beaucoup d'influence sur les jeunes et sur leur motivation aux études et leur désir de réussir dans la vie.

La sénatrice Lovelace Nicholas : Est-ce que ces maisons sont construites selon les normes?

Mme Ikey : Certaines d'entre elles le sont. Il y a une grande différence entre le logement inuit local et le logement pour salariés. Il y a d'énormes différences. Nous recevons la boîte habituelle, de qualité inférieure, avec des planchers carrelés; mais les maisons que construisent les entreprises sont de toute beauté. Elles ont des planchers de bois et tout est de qualité supérieure. Nos maisons nous rappellent que nous sommes des citoyens de classe inférieure.

La sénatrice Lovelace Nicholas : Voilà. Exactement. Merci beaucoup.

Le sénateur Enverga : Merci de vous présenter à nouveau devant nous. Vous nous avez impressionnés pendant notre visite à Kuujjuaq. C'est pourquoi nous vous avons invitées afin de vous réentendre et de vous demander plus de détails sur les problèmes auxquels les jeunes du Nunavut font face.

Quelles différences y a-t-il entre les 14 villages? Est-ce que les jeunes sont tous les mêmes, ou ceux de votre région sont-ils spéciaux?

Mme Ikey : Nous sommes tous les mêmes. Nous faisons tous face aux mêmes difficultés. Les jeunes des autres communautés sont exactement dans la même situation que nous: ils ne peuvent pas obtenir de logement pour salariés, et ils ne peuvent pas obtenir de logement social s'ils ont fait des études ou s'ils ont un emploi bien rémunéré. Nous sommes tous dans la même situation. La seule différence, c'est que les autres communautés ont une population de 700 personnes, et nous en avons 2 500, alors notre opinion a plus de poids. Nous avons plus de résidants, nous avons une plus forte influence, mais nous faisons tous face aux mêmes problèmes.

La situation est pire pour les jeunes des plus petites communautés. Ils n'ont pas de logement. Six communautés sur les 14 recevront du logement, et Kuujjuaq fait partie de cette liste. Les grandes communautés reçoivent des logements. Les plus petites communautés sont oubliées.

Le sénateur Enverga : Donc la vie est même plus difficile dans les petites communautés qu'à Kuujjuaq. C'est ce que vous nous dites?

Mme Ikey : Oui. Nous avons un peu plus de choix à Kuujjuaq. Nous avons un peu plus d'organismes, des entreprises un peu plus variées, mais dans les autres communautés, ces choses sont très limitées. Elles ont plus de logements sociaux et peut-être deux maisons pour salariés, mais à Kuujjuaq nous avons environ 400 logements pour salariés et mille logements locaux. La situation est pire dans les plus petites communautés.

Le sénateur Enverga : Je sais que parfois les jeunes désirent vivre ensemble en un endroit. Est-ce que ce serait possible? On pourrait peut-être construire du logement avec de nombreuses unités pour de nombreux jeunes. Envisagez-vous cette possibilité, ou préférez-vous des maisons unifamiliales?

Mme Ikey : Non. Le logement coopératif que je recommande serait un grand complexe d'appartements, et les jeunes — les jeunes instruits, motivés, prospères — pourraient louer ces appartements. Pour y être admissibles, ils devront siéger au conseil d'administration de leur coopérative.

Nous ne voulons pas de maisons unifamiliales. Nous prendrons ce que vous pourrez nous donner. En vivant ensemble, nous sommes tous responsables de l'immeuble, les jeunes développeront leur sens des responsabilités. Cela les motivera parce qu'ils ne seront pas uniquement responsables de leur propre maison. Je ne suis pas simplement responsable; si je brise une fenêtre, j'aurai affaire à tous les autres membres du groupe.

Nous serions extrêmement heureux d'avoir de grands complexes d'appartements. Mais notre territoire est petit, et les équipes de construction ne sont pas habituées à travailler dans le Nord. Nous avons donc encore beaucoup de pain sur la planche. Le chauffage et l'électricité seraient moins chers que si nous vivions dans des maisons unifamiliales. Nous ferions des économies, ce serait un bon programme.

Le sénateur Enverga : Je ne sais pas si nous parlons du même concept. Je pensais plutôt à un genre de pension où les jeunes auraient chacun une chambre et se retrouveraient dans un grand espace commun. Les salles de bains ne seraient pas communes, bien entendu, mais je pensais à quelque chose de ce genre. Qu'en pensez-vous?

Mme Ikey : Je pensais à de petits appartements, mais ce serait aussi une solution. Cela pourrait fonctionner. Ce serait un premier pas vers un logement à soi. Je n'y avais pas pensé.

Le sénateur Enverga : Vous voyez?

Mme Ikey : Merci.

Le sénateur Enverga : Parce que cela coûterait moins cher.

La présidente : Un style de résidence pour étudiants.

Mme Ikey : Une sorte de grande résidence.

Le sénateur Enverga : C'est cela. Je me disais que cela résoudrait facilement la crise du logement chez les jeunes, ou tout au moins je l'espère.

Je m'inquiète profondément du taux de décrochage chez les jeunes. Un taux de 90 p. 100, c'est énorme. Quand vous parlez de décrochage, est-ce que les étudiants abandonnent une école qui se trouve ailleurs, ou ils abandonnent la poursuite d'un diplôme collégial, ou simplement une 12e année donnée dans une école située ailleurs? Vivent-ils à un autre endroit?

Mme Ikey : Ils décrochent du secondaire.

Le sénateur Enverga : L'école se trouve près de là où vous habitez?

Mme Ikey : Les jeunes de toutes nos communautés décrochent du secondaire. Certains abandonnent dès la 7e année. D'autres ne restent même pas jusqu'en 3e année. Je ne parle pas de décrochage de l'université, mais du secondaire. Nous avons 90 p. 100 des jeunes qui n'ont pas de diplôme du secondaire.

Le sénateur Enverga : Est-ce qu'ils décrochent à cause du système d'éducation, ou à cause des problèmes de toute la communauté?

Mme Ikey : C'est à cause des problèmes de toute la région, ce qui comprend le logement, le soutien familial, le soutien des organismes, tout, la pénurie de ressources. Les écoles n'organisent pas d'activités parascolaires comme on le fait dans le sud. On n'offre rien aux jeunes pour les intéresser aux études.

De plus, la qualité de notre système d'éducation est médiocre. Il ne pose pas de défis aux jeunes, alors les jeunes s'en désintéressent. Ils savent que même avec ce diplôme ils n'iront pas loin, alors pourquoi se fatigueraient-ils?

Dans le passé beaucoup de gens trouvaient du travail même sans détenir un diplôme; le travail physique leur était facile. Mais le monde change, et le Nunavik change beaucoup. Nous essayons de rehausser nos normes; il faut maintenant un diplôme de secondaire. C'est devenu une exigence de base. Mais il est difficile, avec un taux de décrochage de 90 p. 100, d'embaucher des Inuits dans nos organismes.

Le sénateur Enverga : Si les logements sont surpeuplés, ne serait-il pas plus avantageux pour les jeunes de rester à l'école au lieu de retourner dans un logement surpeuplé? Je sais qu'ils n'y resteraient que pendant quelques heures par jour, mais est-ce que ce serait mieux? Je ne comprends pas pourquoi ils décrochent s'ils sont mieux dans leurs écoles. Les choses doivent aller mal dans les écoles.

Mme Ikey : Ils n'y seraient pas mieux. Nos enseignants sont très jeunes et manquent d'expérience. Nous n'avons pas assez d'activités parascolaires. L'école n'est pas amusante pour les élèves. L'école est un travail horrible. Ils n'aiment pas du tout l'école.

Mme Yeates : C'est encore pire quand ils n'ont pas un bon lit où dormir et s'il n'y a rien à manger à la maison. Il y a des beuveries à la maison, et ils sont très fatigués. Ensuite ils retournent à l'école, ils n'arrivent pas à suivre la classe, ils sont découragés. C'est un grand cercle vicieux bien malheureux, et dans de telles circonstances, ils sont sûrs d'échouer.

Le sénateur Moore : Une fois de plus, je vous remercie d'être venues, d'avoir fait l'effort de venir nous présenter cela.

J'espère que les Canadiens écoutent ces deux jeunes femmes brillantes et responsables, parce que le Canada ne sait rien de ces choses. Je ne le savais pas, et je ne pense pas que mes collègues le savaient avant d'aller visiter votre communauté. J'ai eu tout un choc en voyant ces choses.

Vous dites que les jeunes décrochent même au secondaire. Je suis sûr que bon nombre d'entre eux sont intelligents; ils savent quelles sont les règles du logement et comment en saisir les occasions, et ils considèrent cela comme ce que j'appellerais de l'esclavage. À mon avis, ces règles tiennent ces jeunes sous une forme d'esclavage qui viole probablement les dispositions de la charte de notre pays. Elles vont à l'encontre de l'équité et de la justice naturelle. Je n'avais jamais entendu parler de pareilles règles. Il faut mettre un terme à ces pratiques.

Vous avez dit que des syndicats ont fixé ces règles. Comment le savez-vous? Pouvez-vous me dire de quels syndicats il s'agit? Est-ce que cela dure depuis toujours?

Mme Ikey : Depuis les années 1960.

Mme Yeates : Pendant la négociation de la Convention de la Baie-James et du Nord québécois, la CBJNQ, des syndicats comme l'Alliance de la fonction publique du Canada et des syndicats d'affaires autochtones participaient aux négociations. Ces groupes donnaient aussi des conseils tout au long du processus de négociation.

La CBJNQ s'est signée très rapidement. Il est dommage que le sénateur Watt ne soit pas ici. Je suis sûre qu'il aurait beaucoup à dire à ce propos. Les choses se sont faites très rapidement. Il y a énormément de documentation, mais j'ai fait beaucoup de recherches et j'ai découvert le nom des principaux syndicats qui ont participé aux négociations à cette époque.

Le sénateur Moore : Alors quels sont les noms de ces deux syndicats?

Mme Yeates : Le Public Service of Canada union et le Indian Affairs union.

Le sénateur Moore : Bon. Alors il faut que nous parlions à ces gens pour les informer. C'est incroyable.

Est-ce vrai que deux jeunes gens se sont suicidés depuis notre visite dans votre communauté?

Mme Yeates : Oui.

Le sénateur Moore : Quel âge avaient-ils?

Mme Ikey : Il y en a eu combien, quatre?

Mme Yeates : Depuis que vous êtes venus?

Le sénateur Moore : Nous sommes arrivés à Kuujjuaq le 20 avril.

Mme Yeates : Mon oncle venait d'enterrer son petit-fils et sa fille cette même semaine.

Le sénateur Moore : Est-ce que l'une de vous connaissait ces jeunes?

Mme Yeates : Oui.

Le sénateur Moore : Ont-ils essayé d'obtenir de l'aide? Avez-vous remarqué des signes? Aurait-on pu les aider? Les jeunes sont notre avenir. Est-ce qu'ils viennent vous demander de l'aide, ou est-ce qu'ils font cela dans l'isolement? Qu'est-ce qui se passe? Y a-t-il quelqu'un à qui ils pourraient parler?

Mme Ikey : Un grand nombre d'entre eux demandent de l'aide, mais nos services sont limités. Les fournisseurs de services atterrissent dans notre communauté sans rien savoir de notre culture, ils veulent sincèrement aider, mais nos jeunes ne leur font pas confiance.

Nous avons énormément de peine à faire entrer nos gens dans les services de santé mentale. Nous avons des gens extraordinaires. La mère de Louisa est travailleuse sociale, mais elle n'est pas considérée comme une vraie travailleuse sociale couverte de grands diplômes venant du sud, vous comprenez? C'est pourquoi nous avons beaucoup de difficulté à traiter avec les CLSC, avec nos services de protection de la jeunesse, avec les services de santé mentale.

Il y a des fournisseurs de services qui arrivent dans notre communauté sans n'avoir jamais entendu parler de la Convention de la Baie-James et du Nord québécois. Ils n'ont jamais entendu parler des pensionnats. Ils n'ont jamais entendu parler de notre histoire. Cela m'a profondément troublée, mais je ne m'en suis pas vraiment aperçue.

Le sénateur Moore : Alors aujourd'hui, à qui iriez-vous demander de l'aide dans votre communauté?

Mme Ikey : Les aînées Martha Greig et Eva Lepage. Je suis allée à une réunion communautaire une fois. J'ai eu une enfance très difficile. J'étais suicidaire. J'étais intense.

Ce qu'ils font, c'est qu'ils nous emmènent dans une chambre et ils nous attachent à un lit pendant 24 heures. Pendant 24 heures, personne n'a le droit d'entrer dans la chambre. On n'a pas le droit de parler à ses amis ou à sa famille. On nous réveille 24 heures plus tard et on nous renvoie à la maison.

Le sénateur Moore : Qui fait cela?

Mme Ikey : Les hôpitaux.

Le sénateur Moore : Les hôpitaux!

Mme Ikey : J'ai été sur ce genre de lit. J'ai dit aux médecins: « jamais je ne vous enverrai un jeune! » Et je ne le ferais pas. Ça ne fait qu'empirer les choses. On a commencé à comprendre cela, que cela empirait les choses, et une de nos aînées, Martha Greig, qui fait du bénévolat pour aider la communauté, a dit à l'hôpital que c'était mal: « Ne les mettez pas dans cette chambre! »

Elle a proposé d'aller à l'hôpital pour parler aux jeunes. Elle a recommandé qu'on les mette dans une chambre normale, avec des gens normaux, mais de les surveiller, parce que cela ne sert à rien de les attacher à un lit, puis de les renvoyer à la maison.

Le sénateur Moore : Je ne peux même pas imaginer cela! Je ne peux pas croire que cela arrive! J'ai l'impression de regarder Vol au-dessus d'un nid de coucou encore une fois. On est au Canada, en 2016. Je n'arrive pas à croire ce que vous me dites!

Mme Ikey : Nous vivons dans un pays du Tiers-Monde.

Le sénateur Moore : Serait-il possible d'avoir un établissement dont le personnel serait composé d'aînés qui comprennent et qui appartiennent à la culture inuite, et qui pourraient aider et encourager ces jeunes?

Mme Ikey : Après toutes les tragédies qui sont arrivées, toutes les communautés travaillent très fort pour avoir des travailleurs locaux, formés à la prévention du suicide. J'ai moi-même reçu la formation ASIST et je peux intervenir auprès d'un jeune suicidaire.

Nous avons eu notre première conférence sur la prévention du suicide, sur le même modèle que Dialogue for Life. Nous avons fait cela sur POV, et beaucoup de membres de différentes communautés viennent et suivent cette formation.

On travaille à créer des ressources internes, à partir de la communauté, pas nécessairement à partir des hôpitaux ou des commissions d'hygiène. C'est aux gens qui veulent faire du bénévolat de s'en occuper. Mais il faut beaucoup d'argent. Simplement pour qu'un travailleur aille à Kuujjuaq, couche à l'hôtel et reçoive la formation, cela coûte beaucoup d'argent, et on n'a pas assez de financement pour cela. On fait du mieux qu'on peut.

Aujourd'hui avec mes jeunes, je suis ici pour un échange. Nous étions à l'école Nunavut Sivuniksavut, où nous avons suivi la formation safeTALK. On apprend à remarquer des signes et à identifier une personne suicidaire et à s'assurer de les diriger vers la bonne personne ayant reçu la formation ASIST.

On a des jeunes qui sont des jeunes comme tout le monde, qui ont des amis capables d'identifier cela et de leur apporter l'aide dont ils ont besoin. Mais, avec tous les suicides qui continuent, nous avons eu beaucoup de difficultés aujourd'hui. On ne voulait pas déclencher certaines choses. C'est trop récent pour les amener ici, donc la moitié de nos jeunes n'ont pas pu venir. Ils ont laissé tomber. La moitié des jeunes ont continué. Au moins, maintenant, dans la communauté, on a cinq ou six jeunes qui ont reçu la formation.

Le sénateur Moore : Olivia, la séance d'aujourd'hui, est-ce que vous avez fait cela dans une école secondaire? Est-ce que vous avez une maison ou un endroit pour vous réunir? Où est-ce que vous faites cela?

Mme Ikey : Aujourd'hui, on l'a fait au NS, le Nunavut Sivuniksavut. C'est une école. C'est un programme précollégial offert aux élèves du Nunavut. Je suis d'Ottawa et je suis là pour un échange de jeunes. On a amené 12 jeunes de Kuujjuaq ici, pour des échanges éducatifs et culturels.

Le sénateur Moore : Actuellement? Aujourd'hui?

Mme Ikey : Oui. Mes jeunes sont à l'église en ce moment, pour une soirée culturelle.

Le sénateur Moore : Super!

Mme Ikey : Avant de venir à Ottawa, ils sont arrivés à Kuujjuaq, en février. Une semaine avant cela, l'oncle d'un de nos jeunes s'est suicidé, et cela a été très dur. Plus personne n'était sûr de vouloir continuer l'échange ou de l'annuler.

On ne voulait pas faire du tort aux autres, alors on a continué, mais il y a eu une journée sur la santé mentale dans la communauté. Des aînés sont venus. Des travailleurs sociaux sont venus. On voulait continuer ce dialogue ici, parce que cela continue.

Il y a des suicides une semaine sur deux au Nunavik, et c'est une conversation taboue dans le Nord. On ne parle pas de suicide, mais c'est cela qui crée le problème.

On a fait cette formation ici à Ottawa, aujourd'hui, en bas de la rue, et on a fini vers 4 h 30. Donc mon personnel est formé, et environ six jeunes de Kuujjuaq sont formés. C'était très étonnant pour nous de voir que la jeune fille dont l'oncle s'est suicidé en décembre voulait suivre la formation, et elle l'a fait en entier.

Le sénateur Moore : Magnifique.

Mme Ikey : Donc, on fait des progrès. On fait quelque chose. On fait le maximum possible.

La présidente : J'aimerais poser une question en guise de suivi.

Vous avez parlé de former des équipes d'intervention ou des personnes à l'échelle locale pour la prévention du suicide et vous avez dit que le manque de financement était un problème. Je me demande si l'une de vos recommandations ne devrait pas concerner cette question — et j'imagine qu'il s'agirait de financement fédéral — à savoir qu'on a besoin de plus d'argent pour créer ou consolider ce que vous avez déjà ou le rendre durable pour que vous ne soyez pas toujours en train de vous demander si, l'an prochain, vous aurez assez de fonds pour continuer votre programme. Qu'est-ce que vous souhaiteriez? Louisa, voulez-vous répondre la première?

Mme Yeates : Comme je l'ai dit, nous avons commencé seulement en septembre, et une des premières choses très évidentes que nous avons constatées est que nous devions nous attaquer à ce problème. Nous avons commencé à chercher des sources de financement un peu partout, et il se trouve que c'est par notre commission d'hygiène que passe beaucoup de financement et que c'est elle qui redistribue ces fonds dans les communautés. Donc nous ne voulions pas prélever doublement sur ces ressources, et on ne peut pas le faire sur beaucoup de ressources.

Il n'est pas facile de répondre à beaucoup de ces questions, mais évidemment que nous avons besoin de plus de services. Nous avons besoin de plus de ressources. Nous en avons besoin pour avoir une orientation plus axée sur la culture. Nous avons besoin de quelque chose avec quoi nos jeunes peuvent se relier, parce que, comme Olivia l'a dit, nos travailleurs sociaux, notre aide, eh bien, ils arrivent et ils repartent aussi vite qu'ils sont venus. Nous avons besoin de relations durables avec nos ressources.

La présidente : Olivia, voulez-vous ajouter quelque chose?

Mme Ikey : Comme Louisa l'a dit, ils ont fait une consultation. Le conseil des jeunes a fait une consultation dans toute la région, et le suicide est la priorité numéro un sur laquelle on veut travailler. Il y a des possibilités de financement, mais c'est très limité.

Je suis sûre que, plus tard, quand les choses seront installées et qu'on saura mieux ce qui se passe, on s'occupera de cela. Avec tout ce qui se passe en ce moment, il faut s'en occuper.

La sénatrice Raine : Merci beaucoup. Et vous ne pouvez pas imaginer combien c'est important pour notre étude que vous soyez ici avec nous. Nous vous en sommes très reconnaissants.

Dans la dernière conversation que vous avez eue, j'ai pris quelques notes, et votre première recommandation était de créer des maisons d'hébergement. C'est le genre d'endroit où on pourrait évidemment offrir ce genre de counseling. Dans le cadre de votre planification pour affronter le problème des suicides et surmonter le désespoir qui les déclenche, les maisons d'hébergement seraient un élément très important. Est-ce que c'est ainsi que vous voyez les choses?

Mme Ikey : Oui, dans ces maisons, on pourrait offrir différents programmes, différents programmes de counseling. On a eu une maison d'hébergement à un moment donné. À cause du manque de financement, à cause du manque d'employés et à cause de la mauvaise gestion, on a dû la fermer.

Quand j'étais jeune, il y avait une maison d'hébergement. Il n'y avait pas nécessairement tous les programmes, mais c'était là pour aider les jeunes qui avaient besoin d'un endroit pour dormir. J'ai dormi dans cette maison plusieurs fois. Je peux dire qu'elles sont très utiles. Il y a des enfants qui dorment sous des escaliers parce qu'ils ne veulent pas rentrer à la maison, où leurs parents sont saouls. Toutes les communautés ont besoin d'une maison d'hébergement.

Ça créerait de meilleures relations avec les travailleurs de la santé mentale et avec les travailleurs sociaux qui sont là tous les jours, qui voient ces jeunes et qui sont en relation avec eux. On voit les travailleurs de la santé mentale seulement quand on est en crise, alors qu'on a besoin de les voir tous les jours. On a besoin de créer de meilleures relations avec eux et pas seulement quand on est en crise.

La sénatrice Raine : Merci. J'ai une question qui me brûle la langue: qui décide du système de points donnant accès aux logements sociaux? Vous dites que cela fonctionne selon un système de points, mais ce système n'est pas coulé dans le béton. Je veux dire que, tout de même, on pourrait penser à un système qui accorde beaucoup de points à ceux qui terminent leurs études secondaires, et encore plus à ceux qui terminent leurs études universitaires. Quant à ceux qui trouvent un emploi, ils pourraient passer en tête de liste, ce qui motiverait tout le monde.

Le sénateur Moore : Exactement.

La sénatrice Raine : Et je pense aussi que, si on veut avoir de l'influence, une influence apaisante, un aîné, et s'occuper d'une maison d'hébergement, on devrait passer en tête de liste pour obtenir ce logement comme maison d'hébergement.

Donc ma question est la suivante: qui s'occupe du système de points?

Mme Yeates : Avant de venir, nous avons fait beaucoup de recherches et nous avons appelé beaucoup de gens. Nous avons appelé quelques avocats qui travaillent au Bureau du logement municipal de Kativik, et nous avons eu beaucoup de chance. Nous avons parlé avec une avocate qui voulait bien nous parler. Je lui ai posé la même question. Ça m'a toujours trotté dans la tête. Je n'ai jamais su d'où sortait ce système.

Elle m'a dit essentiellement que, comme la SHQ est le principal bureau du logement du Québec et qu'il y a environ 500 autres bureaux affiliés, ils ont adopté le système de points d'un autre bureau du sud, et c'est comme cela que cela marche. C'est le logement social.

Quand ils disent qu'ils ont adopté le système de points d'un bureau du sud, dans le sud, il y a beaucoup d'options différentes. Vous savez, on peut trouver un appartement pas cher et y vivre. On est un peu dans la situation des mendiants: ils ne peuvent pas choisir. Dans le système de points, il y a aussi des normes. Disons que j'ai trois enfants de moins de sept ans: j'aurai droit seulement à un logement à deux chambres. C'est un peu comme cela que cela marche. Si j'ai plus d'enfants de plus de sept ans, j'ai plus de chances d'obtenir un logement qui convient mieux à nos besoins.

La sénatrice Raine : Quand on y pense, il est absolument ridicule qu'une bureaucratie provinciale du Canada qui s'occupe du logement social dans le reste de la province impose ses normes au Nunavik, alors que la situation y est complètement différente. Il faudrait donc approfondir cette question et faire ce que nous pouvons, parce que cela n'a aucun sens.

Il est choquant de penser que des enfants auront des enfants même s'ils savent que, s'ils obtiennent un logement, beaucoup de leur parenté s'y installeront, et ce ne sera pas très bon pour les enfants et la jeune mère, qui est peut-être mère célibataire. C'est très, très dur.

Mme Ikey : C'est un cercle vicieux.

La sénatrice Raine : Exactement.

On parle de réévaluer les programmes d'accès à la propriété, et il paraît que, entre 1959 et 1965, il y a eu un programme d'AANC permettant de louer avec option d'achat. Ça n'a pas marché à l'époque, mais cela pourrait marcher aujourd'hui. Est-ce que c'est quelque chose que vous aimeriez que nous fassions: examiner ce programme et voir si on pourrait le rétablir?

Mme Ikey : On a fait des recherches, et j'ai trouvé quelques documents sur l'évolution du logement et comment la région a été touchée, parce que les Inuits ont été déplacés dans des établissements permanents créés par les gouvernements. Nous étions des nomades, nous n'avions pas de maisons. Alors, pour nous, les établissements permanents, les villages, c'était des ententes avec les gouvernements: ils nous relocalisaient dans une communauté, dans un établissement permanent, mais il nous fallait des logements.

Le premier genre de logement était une boîte avec un appareil de chauffage. Rien d'autre. Pas d'eau courante. Une boîte avec un poêle à mazout. C'est cela qu'on nous a donné au début. Et ils nous ont forcés à déménager. Ils ont tué les chiens pour être sûrs qu'on ne partirait pas, et après cela, ils nous donnent ces normes de logement. Qu'est-ce qu'on pouvait faire? Comme Louisa l'a dit, les mendiants ne choisissent pas. On a pris ce qu'on nous offrait.

Et il y a eu des promesses et des promesses de logements, de bons logements, dans la Convention de la baie James et du Nord québécois... sans rien qui se passe.

La sénatrice Raine : Si je comprends bien ce que vous demandez, et je lis entre les lignes, oui, vous connaissez des gens qui ont besoin qu'on leur donne un logement, mais ceux qui sont instruits et qui peuvent obtenir un emploi sont disposés à payer pour leur maison s'ils peuvent en devenir propriétaires.

Mme Ikey : Si je pouvais être propriétaire de cette maison, je serais plus fière.

Le sénateur Moore : Exactement.

Mme Ikey : Parce que, en ce moment, il y a beaucoup de déficits, pas seulement parce que les gens ne paient pas leur loyer, mais parce qu'ils ne prennent pas soin de leur logement. Il y a des fenêtres brisées, des cabanes détruites par des incendies. Ils ne dont pas fiers de vivre dans ces bâtiments qui ne leur appartiennent pas et qui ne leur appartiendront jamais.

Donc, il y aura plus de fierté, les Inuits voudront payer pour leur maison et s'occuper de leur communauté et de leur quartier. Ça créera un mode de vie différent qui nous permettra d'être propriétaires de ces maisons.

La sénatrice Raine : Quand vous parlez des jeunes, de quel groupe d'âge parlez-vous? Certains d'entre nous pourraient penser qu'il s'agit d'adolescents, mais vous parlez en fait de jeunes qui commencent à fonder une famille, n'est-ce pas?

Mme Ikey : Selon le gouvernement, c'est le groupe âgé de 15 à 35 ans. Le mandat de Qarjuit parle des 15 à 35 ans, mais on a affaire à des jeunes de presque 13 ou 14 ans qui ont des enfants. Donc, pour nous, c'est un groupe large, et je dis que, si on crée un exemple pour les adolescents, ils deviendront des jeunes un jour, et il faut donner un bon exemple.

La sénatrice Raine : On nous a dit qu'il y a des logements d'employés, des logements d'entreprise vacants au milieu de tout cela.

Mme Yeates : C'est vrai.

La sénatrice Raine : Qu'en pensez-vous?

Mme Ikey : Ça crée beaucoup de tension, beaucoup de racisme, beaucoup de haine contre les Blancs, beaucoup de haine contre les gens qui viennent travailler chez nous. Il y a aussi des gens du sud qui déménagent dans le Nord et qui sont sincères, qui veulent nous aider, qui ont fondé des familles et qui veulent vivre là. Mais il y a ceux qui viennent pour payer leurs frais de scolarité. Il y a ceux qui viennent pour l'aventure.

Ça fait vraiment mal quand on ne peut pas avoir un logement d'entreprise et qu'on sait qu'il est vide. Je suis une bonne employée et je veux ce logement. Mais je suis de l'endroit, et ils ne peuvent pas me la donner parce que les conditions ont été établies par les syndicats.

La sénatrice Raine : Merci beaucoup.

La sénatrice Beyak : Merci beaucoup de vos excellents exposés. Votre connaissance et votre compréhension de la situation ainsi que vos recommandations sont tellement pleines de bon sens! On a du mal à croire que des gouvernements de tous horizons, depuis des décennies, ont investi des millions de dollars dans quelque chose sans jamais vous demander votre avis sur ce qui fonctionnerait. Je ne comprends pas, je ne sais pas comment on en est arrivé là, mais j'espère bien que notre comité pourra vous aider.

La plupart de mes questions ont reçu une réponse, mais est-ce que ces logements sont pour des emplois du gouvernement ou est-ce que les entreprises construisent des logements corrects pour leurs employés?

Mme Ikey : La plupart sont pour le gouvernement, comme le gouvernement régional de Kativik. Le Bureau de logement municipal offre des logements. Le pire, c'est le secteur de la santé. Mon oncle à une petite entreprise dans le Nord, et il crée des complexes d'appartements. Il aimerait bien les louer à des gens du coin, mais on ne lui donne pas de subventions, donc il ne peut pas. Il n'a pas le choix: il doit louer à ces organisations.

La sénatrice Beyak : Donc tout le monde a accès à un bon logement, sauf vous.

Mme Ikey : C'est cela.

La sénatrice Beyak : Merci beaucoup.

Le sénateur Tannas : Merci d'être parmi nous. Excusez-moi d'être arrivé un peu en retard.

Votre exposé a été passionnant et convaincant. J'espère que vous ne m'en voudrez pas, mais, comme l'a dit le sénateur Moore, les Canadiens nous écoutent, et je suis sûr que, comme moi, beaucoup d'entre eux aimeraient connaître vos histoires respectives, l'histoire de votre famille, votre scolarité, votre degré d'instruction, savoir où vous avez fait vos études et les décisions et circonstances qui ont fait de vous des personnes aussi accomplies, cohérentes et dévouées que vous l'êtes visiblement. Vous avez donné des détails sur vos amis et des gens que vous connaissez, sur leurs expériences de frustration et de désespoir, et cetera, et pourtant on vous regarde et on se dit: Comment cela se fait? Quel espoir pouvez-vous nous donner ainsi qu'à ceux que vous avez amenés ici à Ottawa, à une table de représentants du gouvernement, pour si bien défendre la cause de votre peuple? Je voudrais savoir. Je ne sais pas si d'autres le désirent aussi, mais je voudrais savoir, parce que je suis sûr que nous pouvons en tirer des leçons.

Mme Ikey : J'ai été une enfant très difficile. J'avais des problèmes. De côté de ma mère, ma famille vient de Happy Valley-Goose Bay. Ils ont été relocalisés à Salluit. Du côté de mon père, ma famille vient de Kangirsuk, et ils ont été relocalisés à Kuujjuaq par la Compagnie de la Baie d'Hudson. Des deux côtés, ma famille a été enlevée de son territoire d'origine et relocalisée.

J'ai grandi à Salluit. Je suivais ma mère partout où elle allait. J'ai vécu à Kuujjuaq, à Salluit, à Montréal, un peu partout. J'avais de gros problèmes. J'ai pris de la drogue et de l'alcool. J'étais suicidaire. J'ai été suspendue de l'école. J'ai été obligée de quitter l'école parce que j'allais faire du mal à mon professeur, alors j'ai pris la décision de partir.

J'ai eu beaucoup de travailleurs sociaux. J'ai eu des travailleurs sociaux en qui je ne pouvais pas avoir confiance. J'ai eu des travailleurs sociaux qui ont raconté mon histoire aux gens, et des professeurs qui ont vécu à Kuujjuaq pendant très longtemps, 30 ou 40 ans, et qui ont changé ma vie. En secondaire III, une femme a changé ma façon de voir les choses. Elle ne me traitait pas comme une sale gamine. Elle ne me traitait pas comme une enfant. Elle me traitait comme une adulte. C'était à moi de prendre les décisions, elle me mettait cela dans les mains, et il fallait que je décide.

Le plus souvent, on nous dit quoi faire, on nous dit comment le faire, on nous dit quand le faire, et je crois que nos jeunes n'aiment pas cela. Si vous les laissez décider, alors la balle est dans leur camp. Ils sont responsables. Et on m'a donné cette responsabilité, on m'a mise dans le bain.

Et j'ai eu beaucoup de travailleurs sociaux. Le seul à qui j'ai pu faire confiance était une femme, mariée à un agent de police qui avait vécu dans notre communauté pendant 30 ou 40 ans, et elle a mis ma mère dans le coup. Les autres travailleurs sociaux, à l'école, s'occupaient de moi et de personne d'autre. Cette femme est allée voir ma famille, et cela a beaucoup aidé.

Et puis je ne me gênais pas pour dire ce que je pensais, je disais des choses de façon pas très correcte, mais j'ai toujours dit ce que je pensais aux différents conseils. J'ai été présidente d'un comité de jeunes une fois, à la coopérative de logements qu'on a essayé de mettre en place. Alors j'ai essayé de dire ce que je pensais d'un tas de choses. Et, quand j'y pense aujourd'hui, voilà où cela m'a amenée aujourd'hui, depuis l'âge de 16 ans.

Et, quand j'ai affaire à des jeunes, comme dans l'échange d'aujourd'hui, beaucoup de gens disent: « Oh, fais très attention », et je leur dis: « Pas question, on va les responsabiliser. On leur parle comme ils nous parlent. S'ils ne sont pas respectueux, on leur dit qu'ils sont responsables de leur attitude. Je ne vais pas vous dire d'être gentils, c'est votre responsabilité! »

Donc, dès qu'on redonne aux gens la responsabilité de leur vie, les choses changent, et les jeunes pensent comme cela. Si on me dit quoi faire, je ne vais pas le faire. Je ferai exactement le contraire.

Alors, je ne sais pas comment cela se fait que je me retrouve ici aujourd'hui. J'étais simplement une enfant brisée dans des situations très difficiles. Je vivais dans un logement surpeuplé. J'étais dans des quartiers qui étaient des ghettos. J'étais avec des alcooliques, et j'ai grandi comme cela, j'étais là, c'est tout. Je vivais au milieu de cela et je savais que je ne voulais pas faire la même chose. Donc j'ai décidé de faire des études.

J'ai quitté l'école secondaire le 11 septembre 2008 et j'ai commencé l'éducation aux adultes le 12 septembre 2008. Je voulais mon diplôme, et je l'ai eu. Je n'ai pas eu de belle robe ni de bouquet de fleurs, mais j'ai accroché mon diplôme d'études secondaires au mur pour que tout le monde le voie. Je fais partie des 10 p. 100 qui ont un diplôme.

J'ai essayé le collège, mais cela n'a pas marché. J'ai été très humiliée. Je ne savais pas qu'on nous apprendrait l'anglais langue seconde. Je pensais que j'étais comme tous les autres jeunes du Québec jusqu'à ce que j'aille au collège et que je m'aperçoive que nos normes d'éducation sont très, très basses à côté du reste du Québec.

J'ai toujours fait partie de comités de jeunes. J'ai toujours été le boss de mes amis, la plus créative, celle qui peut diriger le groupe. J'ai toujours été un leader. Mais ce que je ne veux pas, c'est faire de la politique.

Le sénateur Patterson : Vous devriez pourtant.

Mme Ikey : Non, je ne veux pas que quelqu'un balance quelque chose au-dessus de ma tête en disant: « Tu risques d'être renvoyée si tu dis ça! » Je suis une personne ordinaire. Je veux être capable de dire ce que je veux, quand je veux et comme je veux, et je ne veux pas que ma vie soit manipulée par des règles et tout cela.

Donc je me tiens loin de la politique. J'ai des emplois modestes, et je ne veux pas de postes importants. Cela me fait très peur.

Le sénateur Tannas : Voilà une histoire inspirante. Je peux vous dire que beaucoup de politiciens ne voulaient pas être des politiciens. Ils le sont devenus parce qu'ils avaient le sentiment qu'ils devaient servir. C'est peut-être quelque chose qui va vous arriver.

Et vous, Louisa? Est-ce qu'on a du temps pour entendre l'histoire de Louisa aussi?

Mme Yeates : Olivia et moi, nous sommes cousines, en fait. Nos grands-parents sont des cousins germains.

Mon grand-père était nomade. On a arrangé son mariage avec ma grand-mère. Sa mère l'a emmené pour aller chercher une femme, et ils ont littéralement pris quelqu'un au hasard dans la communauté et l'ont ramenée chez eux. Elle avait 16 ans et lui, 19 ans. Cela leur a pris du temps, mais ils ont fini par tomber en amour. Nous venons d'une très grande famille, une immense famille inuite.

Comme je l'ai dit, mes grands-parents ont fini par tomber en amour. Ma mère est née dans ce monde nomade. Elle a vécu sur le territoire jusqu'à ses 8 ans. Elle n'avait jamais vu un Blanc jusque-là. Elle en a vu quand les missionnaires sont arrivés. Les missionnaires leur ont dit qu'ils devaient partir s'installer dans un établissement permanent. Il y avait aussi des lois à ce moment-là, et ils ont dit: « Si vous ne venez pas avec nous, on ne vous donnera pas vos taxes familiales. » Alors ils n'ont pas eu le choix et ils sont partis.

C'est là qu'ils ont compris que beaucoup d'Inuits essayaient encore de garder leur mode de vie nomade. Il y avait des camps d'été pour la pêche et des camps d'automne pour suivre le caribou. Ils suivaient toujours le gibier, donc ils ne restaient jamais en place. C'est pour cela qu'on avait un mode de vie nomade. Quand on nous a dit de rester au même endroit, cela a été très difficile.

C'est à ce moment-là que les chiens de mon grand-père ont été tués. Ma mère a été envoyée de force dans un pensionnat. C'est mon idole. Elle a 63 ans et elle a surmonté toutes les difficultés. C'est une femme magnifique, une dirigeante de la communauté. Voilà, c'est l'histoire de ma famille, en gros.

Je suis née à Montréal et j'y ai grandi jusqu'à l'âge de 11 ans environ. C'est à ce moment-là que j'ai déménagé à Kuujjuaq, où j'ai rencontré Olivia. On est amies depuis longtemps et on a toujours été complices... pas de vrais crimes, quand même. Si on compte les temps durs qu'on a vécu ensemble, on peut dire qu'on a eu autant de bonnes expériences dans les comités de jeunes, les comités de coopératives, différents projets de jeunes dans les communautés et tout cela.

J'ai eu de la misère à l'adolescence, surtout que je venais du sud. J'avais honte de ne pas parler l'Inuktitut. Je n'aimais pas les Inuits qui ne m'aimaient pas. J'étais la « Blanche ». Évidemment je ne suis même pas si blanche que cela, mais j'ai eu du mal à me faire accepter. J'ai eu du mal à accepter ma culture et ma langue. J'ai mis beaucoup de temps à comprendre, et c'est seulement grâce à la CVR qui est venue dans notre communauté. Ma mère est allée aux réunions et je l'ai suivie. C'est là que j'ai compris, « wow ». J'étais enfin fière de moi.

En août 2015, j'ai assisté à un sommet national des jeunes, et il y a eu un aîné qui a parlé. Il a dit que c'était une tentative de génocide et que « tentative » était le mot le plus important.

Olivia et moi, on peut très bien se parler en Inuktitut, et nos enfants parlent l'Inuktitut. C'est de là que je viens. C'est ce qui me rend fière. Je suis allée à l'éducation aux adultes, moi aussi, et j'ai eu de la misère pendant longtemps, parce que c'était plus facile de travailler. Je voudrais vraiment faire des études postsecondaires. Je verrai à la fin de ma session.

Le sénateur Tannas : Merci de nous avoir parlé sincèrement, mesdames.

La présidente : Merci, mesdames. Je dois dire que la qualité de votre exposé au comité vous place bien au-delà de ce qu'on attendrait d'un diplômé universitaire. J'ai travaillé dans des universités une grande partie de ma vie, et je supposais que vous aviez le niveau du baccalauréat. Si j'en juge par vos recherches et votre documentation, c'est tout à fait étonnant, et vous êtes tout à fait convaincantes.

Je suis très heureuse que le comité ait décidé qu'il était important de vous entendre, parce que nous savons, d'après les données démographiques, que les jeunes forment la majorité de votre population, et nous comprenons maintenant clairement, à cause de ce que vous avez dit, pourquoi il est important d'entendre les jeunes. Il est de plus en plus clair qu'il y a là un cercle vicieux dont vous ne sortirez pas tant que nous n'aurons pas réglé certains de ces problèmes. Le logement fait partie intégrante de ce cycle holistique, et vous avez bien expliqué les problèmes sociaux qui s'y rattachent.

Le sénateur Patterson : J'aimerais simplement dire que, d'après moi, la solution de la location avec option d'achat dont vous avez parlé est tout à fait convaincante. Je suis impressionné par votre rappel d'un programme parrainé par Affaires indiennes et du Nord. Je crois que vous avez dit que c'était entre 1959 et 1975.

On nous a dit que, quand on aide les gens à acheter ou construire leur propre logement, cela fait peur à beaucoup, parce qu'il faut aussi penser à l'entretien, les assurances, les réparations et les paiements d'hypothèque. On nous a dit que, dans d'autres régions, beaucoup de gens qu'on avait incités à acheter ont perdu leur maison.

Nous sommes également très conscients des problèmes de fierté et de prise en charge dont vous avez parlé et du fait que les gens n'ont pas envie de prendre soin d'une maison qui n'a aucun intérêt pour eux.

Je tiens à vous féliciter pour tout cela. Je ne suis pas sûr d'avoir une question à poser, madame la présidente, mais je pense que vous nous avez donné une très bonne direction.

Je veux aussi revenir sur l'idée que logements coopératifs que vous avez commencé à réaliser et dont vous nous avez parlé. J'aimerais vous poser quelques questions à ce sujet.

La SCHL, la Société canadienne d'hypothèques et de logement, a aussi un programme de logements coopératifs. Je le sais parce que j'ai participé au lancement d'un programme de ce genre à Iqaluit, et il y a effectivement des unités de logement à Iqaluit. Je pense que ce sont les seules dans le Nord du Canada. Comme vous l'avez expliqué, il y a un groupe de gens qui assument la responsabilité collective de l'entretien des maisons, et le SCHL offre un programme de loyers modiques pour les personnes qui ont moins de moyens.

Le programme de logements coopératifs que vous avez lancé, était-il relié au programme de la SCHL ou à une autre approche? Pourriez-vous nous donner plus de détails à ce sujet?

Mme Ikey : C'était relié à la Société d'habitation du Québec, comme le programme du Bureau de logement municipal de Kativik. J'ai un peu d'information ici. J'ai trouvé de vieux documents.

Le sénateur Patterson : Je crois que vous nous avez dit que, quand vous étiez sur le point de lancer le programme, on s'est rendu compte que les loyers seraient trop élevés pour le locataire moyen. C'est ce qui s'est passé?

Mme Ikey : Oui. Ils voulaient bien subventionner le loyer, et, avec la subvention, un logement à une chambre aurait coûté 1 110 $ par mois. Comme le coût de la vie est très cher, c'était impossible. On n'est pas dans le sud. Dans le sud, ce serait peut-être possible, et je pourrais quand même acheter mon épicerie. Dans le Nord, quand on a payé le loyer, c'est fini, on ne mange pas.

Le sénateur Patterson : C'était en quelle année au juste?

Mme Ikey : En 2010. On avait créé un conseil. Une quinzaine de jeunes étaient intéressés.

Le sénateur Patterson : Ils seraient bien plus nombreux aujourd'hui, à moins que le programme change. Merci.

La présidente : Juste pour faire suite, peut-être qu'on pourrait lancer un nouveau programme coopératif avec une subvention qui encouragerait les jeunes à aller dans cette direction, et qui viserait exclusivement les jeunes.

Mme Ikey : Mon oncle, le petit entrepreneur dont je vous ai parlé, a essayé de créer cela, puisqu'il construit des complexes d'appartements. Mais, comme je l'ai dit, il doit les louer à des organisations parce qu'on ne lui offre pas de subventions. Il a essayé de s'associer avec différentes organisations du Nunavik, comme Makivik, comme la SHQ, mais il y a un monopole dans le Nord, et ils ne veulent pas qu'on les prive de leurs profits. Donc mon oncle a arrêté, il a abandonné le programme, mais il voudrait vraiment aider. Je voulais qu'il vienne ici. Je l'ai invité. Il était ici, au Parlement, hier. Il est ouvert à cette possibilité. C'est un entrepreneur qui réussit en affaires. Il s'occupe des jeunes depuis des années, et c'est un Inuit. Je ne comprends pas pourquoi on n'encourage pas les Inuits à faire leur part dans notre région, et on les empêche d'agir parce qu'on ne veut pas perdre de profits. Les profits restent dans notre région, et ils aident les gens. Il y a des gens qui sont prêts à embarquer.

Le sénateur Enverga : Nous avons appris tant de choses à votre sujet et sur la façon dont, venant d'un autre univers, vous en êtes venue à être fière d'être Inuite. C'est une très bonne chose.

Au cours de notre voyage dans le Nord, on nous a parlé de la nécessité des maisons d'hébergement, qui offrent un peu mieux qu'un logement surpeuplé. Je vous ai parlé de mon idée de quelque chose comme une pension de famille. On pourrait examiner cette solution, surtout pour les jeunes, en prenant soin d'associer les caractères qui peuvent vivre ensemble dans un endroit comme cela. Pensez-vous que cela permettrait de réduire le stress et les problèmes de santé mentale ou peut-être même de passer à la solution des maisons d'hébergement dont j'espère qu'elles pourront être créées dans l'avenir?

Mme Ikey : Cela serait très utile. On a beaucoup d'élèves du secondaire qui ont plus de 18 ans et qui essaient de terminer leurs études. Ils essaient aussi fort qu'ils peuvent. On a parfois des jeunes de 21 ans qui sont encore en secondaire IV. Donc ces gens apprécieraient sûrement un logement à faible loyer. Si on leur offrait ces services et qu'on les sortait des problèmes de leur famille en leur permettant d'être indépendants, on réglerait beaucoup de problèmes de santé, de santé mentale, et d'autres. Cela atténuerait ce qui se passe dans les familles.

Le sénateur Enverga : Nous examinerons donc tout cela.

La sénatrice Beyak : Merci encore. Je vis dans le nord-ouest de l'Ontario. Il y a 52 collectivités autochtones autour de chez moi, et celles qui s'en tirent le mieux sont Spirit Alive, de la Saskatchewan, et Tribal Trails, à Thunder Bay. Ce sont des ministères chrétiens. Ils ont des réserves sans alcool ni drogues.

Vous avez parlé de jeunes qui ne veulent pas rentrer chez eux parce que leurs parents sont saouls, et je me demandais dans quelle mesure c'est un problème pour vous et s'il y a quoi que ce soit que nous puissions ajouter dans nos recommandations pour vous aider.

Mme Ikey : Nous venons d'ouvrir une coopérative. En fait, elle est là depuis des années, mais ils viennent de commencer à vendre de l'alcool. Ce qui est fou, dans cette histoire, c'est que le taux de criminalité a baissé. Cela n'a pas de sens.

Mme Yeates : Mais on ne sait pas combien de décès sont dus à l'alcool.

Mme Ikey : C'est un gros problème. Dans notre communauté, il y a un bar, un lounge, une coopérative qui vend de la bière, et, en plus, on peut en commander du sud. Donc, c'est facile à avoir.

La communauté Puvirnituq vient de commencer à vendre de l'alcool dans sa coopérative elle aussi. Ils ont un fort taux de criminalité. Quand ils ont commencé à vendre de la bière, le taux de criminalité a baissé.

Il y aura de l'alcool, de toute façon. Il y aura de la drogue et de l'alcool de toute façon, et les trafiquants font fortune grâce à cela. On ne peut rien faire, parce que les avions et les bateaux arrivent avec des caisses pleines. Maintenant, on parle de chemins de fer. On ne peut pas empêcher les gens de faire ce qu'ils veulent, on ne peut pas contrôler leur vie comme cela.

C'est bizarre que le taux de criminalité baisse, mais, comme je l'ai dit, quand on redonne aux gens la responsabilité de leur vie, les choses changent. Donc, quand on leur dit de ne pas faire ci ou cela, ils font tout le contraire, et cela se voit. C'est bizarre. Le taux de criminalité a baissé, parce que les gens ont pu avoir 10 onces de vodka. C'est la seule chose qu'ils ont, et ils vont la boire tout de suite, au complet. Mais, s'ils peuvent aller au magasin plus tard s'acheter une demi-caisse, ils prennent leur temps, ils ont d'autres options, et cela va. C'est comme cela que je vois les choses.

La présidente : Nous arrivons à la fin de notre séance. En fait, nous avons dépassé notre temps parce que nous avons eu des témoins extraordinaires ce soir.

S'il n'y a plus de questions urgentes, j'aimerais remercier nos témoins du conseil des jeunes de Qarjuit, Louisa Yeates, vice-présidente, et Olivia Ikey, représentante d'Ungava. Mesdames, vous nous avez parlé avec sincérité et conviction des effets du surpeuplement des logements dans votre région. Nous vous remercions infiniment de votre présence parmi nous ce soir.

La séance est levée.

(La séance est levée.)

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