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APPA - Comité permanent

Peuples autochtones

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Peuples autochtones

Fascicule no 7 - Témoignages du 18 mai 2016


OTTAWA, mercredi 18 mai 2016

Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones se réunit aujourd'hui, à 18 h 46, pour étudier les pratiques exemplaires et les problèmes constants du logement dans les collectivités des Premières Nations et les collectivités inuites du Nunavut, du Nunavik, du Nunatsiavut et des Territoires du Nord-Ouest et pour étudier un projet d'ordre du jour (travaux futurs).

Le sénateur Dennis Glen Patterson (vice-président) occupe le fauteuil.

Le vice-président : Je tiens à souhaiter la bienvenue à tous les honorables sénateurs, aux membres du public, qui assistent à la réunion du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones dans la pièce ou qui la regardent sur CPAC ou le Web. Je m'appelle Dennis Patterson. Je viens du Nunavut et je suis le vice-président du comité. Aujourd'hui, j'ai le privilège d'occuper le fauteuil en remplacement de la sénatrice Lillian Dyck.

Je vais maintenant demander à mes collègues de bien vouloir se présenter.

Le sénateur Moore : Je m'appelle Wilfred Moore, de la Nouvelle-Écosse.

Le sénateur Oh : Le sénateur Oh, de l'Ontario.

Le sénateur Enverga : Tobias Enverga, de l'Ontario.

La sénatrice Raine : Nancy Greene Raine, de la Colombie-Britannique.

Le sénateur Tannas : Scott Tannas, de l'Alberta.

Le vice-président : Le mandat de notre comité consiste à examiner les dispositions législatives et les questions touchant les peuples autochtones du Canada de façon générale. Ce soir, nous continuons de recueillir les témoignages dans le cadre de notre étude sur les logements dans le Nord dans le but d'étudier les pratiques exemplaires et les problèmes constants du logement dans les collectivités des Premières Nations et les collectivités inuites du Nunavut, du Nunavik, du Nunatsiavut et des Territoires du Nord-Ouest.

Ce soir, nous allons aussi prendre le temps d'examiner l'ébauche d'une lettre dont il a été question la semaine dernière. Il s'agit d'une lettre adressée au ministre sur un dossier qui est considéré comme assez urgent. Cependant, pour commencer, je propose d'écouter la déclaration de notre premier témoin, qui est prêt.

Le sénateur Moore : Absolument.

Le vice-président : Nous pourrons alors peut-être nous occuper de la lettre avant d'entendre le deuxième témoin.

Je suis heureux de commencer par Mme Mylène Riva, professeure adjointe au Département de médecine sociale et préventive de l'Université Laval, qui se joint à nous par vidéoconférence. C'est une experte des conséquences sociales des problèmes de logement que nous étudions.

Madame Riva, la parole est à vous. Nous vous poserons ensuite des questions.

Mylène Riva, professeure adjointe, Département de médecine sociale et préventive, Université Laval, à titre personnel : D'abord et avant tout, merci beaucoup de me donner l'occasion de comparaître devant le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones pour parler du dossier très important du logement dans les collectivités autochtones partout au Canada.

Ce soir, j'aimerais vous présenter un point de vue qui sera peut-être différent de ceux qui vous ont été présentés dans le cadre de vos réunions avec des experts de partout au Canada. Mes activités de recherche et mon expertise sont liées principalement au rôle du logement en tant que déterminant important de la santé des Autochtones. La plupart de mes travaux ont été réalisés dans l'Arctique, et, par conséquent, les idées dont je vous ferai part ce soir sont particulièrement pertinentes pour les populations inuites. Cependant, des similitudes liées aux antécédents et aux problèmes de logement existent dans toutes les collectivités autochtones du Canada. On peut donc faire des parallèles.

Je vous ai envoyé une présentation en format PDF. Je ne sais pas si vous en avez une copie imprimée, mais nous allons passer à la deuxième page.

Le vice-président : Oui, nous avons des exemplaires. Merci.

Mme Riva : Le fait de bénéficier de bonnes conditions de logement est l'un des aspects les plus importants dans la vie des gens. Le logement est essentiel pour satisfaire aux besoins fondamentaux, comme celui de s'abriter, mais il ne se résume pas au fait de disposer de quatre murs et d'un toit. Il doit être un lieu de sommeil et de repos, où les gens se sentent en sécurité, où ils ont de l'intimité, un endroit où les gens ont un espace personnel, un endroit où ils peuvent élever une famille et vivre dans la dignité et l'harmonie.

Les conditions de logement peuvent influer sur la santé et le bien-être de différentes façons. Nous allons maintenant passer à la troisième page du document que je vous ai envoyé.

De toute évidence, il est très important de tenir compte des antécédents en matière de logement et des politiques connexes en raison de leurs répercussions à long terme sur la situation actuelle du logement dans de nombreuses collectivités autochtones. Il s'agit des facteurs structuraux associés au logement, comme l'intégrité du logement, les réparations nécessaires, les enjeux liés au surpeuplement, l'exposition à des agents physiques, biologiques et chimiques et les problèmes de qualité de l'air à l'intérieur. On a documenté les facteurs structuraux du logement dans le cadre de recherches scientifiques liées à divers résultats en matière de santé physique et mentale au sein des populations autochtones, mais encore plus au sein des populations non autochtones.

Il faut aussi tenir compte des conditions globales de la collectivité où se trouve le logement; je pense ici aux ressources qui sont favorables à la santé ou aux éléments qui y sont néfastes au sein d'une collectivité, comme l'accès à des lieux pour se divertir, l'accès à des aliments de bonne qualité, des ressources liées aux soins de santé dans la collectivité et la façon dont ces ressources peuvent être importantes pour la santé et le bien-être des gens.

Puis il y a les facteurs psychosociaux liés à la question du logement; ces facteurs sont liés précisément aux perceptions des gens au sujet de leur environnement de vie. Il est tout particulièrement important de tenir compte de ces facteurs psychosociaux lorsqu'on examine les problèmes actuels liés au logement et au milieu de vie qui sont associés à différents contextes historiques. Il est aussi important de tenir compte des facteurs psychosociaux lorsqu'on prépare de futures stratégies et politiques en matière de logement et qu'on envisage la construction de logements.

Vous trouverez à la page 4 une citation de Nellie Cournoyea, alors présidente et chef de la direction de l'Inuvialuit Regional Corporation. Elle a dit dans le cadre du Forum sur l'habitation nordique que certains des principaux facteurs de stress relevés par les membres de sa collectivité étaient liés aux logements sociaux. Les gens qui vivent dans des logements sociaux ne se sentent pas en contrôle de leur vie, et ce manque de contrôle crée chez eux un stress extrême, qui peut mener à l'angoisse et à la toxicomanie.

À la page 5, je fais une distinction entre la notion de la maison et celle de chez soi. Le fait d'avoir un toit au-dessus de notre tête est bien sûr nécessaire et important, mais ce n'est pas suffisant pour se sentir chez soi. Le fait de se sentir chez soi peut donner à la personne un genre de sécurité ontologique, un grand mot pour parler du sentiment de constance et de contrôle qu'une personne a sur ses environnements sociaux ou physiques — qui peuvent à leur tour influer sur le développement de son identité et son affirmation de soi — et le fait qu'elle a un endroit sécuritaire où vivre. Cette notion de sécurité ontologique et ces facteurs psychologiques — même si les gens dans la collectivité n'en parlent pas en ces termes — sont tout de même reconnus et soulignés comme étant des choses importantes qu'il faut prendre en considération lorsqu'on réfléchit à la question du logement, surtout dans l'Arctique.

À la page 6, j'ai cité certains commentaires de Nunavimmiut. Les Nunavimmiuts sont les Inuits qui vivent au Nunavik, un territoire inuit dans le Nord du Québec. Ce sont des choses que les gens m'ont dites lorsque je leur ai demandé quelles étaient leurs perceptions de leurs conditions de logement. Vous constaterez que leurs propos étaient liés directement au fait de pouvoir contrôler leur vie, à la possibilité ou non de choisir où ils vivent et à la question de l'identité, le fait de se reconnaître chez soi.

« Lorsque les maisons sont attribuées, les responsables ne tentent pas de trouver la situation idéale. Les familles sont envoyées dans la prochaine maison disponible, peu importe l'espace dont elles auraient besoin. Les maisons n'ont pas de style. Elles sont ennuyeuses. Elles se ressemblent toutes. Il ne fait pas bon vivre dans ces maisons et y être avec sa famille. Nous ne nous sentons pas fiers. Ce sont des maisons, mais nous ne nous sentons pas chez nous ».

Ces facteurs psychosociaux sont devenus l'un des principaux arguments du projet qui est en cours au Nunavik et au Nunavut, comme on peut le voir à la page 7. Ce projet est financé par les Instituts de recherche en santé du Canada et ArcticNet. Grâce à ce projet, nous tentons d'évaluer l'impact du déménagement dans une nouvelle maison sur la santé et le bien-être des familles inuites au Nunavik et au Nunavut. La plupart des études réalisées jusqu'à présent qui portaient sur les conditions de logement et la santé des populations autochtones étaient fondées sur des données transversales, ce qui signifie qu'elles permettaient de faire des associations, mais pas d'établir des liens de causalité. Si les conditions de logement changent, qu'arrivera-t-il à la santé des gens? S'améliorera-t-elle? Nous l'espérons, mais nous ne le savons pas encore.

L'un des objectifs de ce projet est de voir si une amélioration des conditions de logement lorsque des gens arrivent dans un logement social nouvellement construit est associée à de meilleurs facteurs psychosociaux, qui peuvent à leur tour influer sur la santé.

Passons maintenant à la page 8. Elle contient un tableau qui présente des exemples de questions que nous avons posées aux gens du Nunavik et du Nunavut. Nous leur avons demandé s'ils étaient en accord ou en désaccord avec plusieurs énoncés. Je vous présente ici des résultats de façon positive. Plutôt que dire que 40 p. 100 des participants de notre étude vivent dans des conditions de surpeuplement, nous disons que ce n'est pas le cas pour 60 p. 100 d'entre eux. C'est au Nunavik. Les données sont différentes au Nunavut. En collaboration avec les organisations régionales qui ont participé à l'étude — c'est-à-dire la Société de logement du Nunavut, l'Office municipal d'habitation Kativik, le conseil de santé et le ministère de la Santé du gouvernement du Nunavut —, nous avons décidé collectivement qu'il était préférable de mettre l'accent sur les aspects positifs afin qu'il soit plus facile pour les partenaires du projet d'utiliser ces chiffres et les renseignements générés pour établir des objectifs d'amélioration dans leurs régions respectives. C'est aussi une façon moins stigmatisante de dire les choses plutôt que de toujours mettre l'accent sur ce qui ne va pas bien dans les régions.

Le tableau présente la proportion de personnes qui étaient d'accord ou fortement d'accord avec les déclarations liées à l'identité, au contrôle, à la sécurité, à l'intimité et à la satisfaction. « Ma maison est un bon endroit où vivre ma vie »: 50 p. 100 étaient d'accord ou fortement d'accord. « Je me sens en contrôle, je peux décider ce qui se produit »: 40 p. 100. Soixante-dix pour cent des répondants ont déclaré se sentir en sécurité chez eux, 50 p. 100 ont déclaré avoir de l'intimité, et environ 50 p. 100 ont déclaré être satisfaits de leur logement.

En présentant ces chiffres de façon positive, je ne veux en aucun cas dire que ces personnes ne sont pas aussi aux prises avec des facteurs psychosociaux difficiles liés au logement. Si vous passez à la page suivante, la page 9, nous avons examiné les facteurs psychosociaux liés à la surpopulation. Nous savons que la prévalence de la surpopulation est très élevée dans l'Arctique et dans d'autres collectivités autochtones du Canada. Cependant, si nous mettons l'accent sur les gens qui ne vivent pas dans des logements surpeuplés, ces derniers sont plus susceptibles de déclarer des facteurs psychosociaux positifs comparativement aux personnes qui vivent dans des logements surpeuplés.

Les Nunavummiuts qui ne vivaient pas dans des logements surpeuplés avaient l'impression d'avoir plus d'intimité. Ils étaient plus satisfaits de leur maison, avaient plus de contrôle sur ce qui se produisait chez eux et estimaient que leur maison était un bon endroit pour vivre. Cela signifie qu'ils commençaient à voir leur maison comme un chez soi.

Passons à la page suivante, la 10. En fait, actuellement, nous en sommes à la collecte des données. Nous avons recueilli des données dans le cadre de ce projet avant que les gens déménagent dans une nouvelle maison, et nous recueillons maintenant des données suivant ce déménagement. Mon équipe travaille actuellement dans une collectivité du Nunavik et rencontre des participants qui ont déménagé dans une nouvelle maison. Nous leur avons demandé s'ils se sentaient chez eux dans leur maison, et voici certaines de leurs réponses: « Je me sens comme un roi. Je me sens plus détendu. Je me sens fier et en sécurité parce que j'ai un endroit à moi. C'est un bon endroit où dormir. C'est ma maison. Je me sens mieux parce que j'ai mes choses, j'établis mes règles et je suis en sécurité ».

Les enjeux liés à la sécurité et au fait d'avoir un endroit à soi sont des facteurs importants liés au logement.

Un autre aspect de la question du logement que j'aimerais aborder ce soir, c'est le caractère adéquat sur le plan culturel des logements. Le caractère adéquat sur le plan culturel est l'un des aspects du droit à un logement adéquat de la Boîte à outils sur le droit à un logement convenable préparé par les Nations Unies. Ce document renvoie à la construction du logement, y compris les matériaux et les méthodes de construction, qui doivent tenir compte de l'identité culturelle. C'est important si nous voulons que ces résidences deviennent un chez soi pour leurs habitants.

Je connais différentes initiatives à l'échelle du Canada, des initiatives régionales et locales. Par exemple, il y a le programme Pivallianiq au Nunavik. Il s'agit d'un programme qui compte plusieurs composantes. Lorsque les locataires déménagent dans une nouvelle maison, ils reçoivent une visite du comité d'habitation local. On leur prodigue des conseils de base sur l'entretien ménager. Ce sont de très bons conseils. Même pour moi, qui suis nouvelle propriétaire. Je n'ai aucune idée de ce qu'il faut faire dans une nouvelle maison. Ces conseils sont très utiles, et les gens apprécient le programme.

Les gens peuvent choisir la couleur des murs. Le simple fait de donner ce choix — de permettre aux gens de choisir la couleur de leur mur —, qui coûte beaucoup moins cher que de construire de nouvelles maisons, peut vraiment accroître le niveau de satisfaction des gens à l'égard de leur maison.

Oui, il faut construire plus de maisons, mais on ne peut pas construire n'importe quel type de maison. Je sais que le Sénat tente de trouver des solutions et des pratiques exemplaires pour améliorer la situation du logement dans de nombreuses collectivités autochtones à l'échelle du Canada. Je sais qu'il y a un manque criant de logements et qu'il faut répondre à ces besoins. Il faudrait construire des milliers de logements du jour au lendemain partout au Canada pour combler tous les besoins en matière de logement.

Cependant, j'espère que, un jour, la construction d'habitations ne sera pas uniquement en mode d'urgence — en réaction à une crise —, mais qu'on prendra le temps de rencontrer les membres de la collectivité pour parler du type de maison qu'ils aimeraient: la grandeur des pièces, la forme de la pièce, le nombre de chambres à coucher, des espaces communs plus grands.

On réalise actuellement de telles activités, des charrettes de conception, partout dans le Nord. Des Inuits, par exemple, à Nain, ont rencontré Alain Fournier — que les membres du comité ont probablement rencontré — pour concevoir des résidences en collaboration avec des Inuits. On tente aussi de faire participer plus d'Inuits aux travaux de construction. On dit toujours que les contremaîtres n'ont pas le temps de former des employés sur place parce que la saison de construction est très courte. Cette capacité régionale et locale doit être renforcée au fil du temps; ce serait aussi très utile pour la région.

Puis, il y a l'enjeu de l'inégalité en matière de logement. La page 12 contient des photos de résidences pour le personnel enseignant, qui se trouvent tout juste devant ou derrière les résidences des Inuits. C'est à Kuujjuaq. Les gens sont confrontés à ces inégalités au quotidien. Je sais qu'on tente de changer la situation. Ce n'est pas seulement le fait du conseil scolaire, mais aussi celui du conseil de santé et de toutes les organisations régionales, surtout au Nunavik.

Si un Blanc vient travailler dans le Nord, il aura droit à une maison meublée. Il paiera un loyer symbolique, et une ou deux personnes se retrouveront probablement dans un appartement qui compte trois chambres à coucher. Cependant, si un enseignant inuit se retrouve là-bas avec les mêmes responsabilités qu'un enseignant blanc, il n'aura pas le droit de vivre dans une de ces maisons avec sa famille. On s'attend à ce qu'il se trouve un loyer parce qu'il est un membre de la collectivité, mais il y a une pénurie de logements dans la collectivité.

C'est quelque chose dont il faut tenir compte. Les gens disent: « Pourquoi peuvent-ils avoir ces belles résidences bien aménagées, tandis que les nôtres sont toutes pareilles, peu importe la collectivité? »

Passons à la dernière diapositive, celle de la page 13. J'aimerais résumer ce que je viens de dire en citant Andy Moorhouse, qui travaille maintenant pour la Société Makivik au Nunavik, mais qui était président de l'Office municipal d'habitation Kativik en 2008. Il a dit que le logement n'est pas le seul problème, mais que tous les problèmes sont liés au logement.

Afin de nous attaquer à la crise du logement — à défaut d'une meilleure expression —, à la situation du logement dans nos nombreuses collectivités autochtones partout au pays, nous devons envisager la situation de différents points de vue. En outre, différents secteurs de la société devront mettre l'épaule à la roue si nous voulons vraiment régler le problème. Merci.

Le vice-président : Merci beaucoup, madame Riva. J'aimerais commencer par vous poser des questions au sujet de votre recherche. Dois-je comprendre de votre exposé que la recherche est encore en cours et que vous n'avez pas encore nécessairement de conclusions ou de constatations à nous communiquer? Est-ce exact?

Mme Riva : Oui. J'ai les constatations initiales qui sont liées aux renseignements obtenus avant que les gens déménagent dans les résidences. Le tableau chiffré que vous avez vu contient les résultats des entrevues qui ont été réalisées auprès de 136 résidants du Nunavik et de 155 résidants du Nunavut — dans six collectivités de chaque région — avant qu'ils ne déménagent dans une nouvelle maison.

Dans le cadre de ce projet, nous recueillons des renseignements sur les conditions de logement, les facteurs psychosociaux liés au logement, les conditions communautaires — c'est-à-dire si les gens ont l'impression que leur collectivité est sécuritaire, leur sentiment perçu de cohésion communautaire — et la santé mentale et physique. Cependant, l'objectif principal du projet est de voir si un changement des conditions de logement a un impact sur la santé.

Nous rencontrons actuellement les gens de 15 à 18 mois après qu'ils ont déménagé dans une nouvelle maison. Cent cinquante unités de logements sociaux ont été construites au Nunavik en 2014, et 210 l'ont été dans 18 collectivités du Nunavut en 2014-2015. Nous avons rencontré les gens avant qu'ils ne déménagent dans ces nouvelles maisons, et nous les rencontrons maintenant après leur déménagement.

Les résultats complets de l'étude ne seront pas prêts avant la fin de l'exercice actuel. Nous travaillons au Nunavik actuellement. Nous espérons voir la plupart des personnes. Nous devrons probablement y retourner à l'automne. Au Nunavut, le sondage postérieur au déménagement sera réalisé cet automne et au début de l'hiver 2017.

Le vice-président : Les renseignements tirés des travaux préliminaires que vous avez réalisés ont-ils fait l'objet de rapports?

Mme Riva : Oui. Nous travaillons là-dessus, mais c'est un projet participatif: je suis la chercheuse en chef, mais mes partenaires d'organisations inuites sont sur un pied d'égalité avec moi. Nous avons convenu d'une structure de travail, et tous les documents produits dans le cadre de la rédaction du rapport doivent leur être communiqués en premier, puis nous décidons ensemble de quelle façon nous allons rendre l'information publique.

J'accepterai volontiers de discuter avec le comité sénatorial pour déterminer quels renseignements seraient les plus utiles lorsque mes partenaires auront eu l'occasion de tout consulter.

Nous travaillons sur un résumé d'une page sur les conditions structurelles de logement, les facteurs psychosociaux liés au logement, les conditions communautaires perçues et les renseignements de base sur la santé.

Lorsque le document sera prêt, je discuterai avec tous les intervenants de la possibilité de le communiquer, mais, je dois dans un premier temps, le soumettre aux partenaires du projet.

Le vice-président : Je comprends très bien cette situation et je respecte votre processus, mais j'aimerais dire au nom du comité que, même si nous comprenons très bien que la deuxième phase du projet n'est pas encore terminée, les données de base de la première phase nous seraient très utiles et elles nous permettraient de décrire les conséquences de la surpopulation et les problèmes actuels en matière de logement. Ces renseignements nous aideraient dans le cadre de la rédaction de notre rapport. Je vous formule donc cette demande au nom du comité, et j'ajoute que nous espérons que vous et vos partenaires allez accepter de nous fournir cette information pour une bonne cause afin de nous aider à mettre en lumière le problème.

Mme Riva : Absolument.

Le vice-président : La balle est dans votre camp, et vous pourrez communiquer avec notre greffier à ce sujet.

Mme Riva : Certainement. Je vais donner suite à votre demande. Je dois simplement en parler ouvertement à mes partenaires.

La sénatrice Raine : Merci de comparaître devant le comité. Nous voulons tous tirer profit de votre expérience dans le domaine et peut-être connaître certaines de vos observations personnelles à la lumière de votre expérience et de vos études.

Je constate que vous avez réalisé une étude au Groenland sur le surpeuplement des ménages et la santé psychosociale chez les Inuits du Groenland. Pouvez-vous nous fournir les conclusions de cette étude?

Mme Riva : Les données utilisées dans le cadre de ce projet ont été tirées de l'Enquête sur la santé des Inuits — transition et résilience, une enquête transversale répétée réalisée au Groenland. En effet, tous les sept ans, ce sondage est réalisé dans des collectivités sélectionnées partout au Groenland. Dans le cadre de cette étude, nous avons examiné la surpopulation, qui est moins problématique au Groenland qu'au Canada et dans le Nord du Canada. C'est tout de même encore un problème là-bas.

Nous nous sommes penchés sur la question du surpeuplement des logements et, dans cet article — comme dans d'autres articles que j'ai écrits sur le surpeuplement et la santé dans l'Arctique —, je ne m'en suis pas nécessairement tenue uniquement à la définition habituelle de « surpeuplement », parce que c'est une définition contextuelle fondée sur des traits culturels. La définition de Statistique Canada de plus d'une personne par pièce s'applique-t-elle dans le contexte du Nord? Nous ne le savons toujours pas.

J'ai utilisé différentes mesures du surpeuplement pour définir la situation du logement au Groenland, et nous avons examiné l'impact de vivre dans une maison surpeuplée sur les symptômes liés à la santé mentale. J'ai utilisé des parenthèses ici, parce qu'on pose deux questions dans le cadre de ce sondage. Au cours des deux dernières semaines, vous sentiez-vous déprimé, malheureux ou anxieux ou aviez-vous peur de quelque chose? Ce ne sont pas des mesures standard de la santé mentale, et c'est la raison pour laquelle nous employons le terme « symptômes liés à la santé mentale ». Nous avons constaté que, dans les résidences où il y avait plus d'une personne par pièce — donc dans des maisons surpeuplées —, les gens étaient plus susceptibles de déclarer être déprimés sans pour autant se sentir anxieux. Encore une fois, il ne s'agit pas de mesures standards de la santé mentale.

Nous nous sommes intéressés à la consommation excessive d'alcool. J'ai constaté que la mesure de surpopulation peut être difficile à appliquer dans l'Arctique à la lumière des données des enquêtes régionales sur la santé parce que, parfois, le surpeuplement peut être une source de soutien social. Le fait qu'il y ait plus de personnes qui vivent dans une maison peut parfois être un facteur de protection pour la santé, mais ce peut aussi parfois être préjudiciable. Dans l'Arctique, donc, nous nous sommes donc aussi intéressés à la consommation excessive d'alcool. Cependant, nous avons constaté que, en fonction uniquement au nombre de personnes dans une maison, plus il y avait de résidants, moins les gens étaient susceptibles de consommer de l'alcool de façon excessive.

Ça semble un peu contre-intuitif, mais cette constatation nous a poussés à réfléchir à la structure des ménages. Lorsqu'il y a situation de surpeuplement — lorsqu'il y a plus de personnes dans la maison —, c'est habituellement parce qu'il y a plus d'enfants, et le fait qu'il y ait plus d'enfants dans une maison pourrait en fait atténuer les comportements des gens. Par exemple, les parents peuvent être moins susceptibles de consommer de l'alcool devant leurs enfants. C'est lorsque nous avons examiné la composition des ménages que nous avons constaté une corrélation confirmant nos attentes. C'est dans les ménages où il y avait plus de deux adultes que nous avons constaté un risque plus élevé de consommation excessive d'alcool, et ce, particulièrement chez les femmes, mais aussi dans les ménages où il y avait plus de deux adultes. Par conséquent, il faut faire attention lorsqu'on mesure le niveau de « surpopulation ».

Il y a un lien à faire avec d'autres études que nous avons consultées. Il y a des études réalisées sur la surpopulation et la santé mentale dans des populations non autochtones, et nous voyons là un lien. Un de mes étudiants travaille actuellement sur les enfants qui ont des comportements d'externalisation à 10, 11 et 16 ans lorsqu'ils vivent dans des logements surpeuplés au Nunavik. Nous n'avons pas encore les résultats.

Cette recherche avance, et j'essaie d'y contribuer parce que la plupart des ouvrages sur le logement et la santé — surtout en milieu autochtone — concernent la santé respiratoire.

En nous penchant sur les questions de la santé mentale et de la détresse — il y a des représentants du ministère de la Santé du Nunavut qui m'ont demandé d'examiner les données tirées de l'enquête sur la santé qui a été réalisée en 2007 et en 2009 relativement à la détresse psychologique et aux idées suicidaires —, nous constatons que ces enjeux n'ont pas encore été documentés dans la littérature scientifique. C'est un problème et un sujet très délicats, surtout cette année, mais plus de recherches sont réalisées sur les conditions de logement et la santé mentale au sein des populations autochtones du Canada.

Le sénateur Enverga : Merci, madame Riva, d'avoir présenté votre exposé. Votre exposé vient de confirmer certaines de nos constatations durant notre visite dans la région du Nunavut.

J'ai été frappé par votre déclaration selon laquelle la surpopulation n'est, après tout, pas si mal, et que c'est en fait parfois une bonne chose en raison de la dynamique sociale, parce que les gens s'entraident. Pouvez-vous nous expliquer pourquoi vous dites que la surpopulation est parfois préférable?

Mme Riva : Je n'aimerais vraiment pas être citée à ce sujet. Vous savez, c'est simplement ce que nous avons constaté à première vue en examinant les données des enquêtes sur la santé. Cependant, lorsque nous approfondissons les choses, nous voyons apparaître les liens auxquels nous pourrions nous attendre, mais nous examinons la situation du point de vue des habitants du sud.

Nous pourrions peut-être effectuer certaines recherches dans notre base de données. J'aimerais bien examiner les enquêtes régionales sur la santé à ce sujet. Il y a des situations où les gens vivent dans des conditions de surpeuplement sans afficher de détresse psychologique ou même en déclarant être tout à fait en santé. C'est peut-être seulement anecdotique, mais, parmi les répondants que nous avons interrogés, j'ai constaté que, souvent, des familles vivent à 15 dans des appartements comptant quatre chambres à coucher. Cependant, ils peuvent camper sur la terre et ils ont des moyens de sortir et de passer du temps à l'extérieur de la collectivité. Le surpeuplement pour ces familles est peut-être moins problématique.

Il est possible que le surpeuplement devienne problématique lorsqu'une personne — ou plusieurs — a un problème d'alcool ou de consommation de drogue ou lorsqu'un membre du ménage est à l'origine de frictions sociales dans la maison ou encore dans le cas des femmes qui vivent avec leur belle-famille. C'est peut-être aussi le cas lorsque des hommes vivent avec leur belle-famille, mais c'est quelque chose que nous avons vu moins souvent. Cependant, pour les femmes qui vivent avec leur belle-famille — parce qu'elles n'ont nulle part ailleurs où vivre —, il peut s'agir d'une situation stressante.

Je ne veux pas qu'on me cite comme ayant dit que la surpopulation est parfois une bonne chose, mais il y a différentes façons de conceptualiser la surpopulation. Si nous nous en tenons au nombre de personnes par pièce ou au seuil de plus d'une personne par pièce, alors on passe peut-être à côté de renseignements importants.

Lorsqu'on réfléchit à la question du surpeuplement, on met toujours l'accent sur les données de 2006: 49 p. 100 de la population du Nunavik vit dans des logements surpeuplés, mais ce n'est pas le cas de 50 p. 100 de la population. Quel est l'état de santé de ces personnes? Que peut-on apprendre d'elles? Quels sont leurs mécanismes d'adaptation? Pourquoi ne vivent-elles pas dans une maison surpeuplée? Ou encore, quels sont les mécanismes d'adaptation des personnes qui vivent dans des maisons surpeuplées, mais qui se disent en bonne santé?

Selon moi, nous avons besoin de plus d'information à ce sujet.

Le sénateur Enverga : Ne vous en faites pas, nous ne vous citerons pas en train d'affirmer que la surpopulation est quelquefois une bonne chose.

Je veux me concentrer davantage sur le thème de la surpopulation. Nous savons que, parfois, les personnes qui habitent dans des logements surpeuplés ont des problèmes psychologiques. Vous avez entendu parler des suicides dans les territoires des Premières Nations et des Inuits. Croyez-vous que la surpopulation ou des situations difficiles à la maison — pas nécessairement les beaux-parents — poussent les gens à se suicider?

Mme Riva : Je ne saurais dire pour la surpopulation, mais des situations difficiles à la maison ou de mauvaises expériences durant l'enfance sont probablement parfois en cause. Je ne suis vraiment pas une experte de la question du suicide. J'ai passé trois jours à Kuujjuaq plus tôt ce printemps, et il y a eu deux suicides pendant mon séjour. Ces deux suicides s'ajoutaient à trois autres qui avaient eu lieu le mois avant. J'ai entendu dire que les jeunes qui se sont malheureusement enlevé la vie venaient de très bonnes familles qui fonctionnaient très bien. Je ne sais pas si c'est comme cela dans la plupart des cas, mais je ne peux pas vous dire si le surpeuplement joue un rôle. C'est la raison pour laquelle mes collègues du Nunavut veulent que j'examine les données, pour voir s'il y a un lien et si le logement peut être lié à la détresse psychologique dans l'Arctique canadien et, par conséquent, aux idées suicidaires et au passage à l'acte.

Le sénateur Moore : Merci, madame Riva, d'être là. Je veux vous poser des questions au sujet du tableau à la page 8 de votre mémoire. Vous avez dit que vous avez interrogé au total 136 personnes au Nunavik et 155 au Nunavut. C'est exact?

Mme Riva : Oui.

Le sénateur Moore : Les 136 personnes au Nunavik étaient-elles des Inuits ou certaines venaient-elles du sud?

Mme Riva : Je crois que deux répondants venaient du sud. Un était Cri.

Le sénateur Moore : Y avait-il des couples ou seulement des personnes célibataires? Des 136 participants, y avait-il environ 60 couples?

Mme Riva : Il y avait 125 ménages pour 136 participants; il y avait donc quelques colocataires. Nous avons recruté des gens qui étaient sur une liste d'attente pour obtenir un logement social. En fait, nous avons recruté des gens dont le nom figurait sur la liste d'attente et tous les adultes qui devaient déménager avec eux. Nous nous attendions à ce qu'il y ait plus de couples — et il y en a quelques-uns —, mais l'un des membres refusait parfois tout simplement de participer au projet.

Au Nunavik, par exemple, beaucoup d'appartements qui comptent une chambre à coucher ont été construits en 2014, et ces logements étaient donc destinés à des ménages d'une personne ou peut-être à des couples sans enfant.

Le sénateur Moore : Vous avez mentionné avoir rencontré des personnes dans six collectivités. Y en avait-il trois dans chaque région... ou quelle était la répartition?

Mme Riva : Six collectivités au Nunavik et six au Nunavut.

Le sénateur Moore : Vous prévoyez donc que 150 nouvelles unités résidentielles allaient être construites?

Mme Riva : Au Nunavik, oui.

Le sénateur Moore : De quelle façon allez-vous réaliser la prochaine étape, cet automne et au début de l'hiver? Que faites-vous? Vous limiterez-vous à ces 150 unités? Allez-vous parler à d'autres personnes qui n'ont peut-être pas déménagé pour savoir comment elles se portent aujourd'hui?

Mme Riva : Si j'ai bien compris votre question, vous voulez savoir, d'un point de vue épidémiologique, s'il y aura un groupe témoin.

Permettez-moi d'expliquer l'étude de façon plus détaillée. Nous avons recruté des gens dans 6 des 18 collectivités du Nunavut où des maisons ont été construites en 2014.

Tout a commencé avec une subvention des IRSC — c'est de notoriété publique — de 200 000 $. Les coûts pour envoyer mon équipe dans une collectivité pendant une semaine afin qu'elle puisse rencontrer 15 personnes s'élevaient à 15 000 $. Lorsque nous avons reçu le financement initial pour réaliser l'étude, nous avons constaté que nous ne pouvions pas inclure un groupe témoin. Une fois la période de déménagement terminée, nous allons seulement rencontrer ceux qui ont déménagé. Nous n'allons pas rencontrer ceux qui n'ont pas déménagé.

Le sénateur Moore : D'accord.

Mme Riva : Pour ce qui est de la solidité de la conception de l'étude ou des preuves que nous pourrons en tirer, nous n'allons pas pouvoir dire sans aucun doute si le fait de déménager dans une nouvelle maison est bénéfique ou non parce qu'il n'y a pas de groupe témoin. Cependant, nous pourrons tout de même créer un groupe témoin à l'aide de techniques statistiques. La conception de notre étude est bonne, mais ce n'est pas la meilleure.

Le sénateur Moore : Prévoyez-vous vous rendre dans les 150 nouvelles maisons voir les gens qui ont déménagé? Ce serait un très bon groupe témoin, non? Cela pourrait être révélateur.

Mme Riva : Des 136 participants, 92 ont déménagé dans une nouvelle maison, et nous allons rencontrer ces 92 participants.

Le sénateur Moore : C'est bien. Et qu'en est-il des autres? Il y a 150 maisons, il reste donc 60 nouveaux locataires. Est-ce une question de financement?

Mme Riva : Non, nous n'avons pas pu rencontrer tout le monde. C'est une étude. Dans le Nord, de façon générale, les gens en ont assez des chercheurs qui posent des questions. Nous sommes allés dans des collectivités où des logements sociaux étaient en construction, et nous avons invité les personnes dont le nom figurait sur les listes d'attente de logements sociaux à participer à l'étude. Nous avons suréchantillonné la liste d'attente de 25 p. 100, sachant que ce ne sont pas toutes les personnes rencontrées en 2014 qui allaient finir par déménager dans une nouvelle maison. C'est la raison pour laquelle seulement 92 p. 100 des 136 personnes ont déménagé.

Pour être honnête avec vous, actuellement, dans le cadre du suivi, nous arrivons à rejoindre moins de 50 p. 100 des répondants initiaux. À ce rythme, nous allons seulement rencontrer 50 p. 100 des 92 p. 100 des personnes qui ont déménagé.

Le sénateur Moore : Ce n'était pas 92 p. 100; c'était plutôt 92 répondants, non?

Mme Riva : Désolée, 92 personnes.

Le sénateur Moore : Vous allez peut-être en rencontrer la moitié?

Mme Riva : Oui, c'est très difficile.

Le sénateur Moore : Eh bien, vous auriez dû nous accompagner.

Mme Riva : En fait, non, parce que c'est un projet de recherche indépendant financé par des fonds canadiens.

Le sénateur Moore : Je sais. La nôtre aussi.

Mme Riva : Oui, mais nos objectifs étaient différents.

Le sénateur Moore : Nous avons eu accès à des endroits où vous ne pouvez probablement pas aller. Nous aurions probablement pu vous aider.

Le sénateur Oh : Merci, madame Riva, de comparaître devant le comité.

Vous parlez beaucoup des logements surpeuplés et des conditions de logement. Quelle est la grosseur des résidences comptant deux, trois ou quatre chambres à coucher dont vous avez parlé? Quelle est leur taille? Combien de pieds carrés?

Mme Riva : C'est une bonne question. Je vais devoir me renseigner.

Le sénateur Oh : Quelle est la grosseur des maisons?

Mme Riva : À brûle-pourpoint, je ne sais pas. Je peux trouver l'information. Une maison de deux chambres à coucher est à coup sûr beaucoup plus petite qu'une maison comptant le même nombre de chambres à coucher plus au sud.

Le sénateur Oh : Combien de pieds carrés?

Mme Riva : Attendez.

Le vice-président : Madame Riva, si l'information n'est pas facilement accessible...

Mme Riva : Je ne l'ai pas à portée de main. C'est quelque part sur mon ordinateur.

Le vice-président : Vous pourriez peut-être le dire au comité plus tard?

Mme Riva : Oui.

Le vice-président : Nous avons vu des maisons, et elles sont assurément plus petites que les maisons types du sud.

Le sénateur Oh : Pouvez-vous nous dire, en moyenne, combien de personnes vivent dans des maisons comptant deux ou trois chambres à coucher?

Mme Riva : Non, mais vous pouvez obtenir cette information auprès de l'Office municipal d'habitation Kativik.

Le sénateur Oh : Si possible, pouvez-vous obtenir le nombre de personnes qui vivent dans les résidences comptant deux et trois chambres à coucher?

Le vice-président : Sénateur Oh et madame Riva, nous sommes allés au Nunavik et au Nunavut, et les autorités appropriées dans ces régions nous ont donné ces données. Nous n'allons pas vous demander de refaire ce travail.

Mme Riva : Merci.

La sénatrice Raine : C'est peut-être une question tout à fait inhabituelle, mais, dans le cadre de notre étude, nous avons entendu des exposés assez incroyables. Un des invités était une entreprise de dirigeables qui proposait de transporter par voie aérienne des maisons préfabriquées à partir des emplacements de fabrication au sud. Ces maisons pourraient être construites spécialement pour l'Arctique. Elles pourraient même être construites par des entreprises autochtones. L'entreprise en question les transporterait par dirigeable et les poserait sur des fondations déjà coulées là- bas.

Je vous pose ma question en raison de votre expérience de chercheuse dans le domaine du logement. Vous faites des études, et, de toute évidence, vous gardez les yeux ouverts et vous réfléchissez. Vous avez dit que les gens veulent leur propre maison, un endroit qu'ils personnalisent à leur goût. Selon vous, pourrait-on produire un catalogue contenant différentes maisons de couleurs et formes différentes et contenant des pièces de tailles différentes afin qu'une personne dans le Nord puisse commander ce qu'elle veut dans un catalogue? La maison pourrait ensuite être livrée par dirigeable. Selon vous, est-ce possible ou s'agit-il de promesses en l'air ou de maisons en l'air?

Mme Riva : J'ai vu le reportage aux actualités, et nous avons justement échangé des courriels. C'est un projet fantastique. Je ne sais pas comment cela pourrait coûter. Probablement beaucoup.

La sénatrice Raine : Si vous me le permettez, je vais vous interrompre, parce que j'en suis venue à la conclusion que, actuellement, nous dépensons beaucoup d'argent pour construire des maisons, mais ce n'est pas un bon investissement, parce que les maisons ne durent pas longtemps et qu'elles ne sont pas adaptées.

Le sénateur Moore : Exactement.

Le sénateur Raine : Je préférerais dépenser beaucoup plus d'argent sur quelque chose qui va fonctionner et qui sera un investissement durable. Nous devons trouver une façon de faire les choses, alors ne vous en faites pas avec les coûts.

Mme Riva : D'accord. Eh bien, je crois que cela pourrait marcher. Je vais laisser Trevor Bell, que vous accueillerez après moi, vous parler du rembourrage et du pergélisol et des endroits où vous pouvez construire des maisons dans les collectivités. Les maisons ne pourraient pas être de toutes formes et de toutes tailles en raison du pergélisol.

J'ai entendu des gens dire: « Eh bien, nous sommes allés dans le Sud. Nous avons vu les maisons dans lesquelles vous vivez. Pourquoi ne pouvons-nous pas avoir ce genre de maisons dans le Nord? Pourquoi ne pouvons-nous pas avoir de sous-sol dans les collectivités où il n'y a pas de pergélisol? »

Ça serait certainement intéressant, mais il faudrait que la maison leur appartienne, n'est-ce pas? Il ne s'agirait pas de logements sociaux qui arriveraient du Sud par voie aérienne, et c'est une question tout à fait différente. En outre, il y a la location avec option d'achat. Ce programme existait dans les années 1970. Il fonctionnait bien, mais il a été aboli. Plusieurs des gens à qui j'ai parlé n'achèteraient pas une maison du jour au lendemain, mais ils seraient très intéressés par la location avec option d'achat. Peut-être que cela pourrait faire partie du programme en question.

La sénatrice Raine : Merci beaucoup.

Le président : Vous vous êtes bien débrouillée, madame Riva. Je pense que c'était un peu en dehors de votre champ d'études. Merci.

Le sénateur Enverga est notre dernier intervenant.

Le sénateur Enverga : Merci de vous être de nouveau jointe à nous. Je peux voir, d'après votre exposé, les inégalités au chapitre du logement. On dit même ici: « Les maisons destinées aux enseignants sont très bien. Je voudrais avoir la même maison. »

Quand nous étions à Kuujjuaq, il avait été mentionné que beaucoup de maisons d'enseignants étaient condamnées quand ils n'enseignaient pas. Quel est l'effet de cette pratique? Cause-t-elle davantage de dépressions? Quand les élèves voient les maisons des enseignants condamnées, que personne n'y vit et qu'elles ne sont pas utilisées, est-ce déprimant à voir pour les élèves? Est-ce que cela fait partie de leur dépression psychologique globale?

Mme Riva : Je ne sais pas. Ce n'est pas seulement pour les jeunes, mais aussi pour leurs collègues au travail, les Inuits qui enseignent dans le réseau scolaire, ou le directeur adjoint, qui n'ont pas un logement destiné au personnel eux non plus. Je sais qu'on condamne certaines des maisons pour l'été.

Lorsqu'on procède à des rénovations majeures de maisons dans le Nord, je pense que les familles ont trois choix: elles obtiennent un bon pour séjourner à l'hôtel; elles reçoivent une tente, laquelle, selon ce que j'ai entendu dire, n'est pas de bonne qualité; ou elles reçoivent de l'argent afin d'aller vivre avec une autre famille. Ces situations durent des mois, pendant que la maison de ces familles est remise en état. Pourquoi n'utilisons-nous pas les maisons qui sont vacantes durant l'été pour héberger les gens dans la collectivité?

Des règles ont été mises en place. C'est probablement logique sur papier. J'ai entendu des gens — un jeune Inuit, par exemple, qui a déménagé à Montréal pour être près d'une organisation régionale. Si vous vivez à 50 kilomètres du village, même si vous venez d'un autre village et que vous emménagez à Kuujjuaq ou ailleurs, alors vous avez droit à une maison. Ainsi, le jeune a déménagé à Montréal afin de pouvoir avoir une maison pour travailler pour une organisation régionale, même s'il vient de la collectivité.

Le sénateur Enverga : Vous avez mentionné le fait que, quand une maison est construite, rénovée ou remise en état, les gens reçoivent de l'argent pour séjourner dans un hôtel ou dans une tente. Qui fournit l'argent? Qui fournit la tente?

Mme Riva : Je pense que c'est...

Le sénateur Enverga : Est-ce la Société Makivik?

Mme Riva : Non, je pense que c'est l'organisation régionale de logement, l'Office municipal d'habitation Kativik. Vous pourriez vérifier auprès de Watson Fournier ou de Jean François Ménard, qui pourraient vous fournir plus de renseignements, mais voilà comment la situation m'a été expliquée. Je sais qu'on offre aux locataires diverses options, mais qu'aucune d'entre elles n'est respectueuse, d'une certaine manière.

Le sénateur Enverga : J'ai été surpris au sujet de la tente. Je pense que nous devrions nous pencher davantage là- dessus.

Mme Riva : Oui.

Le sénateur Enverga : Merci.

Le vice-président : Merci beaucoup, madame Riva, d'avoir présenté votre témoignage et de vous être montrée disposée à envisager de poursuivre le dialogue avec le comité pendant que nous poursuivons notre étude. Merci beaucoup de votre aide.

Chers collègues, avant que nous n'entendions la déclaration de notre prochain témoin, M. Trevor Bell, professeur et chercheur, Département de géographie, Université Memorial de Terre-Neuve, qui participe à l'établissement d'une maison modèle en train d'être construite au Nunatsiavut et qui a étudié le bien-être et la durabilité des collectivités dans le contexte des changements climatiques, pourrions-nous prendre quelques minutes pour examiner la lettre dont nous avions discuté lors d'une séance du comité concernant la Société Makivik? Le comité directeur voudrait recommander son approbation par le comité afin que nous puissions l'envoyer, comme nous en avions convenu, au ministre responsable de la Société canadienne d'hypothèques et de logement. Je pense que vous avez tous reçu la lettre. Voulez- vous que je la lise? Comment voulez-vous vous en occuper? Il s'agit de quatre paragraphes et d'une phrase de conclusion, et elle est envoyée au nom de la présidente du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones au ministre responsable de la Société canadienne d'hypothèques et de logement.

Le sénateur Moore : Lisez-la pour le compte rendu, monsieur le président.

Le vice-président : Alors, voici la lettre:

À titre de présidente du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones, je vous écris cette lettre avec l'appui unanime des membres du comité. Notre comité accueille avec satisfaction l'engagement du gouvernement fédéral d'établir une relation de nation à nation avec les peuples autochtones, et notamment une nouvelle relation financière. Dans le cadre de cet engagement, nous croyons qu'il est essentiel d'explorer les mécanismes de prestation du financement qui tiennent compte le mieux des besoins et des priorités des collectivités locales.

Un des thèmes importants de l'étude que le comité mène actuellement sur le logement dans les collectivités des Premières nations et inuites au Nunavut, au Nunavik, au Nunatsiavut et dans les Territoires du Nord-Ouest est de s'assurer que les collectivités et les organisations autochtones sont investies du pouvoir décisionnel nécessaire relativement aux affectations de fonds.

Au Nunavik, plus particulièrement, notre comité a appris qu'il serait possible de mieux gérer les problèmes de logement de la région si le financement du fédéral destiné au logement dans les collectivités nordiques était transféré directement à la Société Makivik plutôt qu'au gouvernement du Québec. Ce ne serait pas la première fois que des fonds fédéraux destinés au logement seraient transférés directement à la Société Makivik. En effet, la Société Makivik et les gouvernements provincial et fédéral ont conclu précédemment un accord prévoyant le transfert direct des fonds du fédéral destinés à la construction de logements à la Société Makivik durant l'exercice 2015-2016.

En tant que présidente du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones, et avec l'appui unanime des membres du comité, j'invite vos fonctionnaires à travailler de concert avec les organisations autochtones afin que les fonds destinés au logement dans les collectivités nordiques qui ont été prévus dans le budget de 2016 soient transférés directement aux organisations autochtones responsables. Plus précisément, étant donné l'accord précédemment conclu avec la Société Makivik à cet égard, nous espérons que les allocations budgétaires actuelles peuvent également lui être transférées directement. À notre avis, de telles mesures répondraient plus efficacement aux problèmes de la région et témoigneraient d'une relation de nation à nation renouvelée avec les peuples autochtones reposant sur le partenariat et la coopération.

Vous remerciant de l'attention que vous porterez à cette requête, et dans l'attente de votre réponse, je vous prie d'agréer, monsieur, mes salutations distinguées.

La présidente du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones, Lillian Eva Dyck, sénatrice

Des commentaires?

Le sénateur Enverga : Devrions-nous peut-être envoyer une copie à notre ministre des Affaires autochtones? C'est ce que je pensais... Ils auront ainsi plus de poids.

Le sénateur Moore : Ce n'est pas une mauvaise idée.

Le vice-président : D'accord?

Des voix : D'accord.

Le sénateur Enverga : Quand nous enverrons la lettre, nous pourrons peut-être inclure une explication concernant le fait que, dans le cadre de notre voyage, les gens faisaient confiance à Makivik et qu'il s'agit d'une bonne organisation. Il n'est pas nécessaire que ça figure dans la lettre, mais nous pouvons peut-être l'intégrer au dossier, simplement pour indiquer que la société jouit d'un appui inconditionnel et que les gens lui font confiance.

Le vice-président : Le greffier m'a signalé que cela figurera dans notre rapport, mais il n'a pas encore été rédigé, alors nous ne sommes pas encore prêts à le faire.

Le sénateur Enverga : D'accord.

Le vice-président : Je pense que le comité directeur estimait que cette lettre devait être envoyée avant la rédaction de notre rapport, compte tenu du fait que l'exercice commence maintenant, alors ça sera avant notre rapport.

La sénatrice Raine : Il y a deux ou trois expressions qui ont été répétées dans la lettre. Je ne suis pas certaine que nous en ayons besoin aux deux endroits, mais c'est au comité directeur d'étudier cela.

Le vice-président : Vous dites que la mention de l'appui unanime n'a pas besoin d'être répétée?

La sénatrice Raine : Elle figure deux fois dans la lettre.

Le vice-président : Oui.

La sénatrice Raine : Toutefois, je pense qu'il est important que les destinataires comprennent que la lettre provient du comité en entier et qu'elle est appuyée, et, si le comité directeur estime que l'expression doit être répétée, cela me va.

Toutefois, concernant la question soulevée par le sénateur Enverga, je pense que nous envoyons cette lettre parce que nous ne voulons pas que les responsables commencent à créer un programme visant à disperser l'argent du budget dans les mauvaises directions. Nous voulons qu'ils sachent un peu quelle est notre position à cet égard. Nous pourrions peut-être leur offrir de les rencontrer au sujet de cet enjeu précisément, s'ils le souhaitent, afin que nous puissions leur fournir certains renseignements avant la publication de notre rapport. Est-ce que cela aurait du sens?

Le vice-président : Le comité directeur a déjà accepté que nous invitions les représentants de la Société canadienne d'hypothèques et de logement à revenir comparaître devant notre comité.

La sénatrice Raine : Oui. Quand ils se présentent devant le comité, ce n'est pas à huis clos. Il serait génial que nous ayons la possibilité de leur faire un compte rendu au lieu que ce soit eux qui nous en fassent un.

Le vice-président : Peut-être que la lettre pourrait dire: « Je serais ravie de discuter plus longuement de cette affaire avec vous », ou comporter quelques mots à ce sujet.

La sénatrice Raine : Merci.

Le sénateur Moore : Je pense seulement au choix du moment. Le ministère est probablement déjà en train de prévoir le financement qui figurera dans le budget. Il est probablement déjà en train d'effectuer la planification, alors plus nous pourrons lui faire parvenir cette lettre rapidement, mieux ce sera, monsieur le président.

Le vice-président : Voilà pourquoi nous l'avons apportée ici, ce soir, oui.

Le sénateur Moore : Je l'enverrais directement là-bas demain, avant la pause. Je l'enverrais au ministère.

Le vice-président : Sur ces commentaires, est-il convenu que le comité directeur pourra parachever la lettre et l'envoyer sans délai?

Des voix : D'accord.

Le vice-président : Merci de vos suggestions, chers collègues.

Bienvenue, monsieur Bell. Je m'appelle Dennis Patterson, et je suis le vice-président du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones. Je voudrais vous remercier de vous être mis à notre disposition ce soir relativement à notre étude sur le logement dans les collectivités inuites.

Nous savons que vous travaillez à l'Université Memorial. Je sais que vous venez tout juste de visiter Pond Inlet, car j'étais à Iqaluit quand vous y étiez, et j'ai rencontré l'un de vos collègues qui était en route vers Pond Inlet. Nous savons que vous effectuez partout dans l'Arctique des recherches sur les glaces ainsi que sur le bien-être et la durabilité des collectivités dans le contexte des changements climatiques. L'un de vos projets s'attaque au problème des maisons malsaines à l'aide d'un plan détaillé pour des logements culturellement appropriés et adaptés à l'environnement.

Je crois savoir que vous avez un exposé à présenter et certains commentaires que vous pourriez vous adresser.

Trevor Bell, professeur et chercheur, Département de géographie, Université Memorial de Terre-Neuve, à titre personnel : Oui, j'ai certains commentaires à formuler, qui prendront environ 8 à 10 minutes. On ne m'a pas demandé de préparer un mémoire, alors, malheureusement, vous n'avez pas de copie de ces commentaires. Dans ce sens, ils ne sont pas détaillés. Il s'agit simplement de vastes commentaires qui vous en disent un peu au sujet de mes projets et de certains des résultats qui en ont découlé.

Le vice-président : Allez-y, s'il vous plaît, et les sénateurs pourraient avoir des questions ou des commentaires par la suite. Vous avez la parole.

M. Bell : Merci de m'avoir donné la possibilité de vous parler de mes recherches, ce soir.

En ma qualité de géoscientifique, j'ai participé à un certain nombre de projets qui portaient sur le logement des Inuits, dont un au Nunatsiavut et plusieurs au Nunavut. Ce soir, je voudrais vous les décrire brièvement au cours des prochaines minutes.

Le gouvernement du Nunatsiavut a reconnu que ses collectivités connaissaient une croissance et des changements rapides, alors que, parallèlement, les changements climatiques avaient des conséquences de plus en plus marquées qui touchent les infrastructures, les services communautaires et le bien-être des résidents. Son initiative pour des collectivités durables, dont j'ai été membre d'une équipe, avait pour but premier l'élaboration de pratiques exemplaires et la prestation de services de soutien et d'orientation pour l'amélioration de la durabilité des collectivités dans la région.

Le logement était un problème clé pour les Inuits du Labrador, tout comme pour les Inuits de partout dans l'Arctique. Une évaluation des besoins en matière de logement effectuée dans la région n'a illustré que trop clairement l'ampleur et la profondeur de la crise du logement au Nunatsiavut: 60 p. 100 des maisons ont désespérément besoin de réparations majeures; les maisons se délabrent dans les 10 premières années suivant la construction; 44 p. 100 des maisons contiennent de la moisissure, statistique qui surpasse de loin celle de toutes les autres régions inuites du Canada; le surpeuplement est trois fois plus élevé que la moyenne nationale... De fait, cinq fois plus élevé que dans les deux plus grandes collectivités nordiques que sont Nain et Hopedale; et 44 p. 100 des ménages sont incapables de rester au chaud dans leur habitation principalement en raison de mauvaises conditions structurelles.

Une évaluation distincte des conditions de logement a révélé que la plupart des dommages causés aux logements, au Nunatsiavut, sont déclenchés au départ par la construction de maisons qui ne sont pas adaptées aux conditions environnementales et liées au climat subarctique du nord du Labrador. Même si la variabilité du climat naturel et les cycles de gel et de dégel exercent une contrainte importante sur les infrastructures communautaires, le réchauffement climatique récent a accéléré cette détérioration. L'augmentation des températures et la réduction de la couverture de neige ont déstabilisé le gélisol, ce qui a fait bouger les fondations et causé des dommages aux infrastructures. À Nain, près de 9 maisons sur 10 montraient des signes de dommages entraînés par le mouvement du sol.

Comme l'a conclu le comité mixte de gestion du gouvernement du Nunatsiavut, il était temps d'essayer autre chose. En collaboration avec le centre de recherche de Nain, il a proposé la conception et la construction de la première habitation durable au Nunatsiavut. Il s'agissait d'une habitation abordable, écoénergétique à logements multiples adaptée aux réalités dynamiques du réchauffement climatique et conçue dans le cadre d'un processus participatif axé sur la collectivité qui reflète les besoins et les préférences des Inuits du Labrador et les caractéristiques culturelles, sociales et environnementales uniques de leur terre natale.

Ce plan d'action intégré pour des maisons saines nous a valu le Prix Inspiration Arctique de 2013. Ce prix de 1 million de dollars souligne les contributions extraordinaires apportées par des équipes pour ce qui est de réunir les connaissances relatives à l'Arctique et leurs plans relatifs à la mise en œuvre de ces connaissances dans des applications concrètes, et en fait la promotion. La première habitation à logements multiples du Nunatsiavut, conçue pour loger un mélange de personnes âgées et de jeunes, sera construite à Nain plus tard cette année.

Ce plan d'action pour des maisons saines est représentatif de la philosophie des Inuits du Labrador et de l'approche holistique qu'ils adoptent par rapport à la construction de collectivités durables. La stratégie ne consiste pas à étudier chaque difficulté de façon isolée ou à investir de l'argent ou des ressources dans des problèmes uniques. Elle reconnaît plutôt l'interdépendance des problèmes, par exemple, dans le cas du logement, des liens avec la planification de l'utilisation des terres, la sécurité aquatique et énergétique et les nouvelles occasions de formation; et elle permet de s'y attaquer simultanément.

La nécessité d'évaluer les programmes est aussi un élément important; par conséquent, la nouvelle unité à logements multiples fera l'objet d'une surveillance relativement à son rendement physique et aux résultats améliorés du point de vue de la santé de ses résidants. De fait, Mme Riva, à qui vous avez parlé plus tôt, y participera. Avec mon équipe, elle prendra part à l'évaluation des résultats en matière de santé pour cette unité à logements multiples.

Je participe également à plusieurs projets de recherche active menés au Nunavut dans le but d'éclairer le processus décisionnel relatif au développement immobilier grâce à des liens avec l'information relative aux sciences de la Terre. Dans le cadre de ces projets, nous tentons de déterminer quand, où et comment l'information relative aux sciences de la Terre devrait être fournie dans le processus décisionnel.

Le rôle des connaissances locales suscite en partie les questions concernant les sciences de la Terre, et la compréhension de l'environnement local est très importante; ainsi, ces projets sont toujours menés en collaboration avec les collectivités auprès desquelles nous travaillons.

En guise de contexte, je participe à plusieurs projets communautaires visant à cerner et à cartographier les dangers du paysage qui auraient une incidence négative sur les infrastructures bâties. Essentiellement, nous tentons de recenser les zones d'une collectivité qui ne sont pas adaptées à des infrastructures en raison de l'instabilité potentielle du sol, de l'érosion sur la côte ou par des rivières ou de risques d'inondation, tout en tenant compte des conséquences éventuelles des changements climatiques. Bien entendu, quand on construit des infrastructures, on espère qu'elles auront une certaine vie utile de plusieurs décennies, alors on doit regarder vers l'avenir. Compte tenu des changements climatiques, nous essayons de prévoir quelles pourraient être ces conditions.

Le produit final est habituellement une carte combinée des dangers et du paysage pour les collectivités. Ces cartes utilisent le simple thème des couleurs des feux de circulation pour indiquer les zones présentant divers risques: rouge pour élevé; orange pour moyen; et vert pour un risque faible.

J'ai fait partie d'une équipe qui a effectué un examen de ce type de carte des dangers pour la collectivité auprès d'utilisateurs potentiels. L'information a été perçue comme étant extrêmement utile pour eux, mais ils ont tout de même soulevé certaines préoccupations: une absence générale de connaissances de cette information relative aux sciences de la Terre dans le processus de planification communautaire; un manque de consignes et de compréhension relativement à la façon d'intégrer cette information; le manque d'occasions de mettre en œuvre l'information; et, dans certains cas, une frustration généralisée à l'égard des messages que véhiculait cette information.

Nous avons tenté de dissiper certaines de ces préoccupations grâce à une série de projets menés à Arviat, au Nunavut. Je devrais ajouter que nous avons généré ces cartes des dangers en partie à Arctic Bay, à Clyde River, à Arviat même et, par l'intermédiaire de Ressources naturelles Canada, dans certaines autres collectivités de la baie d'Hudson.

Je vais vous décrire ces deux projets et comment ils tentent de dissiper ou d'éliminer ces préoccupations.

Tout d'abord, la cartographie des décisions relatives au développement immobilier: ce projet vise à éliminer la préoccupation au sujet du manque de connaissance de l'information relative aux sciences de la Terre. Dans le cadre d'entrevues, auprès de décideurs clés, mon étudiant de troisième cycle Rudy Reildsperger et moi-même avons tenté de cartographier le processus par lequel les décisions étaient prises relativement à la création de logements à Arviat, dans le but de déterminer quand et où les connaissances en matière de sciences de la Terre devraient éclairer ces processus.

Les points d'entrée de l'information dans le processus décisionnel: nos résultats initiaux donnent à penser qu'il y a cinq points d'entrée pour l'information relative aux sciences de la Terre dans le processus, de planification et de création de logements: tout d'abord, la sélection et la planification des terrains, cette étape très précoce où les terrains sont sélectionnés et font l'objet d'une conception et d'une planification; la préparation des terrains, alors, si des travaux ont été effectués ou non à leur égard à ce stade; la sélection et la construction des plateformes de gravier, s'il s'agit du choix privilégié dans une collectivité; la sélection de la fondation des logements; et la sélection de la conception des logements.

Je devrais ajouter qu'il s'agit de projets actifs. Voilà certains des premiers résultats que nous obtenons. Au moment où ces décisions seront prises dans l'ensemble du processus, l'information relative aux sciences de la Terre aidera les décideurs à prendre de meilleures décisions, des décisions plus solides et adaptées au climat.

J'hésiterais à prétendre que ces processus décisionnels et, par conséquent, les points d'entrée qui s'y rattachent pourraient être pertinents dans toutes les autres collectivités de l'Arctique, mais je soupçonne qu'il y a de fortes chances qu'au moins certains d'entre eux soient pertinents pour l'ensemble du Nord.

Dans le cadre d'un autre projet mené en partenariat avec le Centre de recherche du Yukon, à Whitehorse, nous cherchons à régler le problème de l'intégration de l'information relative aux sciences de la Terre et de son utilité pour les décideurs. Par exemple, comment pouvons-nous rendre les cartes des dangers du paysage des collectivités plus utiles pour les décideurs locaux?

Un des problèmes soulevés par les décideurs tenait au besoin urgent d'obtenir davantage de terrains à bâtir dans les collectivités et au désir de construire des infrastructures à l'intérieur de l'empreinte actuelle des collectivités. Autrement dit, les décideurs ne veulent pas étaler leur collectivité sur des superficies qui s'étendent bien au-delà du secteur central, surtout s'il s'agit de logements pour de jeunes familles, peut-être, ou même pour des personnes âgées.

Ils veulent pouvoir choisir où ils vont construire ces types de logements. Toutefois, les zones choisies sont parfois hautement vulnérables ou risquées pour la construction. Qu'arriverait-il si leur premier choix de terrain pour la construction était un secteur modérément à hautement vulnérable de la collectivité? Que pourrions-nous faire à ce sujet? Comment pouvons-nous les aider à prendre une décision dans ces domaines?

Nous sommes en train de tenter de mettre au point une méthode pour convertir ces cartes des degrés de danger en ce que nous appelons des « cartes du coût de l'adaptation ». Ces cartes documenteraient le coût additionnel lié à la modification des méthodes ou des matériaux de construction pour des zones qui ont été qualifiées de vulnérables. Autrement dit, elle donne accès aux secteurs que nous avons désignés comme étant vulnérables sur les cartes. Elle les rend accessibles à la construction dans la collectivité, mais il faut intégrer un coût supplémentaire, celui de l'adaptation aux conditions particulières de ces sols, à ces dangers particuliers.

Dans l'étude de cas que nous menons à Arviat, nous utilisons une expertise géotechnique et la modélisation économique pour calculer le coût additionnel nécessaire afin d'adapter les lotissements immobiliers dans les zones qui ont été désignées comme pouvant être vulnérables à une instabilité croissante, surtout à mesure que le pergélisol se dégrade. Dans ces cas, il est question d'un danger lié au pergélisol. Comme la vulnérabilité du sol varie partout dans une collectivité, selon l'état du pergélisol, ces cartes montrent le coût supplémentaire lié à la construction de logements dans des secteurs présentant des degrés différents de vulnérabilité actuels et à venir.

Nous faisons encore des progrès. Je peux vous donner un exemple de mesures d'adaptation établies dont nous évaluons les coûts: les plateformes de gravier, par exemple. Elles permettent la création de surfaces de construction à des hauteurs et à des niveaux appropriés sur des terrains à bâtir, mais, fait encore plus important: elles permettent de niveler le pergélisol dans les matériaux qui ne sont pas sensibles au dégel. Ces plateformes de gravier maintiendront une surface stable, même en cas de dégradation ou de dégel du pergélisol. Elles sont efficaces pour ce qui est d'atténuer les conséquences du dégel du pergélisol.

Diverses lignes directrices décrivent les types de matériaux qui devraient être utilisés dans les plateformes de gravier, par exemple, leur épaisseur, l'inclusion de matériaux isolants à l'intérieur des plateformes et peut-être la taille principale du gravier qu'elles contiennent. L'application de diverses lignes directrices pourrait entraîner des coûts différents. L'adoption de ces diverses lignes directrices représente une dépense supplémentaire qui pourrait être nécessaire au moment de construire des habitations dans des zones où le pergélisol est vulnérable, et il faut intégrer cette dépense dans le coût de la maison à construire à cet endroit.

Les fondations sont un autre exemple. Les fondations ancrent les bâtiments dans le sol et maintiennent une surface de base stable pour les immeubles. Toutefois, il y a des choix différents à faire dans le Nord. Habituellement, on a des pieux, des vérins à vis et des structures spatiales, et ces éléments sont plus efficaces dans certaines conditions liées aux terrains et à l'environnement. Leur utilisation dans la construction de logements a une incidence sur le coût de ce logement, et l'élément qui coûte le plus cher est la structure spatiale, qui est plus moderne. Ce coût pourrait être nécessaire, si la fondation plus coûteuse est le type privilégié dans une zone où le pergélisol est vulnérable. Nous tentons de déterminer quel sera le coût supplémentaire lié au recours à des mesures d'adaptation pour permettre la construction de logements dans des zones qui, au départ, pourraient être considérées comme étant vulnérables.

En résumé, les sciences de la Terre peuvent fournir des connaissances qui appuient la prise de décisions quant à la sélection du site, à la préparation du terrain et à la conception des fondations pour les logements nordiques. Toutefois, il est crucial que l'on étudie quand, où et comment ces connaissances devraient être intégrées dans les processus décisionnels complexes liés au développement immobilier et à la construction dans les régions du Nord.

Merci.

Le vice-président : Merci beaucoup, monsieur Bell.

Je pense que vous avez mentionné que vous travaillez pour la Société d'habitation du Nunavut, dans le cadre du dernier projet que vous avez décrit, et, plus particulièrement, à Arviat, mais aussi à Arctic Bay et à Clyde River. Je me demande si vos travaux sont rendus au stade où ils vont influer sur la planification, et peut-être sur les méthodes de construction, de la société d'habitation. Sommes-nous déjà rendus au stade où la société envisage d'appliquer vos conclusions?

M. Bell : Nous travaillons avec les collectivités et avec les décideurs au sein des collectivités. À Arviat, par exemple, cela suppose l'intervention des deux bureaux régionaux de la Société d'habitation du Nunavut ainsi que des bureaux communautaires.

Je dirais que ce que j'ai décrit est une évolution. Au cours de la dernière décennie, des efforts ont été déployés dans le but de créer de l'information relative aux sciences de la Terre, comme les cartes des dangers produites pour les collectivités dans le but de mieux orienter les processus décisionnels. Il est clair que les logements devraient être construits dans certaines parties des collectivités et qu'il faudrait éviter d'en construire dans d'autres, car elles ne sont pas adaptées.

Ce n'est qu'au cours des deux ou trois dernières années — quand nous avons tenté de vérifier si cette information était récupérée par les décideurs — que nous nous sommes rendu compte qu'en fait les décideurs ne savent pas que cette information relative aux sciences de la Terre pourrait être accessible. C'est peut-être en raison du roulement ou d'une mauvaise communication. Ce pourrait également être parce que le processus décisionnel relatif aux habitations — tout comme, j'en suis certain, votre comité a tenté de le découvrir en essayant l'élucider la situation depuis environ un an — est très complexe. Il suppose la prise de décisions à toutes sortes d'échelons, du hameau local à la Société d'habitation du Nunavut, en passant par l'association de logement locale.

C'est pourquoi nous essayons, dans le cadre de nos projets en cours, de faire tomber ce que nous considérons comme des obstacles à l'utilisation plus répandue de cette information géoscientifique. À l'heure actuelle, nous ne nous occupons pas tant de produire des cartes des risques que de savoir pourquoi l'on n'utilise pas plus efficacement ces cartes dans les processus décisionnels. Nous en avons parlé aux représentants de la Société d'habitation du Nunavut, qui se sont dits très intéressés, mais nous ne nous sommes pas adressés directement à la direction de la Société d'habitation du Nunavut, à Iqaluit. C'est ce que nous prévoyons faire une fois que nous aurons des résultats à lui soumettre.

Le vice-président : Vous avez parlé de quelques collectivités de la baie d'Hudson dans lesquelles vous avez travaillé. Nous avons visité Inukjuak et nous y avons vu une carte semblable à celle que vous avez décrite, avec une zone en vert, où il est possible de construire des logements, et une zone d'une autre couleur où c'est impossible. Est-ce de ce type de carte dont vous parlez? Est-ce que vous avez travaillé à Inukjuak?

M. Bell : Non, il s'agissait probablement de l'équipe de Michel Allard, de Laval, mais ce sont des cartes très semblables. Elles utilisent un code de couleur qui sert à indiquer, dans le fond, les zones à haut risque qu'il faudrait éviter, en rouge, et les zones où la vulnérabilité ou les risques sont les moins élevés, en vert.

Le vice-président : M. Alain Fournier nous a parlé d'une maison modèle à Nain. Connaissez-vous ce nom?

M. Bell : Oui. C'est son cabinet qui a dessiné les plans de l'immeuble à logements multiples dont j'ai parlé pendant la première partie de mon exposé. Son cabinet a obtenu ce contrat de conception. Il a pris part aux différentes charrettes locales organisées par les collectivités, et a tenu compte à la fois de l'information relative aux sciences de la Terre et des facteurs s'appliquant à la conception que la collectivité lui avait fournis, et c'est ainsi qu'il en est arrivé au plan qu'il vous a montré.

Le vice-président : Nous avons entendu le témoignage détaillé de M. Fournier, sur ce sujet, et tout concorde. Merci.

Le sénateur Enverga : Merci, monsieur Bell, de cet exposé. Je crois que nous en avons beaucoup appris, en particulier au sujet de l'information géoscientifique. Nous avons visité plusieurs régions du Nunavut et entendu parler de la fonte du pergélisol. Il est malheureux que nous n'ayons pas pu nous rendre à Nain en raison de la pluie verglaçante.

Quelle est l'étendue du phénomène de la fonte du pergélisol? Est-ce que cela touche beaucoup de collectivités? Est-ce que cela entraînera des changements majeurs pour beaucoup de collectivités?

M. Bell : Je crois que le réchauffement du climat et du sol va affecter toutes les collectivités de l'Arctique, toutes les collectivités inuites et autochtones, même celles qui se trouvent dans le nord des provinces.

Le pergélisol, dans la partie sud de la zone subarctique, n'est pas aussi continu que plus au nord. Dans la partie nord de l'île de Baffin, le pergélisol est ininterrompu.

Le sol gelé peut être fait, par exemple, de substrat rocheux, et, qu'il soit gelé ou non, ce substrat offre quand même une surface très solide sur laquelle on peut construire.

Le problème, en réalité, c'est quand le sol n'est pas fait de roche, mais qu'il est fait de sédiments meubles; certains types de sédiments sont en effet plus sensibles que d'autres lorsqu'ils dégèlent. Quand les sédiments accumulent de l'humidité, il se crée d'épaisses couches de glace entre les couches de sédiments — par exemple les sédiments à grains fins, boueux, comme le limon ou l'argile — et ces épaisses couches de glace peuvent parfois être vieilles de centaines ou de milliers d'années. Mais quand le dégel touche le sol en profondeur, avec le réchauffement climatique, la glace va fondre et disparaître, si vous voulez, du sol. S'il y avait dans le sol une couche de glace de 50 centimètres d'épaisseur, la surface s'affaisserait de 50 centimètres.

Tout est question du volume de ce que nous appelons la « glace souterraine » contenue dans le pergélisol. Si elle se trouve près de la surface, elle devrait probablement avoir fondu d'ici 50 ans, le sol sera instable, car cette couche de glace n'est peut-être même pas égale; le sol s'affaisserait de 50 centimètres d'un côté et de 70 centimètres, peut-être, d'un autre.

S'il y a une maison sur ce terrain et qu'un coin de la maison s'affaisse plus que les autres, vous comprenez que, si les fondations ne sont pas adaptées — ou si vous devez constamment les réparer —, l'intégrité de la maison sera menacée.

Par exemple, à Arviat, la collectivité a mis sur pied un programme selon lequel toutes les maisons font l'objet d'une inspection tous les deux ans, peut-être plus souvent, et les inspecteurs vérifient entre autres si la maison doit être remise de niveau parce que le sol aurait bougé. Grâce à ce programme, la maison est remise à niveau, ce qui est assez facile à faire si les fondations reposent sur des vérins à vis. Je suis certain que vous avez vu cela dans certaines des collectivités que vous avez visitées. Il suffit de faire tourner la vis du vérin; s'il s'agit d'un système à coins de bois, il faut enfoncer davantage les coins de bois pour soulever un peu plus la maison.

Toutefois, si l'on n'inspecte pas les maisons pour voir si le sol se serait affaissé, la maison ou d'autres structures subiront des dommages structuraux.

Le sénateur Enverga : Essentiellement, cela a une incidence sur l'intégrité des fondations de la maison. Se peut-il que ce soit l'intégrité de toutes les maisons d'une collectivité qui soient touchée par ce phénomène de déplacement de la glace ou de fonte du pergélisol? Est-ce qu'une telle chose serait possible?

M. Bell : Je dois souligner que les conséquences de ce phénomène sont progressives. Cela se fait peu à peu, le sol bouge légèrement, mais d'une année à l'autre, ou sur plusieurs décennies, le déplacement peut être important.

Il me serait plus facile de parler des collectivités qui ne seront pas touchées, c'est-à-dire que toutes les maisons de la collectivité ont été pour la plupart construites sur une fondation rocheuse, et cette fondation rocheuse conserve son intégrité même quand le pergélisol fond. Il existe certaines collectivités, par exemple Whale Cove, dans l'Arctique de Ouest, et Iqaluit, où les maisons sont pour la plupart construites sur des pieux placés directement sur le fond rocheux, et elles sont plutôt solides.

Dans d'autres collectivités, comme Arviat, cette substance boueuse et fine a généralement pour origine des sédiments marins, puisqu'une bonne partie de l'Arctique, dans les régions comme celles où se trouve Arviat, se trouvait dans le fond de l'océan il y a des milliers d'années. L'océan s'est retiré pour laisser place à la terre. C'est tout simplement un aspect de l'héritage géologique que nous a laissé la glaciation de l'Arctique. Donc, les terres ont émergé de la mer, et c'est pourquoi une bonne partie du matériau sur lequel la collectivité est construite est constituée de sédiments marins, qui ont tendance à prendre une consistance boueuse. Lorsqu'il gèle, ce matériau crée ces épaisses couches de glace dans le sol.

De nombreuses collectivités seront touchées par le dégel du pergélisol, certaines plus que d'autres. Arviat est une des collectivités qui font face à de nombreux enjeux, mais nous avons observé ces mêmes enjeux ailleurs également.

Le sénateur Enverga : Vous dites que vous les avez observés à d'autres endroits; pensez-vous devoir demander un déplacement à un autre endroit? Est-ce ce que vous êtes en train de nous dire?

M. Bell : Je ne dis pas que les collectivités devront nécessairement déménager, mais elles devront s'adapter au sol sur lequel elles sont construites. Surtout que, à mesure que le climat se réchauffe, lorsque la collectivité est construite sur des matériaux fragiles, la réaction à ces changements sera plus importante qu'ailleurs.

S'il est impossible d'utiliser des pieux pour s'appuyer sur le fond rocheux, s'il est impossible de construire sur cette solide fondation, il vous faut penser à différentes mesures d'adaptation pour vous assurer que votre maison ne tombera pas aussitôt construite. Vous devrez peut-être utiliser des plates-formes de gravier très épaisses, ou encore recourir à des fondations plus modernes, les structures spatiales, beaucoup plus résistantes en cas d'affaissement irrégulier de la surface.

Le sénateur Enverga : Merci.

La sénatrice Raine : Rétrospectivement, il est affligeant que vous n'ayez pas été là il y a 50 ans, lorsqu'ils ont commencé à construire des maisons dans ces collectivités, car il est évident que certaines d'entre elles ont été construites au mauvais endroit.

Je sais que bien des collectivités, par exemple Iqaluit, sont en croissance et voudraient s'étendre, mais elles font face à toutes sortes de défis. La plupart des collectivités sont-elles aujourd'hui en mesure non seulement de décider de l'emplacement des prochaines maisons, mais aussi de l'infrastructure? Je ne sais pas si vous avez fait l'analyse de coûts de vos plans, mais l'infrastructure nécessaire pour relier entre eux différents endroits convenables pourrait entraîner des coûts très importants, et il pourrait même être nécessaire de traverser des régions peu propices à l'infrastructure. Est-ce que les cartes que vous dressez en tiennent compte?

M. Bell : C'est probablement plus simple que la façon dont vous le présentez. J'aimerais ajouter que, dans bien des cas, les collectivités n'ont pas accès à l'information géoscientifique, ni même dans sa forme la plus simple ou la plus fondamentale. Je ne veux pas vous donner faussement l'impression que nous en sommes rendus à la dernière étape et que les collectivités vont bientôt avoir accès à l'information géoscientifique. Dans la plupart des collectivités, aucune information de ce type n'existe, et les gens ne savent pas qu'elle est peut-être accessible dans d'autres collectivités.

Bien souvent, on s'appuie sur l'expertise locale. Les gens savent à quels endroits dans leur propre collectivité il ne faut surtout pas construire une maison. Ils vont vous le dire. Ils nous facilitent la tâche en nous disant à quels endroits les maisons sont en train de tomber.

Les personnes chargées de l'entretien, dans les associations de logement d'une collectivité quelconque, vont vous dire quelles maisons ils ont à remettre à niveau chaque année. Ils vont vous dire quelles maisons sont en train de bouger, quels murs présentent des fissures, quelles portes n'ouvrent plus ou ne se ferment plus comme il faut, dans quels coins de la maison la lumière pénètre parce que la maison a trop bougé.

C'est cette profonde compréhension de la projection dans l'avenir des zones qui sont stables aujourd'hui et qui demeureront stables demain... c'est une façon de les aider à prendre des décisions sur le type de fondation qu'il convient de choisir afin de construire les maisons les plus résistantes qui soient.

Les gens qui habitent dans le Nord vont vous le dire, le climat change vraiment rapidement dans cette région. Ils voient les choses qui se passent. Les jeunes vous diront à quelle vitesse les changements se produisent, et cela ne fait qu'une dizaine ou une vingtaine d'années, tout au plus, qu'ils font eux-mêmes ces observations.

Je ne crois pas être alarmiste quand je dis qu'il est vraiment important que les planificateurs et les personnes qui prennent les décisions pour leur collectivité, les membres du conseil du hameau, comprennent à quel point l'empreinte des collectivités changera et à quel point les aspects de la planification communautaire changeront. Et cette information de base n'est même pas encore générée pour les collectivités les plus à risque.

Si vous me demandez quelles sont les collectivités les plus à risque, je ne pourrais pas vous répondre sans d'abord faire un examen rapide et approximatif de toutes les collectivités afin de pouvoir vous dire lesquelles devraient faire l'objet d'une étude plus poussée ou lesquelles ne posent aucun problème, puisqu'elles reposent sur un substrat rocheux.

Je parle toujours du pergélisol, mais pour certaines collectivités, le problème peut tenir à une augmentation du niveau de la mer ou à l'érosion côtière. Nous savons par exemple que, à Hall Beach, on envisage de déplacer certaines maisons pour les éloigner du rivage, car l'eau ne cesse de se rapprocher.

Dans la baie de l'Arctique, par exemple, on a défini la limite au-delà de laquelle on ne peut construire de maison; en effet, cette collectivité s'étend rapidement, mais la pente, derrière le hameau, est très fragile. Il y a beaucoup d'épaisses couches de glace, enfouies sous la surface du sol, et il ne faut pas y toucher au risque de provoquer un affaissement important du sol, ce qui aura une incidence sur toutes les infrastructures qu'on essaie d'y construire.

Je crois qu'il est réellement nécessaire d'utiliser davantage l'information relative aux sciences de la Terre. Comme le laissent entendre les résultats de mes projets, nous devons, nous, les scientifiques, trouver des façons créatives de communiquer l'information aux décideurs de la région. Nous devons leur faire savoir qu'ils peuvent obtenir cette information, s'ils la demandent, ou qu'elle est accessible, si elle a déjà été recueillie, et nous devons également vulgariser ces connaissances afin qu'ils puissent utiliser l'information au moment de prendre les décisions qu'ils ont à prendre. Les scientifiques peuvent bien rédiger rapport après rapport, si ces rapports ne sont pas accessibles aux décideurs, c'est peut-être parce qu'ils n'ont aucune raison d'être.

La sénatrice Raine : Pensez-vous que nous devrions ajouter une question sur le formulaire que les organismes de financement doivent remplir, lorsqu'ils veulent financer la construction de logements dans le Nord, pour nous assurer que les études géotechniques requises ont été effectuées?

M. Bell : Ça ne ferait pas de tort. Cela nous garantirait, à coup sûr, que les gens s'intéressent vraiment à cette information. Ils cocheraient la case ou pas. Ce serait utile, cela nous permettrait de nous assurer que l'information géotechnique est accessible, jusqu'à un certain point, dans toutes les collectivités, dont l'environnement change si rapidement.

La sénatrice Raine : Sans cela, les investissements seront perdus, car les maisons ne tiendront pas le coup.

M. Bell : C'est un risque, oui. Si la Société d'habitation du Nunavut, par exemple, qui aurait à concevoir des maisons pour une collectivité donnée, avait l'occasion de faire des plans en choisissant le type de fondation qui convient le mieux, étant donné les conditions géologiques particulières, à mon avis ce serait au bout du compte la meilleure solution. Les maisons seraient plus résistantes.

La sénatrice Raine : Merci beaucoup.

Le sénateur Moore : Monsieur Bell, merci de vous être présenté. Vous avez parlé d'un nouvel immeuble à logements multiples. De combien de logements se compose-t-il?

M. Bell : Je crois qu'il y a six logements. J'essaie de m'en rappeler, je l'ai eu devant les yeux, je compte. Je crois qu'il y a six logements.

Le sénateur Moore : Et s'agit-il d'un immeuble en hauteur ou en longueur, qui longe la route?

M. Bell : Non, c'est un immeuble à la verticale, c'est-à-dire deux logements à chaque étage; ce serait le premier immeuble à logements multiples; je ne veux pas parler d'un gratte-ciel. S'il a trois étages, ce n'est pas exactement un gratte-ciel, mais c'est quand même le premier immeuble de ce type au Nunatsiavut.

Le sénateur Moore : Et qui a élaboré les normes s'appliquant aux matériaux et à la conception? Ceux qui s'en sont occupés ont-ils discuté avec les gens qui vivent là-bas et qui savent d'expérience de quoi ils ont besoin?

M. Bell : Oui. Cela était intégré au processus mis en œuvre par le gouvernement du Nunatsiavut. Essentiellement, ils ont organisé ce qu'on appelle des charrettes de conception, c'est-à-dire, essentiellement, que des gens de la collectivité se réunissent et cherchent à déterminer, en tenant compte tant de l'environnement que de la culture, quelle est la meilleure façon de concevoir une maison. La conception répond-elle aux différentes exigences?

Par exemple, les logements que l'on retrouve aujourd'hui au Nunatsiavut sont essentiellement les mêmes bungalows que l'on retrouve à St. John's, à Terre-Neuve, sauf que l'on se trouve dans le Labrador subarctique. Il n'y a pas de deuxième porte, dans l'entrée, qui prévient les courants d'air. Il n'y a pas de pièce non chauffée où les Inuits pourraient travailler les peaux ou faire les autres travaux auxquels ils s'occupent. Mais les responsables en ont entendu parler, et ces aspects ont été intégrés à l'immeuble à logements multiples qui sera construit cette année à Nain.

Le sénateur Moore : D'accord. Nous nous sommes rendus dans plusieurs collectivités, dans le cadre de notre étude, et on nous a dit, d'ailleurs nous avons vu, que les maisons faisaient toutes face au Nord, qu'il n'y avait ni brise-vent, ni porche ni quoi que ce soit pour se protéger du froid, qui entre directement dans la maison. Quand vous devez, dans le cadre de votre travail, formuler des conseils sur un immeuble à logements multiples ou quelque autre sujet sur lequel on vous demande des conseils, tenez-vous compte du sens dans lequel la maison sera construite, essayez-vous de tirer profit au maximum de la chaleur du soleil ou des aspects fondamentaux auxquels les gens pensent? Les aînés et d'autres membres des collectivités nous ont dit que cela n'était pas correct, en précisant que personne ne les avait écoutés.

M. Bell : Oui. Au Nunatsiavut, par exemple, où j'ai participé surtout à ce que j'appelle une planification communautaire visant l'adaptation au climat et la résilience, nous avons encouragé l'adoption d'un plan pour une collectivité durable. Il n'a été mis en œuvre qu'à un seul endroit, dans l'Arctique, c'est-à-dire à Iqaluit, sur la crête, où on est en train de construire un nouveau lotissement. Et on y a tenu compte de l'orientation par rapport au soleil afin que ces maisons profitent du chauffage passif. On y a également tenu compte de la direction des vents dominants de façon, en fait, que le vent balaie la neige des routes, ce qui évite des frais de déneigement, et que la neige ne s'amoncelle pas devant les maisons. Dans les maisons, les aires de vie font face au soleil, et les aires de repos, face au nord.

Comme nous l'ont dit les aînés, au Nunatsiavut, c'est ainsi qu'ils avaient l'habitude de construire leur maison, mais, lorsque, pour une raison ou pour une autre, les planificateurs sont venus — les planificateurs viennent en général du Sud et travaillent dans le Nord comme s'ils se trouvaient toujours dans le Sud, essentiellement...

Le sénateur Moore : Oui. Vous restez poli.

M. Bell : Essentiellement, il y a d'abord eu une route, puis les maisons ont été construites le long de la route de façon perpendiculaire. Il y a quelqu'un qui a oublié qu'il faudrait tenir compte du chauffage passif, et cetera.

Le sénateur Moore : Merci. C'est intéressant, monsieur le président, en ce qui concerne le lotissement à Iqaluit. Ne sommes-nous pas allés là-bas? Ne sommes-nous pas passés par là?

Le vice-président : Oui, je crois qu'il s'agit du plateau dont M. Bell a parlé.

M. Bell : C'est exact. Il existe un rapport intéressant à ce sujet, vous pouvez en demander une copie à la Ville d'Iqaluit, et je crois que — mais le sénateur Patterson le sait probablement mieux que moi — les règlements et, disons, les règlements municipaux qui avaient été adoptés pour contrôler la planification de ce lotissement sont maintenant appliqués dans tous les nouveaux secteurs d'Iqaluit. Qu'il s'agisse des économiseurs d'eau sur les pommes de douche ou de la robinetterie, cette approche plutôt générale en matière de durabilité a été appliquée à tous les nouveaux lotissements. Je crois que, dans le Nord, cette perspective disons nouvelle — ou peut-être devrais-je parler d'une ancienne perspective — a été utilisée pour les nouveaux lotissements.

Le vice-président : Merci d'attirer notre attention sur ce sujet, monsieur Bell. Je crois que la Ville d'Iqaluit a été récompensée, qu'elle a reçu une sorte de prix de la durabilité, pour ce projet.

Pour terminer, j'aimerais poser une question, car il n'y a pas d'autres intervenants, je crois. Nous menons une étude au terme de laquelle nous allons présenter des recommandations au gouvernement fédéral à titre de bailleur de fonds, à titre de fournisseur de financement destiné aux activités et à l'entretien, même si ce financement diminue, à titre de bailleur de fonds pour la construction de logements sociaux dans les régions inuites. Je me demande si je n'irais pas jusqu'à vous demander ce que vous nous suggéreriez de recommander au gouvernement fédéral de faire, s'il ne devrait pas peut-être imposer certaines conditions ou encourager les organismes à qui il verse du financement à s'assurer que les deniers publics sont dépensés de manière judicieuse quand il s'agit de logements sociaux, c'est-à-dire qu'ils s'appuient sur les résultats de vos projets. Pourriez-vous dire en résumé ce que l'on pourrait faire de mieux, dans ce domaine, pour tenir compte des changements climatiques et assurer le mieux-être des collectivités? Ce n'est pas une question difficile.

M. Bell : L'un des messages clés que je tiens à diffuser, c'est que, dans le cas en particulier où il est possible de dresser des plans à moyen terme, il faudrait inclure l'information géoscientifique à toutes les décisions concernant le choix de l'emplacement des maisons, la façon dont les lotissements sont préparés et exploités, et le choix des fondations de ces maisons — voire la conception des maisons —, chaque fois que cela est possible.

Si nous voulons construire des maisons qui dureront plusieurs dizaines d'années, nous devons chercher à comprendre comment les conditions du sol vont évoluer, prévoir l'érosion côtière, le dégel du pergélisol — tout prévoir — ou les inondations. Nous devons protéger nos investissements. Nous savons qu'il y a une crise du logement, dans les régions inuites, et nous avons donc la responsabilité de nous assurer que si nous dépensons de l'argent aujourd'hui, nous protégeons cet investissement en nous assurant que les maisons seront construites sur un sol solide.

Le vice-président : C'était très utile. Je crois que vous avez dit que la collectivité possédait beaucoup de connaissances. Si je ne m'abuse, vous avez dit que les gens savent quels secteurs de leur municipalité sont fragiles. Il leur faut aussi des connaissances scientifiques, mais c'est aux scientifiques de trouver des façons de transmettre l'information de façon qu'elle puisse être utilisée de concert avec le savoir traditionnel. Je crois que c'est cela qu'il faudrait.

Est-ce que les scientifiques auraient parfois de la difficulté à communiquer l'information aux membres d'une collectivité? Je sais que vous travaillez en étroite collaboration avec eux, et vous avez dit qu'ils ont participé à toutes les étapes de la conception de la maison modèle de Nain. Est-il difficile parfois pour les scientifiques de communiquer de l'information scientifique de façon qu'elle soit comprise, selon votre expérience?

M. Bell : Vous pourriez regretter votre question. Je pourrais avoir besoin de plusieurs heures pour vous répondre, mais je vais me contenter de vous dire ceci: « oui, c'est difficile pour les scientifiques. » Il est difficile pour eux de tenir compte du point de vue des collectivités, de respecter les collectivités, de comprendre la valeur du savoir des membres de la collectivité et d'être prêts, s'ils mènent leur propre projet scientifique, de collaborer avec eux à cette conception en cherchant à régler les enjeux prioritaires comme la planification des logements et la planification communautaire.

C'est différent dans mon cas, car je partage déjà les mêmes points de vue. Lorsque je me rends dans une collectivité, je suis toujours ouvert et prêt à me renseigner sur ses problèmes. De mon point de vue, étant donné que cela fait des dizaines d'années que je travaille avec les collectivités, lorsque vous faites des recherches — et c'est vrai même pour moi, si je parle d'information géoscientifique et de la façon dont elle doit être intégrée à la planification des logements futurs — il est très difficile d'y intéresser le hameau et les décideurs s'ils sont aux prises à ce moment-là avec d'autres problèmes et s'ils sont toujours en train de réagir à des crises, dans leur collectivité.

La crise du logement est réelle, dans le Nord, et je sais que vous le savez. J'entends très souvent dire, dans les collectivités, qu'il est plus important de construire des maisons que de choisir leur emplacement, ou encore qu'il est plus important de construire encore plus de maisons que de choisir leur emplacement.

J'ai utilisé plus tôt ces termes précis, « à moyen terme », parce que, honnêtement, ce dont les collectivités ont besoin à court terme c'est d'un plus grand nombre de logements. Je crois que pour répondre aux besoins du Nunavut, il faudrait 5 000 maisons de plus, dès demain matin. C'est un nombre très élevé, comme vous le savez, si on pense au nombre de maisons qui sont construites chaque année.

Ce n'est pas moi qui me présenterais dans une collectivité en disant: « Arrêtez tout. Vous ne pouvez pas construire une seule maison de plus avant la fin de l'étude géoscientifique, dans deux ans. » Je n'aurais absolument aucune crédibilité. Je sais que les collectivités ont à court terme besoin que de nouvelles maisons soient construites, mais si nous pensons au moyen terme et au long terme, quand le temps nous permettra de fonder nos décisions sur des données probantes et des données scientifiques, au moment de déterminer l'emplacement sur lequel les maisons seront construites et la conception de ces maisons, je crois que cela est essentiel.

Le vice-président : Merci beaucoup, monsieur Bell. Une dernière petite question avant de terminer: est-ce que les résultats de votre étude se présentent sous une forme écrite quelconque et pourrions-nous y avoir accès?

M. Bell : Nous sommes en train de les mettre par écrit, c'est une recherche très dynamique. L'étude sur le Nunatsiavut est probablement accessible. Je peux essayer de trouver des rapports provisoires des études du Nunavut et vous les faire parvenir, mais j'aimerais savoir si vous avez une date limite et à quel moment vous voudriez recevoir cette information.

Le vice-président : Ce serait très apprécié, cela s'ajouterait aux informations précieuses que vous nous avez communiquées ce soir.

Je dirais que notre travail devrait se terminer à la fin du mois de juin et que nous allons commencer la rédaction de notre rapport au cours de l'été; il doit être déposé à l'automne. Si cela peut vous être utile, c'est à peu près le calendrier de notre plan de travail.

M. Bell : Je crois que notre rapport sera rédigé en même temps.

Je dois aussi vous dire que le travail que nous faisons à Arviat, les cartes du coût des mesures d'adaptation, est financé par CanNor, l'Agence canadienne de développement économique du Nord, donc le gouvernement fédéral.

Le vice-président : Oui.

M. Bell : Je voulais simplement que vous le sachiez. L'organisme comprend donc, c'est certain, les avantages économiques de ce type de recherche et en quoi ces recherches peuvent bel et bien améliorer les maisons.

La recherche sur la mobilisation du savoir scientifique est financée par ArcticNet. Il s'agit ici aussi d'un réseau de centres d'excellence financé par le gouvernement fédéral.

Le vice-président : Monsieur Bell, tout cela nous a été très utile, et je vous remercie, au nom des membres du comité, de nous avoir consacré du temps et de nous avoir fait part de vos réflexions.

(Le comité s'ajourne.)

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