Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Banques et du commerce
Fascicule n° 5 - Témoignages du 5 mai 2016
OTTAWA, le jeudi 5 mai 2016
Le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce se réunit aujourd'hui, à 10 h 32, pour étudier les questions relatives aux barrières au commerce intérieur.
Le sénateur David Tkachuk (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Bonjour et bienvenue au Comité sénatorial permanent des banques et du commerce. Je m'appelle Dave Tkachuk et je préside le comité. Honorables sénateurs, vous savez que la sénatrice Hervieux-Payette, vice- présidente du comité, a pris sa retraite. Il faut donc combler ce poste. La marche à suivre pour élire un vice-président est semblable à celle qui s'applique à l'élection du président. Je vais d'abord demander s'il y a des candidatures. Chacune sera considérée selon l'ordre de présentation. S'il y a plusieurs candidatures, la première sera prise en considération d'abord. Je vais demander un vote en faveur de cette candidature. Si elle est approuvée à la majorité, ce sera terminé. C'est ainsi qu'on procède pour toutes les candidatures au comité.
Le sénateur Enverga : Je propose Joseph Day.
Le sénateur Greene : Je propose Pierrette Ringuette. Elle est depuis longtemps membre du comité et elle est indépendante.
Le président : Y a-t-il d'autres candidatures? Je passe à la première.
Le sénateur L. Smith : Pouvons-nous avoir un scrutin secret?
Le président : La marche à suivre est celle que j'ai décrite. Tous ceux qui sont en faveur de la candidature du sénateur Day?
Le sénateur Campbell : Pourquoi ne pouvons-nous pas avoir un scrutin secret? Je veux connaître le processus. Je ne comprends pas. Pour respecter la démocratie, nous devrions avoir un scrutin secret. Personne ne devrait se sentir sous pression. Si le Règlement dit que nous ne pouvons pas avoir un vote secret, alors modifions le Règlement.
Le président : Je peux saisir le Comité du Règlement de la question.
Le sénateur Campbell : Très bien. Faites-le. Combien de sénateurs sont en faveur d'un scrutin secret? Le résultat est assez net.
Le président : Effectivement, mais je suis le président.
Le sénateur Campbell : Je le comprends et je vous respecte. Vous savez à quel point je vous respecte, mais je suis convaincu que le scrutin devrait être secret. Si le Règlement l'interdit, alors au diable le Règlement.
Le président : Il dit que les comités sénatoriaux ne peuvent adopter des procédures incompatibles avec le Règlement du Sénat. Cela me complique beaucoup la vie. Je voudrais passer à la première candidature. Cela ne me semble pas compliqué : si la candidature est rejetée, nous passons à la deuxième.
Le sénateur Campbell : Ce n'est pas ainsi que la démocratie fonctionne. Elle n'avance pas par étapes. La démocratie veut qu'il y ait un scrutin secret pour que nous puissions tous...
Le président : Je ne suis pas contre la modification du Règlement.
Le sénateur Campbell : Je m'abstiens.
Le président : Je pensais que c'est exactement ainsi que cela devait se passer, que nous tiendrions un vote. Mais j'ai vérifié dans le Règlement, et ce n'est pas ce qu'il dit. Je suis exactement la version actuelle du Règlement du Sénat, et je ne vais pas l'enfreindre. Je ne vais pas prendre cette question en considération, puisque je ne vais pas enfreindre le Règlement. Je peux toujours reporter l'élection du vice-président. Nous pouvons entendre M. Scott, qui souhaite certainement faire sa déclaration. Nous pourrons revenir à l'élection après.
La sénatrice Ringuette : Un mot seulement. Je siège au Sénat depuis 14 ans, et je sais que vous y êtes depuis plus longtemps. On a toujours dit aux sénateurs que les membres des comités sont les maîtres de leur comité et de son mode de fonctionnement. Je ne comprends pas pourquoi vous affirmez une règle que le comité a la possibilité de contourner. Étant donné que les comités peuvent prendre leurs décisions, nous devrions accepter la proposition du sénateur Campbell. Selon moi, le comité est saisi d'une motion proposant la tenue d'un vote secret.
Le président : Le Sénat n'a jamais de votes secrets où que ce soit, dans les comités ou au Sénat lui-même. Les votes secrets n'existent pas. Certains caucus en ont et d'autres pas.
Le sénateur Massicotte : Je siège au Comité sur la modernisation, où nous avons eu cette discussion. Nous avons accueilli des témoins qui ont dit que chaque comité a toute liberté de choisir le mode d'élection qu'il souhaite, y compris le scrutin secret. Mais renseignons-nous sur la question.
Le sénateur L. Smith : Nous avons un témoin qui attend. Nous pourrions discuter de la question après son témoignage. Nous aurons tout le temps. Je ne veux pas me montrer brusque, mais cette question ne concerne pas le témoin.
La sénatrice Ringuette : Par respect pour le témoin, cela ne devrait pas être le premier point à l'ordre du jour.
Le président : Je vais reporter cette question et nous allons entendre le témoin. Je suis sûr que ce sera un excellent témoignage et que nous aurons ensuite un échange de questions et réponses. Nous dirons ensuite au revoir à M. Scott et nous continuerons nos querelles internes.
C'est aujourd'hui notre dixième séance consacrée à l'étude des questions relatives aux barrières au commerce intérieur. C'est avec plaisir que je souhaite la bienvenue à Rob Scott, membre du conseil d'administration de la Fédération canadienne de l'agriculture.
Merci d'être parmi nous, monsieur Scott. Je vous invite à faire votre déclaration d'ouverture. Nous passerons ensuite aux questions.
Rob Scott, membre du conseil d'administration de FCA, Fédération canadienne de l'agriculture : Cela ne se trouve pas dans mon texte, mais je dois dire qu'il est intéressant et rafraîchissant de voir que le président d'un comité sénatorial a des problèmes comme ceux que j'ai à mon conseil, au niveau provincial. De toute évidence, je n'en suis pas encore là. Il vaut peut-être mieux que je commence.
Je vous remercie, monsieur le président, ainsi que les honorables membres du comité. Je suis un agriculteur. Mon plus jeune fils, Matthew, et moi, avec ma femme Joanne, exploitons la ferme de Bridget Creek, à l'est de Brandon, en Ontario. Nous exploitons un cheptel de 300 brebis reproductrices et un parc d'engraissement, et nous engraissons 2 500 agneaux par année. De plus, nous élevons du bétail de race pure Longhorn.
Je suis actuellement président de l'Ontario Sheep Marketing Agency et vice-président de la Fédération canadienne du mouton. C'est grâce à Fédération canadienne du mouton que je représente l'industrie ovine du Canada à la Fédération canadienne de l'agriculture, que je représente aujourd'hui.
La FCA est l'organisation agricole la plus importante au Canada. Parmi ses membres, on remarque des organisations agricoles provinciales générales et des groupements nationaux de producteurs spécialisés. Par l'entremise de ces organisations et groupements, nous représentons 200 000 agriculteurs et leurs familles. La FCA a pour mission de promouvoir les intérêts de l'agriculture canadienne et des producteurs agroalimentaires en exerçant un leadership au niveau national et de veiller au développement soutenu d'une industrie rentable et dynamique.
Aujourd'hui, je vais vous parler des principaux enjeux et défis que des groupes ont abordés en travaillant avec tous les ordres de gouvernement en vue du renouvellement de l'Accord sur le commerce intérieur, l'ACI. Ce travail s'étale sur de nombreuses années, puisqu'il a débuté en 1995, année où a été conclu le premier ACI. Notre travail a évolué depuis. Tout récemment, en 2014, la FCA a mis sur pied un comité chargé d'étudier les barrières au commerce intérieur. Je fais partie de ce comité et nous sommes au milieu de consultations auprès de nos membres et d'autres groupes afin d'analyser les problèmes et les tendances et de formuler des recommandations.
En 2011, le commerce interprovincial de produits agricoles et agroalimentaires était évalué à 40 milliards de dollars, selon les statistiques gouvernementales. Il y a place pour de la croissance. Les agriculteurs entrevoient des débouchés économiques, pourvu que les gouvernements veuillent bien apporter des modifications pour moderniser et ouvrir les marchés intérieurs.
Il est d'une importance cruciale d'agir rapidement. Il est essentiel que le Canada exploite ces possibilités commerciales aux niveaux local et régional, tandis qu'il progresse vers la conclusion d'accords sur le commerce international, notamment l'Accord économique et commercial global et le Partenariat transpacifique.
Les membres de la FCA insistent sur le fait que l'amélioration de l'accès aux marchés intérieurs doit être une priorité et ne doit pas être négligée, tandis qu'on s'intéresse aux possibilités d'exportation. Un meilleur accès aux clients au Canada aidera les producteurs à être plus concurrentiels au niveau international. De plus, cela renforcera l'économie rurale au sens large, étant donné que la plupart des entreprises agricoles sont situées dans des collectivités rurales.
En ce qui concerne les barrières au commerce intérieur, les dirigeants agricoles qui font partie du Comité sur le commerce intérieur de la FCA ont cerné deux problèmes qui sont des obstacles clés à la circulation des produits agricoles entre les provinces. Le premier, ce sont les divergences entre les règlements provinciaux sur le transport; le deuxième, ce sont les incohérences entre les inspections provinciales et fédérales exigées dans les installations de transformation de la viande.
Pour ce qui est de la réglementation des transports, les agriculteurs et les entreprises agroalimentaires qui transportent des denrées et du bétail doivent comprendre les différents règlements qui régissent le poids et les dimensions des véhicules agricoles. La réglementation sur les permis varie beaucoup entre les diverses provinces et les divers territoires, et s'y adapter peut occasionner des coûts supplémentaires, des retards et d'autres complications.
Par exemple, la réglementation néo-écossaise est très précise au sujet du poids maximum autorisé des véhicules, alors que, dans l'Île-du-Prince-Édouard, les restrictions de poids ne sont pas réglementées avec autant de rigueur. Un agriculteur peut avoir des activités des deux côtés d'une frontière interprovinciale et devoir tenir compte de nombreuses différences dans les exigences relatives aux plaques d'immatriculation pour les véhicules agricoles, au poids essieu et à la hauteur des chargements. Si cette activité n'est qu'occasionnelle, il y a un risque de manquements non intentionnels. Une grande partie du défi est de trouver et d'interpréter les règlements.
La FCA recommande que les gouvernement fédéral et provinciaux poursuivent leur travail en vue d'élaborer des règlements complémentaires sur les transports.
Quant au deuxième problème, celui des inspections des installations de transformation, nos membres remarquent, lorsqu'il s'agit de vendre des produits de la viande, des écarts entre les exigences des inspections fédérales et provinciales dans les abattoirs. Ce sont parfois des obstacles importants au commerce intérieur. Les barrières peuvent toucher tous les produits, mais dans l'élevage ovin, elles ne font pas que freiner la croissance. Elles encouragent aussi l'importation d'agneau étranger.
La consommation d'agneau a connu une croissance fulgurante, soit 16 p. 100 en 2015 et de 0,8 à 1,3 kilo par personne depuis 2012. C'est le résultat de l'évolution démographique du Canada à la faveur de l'apport ethnique, et l'augmentation ne peut que continuer. Marchés des capitaux CIBC a prédit que 70 p. 100 de la croissance des dépenses dans la prochaine décennie sera attribuable aux minorités visibles.
À l'échelle nationale, 70 p. 100 de l'agneau est traité dans des usines sous inspection provinciale. Pour situer le contexte, disons que, en Ontario, où est transformé 55 p. 100 de l'agneau au Canada, seulement 10 p. 100 est acheminé vers les installations fédérales. En 2014, il n'y avait que 10 usines sous réglementation fédérale réparties dans trois provinces qui transforment l'agneau. Depuis, deux usines ont fermé leurs portes en Ontario, attribuant leur fermeture aux coûts élevés à engager pour maintenir leur statut fédéral.
Beaucoup de grands détaillants en alimentation ont adopté des réseaux de distribution inspectés par les services fédéraux, non seulement en raison du potentiel d'expansion internationale, mais aussi parce que ce choix est souvent présenté aux consommateurs comme la norme « or » ou supérieure. Les produits inspectés par les services provinciaux ne peuvent entrer dans un réseau de distribution inspecté par les services fédéraux.
Par exemple, la Colombie-Britannique est l'endroit au Canada où on consomme le plus d'agneau, mais la province n'a aucune usine de transformation sous inspection fédérale, ce qui limite la capacité des producteurs de cette province de faire des ventes à de grandes chaînes de marchés d'alimentation. Bien qu'il y ait eu une certaine promotion de la distribution indirecte, logistiquement, ce mode de distribution ne peut prendre beaucoup plus d'ampleur et il ne pourra répondre aux besoins de l'industrie et des consommateurs.
La majorité des zones urbaines densément peuplées sont servies par de grandes chaînes de marchés d'alimentation. C'est là qu'il se consomme le plus d'agneau. On se retrouve donc dans une situation où le produit étranger inspecté par les services fédéraux est plus facilement disponible que notre propre produit pour les consommateurs canadiens.
Dans le cadre de l'initiative de renouvellement de l'ACI, la FCA encourage les gouvernements à harmoniser leurs normes d'inspection. Il y a bien des questions au sujet des moyens que peuvent prendre les transformateurs provinciaux pour satisfaire aux exigences fédérales sans devoir accepter un fardeau trop lourd et coûteux. Peut-être nos gouvernements pourraient-ils s'entendre sur une série minimum de normes provinciales et assurer une harmonisation au niveau fédéral. Nous avons hâte d'entendre parler de solutions possibles.
Une autre recommandation du comité porte sur la gestion de l'offre. Au-delà des deux problèmes précis dont j'ai parlé, la FCA réaffirme qu'un accord renouvelé sur le commerce intérieur doit respecter les régimes de gestion de l'offre et laisser intactes les structures actuelles de commercialisation. Par conséquent, la FCA appuie l'approche discutée par les gouvernements fédéral et provinciaux au sujet d'une exception générale pour la gestion de l'offre.
En guise de conclusion, je souligne que les membres de la FCA appuient les efforts des deux ordres de gouvernement visant à renouveler l'ACI. Nous ne demandons pas mieux que d'accepter les autres occasions qui pourraient se présenter d'apporter notre contribution. Merci de m'avoir permis de vous faire part du point de vue de la Fédération canadienne de l'agriculture.
Le président : Merci.
La sénatrice Wallin : De multiples témoins nous ont dit à quel point il était important d'abattre ces barrières au moyen d'un accord provincial. Il y avait autour de la table un optimisme remarquable. Les participants pensaient que s'ils s'y tenaient pendant 150 ans, ils parviendraient peut-être à un accord. Je leur ai demandé pourquoi ils n'essaieraient pas de régler certains des problèmes en faisant appel aux tribunaux.
Vous avez employé une expression intéressante. Vous avez parlé de « manquements non intentionnels », et nous croyons comprendre que cela se produit parfois. Les gens franchissent la frontière quoi qu'il arrive. Certains de ces manquements ont-ils jamais fait l'objet de poursuites? Dans l'affirmative, comment a-t-on réglé le problème?
M. Scott : Bonne question, mais je ne vais pas pouvoir y répondre, parce qu'elle est de nature juridique. Nous allons prendre note de la question. Janice Hall, notre analyste des politiques, m'accompagne. Nous allons vous en reparler.
La sénatrice Wallin : Ce serait extra. Merci beaucoup.
Le sénateur Campbell : C'est comme si on regardait dans un miroir. Je viens de Brantford, en Ontario. J'élève des moutons et des agneaux et je m'apprête à élever des lapins de boucherie. Je peux confirmer qu'il est à peu près impossible de trouver un abattoir qui accepte les lapins. Je voudrais savoir comment nous y prendre. Il est extrêmement difficile de trouver un simple abattoir en Colombie-Britannique, a fortiori dans les îles Gulf, qui accepte d'abattre des agneaux. Je voudrais savoir comment nous pouvons nous y prendre. Je peux faire abattre les moutons à l'île Saturna, où il y a un abattoir provincial, mais la viande ne peut pas se vendre sur les marchés réglementés par les autorités fédérales parce que l'abattoir n'a pas son permis fédéral.
Comment amener le gouvernement fédéral et les provinces à s'entendre sur un seul ensemble de règles qui s'appliqueraient partout au Canada, quelle que soit la bête? J'ignore pourquoi c'est si difficile.
M. Scott : Merci de poser la question, puisque je voulais faire ressortir la même chose. À propos de votre premier point, c'est amusant, mais quand j'ai écrit sur Twitter que je venais ici, quelqu'un a mis le mot-clic #fearthebeard. Merci de votre soutien.
Le sénateur Campbell : Non, non, vous portez la barbe. C'est simplement une barbe postiche.
M. Scott : Oui, la question semble simple pour les agriculteurs. Il est très irritant, comme chef de file du milieu agricole, d'aller expliquer aux producteurs pourquoi nous ne pouvons pas faire telle chose et pourquoi ce n'est pas si simple. Le Canada est un seul pays. C'est ce que nous croyons.
C'était mon attitude lorsque j'ai commencé à siéger à ce comité, et je me demandais comment nous pourrions y arriver. Ce que j'ai rapidement découvert, c'est que, peut-être, ce ne sont pas les règlements gouvernementaux que nous devons combattre. Peut-être devons-nous affronter aussi l'industrie. Nous serions nombreux à penser à nous conformer aux exigences fédérales pour accéder au marché. En réalité, pour certaines grandes sociétés, c'est devenu une façon d'entraver la concurrence.
Cela dit, même en employant des multiplicateurs économiques prudents, on peut dire que le secteur de la production ovine apporte à l'économie une contribution d'environ 900 millions de dollars, et il y a place pour de la croissance. En ce moment, nous ne satisfaisons qu'à 45 p. 100 de la croissance intérieure. Dans une large mesure, ce n'est pas seulement parce que nous ne pouvons fournir le produit; nous n'allons pas pouvoir le faire tant que ne s'offriront pas à nous ces possibilités d'accéder au marché.
Présenter un problème sans proposer de solution, c'est la définition même de geigner. J'étais un peu mal à l'aise avec cette partie de mon exposé. En réalité, nous ne connaissons pas encore la réponse. Il faudra que le gouvernement nous aide à la trouver, c'est certain.
Le sénateur Campbell : Pour poursuivre, prenons l'exemple de l'agneau. Quelle est la différence entre les règlements provinciaux et fédéraux dans les abattoirs? Sur quel plan diffèrent-ils, pour que nous puissions harmoniser ces deux réglementations?
M. Scott : C'est une question de réglementation. Voici un exemple. Je suis un grand partisan des banques d'alimentation. L'agneau est l'un des produits que nous devons leur fournir à cause de l'évolution démographique de notre pays. Surtout dans l'agglomération torontoise et en Ontario, le porc constitue la majorité des aliments donnés.
Il m'est arrivé d'avoir un excédent de têtes. Ce n'est pas une partie du mouton que nous consommons beaucoup au Canada. Je peux prendre toutes les têtes de mon usine, provinciale, qui sont traitées de la même façon, et les porter à la banque d'alimentation. Quant aux agneaux que j'expédie dans une usine fédérale, c'est seulement à cause du règlement que cette partie est considérée comme un déchet plutôt que comme un produit utilisable. C'est seulement une question de réglementation. Les règles d'hygiène sont peut-être plus rigoureuses. Je suis allé dans une usine pendant le week-end, et il y avait des fissures dans le sol de béton qui ne seraient pas acceptables. À mon avis, c'est seulement une question de réglementation, mais peut-être que quelqu'un d'autre pourrait vous donner des explications.
Le sénateur Black : Monsieur Scott, merci de votre présence. Il est très agréable de vous rencontrer. Je tiens à comprendre ce que vous nous avez dit, car vous représentez un groupe extrêmement important. Je saisis bien que vous êtes un fervent partisan de l'élimination des barrières au commerce interprovincial parce que cela aide votre important secteur d'activité. Mais vous voulez protéger la gestion de l'offre. Vous ai-je bien compris?
M. Scott : Oui, tout à fait.
Le sénateur Black : N'y a-t-il pas là une contradiction?
M. Scott : À mon avis, non.
Le sénateur Black : Aidez-moi à comprendre.
M. Scott : Je pense pouvoir. Selon moi, l'Accord sur le commerce intérieur vise à abolir les règlements qui entravent le commerce interprovincial. Il ne porte pas sur la production.
Le sénateur Black : Pourquoi cela?
M. Scott : Maintenant, vous...
Le sénateur Black : Je pose une simple question. Si nous voulons abattre les barrières pour favoriser la productivité, comme vous nous exhortez à le faire, pourquoi ferions-nous une exception qui, en fait, ne sert pas cet intérêt pour la productivité? C'est ce que j'essaie de comprendre, car quelque chose m'a peut-être échappé.
M. Scott : Mes compétences, c'est évident, concernent plutôt l'élevage ovin, qui n'est pas en régime de gestion de l'offre.
Le sénateur Black : Très bien.
M. Scott : Je dois m'en tenir à la politique du conseil voulant que la FCA soutienne vigoureusement la gestion de l'offre et que l'Accord sur le commerce intérieur ne devrait pas porter sur la production. Ce n'est probablement pas la réponse que vous souhaitiez, je le regrette.
Le sénateur Black : Je ne cherche pas de réponse. J'essaie simplement de comprendre, mais je vous dirais qu'il y a là une profonde contradiction.
M. Scott : C'est un autre point dont nous pouvons prendre note. Nous avons au conseil de la Fédération canadienne de l'agriculture une bonne représentation des secteurs en régime de gestion de l'offre. Je vais communiquer vos observations à ces représentants.
Le sénateur Black : Si mon interprétation selon laquelle il y a une contradiction fondamentale dans ce que vous préconisez est erronée, peut-être pourriez-vous communiquer avec nous pour nous dire pourquoi j'ai tort.
M. Scott : Oui, je suis certain que nous pourrons le faire. Merci.
Le sénateur Black : Une dernière question : que devrait faire le comité, à votre avis? Si vous êtes le patron du monde et notre patron, que devrions-nous recommander?
M. Scott : Ce qui me préoccupe le plus, évidemment, ce sont les règlements qui portent sur les viandes. Je le répète, il peut y avoir là un écueil pour l'industrie, mais les agriculteurs excellent dans ce qu'ils font. Il faut que le gouvernement intervienne et nous aide à trouver le moyen de contourner cet obstacle réglementaire. Lorsque j'ai signalé les différences entre les règlements fédéraux et provinciaux dans le secteur de l'élevage ovin, je n'ai pas voulu indisposer les transformateurs qui sont sous réglementation fédérale. Nous voudrions trouver le moyen de parvenir à un compromis. Ils signent les chèques que nous recevons. Je répondrai donc à votre question que nous attendons de l'aide du gouvernement. Merci.
Le sénateur Black : Merci de ce que vous faites. Merci.
Le sénateur Enverga : Merci de votre exposé. Je porte aussi la barbe, mais elle n'est pas aussi bien que la vôtre.
Vous avez répondu à certaines de mes questions en répondant à celles du sénateur Black. Vous avez dit tout à l'heure qu'une entreprise a dû fermer ses portes à cause de la réglementation fédérale. Pouvez-vous nous expliquer? Comment un règlement fédéral peut-il entraîner la fermeture d'une entreprise?
M. Scott : J'ai discuté avec des gens qui ont été touchés par cette affaire. J'ai connu personnellement certains d'entre eux parce que je leur faisais des livraisons, et on a tendance à nouer des relations personnelles dans le cadre des affaires. Ils disent que le coût de l'observation des normes fédérales n'était pas le seul facteur; il semblait aussi y avoir un changement des règles et l'entreprise devait essayer de s'adapter aux changements. Cela s'observe au niveau provincial également. Ce qui est acceptable une semaine donnée semble faire l'objet d'une interprétation différente la semaine suivante, et on apporte des changements. Comme je l'ai dit, ce n'était pas l'investissement initial qui était en cause; il y avait aussi les investissements constants à faire pour rester en affaires.
Le sénateur Enverga : Y a-t-il eu des changements récemment? Il y a toujours des changements constants à ce jour?
M. Scott : D'après une conversation que j'ai eue mardi avec le propriétaire de mon abattoir, il a l'impression que les choses deviennent plus difficiles.
Le sénateur Enverga : Peut-être pourriez-vous nous donner une idée de ce que nous pouvons faire pour stabiliser la réglementation des entreprises de ressort fédéral. Le pourriez-vous?
M. Scott : Bien sûr. Je ne sais pas si je peux vous préciser les moyens à prendre, mais je vais vous donner l'opinion des agriculteurs. D'abord, estimez-vous courir plus de risques en consommant de la viande inspectée par les services provinciaux que lorsqu'elle a été inspectée par les services fédéraux?
Nous faisons tout ce que nous pouvons pour que nos produits soient les meilleurs et les plus salubres possible. Pourquoi cela se perd-il ensuite dans les règlements?
La sénatrice Ringuette : J'en reviens à la gestion de l'offre. Je suis tout à fait d'accord avec la fédération. Savez-vous si, pour appliquer le régime de gestion de l'offre, par exemple pour le lait, les œufs et la volaille, des provinces limitent de quelque façon l'importation de ces produits en provenance d'autres provinces?
M. Scott : Non, et je ne crois pas que cela se fasse dans le cadre de l'actuel système de gestion de l'offre.
La sénatrice Ringuette : Exactement.
M. Scott : Cela a sans doute un lien avec l'autre question : la gestion de l'offre est plutôt une protection à l'interne contre les marchés internationaux. Merci beaucoup.
La sénatrice Ringuette : Exactement. Dans le contexte de ce que nous étudions, c'est-à-dire les barrières au commerce interprovincial, je crois qu'il y a ici, d'après les discussions que j'ai eues pendant de nombreuses années avec les producteurs et l'organisation, un domaine où toutes les provinces, l'ensemble de l'industrie et le gouvernement fédéral se sont entendus et où il n'y a aucune barrière en ce qui concerne la production en régime de gestion de l'offre.
M. Scott : Dans cet ordre d'idées, je pourrais donner une opinion personnelle à titre d'agriculteur. Dans la production ovine, les prix fluctuent énormément. Je dirai que, chez moi, les concessionnaires de tracteurs, les fournisseurs d'aliments pour les animaux et les autres entreprises qui soutiennent la mienne comptent vraiment sur les revenus stables des groupes de production qui ont la gestion de l'offre. Je suis content qu'il y ait des producteurs laitiers près de chez moi, sans leur envier les chèques qu'ils reçoivent régulièrement. S'ils n'étaient pas là, Brant Tractor ne toucherait pas mon beau chèque tous les quatre ans.
Le président : Puis-je poser une question complémentaire à ce sujet? Il s'agit de gestion de l'offre. Même si les produits, comme les œufs ou le poulet, peuvent circuler sans grand problème, si un agriculteur de la Saskatchewan veut vendre des œufs, il ne peut pas le faire. S'il veut élever des poulets et les vendre, il ne peut pas le faire non plus. Il doit s'adresser au monopole que constitue l'office de commercialisation des œufs ou du poulet.
Même s'il n'y a pas d'obstacles au commerce, il y en a certainement pour la production. Il n'y a pas de concurrence. On ne peut même pas fabriquer du yaourt, pour l'amour de Dieu. Selon moi, cela relève du commerce interprovincial, car les agriculteurs devraient pouvoir produire tout ce qu'ils veulent. On ne devrait pas leur dire quoi produire.
M. Scott : Oui, on devrait. Encore une fois, ce n'est que ma petite opinion. Je ne crois pas qu'il y ait un autre secteur d'activité — et m'on excusera s'il y en a — qui soit aussi touché par la météo, les marchés mondiaux et une foule d'autres facteurs.
Pour être honnête, maintenant qu'une deuxième génération s'installe dans mon exploitation, si j'avais eu la chance d'adhérer à un régime qui me garantit la stabilité des prix, je me demande si je n'aurais pas fait ce choix moi aussi. Il est parfois difficile de gagner sa vie. En janvier et février, la fluctuation des prix de l'agneau a atteint les 100 $ la tête.
Le président : J'habite dans l'Ouest, où nous sommes constamment exposés aux aléas du libre marché. D'une façon ou d'une autre, nous parvenons à survivre.
D'autres questions à poser à M. Scott?
Le sénateur Campbell : J'ai des lapins à vendre si cela intéresse quelqu'un.
Le président : Un office de commercialisation du lapin?
Le sénateur Campbell : Ils viennent dans une boîte. Il faut bien s'occuper de la clientèle.
La sénatrice Ringuette : Vous avez dit que votre industrie alimentait 45 p. 100 du marché canadien. D'où vient le reste de ce qu'il faut pour satisfaire le marché canadien?
M. Scott : À 98 p. 100 de l'Australie et de la Nouvelle-Zélande; 2 p. 100 des États-Unis et du Royaume-Uni; et je crois que l'Islande est entrée sur le marché dernièrement.
Le président : Merci beaucoup, monsieur Scott.
(La séance se poursuit à huis clos.)