Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Banques et du commerce
Fascicule n° 15 - Témoignages du 2 mars 2017
OTTAWA, le jeudi 2 mars 2017
Le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce se réunit aujourd'hui, à 10 h 33, pour étudier, en vue d'en faire rapport, la création d'un corridor national au Canada afin d'améliorer et de faciliter le commerce et les échanges intérieurs.
Le sénateur David Tkachuk (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Bonjour et bienvenue, chers collègues et membres du public qui suivent les délibérations d'aujourd'hui du Comité sénatorial des banques et du commerce, ici même ou sur le Web.
Je m'appelle David Tkachuk et je suis le président du comité. La séance d'aujourd'hui est la douzième que nous consacrons à notre étude sur la création d'un corridor national au Canada afin d'améliorer et de faciliter le commerce et les échanges intérieurs.
Dans la première partie de la séance d'aujourd'hui, nous avons le plaisir d'accueillir, de Ressources naturelles Canada, Terrence Hubbard, directeur général, Direction des ressources pétrolières, Secteur de l'énergie; John Foran, directeur, Division des pipelines, du gaz et du GNL, Secteur de l'énergie; et Stefania Trombetti, directrice générale, Direction de la politique et de l'économie, Secteur des terres et des minéraux.
Merci d'être avec nous aujourd'hui. Veuillez nous présenter vos observations préliminaires, après quoi nous passerons à la période de questions.
Terrence Hubbard, directeur général, Direction des ressources pétrolières, Secteur de l'énergie, Ressources naturelles Canada : Bonjour et merci de nous avoir invités ici ce matin. C'est un plaisir de participer à votre étude sur cette question importante.
Je m'appelle Terry Hubbard et je suis le directeur général de la Direction des ressources pétrolières, chargée notamment de notre politique pétrolière et gazière et des dossiers réglementaires, y compris la construction de pipelines au Canada. Votre étude concerne donc directement notre travail au sein du ministère.
Je ferai environ la moitié de la présentation de ce matin, avant de céder la parole à ma collègue, qui parlera des éléments du secteur minier relatifs au corridor envisagé.
Notre exposé de ce matin vise principalement à fournir au comité des renseignements sur le concept de la création de corridors nationaux afin d'améliorer et de faciliter le commerce dans le secteur des ressources naturelles; à situer le contexte de la nécessité d'accroître la capacité des pipelines et d'autres infrastructures de transport de l'énergie au Canada; à faire ressortir l'importance des infrastructures pour l'industrie minière; et à décrire des efforts que déploie le gouvernement du Canada pour appuyer l'exploitation durable des ressources, accroître la confiance du public et soutenir le commerce et les investissements dans les infrastructures au Canada.
Passons à la diapositive 3. L'énergie est un important moteur de l'économie canadienne. Elle représente environ 10 p. 100 du PIB du Canada. Le Canada arrive au troisième rang mondial en ce qui concerne les réserves pétrolières et il compte parmi les plus grands producteurs de pétrole au monde, avec une production de 3,8 millions de barils de pétrole brut par jour dans l'Ouest canadien. Le Canada est le quatrième exportateur mondial de gaz naturel, avec des exportations quotidiennes de 7,3 milliards de pieds cubes de gaz, vers les États-Unis exclusivement.
À cause de nos richesses énergétiques et de notre géographie, nous avons l'un des plus vastes réseaux de distribution de l'énergie au monde. Ce réseau est fortement intégré avec les États-Unis. Il y a actuellement plus de 70 pipelines transfrontaliers et plus de 30 projets de transmission de l'électricité.
Les infrastructures qui font sortir le pétrole brut de l'Ouest canadien fonctionnent presque à pleine capacité depuis un certain temps déjà. Étant donné les contraintes actuelles des pipelines, environ 100 000 barils de pétrole brut par jour sont exportés actuellement par chemin de fer. Vu que la production de pétrole devrait continuer à augmenter, il faudra des infrastructures supplémentaires pour éviter de compter de plus en plus sur la capacité ferroviaire.
Passons à la diapositive 4. Le secteur de l'énergie subit actuellement une transformation majeure, due principalement à la révolution des gaz de schiste qui a modifié les flux des échanges commerciaux d'énergie. Les États-Unis sont actuellement le seul grand marché d'exportation de pétrole et de gaz du Canada. En 2015, 99 p. 100 de nos exportations de pétrole brut et 100 p. 100 de nos exportations de gaz sont allées aux États-Unis.
Même si les États-Unis resteront un important marché pour la production canadienne d'énergie, nos voisins deviennent de plus en plus autosuffisants. Il faudra de nouvelles infrastructures pour relier le Canada à de nouveaux marchés et nous permettre de vendre notre production d'énergie au plein prix.
L'Agence internationale de l'énergie prévoit que la demande mondiale de pétrole continuera de croître, même dans les scénarios les plus optimistes concernant les changements climatiques. Le Canada peut rester un fournisseur fiable et stable d'énergie et continuer à contribuer à la sécurité énergétique mondiale.
Passons à la diapositive 5. Comme je l'ai indiqué, sans nouveaux pipelines, nous continuerons de dépendre de plus en plus du transport ferroviaire. Pour pouvoir suivre la production de pétrole projetée, il faudrait accroître la capacité des pipelines d'environ 700 000 barils par jour en 2020 et de 1,7 million de barils par jour en 2030.
Dans l'actuelle conjoncture de faiblesse des cours du pétrole, les bénéfices pour les producteurs sont très différents selon que le pétrole est acheminé sur le marché par rail ou par pipeline. Le transport par chemin de fer peut coûter jusqu'à 5 $ de plus le baril entre l'Alberta et la côte Ouest du Canada, 6 $ de plus le baril vers la côte Est et jusqu'à 10 $ de plus vers le golfe du Mexique.
La production de pétrole du Canada devrait continuer à augmenter, même dans l'actuelle conjoncture de faiblesse des prix. Selon les plus récentes prévisions de l'ONE, la production de pétrole devrait passer de 3,8 millions de barils par jour en 2015 à 4,5 millions de barils par jour en 2020 et jusqu'à 5,5 millions de barils par jour en 2030.
À l'avenir, nous aurons besoin de nouvelles infrastructures pour transporter ce pétrole vers les marchés. Le gouvernement veut s'assurer que les décisions relatives aux projets de pipelines contribuent à la fois à l'optimisation de la croissance économique et à la protection de l'environnement.
Comme le démontre le débat public, on se préoccupe encore des répercussions de la construction de pipelines sur l'environnement, des conséquences d'une hausse du transport maritime et des éventuelles incidences sur l'environnement marin et terrestre en cas de déversement de pétrole.
En même temps, nous devons respecter les nouveaux engagements mondiaux relatifs aux changements climatiques. Les provinces participent aussi de plus en plus à la conception des projets d'infrastructure au Canada et aux décisions connexes.
Cette complexité est amplifiée par la multitude des collectivités qui se trouvent sur le parcours des infrastructures de l'énergie, notre devoir de consulter les peuples autochtones, et les relations avec les autres paliers de gouvernement, y compris les municipalités, dans le cadre de ces projets.
La diapositive 6 est au cœur de la question qui se pose aujourd'hui : un corridor énergétique ou un corridor national pourrait-il être la solution aux défis qui nous attendent en matière d'infrastructures? Si nous comprenons bien l'essence d'un corridor, il s'agit d'un droit de passage approuvé d'avance pour la construction d'une infrastructure. Il ne serait plus nécessaire de déterminer si chaque projet est dans l'intérêt public, de sorte qu'on pourrait se concentrer sur les aspects techniques et les meilleurs moyens de faire avancer les projets.
Nous avons examiné la question de près au fil des années dans le cadre de nos travaux sur le développement des infrastructures et des pipelines. D'après notre analyse, les corridors présentent des avantages et des inconvénients. Voici quelques avantages potentiels. Ils démontreraient un solide leadership fédéral face à la nécessité de développer les infrastructures. Il serait possible de protéger davantage l'environnement en cherchant à regrouper des infrastructures sur un même droit de passage afin que l'engagement des Canadiens s'ajoute à la participation directe du gouvernement au développement de ces infrastructures.
Mais il y a par ailleurs des problèmes de délais. Il est impératif de construire les infrastructures à court terme afin de répondre aux besoins actuels du marché, mais aussi de le faire en deux étapes, d'abord l'établissement du corridor et ensuite la construction des infrastructures dans ce corridor. Tout cela pourrait retarder les approbations de futurs projets.
On peut s'interroger aussi sur la confiance des intervenants et du public, en particulier si le gouvernement devait recourir à ses pouvoirs pour déclarer certains terrains d'intérêt national. Nous voyons déjà que les communautés veulent participer davantage aux décisions. Si nous empêchions ce débat, l'opposition à la construction d'infrastructures pourrait s'accentuer.
Une autre grande question est qui assume les coûts des corridors énergétiques? À l'heure actuelle, les promoteurs du secteur privé proposent des projets d'infrastructure et en évaluent les aspects techniques et environnementaux.
Si nous devions adopter l'approche d'un corridor national, qui en assumerait les coûts, qui peuvent être importants. Je crois comprendre que dans un projet comme le projet Northern Gateway, Enbridge a investi 300 millions de dollars dans l'évaluation environnementale et l'examen réglementaire.
Il y a des avantages et des inconvénients à court terme. À court terme, pour les besoins en infrastructures du Canada afin de développer notre secteur de l'énergie, les corridors ne nous semblent pas une solution miracle, mais à long terme il pourrait être avantageux de planifier et de mettre en place un corridor national, afin de faciliter les besoins énergétiques à long terme.
Passons à la diapositive 7. En vertu de nos politiques énergétiques actuelles axées sur le marché, l'industrie propose, comme je l'ai indiqué, ces routes, en se fondant sur les aspects environnementaux, techniques et économiques.
Par exemple, les défis techniques sont différents pour le transport du pétrole et le transport du gaz, en particulier dans les régions montagneuses du Canada. Ce qui constitue une route optimale pour un projet ne le serait pas nécessairement pour un autre projet ultérieur.
Je fais remarquer également que les nouveaux pipelines proposés au Canada sont le plus possible parallèles à des corridors existants. Ces tracés parallèles présentent un avantage de coût pour l'industrie et facilitent le développement. Par exemple, 89 p. 100 du tracé du projet d'agrandissement du réseau Trans Mountain suivrait en parallèle des droits de passage existants.
La ligne 3, le projet de remplacement, sera construite le long d'un corridor existant. Pour le projet Énergie Est proposé, un projet de 4 500 kilomètres d'un océan à l'autre, environ 80 p. 100 du tracé suivrait des droits de passage existants, dont les deux tiers en exploitant et utilisant des infrastructures énergétiques existantes.
Je m'arrête ici, pour le secteur de l'énergie, et je cède la parole à ma collègue Stefania, qui vous renseignera sur le secteur minier.
Stefania Trombetti, directrice générale, Direction de la politique et de l'économie, Secteur des terres et des minéraux, Ressources naturelles Canada : Bonjour à tous. C'est un réel privilège d'être ici et de témoigner pour appuyer les travaux du comité sur les corridors commerciaux.
Pour ce qui est des mines, je situerai d'abord le contexte de ce segment de l'économie canadienne et je parlerai ensuite des infrastructures et du transport.
Le Canada est un chef de file mondial de l'activité minière. Nous produisons environ 60 minéraux et métaux qui sont extraits dans plus de 200 mines en activité. L'activité minière dans toutes les régions et en particulier dans le Nord pourrait fort bien répondre à la demande mondiale de produits comme le minerai de fer et les métaux précieux.
Le secteur minier représente 4 p. 100 du produit intérieur brut du Canada et crée 563 000 emplois directs et indirects. Il emploie plus de 10 000 Autochtones et constitue donc un grand employeur pour ce groupe de la population canadienne.
Les mines sont une industrie d'envergure planétaire axée sur les exportations. Elles représentent 19 p. 100 des exportations canadiennes. La majorité des exportations vont aux États-Unis, et ensuite en Europe et en Chine.
Le commerce intérieur est limité, de sorte que les obstacles au commerce intérieur ne constituent pas un problème majeur pour l'industrie. Il s'agit surtout d'acheminer ces produits vers les marchés mondiaux.
La prochaine diapositive, sur les infrastructures, montre que les infrastructures sont cruciales pour l'exploitation minière. Plus de 40 p. 100 des marchandises transportées par chemin de fer sont des produits de l'extraction minière ou des produits dérivés. Le transport est crucial pour extraire les minéraux et acheminer les produits vers les marchés.
Au sujet du transport, il y a deux volets pour l'exportation des matières premières. Les produits à valeur élevée, mais à faible volume, comme les diamants et même l'or, peuvent partir de la mine en avion. Les produits en vrac à gros volume, comme le charbon, la potasse et le minerai de fer sont habituellement transportés par chemin de fer vers un port et ensuite acheminés par bateau vers les marchés étrangers. Les coûts d'acheminement vers les ports peuvent être élevés et ils influent sur la compétitivité des coûts et des prix sur les marchés mondiaux.
Par exemple, les frais de transport du charbon métallurgique sont à peu près équivalents à la somme des coûts de l'extraction, de la transformation, de l'administration et des redevances. Les infrastructures de distribution de l'énergie et des télécommunications appuient la construction des mines, leur exploitation et la main-d'œuvre. L'absence d'infrastructures dans des régions éloignées peut obliger des mines à produire de l'électricité avec du diesel.
Il faut faire des choix. Les centrales au diesel sont plus polluantes que l'hydroélectricité, par exemple. Depuis toujours, l'exploitation minière se fait projet par projet. Exploiter un gisement dans une région éloignée peut nécessiter simplement une voie de chemin de fer pour acheminer le produit vers un port. Voisey's Bay à Terre-Neuve-et-Labrador en est un exemple.
Dans d'autres cas, lorsqu'il y a plusieurs gisements, une approche régionale de la planification de l'extraction du minerai, y compris la planification des infrastructures, peut être préférable. Un bon exemple est la fosse du Labrador, qui chevauche la frontière entre le Québec et Terre-Neuve-et-Labrador. Elle est riche en minerai de fer et le regroupement de plusieurs projets miniers accroît les économies d'échelle.
Pour alimenter nos ports et acheminer les produits canadiens, il est essentiel d'investir dans les infrastructures qui facilitent et appuient l'activité minière. Le besoin est criant dans le Nord. Certains affirment qu'il y a une prime à payer dans le Nord. Le coût de l'exploration et de la construction de nouvelles mines y est 2,5 fois plus élevé que dans le Sud.
Les infrastructures qui appuient les projets miniers peuvent aussi stimuler l'activité économique. La région du Golden Triangle dans le nord de la Colombie-Britannique en est un exemple. Les expansions portuaires et le projet de ligne de transmission du Nord-Ouest vont de pair avec un appui à la mise en valeur de nouvelles mines et la création de nouveaux emplois dans la région. Il est très important d'avoir de grandes artères solides auxquelles peuvent se relier les projets miniers.
Il y a un énorme potentiel de développement économique dans les collectivités éloignées. Nous le voyons quand des mines ouvrent dans des régions éloignées du pays. De nombreuses collectivités dans ces régions éloignées sont autochtones. Les infrastructures et l'activité minière peuvent relier les collectivités. Elles créent des débouchés économiques et des emplois, pas seulement des emplois dans les mines. Il y a aussi des emplois liés à l'exploitation des mines, comme le camionnage, les services de traiteurs, la plomberie et l'entretien des infrastructures. Les projets miniers comportent de multiples couches et composantes et on peut s'appuyer sur eux pour atteindre des objectifs de bien public.
La prochaine diapositive montre les points de passage qui permettent d'acheminer les minéraux vers les marchés mondiaux. Comme je l'ai indiqué, nos produits miniers sont surtout destinés au marché américain. Ils partent du Canada par les chemins de fer, les routes et les bateaux. Le fer, l'acier, l'aluminium, l'or, le cuivre et la potasse comptent parmi les produits que nous envoyons à notre voisin du Sud. Sur la côte Est, nos ports expédient des métaux précieux, du minerai de fer, du nickel, des diamants et de l'uranium en Europe. Sur la côte Ouest, nos ports livrent des produits comme le charbon, le minerai de fer et la potasse en Asie. Dans le Nord, on exporte des métaux de base et des diamants.
Pour prendre de l'expansion sur les marchés internationaux, il est essentiel de pouvoir compter sur un réseau de transport homogène depuis la mine jusqu'aux ports, parfois après un arrêt dans une installation de transformation, et finalement vers les marchés.
La prochaine diapositive porte sur certains efforts du gouvernement afin de promouvoir le développement durable des ressources, qui repose sur le principe qu'un environnement propre et une économie forte peuvent aller de pair. Les lettres de mandat aux ministres de l'Environnement et du Changement climatique et des Ressources naturelles signalent la volonté du gouvernement de mettre en valeur les ressources d'une manière durable qui protège le riche environnement naturel du Canada, respecte les droits des peuples autochtones et appuie un secteur des ressources naturelles plus résilient.
Sans la confiance du public dans les processus réglementaires et environnementaux, les projets proposés ne pourront pas aller de l'avant. C'est pourquoi des travaux sont en cours pour moderniser l'Office national de l'énergie et examiner le processus fédéral d'évaluation environnementale. Il y a aussi des engagements à l'égard de la modernisation des infrastructures du Canada et du financement pour débloquer les goulets d'étranglement et appuyer l'exportation de nos produits vers les marchés mondiaux.
En conclusion, le développement des infrastructures est important pour appuyer la croissance des industries pétrolière, gazière et minière du Canada et pour donner accès à de nouveaux marchés et à des marchés en croissance pour ces ressources. La mise en valeur de ces ressources créera des emplois et appuiera la croissance économique, au profit des Canadiens. Cette croissance peut se faire de manière durable pour l'environnement, qui contribuera à la résilience du secteur des ressources naturelles et créera des emplois dans des collectivités de toutes les régions du Canada, y compris des collectivités autochtones.
La modernisation de l'Office national de l'énergie et l'examen des processus environnementaux sont des étapes importantes pour que les Canadiens aient confiance que des pipelines peuvent être construits et exploités sans danger pour l'environnement et le public et qu'il en va de même pour l'activité minière.
La modernisation des infrastructures du Canada appuiera également le transport sûr et efficient des produits de base canadiens vers les marchés internationaux.
La sénatrice Ringuette : Je vous remercie de votre exposé. Notre étude porte sur les besoins futurs pour le développement futur.
Par exemple, je consultais la diapo 10 sur les minéraux où vous recensez les différents minéraux. En ce moment, je soupçonne que les gisements sont près des ressources énergétiques dans notre vaste étendue géographique canadienne. Par contre, il s'agit de la prospection et de l'exploration en cours. Cela n'a rien à voir avec l'avenir. Notre étude concerne l'avenir.
Je crois que votre ministère a un grand rôle à jouer pour établir le potentiel de développement économique de notre Nord. Indépendamment de quoi que ce soit d'autre, il incombe au gouvernement fédéral d'établir avec précision notre souveraineté internationale sur le territoire qui deviendra litigieux d'ici quelques années.
Vous connaissez la situation actuelle pour ce qui est de l'exploration et de l'écoulement, mais ne trouvez-vous pas qu'il vous incombe de formuler les besoins futurs en matière de développement à venir, tant dans le secteur de l'énergie que dans celui des minéraux?
M. Hubbard : Peut-être que je peux commencer et que Mme Trombetti complètera pour ce qui est des minéraux et de l'exploration minière.
Pour le secteur de l'énergie au Canada, l'infrastructure que nous envisageons de développer aujourd'hui appuiera la croissance à long terme du secteur de l'énergie au cours des deux prochaines décennies. Les propositions en matière d'infrastructure se fondent sur les prévisions à long terme et les besoins à long terme. Souvent, les pipelines ou les lignes de transport que nous aménageons aujourd'hui seront en place pour les 30 à 40 prochaines années, et parfois davantage.
La sénatrice Ringuette : Cela fait partie des explorations actuelles. Cela n'a rien à voir avec les explorations futures, qui se déplaceront vers le nord.
M. Hubbard : Vous avez raison. Le ministère travaille en étroite collaboration, tout comme le ministre Carr avec ses collègues de l'environnement et d'autres secteurs, et examine la situation de l'énergie à plus long terme.
Le cadre pancanadien conclu avec les provinces en décembre signalait l'intention de passer et de transitionner vers un avenir énergétique plus propre. Des discussions sont en cours et on examine ce que nous réserve l'avenir.
L'un des engagements du ministre Carr pris en vertu de son mandat est de collaborer avec les provinces à l'élaboration d'une stratégie canadienne de l'énergie. Une partie de cette stratégie dans les priorités énoncées par les provinces consiste à examiner les besoins en infrastructure pour l'avenir. Des groupes de travail ont été constitués avec le gouvernement fédéral et les provinces pour examiner ce que seront les besoins en infrastructure pour appuyer les discussions à plus long terme.
La sénatrice Ringuette : Dans le cadre de ce processus de consultation, avez-vous rencontré les groupes qui proposent un corridor dans le Nord?
M. Hubbard : Nous avons tenu quelques discussions avec RNCan, avec l'Université de Calgary, et avec les responsables de CIRANO au sujet de leur proposition de corridor dans le Nord. Nous avons échangé des idées et des réflexions et nous avons hâte de connaître les résultats de leurs recherches continues dans ce domaine.
Les principaux efforts en cours à RNCan en ce moment ont trait à la modernisation de l'Office national de l'énergie. Une partie de ces efforts vise à créer les conditions pour mettre en place un organe de réglementation qui aborderait les besoins actuels et futurs pour ce qui est du développement de l'infrastructure. En ce moment, nous disposons d'un très important processus de mobilisation d'un bout à l'autre du Canada, assorti d'un groupe d'experts nommé pour mobiliser les Canadiens et dont l'accent est mis sur les communautés autochtones, afin de recevoir une rétroaction sur ce à quoi devraient ressembler les futurs organes de réglementation dans le domaine de l'énergie, y compris le rôle du gouvernement, son mandat et sa structure, et la meilleure façon d'atteindre certains des objectifs visant à s'assurer que nous développons notre infrastructure aujourd'hui et pour très longtemps.
La sénatrice Moncion : Ma question porte sur l'endroit où passera le pipeline. À North Bay, où j'habite, il passera sous le lac à la Truite, qui approvisionne en eau propre toute la ville. On ne parle pas d'une grande ville, mais quand même d'une ville que traversera le pipeline.
Quelles recherches ont été faites pour trouver une solution à ces problèmes? Quelle assurance pouvez-vous donner aux gens pour les convaincre que des contaminants, quels qu'ils soient, n'altéreront pas leur principale source d'eau ou leur environnement?
M. Hubbard : C'est précisément l'intention de notre processus de réglementation et d'évaluation environnementale. Il est conçu pour recenser et étudier ces problèmes, pour élaborer des modalités visant à s'assurer que l'environnement peut être protégé tout au long du développement et pour s'assurer que l'infrastructure peut être exploitée et développée en toute sécurité.
Vous faites référence au projet Énergie Est de TransCanada, qui en est au tout début de son processus d'évaluation environnementale et d'examen réglementaire. L'Office national de l'énergie étudiera ces questions.
Au cours des dernières années, nous avons mis en place plusieurs nouvelles mesures de précaution afin de renforcer notre cadre réglementaire, y compris une Loi sur la sûreté des pipelines qui est entrée en vigueur en juin 2016, qui a accru les dispositions sur la sûreté et la responsabilité de la Loi sur l'Office national de l'énergie.
Nous sommes sur le point de créer et d'améliorer une culture de la sûreté concernant le développement des infrastructures dans le cadre de la modernisation de l'Office national de l'énergie, et nous prévoyons mobiliser les Canadiens pour connaître la meilleure façon pour nous d'améliorer ce cadre réglementaire.
La sénatrice Moncion : Vous parlez de mobiliser les Canadiens, mais quels sont vos rapports avec les Autochtones? La plupart des terres dans le Nord de l'Ontario et d'autres provinces appartiennent aux Autochtones. Travaillez-vous avec eux dans le cadre de ce projet précis?
M. Hubbard : La mobilisation et la consultation des Autochtones est un élément important de notre processus réglementaire, tant pour ce qui est de nos efforts pour moderniser l'Office national de l'énergie que pour les projets individuels qui sont proposés et mis en œuvre. Le gouvernement a été clair quant à ses attentes concernant l'entretien et l'amélioration d'une relation de nation à nation.
À mesure que nous progressons, tant pour ce qui est des examens de projets individuels que des examens de nos mesures législatives, nous nous sommes engagés à examiner de quelle façon nous pouvons renforcer davantage notre engagement auprès des communautés autochtones du Canada et intégrer ces points de vue et perspectives non seulement dans l'examen des projets, mais tout au long du cycle de vie de la mise en valeur de l'énergie, depuis la proposition jusqu'à la construction et l'exploitation d'un projet.
Le sénateur Enverga : Merci de votre exposé informatif et détaillé.
Lorsque je consulte la page 10 de votre exposé, je vois de vastes territoires. La partie septentrionale du Canada n'a pas été développée. Elle est fondamentalement inexploitée. Plus de la moitié du Canada n'a pas été exploitée.
D'après vos études, où se trouvent selon vous les sites d'exploitation minière, pétrolière et gazière les plus prometteurs non encore développés dans le Nord du Canada? Est-ce que le corridor proposé dans le Nord que nous étudions en ce moment se situerait suffisamment près de ces sites pour en faciliter le développement? Avez-vous vu quelque chose du genre?
Mme Trombetti : Vous avez raison. Le Nord n'est pas exploité et il présente un vaste potentiel. Si vous prenez les gisements minéraux, vous devez consacrer passablement de temps à l'exploration et à la compréhension de la géologie. Le gouvernement a mis des programmes en place pour examiner les données géoscientifiques et comprendre la subsurface et les endroits où nous pourrions obtenir des types précis de minéraux ou de métaux.
Le Nord offre un vaste potentiel, mais l'industrie dépend de plusieurs aspects pour être concurrentielle. La compétitivité décidera de l'endroit où les projets seront mis en œuvre, où les projets de mise en valeur des minéraux se trouveront.
Il est difficile de dire en ce moment à quel endroit précis devrait se trouver un corridor national, parce qu'il y a d'autres facteurs dont il faut tenir compte quant aux projets qui obtiendront le financement, qui seront souterrains et deviendront des mines en exploitation.
Le transport est un aspect clé de ce qui constituera le moteur de ce développement. Il y a aussi l'attraction des investissements, le régime réglementaire, l'imposition, la disponibilité de main-d'œuvre et la teneur du minerai extrait. Il s'agit d'un système ouvert où vous avez des sociétés d'exploration qui font de l'exploration en fonction des connaissances géoscientifiques publiques produites par le gouvernement au titre d'un bien public de façon à ce que ces sociétés puissent se concentrer sur les endroits où elles font de l'exploration.
L'endroit où se trouvent les gisements est un aspect; par contre, l'endroit où il est réaliste de les mettre en valeur est autre chose. Il est très difficile de dire que la majeure partie de la mise en valeur se fera dans une partie précise du Nord au cours des prochaines décennies, parce que cela dépend de la faisabilité économique.
Le sénateur Enverga : Je comprends cela. Compte tenu des récentes répercussions des changements climatiques dont nous entendons parler, y a-t-il maintenant plus de possibilités ou y a-t-il des ressources disponibles dans le Nord que nous pouvons exploiter? Avez-vous constaté des changements dans la disponibilité de ces ressources, compte tenu des changements climatiques?
Mme Trombetti : L'exploration devient de plus en plus facile. Cela débloquera éventuellement plus de zones pour l'exploration. Plus vous explorez, plus vous êtes susceptible de trouver un gisement que vous mettriez en valeur et qui deviendrait une mine en exploitation.
Le sénateur Tannas : Merci d'être venus. Premièrement, permettez-moi de dire qu'il est réconfortant pour moi de rencontrer des gens au gouvernement fédéral qui ont effectivement pensé à cela. Je vous suis reconnaissant de vos réponses à la question précise que nous posons, au lieu de nous présenter une sorte de diaporama sur votre ministère et toutes les choses que vous faites, ce qui est bien; je ne veux pas le dénigrer. Vous avez déployé de réels efforts pour répondre aux questions que nous vous posons, et je vous en remercie.
Nous arrivons au point où nous devons formuler des recommandations. Nous pouvons dire qu'il est inutile d'étudier cette idée davantage, ou nous pouvons suggérer qu'elle mérite une étude plus approfondie avant que quelqu'un puisse vraiment se prononcer dans un sens ou dans l'autre. Les témoignages, y compris les vôtres aujourd'hui, nous ont appris qu'il n'y a pas vraiment eu d'étude importante, qu'aucun modèle financier n'a été monté, qu'il n'y a rien qui puisse nous dire qu'il s'agit ou non d'une bonne idée.
Je veux vous poser une question et peut-être vous mettre un peu mal à l'aise. La nécessité aujourd'hui d'un corridor axé sur les pipelines nous a certainement rappelé que nous devrions examiner ce sujet sous l'angle du transport ferroviaire des minéraux et des céréales, ainsi que des produits destinés de toute évidence aux ports océaniques, et qu'il n'est pas nécessaire qu'ils traversent et engorgent les grandes villes.
Si les Premières Nations s'étaient regroupées et avaient formulé une proposition d'un corridor traversant le pays qu'elles exploiteraient, serions-nous ici aujourd'hui à hocher de la tête, et dirions-nous quel magnifique enjeu; voilà qui règle l'un des plus importants problèmes que nous avons à faire avancer quoi que ce soit?
Ce que nous avons entendu, c'est que l'initiative des grands projets des Premières Nations, le Conseil de gestion financière des Premières Nations, aimerait vraiment beaucoup participer aux premières étapes d'une véritable étude de faisabilité. Si nous et le gouvernement formulons la bonne recommandation, nous pourrions effectivement voir naître une proposition amorcée, produite et sanctionnée, un plan dirigé par les Premières Nations où elles seraient en effet le promoteur et le responsable d'un grand corridor.
Je vous ai donné les paramètres. Selon vos avis respectés, quelles recommandations devrions-nous faire? Devons-nous étudier davantage? Cette étude devrait-elle comprendre les Premières Nations qui ont déjà mis leurs mains en l'air et dit qu'elles aimeraient un leadership important, sérieux des Premières Nations pour étudier cela davantage? Ou encore, devrions-nous dire que la question a été suffisamment étudiée? Nous avons vu les prévisions. Étant donné que le chemin de fer et le pipeline sont les deux principaux éléments que nous voyons, dites-vous que nous devrions tout simplement abandonner? Qu'en pensez-vous?
M. Hubbard : Je vais commencer, puis Stefania vous fera part de ses points de vue également.
Pour ce qui est de votre question précise au sujet de savoir si un corridor national pourrait ou non résoudre nos besoins immédiats en infrastructure pour l'énergie, nous ne le voyons pas comme une possibilité dans l'immédiat. Étant donné les échéanciers qu'il faut pour développer cette infrastructure et l'échéancier dans lequel cette infrastructure est nécessaire, une approche de corridor national serait trop longue pour effectuer les consultations nécessaires, puis présenter les projets individuels précis. En ce qui concerne les besoins à plus long terme, les discussions quant à l'orientation que prend l'avenir énergétique du Canada et quels sont les besoins en infrastructure, il y a probablement une possibilité.
Il y a aussi des éléments concernant l'approche du corridor qui pourraient être intégrés au système actuel. Nous procédons en ce moment à un examen de l'Office national de l'énergie. Certains des avantages que je vois à une approche de corridor comprennent l'engagement et le leadership directs du gouvernement fédéral pour déterminer où l'infrastructure est nécessaire et pour mobiliser les groupes d'intervenants en cause, plutôt que de laisser toute cette mobilisation aux promoteurs et au secteur privé.
Il y a probablement de la place pour que le gouvernement fédéral joue un rôle plus actif plus tôt dans l'élaboration d'activités, la mobilisation du public et la mobilisation des Autochtones. Nous pouvons mieux faire et examiner des façons d'intégrer tout cela à notre système actuel.
Il est très difficile de regarder l'avenir. Nous avons des corridors qui ont été approuvés et qui remontent, si vous prenez le cas du Nord, aux années 1970 en ce qui concerne le tracé du gazoduc de la route de l'Alaska. Nous avons pris des décisions par l'entremise de traités et de mesures législatives pour mettre en place un corridor, mais la réalité est que les types de marchés ont tellement évolué que l'infrastructure est encore à construire.
Nous pourrions investir des sommes d'argent considérables maintenant pour étudier et élaborer des options de tracés possibles. Nous n'en savons tout simplement pas suffisamment en ce qui concerne l'avenir pour déterminer si cet investissement sera rentable.
Mme Trombetti : L'une des parties de votre question porte sur les intervenants et, bien évidemment, la compréhension des répercussions, tant positives que négatives, qu'un corridor pourrait avoir sur les divers intervenants, ce qui est un aspect important pour répondre à cette question.
En tant que personne qui donne des conseils, il est toujours bon de garder des options sur la table. Pour le secteur de l'exploitation des minerais, vous pourriez le faire projet par projet; vous pourriez adopter une voie régionale dans des grappes; ou vous pourriez adopter l'option du corridor. Il vaut la peine d'analyser les avantages et les inconvénients du concept du corridor et de les étudier encore plus. Quels sont ses avantages et ses désavantages? Quelles seront les répercussions sur les collectivités? Quels sont les coûts de renonciation si vous retirez cette option de la table?
Pour répondre à votre question, lorsque nous examinons le marché des produits minéraux, c'est semblable à ce que Terry a dit au sujet de l'exploitation pétrolière et gazière. Il est vraiment difficile de savoir ce dont le marché aura besoin dans 50 ans d'ici. De nombreux facteurs ont une incidence sur les produits en grande demande.
Nous faisons toujours des hypothèses et il y a des hypothèses dont nous ne tenons peut-être pas compte et qui accaparent un marché et l'amènent dans une direction que nous n'avions pas prévue. Il est difficile de comprendre où se situera le marché. Nous savons qu'habituellement, en ce qui concerne les produits généraux, nous essayons de faire augmenter les exportations. Nous essayons d'accroître ce qui sort du pays. Il est important d'examiner toutes les options et de vraiment comprendre les répercussions de chacune d'elles.
Le sénateur Wetston : Divulgation complète : je travaillais auparavant pour l'Office national de l'énergie. Je me sens modernisé.
Je veux vous faire une suggestion, si vous le permettez, et savoir ce que vous en pensez. J'ai œuvré dans le secteur de l'énergie pendant bon nombre d'années et j'ai personnellement participé à plusieurs efforts de modernisation.
Qu'est-ce qui est différent aujourd'hui par rapport aux 73 000 kilomètres de pipeline qui ont été construits au Canada? Je pense que c'est 73 000 kilomètres. Je veux vraiment me concentrer sur ce concept du corridor afin de comprendre l'orientation de certaines de vos observations au sujet du processus équitable des évaluations environnementales, et de la modernisation de l'Office national de l'énergie pour qu'il offre une expertise suffisante dans les intérêts régionaux.
Ma propre expérience est que nous avons eu beaucoup de cela lorsque nous avions des audiences devant l'ONE sur pratiquement chaque question pour délivrer un certificat d'utilité publique. J'essaie de comprendre votre réaction à ce processus et j'essaie de me tenir loin d'une partie du contenu médiatique.
J'essaie de me concentrer sur ce corridor et je comprends vos points de vue à ce sujet. Lorsque je remonte à l'époque du pipeline de la vallée du Mackenzie, ce ne sont pas les études et les discussions et les audiences constantes qui manquaient. Il n'a jamais été construit. Vous pourriez peut-être me dire pourquoi dans un instant.
J'en arrive à ma question. Cela fait partie de la question. Est-ce qu'un corridor empêcherait les investissements du secteur privé dans le secteur des ressources naturelles au Canada?
Le sénateur Day : Est-ce en supposant que le corridor est construit par le gouvernement?
Le sénateur Wetston : Je ne pense pas qu'il puisse l'être, mais supposons qu'il est construit par le gouvernement. Merci.
M. Hubbard : Il y a plusieurs questions. Premièrement, pour ce qui est de ce qui a changé dans le cas de l'Office national de l'énergie, à l'échelle internationale, beaucoup de gens se tournent vers le Canada et ce que nous faisons dans notre cadre réglementaire. Selon eux, nous faisons un bon travail par rapport aux normes internationales. Nous avons une très grande capacité technique et une très grande expertise, et nous tenons des audiences corsées.
L'aspect fondamental qui a changé est, premièrement, les attentes du public et, deuxièmement, nos obligations envers la mobilisation et la participation des Autochtones à ces projets et activités, ce qui constitue une nouvelle responsabilité qui évolue et qui a évolué considérablement au cours de la dernière décennie. Ces deux aspects seront un point crucial des activités de modernisation dans l'avenir.
Pour ce qui est du projet de pipeline de la vallée du Mackenzie, vous avez raison. Il a été étudié en long et en large. Essentiellement, lorsqu'il était question de prendre une décision pour savoir si l'on construisait ou non ce projet, ce sont les réalités du marché et la question de savoir s'il y avait un besoin du marché pour ce gaz à l'époque, à un prix qui paierait pour cette infrastructure dans l'avenir. À l'heure actuelle, compte tenu de l'évolution du prix du gaz de schiste que personne n'a vu venir, nous sommes inondés de gaz en Amérique du Nord. Étant donné qu'il est disponible à des endroits plus près du marché, il n'existe tout simplement aucun facteur de marché pour investir à ce moment-ci.
Sur la question de savoir si l'ouverture d'un corridor national aurait pour effet de différer l'investissement par le secteur privé, je pense que les études environnementales et le concept de corridor pourraient, dans un premier temps, décourager l'investissement privé, mais au final, c'est le secteur privé qui a tout de même les compétences et l'aptitude nécessaires pour développer un tel corridor. Et puis, nous devrons nous poser une question fondamentale, celle de savoir si le gouvernement saura choisir le bon tracé susceptible de répondre aux besoins des différents marchés.
Le président : Quel est le budget de votre ministère?
M. Hubbard : Je vais devoir vous communiquer plus tard les chiffres exacts.
Le président : Je n'ai pas besoin de chiffres précis, donnez-moi simplement une idée générale.
M. Hubbard : Je dirais qu'il oscille autour des 2 milliards de dollars, dont une grande partie est constituée de fonds de transfert. Par exemple, nous percevons des redevances de l'exploitation pétrolière et gazière au large et nous les transférons aux provinces de l'Atlantique.
Le président : Et vous ne pensez pas qu'il vaudrait la peine de consacrer 800 000 $ afin de déterminer si un corridor passant par le Nord est une bonne idée?
M. Hubbard : Nous étudions activement la chose et, comme je l'ai dit, nous collaborons avec l'Université de Calgary. Je sais que des fonctionnaires et certains de mes homologues en Alberta, dans les Territoire du Nord-Ouest et au Yukon étudient aussi la possibilité de faire passer le corridor de transport de l'énergie par le Nord.
Ils sont en train d'examiner et d'analyser différentes régions possibles. Nous étudions cette question sous divers angles en vue de parvenir aux objectifs que nous nous sommes fixés. Nous avons eu l'occasion de recueillir l'avis des différents intervenants, notamment de l'Université de Calgary et d'autres parties liées à la modernisation de l'Office national de l'énergie, cela pour déterminer si ce genre d'approche vaut la peine d'être étudiée dans le cadre de notre nouvelle démarche réglementaire.
Le président : À côté de quoi est-on passé dans les recommandations de l'Office national de l'énergie au sujet du pipeline de l'Est? Pourquoi doit-on recommencer?
M. Hubbard : Tout cela est essentiellement dû au fait que les trois anciens membres indépendants de la Commission d'examen du projet Énergie Est ont décidé de se récuser du processus à cause d'allégations concernant les rencontres qu'ils avaient eues. À la suite de leurs décisions, il a fallu nommer d'autres membres pour poursuivre l'étude de ce projet et leur demander de reprendre toute la démarche depuis le début afin de déterminer s'ils seraient à l'aise pour poursuivre dans la même veine.
Le président : Je viens de la Saskatchewan et j'ai pour voisin l'Alberta. Le pétrole et le gaz sont très importants pour nous. Nous voyons bien ce qui se passe chez nos voisins du Sud. Nous suivons la situation depuis quelques années déjà et force est de constater que les États-Unis vont être notre concurrent. Non seulement ils vont devenir autonomes, mais en plus, je crois qu'ils seront notre concurrent pour l'exportation de gaz.
Pendant ce temps, nous restons là, sans rien faire et nul ne sent l'urgence d'acheminer le pétrole en toute sécurité vers l'Est du pays, à part de le transporter par chemin de fer, ce dont nous parlons, je pense, depuis une trentaine d'années, mais en vain. La situation est devenue urgente parce que nous n'aurons plus de débouchés dans le Sud si les Américains n'ont plus besoin de nous.
Ressentez-vous un sentiment d'urgence du côté de votre ministère et au sein du gouvernement? Moi pas, mais je suis peut-être insensible.
M. Hubbard : Tout d'abord, je dois préciser que moi aussi je viens de la Saskatchewan.
Le président : Parfait. Alors, vous avez, vous aussi, besoin de montrer votre fougue.
M. Hubbard : Je viens d'une petite ville au sud de Regina et je sais que toutes ces questions sont importantes pour les résidents de l'Ouest à cause des emplois et des débouchés économiques que procurent ces industries.
Nous sommes conscients de la nécessité de se doter de nouvelles infrastructures pour appuyer l'industrie pétrolière et gazière dans l'avenir. C'est sans doute le principal problème dont nous nous occupons au ministère depuis 10 ans. Nous avons lancé un certain nombre d'initiatives par le truchement de RNCan : pour appuyer la construction future d'une infrastructure responsable; pour mettre en œuvre les efforts de modernisation réglementaire en vue d'améliorer nos relations avec les peuples autochtones; pour améliorer les systèmes de sécurité et de sûreté des transports, tant maritimes que par pipeline. Voilà beaucoup d'activités entreprises ces dernières années pour régler les problèmes qui entravent le développement des infrastructures au Canada. Plus récemment, nous avons adopté un cadre pancanadien pour régler une partie des préoccupations environnementales entourant les activités de mise en valeur du pétrole et du gaz, celles qui interviennent en amont.
Nous avons mené un effort concerté pour régler tous ces problèmes sur lesquels nous nous concentrons. La question de l'accès au marché demeure une priorité fondamentale pour nos collègues de l'industrie.
Si, dans les tribunes publiques, il a surtout été question de pétrole, vous avez raison de parler du gaz naturel qui revêt de plus en plus d'importance ces jours-ci étant donné que les États-Unis sont en train de devenir autonomes et que le Canada devra trouver d'autres marchés pour écouler sa production de gaz, non seulement pour favoriser la croissance de notre production dans l'Ouest, mais aussi pour maintenir les actuels niveaux d'emploi et d'investissement dans l'industrie. Le GNL pourrait occuper une place prépondérante à cet égard.
Le président : Nous fêtons notre 150e anniversaire et il est important que les gens se rappellent ce qui a présidé à la naissance de deux compagnies ferroviaires, le CN et le CP. Ce sont deux réseaux ferroviaires qui ne mènent actuellement nulle part. Il y a eu tout un débat à l'époque pour savoir s'il fallait ouvrir cette voie ferrée. Il y a donc de quoi louer les deux grands premiers ministres qui ont décidé que la construction de chemins de fer dans l'Ouest serait une très bonne idée. Nous allons devoir faire preuve d'un peu de vision quant à la façon d'acheminer nos ressources naturelles.
Il nous faut aboutir. Nous pouvons toujours étudier le problème jusqu'à plus soif, mais nous savons qu'à la faveur de l'augmentation de la densité de population dans le Sud, il sera de plus en plus difficile pour nous d'y faire passer un pipeline. Voilà pourquoi nous avons tant de difficultés avec Montréal. Si le tracé passait par le Sud, nous traiterions avec les Premières Nations, ce qui serait beaucoup plus facile que de composer avec Montréal, parce que les Autochtones, disons-le, ont besoin des retombées économiques.
Je n'ai pas d'autres questions. Je voulais mettre ça sur la table pour vous faire travailler un peu par la suite. J'ai été enseignant.
Merci beaucoup pour vos exposés. Nous allons accueillir un autre groupe de témoins. Malheureusement, je dois partir à midi. Comme nos témoins précédents viennent de loin, je n'ai pas voulu écourter leurs témoignages. Larry Campbell étant le plus ancien ici, également le plus vieux à part moi, je zlui cède le maillet. Le sénateur Day doit également s'en aller.
Le sénateur Campbell : J'ai une réunion, mais merci pour votre confiance.
Le président : Nous poursuivons notre étude, en vue d'en faire rapport, sur la création d'un corridor national au Canada afin d'améliorer et de faciliter le commerce et les échanges intérieurs.
J'ai le grand plaisir d'accueillir, de la Nunavut Resources Corporation, Scott Northey, chef de l'exploitation. Merci de vous être déplacé, monsieur Northey. Je vous invite à entamer vos remarques liminaires, après quoi nous passerons aux questions.
Scott Northey, chef de l'exploitation, Nunavut Resources Corporation : Monsieur le président, mesdames et messieurs, merci de me donner l'occasion de prendre la parole aujourd'hui.
Comme le président l'a indiqué, je m'appelle Scott Northey et je suis le chef de l'exploitation de la Nunavut Resources Corporation, ou NRC. La NRC appartient entièrement à la Kitikmeot Inuit Association, l'association la plus à l'ouest des trois associations régionales inuites créées en 1993 en vertu de l'Accord sur les revendications territoriales du Nunavut.
J'ai préparé des notes à partir d'échanges que j'ai eus avant de venir ici, des notes qui sont utiles pour fournir un contexte, mais je me propose de ne pas m'en tenir à mon texte et de vous expliquer les raisons pour lesquelles les Inuits sont tellement intéressés et emballés par le projet de construction de la route et du port de Grays Bay.
Les notes d'information que je vous ai fait remettre d'avance expliquent la façon et les raisons pour lesquelles les Inuits en sont arrivés à la conclusion qu'ils devaient se fixer comme objectif stratégique d'être propriétaires de ce projet. Elles présentent aussi, mais dans une moindre mesure, les raisons pour lesquelles les Inuits étaient parfaitement positionnés pour profiter des occasions que représente le projet de construction de route et de port de Grays Bay. En fait, il n'y avait aucun propriétaire désigné et les Inuits ont sauté sur l'occasion pour devenir ce propriétaire, suivant leur modèle d'entreprise.
Il s'agit d'un projet de 485 millions de dollars qui consiste à construire une route de 235 kilomètres, de la mine Jericho, non loin de la frontière entre le Nunavut et les Territoire du Nord-Ouest, jusqu'au port de Grays Bay, dans le golfe Coronation.
Je vais d'ailleurs vous parler davantage de ce projet. Selon moi, il est un microcosme de la proposition de corridor que vous étudiez actuellement, principalement parce qu'il traverse tout un territoire autochtone et qu'il faut négocier la participation des groupes autochtones. Nous avons peut-être notre modèle à vous proposer et je pourrais vous citer d'autres exemples pour alimenter vos réflexions.
La différence, dans notre cas, c'est que ce corridor est tout à fait nouveau. Il ne s'inscrit pas en complément de couloirs déjà existants. Il n'existe rien à l'heure actuelle. Si vous jetez un coup d'œil sur la carte dressée par l'Université de Calgary, vous constaterez l'absence totale d'axes routiers dans le territoire du Nunavut. Notre route est donc tout à fait nouvelle et nous estimons que, ce faisant, ce projet va véritablement transformer la région, le territoire et le pays.
L'une des principales caractéristiques de ce projet tient au fait que nous le considérons comme un partenariat historique entre les Inuits, le gouvernement et l'industrie. Curieusement, c'est le modèle d'entreprise inuite qui a servi de fondation à ce partenariat. Au stade actuel du projet, nous sommes le liant qui tient le tout ensemble.
Je vais vous expliquer pourquoi la perspective de devenir propriétaires intéresse les Inuits. Comme je vous l'ai dit, les notes d'information que je vous ai fait remettre expliquent comment nous en sommes arrivés à conclure qu'il nous fallait devenir propriétaires. Je vais vous expliquer pourquoi cette formule est particulièrement attrayante pour nous et en quoi elle pourrait s'appliquer aux autres groupes autochtones qui envisagent de participer à la création du corridor proposé.
Premièrement, cette route et ce port vont donner la possibilité d'explorer ce qu'on appelle la province géologique des Esclaves. Elle est comparable à la province géologique de l'Abitibi qui chevauche la frontière entre l'Ontario et le Québec et qui, comme beaucoup le savent, est devenue — depuis sa découverte, au tournant du siècle dernier — le site de plus de 100 mines en production.
La province géologique des Esclaves présente un potentiel identique pour les mines d'or, de métaux précieux, de diamants, d'uranium et de métaux de base. L'ouverture de cette région géographique est le principal motif qui sous-tend le raisonnement économique et les recommandations de l'étude réalisée par David Emerson au sujet de la Loi sur les transports au Canada. Cette étude estime qu'un corridor allant de Yellowknife au golfe Coronation, dont une grande partie correspondrait au tracé de notre route, serait la meilleure façon d'ouvrir un corridor au Nunavut.
L'auteur de l'étude estime que le coût envisagé de 2 milliards de dollars se solderait par plus de 40 milliards de dollars de retombées pour le pays. Voilà l'un des principaux aspects qui a retenu notre attention. Au sein de cette province, et là encore, vous trouverez des explications à ce sujet dans notre mémoire, il existe de vastes étendues de terres détenues par les Inuits et qui avaient été remises à mes actionnaires en vertu de l'Accord sur les revendications territoriales du Nunavut. Ma note d'information vous explique tout cela.
Les Inuits ont un véritable intérêt à ce que ces propriétés soient mises en valeur. Elles ont été sélectionnées pour leur potentiel géologique. Ils ont donc un intérêt direct à faire en sorte que leurs terres soient mises en valeur pour qu'ils en récupèrent des bénéfices. Voilà pour le point de vue macro.
Quant au point de vue micro, il faut savoir que les Inuits considèrent que ce projet présente des opportunités à plusieurs niveaux sur les plans traditionnels des emplois, de la sous-traitance et des débouchés commerciaux. Tout d'abord, il y aura la construction et l'exploitation des infrastructures. Comme cette exploitation s'inscrira dans la durée, on ne parle pas d'une fenêtre limitée dans le temps. Des entreprises s'occuperont du soutien de l'exploitation, comme des entreprises de camionnage, de maintenance du matériel lourd et ainsi de suite.
Nous entrevoyons d'énormes débouchés pour les nouvelles entreprises qui viendront appuyer les activités d'exploration minière rendues possibles par la construction de ces infrastructures.
D'autres débouchés commerciaux découleront de l'abaissement du coût d'approvisionnement des communautés du nord. En hiver, nous envisageons d'ouvrir un réseau de routes de glace pour ravitailler directement les communautés plutôt que d'avoir à le faire par la voie des airs. La belle saison sera beaucoup plus longue, puisqu'il sera possible de transporter des marchandises par camions jusqu'au port pour les embarquer sur des barges, plutôt que d'avoir à attendre l'ouverture de la saison de navigation, en septembre.
Ce projet est aussi la porte ouverte à davantage de possibilités en matière de renforcement des capacités. Les emplois offerts seront de longue durée. Pour le moment, une grande partie de la formation est axée sur les débouchés à court terme. C'est, par exemple, le cas du programme de forage qui a été mis en place il y a trois ans. Douze diplômés en sont sortis. Cependant, au moment où ils ont terminé ce cours, tous les débouchés avaient disparu. Nous estimons que tel ne sera pas le cas avec ces infrastructures et c'est l'une des raisons pour lesquelles nous voulons appuyer le projet.
L'accroissement du nombre d'emplois et du niveau d'activité commerciale favorisera l'ouverture de services professionnels dans certains hameaux. Tel n'est actuellement pas le cas. Tous les services sont offerts à partir de Yellowknife. Selon nous, si les Inuits ne se montrent pas prédisposés à intégrer les professions libérales, c'est notamment parce qu'ils en ignorent tout pour n'avoir jamais vu de professionnels dans leur entourage. Cela étant, ils n'ont aucune aspiration à devenir professionnels eux-mêmes, compte tenu de là où ils vivent.
Il y a toute une multitude d'autres raisons secondaires pour lesquelles ce projet nous intéresse, mais la grande raison est que les Inuits auront la possibilité de se doter d'un patrimoine commun. Ce patrimoine, ce capital richesse sera constitué à partir des droits d'utilisation liés à la fréquentation de la route et des installations portuaires. Évidemment, les fonds recueillis serviront d'abord à couvrir les coûts d'exploitation et de maintenance des infrastructures et à rembourser d'éventuelles dettes contractées auprès de tierces parties pour construire la route. Tout ce qui ne sera pas prélevé par ailleurs sera accessible aux Inuits. L'argent sera versé dans leur fiducie et sera géré par des fiduciaires plutôt que d'être confié aux politiciens.
La gouvernance existe déjà pour administrer ces fonds. Grâce à ce patrimoine richesse, les Inuits seront en bien meilleure position pour présider à leur destinée et se doter des programmes qui leur seront bénéfiques.
Quant aux questions émotionnelles liées à la faune, on a reproché à notre actionnaire d'être en faveur du développement, tandis qu'en réalité, il est contre la pauvreté et la dépendance. Il est intimement persuadé de pouvoir parvenir à réaliser un équilibre entre deux objectifs opposés, celui de la conservation, d'une part, et celui du développement, d'autre part.
Afin de vous replacer un peu en contexte sur ce plan également, sachez que nous avions adressé une demande au Fonds Chantiers Canada sous le gouvernement précédent pour financer jusqu'à 75 p. 100 de nos coûts de 485 millions de dollars, en 2015. Nous attendions une annonce ou un engagement quand les élections ont été déclenchées. Nous sommes donc en pleine expectative et attendons que le nouveau gouvernement élabore ses programmes. Nous pensons être très bien placés pour bénéficier de ces nouveaux programmes, quels qu'ils soient. Nous serions heureux de bénéficier de votre appui et de votre aval dans ce que nous essayons de faire.
Je vais reprendre mes notes, parce qu'il est important de parler des quelques points clés que j'ai consignés sur la foi de notre expérience et qui expliquent ce que nous voulons faire.
Je reprends à l'avant-dernier paragraphe complet pour vous donner une idée de la situation actuelle et de là où nous en sommes. Nous avons achevé la configuration de la route et la conception de la station portuaire de concert avec le gouvernement du Nunavut. Nous avons également commencé l'évaluation environnementale et l'examen réglementaire du projet. Nous avons terminé la première phase de mobilisation communautaire dans notre région, et le soutien accordé au projet est énorme en raison des possibilités qu'il représente.
Je veux vous laisser sur une image. Nous sommes en train de nous consulter entre nous. Il ne s'agit pas de l'industrie qui consulte les groupes autochtones, mais des groupes autochtones qui se consultent entre eux. Imaginez le changement de dynamique que cela occasionne. Je l'ai constaté de visu quand j'ai visité des communautés, en décembre dernier, pour parler du projet.
Les Inuits sont convaincus qu'il est possible de gérer les enjeux liés à l'environnement et à la faune dans le respect de valeurs si l'on fait appel de façon attentive et respectueuse à leur créativité et à leurs connaissances traditionnelles, de même qu'aux connaissances scientifiques sur la question. Cela s'est retrouvé au cœur de toute cette initiative.
Pour votre information, j'ai rédigé quelques éléments qui se dégagent du parcours parfois long et sinueux qui nous a menés jusqu'ici.
Premièrement, la participation autochtone aux actifs d'un projet de développement d'infrastructure favorise l'acceptabilité sociale nécessaire à sa réalisation.
Deuxièmement, la présence d'un groupe autochtone comme propriétaire ou promoteur d'un projet est la meilleure façon de gérer les répercussions de tout développement sur les groupes autochtones. Ce sont en effet ces groupes qui sont les mieux placés pour consulter leur population, comme nous l'avons fait à la faveur de notre processus de mobilisation communautaire en décembre.
Troisièmement, les groupes autochtones permettent de toucher des fonds fédéraux auxquels les promoteurs du secteur privé n'ont pas accès. Ce mécanisme nous a permis d'instaurer un partenariat avec l'industrie et avec le gouvernement.
Quatrièmement, le processus de détermination de la propriété ne devrait pas dépendre uniquement du montant d'argent investi, mais devrait faire entrer en ligne de compte les investissements en nature, la contribution personnelle et une certaine reconnaissance de la valeur de l'agrément social à l'égard du projet.
Cinquièmement, la possibilité d'acquisition par des Autochtones ne sera jamais un processus simple et facile. Si vous avez lu notre note, vous saurez pourquoi je dis cela. Il nous a fallu six ans pour en arriver là où nous en sommes actuellement.
Sixièmement, les groupes autochtones correctement dotés d'expertise commerciale, juridique et comptable et renseignés sur les marchés financiers sont le mieux placés pour évaluer les avantages de la propriété ou régler les difficultés qui y sont associées.
C'est ce qui conclut mon exposé formel. Je vous remercie encore une fois de m'avoir permis de m'adresser à vous. Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions sur l'un ou l'autre aspect de ce que nous faisons ici.
Le sénateur Enverga : Merci de votre exposé.
Nous parlons du développement du corridor nord. Je ne crois pas qu'il ira jusqu'au Nunavut. D'après vous, est-ce que cela facilitera le développement au Nunavut?
M. Northey : Le corridor proposé peut être analysé sous différents angles. Actuellement, tout va d'est en ouest. Nous savons qu'il existe deux corridors est-ouest : TransCanada et Yellowhead. C'est excellent pour le commerce interprovincial. Du côté de l'accès aux marchés d'exportation, je ne vois pas très bien comment vous allez vous en sortir.
Dans le port de Vancouver, il y a au moins 25 à 30 navires à la recherche d'un poste d'amarrage. J'ai déjà travaillé pour le port dans le passé. Il fonctionne au maximum de sa capacité, et il n'y a pas d'autre possibilité d'expansion. À Prince-Rupert, il y a encore un peu de place.
Il faut s'intéresser à d'autres ports. Notre port du nord a l'avantage d'offrir une soupape de sécurité et de pouvoir absorber les énormes augmentations de circulation à prévoir pour accéder aux marchés asiatiques.
Grâce à l'ouverture du Passage du Nord-Ouest, provoquée par le changement climatique, qui est très réel au Nord, les possibilités se multiplieront d'expédier vers les marchés d'exportation des marchandises venues du Sud par le port et par la route qui y mène.
Le sénateur Enverga : Je ne sais pas comment cela pourrait se faire, mais est-il possible de prolonger le corridor du nord plus loin au nord pour qu'il soit plus près des ressources du Nunavut? Y a-t-il une possibilité de ce côté-là ou peut-être pourrait-on créer une autre passerelle vers le corridor du nord? Y avez-vous réfléchi?
M. Northey : Non. Actuellement, nous sommes reliés indirectement au système routier de TransCanada par Yellowknife. La partie asphaltée praticable en tout temps commence au nord de Yellowknife et devient une route d'hiver jusqu'aux mines de diamant.
Il y a une route d'hiver qui se prolonge au-delà jusqu'à la mine Jericho, qui est le terminus de la route proposée vers le sud. Les Territoires du Nord-Ouest envisagent de transformer leurs routes de glace en routes asphaltées praticables en tout temps. C'est ce projet de routes praticables en tout temps dans la vallée du Mackenzie qui est envisagé, mais aussi des routes praticables en tout temps menant à notre port.
Le problème du corridor de la vallée du Mackenzie est que beaucoup de discussions ont pour fondement l'exploration pétrolière et gazière. Comme l'ont signalé les témoins antérieurs, il n'y a pas de possibilités d'exploration à l'heure actuelle. Les avantages économiques de l'autoroute de la vallée du Mackenzie se limiteront à l'accès qui sera offert à la collectivité, ce qui n'est pas rien, mais les possibilités économiques ne sont pas aussi importantes actuellement qu'elles ont pu l'être auparavant.
Le sénateur Patterson : Je mesure ma chance de faire partie du comité aujourd'hui. Je tiens à dire à mes collègues sénateurs que je suis très enthousiasmé par ce projet de construction d'une route et d'un port à Grays Bay. C'est la première liaison avec le système routier nord-américain pour le Nunavut, où il n'y a encore ni routes ni ports.
C'est seulement la deuxième liaison avec le système routier nord-américain pour le territoire depuis le programme Diefenbaker d'établissement de voies d'accès aux ressources, qui a permis de relier Dawson City et Inuvik dans les années 1960. C'est un projet emballant pour le Nunavut.
On demande au gouvernement du Canada d'investir aux alentours de 400 millions dans ce projet de 500 millions de dollars. Le gouvernement du Nunavut en a fait une priorité. Les Inuits construiront cette route et en profiteront. Qu'est-ce que le Canada a à y gagner? Pourquoi le gouvernement du Canada investirait-il de l'argent dans ce projet? Quelles en seront les retombées pour les contribuables canadiens qui subventionnent 90 p. 100 du budget de 1,9 milliard de dollars du Nunavut pour les programmes sociaux et le coût de la vie? Qu'est-ce que le Canada retirera de cet investissement?
M. Northey : Il y a un effet multiplicateur. Il existe des possibilités énormes pour le Canada, par exemple en termes de recettes fiscales. Premièrement, l'augmentation de l'activité économique au Nunavut donnera lieu à des recettes fiscales, à l'échelle des entreprises et à l'échelle des simples contribuables, qui n'existent pas actuellement. Deuxièmement, on aura besoin, pour alimenter certaines activités économiques, de beaucoup de biens et de services qui n'existent pas sur place et qui devront être produits ailleurs, notamment dans le Sud du Canada.
Il y aura d'énormes possibilités de transport. Edmonton a des chances d'en profiter massivement puisque c'est la porte du Nord. C'est la seule route vers l'ouest du Nunavut. Je pense qu'Edmonton sera une plaque tournante pour l'activité à prévoir.
Le sénateur Patterson : Est-ce qu'il y a un client pour cette route?
M. Northey : Il y a un client non engagé pour cette route. MMG Canada possède un important gisement de métaux communs, un gisement de zinc appelé Izok Lake. C'est un trou perdu. On espère entre autres que la construction de cette route intéressera ce client et qu'il en sera le premier utilisateur. La valeur de cette exploitation dépasserait les 13 milliards de dollars selon l'estimation actuelle de la durée de vie des mines.
Le sénateur Patterson : Et les mines de diamant des Territoires du Nord-Ouest alimentées actuellement par les routes d'hiver, des routes qui sont en train de fondre?
M. Northey : Les mines de diamant sont une autre possibilité. Merci de le rappeler. Ces mines ne peuvent compter que sur leurs routes d'hiver pour s'approvisionner. Elles investissent 30 millions de dollars par an dans des routes d'hiver qui fondent chaque printemps. Les exploitants considèrent que c'est une chance formidable de réduire leurs coûts d'exploitation en bénéficiant d'un accès en tout temps, puisqu'ils pourraient transporter du matériel vers notre port, l'expédier vers une zone de transit à la mine Jericho, puis utiliser des camions lorsque la route d'hiver sera construite.
Il y aura deux points d'accès, alors qu'il n'y en a qu'un seul actuellement. Notre saison des routes d'hiver sera d'un ou deux mois plus longue que la leur et il y aura donc toujours une soupape de sécurité. Quand le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest fera construire la route praticable en tout temps qu'il envisage de réaliser, les possibilités seront encore plus importantes de trouver d'autres zones diamantifères et d'explorer d'autres gisements dans la région.
La sénatrice Wallin : Je suis entièrement d'accord pour dire que la propriété inuite représente en fait le coût de l'agrément social. Je suis heureuse que vous l'ayez si clairement expliqué. Ne vous méprenez pas sur mes intentions quand je vais poser ma question, s'il vous plaît.
Vous en avez parlé aussi au quatrième point. Comment calculer la valeur de ce permis social au-delà de ce que vous avez déjà dit du prêt d'accession à la propriété et du niveau de subventionnement actuel? Est-ce que vous parlez d'une sorte de valeur ici?
M. Northey : En fait, je peux vous parler de ce qu'il en coûterait de ne pas obtenir l'agrément social, et le pipeline d'Énergie Est en est un exemple flagrant.
On a parlé tout à l'heure du pipeline de la vallée du Mackenzie. C'est à mon avis le meilleur exemple de reconnaissance du genre d'agrément social que des groupes autochtones avaient à offrir pour le succès d'un projet.
Dans ce projet, on a offert 10 p. 100 du capital à des groupes autochtones, point final. Pas d'argent, pas de conditions. Il a été question d'emprunter pour le faire, mais, au final, ils l'ont considéré comme un investissement en nature. Il revenait aux groupes autochtones intéressés de trouver le moyen de se répartir le butin.
D'après moi, les groupes autochtones étaient en général de leur côté. Il y a eu un groupe rebelle, mais il a fini par se ranger pour ne pas passer à côté de l'occasion de gagner de l'argent. Et ils ont surtout acheté la paix et le soutien sans équivoque des groupes autochtones. Comment évaluer cela?
La sénatrice Wallin : C'est faisable au meilleur prix, c'est ce que vous voulez dire?
M. Northey : Oui, c'est bien cela.
Le sénateur Wetston : Pouvez-vous nous parler un peu du problème du prix des produits de base depuis un certain nombre d'années? En quoi ce problème s'est-il répercuté sur certaines des propositions que vous faites au comité?
M. Northey : Je dirai d'abord que je ne suis pas un spécialiste des produits de base. Ce que je sais découle essentiellement de ce que j'ai appris à titre anecdotique, et je vais donc vous parler à titre anecdotique.
Le principal projet qui est censé être le locataire clé est un projet d'exploitation de gisement de zinc. Le prix envisagé quand ils ont entamé l'étude de faisabilité était supérieur à ce qu'était le marché au moment où ils ont terminé l'étude. Ils ont fait des calculs à plus long terme, mais, même à supposer que les prix des produits de base soient légèrement supérieurs à ce qu'ils étaient au creux du cycle, ils n'auraient pas pu réaliser leur projet à cause du coût élevé de l'infrastructure nécessaire à l'exploitation du minerai.
C'est là que nous intervenons. Comme nous avons accès à des capitaux de tiers et à du capital gouvernemental, nous pouvons supprimer cela de leur bilan, puis leur facturer des frais d'utilisation pour améliorer la rentabilité du projet.
C'est la même chose pour l'or. À moins de trouver un gisement proche d'une voie maritime et de pouvoir tout embarquer, la perspective d'avoir à construire une route pour avoir accès au gisement de minerai, surtout depuis cinq ans, n'est pas très engageante, et personne ne s'y est donc risqué.
Le sénateur Wetston : Beaucoup des pipelines du Canada construits il y a des années l'ont été dans le cadre de contrats d'achat ferme. Je crois qu'on n'aurait rien construit sinon.
M. Northey : Effectivement.
Le sénateur Wetston : Est-ce que cela ressemble à ce que vous proposez ici ou est-ce qu'on parle de quelque chose d'un peu différent?
M. Northey : C'est exactement la même chose. L'une de nos difficultés dans le Nord est de trouver des contreparties solvables et d'en trouver assez.
Le sénateur Wetston : J'en ai deux ou trois en tête, mais peut-être pas les mêmes que vous, mais pouvez-vous nous parler de projets autochtones réussis, à votre connaissance, qu'il s'agisse de propriété intégrale ou partielle?
M. Northey : À vrai dire, il ne m'en vient pas à l'idée.
Le sénateur Wetston : Par exemple, Ontario Power Generation a participé à certains projets hydroélectriques. Je tiens à ce que les choses soient claires à ce sujet. Je ne suis pas sûr qu'il s'agisse d'une structure de propriété ou d'une structure de redevances. Il me semble qu'il s'agit de propriété partielle.
M. Northey : Il s'agit d'une structure de propriété.
Le sénateur Wetston : C'est donc un exemple.
M. Northey : C'est un très bon exemple, oui.
Le sénateur Wetston : Il existe des exemples très intéressants au Canada. Je viens du Cap-Breton et j'ai eu la chance de travailler à l'Université du Cap-Breton et à Membertou, un projet de développement économique fructueux dirigé par le chef Terry Paul. C'est un exemple de projet entrepreneurial fructueux. Ce n'est pas de l'ordre de la discussion en cours, mais c'est un exemple de ce qui peut réussir dans le bon environnement. J'en parle simplement à titre d'information.
D'après vous, de quoi a-t-on besoin pour que cela arrive?
M. Northey : J'ai travaillé dans deux cadres différents. Dans le premier, les Inuits se rendaient compte qu'ils manquaient de connaissances et ils ont donc engagé des spécialistes pour les aider. Dans l'autre, j'ai travaillé avec un groupe autochtone qui n'en savait pas plus et qui a décidé d'investir moins dans les gens qu'il a engagés pour lui donner des conseils.
Le gouvernement a un rôle important à jouer dans le dépistage des gens susceptibles de fournir des conseils. L'expression « conseiller financier » est balancée facilement et sans vergogne dans le monde autochtone. En fait, ce dont on a vraiment besoin le plus souvent, c'est de gens qui savent comment fonctionnent effectivement les marchés financiers et comment financer un projet et non pas des gens qui savent si les flux financiers pourraient fonctionner ou à quoi pourrait ressembler le bilan en fin de course.
Il existe des cas où le gouvernement a créé des réserves de conseillers admissibles. S'il faut avancer des fonds pour rémunérer des conseillers, c'est dans cette réserve qu'on puisera. Lorsque PPP Canada a été créé, beaucoup de municipalités ne comprenaient rien à cette notion. On a créé une réserve de conseillers pour aider les municipalités à comprendre le fonctionnement des PPP, et les municipalités ont été autorisées à obtenir du financement gouvernemental pour avoir accès à ces conseillers. Le gouvernement peut jouer un rôle important dans l'avancement de ce genre de projets.
Le sénateur Patterson : La School of Public Policy de l'Université de Calgary a proposé l'idée d'un corridor nord d'est en ouest. L'idée a été proposée il y a 50 ans par Richard Rohmer, je m'en souviens très bien.
La partie nord de ce corridor est-ouest traverserait la forêt boréale de la région sud des Territoires du Nord-Ouest jusqu'à la voie maritime de la vallée du Mackenzie.
Ce qui m'inquiète dans cette proposition, c'est qu'on semble ne pas tenir compte de la riche province géologique des Esclaves, où se trouvent la mine de zinc Isaac Lake et toutes sortes de gisements de métaux communs, de diamant, d'or et de métaux précieux. Selon les estimations, ces gisements sont importants.
Je sais que l'Université de Calgary propose un examen par les pairs universitaires sur trois ans pour étoffer ce projet. Que pensez-vous de cette proposition et serait-elle applicable aux priorités des Inuits au Nunavut?
M. Northey : En fait, comme je l'ai expliqué quand le sénateur Enverga a posé sa question, on n'envisage pas de demander son avis au Nunavut. Il est évident que les Inuits ne feront pas partie de l'équation. J'ai également expliqué que cette liaison est-ouest est excellente pour le commerce interprovincial. Je pense que, en fin de compte, nous avons besoin d'un port. Le port de Vancouver est saturé, et je pense que Rupert n'a plus beaucoup de capacité. Il faut donc trouver un autre port quelque part.
Du point de vue des priorités et de l'édification du pays, je crois que les corridors nord devraient désormais avoir plus d'importance que les liaisons est-ouest, surtout compte tenu des activités portuaires. Si l'on pense à un plan national plus vaste pour la liaison est-ouest, il faudrait envisager de le faire en pièces détachées et d'utiliser les corridors nord pour expédier les marchandises, qu'il s'agisse de Churchill, de Tuktoyaktuk ou de Grays Bay.
Le sénateur Patterson : Avez-vous lu le rapport Emerson sur l'examen de la stratégie de transport au Canada et ce que dit M. Emerson du projet de construction d'une route et d'un port à Grays Bay?
M. Northey : Je le connais très bien. C'est l'un des principaux ouvrages que nous avons pu considérer comme source importante de vérification indépendante de ce que nous essayons de faire.
On y explique que le corridor de Yellowknife au golfe Coronation est le corridor le plus prospère du Nord, et plus précisément du Nunavut. Contre un investissement de 2 milliards de dollars, le Canada peut s'attendre à obtenir jusqu'à 40 milliards de dollars.
Selon le rapport, le gouvernement fédéral devrait prendre les devants et financer immédiatement le projet de construction d'une route et d'un port à Grays Bay. Je peux vous garantir que je n'ai jamais parlé à M. Emerson ni à aucun membre de son groupe. Je n'ai pas influencé leur discussion et je suis très content que ce soit une source de vérification tierce en dehors de mon influence.
Son groupe a estimé que c'était la meilleure solution pour le Nunavut, et c'est pourquoi nous continuons de défendre activement ce projet.
Le sénateur Wetston : Vers où irait cette route de Grays Bay au juste? Je n'arrive pas à voir sur la carte.
M. Northey : Ce n'est pas sur cette carte. Le site du port se trouve à mi-chemin entre ce qu'on appelait auparavant Coppermine, mais qui s'appelle aujourd'hui Kugluktuk, et Cambridge Bay. Cela se trouve sur la partie continentale, et la route va droit au sud, là où se trouve actuellement la mine Jericho. C'est la fin de la route de glace qui va des mines de diamant à l'extrémité du lac Contwoyto.
Le sénateur Wetston : Et combien de kilomètres fait-elle?
M. Northey : Deux cent trente-cinq kilomètres.
Le sénateur Day : Pourriez-vous nous en donner un croquis?
M. Northey : Certainement.
Le président : Nous en avons un ici à faire circuler. Merci, monsieur Northey. Nous vous remercions de votre témoignage.
Chers collègues, nous nous retrouverons jeudi prochain à 10 h 30.
(La séance est levée.)