LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES BANQUES ET DU COMMERCE
TÉMOIGNAGES
OTTAWA, le jeudi 28 septembre 2017
Le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce se réunit aujourd’hui, à 10 h 31, pour son étude sur la situation actuelle du régime financier canadien et international.
Le sénateur David Tkachuk (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Bonjour et bienvenue à mes collègues, à nos invités et aux membres du public qui suivent les délibérations du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce, que ce soit ici même avec nous ou sur le Web. Je m’appelle David Tkachuk, et je préside le comité.
Le 30 juin dernier, le Bureau du surintendant des institutions financières, le BSIF, a publié un préavis après avoir observé une augmentation de l’utilisation des termes « banque », « banquier » et « opérations bancaires » par des fournisseurs de services financiers qui ne sont pas des banques. Le BSIF affirme dans la note d’accompagnement au préavis que les restrictions sur l’usage de ces termes contenues dans la Loi sur les banques s’appliquent à « tous les fournisseurs de services financiers non bancaires, y compris les sociétés de fiducie et de prêt fédérales et les institutions sous réglementation provinciale. Elles s’appliquent également aux fournisseurs de services financiers non réglementés.
Je souhaite la bienvenue aux organisations qui sont venues nous aider à mieux comprendre les coopératives de crédit et l’utilisation des termes « banque », « banquier » et « opérations bancaires » par les fournisseurs de services financiers qui ne sont pas des banques. Je suis heureux d’accueillir Athana Mentzelopoulos, vice-présidente, Relations gouvernementales, et Marc-André Pigeon, vice-président adjoint, Politique du secteur financier, tous deux de l’Association canadienne des coopératives financières. Nous accueillons également Bernard Brun, directeur, Relations gouvernementales, Mouvement Desjardins. Merci d’être avec nous aujourd’hui et de vous être déplacés à si court préavis.
Nous allons commencer par les déclarations liminaires, tout d’abord celle de l’Association canadienne des coopératives financières, après quoi nous passerons à la période des questions. Allez-y, je vous prie.
Athana Mentzelopoulos, vice-présidente, Relations gouvernementales, Association canadienne des coopératives financières : Monsieur le président, membres du comité, je vous remercie de votre invitation à venir témoigner aujourd’hui. Vous m’avez déjà présenté, mais j’aimerais ajouter que je suis en poste depuis moins de trois semaines. Lorsque nous avons comparu devant le comité de la Chambre des communes au début de la semaine, Marc-André était assis à ma gauche, alors je l’ai appelé mon ailier, mais aujourd’hui il sera mon bras droit.
Notre association représente 275 coopératives de crédit et caisses populaires à l’extérieur du Québec. Nos membres offrent une pleine gamme de services financiers à plus de 5,6 millions de Canadiens. Les coopératives de crédit contribuent au PIB du pays pour 6,5 milliards de dollars et créent plus de 58 000 emplois directs et indirects.
Comme leur nom l’indique, les coopératives de crédit sont des coopératives; nos clients sont donc aussi nos propriétaires. Un résultat concret de ce modèle est l’importance accordée au service à la clientèle. En effet, des sondages successifs réalisés par Ipsos-Reid auprès des Canadiens ont révélé que les coopératives de crédit devancent les banques à charte fédérale pour l’excellence du service à la clientèle. C’est le cas depuis 13 ans d’affilée. De même, un sondage réalisé par la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante auprès des propriétaires de petites entreprises a révélé que les coopératives de crédit se classent loin devant les banques pour ce qui est des services offerts aux petites et moyennes entreprises.
Comme le président l’a mentionné, je suis ici pour vous parler de l’usage que font les coopératives de crédit des termes bancaires, et nous sommes heureux que vous vous intéressiez à la question.
Avant de commencer, j’aimerais dire quelques mots au sujet de la solidité financière des coopératives de crédit. Les coopératives de crédit provinciales sont constituées, réglementées et assurées au niveau provincial. Les autorités réglementaires provinciales établissent les normes de solidité et leurs analyses tiennent compte du fait qu’il s’agit d’institutions de dépôt à structure coopérative qui sont très peu exposées aux marchés des changes. Bon an mal an, les coopératives de crédit surpassent les autres institutions au chapitre des prêts de haute qualité. En fait, leurs pertes se sont chiffrées en moyenne à moins de 0,5 p. 100 des prêts totaux au cours des 20 dernières années, comparativement à plus du double pour nos compétiteurs. Nous en attribuons le mérite à ceux à qui nous prêtons, qui sont bien informés, de même qu’aux agents de prêts, qui ont une connaissance intime des conditions locales.
De plus, les coopératives de crédit gèrent naturellement de façon prudente l’argent de leurs membres, car les personnes qui utilisent nos services sont aussi celles qui siègent à nos conseils d’administration. C’est ce même soin attentionné que nous portons à nos membres et à leur argent qui a permis aux coopératives de crédit d’avoir des ratios de levier toujours plus bas que ceux des banques depuis 20 ans. De plus, les coopératives de crédit détiennent habituellement plus de fonds propres que les banques, car elles ne peuvent lever des fonds aussi facilement qu’elles en émettant des actions sur le marché public.
L’assurance-dépôts provinciale offre aux membres des coopératives de crédit des protections égales ou supérieures à celles offertes aux déposants bancaires. De plus, les coopératives de crédit prennent des mesures additionnelles pour s’assurer que chaque dollar est protégé : de 8 à 10 p. 100 des dépôts sont détenus par leurs centrales, et pour plus de sécurité, de nombreuses coopératives de crédit possèdent des marges de crédit auprès d’autres institutions financières.
Si je vous mentionne cela, c’est parce que nous croyons que les arguments que certains avancent sur l’utilisation des termes bancaires reposent sur une idée erronée de la réglementation des entités provinciales. Bien qu’il ne fait aucun doute que l’approche des coopératives de crédit est différente de celle des banques, le résultat est le même, soit protéger les déposants.
Les banques canadiennes peuvent être fières d’avoir traversé la crise financière de 2008 sans incident, tout comme les coopératives de crédit. Aucun membre d’une coopérative de crédit n’a perdu d’argent pendant la crise financière, et aucune coopérative de crédit n’a fait faillite.
Selon nous, la réglementation doit être proportionnelle au niveau de risque. En d’autres mots, l’approche utilisée pour protéger les déposants d’une institution financière locale qui appartient aux coopérants et a recours à un modèle bancaire traditionnel pour offrir des prêts dans l’économie réelle doit nécessairement être différente de l’approche prudentielle utilisée pour une grande banque détenue par des actionnaires, exposée internationalement, et dont les livres sont construits en déplaçant des instruments financiers complexes et potentiellement à haut risque. Dans une telle perspective, le fait d’avoir des approches réglementaires différentes témoigne d’une réponse logique au niveau de risque que présentent deux modèles bancaires très différents.
Les coopératives de crédit étant les seuls concurrents nationaux aux banques à charte fédérale, elles utilisent depuis des décennies le terme « banque » et l’expression « effectuer des opérations bancaires » pour décrire leurs activités et aider les Canadiens à déterminer quelles sont les autres options de services financiers réglementés à leur disposition.
Le paragraphe 983(2) de la Loi sur les banques restreint l’utilisation des termes « banque », « banquier » et « opérations bancaires » par les entités qui ne sont pas des banques, comme les coopératives de crédit. Toutefois, comme les membres du comité le savent, une loi ne se limite pas à son libellé. Dans ce paragraphe de la loi, l’intention du législateur est d’éviter que les consommateurs supposent à tort qu’ils traitent avec une banque lorsque ce n’est pas le cas. Le BSIF a d’ailleurs fait sienne cette intention dans une décision rendue en 2004 :
. . . Puisque l’article 983 de la Loi sur les banques vise principalement à éviter que le public ne suppose, à tort, qu’il traite avec une banque canadienne…
Les coopératives de crédit respectent l’intention de la loi et ont travaillé fort pour gérer leurs activités dans ses limites. Elles utilisent le terme « banque » et l’expression « effectuer des opérations bancaires » depuis des années sans incident parce qu’elles les utilisent de la même façon que les Canadiens, soit pour décrire le genre de transactions qu’ils font à une institution financière réglementée.
En juin dernier, le BSIF a publié un préavis, auquel le président a fait référence, ordonnant aux coopératives de crédit et autres entités non bancaires de cesser d’utiliser ces termes. Il s’agit là d’une décision inusitée pour deux raisons. Premièrement, le préavis ne tient pas compte de l’application sensée que le BSIF faisait de l’article 983 de la Loi sur les banques depuis des décennies. Deuxièmement, il ne tient pas compte de l’intention du législateur, soit d’éviter que les consommateurs ne soient délibérément trompés.
Les coopératives de crédit ne veulent pas être confondues avec les banques, mais nous voulons pouvoir continuer d’utiliser les mêmes termes usuels que les Canadiens utilisent.
Les coopératives de crédit à l’extérieur du Québec sont des institutions financières indépendantes. À ce titre, elles utilisent habituellement des annonces publicitaires, des sites web et des slogans qui leur sont propres et qui sont adaptés à leurs marchés et à leurs membres.
Même si les coopératives de crédit respectent soigneusement les restrictions imposées à l’utilisation du nom « banque » dans leur nom commercial, elles utilisent souvent des termes comme « bancaire ». Elles estiment qu’une interdiction d’utiliser ces termes leur coûterait environ 80 millions de dollars pour modifier leurs affiches, leurs sites web et leurs annonces publicitaires. Cela les placerait dans la position inimaginable d’avoir à populariser de nouvelles expressions pour remplacer, par exemple, « opérations bancaires en ligne ».
L’ACCF accueille favorablement la décision du ministère des Finances d’intégrer ce sujet à ses consultations publiques sur l’examen du cadre législatif régissant les institutions financières qui sont en cours. Nous sommes heureux que le BSIF ait décidé de suspendre les obligations énoncées dans son préavis jusqu’à ce que l’examen et les consultations publiques soient terminés.
Nous sommes conscients des inquiétudes qui découlent de l’émergence et de la croissance du secteur des technologies financières au Canada et du désir qu’ont certaines entités d’utiliser les termes du secteur bancaire. Toutefois, les coopératives de crédit et les caisses populaires sont des institutions financières de dépôts réglementées qui sont, depuis plus de 100 ans, les seuls concurrents nationaux des banques. Nous sommes dans une catégorie à part.
Pour toutes ces raisons, les coopératives de crédit pressent le ministre de modifier la Loi sur les banques pour indiquer clairement qu’elles peuvent utiliser ces termes de la même façon que les Canadiens les utilisent.
En terminant, je veux saluer le fait que vous êtes nombreux autour de la table à nous apporter votre soutien. Nous demandons au comité d’insister auprès du ministre des Finances pour qu’il modifie la Loi sur les banques afin d’indiquer clairement que les coopératives de crédit peuvent utiliser les termes du secteur bancaire pour décrire leurs services.
Merci. Je serai heureuse de répondre à vos questions.
[Français]
Bernard Brun, directeur, Relations gouvernementales, Mouvement Desjardins : Monsieur le président, honorables sénateurs et sénatrices, au nom du Mouvement Desjardins, je vous remercie de m’avoir invité à témoigner devant votre comité.
[Traduction]
Merci beaucoup de votre invitation. Il est toujours agréable de se retrouver en votre compagnie.
[Français]
Je suis heureux d’être ici aujourd’hui avec vous, et également avec l’Association canadienne des coopératives financières, avec qui nous entretenons une relation étroite très positive depuis de nombreuses années. Nous collaborons de manière très positive et fréquente sur divers enjeux et dossiers d’importance commune à nos deux organisations. C’est donc un plaisir pour moi de me retrouver parmi vous pour discuter d’un sujet aussi important que l’utilisation du terme « opérations bancaires » pour les coopératives de crédit.
Comme je l’ai mentionné précédemment, mon nom est Bernard Brun, je suis directeur des relations gouvernementales pour le Mouvement Desjardins.
[Traduction]
Une petite partie seulement de mon exposé sera en anglais, mais je serai heureux de répondre à vos questions dans les deux langues officielles.
[Français]
Tout d’abord, permettez-moi de vous présenter brièvement le Mouvement des caisses Desjardins. Notre présence, particulièrement dans la région d’Ottawa, remonte au tout début de la création du Mouvement Desjardins, à sa fondation, il y a 117 ans. C’est ici, à Ottawa, de l’autre côté de la rue, à la Chambre des communes, où Alphonse Desjardins a été sténographe officiel pendant plus de 25 ans, que l’idée lui est venue de créer un mouvement financier coopératif, à la suite d’un débat tenu à la Chambre des communes sur les prêts usuraires.
À cette époque, seuls les plus nantis avaient accès à des services bancaires. Il a voulu trouver un modèle pour répondre aux besoins des petits épargnants. Il a donc entrepris ses premières recherches sur le sujet à la Bibliothèque du Parlement. Aujourd’hui, le Mouvement Desjardins est le premier groupe financier coopératif au Canada, et le sixième au monde, avec un actif de plus de 270 milliards de dollars. Il représente également, il faut se le rappeler, la plus grande institution financière canadienne à être entièrement la propriété de Canadiens. Nos quelque 1 100 caisses et centres de services au Québec et en Ontario, nos plateformes virtuelles et nos filiales à travers le Canada offrent des services à plus de 7 millions de membres et clients. Il est à noter que le tiers de nos points de services sont situés dans des zones à faible densité de population.
De la gestion de patrimoine à l’assurance, en passant par les services aux entreprises, nos quelque 48 000 employés et 5 000 dirigeants élus sont dédiés à servir et à répondre aux besoins diversifiés de nos membres et de la population canadienne.
Le Mouvement Desjardins se démarque également par son implication dans son milieu, ici au Canada, et à l’international, où nous sommes actifs dans une vingtaine de pays, grâce à Développement international Desjardins. Ici, plus près de nous, nous sommes activement impliqués dans les communautés grâce à des dons, à des commandites et, surtout, à notre implication dans le milieu.
Plus particulièrement, concernant l’enjeu présentement à l’étude, je suis très heureux que votre Comité des banques et du commerce se penche sur cette question qui est située au cœur des activités financières du pays, en l’occurrence l’utilisation de l’expression « services bancaires » par les coopératives de crédit. C’est un enjeu qui mérite d’être étudié en profondeur, et une question sur laquelle les coopératives de crédit doivent être consultées. Surtout, leur avis doit être pris en considération.
D’abord, il est important de rappeler que l’adjectif « bancaire » et ses variantes sont utilisés pour décrire, depuis des décennies, les services financiers offerts par les institutions de dépôt fédérales, mais également par les institutions de dépôt non régies par le gouvernement fédéral, comme les caisses populaires, les coopératives d’épargne et les compagnies de fiducie à charte provinciale. On peut donc parler d’une situation de fait, plus précisément d’une interprétation inclusive de la part du régulateur fédéral.
Toutefois, le Bureau du surintendant des institutions financières s’est récemment penché sur la question, comme vous le mentionniez, et a communiqué, à la fin du mois de juin dernier, un avis très restrictif sur l’utilisation des termes « banque », « banquier » et « opérations bancaires », avis qui interdit l’utilisation de ces termes comme descriptifs de services. Cela inclut les marques, les noms commerciaux, les divisions, les unités d’affaires, les titres, la publicité ou les descriptifs dans toute forme de médias.
Évidemment, cette nouvelle a créé une surprise et une grande déception pour les coopératives de crédit, dont le Mouvement des caisses Desjardins. Soyons clairs, nous savons tous que le secteur financier est en évolution constante et qu’il peut, et même doit parfois être tenu de clarifier certaines règles. Dans ce cas-ci, nous avons été très surpris par la teneur de l’avis qui a été communiqué, sans consultation préalable, d’interdire l’utilisation du descriptif approprié de « services bancaires », une expression qui fait partie du vocabulaire de tous les jours, non seulement pour nos membres, mais aussi pour l’ensemble de la population canadienne.
Nous pensons que cette question doit faire l’objet d’une réflexion approfondie et d’une consultation auprès des intervenants du secteur. Nous avons d’ailleurs été en contact avec les intervenants du gouvernement fédéral sur cette question. C’est pourquoi nous avons été heureux de l’annonce faite en août 2017 selon laquelle le régulateur fédéral suspendait son avis dans la foulée d’une consultation du ministère des Finances sur l’utilisation du terme « bancaire ». Le Mouvement Desjardins est heureux de participer à cette consultation, dont la date limite est demain, ainsi que d’échanger avec le comité sur cette question particulière.
Quant au Mouvement Desjardins, nous sommes d’avis que les institutions de dépôt supervisées et réglementées par une autorité canadienne, qu’elle soit fédérale ou provinciale, devraient pouvoir utiliser le terme « opérations bancaires » pour décrire leurs activités et leurs services. Il s’agit d’un descriptif approprié et reconnu, qui reflète adéquatement certaines de nos activités dans la pratique quotidienne. En outre, cette expression a été adoptée dans le vocabulaire courant depuis des décennies.
Nos quelque 7 millions de membres et clients comprennent et utilisent fréquemment cette expression. Ils savent, lorsqu’ils emploient l’adjectif « bancaire », qu’ils font référence à des opérations et à des services parfois offerts par leur caisse. Ils savent que le Mouvement des caisses Desjardins n’est pas une banque, mais une coopérative financière qui leur offre des services de type bancaire en succursale et en ligne, afin de répondre à leurs divers besoins.
Au contraire, nous sommes d’avis que le fait d’empêcher l’utilisation du qualificatif « bancaire » créerait non seulement de la confusion, mais aussi de l’incompréhension de la part du public. Ce changement aurait aussi l’effet négatif d’engendrer des coûts supplémentaires, des coûts indus, pour les institutions provinciales, ce qui contribuerait à éloigner le gouvernement de ses objectifs liés à la stabilité et à la concurrence.
C’est pourquoi, dans une optique de rigueur et de clarification, le Mouvement des caisses Desjardins croit qu’il est à propos de procéder à une mise à jour de la législation pour autoriser l’emploi de ces termes à titre de descriptifs des services fournis par les institutions sous supervision prudentielle au Canada, telles les caisses populaires ou les coopératives d’épargne.
Pour terminer, j’aimerais vous remercier à nouveau, monsieur le président, de nous avoir invités à témoigner devant vous aujourd’hui pour aborder cette question, et j’aimerais réitérer la position du Mouvement Desjardins. Comme je viens de le mentionner, nous sommes d’avis qu’il est justifié de permettre aux institutions financières sous supervision prudentielle — c’est important de le souligner, ce sont des institutions qui sont encadrées par une autorité gouvernementale au Canada et qui sont des institutions de dépôt — d’utiliser le qualificatif « bancaire » ou « opération bancaire » pour décrire leurs activités. Nous espérons que le ministre des Finances et le gouvernement iront de l’avant avec cette décision, cette position qui fait l’unanimité auprès des coopératives de crédit.
C’est avec plaisir que je répondrai à vos questions. N’hésitez pas à nous contacter pour tout complément d’information. Je vous remercie.
[Traduction]
Le président : Merci beaucoup.
La sénatrice Wallin : Je m’adresse à vous tous. Nous aimerions savoir ce que vous pensez sur ce qui se passe. Quand vous parlez de la question du bon sens, nous sommes tous d’accord sur la signification des mots « effectuer une opération bancaire », ou « effectuer une opération bancaire en ligne ».
Les changements ont été proposés, les mesures ont été prises en juin, et rapidement au mois d’août, ils se sont ravisés et ils ont décidé d’examiner la question. Avez-vous l’impression qu’ils ont compris le problème et qu’ils cherchent un moyen de faire marche arrière, ou craignez-vous vraiment qu’ils aillent de l’avant?
Mme Mentzelopoulos : Nous continuons de craindre qu’ils aillent de l’avant. Les gouvernements jonglent avec la question des risques constamment, et elle refait surface périodiquement. J’étais une jeune employée au cabinet d’un ministre dans les années 1990, et je me rappelle d’un dossier où le gouvernement voulait interdire les fromages au lait cru parce qu’une personne avait été malade. Ce genre de dossier retient l’attention et les gouvernements réagissent. Pour revenir à ce qui se passe actuellement, j’espère sincèrement qu’ils cherchent une façon d’en arriver à un équilibre, mais nous sommes très préoccupés à l’idée que la solution sera encore trop restrictive pour les besoins de nos membres.
[Français]
M. Brun : J’aimerais ajouter un élément. Il y a toujours une crainte que le gouvernement aille de l’avant avec une position très rigide. C’est la raison pour laquelle nous l’avons mentionné dans nos commentaires d’introduction; c’est un enjeu. Le système financier évolue. Il y a toutes sortes de nouveaux acteurs qui s’introduisent dans le secteur financier, et il est tout à fait approprié, même justifié et sage de la part du gouvernement de mettre de l’ordre dans cela, de voir où se situe la chaîne des opérations financières et d’encadrer davantage le terme lorsqu’il s’agit des opérations bancaires et des services bancaires.
Je ne suis pas dans l’esprit du gouvernement. Est-ce qu’il s’agit simplement de dommages collatéraux où, en voulant en englober un peu trop, on a inclus les coopératives financières et le Mouvement Desjardins dans cette approche? C’est pour cette raison que nous insistons pour qu’un standard réglementé soit créé auprès des institutions financières réglementées au Canada, par rapport aux entreprises non réglementées et non encadrées qui peuvent représenter des niveaux de risques. Le gouvernement, en avançant peut-être trop rapidement, a visé trop large. Il faut simplement ramener le champ d’opérations à quelque chose de plus raisonnable et de plus ciblé qui lui permettra d’atteindre ses objectifs.
[Traduction]
La sénatrice Wallin : A-t-on proposé d’autres termes?
Mme Mentzelopoulos : Eh bien, non. Si la politique vise à éviter de susciter de la confusion chez les consommateurs, comme il a été indiqué, inventer de nouveaux termes risque davantage de créer de la confusion, car ce sont des termes que les gens utilisent couramment, dans de nombreux secteurs. Les termes sont bien compris. Ils s’appliqueront surtout aux coopératives financières, étant donné que c’est l’économie réelle. Décrire cela autrement ne sera pas utile.
Marc-André Pigeon, vice-président adjoint, Politique du secteur financier,Association canadienne des coopératives financières : Même si nous pouvions trouver une solution de rechange, la Loi comporte déjà des dispositions à cet égard et indique que les termes équivalents sont également visés par la restriction. Je pense que nous sommes pris entre l’arbre et l’écorce. Premièrement, les termes n’existent pas, et même si nous faisions notre possible pour trouver des termes, nous serions tout de même visés par cette restriction de toute façon.
La sénatrice Wallin : Très intéressant. Merci.
[Français]
Le sénateur Massicotte : Je vous remercie de votre présence aujourd’hui. Toute cette tempête dans un verre d’eau, c’est typique. Ce sont des mots, et il est question de l’évolution de l’usage des mots. Les gens ne font pas vraiment la différence entre une banque, une caisse ou une coopérative d’épargne. On pourrait penser qu’il y a une solution facile, raisonnable et pratique.
Dans votre présentation, monsieur Brun, vous donnez une interprétation très spécifique des mots. Avez-vous eu des commentaires de la part du régulateur quant au fait qu’il accepte ou pas l’argument?
M. Brun : Non, on n’a pas eu de réponse ou d’indications de la part du régulateur qu’un mot soit acceptable ou pas.
Lorsqu’on demande s’il y a une autre approche ou un autre descriptif, il est certain qu’on parle de services financiers. Parfois, on nous dit que nous devrions les décrire comme des services financiers. Dans les institutions financières qui se veulent assez diversifiées, comme le Mouvement Desjardins, où il y a des services de gestion de patrimoine, d’assurance de personnes et d’assurance dommages, si on nous dit que, à Ontario Desjardins Financial Services, nous ne pouvons pas utiliser le même langage, les gens auront l’impression d’avoir un conseiller en gestion de patrimoine, et non pas dans leur institution, qui va leur donner un compte d’opérations, donc un compte de type bancaire.
Nous avons présenté certaines expressions, mais nous attendons encore la réaction du régulateur.
Le sénateur Massicotte : Sentez-vous que ce sont des gens raisonnables et à l’écoute? Ou s’agit-il plutôt de gens qui aiment le pouvoir et qui se cachent derrière la bureaucratie pour exiger des changements de votre part?
M. Brun : Au début, on avait l’impression que c’était plus fermé, mais, actuellement, la discussion continue. On constate une évolution constante de la part du gouvernement, de la part des intervenants dans le secteur, et c’est sur cela que nous fondons nos espoirs. Le travail de votre comité, qui se penche sur la question, permettra peut-être d’en arriver à un certain niveau raisonnable pour accepter ces termes.
[Traduction]
Le sénateur Tannas : Merci d’être venus. Pour revenir à la question de la sénatrice Wallin sur la façon dont nous en sommes arrivés là, pensez-vous que ce soit une coïncidence que cela survienne au moment où les premières coopératives de crédit sous réglementation fédérale ont été approuvées? Il me semble que la distinction à faire, n’est-ce pas, est celle entre les institutions financières sous réglementation provinciale et les institutions sous réglementation fédérale. Je viens de faire une recherche sur une société de fiducie sous réglementation fédérale, et le terme « opérations bancaires » figure partout sur son site web. Je ne sais pas si ces institutions sont visées. Nous n’avons pas entendu leurs points de vue.
Deuxièmement, une des choses que nous avons observées depuis un certain temps, même si je dois admettre que cela a peut-être un peu diminué, c’est que des coopératives de crédit ne veulent pas se présenter comme telles. Vancity Savings évite à tout prix de mentionner qu’elle est une coopérative de crédit pour essayer d’élargir son marché. Coast Capital Savings est un autre exemple qui vient à l’esprit. Elles n’indiquent pas clairement qu’elles sont des coopératives de crédit; cela ne figure pas dans leur affichage.
Si nous décidons d’emprunter cette voie — et je conviens que c’est nécessaire —, quel nom donneriez-vous aux opérations bancaires en ligne, s’il s’agissait d’autre chose? Je ne sais pas comment vous décririez cela. La porte est déjà ouverte. Est-il logique d’obliger des institutions qui ne sont pas des banques d’indiquer clairement qu’elles n’en sont pas et de leur interdire d’utiliser une appellation quelconque qui dissimule leur nature, soit que ce sont des coopératives de crédit?
Mme Mentzelopoulos : Je vais commencer, mais je pense que Marc-André — et Bernard, sans doute — aura un commentaire à ce sujet. Je vais aborder votre question sur un angle légèrement différent, parce que l’autorisation donnée par le gouvernement fédéral concernant la prorogation des coopératives de crédit lors de leur passage au régime sous réglementation fédérale nous appuie dans notre argument sur l’utilisation des termes « bancaires » et « opérations bancaires ». Je pense que cela a été étudié et que l’on constate que c’est ce que font ces institutions. Voilà comment elles décrivent leurs activités.
Quant à la connaissance de la nature de l’institution avec laquelle on fait affaire, je dirais d’abord que nous ne proposons pas d’inclure le terme « banque » dans la raison sociale de l’entreprise, et ce n’est pas le cas actuellement. Nous ne proposons ni prévoyons aucun changement à cet égard. Toutefois, si vous pensez au processus d’adhésion à une coopérative de crédit, nous avons examiné tous les aspects attentivement. Il serait difficile de payer des frais d’adhésion pour devenir membre d’une coopérative de crédit sans savoir de quoi il s’agit, car il faut d’entrée de jeu payer des frais d’adhésion et discuter avec un représentant de la coopérative de crédit qui donne des explications sur la nature de l’entreprise. La raison sociale officielle figure dans tous les contrats juridiques, les avis concernant les assemblées annuelles et les demandes de candidature pour la création d’un conseil d’administration de bénévoles. La liste est longue. Donc, les gens ne sont pas seulement informés d’entrée de jeu; cela leur est rappelé périodiquement, tant et aussi longtemps qu’ils en sont membres.
Le sénateur Tannas : Vous êtes d’avis que personne ne pourrait affirmer avoir eu affaire à autre chose?
M. Pigeon : Il importe de penser à la façon dont cela fonctionne. Si vous vous présentez dans une banque pour ouvrir un compte bancaire, on ne vous demande pas de payer des frais d’adhésion de 10 $. Par contre, dans une coopérative de crédit, on vous demandera de payer des frais de 10, 20 ou 50 dollars, et vous vous demanderez certainement pourquoi. On vous explique alors que vous êtes membre de cette coopérative de crédit, que vous avez droit de vote au conseil d’administration et que vous pouvez présenter votre candidature pour en faire partie. C’est un tout autre discours que les gens gardent à l’esprit. Des gens avec lesquels j’ai discuté m’ont demandé : « Pourquoi dois-je payer 10 $ pour être membre d’une coopérative de crédit? » C’est ce que les gens remarquent. Je pense qu’on a peut-être tendance à sous-estimer l’importance que cela peut avoir pour la sensibilisation des gens, mais c’est un aspect important.
Pour revenir à la question que vous avez posée plus tôt concernant la coopérative de crédit fédérale, Athana a souligné un point extrêmement important. Le cadre des coopératives de crédit fédérales repose sur le principe que les coopératives de crédit fournissent déjà des services bancaires. Il doit reposer sur l’idée que nous faisons de même. Il est donc sans équivoque que les coopératives de crédit offrent les mêmes services que les banques.
Il est intéressant de noter que cette discussion coïncide avec la tenue d’un débat important concernant la politique, où l’on débat d’une réglementation fondée sur les fonctions comparativement à une réglementation fondée sur les entités. Le gouvernement tend vers une réglementation fondée sur les fonctions tout en insistant, dans le cas présent, sur une réglementation fondée sur les entités. Il y a là une certaine incohérence qu’il convient d’examiner. J’attire votre attention sur ce point. Il s’agit d’un intéressant débat sur la politique auquel il convient de revenir.
M. Brun : J’ajouterais que je souscris aux propos d’Athana et de Marc-André.
En ce qui concerne l’utilisation du terme « banque », nous ne sommes pas une banque et nous en sommes fiers. Voilà pourquoi nous mettons l’accent sur la description des services. Dans une certaine mesure, il faut avouer qu’on offre des services semblables.
En 2010, par exemple, Desjardins a reçu le prix de la banque la plus sûre au monde, le prix de la banque de l’année par le magazine Bloomberg, le prix de la banque plus forte. Même si nous communiquions avec Bloomberg ou avec qui que ce soit d’autre, le nom du prix ne sera pas modifié, simplement parce que nous offrons des services bancaires. Pour nous, il n’y a aucune ambiguïté : nous n’utilisons pas le terme « banque » et nous ne nous présentons pas comme une « banque ». Nous décrivons simplement nos services de façon très différente, même s’ils sont semblables, évidemment.
[Français]
La sénatrice Moncion : Merci de vos commentaires. Comme je viens de votre milieu, je comprends très bien les enjeux.
Je reviens à la question de la sénatrice Wallin à savoir la raison pour laquelle il est important de se pencher maintenant sur les objectifs des banques. Par exemple, on sait que, dans la loi provinciale, les mots « caisse populaire » et « credit union » sont protégés. Un petit établissement au coin de la rue ne pourrait pas ouvrir ses portes et s’appeler « caisse populaire » ni « credit union ».
Au fil des ans, certaines coopératives financières se sont éloignées des qualificatifs « credit union » et « caisse populaire » parce qu’ils avaient une connotation plus locale, alors qu’elles voulaient élargir leurs activités à travers la province.
Aujourd’hui, les caisses populaires sont des institutions financières qui offrent des services bancaires. Or, celles-ci sont en compétition directe avec les banques lorsqu’elles se trouvent dans les grandes villes. Lorsqu’elles sont situées dans de petites collectivités, très souvent, les banques n’y sont pas.
Le même genre de services est offert par des entreprises qui portent des noms différents. Je reviens à ma question principale, et je fais tout le tour du sujet pour dire ceci : pourquoi, alors que les caisses populaires et les « credit union » existent depuis 117 ans, est-il nécessaire tout à coup de leur interdire d’utiliser le terme « bancaire »? Je comprends que vous ne pouvez pas, dans votre dénomination, utiliser le titre « La banque caisse populaire unetelle ». Pourquoi maintenant restreindre l’usage de ces termes? Quel est l’objectif des banques en ce sens?
M. Brun : La question est très large et l’approche également. Pour aborder ce sujet, il faut garder à l’esprit que le système financier a évolué beaucoup en 100 ans et qu’il est complètement interrelié. Il y a donc un chevauchement. Même si certains aspects peuvent être de compétence fédérale ou provinciale, lorsque le gouvernement se penche sur la question de la stabilité financière, il doit le faire selon une approche globale. C’est pourquoi, lorsque le Mouvement Desjardins intervient auprès du ministère, c’est pour l’inciter à parler avec ses homologues provinciaux et à tenter de trouver une harmonisation dans les normes, car les services sont de même nature.
Pour revenir aux commentaires du sénateur Tannas, il y a actuellement une certaine inquiétude de la part du ministère des Finances du Canada lorsqu’il cherche à définir clairement où se situe le champ d’activité. L’idée peut être légitime, mais cela doit se faire du point de vue des institutions en parlant du mot « banque », et non des opérations. La description des services n’est pas exclusive. Les services rendus peuvent avoir lieu dans des centres urbains et dans des collectivités d’un bout à l’autre du pays. Ainsi, on doit avoir une appellation qui n’engendre pas de confusion pour le public.
M. Pigeon : Je crois que Bernard l’a très bien expliqué, mais j’aimerais ajouter un point. Un élément fintech entre ici en ligne de compte. On remarque une inquiétude quant aux entités non réglementées, et il faut savoir comment les cerner.
Notre argument s’aligne parfaitement sur ce que M. Brun nous a dit plus tôt, et c’est de mettre l’accent sur l’élément réglementé, à savoir si on est réglementé, si on a de l’assurance-dépôts, et tout ce qui s’ensuit. À notre avis, c’est vraiment la ligne qui doit être tracée pour décrire ce que nous faisons, ce que Desjardins fait et ce que les banques font, par rapport à ce que les autres font. Si jamais les autres se soumettent à la réglementation, tout ira bien, et c’est ainsi que les choses doivent fonctionner.
La sénatrice Moncion : Cela revient à ce que vous disiez auparavant : « function-based regulation versus entity-based regulation ».
M. Pigeon : Il y a toujours une zone grise là-dedans, il ne faut pas se délester complètement. Comme M. Brun l’a bien indiqué, pour décrire nos services, bien sûr, nous devrions pouvoir utiliser ces mots. Toutefois, pour notre nom ou notre marque, ce n’est pas le cas. Nous croyons que c’est une ligne que nous devrions respecter et que nous avons respectée par le passé.
[Traduction]
Le président : Je devrais peut-être poser la question au groupe qui comparaîtra la semaine prochaine. Nous avons Financement agricole Canada, la Banque de développement du Canada et la Banque de l’infrastructure, des organismes qui utilisent le terme « banque », mais qui n’offrent aucun service bancaire. C’est un peu étrange. Est-ce parce qu’ils peuvent utiliser ce terme parce que la loi les y autorise? Pourquoi peuvent-ils utiliser ce terme?
Mme Mentzelopoulos : Je pense que nous avons fait valoir qu’il y avait là une contradiction lors de nos discussions avec le ministère. Marc-André?
M. Pigeon : En effet, c’est une bonne façon de voir les choses. Je devrais revoir cet article attentivement, mais il pourrait y avoir une exemption pour les sociétés d’État ou une disposition quelconque à cet égard. Je n’en suis pas certain.
Comme Athana l’a souligné, nous avons donné plusieurs exemples de cas où le gouvernement fédéral utilise lui-même ces termes pour décrire les activités des coopératives de crédit, par exemple. Dans certaines mesures législatives — comme la Loi sur les liquidations et les restructurations et au moins deux autres —, les coopératives de crédit sont définies comme étant des banques, aux fins de la rédaction du texte législatif. Le gouvernement nous associe donc à ce groupe dans ses propres cadres législatifs pour des raisons liées au libellé. La solution à cela ne sera jamais absolument claire, mais nous sommes d’avis que l’important devrait être de veiller à ce que les coopératives de crédit et Desjardins puissent utiliser ces termes pour décrire leurs services.
Le président : Les gens sont intelligents; ils ne font pas affaire avec Financement agricole Canada pour déposer de l’argent, pour faire des transactions bancaires en ligne et autres choses du genre.
M. Pigeon : En effet.
Le sénateur Enverga : Je sais que les coopératives sont généralement sous réglementation provinciale. À votre avis, cela pourrait-il entraîner des conflits? Y a-t-il des indications selon lesquelles les gouvernements provinciaux en viendront à affirmer que le gouvernement fédéral ne devrait pas aller de l’avant?
Mme Mentzelopoulos : Il faudrait que je vérifie avant de confirmer. Marc-André, vous pouvez peut-être le confirmer.
Je pense que certains gouvernements provinciaux sont intervenus et ont fait valoir qu’il s’agit d’une approche raisonnable pour permettre aux coopératives de crédit d’utiliser ces termes. Je ne sais pas si d’autres provinces ont l’intention de se prononcer, mais celles qui l’ont fait étaient très favorables au point de vue exprimé par les coopératives de crédit.
Le sénateur Enverga : Donc, les provinces sont plutôt d’accord avec ces réglementations?
Mme Mentzelopoulos : Oui. Je ne peux dire ce qu’il en est pour chacune d’entre elles, mais celles qui sont intervenues dans ce dossier y étaient favorables.
Le sénateur Enverga : Je pensais surtout au Québec. Cela a-t-il suscité de l’opposition?
M. Brun : À l’instar d’Athana, je ne parlerai pas au nom du gouvernement du Québec ou de l’organisme de réglementation provincial. J’estime que lorsqu’on a affaire à un terme générique utilisé pour une description générale, le gouvernement fédéral, les provinces ou une entité quelconque ne devraient pas se l’approprier. Il convient toutefois d’établir une distinction claire lorsqu’il est utilisé par une entité ou un organisme visé par la réglementation. C’est d’ailleurs pourquoi nous avons mentionné que les banques sont sous réglementation fédérale et que Desjardins ne se décrira jamais elle-même comme une banque. Cela dit, sur le plan des services offerts, interdire au Mouvement des caisses Desjardins de dire qu’il offre des services bancaires serait aller trop loin.
Le pays accueille de nouveaux immigrants. Beaucoup de coopératives financières ont pignon sur rue, surtout au Québec, où le Mouvement Desjardins est très présent dans la communauté, en particulier dans les régions à faible densité de population. Nous leur ouvrons ce qu’ils appellent communément un compte bancaire, parce que c’est le terme qu’ils emploient. Nous ne pouvons pas leur dire que nous pouvons leur ouvrir un compte, mais en précisant qu’il s’agit d’un compte d’épargne dans une coopérative financière, ou quelque chose du genre. Non; il faut donner une description claire. Toutefois, comme Marc-André l’a indiqué, ils savent très bien, au moment d’ouvrir un compte, qu’ils ne sont pas dans une banque, mais plutôt dans une coopérative financière. Il nous incombe de veiller à ce que ce soit clair.
M. Pigeon : À cela, j’ajouterais que beaucoup de coopératives de crédit versent des ristournes à leurs membres, une chose que Desjardins fait très bien. Cela rappelle aux gens, annuellement, qu’ils sont membres d’une coopérative, parce qu’ils reçoivent une ristourne dont le montant est proportionnel à l’usage qu’ils font de la coopérative de crédit. À ma connaissance, les banques ne le font pas. Elles ne parlent pas de « ristournes », bien entendu. Comme Athana l’a indiqué, de nombreux aspects rappellent aux gens avec qui ils ont affaire.
Le sénateur Enverga : Quels coûts nos coopératives de crédit devraient-elles assumer en raison de ces changements? Pouvez-vous nous dire quels seraient les coûts associés à cette mesure?
Mme Mentzelopoulos : Nos membres ont indiqué que les coûts liés à la modification de l’affichage, des sites web et des divers documents s’élèveraient à environ 80 millions de dollars.
M. Pigeon : Notre évaluation est très conservatrice. Depuis la publication du préavis, le 30 juin, nos membres sont de plus en plus au courant de cet enjeu, et ils prennent conscience de la complexité croissante des mesures à prendre pour s’y conformer. La charge de travail phénoménale. On parle de nombreux mois de travail et de coûts énormes. Nous avons la certitude que ce montant de 80 millions de dollars est une évaluation très conservatrice.
Imaginez simplement ce qu’il faut faire : il faut examiner toutes les pages web une par une pour en retirer ces termes. On ne peut simplement employer la fonction « Rechercher et remplacer »; les termes doivent être modifiés, en fonction du contexte. C’est une tâche colossale. Une personne qui siège à Ottawa pourrait penser que cela se résume simplement à utiliser la fonction « Rechercher et remplacer » et que le tour est joué, mais ce n’est pas si simple. Retirer ces termes du vocabulaire et sensibiliser les Canadiens sur la signification d’autres termes plus abstraits est une tâche colossale.
Le sénateur Enverga : Qu’en est-il des coûts d’entreprise? Pensez-vous que cela vous fera perdre des clients?
M. Brun : Je n’ai pas de chiffres précis concernant les coûts, mais je dirais que pour un groupe comme Desjardins, ils sont presque impossibles à calculer. Prenons comme exemple le marché des capitaux, où nous avons diverses équipes de spécialistes des services bancaires d’investissement et des services bancaires aux entreprises, qui ne peuvent employer une autre dénomination. Il n’y a pas d’autres solutions. C’est l’aspect le plus important. Quant aux sites de services en ligne, il est difficile de trouver des solutions de rechange à n’importe lequel de ces termes.
M. Pigeon : Il est important de comprendre que cela comporte des facteurs liés à la concurrence. Je pense que nous avons tendance à nous concentrer sur la culture, par exemple, et à perdre de vue la nécessité d’établir un équilibre entre l’aspect de la concurrence, un aspect très réel, et les préoccupations à l’égard de la confusion que cela pourrait entraîner chez le public. Il y a les coûts qui nuiront à notre capacité d’offrir nos services habituels, puis il y a la capacité de communiquer avec les Canadiens.
Supposons que je décide de faire une recherche sur Google, parce que je fais affaire avec la banque XYZ, que je suis insatisfait et que je cherche une solution de rechange. Je pourrais faire une recherche en utilisant les termes clés « services bancaires en ligne » ou « options bancaires ». Si votre coopérative de crédit s’est vue interdire d’utiliser ces termes, son nom n’apparaîtra pas dans les résultats de ce moteur de recherche, de sorte qu’elle figurera très loin dans la liste des solutions de rechange. Cela a des répercussions importantes sur le plan de la concurrence.
Comme Athana l’a mentionné dans son exposé, notre association et Desjardins sont les plus grands prêteurs aux petites entreprises du pays. Nous écarter du marché en nous empêchant d’utiliser certains termes a un coût économique. Je pense que cet aspect doit être mis au premier plan et qu’on n’y a peut-être pas assez porté attention.
Le sénateur Enverga : Cela pourrait-il entraîner la fermeture de certaines coopératives de crédit?
M. Pigeon : Je ne peux répondre à cette question; je n’en suis pas certain.
Le sénateur Day : J’aimerais avoir deux ou trois précisions; je pense que cela aiderait à éclaircir les choses.
Premièrement, madame Mentzelopoulos, votre organisme regroupe-t-il uniquement des caisses populaires et les coopératives de crédit sous réglementation provinciale, ou compte-t-il des caisses populaires et des coopératives de crédit qui sont toujours sous réglementation fédérale?
Mme Mentzelopoulos : Ce sont surtout des éditions sous réglementation provinciale. Je crois qu’UNI est la seule institution sous réglementation fédérale, et qu’une coopérative de crédit de la Colombie-Britannique est en voie d’être prorogée.
Le sénateur Day : Lorsqu’elles deviennent des entités sous réglementation fédérale, elles peuvent quand même faire partie de votre organisation?
Mme Mentzelopoulos : Oui.
Le sénateur Day : En ce qui a trait à la protection du public, pouvez-vous nous expliquer la différence entre l’assurance-dépôts d’une banque et la vôtre?
Mme Mentzelopoulos : J’aimerais compléter ma dernière réponse. Marc-André me rappelle qu’UNI, qui est sous réglementation fédérale, et l’autre entité appuient notre position au sujet de l’utilisation de ces termes.
Je crois qu’il est juste de dire que l’assurance-dépôts des coopératives de crédit est tout aussi bonne sinon meilleure dans toutes les administrations du pays.
M. Pigeon : C’est exact.
Le sénateur Day : Il est donc difficile de faire valoir qu’on pourrait porter préjudice aux gens s’ils croient faire affaire avec une banque, alors qu’il s’agit en fait d’une coopérative de crédit?
Mme Mentzelopoulos : Certaines administrations offrent une assurance-dépôts à 100 p. 100 pour les coopératives de crédit.
Le sénateur Day : C’est bien. Cela nous sera utile aux fins du compte rendu.
Mes prochaines questions portent sur des sujets que vous avez abordés à maintes reprises déjà : la différence entre le terme utilisé pour décrire l’activité et le terme « banque », qui est utilisé pour nommer une entité.
À une certaine époque, la Loi sur les banques séparait ces deux éléments, qui étaient tous deux interdits. Aujourd’hui, la formulation porte un peu à confusion. Accepteriez-vous que seules les banques constituées en vertu d’une loi fédérale — et non les coopératives de crédit — puissent utiliser le mot « banque »? Est-ce que ce serait raisonnable?
Mme Mentzelopoulos : Oui. Nous ne demandons pas de pouvoir utiliser le mot « banque » dans notre raison sociale.
Le sénateur Day : Vous aimeriez aussi qu’on élimine l’interdiction relative au terme descriptif.
Mme Mentzelopoulos : Oui. Nous croyons qu’elle est anachronique.
Le sénateur Day : Cela me fait penser à un cas de marque de commerce classique, lorsqu’on pense à la transformation d’une marque en un mot générique, comme Xerox ou Aspirin. Il y en a beaucoup; le mot « banque » est un terme générique.
M. Pigeon : Il est bon de savoir qu’aux États-Unis, les coopératives de crédit fédérales — qui ne sont pas réglementées au même titre que les banques fédérales — peuvent utiliser ces termes pour décrire leurs services. Les lignes directrices internationales de la Banque des règlements internationaux sont claires. Elles visent uniquement le nom, et non la description. Encore une fois, les lignes directrices internationales correspondent à notre position. De nombreux cas similaires au nôtre renforcent notre position. C’est ainsi que la Loi sur les banques a été rédigée en 1880 : elle veillait à ne pas induire les gens en erreur, pour éviter qu’ils ne fassent affaire avec des entités non réglementées. Nous sommes des entités réglementées recevant des dépôts.
La sénatrice Wallin : Il faudrait que vous vous réappropriiez l’utilisation du mot « crédit » pour voir comment les banques réagiraient.
Le sénateur Wetston : Les questions du sénateur Day m’intéressent; j’avais pris une note à ce sujet. Vous pourriez peut-être nous en parler davantage. Il semble que le mot « banque » soit comme le mot « Xerox ». C’est devenu un terme générique. Je ne crois pas qu’on pourrait protéger cette marque aujourd’hui. L’avocat spécialisé en droit de la propriété intellectuelle qui se trouve à ma droite vient de le confirmer.
J’aimerais aller un peu plus loin, pour faire suite à votre commentaire à ce sujet. Si le gouvernement met en œuvre cette politique, je crois qu’elle visera deux catégories, et non la question sous-jacente des motifs de concurrence entre les institutions. La politique vise peut-être à assurer la sécurité et l’intégrité du système financier. Certains éléments ont une incidence sur d’autres. Bien sûr, le BSIF se penchera sur la question. Je ne sais pas quelles en seront les conséquences; je n’ai pas d’information à ce sujet. Ensuite, il y a la protection des consommateurs. Il y a peut-être d’autres objectifs, mais ce sont ceux qui me semblent les plus importants.
Avez-vous une idée de l’incidence de l’utilisation de ce terme sur la sécurité et l’intégrité du système financier ou sur la protection des consommateurs? Nous n’avons pas entendu le BSIF à ce sujet. Je demanderais aussi à l’Agence de la consommation en matière financière du Canada — ou l’ACFC — si elle a reçu des plaintes ou a dû régler certains problèmes pour protéger les consommateurs.
Le processus réglementaire associé aux banques de l’annexe I est complexe au Canada. Il faut respecter de nombreuses exigences, parce qu’il s’agit d’institutions complexes, qui visent de multiples secteurs. Les exigences auxquelles doivent répondre les coopératives de crédit sont complexes également, mais pas aussi exhaustives que celles associées aux banques de l’annexe I. C’est ce que je suppose, mais je n’en suis pas certain.
Pourriez-vous nous en dire plus à ce sujet? J’aurai une autre petite question à vous poser après cela.
Mme Mentzelopoulos : Je suis certaine que mes collègues voudront aussi répondre à la question, mais en ce qui a trait à la sécurité et à la légitimité, il est vrai qu’on a placé la barre haute pour les banques sous réglementation fédérale. Or, il en va de même pour les coopératives de crédit, si l’on pense à l’étalonnage de la réglementation en fonction de la taille et de la portée de l’organisation.
Voilà pourquoi j’ai pris le temps, dans mon discours préliminaire, de parler de la rigueur de la réglementation des coopératives de crédit, qui doit être reconnue dans ce contexte et dans d’autres. La réglementation permet la diversification du secteur financier de la Colombie-Britannique, ce qui est important. C’est important en cas de choc; c’est important aux fins de la concurrence et c’est important pour l’innovation. C’est important à presque tous les égards.
En ce qui a trait à la protection des consommateurs, je ne sais pas si je vais répondre à votre question, mais pour nous, il s’agit de voir s’il est raisonnable de penser que les gens savent qu’ils font affaire avec une banque ou avec une coopérative de crédit. Lorsqu’on pense au processus d’adhésion à une coopérative de crédit, il est difficile de croire qu’une personne raisonnable pourrait ne pas savoir ce qu’elle fait.
M. Pigeon : Vous parliez de données probantes; les seules données probantes que nous avons appuient ce que nous disons; il s’agit d’une preuve objective.
Chaque année, on réalise deux grands sondages auprès des membres et des clients. Le premier est le sondage annuel sur les meilleures banques, réalisé par Ipsos-Reid. On demande aux répondants avec quelle banque ils font affaire. Pour le secteur des coopératives de crédit, on nomme les 10 plus grandes coopératives; il y a aussi une catégorie « Autres ». Si vous faites affaire avec Vancity, la plus importante coopérative de crédit, vous allez rapidement voir son nom et le cocher dans le sondage, mais si vous faites affaire avec une autre coopérative de crédit, il vous faut savoir à quelle catégorie elle appartient pour la trouver dans la liste.
La FCEI, la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante, réalise un sondage triennal auprès de ses membres, où il y a la catégorie « Coopérative de crédit ». Les deux sondages ont une case « Autres » que l’on peut cocher en cas d’incertitude.
Des dizaines de milliers de personnes qui répondent à ces deux sondages savent qu’elles font affaire avec une coopérative de crédit. C’est une preuve objective assez robuste.
M. Brun : Au sujet de la sécurité et de l’intégrité : de façon générale, le Mouvement des caisses Desjardins respecte les mêmes normes que les banques. C’est peut-être un peu différent. En ce qui a trait au système, le gouvernement fédéral et le gouvernement provincial doivent travailler en collaboration. En ce qui a trait à la sécurité et à l’intégrité, puisque tous les éléments du secteur financier sont interreliés, le gouvernement fédéral et le gouvernement provincial doivent collaborer le plus étroitement possible. Si les normes ne sont pas exactement les mêmes, alors la question se pose.
En ce qui a trait à la protection des consommateurs et à l’accès aux services banquiers par l’entremise d’une coopérative de crédit, cela revient à savoir avec qui vous faites affaire, et on a abordé cette question à maintes reprises. Pour nous, c’est très clair. Les gens savent s’ils font affaire avec une banque ou avec une coopérative financière.
Le sénateur Wetston : On nous a fait part de ce que je crois être une opinion. À qui fait-on référence? Je crois qu’il s’agit de M. Nicholls, qui écrit beaucoup sur le secteur des finances et les autres secteurs et qui jouit d’une excellente réputation, mais je ne sais pas sur quoi se fonde cette opinion.
M. Pigeon : J’ai cru que le comité jugerait l’information intéressante. Ce n’est pas une opinion; c’est une discussion historique au sujet de la loi et de son évolution au fil du temps. Nous en avons fait part au groupe surtout pour mettre l’accent sur l’intention de la disposition, soit d’éviter la confusion dans le contexte des tentatives délibérées de tromper les Canadiens.
Je crois que vous verrez dans ce document qu’il cite des leaders d’opinion reconnus dans ce domaine, comme Bradley Crawford, qui croit qu’il s’agit d’une restriction anachronique, par exemple, et Margaret Meade, qui est du même avis. Il s’agit probablement des plus éminents penseurs dans ce domaine et ils jugent cette disposition gravement problématique.
Le sénateur Wetston : J’ai lu de nombreux ouvrages de M. Nicholls parce que j’ai travaillé dans ce secteur. Pourriez-vous lui demander de clarifier une chose pour moi et pour le comité? Je ne comprends vraiment pas la dernière phrase de sa conclusion. S’il pouvait nous l’expliquer, cela rendrait son document historique très utile. J’espère qu’il ne sera pas insulté.
La sénatrice Unger : Nous vous remercions de vos exposés. Ils étaient très intéressants.
J’aimerais revenir à l’avis du BSIF du 30 juin, qui fait état d’une utilisation accrue des mots « banque », « banquier » et « opérations bancaires » par des fournisseurs de services financiers non bancaires. Pouvez-vous nous dire si vos institutions utilisent ces mots fréquemment ou non? Savez-vous si le BSIF a des preuves tangibles de cet usage accru qui a donné lieu à des préoccupations relatives à la sécurité et à l’intégrité?
M. Pigeon : Je ne sais pas dans quelle mesure ces termes sont utilisés dans notre système. Nous n’avons pas de modèle centralisé qui nous permette de faire le compte, mais je vous rappelle que lorsqu’on parle des institutions non bancaires, cela va au-delà des coopératives de crédit. Les entreprises de technologies financières sont aussi visées. Je dirais que certaines d’entre elles — et je ne les nommerai pas — ont fait paraître des publicités d’une page dans les grands journaux, où elles utilisaient ces termes. Je crois que c’est arrivé, et bien objectivement, c’est arrivé assez souvent jusqu’à maintenant. Je ne peux pas parler de la situation dans le secteur des coopératives de crédit.
Mme Mentzelopoulos : Les entreprises de technologies financières dont vous parlez ne sont pas des institutions de dépôt; elles ne sont pas réglementées.
M. Brun : Je peux vous assurer qu’il n’y a eu aucune utilisation accrue des mots « banque » ou « opérations bancaires » chez Desjardins. Je suis d’accord avec Marc-André. Nous avons constaté une exagération dans le secteur des technologies financières, qui fait preuve de créativité. Parfois, on utilise des mots différents, mais qui ont la même sonorité, comme « banx », en anglais, par exemple. On voit cela de plus en plus, mais ce ne sont pas nos institutions financières.
La sénatrice Unger : En ce qui a trait aux explications, avez-vous entendu parler de consommateurs qui étaient perplexes quant au type d’institution avec laquelle ils faisaient affaire?
M. Pigeon : Pas personnellement, mais je ne dis pas que c’est impossible. De façon générale, les Canadiens ne comprennent peut-être pas clairement leur relation avec les banques. Par exemple, la Société d’assurance-dépôts du Canada a réalisé des enquêtes sur l’assurance qu’elle offre et moins de 50 p. 100 des personnes interrogées la connaissaient. Cela en dit beaucoup. Que peut-on supposer au sujet des particuliers? S’agit-il d’une personne qui travaille au ministère des Finances et qui connaît toutes les nuances des politiques? Ou s’agit-il d’une personne moyenne, d’une personne raisonnable? À quel point les gens doivent-ils bien comprendre la situation?
Les points de contact sont nombreux et je crois que même si les gens oublient parfois, ils se le font rappeler. On les invite à voter à l’occasion de l’assemblée annuelle. Cela n’arrive pas dans les banques. On les invite à donner leur nom lors des assemblées annuelles, ce que les banques ne font pas. On leur dit : « Voici les candidats au conseil; veuillez voter pour l’un d’entre eux; voici le bulletin d’information à l’intention des membres — vous n’êtes pas client, vous être membre de l’organisation — et voici votre état de compte, votre document juridique où figurent les mots “coopérative de crédit” ».
Nous allons dans les écoles et nous enseignons les bases de la littératie financière, ce que les banques ne font pas. Aucune autre institution ne fait ce que font les coopératives de crédit. Nous sommes différents à de nombreux égards. Je crois qu’il faudrait vraiment faire exprès pour ne pas s’en rendre compte.
[Français]
Le sénateur Maltais : Je vous remercie de vos excellents mémoires. Il faut parfois retourner en arrière.
Je suis courtier d’assurances de profession, mais j’ai siégé pendant très longtemps dans un autre Parlement, au Québec, à l’époque où le Mouvement Desjardins était avant-gardiste en demandant au gouvernement de la déréglementation afin de vendre des produits financiers tels que les assurances dommages et des assurances-vie. J’étais contre, parce que je représentais Desjardins à l’époque. À ce moment-là, vous êtes devenu le Groupe financier Desjardins, qui englobait les fiducies. Si l’assurance-dépôts de Desjardins ou d’autres coopératives avait été moins avantageuse que celle des banques, il y a longtemps que vous auriez failli. Cela n’a pas été le cas, parce que la réglementation des provinces respectives est très sévère.
En 1987, les banques sont également devenues des groupes financiers. Rappelez-vous, toutes les banques ont ajouté le mot « groupe » devant leur nom pour pouvoir vendre de l’assurance, des fiducies, et des produits financiers qu’elles n’offraient pas auparavant.
Aujourd’hui, vous pouvez vous procurer votre assurance hypothécaire, votre assurance habitation, votre assurance-vie et votre assurance auto dans toutes les banques et caisses populaires. À partir du moment où on devient un groupe financier, la seule différence qui existe entre vous et les banques, c’est que pour pouvoir voter à l’assemblée générale, dans les banques, il faut détenir une action qui est très dispendieuse, alors que dans les coopératives, en devenant membres, nous souscrivons à une part sociale avec un droit de vote et avec tous les droits administratifs. Pour le client, il n’y a pas de changement. C’est au niveau international que cela vous coûtera de l’argent, parce que vous faites affaire avec des groupes financiers internationaux.
Quelle est la raison que les banques évoquent pour que vous n’ayez plus le droit de vous servir du mot « bancaire »?
M. Brun : Ce ne sont pas les banques qui tentent d’intervenir directement. C’était davantage une relation avec le régulateur général dans la définition des champs de compétence.
Il y a un excellent élément que vous apportez, et c’est l’évolution du secteur financier canadien. Dans ce contexte, avec la diversification, c’est faire fausse route que de réglementer, d’encadrer ou d’interdire l’utilisation d’un qualitatif alors que ce sont les mêmes services qui sont offerts. Le régulateur a avantage à dire qu’au contraire, il permettra l’utilisation d’un qualitatif approprié si ce sont des services d’assurance bancaire ou d’investissements, mais en revanche, au chapitre de l’appellation des entités, il est extrêmement important de dire que si une institution est désignée sous le mot « banque », elle doit être réglementée dans le secteur financier en vertu de la Loi sur les banques. La distinction doit se faire au niveau de la dénomination sociale et du nom de l’entité et non au niveau de la description. Autrement, il y aura un effet pervers qui risque de créer de la confusion au sein du public, parce qu’on n’aura pas le même qualificatif pour un type d’activité qui aurait, elle, les mêmes caractéristiques.
Le sénateur Maltais : Lorsque les banques s’appellent « groupe financier », elles offrent la même panoplie de services que vous pour les assurances. Pourquoi ne se dirigent-elles pas vers les assurances caution et les bons de garantie pour les entrepreneurs, alors que vous pouvez le faire par la sécurité, avec une compagnie que vous avez achetée? Pourquoi les banques ne le font-elles pas? Est-ce parce que c’est trop risqué d’émettre un certificat de bon de garantie pour une soumission pour un entrepreneur?
M. Brun : Je ne peux pas m’avancer au sujet d’une opération particulière. C’est purement une décision d’affaires de leur part qui est probablement fondée sur le risque et la marge de profits qui doit y être rattachée.
Le sénateur Maltais : À l’extérieur du Québec, partout au Canada, ce sont les compagnies d’assurances qui émettent des bons de caution et de garantie d’exécution de contrat. Dans le cas de votre groupe financier, Desjardins, un entrepreneur peut s’adresser à la caisse populaire, et la personne qui s’occupera de son dossier fera venir le spécialiste de la sécurité, qui est une compagnie qui vous appartient, et vous émettrez ce certificat.
Concernant le mot « bancaire », je ne sais pas quelle sémantique y attribue le régulateur, mais je désire qu’il nous donne une explication. Il existe une inégalité. Vous avez des services que les groupes financiers bancaires n’offrent pas. Je ne vois pas pourquoi on enlèverait le mot « bancaire » aux coopératives. L’adhérent sait au départ qu’il est dans une coopérative, car il signe sa part sociale. Que veut faire le régulateur exactement? Est-ce simplement un rêve de fonctionnaires dans une tour de 22 étages ou est-ce que cela sera plus rentable pour les banques, moins rentable pour vous, plus rentable pour le consommateur qui fait affaire avec une banque, et, enfin, moins rentable pour le consommateur qui fait affaire avec une caisse populaire? Cela ne tient pas la route.
[Traduction]
Le président : C’est compliqué, sénateur Maltais, parce qu’on a pris le mot « bancaire », qui représente une fonction, et on l’a transformé en nom, la « banque », qui représente une institution. Or la vraie fonction, ce sont les opérations bancaires. J’ai appris cela à Pompéi en 1990. L’expression vient du mot latin bench, parce qu’on échangeait les devises sur un banc il y a longtemps. C’est de là que vient le mot; c’est une fonction.
C’est comme Google et Bing. Je me demande si Bing pourrait utiliser le verbe « googler ». C’est le nom d’une entreprise, qui est maintenant devenu un verbe. Mais on peut « googler » sur Bing, je suppose. Je n’utilise plus Google, qui est trop gros, à mon avis. J’utilise Bing. C’est ma petite protestation contre un monopole. Je suis du genre coopérative de crédit.
[Français]
La sénatrice Ringuette : Vous avez indiqué tous les deux, dans vos présentations, que vous avez participé à la phase de consultation. Dans le cadre de cette participation, avez-vous proposé les changements appropriés à la loi qui rendraient compte de vos besoins? Si oui, pourriez-vous nous en fournir une copie?
M. Brun : De notre côté, pour le Mouvement Desjardins, d’abord, la consultation n’est pas terminée; elle se terminera demain, le 29. C’est un élément d’une consultation plus globale qui concerne toute cette question. En fait, nous faisons valoir exactement le même point de vue que nous vous présentons, mais, pour notre part, nous ne recommandons pas un libellé particulier. Nous laissons cela au régulateur.
L’article est déjà extrêmement complexe. La Loi sur les banques, telle qu’elle est construite, contient environ 28 exceptions, avec des alinéas multiples. Essentiellement, il s’agit peut-être d’en ajouter un ou de consolider des dispositions, mais nous laissons vraiment le champ libre au régulateur. Nous passons le message qu’il y a une prohibition qui n’a peut-être pas sa place et qui devra être rajustée.
La sénatrice Ringuette : Est-ce la même chose pour l’Association des coopératives financières?
[Traduction]
Mme Mentzelopoulos : Notre période de consultation prend fin demain; notre présentation respectera donc l’échéance. Nous proposons une modification, bien qu’elle ne soit abordée que brièvement dans notre présentation, à moins que les choses ne changent de façon importante d’ici demain.
Il s’agit d’une modification de principe. Nous voudrions ajouter des précisions, peut-être par l’entremise d’un préambule. Je ne crois pas que notre présentation soit si précise à cet égard, mais un préambule qui expliquerait le langage utilisé permettrait à une personne raisonnable de bien comprendre. Nous croyons qu’il s’agit d’une approche raisonnable parce que la loi utilise le terme « raisonnable » à 30 reprises, sinon plus.
Nous croyons qu’il s’agit d’une bonne approche et qu’on peut utiliser un langage clair : nous ne voulons pas utiliser le mot « banque » dans notre raison sociale, mais nous voulons préserver la capacité des coopératives de crédit d’utiliser les termes « banque » et « opérations bancaires ».
[Français]
La sénatrice Ringuette : Pouvez-vous fournir à notre greffière une copie du document que vous allez soumettre dans le processus de cette consultation? Je vous ai écouté attentivement et je commence à m’inquiéter quant aux mots utilisés. Parfois, vous avez dit « réglementé par une province », alors qu’ailleurs, vous dites « sous supervision prudentielle ». D’après moi, il y a une différence majeure. Il ne faut pas oublier que « réglementer par une province », cela inclut aussi toute l’industrie des prêts sur salaire. C’est pourquoi je suis curieuse des mots exacts que vous voulez utiliser.
M. Brun : Oui, c’est tout à fait légitime. Je suis heureux qu’il y ait un libellé à soumettre. C’est important dans ce contexte. Simplement, on essaie de ramener un peu les choses. Dans ma présentation, je parlais d’une interprétation inclusive; c’est vraiment ce à quoi on veut revenir. Voilà pourquoi un texte interprétatif est important.
En ce qui a trait au deuxième point, de nombreuses définitions existent déjà dans la Loi sur les banques. Les institutions financières y sont définies, de même que les sociétés de coopérative de crédit. Alors, un texte qui existe peut justement être utilisé de manière assez simple sans ajouter un fardeau supplémentaire au texte actuel de la loi. Comme vous le dites, à ce moment-là, on pourrait éviter justement un dédoublement ou une interprétation élastique.
La sénatrice Ringuette : On ne voudrait absolument pas se retrouver avec le phénomène selon lequel les services de prêts sur salaire s’identifieraient comme banques ou comme services bancaires.
M. Pigeon : Il y a vraiment deux éléments essentiels. Si vous acceptez des dépôts et tout ce qui s’ensuit, il y a un élément prudentiel qui y est associé, et les autres éléments. Nous sommes assez clairs dans nos réflexions. Ce n’était peut-être pas aussi clair ici, mais, dans nos réflexions et nos conversations, nous mettons toujours l’accent sur ces deux éléments.
La sénatrice Moncion : J’ajouterais peut-être un petit côté ironique à l’usage du mot « bancaire » : même les banques ne l’utilisent plus, car elles s’identifient maintenant comme RBC, TD, CIBC, BMO et Scotia. Elles n’utilisent même plus le mot « banque » dans leur dénomination. C’était mon premier point.
Deuxièmement, vous avez proposé que — et j’imagine que vous l’avez inséré dans votre document de consultation —, au niveau international, il y a uniquement la dénomination, c’est-à-dire l’usage du mot « banque » dans la dénomination sociale qui est utilisée, et tout ce qui devient nom ou verbe utilisé pour décrire les opérations, ce n’est pas réglementé. Je trouve cela extrêmement intéressant comme approche et comme document.
Tout à l’heure, nous nous sommes demandé si les gens font la distinction entre une caisse et une banque. Oui, sauf que, en général, quand les gens font une transaction bancaire, transigent avec leur banque, que ce soit une caisse populaire ou la RBC, ils s’adressent à la banque, et non à la caisse. Certains le font, mais, la plupart du temps, les gens vont à la banque. J’ai mon compte de banque. Alors, pour faire cette distinction, il faudrait dire par par exemple : « Je m’en vais à mon institution financière », ou « Je vais faire une transaction dans mon compte à mon institution financière », mais le commun des mortels ne fait pas cette fameuse distinction.
M. Pigeon : Je vais faire un commentaire personnel à ce sujet. Mes propres enfants transigent avec la caisse populaire Desjardins, mais ils font toujours référence à leur banque. J’ai beau leur dire qu’il s’agit d’une caisse, le leur répéter, c’est tellement ancré dans la culture que ça ne change rien. On ne peut pas le nier, même avec un papa qui vit dans le monde coopératif, ils ne changent pas leurs habitudes.
La sénatrice Moncion : Mon dernier point concerne le sujet de l’assurance-dépôts. Le sénateur Day a posé des questions à ce sujet. Mme Mentzelopoulos a mentionné que, dans les provinces, le système était souvent meilleur que celui qu’on retrouvait au gouvernement fédéral et dans les banques canadiennes. L’autre point que je tiens à mentionner, c’est que cela enlève le fardeau au gouvernement fédéral dans cette réglementation-là. À l’échelle provinciale, certaines institutions financières peuvent représenter un risque systémique pour une province, surtout quand elles sont importantes, comme Vancity et d’autres coopératives de crédit. Il y a aussi l’aspect de la réglementation et de l’assurance-dépôts qui sert justement à protéger contre ces risques qui peuvent devenir des risques systémiques, mais qui enlèvent le fardeau au gouvernement fédéral.
Maintenant, la portion qui est moins réglementée par le gouvernement fédéral, c’est ce dont on parlait avec les , ce sont tous les courtiers en hypothèques qui font des hypothèques beaucoup plus risquées. Ces sommes ne sont pas du tout comptées dans le« pay day loans » système de la Banque du Canada — j’ai eu cette discussion avec le gouverneur de la Banque du Canada. Il y a d’autres aspects qui sont beaucoup plus larges que la question de termes comme « banque », « bancaire », et cetera. Voilà mes commentaires à ce sujet, et j’aimerais entendre votre opinion.
M. Pigeon : Merci pour la question. Cela me fait penser qu’une des façons dont nous nous distinguons des banques, et c’est une façon importante, c’est que nous avons six ou sept coopératives d’épargne qui participent à la campagne en faveur d’un juste salaire, par exemple. Nous avons aussi sept ou huit autres coopératives de crédit qui se lancent dans la concurrence avec les prêteurs sur salaires, mais de façon beaucoup plus saine. C’est ce que les coopératives font que les banques ne font pas. Nous travaillons dans ces domaines, et nos membres savent que c’est ce que nous faisons, ils savent que nous sommes différents de cette façon.
Il y a énormément d’éléments par lesquels nous établissons une relation avec nos membres qui ne sont peut-être pas visibles de l’extérieur, mais qui le deviennent quand on devient membre. Nous appuyons par exemple des microentreprises. Nous avons des programmes fantastiques pour appuyer de très petits entrepreneurs. Je vous assure que ces gens font affaire avec une coopérative de crédit, et non pas avec une grande banque.
M. Brun : On mentionnait la caisse scolaire et toutes sortes d’initiatives qui sont extrêmement régionales, voire locales, et d’autres qui sont de portée nationale. En fait, pour nous, c’est important et, oui, c’est un service financier de type bancaire. Mais lorsqu’on se fait accrocher le mot « banque », habituellement, ce n’est pas nécessairement positif; c’est se faire dire qu’on agit comme une banque. De toute évidence, c’est pour dire que nous ne représentons pas du tout la même chose. Nous avons une structure très différente en matière de gouvernance et d’élections. Ultimement, le défi quotidien, c’est de mettre l’accent, en premier lieu, sur les besoins des membres, et, en second lieu, de voir comment nous pouvons les servir. Il s’agit certainement de services financiers, souvent de type bancaire, mais l’objectif premier est de servir les membres et la communauté. Cela change complètement la dynamique, et je ne crois pas qu’il y ait de confusion avec une institution financière qu’on appellerait une banque.
[Traduction]
Le président : Je remercie les témoins. La réunion était très intéressante. Nous vous en sommes reconnaissants.
J’aimerais aborder quelques points, rapidement, avant de lever la séance. La semaine prochaine, nous allons nous réunir mercredi et jeudi; vous pouvez donc planifier votre semaine en conséquence. Le document qui a été distribué aujourd’hui était en anglais seulement, ce que les témoins ont le droit de faire, mais en règle générale, si le temps le permet, nous le faisons traduire. Il est arrivé aujourd’hui seulement; c’est pourquoi il n’était pas traduit. Nous allons le faire traduire et remettre sa version française à tous les membres du comité.
(La séance est levée.)