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BANC - Comité permanent

Banques, commerce et économie

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Banques et du commerce

Fascicule no 58 - Témoignages du 29 mai 2019


OTTAWA, le mercredi 29 mai 2019

Le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce se réunit aujourd’hui, à 16 h 12, pour examiner la teneur des éléments des sections 1, 5 et 26 de la partie 4, et de la sous-section A de la section 2 de la partie 4 du projet de loi C-97, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 19 mars 2019 et mettant en œuvre d’autres mesures, et à huis clos, pour examiner un projet d’ordre du jour (travaux futurs).

Le sénateur Douglas Black (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bonjour et bienvenue, sénateurs. Bienvenue également aux membres du public qui suivent les délibérations du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce ici même, dans la salle, ou sur le Web.

Avant que nous commencions, je veux seulement indiquer aux sénateurs que, comme ils le savent, un vote aura lieu à 17 h 30. La sonnerie se fera entendre dans une heure. J’espère que nous serons en mesure de terminer la première partie de la réunion à 17 heures. Je crois que c’est possible, car les témoins avec lesquels j’ai discuté savent quelles questions nous voulons couvrir, et j’imagine qu’ils entreront directement dans le vif du sujet. Si nous ne pouvons pas, alors il en sera ainsi.

J’espère que nous pourrons siéger brièvement à huis clos simplement pour examiner le processus et les défis qui nous attendent au cours des deux ou trois prochaines semaines. Par la suite, nous pourrons aller voter à la Chambre des communes. Voilà le plan pour aujourd’hui. Nous verrons comment les choses se dérouleront.

Je m’appelle Doug Black. Je suis un sénateur de l’Alberta et je préside le comité.

Je demande maintenant à mes collègues de se présenter, à commencer par le sénateur Deacon.

Le sénateur C. Deacon : Colin Deacon, Nouvelle-Écosse. J’aime le plan du président.

Le sénateur Wetston : J’imagine que je ne peux rien dire contre le plan maintenant. Howard Wetston, Ontario.

La sénatrice Duncan : Bonjour. Pat Duncan, du Yukon.

Je vous remercie de ce plan bien défini, monsieur le président.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Jean-Guy Dagenais, du Québec.

La sénatrice Verner : Josée Verner, du Québec.

[Traduction]

La sénatrice Stewart Olsen : Carolyn Stewart Olsen, Nouveau-Brunswick.

La sénatrice Marshall : Elizabeth Marshall, Terre-Neuve-et-Labrador.

La sénatrice Wallin : Pamela Wallin, Saskatchewan. J’ai une question à poser au président. Est-ce que Mark est un membre permanent du comité maintenant?

Le président : Presque. Y a-t-il des volontaires? Bien entendu, nous recevons toujours l’aide précieuse de notre greffière et des analystes de la Bibliothèque du Parlement.

Nous poursuivons aujourd’hui notre examen de la teneur de la totalité ou d’une partie de quatre sections de la partie 4 du projet de loi C-97, Loi no 1 d’exécution du budget de 2019. Les honorables sénateurs savent que notre comité doit faire rapport de ses conclusions au Sénat au plus tard le 6 juin 2019.

À la suite de notre réunion du 15 mai, au cours de laquelle des représentants de l’Association canadienne des professionnels de l’insolvabilité et de la réorganisation, de l’Association canadienne des investisseurs obligataires et de Transparency International Canada, entre autres, ont comparu, nous avions d’autres questions. Nous sommes donc ravis d’accueillir à nouveau des fonctionnaires qui parleront de qui a été dit sur le manque de consultations et les conséquences imprévues pour les marchés obligataires. De plus, au sujet de la section 5, nous avons des questions sur le manque de consultations concernant les modifications proposées à la Loi sur la faillite et l’insolvabilité et à la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies.

Pour ce qui est de la sous-section A de la section 2, la Loi canadienne sur les sociétés par actions, le comité a des questions sur les raisons pour lesquelles il n’est pas possible d’avoir un registre public pour la propriété effective.

Je suis heureux d’accueillir nos témoins aujourd’hui. Nous accueillons deux représentants de la Direction générale des politiques-cadres du marché à Innovation, Sciences et Développement économique Canada : le directeur général et notre témoin permanent, M. Mark Schaan, et l’analyste principal de politiques, M. Ian Disend. Nous accueillons également des représentantes du ministère des Finances Canada : la directrice par intérim, Politique des pensions, Mme Kathleen Wrye, et la conseillère principale, Gouvernances et opérations des crimes financiers, à la Division des systèmes financiers de la Direction de la politique du secteur financier, Mme Safeena Alarakhia.

Nous allons écouter tout d’abord les déclarations préliminaires. Je ne sais trop qui commence, alors je vais vous laisser le déterminer. Allez-y, s’il vous plaît, monsieur Schaan.

[Français]

Mark Schaan, directeur général, Direction générale des politiques-cadres du marché, Innovation, Sciences et Développement économique Canada : Je vais commencer par une excuse.

[Traduction]

J’ai comparu tellement souvent devant votre comité que je ne me souviens plus de ce que j’ai porté la dernière fois, et peut-être que je ne change pas de vêtements assez souvent. Je vous prie de m’excuser, car je crois avoir porté ce complet la dernière fois.

[Français]

Je suis heureux d’assister à la réunion d’aujourd’hui pour discuter de manière plus approfondie des modifications proposées dans le projet de loi C-97 à la Loi sur la faillite et l’insolvabilité (LFI), la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies (LACC) et la Loi canadienne sur les sociétés par actions (LCSA).

[Traduction]

Lors de votre réunion du 15 mai, l’Association canadienne des professionnels de l’insolvabilité et de la réorganisation, l’Association canadienne des investisseurs obligataires et le Syndicat des Métallos ont fait part de leurs préoccupations concernant les modifications apportées à la Loi sur la faillite et l’insolvabilité et à la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies. Le comité a également entendu le témoignage de Transparency International concernant la transparence de la propriété effective. Je crois également comprendre que des mémoires, dont certains remis par d’autres groupes aux vues similaires, ont été présentés au comité.

Les principales préoccupations soulevées à propos des modifications à la Loi sur la faillite et l’insolvabilité et de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies portaient sur les points suivants : premièrement, la perception d’une consultation insuffisante; deuxièmement, les conséquences involontaires potentielles résultant des modifications; troisièmement, une déception liée au fait qu’une superpriorité ne soit pas accordée aux déficits des régimes de pension dans les procédures d’insolvabilité.

En ce qui concerne les modifications à la Loi canadienne sur les sociétés par actions, il a été essentiellement préconisé d’établir un registre de renseignements sur la propriété effective au Canada accessible au public. Je n’ai pas l’intention de répéter mon témoignage précédent, mais plutôt de répondre directement à ces préoccupations et de répondre ensuite à vos questions.

Je tiens d’abord à reconnaître que nous respectons les opinions exprimées par les autres témoins. En réalité, nous nous appuyons sur ces opinions. Cela dit, les lois d’application générale sont toujours des exercices d’équilibriste qui nécessitent de la prudence, ce qui signifie que, bien que nous cherchions à connaître et à examiner attentivement les points de vue de nos intervenants, le gouvernement ne peut pas toujours tous les adopter.

De toute évidence, les questions abordées par ces modifications ne sont pas simples, en raison des intérêts conflictuels et des questions très personnelles en la matière. En tant que fonctionnaires, nous avons procédé en ayant pour objectif de respecter les engagements importants du gouvernement dans ces domaines d’une manière collaborative, significative et délibérée. Nous estimons que notre processus est à la hauteur de cette norme.

[Français]

Comme je l’ai fait observer le 8 mai en réponse aux préoccupations relativement à la sécurité des régimes de pension en cas d’insolvabilité, le gouvernement a adopté une approche pangouvernementale, fondée sur des données probantes, pour améliorer la sécurité de la retraite.

[Traduction]

À la suite de nombreuses études antérieures sur bon nombre de ces questions, à la mi-2018, des représentants d’Innovation, Sciences et Développement économique, de Finances Canada et d’Emploi et Développement social Canada ont commencé le travail.

Nous avons tout d’abord rédigé un document de consultation. Ce document a été largement diffusé vers la fin de 2018 et mis en ligne en vue de recueillir des observations. Il comprenait les questions liées aux modifications proposées. Bon nombre des mêmes questions ont également été soulevées lors du dernier examen de la loi en matière d’insolvabilité en 2014.

À la fin de 2018, même si nous avions déjà bien saisi les positions des intervenants compte tenu des nombreuses interactions antérieures, nous avons tenu une dizaine de réunions avec des intervenants représentant les travailleurs, les pensionnés, les employeurs et les experts. Nos discussions, qui se sont appuyées sur le document de consultation, ont été intéressantes et éclairantes.

En plus d’entendre directement les points de vue des experts en la matière, il était important de connaître les expériences des pensionnés. Nous nous attendions à ce que tous les intervenants présents à ces réunions fournissent également des mémoires. Nous avons reçu près de 50 mémoires officiels que nous avons publiés en ligne. Ils se trouvent encore sur le site web d’ISDE. En effet, l’Association canadienne des professionnels de l’insolvabilité et de la réorganisation, le Syndicat des Métallos, l’Institut d’insolvabilité du Canada et M. Breton, à titre personnel, ont tous présenté des mémoires extrêmement utiles. Le gouvernement a également demandé au public de fournir des commentaires en ligne et a reçu plus de 4 400 observations, dont bon nombre ont insisté sur la nécessité d’accroître la transparence et l’équité de notre régime d’insolvabilité.

Par la suite, le gouvernement a proposé ses modifications aux lois sur l’insolvabilité, la gouvernance d’entreprises et les régimes de pension. Ces modifications visaient conjointement à améliorer la sécurité de la retraite et à faire respecter les principes fondamentaux des lois-cadres du marché canadien qui en font de solides plateformes pour la croissance économique, l’innovation et l’emploi des Canadiens.

Entre autres choses, les modifications établissent clairement et confirment que, dans les procédures d’insolvabilité, l’obligation d’agir de bonne foi s’applique à toutes les parties et que les tribunaux peuvent exiger, le cas échéant, que les créanciers fassent connaître leurs intérêts économiques réels. Ces mesures répondent directement aux préoccupations des pensionnés concernant les asymétries de l’information et les désavantages procéduraux dans les procédures d’insolvabilité.

L’Association canadienne des professionnels de l’insolvabilité et de la réorganisation ainsi que l’Association canadienne des investisseurs obligataires s’inquiètent de ces dispositions. Il a été noté que l’exigence relative à la bonne foi pourrait susciter de l’incertitude et conduire à des litiges et peut-être même obliger les créanciers à revoir à la baisse leur réclamation en faveur d’autrui. Il a été noté que la divulgation des intérêts économiques réels pourrait avoir une incidence négative sur la commercialisation des obligations ou d’autres titres de créance, entraver le droit de vote des créanciers dans les procédures ou même réduire les réclamations des créanciers.

En réponse à cela, je fais observer que l’obligation d’agir de bonne foi est bien établie dans la loi canadienne en matière d’insolvabilité. La Loi sur la faillite et l’insolvabilité et la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies imposent déjà des obligations d’agir de bonne foi dans de nombreux contextes. Les fiduciaires, les contrôleurs et les séquestres doivent agir de bonne foi. Un débiteur doit également faire preuve de bonne foi pour prolonger la suspension d’une procédure. De plus, la Cour suprême du Canada a établi que la bonne foi était l’une des pierres angulaires des procédures de restructuration et a reconnu une obligation d’agir de bonne foi en common law dans les relations contractuelles. L’élargissement, en particulier pour les créanciers, et la codification de ce principe conféreront aux tribunaux un nouvel outil pour garantir l’équité dans les négociations d’insolvabilité.

Le pouvoir judiciaire discrétionnaire et la souplesse sont des éléments fondateurs du régime canadien d’insolvabilité. L’expertise de nos tribunaux en matière d’insolvabilité est reconnue à l’échelle internationale. Combinée aux atouts généraux du régime, cette expertise a contribué à faciliter de nombreuses restructurations qui ont été couronnées de succès.

Nous faisons respectueusement valoir que ce bilan objectif et raisonné ne justifie pas les préoccupations exprimées la semaine dernière, et nous sommes convaincus que les tribunaux continueront d’utiliser efficacement les outils supplémentaires dont ils disposent pour atteindre les objectifs du régime d’insolvabilité et veiller à ce que les parties n’abusent pas du système.

En ce qui concerne les intérêts économiques réels, la divulgation n’est exigée que par ordonnance judiciaire. Il n’est en aucun cas obligatoire de réduire les droits de vote ou de diminuer les réclamations. Pour clarifier encore plus les choses, cela donne simplement aux tribunaux la possibilité de fournir des renseignements supplémentaires aux parties à une restructuration, et rien de plus. Avant de rendre une ordonnance, les tribunaux doivent parvenir à un équilibre des intérêts relatifs à la divulgation, ce qu’ils font tout le temps dans les faits. Ils doivent tenir compte de facteurs, tels que le point de vue du contrôleur, et déterminer si la divulgation contribuerait à la réussite de la restructuration et porterait préjudice à une partie. Cette transparence accrue des enjeux réels pour les participants devrait accroître les chances de réussite du plan de restructuration au profit de tous les intervenants. Cela cadre également directement avec les points de vue clairement arrêtés, selon lesquels le régime d’insolvabilité exige une plus grande transparence et une réduction des asymétries de l’information et des autres asymétries.

J’ai déjà abordé les contre-arguments relatifs à la superpriorité pour les déficits des régimes de pension, alors je n’ai pas l’intention de le faire encore une fois ici. Toutefois, je me ferai un plaisir de répondre à toute question à ce sujet.

[Français]

Je vais maintenant aborder brièvement les modifications proposées à la Loi canadienne sur les sociétés par actions en ce qui a trait à l’accès des services de police et des autorités fiscales aux registres que les entreprises privées constituées sous le régime fédéral devront bientôt tenir. Ces registres incluront des renseignements sur les personnes qui exercent un contrôle important sur les sociétés.

[Traduction]

La semaine dernière, l’organisation Transparency International a mis l’accent sur ce qu’elle considère comme des lacunes dans les mesures, plaidant finalement en faveur d’un registre accessible au public.

Comme vous le savez, la responsabilité en matière de droit des sociétés est partagée avec les provinces, environ 90 p. 100 des sociétés étant constituées sous le régime de lois provinciales. Les fonctionnaires fédéraux travaillent et continueront de travailler main dans la main avec leurs collègues provinciaux et territoriaux pour renforcer la transparence de la propriété effective au Canada. Le gouvernement a procédé à des améliorations dans les deux derniers projets de loi budgétaires. Le Manitoba et la Colombie-Britannique ont également présenté récemment des projets de loi et d’autres provinces devraient faire de même.

Il est important de noter que notre travail n’est pas terminé et que le gouvernement envisage d’autres améliorations, y compris d’éventuelles options applicables aux registres, dont aucune n’a encore été écartée. Les registres publics présentent des avantages potentiels, mais comportent aussi des risques. Ce n’est qu’aujourd’hui qu’ils font leur apparition ailleurs dans le monde, en particulier en Europe. Comme l’expérience est très limitée, il nous incombe de faire preuve de diligence raisonnable pour évaluer ce qui fonctionne dans le contexte canadien, qui dépend en partie de sa structure fédérale et des caractéristiques particulières du marché.

Je remercie le comité de m’avoir donné l’occasion de faire une déclaration préliminaire, et je serai heureux de répondre à vos questions.

Le président : Merci beaucoup.

Tout d’abord, je veux remercier la sénatrice Stewart Olsen, vice-présidente du comité, d’avoir proposé que les fonctionnaires comparaissent devant nous à nouveau pour que nous puissions faire exactement ce que nous sommes en train de faire — je voulais seulement le préciser.

La sénatrice Stewart Olsen : Merci, monsieur le président. C’est donc ma faute si vous êtes ici.

Le président : C’est à peu près ce que je dis.

La sénatrice Stewart Olsen : Je crois que, lorsque des témoins soulèvent des préoccupations qui semblent plutôt importantes, il est essentiel que vous puissiez revenir et avoir l’occasion d’expliquer les choses publiquement. Il s’agit d’un projet de loi budgétaire, et je pense que, pour cette raison, c’est vraiment important.

Je ne comprends pas encore complètement ce que vous dites sur la possible perturbation pour le marché obligataire. Je me demande si vous pouvez seulement en dire juste un peu plus à cet égard, car vous soulignez que tout le monde comprend bien ce qu’est l’exigence d’agir de bonne foi. Cela me rend un peu nerveuse quand j’entends des gens dire : « Eh bien, non, cela pourrait susciter... ». Je serais ravie que vous expliquiez cela. J’aimerais également savoir pourquoi le gouvernement ne définirait pas l’exigence liée à la bonne foi.

M. Schaan : Je vous remercie de la question. Il y a deux aspects dont je vais parler. Tout d’abord, concernant la bonne foi, de par leur nature même, les restructurations sont complexes et la vaste majorité des participants et des parties à des efforts de restructuration sont des acteurs de bonne foi qui sont là pour maximiser leurs intérêts économiques et parvenir à un résultat raisonnable.

Il y a des exceptions, des cas où des gens utilisent le processus de restructuration pour contrecarrer les efforts des autres, et utilisent l’asymétrie de l’information ou autre chose aux dépens de ceux qui sont techniquement vulnérables à certaines de ces restructurations, comme les pensionnés et des groupes d’employés. En prévoyant une exigence liée à la bonne foi, nous offrons un outil supplémentaire aux tribunaux qu’ils peuvent utiliser avec les antécédents de bonne utilisation avec les autres outils, y compris celui-ci.

Ainsi, l’obligation d’agir de bonne foi ne signifie pas que les tribunaux laisseront entendre que la diligence raisonnable légitime des gens ou leurs efforts de restructuration constituent en quelque sorte de la mauvaise foi. Le critère de la mauvaise foi, comme je l’ai dit, est clair. Si ce n’est pas défini, c’est que c’est propre à chaque cas.

Dans certains cas, il est de bonne foi de présenter plusieurs motions de procédure ou de déployer des efforts procéduraux dans le cadre d’une restructuration. Dans d’autres, cependant, l’utilisation continue d’outils procéduraux pour retarder ou contrecarrer les efforts de progrès est, en fait, de la mauvaise foi. Ainsi, plutôt que de nous demander de définir cela dans une loi, il est préférable de donner de la souplesse et ce pouvoir discrétionnaire aux tribunaux.

La deuxième chose importante concernant la question de la perturbation du marché obligataire qui a été soulevée concernait les intérêts économiques et la divulgation de ceux-ci.

Tout d’abord, avec tout le respect que je dois aux intervenants qui ont témoigné, comme je l’ai dit, nous avons tenu compte de leurs points de vue et nous pensons qu’ils sont utiles. Il y avait peut-être un certain alarmisme quant à ce à quoi cela pourrait mener. Pour l’essentiel, parfois, dans les restructurations, il y a des détenteurs légitimes du marché secondaire ou tertiaire concernant lesquels nous ne remettons pas en question que c’est légitime qu’ils aient acheté des titres de créance sur un marché secondaire ou tertiaire ou qu’ils aient acheté des obligations. Ce n’est pas ce que nous contestons.

Nous pensons qu’il y a asymétrie de l’information quand un titulaire de pension au passif non capitalisé reçoit 80 cents par dollar, ainsi qu’un bon pour les 20 cents qui restent et qu’il est en concurrence avec une personne qui semble théoriquement elle aussi avoir un bon de 20 cents, mais qui l’a en fait acheté au coût de 1 cent. En période de restructuration, tout le monde semble subir des pertes et l’on veut s’assurer que ce soit équitable pour tout le monde, mais l’asymétrie de l’information est telle que ce n’est pas nécessairement le cas.

Nous disons donc que, dans des circonstances extraordinaires, le tribunal a le pouvoir de divulguer, sur demande, les intérêts économiques des parties et d’exiger une plus grande divulgation de renseignements. Ce n’est pas automatique. Cela ne porte pas à conséquence, en ce sens qu’il n’est pas automatique que le détenteur d’obligations n’aura droit qu’à un crédit réduit. Ce n’est pas du tout ce que cela dit. C’est seulement que la personne prendrait peut-être une décision différente dans certaines circonstances si le tribunal ordonnait de lui divulguer toute l’information sur les intérêts économiques réels pour qu’elle puisse agir en conséquence.

Je pense que les détenteurs d’obligations sautent à la conclusion que la simple divulgation de leurs intérêts économiques les placera nécessairement en situation de désavantage ou que des mesures seront prises. Ce n’est pas le cas. Ils peuvent toujours défendre leurs intérêts dans cette restructuration. Il n’y a aucun comportement qui en résultera automatiquement. C’est à la discrétion des tribunaux, et il pourra arriver, dans certains cas, que les juges déterminent qu’il y a asymétrie de l’information.

La sénatrice Stewart Olsen : Merci. Je dirai simplement que les juges ne seront pas toujours conscients des perturbations qu’une ordonnance de divulgation pourrait causer sur le marché des obligations. Je m’arrêterai là. Je vous remercie de votre explication et de votre examen attentif.

Le président : Merci.

Le sénateur Wetston : Merci. Je vous remercie de comparaître de nouveau devant nous. Je poursuivrai dans la foulée de la question de la sénatrice Stewart Olsen sur le marché des obligations. Vous ne laissez pas entendre qu’un bon de 20 cents n’a pas vraiment d’intérêt économique, n’est-ce pas?

M. Schaan : Pas du tout, il présente un véritable intérêt économique.

Le sénateur Wetston : Je pense que c’est important de le souligner.

Vous avez couvert beaucoup de matière, et c’est très utile, mais je voudrais vous interroger sur la bonne foi. Je pense qu’il existe beaucoup de formes d’accords commerciaux et que c’est reconnu. La Cour suprême du Canada l’a bien précisé il y a cinq ou six ans dans son arrêt sur les relations contractuelles. J’en oublie le titre, mais c’est celui-là.

Concernant les préoccupations sur la bonne foi et les procédures d’insolvabilité, on se trouve, par ces modifications, à élargir la portée des dispositions législatives ou des exigences existantes pour les faire appliquer à un plus vaste éventail d’acteurs, si je comprends bien. Qui seraient ces acteurs?

M. Schaan : À l’heure actuelle, comme je l’ai indiqué dans ma déclaration préliminaire, elles s’appliquent aux contrôleurs et aux parties à la restructuration. Elle s’appliquerait désormais également aux créanciers.

Le sénateur Wetston : Considérez-vous que cela élargit la portée de ces dispositions? J’aurais cru qu’elles s’appliquaient déjà à eux. J’ai un peu de mal à comprendre pourquoi la portée en serait élargie.

M. Schaan : Je suppose que certains considéraient déjà qu’elles s’appliquaient à tous, mais le tribunal aura maintenant un outil pour encadrer les comportements en contexte de restructuration, et je pense que cette clarification de l’obligation absolue d’agir de bonne foi et sa codification permettront au tribunal de prendre des mesures, au besoin, dans l’exercice de ses pouvoirs sur la restructuration.

Le sénateur Wetston : J’aimerais avoir des précisions sur la superpriorité. Vous en avez parlé; nous en avons discuté. Il faut nous demander quels en sont les effets, positifs ou négatifs. Le problème, c’est qu’elle pourrait avoir une incidence sur les régimes à prestations déterminées. Dans un contexte de restructuration, elle pourrait nuire à la préservation des emplois, entre autres. Pouvez-vous éclaircir tout cela?

Quelle en serait l’incidence sur les éléments de négociation et les restructurations? Par exemple, pour que les employés reçoivent leur plein salaire, pour assurer l’accès à du financement transitoire et d’autres choses du genre. Pouvez-vous m’aider? Je pense que ce sont là quelques-unes des préoccupations exprimées par les témoins. Est-ce que je me trompe?

M. Schaan : Non, je pense qu’il est légitime que les retraités et les travailleurs réclament tout ce à quoi ils ont droit en cas de restructuration ou d’insolvabilité, et c’est la raison pour laquelle ils souhaiteraient avoir priorité.

Pour évaluer l’impact de cette priorité sur la restructuration, analysons l’exemple des restructurations couronnées de succès, et bien qu’on ne puisse pas tout rejouer à la perfection, il y a des exemples utiles dans lesquels on peut imaginer ce qui aurait pu se passer. Je risque de me tromper dans les chiffres, donc je n’en donnerai pas, mais je citerai l’exemple d’Air Canada, qui a invoqué à trois reprises la LACC, avec succès, et en est ressortie à titre d’entreprise en exploitation dotée d’un régime de retraite. À ce jour, ce régime se trouve toujours en très bonne posture.

Le passif non capitalisé de son régime de retraite, quand elle a amorcé le processus de restructuration, dépassait tout le capital et tous les actifs qu’elle possédait de... Encore une fois, je ne donnerai pas de chiffres, mais disons que son passif non capitalisé excédait de beaucoup ses actifs. Cela signifie que si elle avait dû faire l’objet d’une restructuration et qu’une superpriorité s’était appliquée, en gros, les retraités auraient tous reçu des prestations, sauf que le passif non capitalisé était tellement grand que même là, ils auraient subi des pertes, probablement assez grandes. Il ne serait rien resté pour d’autres créanciers. Cela signifie que la probabilité que la restructuration se termine bien est... Au lieu de cela, sans cette superpriorité, tout le monde a pu s’engager dans le processus de restructuration et aujourd’hui, ce transporteur est toujours en activité, il a toujours un régime de retraite et génère beaucoup d’emplois.

Le sénateur Wetston : Oui, brièvement, je peux en voir les avantages, évidemment. C’est une chose que d’assurer le paiement de prestations de retraite et une autre que l’entreprise survive. C’est peut-être le genre de compromis dont vous parliez. Je pense que nous avons vécu à peu près la même chose en Ontario, avec les fabricants d’acier. Ma mémoire me fait défaut, c’était peut-être Stelco, je ne me souviens plus.

M. Schaan : C’était les deux.

Le sénateur Wetston : L’expérience était-elle comparable? Selon vous, une superpriorité aurait-elle eu le même effet dans ce cas? Elles ne semblent pas avoir très bien survécu, c’est vrai, mais elles fonctionnent.

M. Schaan : Stelco a toujours un régime de retraite. Nous considérons cela comme un résultat positif de la restructuration de l’entreprise. Les emplois ont été préservés, l’entreprise est en croissance et le régime de retraite demeure intact.

Le sénateur Wetston : C’est vrai, il faut le dire. Je ne voudrais pas laisser entendre le contraire.

[Français]

La sénatrice Verner : J’irais également dans le sens du langage « de bonne foi ». Mes collègues ont déjà abordé ce sujet. Lorsque M. Jean-Daniel Breton est venu ici, il nous a fait part d’une inquiétude et d’un malaise qu’il a perçus de la part de ses collègues du Canada anglais, étant donné que deux systèmes de droit cohabitent au Canada, soit le droit civil et la common law.

Il disait qu’il y avait peut-être quelque chose de nébuleux relativement à l’utilisation de l’expression « de bonne foi ». Il n’a pas proposé d’amendements comme tels, mais il a suggéré de possiblement créer un comité. Je vais juste reprendre ses mots : il a dit que la création d’un comité consultatif formé de praticiens dans ce domaine pour établir une définition plus claire serait très utile.

Est-ce quelque chose dont il vous a parlé, cette espèce de malaise, et a-t-il évoqué la possibilité de créer un comité consultatif?

M. Schaan : Nous avons l’occasion de discuter avec les intervenants à ce sujet et d’établir une relation de coopération avec tous les intervenants. À ce sujet, il y a deux points importants. D’abord, il y a des discussions en cours en vue de définir des normes dans ce cas particulier. Toutefois, ce n’est pas impossible, pour les intervenants et les autres acteurs, de s’informer à ce sujet, de développer de bonnes pratiques et de mener une bonne étude en ce qui a trait aux facteurs et aux éléments clés qui se trouvent dans la définition des termes « de bonne foi ».

[Traduction]

Le barreau ou la magistrature, des organisations ou toutes sortes de sociétés de droit étudient diverses questions de droit comme celle-ci, des concepts juridiques que le tribunal a le pouvoir discrétionnaire d’interpréter, et y ajoutent de la profondeur et de la clarté. Nous avons délibérément choisi, dans ce projet de loi, de ne pas essayer de préciser la chose davantage.

[Français]

Il est vraiment important de reconnaître que la loi québécoise inclut maintenant l’élément « de bonne foi » et que cela fonctionne bien. S’il y a des défis ou des préoccupations par rapport à l’utilisation de ces termes dans la loi, votre comité pourrait peut-être adopter d’autres façons de faire part des décisions de la cour et des juges.

[Traduction]

Je ne pense pas que la loi soit le bon endroit pour le faire. Je pense qu’on pourrait probablement encore approfondir la discussion sur ce que signifie « de bonne foi ». Je ferai peut-être rire le sénateur Wetston, mais il y a un bon dialogue sur d’autres concepts, comme celui de l’intérêt public, qui n’est pas davantage défini dans d’autres lois mais qui continue de se préciser de manière très utile ailleurs.

La sénatrice Verner : Merci.

Le sénateur C. Deacon : Je vous remercie d’être ici de nouveau, monsieur Schaan. Vous devrez continuer de m’éduquer sur cette question. Je réfléchis à toute la période avant que ne s’enclenche la procédure de faillite; c’est souvent un peu comme un avion qui perdrait de l’altitude, frôlerait la cime des arbres, puis arriverait à reprendre de l’altitude. Les forces du marché sont des facteurs très importants pendant cette période, comme le fait que tout le monde unisse ses forces pour essayer de créer des conditions favorables à la reprise, pour éviter un échec qui semble inévitable.

Cela m’a inquiété d’entendre dire, il y a quelques semaines, que, s’il n’y a pas encore d’entente et que l’on essaie d’imposer un prix de force au marché plutôt que d’avoir une discussion franche, on rendra la faillite inévitable et on perturbera les forces du marché pendant les discussions sur une possible faillite. Cela amènera les gens à voir leurs actifs autrement et peut-être, à y accorder une valeur différente.

Je m’inquiète un peu de ce qui se passera pendant cette période et des effets de la modification que vous proposez non pas sur la procédure de faillite, mais sur les événements qui la précèdent. Pendant cette période, pour les organisations canadiennes de toutes sortes et de toutes tailles qui sont en difficulté et qui essaient de convaincre tous les acteurs de travailler ensemble, cette modification en aval pourrait avoir pour conséquence d’affaiblir la volonté de différentes parties de jouer. Cela pourrait nuire à leur aptitude à trouver de nouveaux fonds.

J’aimerais que vous nous en parliez un peu, que vous nous fassiez part de vos réflexions à ce sujet. Je ne m’y connais pas assez, mais cela m’inquiète toujours quand on essaie de perturber les forces du marché.

M. Schaan : Cela suscite quelques réflexions chez moi. Loin de moi l’idée de plaider contre les forces du marché. Croyez-moi, tout le régime d’insolvabilité se fonde sur la volonté d’utiliser les forces du marché à bon escient et de ne pas nous précipiter vers les tribunaux ou les banques. Je vous dirais que l’un des fondements de cette modification, c’est qu’il y a continuellement un sentiment d’iniquité, de manque de transparence et d’asymétrie pour les autres parties...

Le sénateur C. Deacon : Je vous ai entendu dire cela. Le mot « équité » est assez chargé. Je l’ai appris à l’école primaire.

M. Schaan : Oui. Les accords qu’on concluait avant et qui se fondaient sur l’idée...

Le sénateur C. Deacon : Je veux vraiment que vous me parliez de l’effet de cette modification sur les forces du marché pendant la période qui précède la faillite, plutôt que vous m’expliquiez pourquoi vous faites ce que vous faites. Avez-vous analysé ce facteur?

M. Schaan : Oui. Pour clore cette première réflexion, je pense qu’il faut faire preuve d’ouverture, parce qu’il importe de tenir compte du fait qu’il est plus juste de parvenir à un accord de restructuration quand toutes les parties ont toute l’information que quand l’une des parties ne sait pas vraiment ce qu’elle négocie ni avec qui.

Premièrement, il faut dire que les juges ont le pouvoir discrétionnaire de déterminer ce qui sera divulgué. Deuxièmement, cette divulgation se fait à la demande. L’information économique ne sera pas divulguée à n’importe qui, n’importe comment dans tous les cas de restructuration et d’insolvabilité. Il y aura beaucoup de jugement et de diligence dans ce processus. Même à ce moment-là, supposons que je détienne des obligations et que je craigne qu’en cas de restructuration, on sache ce que j’ai vraiment payé pour ces obligations et que cela me rende vulnérable à recevoir moins. Qu’est-ce que je ferai? Je risque d’appeler l’administrateur de ces obligations, et cela ferait justement s’enclencher la procédure en place actuellement.

Le sénateur C. Deacon : Cela pourrait toutefois accélérer la procédure.

M. Schaan : Sauf que le fait d’enclencher le processus de la LACC plus rapidement n’est pas nécessairement... Il faut dire que, s’il y a une restructuration imminente et qu’elle survient plus tôt, cela donne à l’entreprise de la souplesse et de la liberté pour conclure un accord. Qu’elle arrive tôt ou tard, si nous craignons la liquidation des actifs, nous nous efforcerons vraiment de l’éviter.

La restructuration est l’occasion, pour une entreprise, de rassembler tous les acteurs dans la même pièce, dans l’espoir d’en arriver à une entente. Si une entente est conclue, mais qu’il y a certaines parties seulement qui ont accès à toute l’information impartiale, dans certaines circonstances, je ne suis pas certain que ce soit nécessairement un bon argument pour justifier le maintien du régime. À notre avis, l’information peut avoir énormément de valeur en situation de restructuration, et même dans le pire des scénarios, il se pourrait que la LACC soit invoquée plus tôt et qu’on enclenche les négociations plus vite. C’était parfois possible, avant, parfois non, quelles que soient les circonstances.

Le sénateur C. Deacon : Merci beaucoup.

La sénatrice Wallin : J’ai une question sur la procédure. Quand vous affirmez avoir entendu tous les témoignages des détracteurs de ce projet de loi qui ont comparu devant nous ou nous ont fait parvenir un mémoire, que voulez-vous dire? Que faites-vous de cette information?

M. Schaan : Comme vous pouvez l’imaginer, notre équipe travaille sur ces questions depuis longtemps. J’ai beaucoup de chance de pouvoir compter sur une équipe qui a une grande mémoire institutionnelle et qui se compose de juristes très compétents sur ces questions, qui sont là depuis longtemps. Nous devons soupeser les objectifs de politique publique de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité et de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies, et il y en a beaucoup.

Il y a l’objectif de la transparence, comme il y a celui de l’équité, mais il faut aussi tenir compte de la détresse de la partie touchée à cause de la perte de son statut économique, ainsi que des questions liées au marché de la dette et à la conservation de liquidités. Ce sont tous des objectifs de politique publique. Essentiellement, dès qu’il y a une possibilité de modifier la politique, nous prenons tous ces facteurs en considération. Nous évaluons à quels objectifs de politique publique la modification répond et s’il y a une façon de les atteindre sans entraver les autres objectifs. En cas d’insolvabilité, on cherche presque tout le temps l’équilibre entre ces divers objectifs.

Notre opinion, c’est que ce n’est pas pour favoriser l’équité et à la transparence au détriment des liquidités. Non, c’est une question d’équilibre. Les liquidités sont essentielles. Le marché de la dette est essentiel. Toutefois, pouvons-nous assurer le bon fonctionnement du marché de la dette tout en favorisant l’atteinte de nos objectifs de politique publique, de manière à accroître la transparence et l’équité?

La sénatrice Wallin : Ma question est probablement plus étroite que cela. Nous sommes actuellement saisis d’une loi d’exécution du budget, mais cette modification est loin d’être simple. Êtes-vous en train d’essayer de dresser la liste de tout ce que nous devrons examiner plus en profondeur la prochaine fois? Essayez-vous d’introduire des modifications à la pièce ex post facto?

M. Schaan : Nous tenons toutes sortes de listes, et nos vis-à-vis aussi. Il y a bien des gens qui tiennent des listes de toutes sortes de choses qu’ils voudraient probablement que nous examinions. Ces listes varient. Toutes ces questions continuent de faire partie de la matière à examiner, et il pourra toujours être pertinent d’y revenir.

En fait, beaucoup de questions de transparence mijotent depuis longtemps. Quand est-ce que ce sera le bon moment? Est-ce le bon moment, maintenant, pour adopter des mesures favorisant la transparence, afin de reconnaître où se situerait l’équilibre?

La sénatrice Wallin : Je ne vois pas trop quoi vous demander à part : « Montrez-nous cette liste », mais je ne pense pas vraiment pouvoir faire cela, sauf que cela signifie que vous reviendrez nous voir.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Je remercie nos invités. Monsieur Schaan, j’ai une question pour vous. Je voudrais parler des modifications proposées à la Loi sur les sociétés par actions. Il y a une disposition selon laquelle l’amende est fixée à 5 000 $ en cas de non-communication de l’information. Dans certains cas, cela risque d’être un montant trop peu élevé et pas très dissuasif. Pourquoi s’être contenté d’une amende de 5 000 $?

M. Schaan : Il y a deux pénalités légales dans ce projet de loi, soit la pénalité administrative, qui est la même pénalité dans tous les cas où l’on contrevient à la LCSA, qui est de 5 000 $. Toutefois, il y a une autre pénalité qui existe pour les efforts qui sont...

[Traduction]

Il y a aussi des dispositions en droit criminel, qui dictent essentiellement que toute personne qui retient sciemment de l’information pour tromper d’autres personnes est passible d’une amende de 200 000 $ et d’un emprisonnement maximal de six mois.

Essentiellement, l’équilibre visé dans les lois, c’est que si quelqu’un n’inscrit pas la bonne adresse pour M. Mark Schaan à titre de bénéficiaire effectif, c’est techniquement une infraction au registre de contrôle, et on peut lui imposer une amende de 5 000 $ maximum. Si quelqu’un sait que M. Schaan n’était pas très convenable et qu’il avait des motivations cachées à titre de bénéficiaire effectif, puis qu’il a caché l’information...

[Français]

Dans ces cas-là, la pénalité est plus élevée et comprend la possibilité de purger une peine d’emprisonnement.

Le sénateur Dagenais : Merci beaucoup.

[Traduction]

La sénatrice Marshall : Je vous remercie d’être ici aujourd’hui. Dans votre exposé, vous avez mentionné un certain nombre d’organisations qui ont des réserves à l’égard de ces modifications, et vous en avez nommé quelques-unes. Pour vous en donner un exemple, je regarde la lettre que l’Institut d’insolvabilité du Canada vous a fait parvenir dernièrement pour vous faire part de ses préoccupations.

Sans entrer dans les détails, notamment en ce qui concerne la définition de la « bonne foi », on constate que toutes ces organisations sont très inquiètes des modifications proposées. Je me demande si c’est que ces personnes ne savent pas ce qu’elles font ou si ce sont plutôt les fonctionnaires qui ne saisissent pas bien les enjeux. Pourquoi sont-elles si inquiètes?

Nous en sommes à examiner cette loi d’exécution du budget, et c’est presque comme s’il était trop tard pour faire quelque chose. Vous essayez de corriger un problème, mais vous risquez peut-être de l’empirer. C’est très inquiétant quand on voit autant de représentants d’organisations défiler devant nous. Ce sont des organisations de bonne réputation, des personnes crédibles, et elles n’expriment pas qu’une petite inquiétude sur une chose comme la question de la bonne foi. Elles ont beaucoup de réserves à l’égard de ce projet de loi.

J’ai l’expérience de plusieurs projets de loi d’exécution du budget, et celui-ci me donne particulièrement l’impression que beaucoup d’articles ont été rédigés à la hâte. Ils ne semblent pas très réfléchis. Je regarde tout cela et je me demande à quel point on a approfondi la réflexion.

Je sais qu’on a parlé d’une liste et qu’on a dit qu’on rectifierait le tir en cours de route, mais quels dommages créerons-nous d’ici là? Que pouvons-nous faire? Allons-nous simplement balayer toutes ces inquiétudes du revers de la main et nous contenter d’attendre de voir ce qui se passe? Que pouvons-nous faire?

M. Schaan : Je vous dirai d’abord que les mémoires soumis par les parties qui ont témoigné devant vous ressemblent beaucoup à ceux qui nous ont été soumis dans le cadre de nos consultations.

La sénatrice Marshall : Ce n’est pas ce qu’on nous dit. En fait, les gens de l’Institut d’insolvabilité du Canada affirment plutôt que les modifications qu’on trouve dans la Loi d’exécution du budget vont bien au-delà des questions abordées dans le cadre des consultations de janvier.

Il y a donc au moins une organisation dont les membres estiment que les questions sur lesquelles ils ont été consultés en janvier étaient beaucoup plus étroites. Ils voient ici quelque chose de bien plus gros et plus vaste que ce qu’on leur avait laissé entendre.

M. Schaan : Sauf votre respect, je ne suis pas d’accord avec la façon dont notre document de consultation est caractérisé. Nous avons réellement abordé ces questions, et l’Association canadienne des professionnels de l’insolvabilité et de la réorganisation en parle dans son mémoire.

Je prends sa perspective vraiment très au sérieux, et c’est un point auquel nous travaillons en très étroite collaboration avec tous ces intervenants. Il s’agit de questions qui mijotent depuis longtemps, pour lesquelles nous avons fait preuve de diligence raisonnable et auxquelles nous avons mûrement réfléchi.

Non, nous ne nous contentons pas de mettre ces préoccupations de côté et d’attendre. Nous continuerons d’en surveiller la mise en œuvre et de travailler avec les mêmes intervenants.

Je ferai remarquer, cependant, comme je l’ai indiqué à la sénatrice Wallin, que pour ce qui concerne ces types de lois, il y a une vaste gamme d’intervenants qui ont souvent des points de vue extrêmement divergents. La nature des lois a souvent été telle qu’elles n’ont pas été du tout modifiées, en partie, à cause d’un immobilisme attribuable au fait qu’on ne veut pas avancer sachant qu’on ne plaira jamais à tout le monde. C’est simplement la nature de ces types de choses.

La réalité est que, au fur et à mesure qu’on modifie ces lois, on servira de multiples objectifs de politique publique. Je ne connais pas de façon de procéder qui saura plaire à tout le monde. Nous avons essayé de nous assurer que nous avions bien pesé et compris les préoccupations réelles en matière de politique publique et les répercussions qu’elles auront sur les objectifs que nous visons, en espérant avoir tracé une voie à suivre qui soit mûrement réfléchie et raisonnée.

La sénatrice Marshall : À bien y penser, a-t-on envisagé d’exclure cette partie de la Loi d’exécution du budget et de la reporter?

M. Schaan : Pour en revenir à mes remarques liminaires, je ne partage pas les préoccupations des intervenants. Je comprends leurs préoccupations. Personnellement, je ne suis pas d’accord. Je trouve leurs préoccupations très valides, et elles sont utiles.

À cette fin, votre question part du principe que je serais d’accord avec eux pour dire que la loi est erronée, et que je suggérerais que le projet de loi que nous avons présenté ne l’est pas. C’est, en fait, un point valide.

La sénatrice Marshall : Pas nécessairement qu’elle est erronée, mais peut-être qu’on n’avait pas tenu compte de certaines implications à l’époque.

M. Schaan : Non. Nous avons pensé très longuement à ces types d’implications précis, à ce qui se passe en pareilles circonstances et à l’incidence sur les comportements économiques.

Nous accordons la déférence voulue au système qui, je le reconnais, n’est pas toujours aussi parfait que les gens aimeraient parce qu’il n’offre pas toute la certitude voulue, mais nous avons vu des articles récents qui parlent de la valeur de nos tribunaux et de leurs décisions dans ces dossiers et qui sont bien perçus à l’échelle internationale. En fait, un article publié récemment dans le Globe and Mail portait sur le fait que les gens essaient de trouver un lien canadien pour utiliser notre système d’insolvabilité en raison de l’expertise de nos tribunaux dans ces types de décisions. Cela explique peut-être pourquoi nous sommes beaucoup plus à l’aise avec ces modifications.

La sénatrice Marshall : Dans le cas des organisations qui sont venues vers vous et vous ont dit qu’elles n’aiment pas les modifications, leur répondez-vous, ou ajoutez-vous simplement ces commentaires à votre liste de choses à faire et à considérer à une date ultérieure?

M. Schaan : Nous discutons régulièrement avec la grande majorité de ces intervenants. À part les particuliers canadiens, nous connaissons les personnes qui ont contribué et participé à notre processus de consultation. Nous discutons continuellement avec elles, y compris avec les organisations dont les représentants ont témoigné devant vous.

La sénatrice Marshall : Merci.

Le sénateur Wetston : J’ai une question brève concernant les paiements rapides. Qu’est-ce que le Conseil du Trésor permettra ou pas pour garantir les contrats? Des cautionnements? Pouvez-vous maintenant les accepter? Dans l’affirmative, quel pourcentage de cautionnements pourraient représenter, par exemple, les types de garanties que le Conseil du Trésor autorise le gouvernement à accepter en ce qui concerne les contrats?

M. Schaan : Il faudrait que je vous revienne là-dessus, sénateur Wetston. En fait, je ne connais pas la réponse à cette question.

Le sénateur Wetston : C’est bien. Merci de me revenir là-dessus.

Le président : Seriez-vous en mesure de le faire pour demain?

M. Schaan : Je l’espère.

Le président : Je crois que c'est une question pour vous, monsieur Disend.

M. Schaan : Elle est, en fait, pour M. Halucha, qui m’accompagne habituellement lorsque je témoigne devant le comité.

Le sénateur Wetston : Le pourcentage n’est pas si important. Je me demande simplement si le Conseil du Trésor trouve ces types d’obligations acceptables dans le contexte des contrats gouvernementaux, surtout à la lumière de la mesure législative sur les paiements rapides.

M. Schaan : Pour être bien clair, il s’agit de cautionnements et de la question de savoir si le gouvernement les accepte dans le cadre de ses approvisionnements, qui ont un lien avec le marché des obligations.

Le sénateur Wetston : Oui, ce serait le cas, et les paiements rapides potentiellement au titre du régime que vous mettez actuellement en place.

Le président : Madame la greffière, vous pourriez peut-être diffuser cette information lorsque nous l’obtiendrons.

Je remercie les témoins de leur présence. Votre contribution a été utile. Nous avions des questions; je crois que vous y avez répondu. De là à savoir si tout le monde est satisfait, c’est une autre histoire, mais nous vous savons gré des efforts que vous avez tous déployés en prévision de la réunion d’aujourd’hui. Monsieur Schaan, nous nous réjouissons à la perspective de lire la réponse.

(La séance se poursuit à huis clos.)

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