Délibérations du Sous-comité des
Anciens combattants
Fascicule no 6 - Témoignages du 8 mars 2017
OTTAWA, le mercredi 8 mars 2017
Le Sous-comité des anciens combattants du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense se réunit aujourd'hui, à 12 h 4, pour examiner la création d'un système professionnel, cohérent et défini pour les anciens combattants lorsqu'ils quittent les Forces armées canadiennes.
Le sénateur Jean-Guy Dagenais (vice-président) occupe le fauteuil.
[Français]
Le vice-président : Bienvenue à cette séance du Sous-comité des anciens combattants. Aujourd'hui, le sous-comité tient la première réunion de son étude des questions relatives à la création d'un système professionnel, cohérent et défini pour les anciens combattants lorsqu'ils quittent les Forces armées canadiennes.
Nous sommes ravis d'accueillir, comme premier témoin, M. Gary Walbourne, ombudsman de la Défense nationale et des Forces canadiennes. Il a eu une brillante carrière au sein de la fonction publique du Canada. Il est entré au service du Bureau de l'ombudsman des vétérans en 2011, à titre de directeur général des opérations et d'ombudsman adjoint. En mars 2014, il a été nommé ombudsman de la Défense nationale et des Forces canadiennes pour un mandat de cinq ans.
Monsieur Walbourne, je vous invite à nous faire part de vos commentaires préliminaires, après quoi les sénateurs vous poseront des questions. Je vais demander aux sénateurs de bien vouloir se présenter, en commençant à ma droite.
[Traduction]
La sénatrice Wallin : Je suis la sénatrice Wallin, de la Saskatchewan.
La sénatrice Boniface : Je suis la sénatrice Gwen Boniface, de l'Ontario.
Le sénateur Meredith : Je suis le sénateur Don Meredith, de l'Ontario.
[Français]
Le vice-président : Je suis le sénateur Jean-Guy Dagenais, et j'agirai à titre de vice-président du Sous-comité des anciens combattants aujourd'hui.
[Traduction]
Gary Walbourne, ombudsman, Ombudsman de la Défense nationale et des Forces canadiennes : Bon après-midi à tous et merci de me donner l'occasion de discuter des questions concernant la transition de la vie militaire à la vie civile.
Comme je l'ai mentionné auparavant lors de témoignages devant d'autres comités parlementaires, plus de la moitié des plaintes que traite mon bureau chaque année a trait à des questions liées à la fin de la carrière. Bien que chaque cas soit unique, mon bureau assure un suivi des tendances, et j'ai lancé des enquêtes systémiques en conséquence.
Comme vous le savez, deux de mes derniers rapports comprenaient des recommandations simples fondées sur des données probantes qui, selon moi, peuvent alléger le fardeau administratif et les procédures auxquels se heurtent nos militaires blessés ou malades. Mes recommandations sont simples, et elles peuvent facilement être mises en œuvre.
D'abord, on doit attribuer au médecin général la responsabilité de déterminer si la maladie ou la blessure d'une personne est attribuable au service militaire, et Anciens combattants Canada doit s'appuyer sur cette détermination pour accorder l'ensemble des avantages sociaux aux militaires libérés. Nous avons estimé que les temps d'attente liés à l'obtention des prestations d'ACC seraient réduits au moins de moitié.
Deuxièmement, les militaires ne devraient pas être libérés des Forces armées canadiennes avant que tous les avantages et les services auxquels ils ont droit, provenant de toutes les sources, y compris Anciens combattants, soient en place. Cela comprend leurs pensions des Forces canadiennes.
Troisièmement, un service de guide-expert doit être mis en place, constitué de membres des Forces armées canadiennes, afin d'aider les militaires à parcourir le processus complexe de libération.
Enfin, il faudrait créer un portail web conjoint qui permet une navigation conviviale et qui comprend tous les renseignements pertinents sur les avantages et les services d'Anciens Combattants et des Forces armées canadiennes.
Sénateurs, vous pourriez croire que ce plan a été accepté et mis en œuvre rapidement. Ce n'est pas le cas.
Malheureusement, j'ai reçu deux réponses nébuleuses du ministre de la Défense nationale, indiquant que certaines de mes recommandations étaient « pertinentes », mais le ministre n'a pas fourni d'indication réelle que l'une ou l'autre des recommandations seraient mises en œuvre.
Le général Vance, chef d'état-major de la Défense, nous a également indiqué que les Forces armées canadiennes mettraient en veilleuse la libération pour raisons médicales des militaires jusqu'à ce que tous les mécanismes soient mis en place, et qu'un service de guide-expert serait créé sous peu. C'est encourageant, mais en réalité nous n'en sommes pas là. Nous savons que le pouvoir de retenir la libération des militaires jusqu'à l'activation des avantages relève entièrement du ministre ou du chef d'état-major de la Défense — mais des militaires continuent d'obtenir leur libération.
Mesdames et messieurs, certaines des luttes des militaires libérés des Forces armées canadiennes ont été portées à l'attention du public. Il est impossible de les réprimer. On entend parler de difficultés financières, de stress émotionnel et de frustration inutile. Des membres des Forces armées canadiennes qui ont servi notre pays pendant des décennies, qui ont effectué de multiples déploiements et qui ont obtenu des mentions élogieuses sont menacés d'expulsion ou sont expulsés de leur maison et font face à la ruine financière parce qu'ils attendent leur indemnité de départ, leur premier chèque de pension ou leurs prestations. Cela pourrait très bien être évité.
Il semble que l'on élabore des processus administratifs lourds pour répondre à des questions pointues. Ce qui est encore plus troublant, c'est que les résultats désirés demeurent imprécis.
Pendant près de quatre ans, j'ai occupé le poste d'ombudsman adjoint à Anciens Combattants Canada. Certaines questions qui faisaient l'objet de discussions en 2011 sont encore à l'ordre du jour aujourd'hui, et elles n'ont pas été réglées. Il est facile de justifier les causes principales de toutes les difficultés d'un ministère par l'inaction de l'administration d'un gouvernement précédent. Toutefois, alors que les administrations changent, les formalités administratives ne changent pas. Il y a eu plus d'examens qu'il n'en fallait. Les réponses s'offrent à nous, mais quelqu'un doit agir avec audace et de façon créative, et le financement vient des niveaux supérieurs.
Grâce aux informations obtenues auprès des responsables du ministère de la Défense nationale au moyen des interactions quotidiennes de mon bureau avec eux et grâce à notre participation à titre d'observateurs dans un certain nombre de groupes travail, nous avons une bonne idée des corrections que les deux ministères prévoient d'apporter au système. Il semble que les formalités vont aller s'accentuant.
Ce que je demande c'est un changement fondamental au système existant. Il faut simplifier le système et instaurer un modèle de service qui repose sur une logique rigoureuse. On procède à une réorganisation esthétique ou à ce qu'on appelle une « optimisation », alors que le bateau est en train de couler.
À l'automne 2016, dans mon témoignage devant deux comités parlementaires, j'ai mentionné aux membres des deux Chambres que, selon moi, l'embauche de personnel supplémentaire n'était pas la solution permettant de régler ce modèle de transition complexe. Trouver la bonne solution demandera beaucoup de travail, mais, ce qu'il importe de reconnaître, c'est que le système dans sa forme actuelle présente des lacunes fondamentales et que l'application de mesures correctives n'est pas suffisante; il faut un changement fondamental qui porte non seulement sur ce qui est nécessaire, mais, chose tout aussi importante, sur les moyens de répondre aux besoins.
Vous savez, sénateurs, l'un des moments le plus absurde que j'ai vécus l'an dernier a été la lecture d'une diapositive particulière d'une présentation qui indiquait que mon bureau avait « peu d'influence et peu d'intérêt » pour tous ces travaux visant à « colmater la brèche ». Si, en quelque sorte, les ministères s'entendent pour dire que ce bureau de dernier recours, avec lequel les personnes communiquent lorsque le système les laisse tomber, n'a pas d'intérêt véritable dans l'issue de leur nouveau modèle de transition, je ne peux que remettre ouvertement en question leur capacité à comprendre l'ensemble de la situation.
Mon mandat consiste à faire enquête sur des cas individuels et à demander des recours. S'il y a suffisamment de cas du même genre, je dois déterminer systématiquement les causes. J'indique ensuite au ministre, le chef de l'organisation, les mesures à prendre pour régler les difficultés, non pas de façon ponctuelle, mais de façon permanente. Sénateurs, mon mandat ne saurait être plus clair. Je suis particulièrement bien placé pour offrir des conseils, mais ceux-ci semblent tomber dans l'oreille de sourds.
Voici quelques exemples de ce que je constate sur le terrain.
D'abord, le nombre de personnes et de groupes de travail qui participent à cet examen est vertigineux. Ensuite, il existe de nombreuses initiatives qui semblent être déconnectées. Des initiatives comme « Convergence », « The Journey » et « Bienveillance, compassion, respect 2020 » renforcent la préférence intrinsèque qui consiste à procéder à des examens plutôt qu'à agir.
En réalité, sénateurs, sans vouloir offenser qui que ce soit, je crains que vos tentatives d'examiner la question de la transition découlent de votre incapacité, à titre de législateurs, d'obtenir des renseignements clairs sur ce qui se passe derrière les portes closes. Cela doit être extrêmement frustrant.
Permettez-moi de vous donner un exemple. J'ai pris le temps d'examiner le dernier témoignage des responsables d'ACC et des FAC au Comité permanent des anciens combattants de l'autre Chambre. J'estime qu'il porte à confusion et que, dans certains cas, il est dichotomique.
Comme je l'ai mentionné précédemment, j'ai reçu une réponse nébuleuse du ministre de la Défense nationale concernant ma recommandation d'accorder le pouvoir au médecin général de déterminer l'attribution au service. Dans sa réponse, le ministre a indiqué qu'il n'avait pas l'autorité politique requise pour le faire. En réalité, il a ce pouvoir. Il est le ministre. De plus, comme je l'ai mentionné dans mon rapport, les Forces armées canadiennes déterminent déjà l'attribution au service pour différentes catégories de personnel, y compris les réservistes. Donc, on détermine déjà l'attribution au service.
Maintenant, en comité la semaine dernière, on a déclaré, et je cite :
La décision de quitter les forces armées ou d'y rester est une décision administrative prise par le directeur de l'administration des carrières militaires, qui détermine si les contraintes à l'emploi pour des raisons médicales répondent aux exigences liées à l'universalité du service.
Le médecin général a indiqué au comité qu'ils déterminaient les contraintes à l'emploi pour raisons médicales et qu'ils faisaient des propositions au DACM, mais qu'ils n'étaient pas à l'aise d'aller plus loin dans le cadre de leurs responsabilités.
Ainsi, le médecin général fournit de l'information au DACM — cette information peut indiquer ou non si la blessure est attribuable au service — et le DACM rend sa décision en fonction des contraintes à l'emploi pour raisons médicales précisées dans l'information fournie. C'est ce qu'on appelle, sous un autre nom, l'attribution au service. Une rose sentirait tout aussi bon sous un autre nom. Par conséquent, ce petit changement de responsabilités pourrait être rapidement mis en œuvre, si le ministre l'ordonnait.
Actuellement, seulement 25 p. 100 de tous les anciens combattants confiés aux soins d'Anciens Combattants sont désignés comme étant libérés. En tenant compte du fait qu'un certain nombre de ces personnes se manifesteront plus tard, particulièrement s'ils présentent un traumatisme lié au stress opérationnel, je crois que ce nombre devrait et pourrait être plus élevé.
La désignation d'un seul point de responsabilité chargé de déterminer si la blessure ou la maladie d'un militaire libéré pour des raisons médicales est attribuable au service permet de s'assurer que personne n'est laissé dans l'ignorance en ce qui concerne les avantages et les services que les militaires pourraient recevoir lorsqu'ils se retrouvent dans le milieu civil. Le fait de retenir les membres des forces armées jusqu'à ce que l'ensemble des mesures soit mis en place permet d'éliminer la douleur et l'angoisse associées à l'ignorance ou à l'absence de contrôle de ce qui les attend après la vie militaire.
Sénateurs, si votre comité a l'intention d'entreprendre un autre examen sur la transition et les soins offerts aux malades et aux blessés, je vous invite à quitter la « bulle d'Ottawa » et à vous rendre dans les unités intégrées de soutien du personnel, à discuter avec les militaires et les familles sur le terrain. Ce que vous entendrez sera bien différent des points de discussion bureaucratique qui sont transmis à votre comité. Mon organisation est sur place, aux premières lignes depuis 1998, et nous sommes témoins de cette divergence tous les jours.
Notre travail dans ce processus a pour seul but de nous assurer que les militaires libérés sont entièrement prêts à entreprendre les premières démarches vers la vie civile. Nous ne sommes pas ici pour habiliter la fonction publique centrale ni pour stimuler l'ego des personnes occupant des postes de pouvoir. Nous sommes au service des militaires; il faut donc nous assurer de créer un système qui leur donne du pouvoir. Actuellement, nous ne respectons pas nos engagements. Si nous faisons cela, nous pourrons commencer à changer le discours.
Je vous remercie. Je serai heureux de répondre à vos questions.
Le vice-président : Je vous remercie, monsieur Walbourne, de votre exposé. Avant de passer aux questions des sénateurs, j'aimerais vous poser une courte question.
[Français]
À votre avis, monsieur Walbourne, tous ces retards incompréhensibles sont-ils liés à un manque d'argent ou aux coûts que cela pourrait engendrer?
[Traduction]
M. Walbourne : Je crois que cela fait partie de l'équation, c'est-à-dire de disposer des bonnes ressources, qui se chargeront de certaines des tâches dont il est question. Le chef d'état-major de la Défense a commencé à mettre au point ce qu'on appelle « The Journey », en vue d'assurer l'uniformisation du processus de transition. Cela prendra un certain temps. Je crois que le délai prévu à cet égard est de cinq ans. Il faudra du temps pour acquérir les ressources, établir un budget et demander un financement en conséquence. Il y aura en effet un volet financier dont il faudra tenir compte.
La sénatrice Wallin : Je tiens à vous remercier. Vous avez témoigné à maintes reprises devant le comité. Je vous suis reconnaissante d'être de moins en moins diplomate et de dire véritablement ce qui doit être fait pour remédier à la situation.
Le ministre est un ancien militaire, et le chef d'état-major de la Défense est un soldat modèle. On perçoit un engagement à l'égard des anciens combattants et de la santé de ceux-ci. En ce qui concerne le point soulevé par le sénateur Dagenais relativement au financement et à l'opportunité du transfert de fonds, qu'est-ce qui pourrait par ailleurs mettre un frein à ce qui est si évidemment nécessaire quant aux quatre éléments dont vous avez parlé? Pour quelle raison pourrait-on vouloir s'y opposer?
M. Walbourne : Madame la sénatrice, j'aimerais bien pouvoir vous donner une réponse, mais je me pose la même question tous les jours.
En ce qui concerne les difficultés liées à la transition dont nous entendons parler — ces histoires catastrophiques dont on entend parler dans les nouvelles —, je crois que nous pouvons les éviter, et c'est là où nous devons commencer. Quant à la professionnalisation du modèle de transition, cela prendra du temps. Nous devons accorder du temps aux deux ministères et les laisser mettre en œuvre ce qu'ils ont conçu. Ma préoccupation a trait au fait de libérer des militaires avant que le processus soit mis en œuvre. Nous pouvons entamer ce processus dès aujourd'hui.
Il y aura des coûts liés à la mise en place d'un modèle de transition approprié. Cela ne fait aucun doute. Quels seront ces coûts? Nous avons effectué des estimations grossières, et je vais vous donner quelques brefs exemples.
Nous avons parlé du service de concierge des Forces canadiennes à l'intention des militaires. Il faut déterminer quel serait le rapport clients-gestionnaire de cas. Nous avons fait quelques estimations, et il faudra prévoir environ 10 millions de dollars pour les ressources en personnel pouvant offrir les services. Des unités de soutien intégrées sont déjà en place dans diverses régions du pays. Nous disposons donc de locaux. Il suffit d'y affecter les bonnes ressources.
Je comprends que nous sommes tous soumis à des contraintes financières, mais mon travail ne consiste pas à parler d'argent. Mon travail consiste à parler de ce qui doit être fait pour assurer la mise en œuvre d'un processus de transition efficace. Je peux établir les coûts, si on me le demande, mais je crois qu'il s'agit d'une responsabilité du ministère visé. Nous devons veiller à ce que la transition ait lieu de façon harmonieuse et que personne ne tombe entre les mailles.
La sénatrice Wallin : Pour ce qui est des unités interarmées de soutien, le financement est-il un problème? Nous avons rendu visite à certaines de ces unités dans le passé. Certaines des difficultés étaient, semble-t-il, liées aux ressources. D'autres difficultés avaient trait au taux de participation des clients, notamment en raison de la proximité. Comme les militaires se trouvaient sur la base, ceux-ci avaient du mal à aller de l'avant et à dire qu'ils souffraient d'un trouble de stress post-traumatique. Y a-t-il toujours un problème à cet égard?
M. Walbourne : J'ai discuté avec des personnes qui dirigent des centres intégrés de soutien du personnel, ainsi qu'avec des militaires rattachés à ces unités; ce qu'ils m'ont dit, c'est que le personnel est l'un des éléments les plus importants. Nous n'avons toujours pas atteint le nombre de 457 dont on parle depuis des années. Nous nous situons à environ 10 ou 15 p. 100 au-dessous de ce nombre, et cela a une incidence directe sur ce que les centres intégrés de soutien du personnel peuvent offrir sur le terrain.
L'une des difficultés auxquelles nous nous heurtons lorsque nous cherchons des travailleurs en santé mentale, c'est le taux de rémunération offert par le gouvernement du Canada par opposition à ce qui est offert dans le secteur privé ou à l'échelle provinciale. Nous sommes désavantagés. C'est ce que l'on constate depuis quelques années. Nous devons nous pencher dès que possible sur cette question et nous devons devenir plus concurrentiels si nous voulons pouvoir nous doter des bonnes ressources. Je sais qu'il y a une grande demande pour ces ressources, mais je crois que nous pourrons remédier en grande partie aux problèmes si nous arrivons à doter tous les postes dans les centres intégrés de soutien du personnel.
Le sénateur Meredith : Je vous remercie de votre exposé. Je vous remercie également d'avoir parlé avec franchise et sans équivoque de vos frustrations, parce que c'est d'anciens combattants dont il est question — des personnes qui ont fait le sacrifice ultime pour ce pays. La façon dont nous les traitons est déplorable, à mon avis.
Vous avez parlé du nombre de plaintes. Pouvez-vous nous dire combien de plaintes vous avez reçues à votre bureau? Vous avez fait une recommandation quant aux travaux à faire. Je me suis rendu dans des centres de ressources pour les familles de militaires et j'ai discuté avec quelques anciens combattants qui s'y trouvaient. J'ai entendu leurs frustrations et j'ai pu constater par moi-même le manque de ressources. C'est effarant. J'aimerais que vous nous parliez du type de plaintes que vous recevez, de la façon dont ces plaintes sont traitées par les ministères auxquels vous les renvoyez et du genre de suivi effectué par les ministères.
M. Walbourne : En ce qui concerne les plaintes — et je ne m'en vante pas; c'est même décevant d'avoir à le dire —, le nombre cette année est plus élevé que l'an dernier, et, l'an dernier, le nombre était plus élevé que l'année précédente. Je crois qu'un ombudsman devrait avoir pour objectif de faire en sorte que son poste devienne inutile. Mon objectif, c'est de faire en sorte de ne plus recevoir de plaintes du tout.
Pour répondre à votre question, nous mènerons cette année environ 2 000 enquêtes individuelles au nom de membres. La moitié de ces enquêtes sont liées à la fin de carrière. Nous avons reçu de nombreuses plaintes cette année parce que des pensions ont été reçues en retard. Cette situation a donné lieu à environ 350 cas cette année. C'est l'un des types de plaintes que nous recevons. Il y a différents types, dont les personnes qui ne peuvent pas obtenir des soins de santé ou même des personnes qui n'ont plus de revenu. Ce peut être toutes sortes de situations qui se produisent à la fin de la carrière.
Le sénateur Meredith : En ce qui concerne l'examen à effectuer pour déterminer quelles mesures doivent être prises, sur quelle autre recommandation ou quel autre secteur le comité devrait-il mettre l'accent? Nous nous préoccupons tous des anciens combattants, de leur santé et de leur sécurité. Nous sommes conscients des difficultés auxquelles ils se heurtent. Nous nous pencherons sur l'amortissement des paiements et des prestations, ainsi que sur la meilleure façon de les aider à réussir la transition de la vie militaire à la vie civile. Que recommandez-vous?
M. Walbourne : Si une seule recommandation pouvait être mise en œuvre, je dirais d'attendre de libérer les militaires jusqu'à ce que l'ensemble du processus soit en place, c'est-à-dire jusqu'à ce qu'une date claire soit fixée pour le versement de la pension ou des prestations ou encore pour la prestation de services. Je crois que nous continuerons, jusqu'à ce que cela soit établi, d'avoir de telles conversations au sujet des militaires qui passent entre les mailles.
Le plus important, c'est de dire aux militaires qu'ils ont notre appui et qu'ils n'ont pas à aller où que ce soit avant d'être prêts à le faire. C'est fondamental, selon moi. Si nous procédions ainsi, nous ne serions pas en train de parler de personnes qui sont libérées sans pension ou qui sont libérées sans avoir accès à des prestations ou à des services. Je crois que c'est élémentaire. Cela mettrait fin à cette conversation. En procédant ainsi, on favorisera un processus de transition plus efficient et plus efficace. La première chose qu'il faut faire, cependant, c'est d'assumer la responsabilité. Si nous sommes en partie responsables d'avoir placé un militaire dans une situation qui fait en sorte que sa vie est différente lorsqu'il quitte l'armée, nous devons alors prendre des mesures pour faire en sorte que la transition se fasse le plus harmonieusement possible.
La sénatrice Boniface : Ce dossier est relativement nouveau pour moi. Si on remonte 10 années en arrière, quelles améliorations ont été apportées au processus de transition, ou des améliorations ont-elles même été apportées?
M. Walbourne : Cela me rappelle — et on entend souvent cette expression — le grattage de fonds de tiroir. Je crois que c'est ce que l'on a fait. Je crois que le ministère des Anciens Combattants a fait de très bonnes choses et je crois également que le ministère de la Défense nationale a fait de bonnes choses. Il s'agit de mesures progressives. Par exemple, au ministère des Anciens Combattants, le processus de demande de prestations pour perte auditive est beaucoup plus efficient et efficace qu'il ne l'était. Ce genre d'innovation et le nouveau modèle de prestation sont encourageants, mais cela ne se produit que rarement. J'ai constaté quelques modifications au fil du temps.
Je crois aussi que les besoins des militaires qui font la transition à l'heure actuelle sont différents de ceux des militaires ayant fait la transition après la guerre de Corée, la Première Guerre mondiale ou la Seconde Guerre mondiale. Je crois que les attentes sont plus élevées.
Je reviens à la bureaucratie : nous continuons de faire la même chose, mais avec plus de monde, ce qui est préoccupant. Selon moi, étant donné l'information dont nous disposons, il est maintenant possible d'opérer un changement radical. Libérer les membres qu'après avoir déterminé si une maladie ou une blessure est attribuable au service constitue un changement radical. S'il en était ainsi, je crois que la conversation serait tout à fait différente. Au lieu de s'attarder à l'admissibilité, on entamerait la conversation en demandant : « Quelles sont les répercussions sur la qualité de vie et quelle est l'obligation du gouvernement à cet égard? »
J'ai observé un changement graduel, mais rien de remarquable.
La sénatrice Wallin : Vous avez soulevé un point dont il a été question dans des témoignages entendus précédemment, qui semble évident à vos yeux et aux nôtres, c'est-à-dire le fait que les Forces canadiennes ne devraient pas libérer les militaires et confier leur dossier à Anciens Combattants Canada tant que les problèmes ne sont pas réglés. D'où vient la lutte de pouvoir? À quoi rime la partie de bras de fer?
M. Walbourne : Je suis moi-même impartial. Je n'ai rien à perdre ou à gagner dans cette affaire. Soyons clairs : j'occuperai ma fonction pendant un seul mandat de cinq ans. Voilà mon rôle. C'est une chose qu'on perdrait de vue si on transformait ce genre de poste en occupation. Je suis impartial. Je n'ai rien à perdre ou à gagner.
Je ne sais pas d'où vient le différend. Vous avez raison d'utiliser l'adjectif « frustré ». Je le suis moi-même un peu. Je ne comprends pas pourquoi certaines choses ne progressent pas. S'agit-il d'une partie de bras de fer, d'une question d'ego, d'une guerre de territoire? Je ne le sais pas exactement.
Selon moi, Anciens Combattants Canada et le ministère de la Défense nationale ont de bonnes intentions, mais c'est dans leur façon de procéder que le bât blesse. Embaucher plus de personnes pour continuer à faire la même chose à plus grande échelle correspond à ce qu'Einstein définit comme de la folie — j'adore ce mot.
Je pourrais vous abreuver de belles paroles et vous servir toutes sortes de réponses diplomatiques, mais ce n'est pas ainsi que nous irons au cœur du problème. J'ai le devoir de dire les choses comme elles sont.
J'ai passé 25 ans dans le secteur privé à travailler dans le domaine de la prestation de services pour des organisations internationales et je suis au gouvernement depuis 20 ans. J'ai étudié comment on établit un équilibre entre, d'une part, l'innovation et la prestation de services, et, d'autre part, les politiques et les règlements auxquels est assujetti le gouvernement. Il est possible de mieux faire les choses, mais nous ne saisissons pas l'occasion de le faire. J'aimerais pouvoir dire ce qui nous empêche d'agir. Je crois que la réponse est multiple.
La sénatrice Wallin : Pour ce qui est du programme de type « conciergerie », je crois que vous proposez qu'il relève du ministère de la Défense nationale. Serait-il juste de dire que la transition serait confiée au MDN et la prestation de services, à Anciens Combattants Canada?
M. Walbourne : Oui, c'est une excellente façon de présenter les choses. Selon moi, le ministère de la Défense nationale doit d'abord définir les résultats souhaités avec les membres en transition, pour ensuite se tourner vers Anciens Combattants Canada, ou à l'organe de prestation de services concerné, afin que soit mis au point un programme permettant de réaliser ces résultats. Si nous procédons de manière inverse, nous en serons au même point dans un an.
La sénatrice Wallin : Vous avez vu les deux côtés de la médaille, celui d'Anciens Combattants Canada et l'autre. Qu'arrive-t-il lorsqu'un dossier devient la responsabilité d'ACC? J'ignore si les choses vont toujours aussi mal avec les nouveaux programmes en place, mais on nous a raconté que les membres doivent parfois tout reprendre à zéro et trouver un médecin pour établir à nouveau un diagnostic. En est-il toujours ainsi?
M. Walbourne : Les choses demeureront inchangées tant et aussi longtemps que la question de l'attribution du préjudice au service militaire ne sera pas réglée, car c'est l'élément déclencheur qui ouvre l'accès aux prestations et aux services offerts. Pour tous les nouveaux dossiers reçus, Anciens Combattants Canada doit déterminer si la blessure ou la maladie est attribuable au service et dispose de 16 semaines pour le faire. À mon avis, c'est redondant.
La sénatrice Wallin : Pourquoi Anciens Combattants Canada ne se fie-t-il pas aux conclusions du ministère de la Défense nationale? Je ne parle pas des fonctionnaires du ministère, mais bien des diagnostics établis par des médecins. Le membre est libéré parce qu'il a été clairement établi que la maladie ou la blessure résulte du service. Est-il indiqué dans la loi ou ailleurs qu'ACC ne peut pas se fier aux conclusions du ministère de la Défense nationale, lesquelles s'appuient sur celles de professionnels de la médecine?
M. Walbourne : Comme je l'ai dit dans ma déclaration préliminaire, le ministre a affirmé à cet égard que le ministère n'avait pas le mandat statutaire pour le faire. Or, je me suis penché sur ce qui se fait au sein de l'organisation et j'ai constaté qu'elle est déjà tenue de déterminer l'attribution du préjudice au service pour les réservistes, en vue de leur donner accès à une assurance, dans le cadre d'une commission d'enquête ou à des fins commémoratives. Conclusion : le ministère détient les pouvoirs nécessaires et ceux-ci sont exercés à l'heure actuelle. Pourquoi l'un n'accepte-t-il pas les conclusions de l'autre? J'aimerais être en mesure de vous répondre.
La sénatrice Wallin : Il n'existe pas de raison technique ou légale, selon vous?
M. Walbourne : Je n'en vois pas, mais j'irais plus loin en disant que s'il y a une raison technique, il faut régler le problème. Changeons le processus.
[Français]
Le vice-président : Avant de donner la parole au sénateur Meredith, j'aurais une question complémentaire en rapport avec les propos de la sénatrice Wallin. J'aimerais avoir plus de précisions concernant les examens médicaux. Quelle proportion des cas que vous avez soulevés découle d'une guerre de diagnostics? Je comprends qu'il y a parfois des problèmes en ce qui concerne le diagnostic que reçoit un militaire. Quelle importance accordez-vous aux diagnostics établis par les médecins?
[Traduction]
M. Walbourne : La décision de libérer un membre est prise en fonction du principe de l'universalité du service. Si le membre n'est plus en mesure de respecter ce principe, on le libère des Forces armées canadiennes.
Ce que j'explique depuis le début, c'est que les Forces armées canadiennes font un travail extraordinaire auprès des militaires malades ou blessés qui sont sous leur responsabilité. Certaines transitions se déroulent sur une longue période de temps, durant laquelle des soins médicaux sont fournis. Les militaires en transition reçoivent des diagnostics, des pronostics, et cetera, alors qu'ils sont toujours sous la responsabilité des Forces armées canadiennes. Pour établir qu'on ne répond plus aux exigences en matière d'universalité du service, il faut savoir quand, où et comment le soldat a été blessé ou a contracté la maladie. Ces informations sont connues avant que soit déterminée l'attribution du préjudice au service. J'ignore la nature du problème de l'autre côté.
Pour répondre au deuxième volet de votre question, je vais mentionner une statistique qui date quelque peu. En effet, lorsque j'ai communiqué avec Anciens Combattants Canada au début, il y a quelques années, j'ai appris que 70 p. 100 de toutes les demandes étaient acceptées du premier coup après la période de 16 semaines. Je parle des demandes qui n'étaient pas soumises à un deuxième examen ou à un autre processus bureaucratique. Je crois que mes chiffres sont proches. Environ 90 p. 100 des cas qui n'ont pas été approuvés du premier coup ont éventuellement reçu une évaluation favorable pour le membre.
Je ne sais pas comment le système fonctionne aujourd'hui. Mes statistiques ne sont pas très récentes. Il semble toutefois que les résultats au premier tour s'améliorent. La question demeure cependant, car il arrive parfois qu'en raison des exigences d'Anciens Combattants Canada, un membre consulte un autre médecin et obtienne une autre opinion, ce qui est superflu, à mon avis. J'ignore pourquoi nous procédons ainsi et obligeons le membre à se soumettre de nouveau à la démarche. C'est ainsi que naissent les problèmes.
[Français]
Le vice-président : Dans ma carrière précédente, on avait affaire à des policiers qui devaient obtenir des diagnostics dans le cadre de la CSST. Souvent, on devait composer avec trois médecins : le médecin de l'employeur, le médecin de la CSST et le médecin personnel. On se demandait alors quel médecin établissait le bon diagnostic. À ce que j'ai pu comprendre, il y a souvent une guerre de diagnostics entre les médecins pour déterminer le sort du soldat, entre autres pour diminuer le montant des prestations ou les coûts. Parfois, on assiste à des guerres entre les différents médecins. Je suis sûr que vous saisissez bien mes propos.
[Traduction]
M. Walbourne : Je comprends ce que vous dites. N'importe quel employeur au Canada demanderait une telle opinion médicale. J'aimerais toutefois prendre un peu de recul. Il est question ici d'un groupe particulier de personnes qui ont été blessées ou ont contracté une maladie alors qu'elles servaient le pays. Ces personnes sont guidées par la loyauté, le dévouement, l'engagement. Y a-t-il toujours des gens qui tentent d'utiliser le système à leur avantage? Bien sûr que oui. Cependant, lorsque l'on bâtit un système pour tenter d'attraper ceux qui tentent d'en abuser, on perd l'objectif de vue.
Si on établit un diagnostic qui aura pour effet de mettre fin à la carrière d'un militaire — on ne parle pas ici d'un congé de quelques semaines —, si on met fin à sa carrière et on lui transmet un message de libération, de quel autre examen médical a-t-on besoin? Des conseils et une orientation d'ordre médical et un examen du dossier seront peut-être nécessaires pour déterminer les répercussions sur la qualité de vie de la personne, mais je pense que l'accès à la gamme des prestations et des services devrait être automatique à la suite du diagnostic établi par les Forces armées canadiennes.
[Français]
Le vice-président : Je vous remercie, monsieur Walbourne. La parole est au sénateur Meredith.
[Traduction]
Le sénateur Meredith : Je vous remercie de vos observations. Pour revenir sur la question qu'a soulevée le sénateur Dagenais concernant la libération pour raisons médicales, poussons les choses un peu plus loin. Vous êtes sans doute au courant de la tragédie qui s'est produite dans la famille Desmond durant les Fêtes. Encore une fois, il s'agit d'un cas concernant des professionnels de la santé et le suivi du traitement d'un ancien combattant; cela s'est malheureusement terminé tragiquement lorsque l'homme s'est suicidé après avoir tué les membres de sa famille. C'est très troublant. Aucun ancien combattant, aucune autre famille ne devrait vivre la même situation.
J'aimerais que vous nous parliez du suivi qu'il aurait fallu assurer relativement aux avis médicaux et au diagnostic, en collaboration avec les hôpitaux de la région de cet ancien combattant. C'est ma première question, et j'en aurai d'autres à vous poser.
M. Walbourne : Encore une fois, je veux que ce soit très clair : bien que j'aie été accusé de le faire, je ne parle pas de cas précis. Je vais toutefois parler du processus de transition.
Quand je parle d'un service de type « conciergerie », je pense à un service constitué de membres des Forces armées canadiennes qui aideront les militaires à passer chacune des étapes du processus de libération. Lorsque le militaire est libéré, le lien n'est pas rompu. Ce que je dis, c'est que ce lien, cette personne avec qui l'ancien combattant peut communiquer, reste en place.
Il y a eu bien des versions différentes de la tragédie dont vous avez parlé. Je crois qu'Anciens Combattants Canada entretient de bonnes relations avec les hôpitaux locaux, qu'il a des employés qui vivent et travaillent dans les régions, de bonnes personnes qui font de la sensibilisation et font connaître leurs positions.
Je tiens à parler du service de type « conciergerie » parce que la relation ne peut prendre fin lorsque le militaire ne porte plus l'uniforme. Le militaire doit pouvoir communiquer avec quelqu'un, un camarade qui comprend ce qu'il a vécu, qui sait où il se trouve et, en cas de crise ou d'urgence, qui pourra lui tendre la main et établir un point de contact. Il ne faut pas seulement le suivre jusqu'à la fin de sa carrière et couper le lien par la suite. Je pense qu'il doit y avoir une suite, qu'on doit aller plus loin.
Le sénateur Meredith : En ce qui concerne la recommandation formulée par votre bureau en 2016 au sujet d'un portail Web qui englobera tous les services offerts aux anciens combattants, qu'en pensez-vous? Vous avez mentionné, sur le plan de votre carrière... En sommes-nous actuellement à devoir réduire la bureaucratie au chapitre de la prestation des services aux anciens combattants? Devons-nous nous tourner vers l'extérieur, pour assurer une certaine transparence et une reddition de comptes, vers des organismes externes qui pourront fournir des services aux anciens combattants d'une manière plus efficace? Nous parlons d'un portail et du regroupement des services, mais qu'en est-il des anciens combattants qui n'ont pas accès à ces services? Il est plus que temps que nous nous tournions vers un organisme externe, des entreprises canadiennes qui peuvent fournir le service efficacement, tout en faisant l'objet d'une surveillance, bien entendu.
M. Walbourne : C'est une solution possible. Je vais parler brièvement du portail que j'ai mentionné.
Notre bureau a établi un partenariat avec le ministère de la Défense nationale, et nous avons amorcé le projet conjoint. Nous avons déjà élaboré l'énoncé des travaux, et la demande de propositions a été affichée. Notre bureau va prendre les choses en main parce que nous sommes en mesure d'aller un peu plus vite. Nous n'avons pas encore déterminé les coûts du projet; nous attendons de recevoir les réponses à la demande de propositions qui a été affichée. Nous pilotons le dossier et nous irons de l'avant.
Pour répondre à la deuxième partie de votre question, je pense que nous devons nous tourner vers l'extérieur. C'est là où a lieu l'innovation, où se présentent les possibilités. Récemment, à mon bureau, nous avons mis en place le service LiveChat. Cette application existe depuis 15 ans. Il y a des choses que nous pouvons faire. La prochaine étape, pour nous, consiste à utiliser LiveChat pour permettre aux membres de prendre un rendez-vous pour un entretien à partir de leur domicile.
Il y a des idées novatrices que nous pouvons mettre à profit, mais je crois que bon nombre des solutions que nous cherchons se trouvent dans la technologie et dans d'autres entités qui font un aussi bon travail. Nous devons nous inspirer le plus possible de ce que font les autres. Si quelque chose fonctionne bien, nous devons en tirer profit.
Le sénateur Lang : Je vous prie de m'excuser de mon retard et je souhaite la bienvenue à notre témoin.
J'ai remarqué que, dans votre déclaration préliminaire, monsieur Walbourne, vous avez fait la remarque suivante :
[...] l'un des moments les plus absurdes que j'ai vécus l'an dernier a été la lecture d'une diapositive particulière d'une présentation qui indiquait que mon bureau avait « peu d'influence et peu d'intérêt » pour tous ces travaux visant à « colmater la brèche ».
Je tiens à dire que, personnellement, je ne suis pas d'accord. Je crois que la contribution de votre bureau est très importante et que l'influence que vous avez exercée ces dernières années ne peut pas nécessairement se mesurer en dollars, mais elle peut se mesurer dans les changements qui ont eu lieu. Il est très difficile, en tout temps, d'apporter des changements au gouvernement. Je veux vous remercier de votre engagement à l'égard des fonctions que vous occupez et à l'égard de votre personnel.
Je voudrais revenir aux recommandations auxquelles a fait allusion le sénateur Meredith et à la question concernant la mise en œuvre d'un service de type « conciergerie », constitué de membres des Forces armées canadiennes, afin d'aider les militaires à parcourir le processus complexe de libération. C'est la première question. La seconde concerne le portail.
Vous avez mentionné ne pas avoir déterminé les coûts pour l'une des recommandations. Nous avons sûrement une idée de ce qu'il en coûterait. Ensuite, si le service de type « conciergerie » se voit confier ce mandat, de quelle façon cela réduit-il le mandat actuel d'Anciens Combattants Canada quant à ce que ce ministère est censé faire pour aider les anciens combattants qui seront libérés? Cela fait plusieurs questions.
M. Walbourne : Je vais essayer de répondre à toutes ces questions, monsieur. Commençons par la dernière partie. Je pense que c'est l'élément le plus important.
Nous parlons de responsabilité et de reddition de comptes. Au fil des ans, Anciens Combattants Canada s'est immiscé de plus en plus dans le ministère, ou alors le ministère lui a permis de le faire. Nous en sommes à un point où on ne peut établir clairement qui fait quoi, pour qui et à quel moment, et qui en est responsable.
L'une des choses sur lesquelles j'insiste, c'est que lorsqu'on porte l'uniforme, on est membre des Forces armées canadiennes et on relève des Forces armées canadiennes. J'ai mentionné tout à l'heure que nous devons travailler avec les militaires en transition afin de déterminer quels sont les résultats souhaités. Nous devons dire à tous les fournisseurs de services d'élaborer des modèles de prestation de services qui permettront d'atteindre ces résultats. Voilà pour l'aspect relatif à la responsabilité. Il y a un certain chevauchement entre les fonctions de chaque ministère, des personnes sont laissées pour compte, et on se renvoie la balle. C'est une partie du problème. Définissons clairement les responsabilités.
En ce qui concerne le portail, comme je l'ai dit, nous y travaillons. Nous recevons un appui solide du ministère. Tout le monde veut que ce soit fait. Ce sera fait dans quelque temps. J'estime que d'ici les 12 à 18 prochains mois, nous aurons un modèle, une idée de ce à quoi le portail ressemblera, et que nous pourrons en faire l'essai.
C'est mon point de vue au sujet de ces deux questions.
Quant au service de type « conciergerie », comme je l'ai dit, on ne peut pas l'offrir pour seulement trois semaines. Cela doit aller plus loin. Il faut une continuité et une capacité de maintenir le contact.
Pour ce qui est des coûts, comme je l'ai dit tout à l'heure, je peux en faire une estimation approximative, mais je crois qu'il est de la responsabilité du ministère de déterminer à quoi ressemblera ce type de service.
Le sénateur Lang : J'aimerais faire un suivi de la question, et vous pourrez peut-être nous revenir là-dessus. Si le service de type « conciergerie » est mis en œuvre, bien honnêtement, cela me semble être une approche logique à un problème bien réel auquel sont confrontés les anciens combattants depuis de nombreuses années. Qu'est-ce que ce service remplacerait à Anciens Combattants Canada et que ce ministère est censé faire actuellement? J'aimerais que vous l'expliquiez au comité, mais je ne vous demande pas de le faire aujourd'hui.
Je voudrais que nous discutions, comme nous l'avons fait chaque fois que vous êtes venu témoigner, de la question de tous ces programmes qui sont offerts aux anciens combattants en fonction de divers objectifs. Nous avons demandé s'ils pourraient être regroupés d'une manière plus simple afin que les anciens combattants bénéficient pleinement des fonds publics investis pour eux et qu'ils aient une meilleure idée des programmes auxquels ils sont admissibles.
Le ministère et vous vous êtes engagés, je crois, à ce qu'il examine ces programmes et qu'il présente au moins une réponse quant à ce qui pourrait ou non être regroupé afin d'aider les anciens combattants. Je crois comprendre que, jusqu'à maintenant, six comités consultatifs ont été constitués au sein du ministère, mais selon moi, rien d'important n'a été proposé qui permettrait d'effectuer de réels changements logiques pour régler les problèmes actuels des anciens combattants.
M. Walbourne : Il est un peu difficile de répondre à la question, car lorsque vous demandez ce qu'ACC n'aurait plus à faire si nous mettons en œuvre un service de type « conciergerie », cela nous ramène à la question de savoir qui agit quand, à quel moment. Dans le cadre de cette étude sur la transition, si vous allez dans les CISP, vous entendrez des histoires formidables sur des personnes qui ont fait de l'excellent travail pour les anciens combattants. Toutefois, vous trouverez d'autres endroits où l'on ne maintient pas de liens, où il n'y a personne avec qui communiquer.
Je ne sais pas si nous enlevons quelque chose à ACC. Je pense que ce que nous faisons, c'est régulariser la situation. Le chef d'état-major de la Défense a dit vouloir professionnaliser le processus de transition. J'espère que le service de type « conciergerie » fera partie de ce processus, et c'est là où nous devons commencer.
Votre question soulève tout un autre éventail de questions pour moi. Est-ce bien ce qui est en jeu, « si je fais ceci, vous perdez cela » et « comment faut-il compenser »? Est-ce bien le genre de conversations qui se déroulent derrière les portes closes? Je l'ignore. Comme on l'a dit, j'ai parlé de cette question ad nauseam, et pourtant, nous sommes encore une fois en train d'en parler.
La question n'est pas de savoir qui fait quoi. Définissons le programme que nous voulons. Concevons-le et disons : « Voilà à quoi ressemble le modèle. » Rallions-nous tous à ce projet. Je pense que nous sommes près du but.
La sénatrice Boniface : Vous avez souligné une chose intéressante à propos du service de type « conciergerie ». Lorsque vous dites qu'il faut que ce soit — et j'utilise ici mes propres mots — des membres en uniforme, voulez-vous dire qu'il doit s'agir de militaires plutôt que de civils? Je me demande si ce dont on a besoin, c'est en partie de personnes spécialisées et formées pour ces questions liées à la transition. Je veux seulement bien comprendre ce dont vous parlez.
M. Walbourne : Quand je parle d'une personne assurant le service de type « conciergerie », je ne parle pas d'un professionnel de la santé mentale ni d'un travailleur social, mais plutôt d'une personne qui sait ce qu'a vécu le militaire en transition, qui comprend les acronymes utilisés par les militaires et qui sait de quoi elle parle. C'est quelqu'un qui s'assure que le militaire sera à son prochain rendez-vous, qui connaît bien les services disponibles, qui aide le militaire à faire préparer son curriculum vitae ou n'importe quel autre document requis. Voilà le rôle de cette personne. Il n'est pas nécessaire que ce soit un professionnel de tel ou tel domaine de compétence. C'est simplement quelqu'un qui a vu et vécu des choses semblables à ce qu'a vécu le militaire en transition. Cela aide beaucoup.
Lors de mes séances de discussion ouvertes, on me dit souvent : « Les gens ne comprennent pas ce que je fais. Ils ne comprennent pas la vie que je mène. C'est difficile de leur parler. » Cela fait partie de l'équation. Si nous voulons créer un service qui aidera le militaire en transition, nous devons lui offrir un environnement dans lequel il se sentira à l'aise, surtout lorsqu'il a une blessure de stress opérationnel. Il y a des choses que les militaires n'ont pas besoin de dire pour se comprendre entre eux, mais qu'il faudrait expliquer en détail à des civils.
C'est ce que je veux dire quand je parle d'un système de conciergerie : c'est un système de compagnonnage, c'est quelqu'un qui est là pour soutenir le militaire tout au long du processus.
La sénatrice Boniface : Je suis particulièrement frappée par le fait que, même s'il s'agit de toute évidence d'une question importante, on semble s'enliser quand il est question des efforts pour mener à bien ce projet. Du point de vue du recrutement, l'attrait pour les entités telles que les forces armées repose en partie sur le fait qu'elles offrent en quelque sorte ce que j'appelle un arrangement « de la naissance au décès » en tant qu'employeur. Il me semble que la mauvaise réputation qui résulte de la façon dont vous traitez les militaires en transition vous nuira sur le plan du recrutement. Est-il raisonnable de le croire?
M. Walbourne : Oui, je crois que c'est une hypothèse raisonnable. Malheureusement, en tant qu'ombudsman, je peux seulement parler des choses qui ne fonctionnent pas tellement bien, mais chaque fois que j'en ai l'occasion, je tiens à souligner certaines choses.
Les Forces armées canadiennes sont un milieu de travail unique. Il n'y a rien de comparable. J'ai toujours dit que nous devons soutenir les gens du berceau à la tombe. Le général Vance ayant annoncé qu'il allait professionnaliser la transition, je pense que nous y parviendrons.
Il ne faut toutefois pas oublier les hommes et les femmes formidables qui servent dans les Forces armées canadiennes. N'oublions pas la chaîne de commandement, qui a la volonté de mettre en place les outils adéquats pour ses membres. C'est de la bureaucratie, et ce sont probablement des investissements, comme on l'a mentionné plus tôt, mais il ne faut jamais mettre en doute la volonté de soutenir les militaires du début à la fin. Elle est là. Je le vois dans les yeux du chef d'état-major de la Défense quand je lui parle. J'ai ce sentiment.
Je crois que nous tentons de changer la donne, mais nous ne voyons parfois que les aspects négatifs des Forces armées canadiennes, et rarement les aspects positifs liés aux gens sur le terrain, lors d'incendies ou d'inondations, entre autres. Nous l'oublions parfois, et c'est une erreur de notre part. Chaque fois que j'ai l'occasion de dire quelque chose de positif au sujet de l'organisation, je me dois de le faire. Il y a davantage de positif. Environ 1 500 personnes par année sont libérées pour raisons médicales. Il ne s'agit pas de millions de personnes. Le problème est facile à régler, mais il faudra de la volonté et du leadership pour le faire.
La sénatrice Boniface : Vous tombez juste, car c'est précisément ce dont j'allais parler : je sais que lorsqu'un travail doit être fait au niveau opérationnel, les membres des Forces armées canadiennes sont à la hauteur. C'est ce que je ne comprends pas : pourquoi ne voit-on pas, pour ce qui doit être accompli ici, la même détermination que sur le terrain?
M. Walbourne : Je pense que nous pouvons trouver une partie de la réponse en revenant très rapidement à la question de savoir qui est responsable de quoi, et à quel moment. Si vous parlez aux deux entités, vous constaterez qu'elles ont une conception différente de la responsabilité et du moment où elles doivent l'assumer. Et je le répète une fois de plus : il faut définir les résultats souhaités et demander aux fournisseurs de services qu'ils conçoivent leurs programmes et processus en fonction de ces résultats.
Le sénateur Meredith : Sur le même sujet, vous avez mentionné que six ans plus tard, nous discutons encore de ces mêmes questions. Quels sont les progrès que votre bureau a pu réaliser en ce qui concerne le soutien à l'égard des anciens combattants? Vous parlez des réponses qui s'offrent à nous et du fait que le financement vient des niveaux supérieurs. Parlez-moi des progrès graduels qui ont été faits. Nous parlons toujours des aspects négatifs et du fait que vous êtes saisi d'environ 1 500 cas, mais parlons des réussites et de la façon dont nous pouvons aller de l'avant.
M. Walbourne : Je vais rendre hommage au chef d'état-major de la Défense et à sa chaîne de commandement. Ils prennent certaines mesures au sein du ministère pour tenter de faciliter le processus de transition. Je sais qu'ils se penchent sur la question des libérations et sur le fonctionnement du processus.
Le transfert des pensions du ministère à Services publics et Approvisionnement Canada nous sera très utile. Je pense que c'est une sage décision de la part du ministère. Les employés de SPAC sont des professionnels, et c'est ce qu'ils font. Ils feront un meilleur travail. C'est une petite réussite.
Le chef d'état-major de la Défense met l'accent sur ce dossier et il s'occupe de la transition. Je pense que les petites choses qu'il accomplit au sein de l'organisation vont nous préparer à la mise en place du modèle lié au parcours de cinq ans que l'on prépare actuellement.
Nous revérifions les dossiers de libération des militaires et nous assurons que les dispositions nécessaires ont été prises pour les pensions, notamment. Il se passe des choses sur le terrain qui commencent à donner des résultats positifs. Il nous faut simplement faire quelque chose de plus grand afin que tout le monde ait les mêmes avantages. Il ne s'agit pas de mesures ponctuelles. Nous ne cherchons pas les gens qui sont laissés pour compte, mais nous les empêchons de se retrouver dans cette position.
Le vice-président : S'il n'y a pas d'autres questions, j'aimerais vous remercier encore une fois de votre exposé, monsieur Walbourne. Nous tiendrons compte de vos observations dans notre rapport final. Merci encore.
M. Walbourne : Merci beaucoup.
Le vice-président : Honorables sénateurs, notre prochaine réunion aura lieu le 29 mars prochain, soit dans trois semaines. À titre d'information, nos témoins seront M. Guy Parent, ombudsman des vétérans, et Mme Sharon Squire, ombudsman adjointe.
(La séance est levée.)