Délibérations du Sous-comité des
Anciens combattants
Fascicule no 7 - Témoignages du 29 mars 2017
OTTAWA, le mercredi 29 mars 2017
Le Sous-comité des anciens combattants du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense se réunit aujourd'hui, à midi, pour étudier les questions relatives à la création d'un système professionnel, cohérent et défini pour les anciens combattants lorsqu'ils quittent les Forces armées canadiennes.
[Traduction]
La sénatrice Mobina S. B. Jaffer (présidente) occupe le fauteuil.
La présidente : Honorables sénateurs, nous avons avec nous aujourd'hui Adam Thompson, greffier du comité, et Havi Echenberg, analyste de la Bibliothèque du Parlement. J'invite maintenant les sénateurs à se présenter, en commençant à ma gauche par la sénatrice Boniface.
La sénatrice Boniface : Gwen Boniface, de l'Ontario.
[Français]
Le sénateur Maltais : Sénateur Maltais, du Québec.
[Traduction]
La sénatrice Wallin : Sénatrice Pamela Wallin, de la Saskatchewan.
[Français]
La sénatrice Saint-Germain : Raymonde Saint-Germain, du Québec.
La présidente : Je vous souhaite la bienvenue.
Le Sous-comité des anciens combattants a pour mission d'étudier les questions relatives à la création d'un système professionnel, cohérent et défini pour les anciens combattants qui quittent les Forces armées canadiennes.
[Traduction]
Dans le cadre de notre étude, nous avons invité l'adjudant-chef à la retraite Guy Parent, ombudsman des vétérans, et Sharon Squire, ombudsman adjointe et directrice exécutive des opérations.
Monsieur Parent, vous n'en êtes pas à votre première visite devant notre comité. Je tiens à mentionner que nous vous sommes reconnaissants du travail que vous accomplissez au nom des Canadiens et des vétérans et certainement de l'aide que vous nous apportez. Nous avons toujours hâte d'entendre votre témoignage.
L'adjudant-chef Parent a une brillante carrière au sein de la fonction publique canadienne. En 2001, il a commencé sa carrière au sein du Bureau de l'ombudsman de la Défense nationale et des Forces canadiennes et il a ensuite été nommé deuxième ombudsman des vétérans en 2010, poste qu'il occupe depuis.
Je tiens à remercier les témoins de leur présence, et j'invite M. Parent à commencer son exposé.
Guy Parent, ombudsman des vétérans, Bureau de l'ombudsman des vétérans : Merci, madame la présidente, honorables membres du comité. Merci du travail que vous accomplissez pour nos vétérans et merci de me donner l'occasion de vous faire part de mes réflexions alors que vous entamez votre étude sur la nécessité d'un processus de transition défini, professionnel et efficace.
Comme beaucoup d'entre vous le savent, je suis un vétéran ayant servi dans les Forces armées canadiennes pendant 37 ans. Je connais les défis liés à la transition sur le plan personnel et professionnel grâce à ma propre expérience, à celle de mon fils qui a servi dans les Forces armées canadiennes en Bosnie et en Afghanistan, ainsi qu'à l'expérience de milliers de vétérans que j'ai rencontrés et avec lesquels j'ai travaillé aux quatre coins du Canada depuis ma nomination en tant qu'ombudsman des vétérans en 2010.
Je ne fais pas que parler de la transition; j'ai moi-même vécu la transition de la vie militaire à la vie civile, et c'est pour cela que je me retrouve devant vous aujourd'hui.
[Français]
Il y a presque 700 000 anciens combattants au Canada et plus de 100 000 membres actifs des Forces armées canadiennes, sans compter leurs familles. Tous n'auront pas besoin de l'assistance d'Anciens Combattants Canada, mais ceux et celles dont c'est le cas devraient recevoir les avantages et les services nécessaires où et quand ils en auront besoin.
Je suis une voix indépendante et impartiale pour tous les militaires actifs et les anciens combattants qui sont servis par Anciens Combattants Canada. Je suis également un conseiller spécial du ministre des Anciens Combattants. À ce titre, je suis le lien direct entre le ministre et la communauté des anciens combattants. Je l'informe régulièrement des questions d'intérêt pour les anciens combattants et leurs familles.
[Traduction]
Chaque année, plus de 10 000 militaires sont libérés de la Force régulière et de la Force de réserve, dont environ 1 600 pour des raisons médicales.
En août 2014, j'ai lancé un projet avec l'ombudsman de la Défense nationale et des Forces canadiennes visant à examiner le processus de transition de A à Z. Nos principales constatations ont montré pourquoi la transition est souvent une expérience déroutante et frustrante pour les vétérans et leur famille.
Par exemple, plusieurs joueurs provenant d'organisations distinctes — en fait, au moins 15 — interviennent dans le processus de transition. Chacun possède un cadre de responsabilisation, un mandat et un processus distincts. Le résultat est un chevauchement des efforts, des lacunes et un manque d'uniformité entre les groupes et les régions géographiques.
Nous avons déterminé des obstacles précis à une transition réussie. Le système est caractérisé par plusieurs points de service puisqu'un processus de transition intégré comportant un point de service unique pour tous les membres de la Force régulière et de la Force de réserve en voie d'être libérés n'a pas été établi par le ministère de la Défense nationale, les Forces armées canadiennes ou Anciens Combattants Canada.
Les services offerts ne sont pas uniformes dans l'ensemble du pays, et les partenaires de service ne sont pas tous situés sous un même toit pour fournir un point de soutien unique réellement centré sur le vétéran.
Chaque ministère possède un système de gestion de cas différent et une variété de formulaires de consentement, et il existe un manque d'uniformité sur le plan des services d'un endroit à l'autre.
Les centres intégrés de soutien du personnel sont d'excellentes installations pour les militaires ayant été libérés pour des raisons médicales complexes, mais ces cas ne représentent que 10 p. 100 des libérations pour des raisons médicales.
Un chevauchement subsiste au sein des programmes de réadaptation professionnelle, d'éducation et d'invalidité de longue durée, ce qui complique les choses et sème la confusion.
Récemment, mon équipe a réalisé une petite étude qualitative pour mieux comprendre les éléments qui contribuent à une transition réussie. Cette étude est basée sur les expériences vécues par les vétérans libérés pour des raisons médicales et qui s'identifient comme ayant réussi leur transition. Nous publierons les résultats dans les mois à venir, mais je veux vous parler en attendant de certaines de nos constatations initiales.
[Français]
Le plus grand défi dont on entend parler est la complexité de faire face à la bureaucratie des Forces armées canadiennes et d'Anciens Combattants Canada. Obtenir les renseignements et les services auxquels ils ont droit et accéder aux soins pour combler leurs besoins est tout un exploit pour les anciens combattants.
[Traduction]
Les participants ont parlé de manques de communication entre différents bureaux qui gèrent leurs dossiers, de renseignements incomplets, mauvais ou incorrects qui leur ont été fournis et d'un sentiment de surdose d'information. En d'autres mots, c'est comme essayer de faire un casse-tête sans savoir à quelle image il doit ressembler.
Lorsque nous les avons interrogés sur le rôle qu'a joué dans leur transition le fait de trouver un sens à leur vie en dehors des forces armées, les participants ont dit qu'il s'agissait d'un grand défi puisqu'ils avaient passé la majorité de leur vie d'adulte dans cet environnement. Il s'agit là d'une constatation déterminante puisqu'elle souligne l'importance dans le processus de transition d'inclure le développement de l'estime de soi et de trouver un nouveau sens à la vie après le service militaire.
L'un des vétérans a dit : « L'armée était ma vie, ma famille; c'était tout pour moi. »
Un autre a dit : « J'ai réalisé que je ne savais pas qui j'étais en dehors de l'armée. Qui suis-je? Qu'est-ce que l'avenir me réserve? »
Le général Vance, chef d'état-major de la Défense, a mentionné que le processus de transition a besoin d'être professionnalisé, tout comme celui du recrutement. À quoi le processus de recrutement ressemble-t-il?
Les centres de recrutement et les détachements sont situés aux quatre coins du Canada.
Il existe un portail unique en ligne pour les membres de la Force régulière et de la Force de réserve. C'est un outil complet et convivial.
Le processus est très structuré et organisé en étapes simples, et il offre une attention personnalisée.
Il existe un point de service unique, en ligne ou en personne, où une personne répond à vos questions, prévoit vos entrevues, vous donne une liste détaillée des étapes à suivre et vous aide en tout temps.
Une entrevue et un test sont réalisés et servent à déterminer les atouts et les intérêts de chacun et, à la fin, un parcours de carrière propre à chaque militaire.
Lorsqu'une décision est prise, vous signez un contrat définissant clairement vos conditions de service et vous devez attendre que toutes les approbations soient en place avant de vous enrôler.
Après votre enrôlement, vous recevez une carte d'identité que vous devez avoir sur vous en tout temps, et ce, tout au long de votre carrière. Cette carte est votre nouvelle identité.
Vous commencez ensuite votre instruction de base et votre instruction professionnelle, qui vous façonneront selon la devise « le service avant soi » et qui vous prépareront à votre nouveau parcours de carrière et à votre nouvelle vie. Vous êtes fébrile à la pensée de ce que l'avenir vous réserve.
Dans le cadre de ce processus d'accueil, vous bâtissez des réseaux sociaux qui subsisteront pendant et après votre carrière. Ces réseaux offrent du soutien, de l'encouragement et de la camaraderie.
À la fin du processus de recrutement, le militaire sent réellement qu'il fait partie de quelque chose qui est plus important que sa propre personne et que son avenir est tracé. Un civil se transforme en un membre des Forces armées canadiennes. Tout cela s'accomplit sous un seul modèle de responsabilisation de gouvernance.
Tout comme le processus de recrutement dans les Forces armées canadiennes, le processus de transition doit être défini, professionnel et efficace. Cela signifierait une vraie transformation. Cela signifierait également que nous respectons notre obligation de veiller à ce que les hommes et les femmes qui ont consacré leur vie à servir notre pays aient accès aux programmes et aux services dont ils ont besoin pour faire la transition vers une nouvelle vie.
L'un des vétérans interrogés a dit : « Je me suis enrôlé dans l'armée à 19 ans. Avant cela, j'étais à l'école secondaire. Je n'ai jamais vraiment vécu ma vie d'adulte en étant un civil. Je n'ai pas l'impression de retourner à la vie civile. Je sens plutôt que je vais devenir un civil pour la première fois. »
J'imagine un processus de transition pour tous les membres des Forces armées canadiennes en voie d'être libérés, tant ceux de la Force régulière que de la Force de réserve, qui comprendrait des éléments semblables à ceux du processus de recrutement : des centres de libération accessibles dans tout le pays; un portail unique en ligne sous une seule autorité; des avantages en place à la libération et une personne-ressource unique assignée aux membres de la Force régulière et de la Force de réserve.
Un facilitateur aiderait à remplir les formulaires et à présenter une demande unique pour tous les avantages; il aiderait à planifier la libération des militaires et à établir les rendez-vous nécessaires; il donnerait des conseils relativement aux organismes tiers qui pourraient offrir du soutien; il réaliserait un suivi à des intervalles prédéterminés après la libération pour s'assurer que les besoins évolutifs sont comblés.
Un soutien axé aiderait les militaires blessés à retourner au travail. S'ils ne peuvent pas retourner au travail et si leur cas est trop complexe, le CISP les aiderait à coordonner leur libération en collaboration avec les centres de libération.
Il y aurait un seul programme pour la réadaptation professionnelle et l'invalidité de longue durée afin de réduire la complexité et la confusion.
Un conseiller professionnel aiderait à déterminer les besoins des militaires en matière d'éducation, de formation ou d'emploi et les aiderait à trouver un nouveau sens à leur vie selon leurs attributs et leurs désirs.
Enfin, une carte d'identité des vétérans serait émise aux militaires en voie d'être libérés pour non seulement reconnaître leur service, mais aussi permettre à Anciens Combattants Canada de réaliser un suivi proactif auprès d'eux à la suite de leur libération.
Dans ce processus de transition défini, professionnel et efficace, les militaires en voie d'être libérés et leur famille commenceraient une nouvelle vie qui aurait un nouveau sens : une vie personnalisée en fonction de leurs besoins qui leur offrirait le meilleur avenir possible, que les militaires soient retraités, employés, aux études ou des bénévoles dans la collectivité.
Je crois que toutes ces mesures sont possibles et que nous pouvons les réaliser facilement et rapidement.
Un changement de taille doit être fait pour atteindre cet objectif. Nous devrons tout réorganiser plutôt que d'adapter ce qui existe. Après des décennies à superposer des lois et des politiques les unes sur les autres, le processus que nous avons aujourd'hui est trop complexe, trop déroutant et trop difficile à suivre pour nos militaires en voie d'être libérés et leur famille. Le système a besoin d'être complètement révisé.
Je vous félicite de relever ce défi. Vous avez une chance historique de mettre en branle des changements pour les hommes et les femmes qui ont très bien servi ce pays.
[Français]
Je reconnais également que le gouvernement s'est engagé, dans le budget de 2017, à entreprendre la transformation des programmes du ministère de la Défense nationale et d'Anciens Combattants Canada, pour veiller à ce que nos femmes et nos hommes en uniforme profitent d'une meilleure transition entre les Forces armées canadiennes et Anciens Combattants Canada.
[Traduction]
Les vétérans ont besoin d'espoir pour leur avenir, et ils ne méritent rien de moins.
Merci. Je suis prêt à répondre à vos questions.
La présidente : Madame Squire, je crois comprendre que vous n'avez pas d'exposé.
Sharon Squire, ombudsman adjointe des vétérans et directrice exécutive des opérations, Bureau de l'ombudsman des vétérans : C'est exact.
La présidente : Merci beaucoup de votre exposé. Avant de passer aux questions, j'aimerais avoir une précision.
Au bas de la page 5 de votre exposé, vous parlez d'un facilitateur. J'ai trouvé intéressante cette expression. Je présume qu'il est question de faciliter la navigation dans le système ou les processus. Outre un facilitateur, pensez-vous qu'un agent précis devrait être assigné à chaque vétéran? Avez-vous envisagé une telle option?
M. Parent : Le concept d'un facilitateur est semblable au concept de concierge qu'a peut-être soulevé l'ombudsman des forces armées. Nous cherchons une personne pour tout simplement aider les vétérans à connaître la prochaine étape et à avoir accès à certains avantages. Cela pourrait prendre la forme d'un guide ou d'un conseiller. Nous pouvons utiliser divers termes pour exprimer le même concept. Il ne s'agit pas d'un spécialiste de la transition ou de l'adaptation sociale; c'est une personne qui peut tout simplement orienter les gens dans le système.
Du côté des vétérans, cela se fait déjà. Certains administrateurs régionaux participent déjà à un projet pilote où des agents de première ligne sont des facilitateurs. Cela facilite certainement la vie des vétérans qui doivent naviguer dans le système.
Le sénateur Lang : Je vous félicite du projet pilote que vous avez entrepris pour déterminer les conséquences de la transition sur les vétérans. Je suis certain de parler au nom de tout le monde ici présent lorsque je dis que cela doit être une situation difficile, en particulier pour ces hommes et ces femmes qui ont passé la majeure partie de leur vie adulte dans les Forces armées canadiennes et qui tout d'un coup n'en font plus partie. Je suis convaincu que c'est en soi un changement énorme d'un point de vue personnel.
Cela étant dit, nous avons soulevé à maintes reprises au comité le problème du dédoublement des programmes. Vous en avez brièvement parlé dans votre exposé, mais vous ne mentionnez pas vraiment que nous devrions regrouper un certain nombre de ces programmes en vue d'en faciliter l'accès pour les prestataires. Il y aurait peut-être plus d'avantages si les coûts administratifs de ces programmes étaient réduits. J'aimerais vous entendre à ce sujet en ce qui concerne le facilitateur et la question de la transition proprement dite.
J'aimerais aussi entendre vos commentaires concernant l'éducation, la réadaptation et toutes les autres sphères qui relèvent en fait des provinces.
J'ai l'impression que l'un des points les plus importants serait de s'entendre avec les gouvernements provinciaux et territoriaux pour nous assurer qu'ils accordent la priorité aux vétérans en voie d'être libérés qui souhaitent poursuivre des études ou suivre un programme de réadaptation. Autrement dit, ces vétérans seraient placés en haut de la liste lorsqu'ils présenteraient leur demande. Ils n'attendraient pas six mois ou deux ans pour être admis dans un programme, et ce, en reconnaissance de leur engagement à l'égard du pays.
Pouvez-vous nous faire part de vos commentaires concernant ces deux aspects? Je ne veux pas accaparer tout le temps.
M. Parent : Ce sont d'excellents points, sénateur. En ce qui a trait à votre première question sur les programmes de réadaptation professionnelle, c'est évidemment un élément dont nous parlons depuis quelques années. Il y a actuellement trois différents programmes de réadaptation professionnelle.
Le premier se fait au sein des Forces armées canadiennes. Six mois avant leur libération, des militaires sont autorisés à travailler en uniforme au sein d'une entreprise et à apprendre une deuxième carrière à l'extérieur des forces armées.
Le deuxième programme est lié au régime d'assurance, qui offre en fait un programme de réadaptation professionnelle.
Le troisième programme est lié à Anciens Combattants Canada.
Vous êtes déjà à même de voir que le processus comporte plusieurs couches d'avantages, ce qui complique les choses et sème la confusion. Nous avons recommandé la tenue d'une étude concernant la possibilité de fusionner les deux programmes ou de trouver un programme de réadaptation professionnelle pour tous.
Si je devais vous dire lequel de ces trois programmes est le meilleur, le problème actuellement est que nous ne le savons pas vraiment, étant donné que les résultats n'ont jamais été évalués. Nous en connaissons le rendement. Nous sommes au courant du nombre de personnes qui ont participé aux divers programmes, mais nous ne pouvons pas dire à quel point les programmes ont été une réussite pour ces personnes. Travaillent-elles en fait dans un domaine lié à leur formation? Ont-elles réussi à conserver un emploi après avoir eu accès au programme? Ces données ne sont pas disponibles.
Oui. En ce qui concerne le programme de réadaptation professionnelle, nous devons en avoir un pour tous qui se fonde sur les pratiques exemplaires et dont les résultats sont mesurables. Cela nous permettra de savoir si les participants ont réussi leur transition.
Voilà pour la première question. La deuxième question est également très intéressante, parce que nous avons certainement essayé de mobiliser les ordres de gouvernement pour examiner la question des soins et du bien-être de nos vétérans et de leur famille. Vous soulevez un excellent point en ce qui a trait à l'éducation.
Nous avons tenu les mêmes discussions au sujet du logement, par exemple. Nous avons essayé d'amener les municipalités, les gouvernements provinciaux et le gouvernement fédéral à travailler ensemble pour qu'il y ait une continuité transparente de services, peu importe l'ordre de gouvernement, de manière à assurer un niveau très élevé de bien-être pour les anciens combattants et leur famille.
[Français]
La sénatrice Saint-Germain : Je note avec beaucoup de satisfaction le fait que vous semblez collaborer de façon efficace avec votre homologue, l'ombudsman des Forces armées canadiennes. Vous avez aussi démontré avec pertinence les efforts que vous avez consacrés pour réduire le nombre de programmes, afin d'éviter les dédoublements, et pour en faciliter l'accès.
Ma question porte sur l'autre volet en matière de gestion et d'accès aux programmes destinés aux anciens combattants. Malgré les efforts déployés, on constate trop souvent que la gestion facilite davantage le travail de celui qui gère le programme plutôt que de faciliter l'accès aux bénéficiaires. Devant notre comité, votre homologue du ministère de la Défense nationale et des Forces armées canadiennes a fait état de certaines recommandations présentées au ministre de la Défense nationale. L'une de ces recommandations concerne la gestion en matière d'évaluation des problèmes liés à la santé. Pour simplifier les choses, il demande d'attribuer au médecin général la responsabilité de déterminer si la maladie ou la blessure d'une personne est attribuable au service militaire. Anciens Combattants Canada doit s'appuyer sur cette détermination pour accorder l'ensemble des avantages sociaux aux militaires libérés. Dans ce contexte-là, selon vous, quelle serait l'incidence de confier au médecin général la responsabilité de déterminer la maladie ou la blessure d'une personne et son lien ou non avec le service militaire? Si c'était le cas, quel en serait l'impact pour les anciens combattants et ceux qui demandent vos services, en particulier?
M. Parent : Je vous remercie. Vous venez de soulever un très bon point. Quand on examine la gestion du processus, il y a beaucoup de confusion, étant donné que deux ministères sont impliqués. Le processus de transition est censé être intégré, mais il n'y a pas de gouvernance, il n'y a pas de reddition de comptes. Personne ne peut prendre une décision, car ce sont deux ministères l'un contre l'autre qui disposent d'autorités individuelles.
En ce qui concerne l'attribution des services aux anciens combattants, bon nombre de personnes ont accès aux avantages quelques années après leur retraite des Forces armées canadiennes. Dans ce cas-là, il serait très difficile pour le médecin général d'être impliqué dans l'attribution des services. Une autre situation, c'est que, souvent, ces gens-là présentent des symptômes ou des problèmes qui se développent plus tard dans leur carrière. Il serait donc difficile pour quelqu'un de regarder... De plus, il est important de souligner qu'il y a deux étapes dans le processus : l'attribution des services et l'évaluation médicale, qui devrait être faite par Anciens Combattants Canada même si l'attribution des services est réalisée par les Forces armées canadiennes.
Je suis certainement en faveur d'un processus qui serait aussi rapide que possible, parce que, à l'heure actuelle, les gens n'ont pas accès aux remboursements de frais médicaux avant que la décision ne soit prise. Le plus tôt cette décision peut être rendue, mieux pourront en bénéficier les anciens combattants et leurs familles.
La sénatrice Saint-Germain : Merci.
La présidente : C'est tout?
[Traduction]
La sénatrice Wallin : Je vais faire une observation avant de poser ma question. Le message le plus important que j'ai retenu de vos propos de ce matin, c'est la citation de l'ancien combattant qui a dit : « Je me suis enrôlé dans l'armée à 19 ans. Avant cela, j'étais à l'école secondaire. Je n'ai jamais vraiment vécu ma vie d'adulte en étant un civil. Je n'ai pas l'impression de retourner à la vie civile. Je sens plutôt que je vais devenir un civil pour la première fois. »
C'est au cœur de ce que nous devons comprendre ici. Voilà le revers du recrutement. Ces gens n'ont jamais connu la vie militaire avant leur enrôlement. Le jour où ils auront la moindre notion de ce que cela veut dire, alors nous aurons fait beaucoup de chemin.
Il y a le projet « Fermer la brèche ». Vous et votre homologue des Forces canadiennes préconisez ou, du moins, affirmez préconiser des activités officielles et conjointes de gestion des cas de sorte que le transfert s'inscrive dans une continuité. Je crois que vous avez parlé d'une « liste détaillée des étapes à suivre ». Cette transition est censée être de nature intégrée. C'est ce que vous voulez, vous et votre collègue. C'est aussi ce que veut le chef d'état-major de la Défense. C'est ce que souhaite également le militaire qui s'apprête à prendre sa retraite. Dieu sait que nous y tenons. Durant les six années que j'ai siégé au Sénat, nous en avons discuté indéfiniment.
Que faut-il faire? Vous avez écrit à ce sujet, et nous aussi. Quelle est la prochaine étape? Selon vous, sur quels points le comité devra-t-il insister à tout prix dans son rapport? Comment pouvons-nous y parvenir?
M. Parent : Merci beaucoup. C'est une bonne question. Tout le système doit être remanié. Nous l'avons modifié légèrement au fil des ans. Nous y avons ajouté de nouvelles prestations et de nouveaux processus.
Quand on demande aux gens de parler d'intégration, que ce soit du côté d'Anciens Combattants Canada ou du côté militaire, ils comprennent ce qui relève de leur ressort. Autrement dit, ils comprennent leurs programmes et leurs prestations, mais ils ne saisissent pas le processus global et ce qui s'impose. Selon nous, il faut une réforme complète pour recommencer à zéro et se demander, par exemple : « Quel est le processus normal pour les militaires qui sont blessés, pour ceux qui sont en santé? »
Cela représente un défi, car on a alors affaire à une remise en question de la culture, comme vous avez commencé à l'expliquer plus tôt. C'est énorme. La transition vers une nouvelle culture est très douloureuse et elle touche les militaires et leur famille.
Nous devons recommencer à zéro pour mettre en place un processus destiné aux gens qui sont en santé et un autre à l'intention de ceux qui sont légèrement blessés. Comme je l'ai dit tout à l'heure dans mon exposé, les centres intégrés de soutien du personnel font un excellent travail si vous avez un cas complexe qui fait intervenir un gestionnaire des carrières et quelqu'un faisant partie d'une équipe multidisciplinaire bien intégrée. Lorsqu'une personne se trouve à mi- chemin, les communications laissent à désirer, les processus sont difficiles, et nous devons relever certains défis à cet égard.
La sénatrice Wallin : Donnez-nous une idée précise. Quand vous dites « nous », c'est vous et vos collègues : les Forces canadiennes, le ministère de la Défense nationale, le ministère des Anciens Combattants, et j'en passe. Pour ce qui est de savoir comment nous pouvons formuler des recommandations utiles, devrions-nous demander au ministre des Anciens Combattants d'instaurer un processus intégré et harmonieux?
M. Parent : Le point de départ est la gouvernance par un organisme responsable. Que ce soit le ministère des Anciens Combattants ou les forces armées, cela importe peu. Il faut une personne qui a le pouvoir nécessaire et qui dispose de mécanismes faisant autorité pour intervenir dans le processus de sorte que les gens n'aient pas à passer constamment d'un ministre à l'autre pour essayer d'obtenir une décision.
La reddition de comptes s'impose. C'est maintenant possible, puisque le ministre des Anciens Combattants est aussi ministre associé de la Défense nationale. Il y a donc une liaison avec le ministère, ce qui n'existait pas auparavant. C'est un bon début.
La sénatrice Wallin : C'est très utile parce que nous devons être précis dans nos demandes et nos directives. Je vous en remercie.
[Français]
Le sénateur Maltais : Merci, monsieur Parent, pour votre mémoire. Depuis trois ou quatre ans, j'occupe le poste de colonel honoraire. Je rencontre régulièrement d'anciens militaires et j'assiste aux réunions des honoraires avec les généraux de brigade. Lorsqu'on fait état de certains cas, on nous donne toujours la même réponse, soit que ça s'en vient, mais on ignore quand.
En discutant avec les anciens combattants, j'ai constaté qu'un militaire apprend deux choses dans l'armée : à recevoir des ordres et à y obéir. S'il est gradé, il donne des ordres et il s'attend à être obéi. Un militaire ordinaire bénéficie d'un encadrement. S'il a besoin d'une paire de bottes, on lui remet un billet pour qu'il puisse s'en acheter. Tout se règle rapidement. Quand il quitte l'armée, il ne bénéficie plus de cet encadrement.
Dans les bureaux d'Anciens Combattants Canada, l'ancien militaire est devant un encadrement de fonctionnaires pas très dynamiques. Je ne les blâme pas, car les fonctionnaires sont submergés de dossiers. Le militaire se décourage, parce qu'il n'est pas habitué à ce genre de travail. Donc, il abandonne et tombe dans tous les vices possibles. C'est le découragement total. Malheureusement, l'aide psychologique arrive souvent trop tard. C'est pourquoi on retrouve des militaires qui mendient dans la rue. C'est le lien entre la démobilisation et l'intégration à la vie civile qui fait défaut.
Heureusement, la Légion canadienne, qui est composée d'anciens militaires, a une oreille beaucoup plus attentive que le ministère des Anciens Combattants pour venir en aide aux militaires. Ce qui est frappant, c'est qu'après avoir consacré 30 ou 35 ans de sa vie à l'armée, le militaire se retrouve dans la rue pour diverses raisons, ce qui n'est pas acceptable. Comme société, on n'a pas le droit d'abandonner ces gens-là. J'ai rencontré d'anciens militaires qui ont mené six missions en Afghanistan et un peu partout dans le monde, et qui sont devenus des clochards. Ces gens-là avaient des médailles. Ils étaient des héros canadiens.
Dès qu'un militaire se retrouve dans une situation précaire, c'est à ce moment-là qu'un encadrement doit être mis en place. Cela ne doit pas être fait par des fonctionnaires. Je crois que l'armée a le devoir d'accompagner ces militaires, ce qui n'est pas le cas à l'heure actuelle. Il faut instaurer une période de transition minimum d'un an pour favoriser leur réintégration. Il faut que du personnel occupant des postes d'autorité dans l'armée suive ces dossiers et réponde aux questions de ceux qui ont servi. Voilà ce que les anciens militaires nous demandent.
M. Parent : Merci, vous venez de faire une excellente observation. Vous avez raison, c'est l'encadrement qui manque dans la période de transition. En parlant de gens qui sont habitués à recevoir ou à donner des ordres, nos anciens combattants représentent une bonne ressource pour la vie civile, pour les gens qui vont les engager. Quand on parle d'un service de transition qui devrait être réaliste et axé sur les anciens combattants, les responsables de la transition devraient être des militaires à la retraite qui ont réussi leur transition. Par le passé, on mélangeait la réintégration au travail avec la transition, et souvent les gens hésitent, parce qu'ils veulent demeurer dans la culture militaire. Ils ne veulent pas nécessairement prendre leur retraite ou amorcer une transition à la vie civile. Si on séparait les deux, un programme de retour au travail et un programme pour la transition à la vie civile, administré par d'anciens militaires, on favoriserait une bonne transition. C'est un peu le même principe que la Légion canadienne : d'anciens militaires devenus des civils peuvent aider nos militaires à assurer leur transition vers la vie civile grâce à un encadrement.
Le sénateur Maltais : Cela a un impact négatif. Dans la réserve, 95 p. 100 des réservistes sont des étudiants au collège ou à l'université. À la fin de leurs études, lorsqu'ils constatent ce qui arrive aux anciens combattants, ils sont découragés. Je participe à des rencontres annuelles avec les réservistes. Ils se demandent ce qui arrivera une fois que la réserve sera terminée. Ils savent qu'ils peuvent entrer dans l'armée et toucher un bon salaire et un bon fonds de retraite, mais ils se demandent quelle sera leur vie après l'armée. C'est un point important que soulèvent les jeunes. Il est beau de les recruter à 19 ans, mais un jour, ils devront en sortir. Aujourd'hui, l'armée a des critères beaucoup plus stricts qu'il y a 25 ans, et cela décourage les jeunes. Une fois que les jeunes ont terminé leurs études, ils disent au revoir. L'armée investit beaucoup dans la formation de ces jeunes, et ces efforts ne portent pas leurs fruits en raison de cette crainte.
M. Parent : Vous soulevez encore une bonne question. C'est la raison pour laquelle on répète qu'une transition réussie relève de la sécurité nationale, parce que les gens n'iront pas au bureau de recrutement ou n'auront pas envie de servir dans les forces armées s'ils constatent qu'ils ne sont pas bien traités quand ils subissent des blessures durant leur service.
Quant aux réservistes, j'en profite pour dire que, ce qui est important, c'est le dépistage de nos militaires blessés réservistes et membres des Forces armées canadiennes. Une carte d'identité est très importante, non seulement pour faire le dépistage de nos anciens combattants, mais aussi pour leur donner une nouvelle identité qu'ils ne perdront pas lorsqu'ils quittent les Forces armées canadiennes. Maintenant, on possède le statut d'ancien combattant canadien, reconnu par le gouvernement, avec une carte d'identité qui le prouve. C'est aussi très important.
[Traduction]
La sénatrice Boniface : On a déjà posé une de mes questions, mais tenez-vous compte de l'expérience d'autres pays qui obtiennent de bons résultats dans ce dossier et qui ont mieux réussi à faciliter la transition?
M. Parent : Nous avons passé en revue certains processus et programmes précis. Je ne pense pas qu'il y ait quelque chose de comparable à l'expérience canadienne. À voir les prestations en vigueur et tout le reste, je crois que nous surpassons tous les autres pays auxquels nous nous comparons normalement.
Cependant, nous devons régler toutes sortes d'autres problèmes, comme le manque de communication, la complexité et la multiplication des programmes. Beaucoup de gens nous consultent, par exemple, parce qu'ils trouvent intéressants certains de nos programmes. Pour ce qui est de la transition proprement dite, c'est assez différent.
On peut estimer que la culture des forces est différente. En effet, la culture militaire canadienne se distingue de la culture militaire américaine. Donc, la transition doit, elle aussi, se faire différemment. Elle doit être plus centrée et plus personnalisée, ce qui n'est pas possible aux États-Unis, notamment en raison du nombre considérable de militaires.
La sénatrice Boniface : En ce qui concerne le modèle de facilitateur, vous évoquez le système de gestion des cas. Vous avez deux systèmes : un pour le ministère de la Défense nationale et un autre pour le ministère des Anciens Combattants. À mon avis, il faudrait une intégration des systèmes.
M. Parent : Oui, c'est un bon point. La confusion liée à la gestion des cas tient au fait que les gestionnaires de cas du ministère de la Défense nationale et ceux du ministère des Anciens Combattants jouent deux rôles complètement différents. On ne peut pas se contenter de transférer un dossier d'un ministère à l'autre. Il faut une approche multidisciplinaire. Il y a d'autres personnes qui interviennent.
Le gestionnaire de cas du ministère de la Défense nationale est un professionnel de la santé, alors que celui du ministère des Anciens Combattants est un professionnel du secteur des services sociaux, chargé d'assurer l'intégration sociale des militaires. C'est donc un peu différent de ce point de vue.
Par ailleurs, il faut un guide du côté militaire et un autre du côté d'Anciens Combattants Canada. Comme je l'ai dit tout à l'heure, certains membres quitteront les forces armées et tenteront d'obtenir des prestations cinq ou six ans après leur départ. À ce moment-là, ils auront besoin d'un accompagnateur, d'un guide ou d'un facilitateur auprès du ministère des Anciens Combattants, alors que, durant la transition, c'est probablement un militaire à la retraite qui devrait les guider d'un bout à l'autre du processus.
La sénatrice Boniface : Voici ce que j'essaie de comprendre : s'agit-il, en partie, d'une solution technologique, ou est- ce plutôt une question de formation qui serait appuyée par un modèle de gouvernance de sorte que les gens aient une formation multidisciplinaire leur permettant au moins d'avoir suffisamment d'information pour savoir à qui s'adresser de l'autre côté?
M. Parent : Cet aspect représente toujours une difficulté et un défi dans le continuum de soins. Bien entendu, lorsqu'on fait la transition de la vie militaire à la vie civile, on fait face aux mêmes problèmes que tout autre civil, comme le fait de trouver un médecin ou d'essayer d'obtenir de l'aide. Le continuum de soins est très important.
Là où je veux en venir, c'est qu'il ne devrait pas y avoir un désengagement de l'un ou l'autre des gestionnaires de cas tant que la situation n'est pas réglée ou stabilisée. C'est ce qui importe. Très souvent, le gestionnaire de cas s'occupera, disons, des médicaments qui sont disponibles du côté du ministère de la Défense nationale, mais qui ne sont pas nécessairement acceptables pour Anciens Combattants Canada.
La transition doit avoir lieu, mais il faut faciliter les choses. Un modèle de transition idéal, centré sur les anciens combattants, permettrait d'assurer également le continuum de soins, et pas seulement le continuum de la gestion des cas.
Mme Squire : Pour renchérir sur les propos de Guy, ce qui est important, c'est la présence d'un point de service unique; ainsi, peu importe où l'on se trouve, on a accès à la même personne. Je ne fais pas nécessairement allusion aux gestionnaires de cas, puisqu'ils sont déjà tellement occupés. Il pourrait s'agir de quelqu'un d'autre, comme un guide ou un point de service unique.
Quant à la question de savoir s'il faut une ressource technologique ou une aide en personne, je crois que les anciens combattants devraient avoir les deux options. D'après ce que nous savons de l'expérience des anciens combattants, certains préfèrent se renseigner en ligne, d'autres non. D'aucuns veulent parler à un être humain chaleureux. Selon moi, on ne peut pas imposer un choix. Je crois que les deux solutions devraient être offertes.
La sénatrice Boniface : Pour en revenir à l'aspect technologique, je voulais savoir si les systèmes internes permettent le transfert de l'information. C'est ce que je cherchais à comprendre, parce que vous avez parlé de la perte de renseignements ou de l'impossibilité d'y accéder.
Y a-t-il des systèmes qui doivent être intégrés afin de faciliter la transmission de renseignements aux personnes qui essaient de fournir le service? C'est ce que je cherchais à savoir.
Mme Squire : C'est très complexe. Voilà ce qui pose problème, n'est-ce pas? Si le tout était simplifié et rationalisé, ce serait tellement plus facile de procéder ainsi.
Le sénateur White : Merci, sénatrice Boniface, de m'avoir piqué ma question. Je vais donc en poser une autre.
Souvent, les plaintes portent sur les préparatifs en vue de quitter une organisation comme les forces armées. Dans le milieu policier, comme c'est le cas pour la sénatrice Boniface et moi, les préparatifs commencent environ six mois avant le départ. En fait, la GRC avait l'habitude d'offrir une formation sur la retraite dans le cadre d'un de ses cours de niveau supérieur.
Les forces armées font-elles assez d'efforts, tout au long de la carrière d'un soldat, pour le préparer à la retraite et aux réalités financières? J'ignore la situation actuelle, mais bon nombre des militaires vivaient dans des logements subventionnés par l'État. Sont-ils préparés à ce qui les attend une fois qu'ils rentrent chez eux après 25 ou 30 ans? Sont- ils prêts à acheter une maison ou à entreprendre les démarches nécessaires à cet égard?
De façon réaliste — et je parle non pas du point de vue d'un ancien combattant, mais de celui d'un militaire qui part à la retraite —, il y a lieu d'utiliser différents modèles de formation tous les 5, 10 ou 15 ans pour préparer les gens à bon nombre de ces questions. Les militaires reçoivent un entraînement continu et approprié, mais je doute qu'on leur donne une formation sur la façon de quitter l'armée.
M. Parent : Je vous remercie de cette bonne question et de cette bonne observation. Je vais peut-être vous fournir une réponse désuète, parce que j'ai quitté les forces armées il y a maintenant quelques années, mais le ministère de la Défense nationale offrait un programme appelé Service de préparation à une seconde carrière ou SPSC. Ce programme était initialement conçu pour être offert tous les cinq ans et, à mesure qu'on approchait de la retraite, l'accent était mis sur l'investissement et l'emploi. Cela n'a jamais été, me semble-t-il, un programme obligatoire. Je crois d'ailleurs que c'est l'un des problèmes.
Le ministère de la Défense nationale en fait-il assez? Je crois qu'on doit penser à la retraite dès le recrutement. Cette question devrait faire partie du processus de recrutement. Tôt ou tard, la carrière militaire prendra fin. C'est ce qui s'impose.
Chose certaine, du côté d'Anciens Combattants Canada, il faut en faire plus. Le ministère des Anciens Combattants doit participer au Service de préparation à une seconde carrière. Il doit faire connaître les prestations, les processus et les cours sur le leadership, par exemple. Anciens Combattants Canada ne joue pas un rôle assez actif dans ce domaine.
La difficulté est attribuable à la vieille culture militaire du maintien de l'effectif. Lorsque j'ai quitté les forces il y a 12 ans, nous n'avions pas accès à des services comme ceux offerts par les unités interarmées de soutien du personnel, les centres intégrés de soutien du personnel et les centres de transition, parce que l'armée ne voulait perdre aucun effectif. Il est très difficile de passer de cette culture du maintien de l'effectif à une culture de la transition. Aujourd'hui, les forces armées doivent repenser le processus et admettre que la transition est inévitable.
Le sénateur White : Si je puis me le permettre, la comparaison avec d'autres pays est une discussion fort intéressante, mais aux États-Unis, le soldat moyen quitte les forces probablement à l'âge de 25 ou 26 ans. La plupart d'entre eux servent pendant quatre ans dans l'armée, puis ils passent à autre chose. Il s'agit d'un modèle totalement différent. Les attentes des militaires américains sont très différentes de celles des militaires canadiens relativement à la durée de leur carrière. Lorsqu'un Canadien s'enrôle dans l'armée, nous estimons qu'il aura une longue carrière de 20, 25 ou 30 ans et qu'il prendra sa retraite à l'âge de 45 ou de 50 ans. Nous avons une mentalité tout à fait différente, même en ce qui concerne le recrutement.
Je m'entretiens actuellement avec quelques militaires qui envisagent de quitter les forces. Pour être juste, je dirais que même leur compréhension de la vie civile est aujourd'hui un peu désuète, et ce, à bien des égards. Ils y réfléchissent et ils obtiennent peut-être l'avis d'autres personnes, mais ils n'ont pas vraiment une idée concrète de la vie civile, de ce qu'elle offre, de quoi elle a l'air et de ce qui existe comme possibilités d'éducation.
L'un d'entre eux, un technicien spécialiste des aéronefs, croyait que ses compétences seraient reconnues dans la vie civile, et il apprend maintenant que ce n'est pas le cas. S'il choisit de travailler dans ce domaine, il devra suivre de nombreux cours de recyclage.
Je ne prétends pas qu'on cache de l'information aux militaires. Je dis seulement qu'on doit faire preuve de plus d'ouverture. À mon avis, chaque séance de formation devrait comprendre un volet consacré à la transition. Un militaire de 25 ans qui entend parler de transition pourrait ne pas s'y intéresser autant qu'un militaire de 45 ans, mais je crois que ce sujet devrait être abordé chaque fois. Il faut en parler. N'en convenez-vous pas?
M. Parent : J'en conviens. Selon moi, il est également important que les jeunes militaires prennent en main leur avenir. C'est pourquoi nous avons proposé que chaque membre actif obtienne déjà un compte « Mon dossier ACC », c'est-à-dire un numéro de dossier attribué par Anciens Combattants Canada. Si le militaire se retrouve dans la rue, s'il subit des blessures ou chaque fois qu'il consulte un médecin pour recevoir des soins médicaux, il pourra entrer l'information dans son dossier ACC. Ainsi, après sa libération, il pourra au moins monter son dossier en vue d'avoir accès à des prestations et à tout le reste.
La sénatrice Wallin : Je me contenterai d'ajouter un tout petit point. J'aimerais revenir sur une observation faite par la sénatrice Boniface parce que nous avons eu la même discussion avec M. Walbourne, votre homologue.
Selon lui, une partie du problème — si nous essayons de décortiquer le tout pour cerner les obstacles —, c'est que, parfois, on ne peut pas transférer des renseignements du ministère de la Défense nationale au ministère des Anciens Combattants. Cela concerne uniquement les problèmes médicaux. Si je suis libérée pour des raisons médicales, et si nous voulons faciliter cette transaction, le ministère de la Défense nationale ne pourra pas dévoiler mon problème médical au ministère des Anciens Combattants, car ce serait une violation de ma vie privée. Est-ce toujours le cas?
M. Parent : Oui, ce l'est. En ce qui concerne la transmission de renseignements, on ne peut pas communiquer des renseignements personnels. Toutefois, il est possible de signer un formulaire de consentement. Le problème, comme je l'ai déjà mentionné, c'est qu'on utilise actuellement environ six formulaires différents dans le processus de transition.
Je suis convaincu que de nos jours, nous pouvons concevoir un formulaire universel que les gens peuvent signer pour autoriser l'ensemble des intervenants à communiquer leurs renseignements personnels, dans la mesure où c'est aux fins prévues.
La présidente : J'ai quelques questions à poser. Vous avez traité d'une d'elles à maintes reprises, notamment avec la sénatrice Wallin il y a quelques instants, mais je vais vous la poser de nouveau.
Lors de sa dernière comparution, M. Walbourne, ombudsman de la Défense nationale, a expliqué que c'est le bureau du médecin général qui détient les dossiers. Corrigez-moi si je comprends mal, mais ces dossiers restent là, et quand les anciens combattants quittent l'armée, ils doivent faire l'objet d'une réévaluation complète.
Vous avez traité de la question, mais j'aimerais en discuter encore parce qu'à titre de personne de l'extérieur, je ne comprends pas pourquoi ces dossiers ne peuvent pas être tout simplement transmis à Anciens Combattants Canada. Pourquoi la personne doit-elle être évaluée de nouveau? Je ne comprends pas. L'ombudsman semblait lui aussi considérer que cela ne devrait pas se passer ainsi.
M. Parent : Permettez-moi de vous expliquer le processus de prise de décision. Une personne libérée des forces armées ne présentera pas toujours une demande de prestations immédiatement à Anciens Combattants Canada. Elle pourrait le faire cinq ou six ans plus tard. Il faudra d'abord faire la preuve des états de service et obtenir un diagnostic d'une maladie ou d'une blessure attribuable à la période de service. Il y a deux étapes différentes à cet égard. On évalue ensuite l'incidence de la maladie ou de la blessure sur la vie ou la capacité de gagner un revenu de la personne.
À l'heure actuelle, les anciens combattants ne remettent pas leur dossier médical eux-mêmes. Anciens Combattants Canada doit s'adresser à Archives Canada ou à quartier général de l'armée pour obtenir les dossiers. Les arbitres examinent ensuite le dossier pour connaître le diagnostic et déterminer si le problème est attribuable au service militaire.
Très souvent, des problèmes surviennent au cours de certains processus décisionnels parce qu'on remet en question, pour des questions d'ordre médical, le diagnostic que le médecin a inscrit au dossier. Voilà qui devient quelque peu problématique, puisque l'attribution du problème au service militaire et l'évaluation subséquente dépendent du fait que l'arbitre a décidé d'accepter ou non la preuve médicale figurant au dossier.
Nous avons éprouvé quelques difficultés à ce sujet. Nous avons préparé un rapport sur le Tribunal des anciens combattants (révision et appel) il y a quelques années concernant des affaires qui se sont retrouvées devant la Cour suprême du Canada. Nous avons constaté qu'un grand nombre de ces dossiers étaient renvoyés au tribunal parce que ce dernier n'avait pas bien évalué les preuves médicales.
Si le Tribunal des anciens combattants (révision et appel) n'a pas accepté les preuves, l'arbitre chargé de prendre une décision au début du processus ne les avait pas acceptées non plus. Il est extrêmement important que les preuves médicales soient admises quand elles sont présentées par un professionnel certifié. Au chapitre de l'interprétation libérale, du jugement fondé sur la présomption selon laquelle la blessure est attribuable au service militaire et de ce genre de chose, les preuves médicales devraient être acceptées.
La présidente : Dans mon ancienne vie, j'étais avocate spécialisée en affaires de lésions corporelles. On peut critiquer mon jugement, mais quand je me préparais en vue de la séance d'aujourd'hui, je me suis dit que quand les membres faisaient partie de l'armée, ils étaient traités pour tout ce qu'il leur arrivait. Ils ont reçu des services, et ils ont quitté l'armée en connaissant les maladies qu'ils avaient.
Quand ils s'adressent à Anciens Combattants Canada, il ne s'agit pas tant de déterminer quelles blessures ils ont que de connaître le montant des prestations qu'il faut leur verser. L'angle n'est pas le même. Combien doit-on verser aux gens pour une blessure donnée? Quelle est la gravité de cette blessure? Quel montant devrait-on leur verser? Le point de vue change et on doit réévaluer le dossier. On voit les choses sous un autre angle. Est-ce que je fais erreur? Est-ce que je comprends mal?
M. Parent : Je ne suis pas certain que l'angle soit différent. L'important, c'est de déterminer si la blessure à l'origine de la libération est attribuable au service militaire.
La présidente : Oui.
M. Parent : Très souvent, elle n'y est peut-être pas attribuable. En pareil cas, les gens n'ont aucun droit. Si la personne a une blessure qui n'a rien à voir avec son service, le gouvernement fédéral n'assume aucune responsabilité. Cela étant dit, toutefois, selon l'approche adoptée aux États-Unis, on présume que le service militaire a néanmoins une incidence sur la santé et le bien-être de l'intéressé. Il n'est pas nécessaire d'avoir une blessure précise; on présume qu'elle est attribuable au service militaire.
Nous devons prendre grand soin de ne pas nous orienter vers un monde de droits. Les gens n'ont pas nécessairement un droit; ils ont subi, au cours de leur service militaire, une blessure qui nuit maintenant à leur capacité de gagner un revenu et qui est source de souffrance. Anciens Combattants Canada accorde des prestations pour des blessures de guerre qui causent de la souffrance et de la douleur. La réadaptation professionnelle et les allocations de remplacement du revenu constituent un groupe de programmes totalement différents.
La présidente : Je vais poursuivre sur le sujet. J'accepte ce que vous dites. Je comprends que la blessure doit survenir lorsque le membre accomplit une tâche pour l'armée. Vous dites qu'on ne peut accorder de prestations sans égard à la faute. Ce n'est pas parce que la personne est blessée qu'Anciens Combattants Canada doit payer. La blessure doit découler de quelque chose qui s'est produit pendant le service militaire.
M. Parent : Elle doit être attribuable au service militaire.
La présidente : C'est ce que vous dites, mais l'angle est différent. La personne est traitée dans l'armée, puis est libérée en raison de sa blessure. Quand elle fait appel à Anciens Combattants, c'est au montant des prestations qu'il faudra lui verser qu'on s'intéresse.
À mon avis, c'est là que vous examinez la situation sous un autre angle. Pourquoi ne pouvez-vous pas simplement accepter l'évaluation précédente et effectuez-vous une nouvelle évaluation? Pourquoi la personne doit-elle repartir à zéro? Voilà ce que j'ai de la difficulté à comprendre, et de nombreux anciens combattants nous ont posé les mêmes questions.
M. Parent : C'est une observation pertinente, et je reviendrai à ce que j'ai dit précédemment. Quand les gens sont libérés des Forces canadiennes, leur diagnostic et leur évaluation médicale concernent l'incapacité de satisfaire à l'universalité des normes de service.
Anciens Combattants Canada s'intéresse quant à lui à la capacité de la personne de gagner un revenu, à l'accès aux soins médicaux et à la réadaptation professionnelle permettant à la personne de trouver un nouvel emploi ou d'amorcer une nouvelle carrière. C'est entièrement différent.
Cela rend la situation plus complexe. C'est pourquoi on effectue bien souvent une réévaluation. L'armée n'évalue rien d'autre que l'incapacité de satisfaire à l'universalité des normes de service.
Il faut faire tout le reste : évaluer l'avenir et déterminer si la personne a une incapacité totale et permanente et ne pourra jamais gagner de revenu. C'est ensuite que des prestations lui seront versées.
Le sénateur Lang : Je veux donner suite aux questions que la sénatrice Wallin a posées sur ce que notre comité pourrait recommander au sujet des mesures que vous avez proposées et de la manière dont on les mettrait en œuvre. Il me semble que ce sont des questions pertinentes.
Je poserai deux questions. Dans votre exposé, vous avez indiqué que plus de 10 000 membres sont libérés des Forces régulières et de la Réserve chaque année; vous avez ensuite fait référence à 1 600 libérations pour raisons médicales. Ces dernières constitueront manifestement une catégorie distincte et devraient être traitées de manière à ce qu'on puisse contester une décision.
D'après ce que je comprends, les membres des Forces de la réserve servent essentiellement au sein de l'armée pendant un certain temps, mais mènent aussi une vie civile active dans bien des cas, si ce n'est dans la plupart des cas. Ils ont une vie civile alors qu'ils font peut-être partie des forces armées.
Quand vous parlez de 10 000 libérations, je veux comprendre les chiffres dont il est question ici. Nous parlons de personnes qui sont entrées dans l'armée à 19 ans, qui ont 45 ou 50 ans et qui s'apprêtent à effectuer la transition. Y en a-t-il 5 000, 2 500 ou 10 000? Donnez-moi juste des chiffres approximatifs. Le pourcentage est-il de 20 ou de 50 p. 100? Mon évaluation est-elle juste?
M. Parent : Oui, bien entendu. Il y a trois types de personnes, en fait. Il y a les personnes en santé qui sont libérées à la fin de leur carrière, lesquelles représentent environ 50 p. 100 des gens. Par exemple, des 700 000 anciens combattants du Canada, quelque 200 000 sont clients d'Anciens Combattants Canada. Voilà qui montre la proportion entre les retraités et les personnes qui reçoivent des prestations d'Anciens Combattants Canada. Avec les réservistes et les membres des Forces régulières, c'est difficile.
Le sénateur Lang : C'est une question pertinente parce que vous vous occupez de la question de la transition. D'après ce que je comprends, les réservistes ont déjà effectué la transition en tout ou en partie et mènent une vie civile. Lorsque vient le temps de retourner à la vie civile et de la comprendre, ils ne sont pas nécessairement confrontés aux mêmes problèmes que les personnes qui ont travaillé toute leur vie au sein des forces armées.
M. Parent : Tout dépend de l'occupation des réservistes dans la vie civile. Comme le sénateur Maltais l'a fait remarquer, un pourcentage élevé d'entre eux sont aux études et ne sont pas encore des civils adultes. Ils connaissent probablement mieux la culture et le travail militaires que la vie civile. C'est un des facteurs qui rendent la situation très difficile.
Quand un réserviste est libéré pour des raisons médicales, un problème se pose s'il n'est pas étudiant, si son emploi dans le monde civil s'accompagnait d'une rémunération supérieure à son salaire de réserviste et s'il est blessé dans le cadre de son service militaire, car il ne sera indemnisé que pour son salaire de réserviste et non pour sa rémunération d'employé civil.
Le sénateur Lang : Voilà pourquoi je pense que l'aide médicale doit faire l'objet d'une catégorie distincte, que la personne concernée soit réserviste ou membre des Forces régulières.
Tout ce que je tente de connaître, ce sont les chiffres réels. J'essaie de me rappeler la terminologie employée au cours des témoignages précédents; on nous a indiqué qu'environ 25 p. 100 des personnes libérées chaque année faisaient appel aux services d'Anciens Combattants et du MDN.
Autrement dit, des 10 000 personnes évoquées plus tôt, peut-être 2 500 s'adressent aux ministères. De ce nombre, probablement 1 600 réclament une aide médicale, car elles ont vraiment besoin de soins directs, à mon avis.
M. Parent : Nous pouvons certainement vous transmettre des chiffres ou des statistiques si cela peut vous être utile.
Le sénateur Lang : Ces données vous seraient utiles également pour que nous sachions quels sont les chiffres exacts. Nous nous intéressons à tous les cas. Si nous voulons faire ce qu'il faut, il faudra réaffecter des gens ou créer de nouveaux postes. C'est une question de bureaucratie. Il est trop facile de s'entendre ici et de créer ensuite une machine bureaucratique de 50 millions de dollars. Est-ce vraiment ce que l'on souhaite au bout du compte? Mieux vaut savoir où l'on s'en va. Voilà ce que je veux dire.
Ma question fait suite, ici encore, à celles que la sénatrice Wallin a posées sur la recommandation relative au facilitateur. Il me semble que le moment le plus important pour intervenir se situerait au cours des six derniers mois du service militaire dans les Forces régulières. Le membre sait alors qu'il va quitter l'armée. Vous avez fait référence à un programme dans le cadre duquel les membres pourraient travailler à l'extérieur de l'armée si ce service leur était offert. Ce serait le moment crucial pour obtenir le taux de réussite optimal afin d'aider les gens à effectuer la transition. Conviendriez-vous que le comité devrait recommander que le facilitateur intervienne à ce moment-là? Cela ne signifie pas qu'il n'aurait pas à intervenir ultérieurement.
M. Parent : Je conviendrais certainement qu'il devrait intervenir dès que le membre sait qu'il sera libéré pour des raisons médicales. Quelqu'un devrait être nommé pour agir à titre de conseiller, de compagnon, de facilitateur ou de « concierge », peu importe le nom qu'on lui attribue. La libération pourrait avoir lieu deux ans plus tard.
Le sénateur Lang : Pardonnez-moi de vous interrompre. Je comprends ce qu'est la libération pour des raisons médicales et je ne pense pas que nous puissions en faire assez pour les personnes concernées, mais je m'intéresse aux membres qui quittent les Forces régulières.
M. Parent : Cela concerne toutes les libérations.
Le sénateur Lang : Ces personnes constituent la plus grande partie de ceux qui effectuent la transition. Le facilitateur devrait-il principalement intervenir au cours des six premiers mois au ministère de la Défense nationale? D'après vos explications, ces personnes sont laissées à elles-mêmes, et c'est un des problèmes qui se posent. Quand elles doivent faire appel à Anciens Combattants Canada et au ministère de la Défense nationale, elles ne savent pas à qui s'adresser. Je tente de faire preuve d'esprit pratique ici.
M. Parent : Comme je l'ai indiqué dans mon exposé, s'il existait des centres de transition où travailleraient des conseillers ou des facilitateurs, il suffirait d'assurer le lien entre le programme et le Service de préparation à une seconde carrière ou quelque chose comme cela. Six mois avant la libération, les gens se rendraient au centre de libération pour rencontrer un conseiller ou un facilitateur qui les aideraient au cours du processus. Idéalement, ils le feraient au moins un an avant leur libération.
Le sénateur Lang : Ces facilitateurs seraient-ils à l'emploi du ministère de la Défense nationale? De qui relèveraient- ils?
M. Parent : À ce sujet, nous avons réclamé l'établissement d'une autorité centrale. Peu importe de qui il s'agirait, le titulaire de ce poste assurerait la gouvernance du processus.
Qu'elle travaille au sein d'Anciens Combattants ou de la Défense nationale, cette personne devrait avoir effectué la transition avec succès et préférablement être un ancien militaire afin d'aider les gens tout au long du processus. Il est difficile de dire où et quand elle devrait intervenir, mais ce serait assurément avant la libération.
À l'heure actuelle, je dirais que les personnes devraient être jumelées au moins un an avant la libération avec quelqu'un qui connaît le processus afin de recevoir de l'aide à ce sujet.
Mme Squire : Je ne pense pas qu'il faille nécessairement offrir un processus uniformisé parce que tout le monde a des besoins différents. Cela s'apparente au processus de recrutement, au début duquel on se voit offrir du soutien. Pendant son exposé, Guy a fait valoir qu'il faudrait faire la même chose au cours de la transition, quand les gens quittent l'armée. Le même soutien serait offert si les gens choisissent de s'en prévaloir. On informerait les personnes à propos de ce soutien et on les encouragerait à y recourir, qu'elles soient libérées pour des raisons médicales ou qu'elles quittent simplement l'armée.
Le sénateur Lang : Je ne veux pas insister indûment sur ce point, mais j'essaie de déterminer pour qui ces conseillers travailleraient. Je ne suis pas en désaccord avec vous, madame Squire, en ce qui concerne ce que vous avez dit sur ce que nous cherchons à accomplir en offrant divers programmes pour permettre aux gens de réussir leur transition.
D'un point de vue pratique, je m'intéresse à la manière dont nous allons procéder dans le cadre des activités quotidiennes que nous envisageons et aux tâches que nous allons retirer à Anciens Combattants et au MDN afin d'éviter les doublons. Voilà ce sur quoi portent mes questions. J'essaie de comprendre comment le processus fonctionne.
Mme Squire : Je pense que le point de service unique doit comprendre les deux situations. Le poste peut être occupé par un nouveau genre de personne, qui ne travaille peut-être pas actuellement à Anciens Combattants ou au MDN, car elle doit comprendre les deux mondes et pouvoir s'y retrouver afin de diriger les personnes ailleurs.
Pour l'instant, je crois qu'il serait plus logique de déterminer la forme que cela devrait prendre, et ensuite, nous pourrons décider quel ministère serait le mieux à même de s'en occuper.
La présidente : J'ai une question à vous poser. Comme je vous l'ai dit, nous avons reçu la semaine dernière M. Walbourne, l'ombudsman de la Défense nationale. Parfois, lorsqu'un militaire quitte les Forces armées canadiennes, les formalités administratives ne sont pas toutes réglées, ce qui peut occasionner un retard dans le versement de sa pension. C'est l'un des problèmes liés à la transition dont on nous parle constamment.
À mon sens, c'est tout à fait inacceptable. Qui peut se passer d'un chèque de paye de nos jours? Je ne comprends pas qu'une personne qui a toujours été payée régulièrement et qui a droit à une pension ne la reçoive pas. Aidez-moi à comprendre ce qui ne fonctionne pas dans le système.
M. Parent : Il est difficile pour moi de vous l'expliquer parce que cela ne relève pas de ma compétence, car il s'agit d'un problème qui concerne la pension de retraite. J'ai entendu dire que la situation s'améliore. J'ai servi dans les forces armées pendant 37 ans et j'ai eu un salaire régulier pendant toutes ces années, alors je n'arrive pas à comprendre qu'on ne soit pas parvenu à déterminer le montant de ma pension que je devais commencer à recevoir deux semaines après mon départ, un montant qui correspond à 70 p. 100 de mon salaire.
La présidente : Tout à fait.
M. Parent : Il existe toutes sortes de programmes gouvernementaux visant à faire en sorte que les gens soient à tout le moins payés en attendant qu'on procède au calcul exact. Au moins, ils reçoivent de l'argent pendant cette période.
Je suis tout à fait d'accord. En fait, les deux ministères ont recommandé que personne ne soit libéré des forces armées tant que toutes les prestations n'ont pas été établies. Aux Pays-Bas, aucun militaire n'est libéré tant qu'il n'a pas trouvé un emploi. Nous avons encore beaucoup de chemin à faire. Il est vrai que toutes les prestations devraient être établies parce que la stabilité financière est très importante, particulièrement lorsqu'une personne doit participer à un programme de réadaptation professionnelle.
La présidente : Ma prochaine question est peut-être inspirée un peu par la gauche. Nous avons au Sénat un comité sur la diversité. Ce comité se penche actuellement sur des façons d'encourager les anciens combattants à venir travailler au Sénat. Nous avons quelques anciens combattants qui travaillent pour nous, car nous voulons des effectifs diversifiés.
Avez-vous réfléchi à la façon dont le gouvernement fédéral peut faire connaître cette possibilité aux anciens combattants? Les anciens combattants savent qu'ils peuvent obtenir un emploi au sein de la fonction publique fédérale, mais quels efforts déploie-t-on pour encourager les anciens combattants, particulièrement les plus jeunes, à tirer profit des possibilités qui existent au sein du gouvernement?
M. Parent : Comme vous le savez, il existe une priorité d'embauche dans la fonction publique, mais malheureusement, les anciens combattants ne sont pas nombreux à s'en prévaloir. Je le répète, je ne suis pas certain si c'est en raison de la transition ou de la culture qui est tout à fait différente de celle des forces armées.
Un grand nombre de militaires qui quittent les forces armées vont travailler dans le domaine de la sécurité. Mon fils a joint les rangs du service de police de la région métropolitaine d'Halifax. Chacun a sa propre perspective.
La publicité et la communication à propos des organismes qui offrent des emplois à des anciens combattants font défaut. Lorsque nous avons effectué notre étude sur la transition, nous avons constaté que 30 organismes différents offraient des emplois à d'anciens militaires par l'entremise d'Anciens Combattants Canada, mais ce n'est pas bien organisé.
Il y a le programme Du régiment aux bâtiments, pour les emplois dans le secteur de la construction. Il y a également Treble Victor, qui aide les anciens combattants à trouver des postes de direction, mais il reste qu'il n'y a pas une entité commune à laquelle s'adresser. Il n'existe pas de point de contact unique où on peut se renseigner au sujet de ce qui est offert. Ce service de conciergerie serait très utile pour informer les anciens combattants des emplois qui s'offrent à eux. C'est ce qui manque en ce moment.
La présidente : Je n'ai jamais fait partie des forces armées, alors j'ai peut-être tort, mais je crois, pour pousser plus loin votre idée, que lorsqu'on fait partie des forces armées, on sait à qui s'adresser et ce qu'il faut faire. Lorsqu'on a besoin de quelque chose, on sait à qui s'adresser. Tout est très bien établi; on sait à qui s'adresser et ce qu'il faut faire.
Lorsqu'un militaire quitte les forces armées, il est laissé à lui-même. Avez-vous envisagé de recommander la création d'un guichet unique pour tous les aspects? Qu'il s'agisse d'obtenir un emploi, un médecin ou des prestations, les militaires pourraient simplement communiquer avec ce guichet unique ou utiliser un portail en ligne pour obtenir tout ce dont ils ont besoin, comme c'est le cas dans les forces armées, si je ne m'abuse.
Lorsque les militaires quittent les forces armées, ils sont laissés à eux-mêmes. Ce n'est pas un problème lorsqu'on a toujours eu l'habitude de se débrouiller seul, mais on s'attend à ce que les forces armées fassent les choses différemment, et pourtant, elles les abandonnent. C'est l'impression que nous avons.
M. Parent : C'est pour cette raison que j'ai recommandé, comme je l'ai dit dans mon exposé, la création d'un guichet unique au sein du gouvernement, où on s'occupe de tout et où les anciens combattants peuvent obtenir des conseils auprès de militaires qui ont bien réussi leur transition.
La présidente : Monsieur Parent, vous avez dit beaucoup de choses et j'ai pris des notes. Vous avez parlé à quelques reprises de la gouvernance. Je suis intriguée par vos propos. Pouvez-vous expliquer davantage ce que vous voulez dire? Quelles recommandations formuleriez-vous à propos de la gouvernance?
M. Parent : L'étude sur la transition a révélé que les services offerts par les deux ministères ne sont pas aussi intégrés qu'ils devraient l'être. On parle de services de soutien intégrés, mais ce n'est pas du tout le cas. Ils sont séparés.
Les forces armées prennent certaines décisions, puis, ensuite, les autres décisions appartiennent à Anciens Combattants Canada. Parfois, les décisions prises par Anciens Combattants Canada ont une incidence sur les militaires qui sont encore en service actif. Nous devons remédier à cette situation en créant une seule autorité décisionnelle au sein de l'un ou l'autre des ministères. Le ministère importe peu, car il pourrait même s'agir d'une équipe intégrée qui a le pouvoir de déterminer entre autres à quel moment les militaires qui quittent les forces armées commencent à traiter avec Anciens Combattants Canada. Cela n'existe pas en ce moment.
Nous devons mettre sur pied un guichet unique sous l'égide d'une seule entité qui peut prendre des décisions pour les forces armées et pour Anciens Combattants Canada.
La présidente : Monsieur Parent et madame Squire, comme toujours, vous nous avez aidés dans notre travail. Si vous voulez ajouter quoi que ce soit, n'hésitez pas à transmettre vos observations au greffier et nous les distribuerons aux membres. Nous avons amorcé de nombreuses discussions, et, comme vous le savez, nous étudions ce sujet attentivement. Notre comité vous remercie de votre contribution et de votre présence aujourd'hui.
M. Parent : Je vous remercie beaucoup.
Mme Squire : Merci.
(La séance est levée.)