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Sous-comité des anciens combattants

 

Délibérations du Sous-comité des
Anciens combattants

Fascicule no 11 - Témoignages du 21 mars 2018


OTTAWA, le mercredi 21 mars 2018

Le Sous-comité des anciens combattants se réunit aujourd’hui, à 12 h 2, en séance publique, afin de poursuivre son étude sur les services et les prestations dispensés aux membres des Forces canadiennes; aux anciens combattants; aux membres et anciens membres de la Gendarmerie royale du Canada et leurs familles, puis à huis clos, afin de poursuivre son étude sur les questions relatives à la création d’un système professionnel, cohérent et défini pour les anciens combattants qui quittent les Forces armées canadiennes.

Le sénateur Jean-Guy Dagenais (président) occupe le fauteuil.

[Français]

Le président : Bonjour à tous.

Nous allons aujourd’hui étudier la question des services et des prestations dispensés aux membres des Forces canadiennes, aux anciens combattants, aux membres et anciens membres de la Gendarmerie royale du Canada et à leurs familles.

Comparaît aujourd’hui l’honorable Seamus O’Regan, député, ministre des Anciens Combattants et ministre associé de la Défense nationale. Bienvenue à notre comité, monsieur le ministre O’Regan.

Nous accueillons également un témoin assidu, le général (à la retraite) W. J. Natynczyk, sous-ministre du ministère des Anciens Combattants. Bienvenue, monsieur le sous-ministre.

Monsieur le ministre, je crois que vous avez une présentation à nous faire, mais auparavant, je vais demander aux sénateurs de bien vouloir se présenter, en commençant à ma droite avec la sénatrice Boniface.

[Traduction]

La sénatrice Boniface : Sénatrice Gwen Boniface, de l’Ontario.

La sénatrice Wallin : Sénatrice Pamela Wallin, de la Saskatchewan.

Le sénateur McIntyre : Sénateur Paul McIntyre, du Nouveau-Brunswick.

Le sénateur Richards : Sénateur Dave Richards, du Nouveau-Brunswick.

[Français]

Le président : Je suis le sénateur Jean-Guy Dagenais, du Québec, et j’agis à titre de président de ce comité.

Nous vous écoutons, monsieur le ministre.

[Traduction]

L’honorable Seamus O’Regan, C.P., député, ministre des Anciens Combattants et ministre associé de la Défense nationale : Bonjour, monsieur le président, et bonjour, mesdames et messieurs.

Je suis très heureux de vous rencontrer pour la première fois à titre de ministre des Anciens Combattants. C’est surtout un immense plaisir d’être entouré de gens qui, comme moi, ont à cœur d’offrir des prestations et des services de la meilleure qualité possible à nos anciens combattants.

[Français]

Nous partageons le même égard pour le courage et les sacrifices des hommes et des femmes des Forces armées canadiennes.

[Traduction]

Je sais que vous et moi accordons la même importance à la reconnaissance de la contribution des anciens combattants à notre paix et à notre sécurité. Je sais aussi que nous sommes tout aussi déterminés à assurer leur bien-être et celui de leur famille et, croyez-moi, cette détermination transparaît partout au sein d’Anciens Combattants Canada.

[Français]

Je suis fier de ce que le ministère a accompli au cours des deux dernières années. Nous avons fait de vraies différences dans la vie des anciens combattants. Je demeure optimiste face à ce qui nous attend dans les semaines et les mois à venir, mais tout d’abord, jetons un regard rétrospectif.

[Traduction]

Voilà deux ans, nous avons investi près de 6 milliards de dollars pour rouvrir neuf bureaux de services d’Anciens Combattants Canada qui étaient tombés sous le couperet du gouvernement conservateur précédent, et pour en ouvrir un nouveau à Surrey, en Colombie-Britannique. Nous avons par ailleurs augmenté l’indemnisation des vétérans ayant une déficience liée au service, qui peut désormais atteindre 360 000 $, et nous avons fait passer l’allocation pour perte de revenus de 75 à 90 p. 100 de la solde au moment de la libération. Parallèlement, nous avons engagé plus de 400 employés pour mieux soutenir les vétérans. Mais ce n’était qu’un début.

Le budget suivant, celui de 2017, annonçait un recentrage des priorités sur le bien-être global des vétérans, parce que nous savons bien que l’argent n’est qu’une partie de la solution. Nous devons assurer aux anciens combattants et à leur famille la sécurité financière à long terme dont ils ont besoin et qu’ils méritent. Pour cela, il faut offrir aux vétérans et aux militaires libérés des mesures de soutien en matière de santé et de bien-être qui les aideront à recouvrer et à renforcer la motivation requise pour trouver un travail valorisant et réussir leur transition vers une carrière hors des forces. En particulier, nous devons investir dans l’éducation et la formation.

[Français]

Le 1er avril, notre programme remanié des Services de transition de carrière sera lancé. Des formateurs en matière de carrière qui comprennent la culture militaire offriront de la formation en recherche d’emploi et de l’information sur l’éducation, la formation et le marché du travail aux membres et aux anciens combattants des Forces armées canadiennes, ainsi qu’à leur conjoint ou conjointe.

[Traduction]

Ces services s’ajoutent à l’allocation pour études et formation qui sera versée aux vétérans souhaitant obtenir une nouvelle formation après le service. Les vétérans qui comptent plus de six années de service pourront toucher jusqu’à 40 000 $ pour une formation collégiale, universitaire ou technique, et ceux qui comptent plus de 12 années de service auront droit à un montant maximal de 80 000 $.

Le ministère des Anciens Combattants continuera de déployer toute l’énergie voulue pour assurer le bien-être des vétérans et de leur famille. Et parce qu’ils contribuent de manière déterminante à ce bien-être, nous avons instauré une allocation non imposable de reconnaissance des aidants naturels de 1 000 $ par mois.

Le bien-être est également lié à la santé mentale. Si le passage des Forces armées canadiennes à la vie civile se déroule plutôt bien pour la plupart des militaires, certains ont plus de difficulté, et les troubles de santé mentale peuvent être en cause. Sur les quelque 1 500 membres libérés chaque année en raison d’une maladie ou d’une blessure, près de 20 p. 100 sont aux prises avec un trouble de santé mentale.

Devant cette réalité, Anciens Combattants Canada, le ministère de la Défense nationale et les Forces armées canadiennes ont uni leurs efforts pour mettre au point une nouvelle stratégie conjointe de prévention du suicide. La stratégie a permis de cerner plus de 160 initiatives axées sur la réduction des risques, le renforcement de la résilience et, dans la mesure du possible, la prévention du suicide chez nos militaires, hommes et femmes.

La nouvelle stratégie met à profit de nombreux services et programmes déjà en place, y compris notre réseau national de quelque 4 000 professionnels de la santé mentale. De plus, parce qu’il est primordial de continuer d’apprendre, d’innover et de partager les pratiques exemplaires, nous avons créé un centre d’excellence sur le stress post-traumatique et autres troubles de santé mentale.

Après son entrée en activité, prévue pour bientôt, le centre d’excellence diffusera de l’information et des résultats de recherche aux professionnels de la santé qui œuvrent en première ligne afin de les aider à offrir des soins plus complets et plus uniformes aux militaires canadiens en service ou déjà libérés.

Deux autres programmes mis en œuvre le 1er avril ont été créés en vue d’assurer la sécurité financière à long terme des vétérans et de leur famille, soit le Fonds pour le bien-être des vétérans et de leur famille et le Fonds d’urgence pour les vétérans.

[Français]

L’élément le plus important pour aborder la sécurité financière est le programme Pension pour la vie, que j’ai annoncé en décembre. Nous remplissons la promesse que nous avons faite en 2015 et nous pourrons ainsi faire une énorme différence dans la vie des anciens combattants et de leur famille.

[Traduction]

Le programme Pension pour la vie regroupe différentes prestations axées sur la reconnaissance, le soutien du revenu et la stabilité des militaires et des vétérans aux prises avec une maladie ou une blessure liée au service.

L’une des trois nouvelles prestations financières sera l’indemnité pour souffrance et douleur. Cette prestation mensuelle non imposable et payable à vie est une mesure de compensation pour la douleur et la souffrance attribuables à une invalidité consécutive à une maladie ou à une blessure liée au service.

Une indemnité supplémentaire pour souffrance et douleur est prévue pour les vétérans ayant une déficience grave et permanente liée au service qui compromet leur réinsertion dans la vie civile. Cette prestation leur procurera une indemnisation additionnelle non imposable.

La troisième mesure sera la prestation de remplacement du revenu, versée mensuellement aux vétérans qui, à cause de problèmes de santé attribuables essentiellement à leur service militaire, peuvent difficilement réintégrer la vie civile. La prestation maximale s’établira à 90 p. 100 de la solde au moment de la libération, indexée au coût de la vie. En 2019, le minimum garanti atteindra 48 600 $ par année.

[Français]

Les anciens combattants qui recevront cette prestation pourront aussi gagner jusqu’à 20 000 $ de plus par année en revenus d’emploi avant que ne soient apportées des réductions à cette prestation. Nous avons l’intention de présenter ce projet de loi afin que l’option de pension pour la vie soit en place le 1er avril 2019.

[Traduction]

Le budget de 2018 prévoit deux autres mesures pour améliorer le soutien procuré à nos vétérans.

Premièrement, en reconnaissance du rôle des chiens d’assistance psychiatrique dans le soulagement du trouble de stress post-traumatique et autres troubles pouvant affecter les vétérans, le budget de 2018 établit l’admissibilité des coûts au crédit d’impôt pour frais médicaux.

[Français]

Deuxièmement, nous proposons de consacrer 24,4 millions de dollars sur cinq ans pour la réparation des tombes et des pierres tombales des Canadiens qui ont été érigées par le gouvernement du Canada. Cela répondra à l’arriéré de 45 000 tombes qui ont besoin de réparations.

[Traduction]

De plus, nous investirons 42,8 millions de dollars sur deux ans pour améliorer la capacité d’Anciens Combattants Canada en matière de prestation de services aux vétérans et à leur famille.

Les mesures en vigueur, celles qui prendront effet le mois prochain et celles qui viennent d’être annoncées dans le budget de 2018, comme la nouvelle pension à vie, contribueront directement au bien-être des vétérans et de leur famille. Ils recevront une aide financière, ils auront accès à des services de santé physique et mentale, et ils seront accompagnés durant leur passage vers une nouvelle vie après le service.

Nous investissons dans l’avenir des hommes et des femmes qui ont servi et qui servent encore dans les Forces armées canadiennes. Nous mettons tout en œuvre pour que tous bénéficient du traitement attentionné dont ils ont besoin, de la compassion qu’ils méritent et du respect qui leur est dû.

[Français]

J’ai hâte de travailler avec vous tous au cours des mois à venir dans notre mission pour améliorer la vie des anciens combattants et de leur famille. Merci beaucoup.

Le président : Merci beaucoup, monsieur le ministre, pour votre présentation.

Monsieur le général Natynczyk, avez-vous quelque chose à ajouter? Très bien. Nous allons entamer la période des questions.

[Traduction]

La sénatrice Wallin : Les observations et les déclarations que j’ai entendues aujourd’hui sont comme de la musique à mes oreilles.

Parce qu’il est un habitué parmi nos invités, j’aimerais revenir sur des propos tenus en février dernier par M. Gary Walbourne, que vous connaissez tous. J’ai bien entendu vos annonces, mais il semble qu’il y ait encore loin de la coupe aux lèvres. Voici ce que M. Walbourne nous a dit :

Dans l’armée canadienne, le processus de transition représente une pierre d’achoppement particulièrement tenace. Ce qu’on appelle souvent une transition à la vie civile devrait, en principe, se dérouler dans l’harmonie et le respect pour tous les militaires démobilisés en raison d’une maladie ou d’une blessure.

Dans la réalité toutefois, l’harmonie et le respect sont rarement au rendez-vous.

M. Walbourne s’est toujours insurgé contre le fait qu’à l’issue du processus de sortie de l’armée, les membres retournent à la case départ et doivent à nouveau convaincre les médecins de leurs problèmes de santé et recommencer à remplir des formulaires.

Avez-vous véritablement résolu ce problème?

M. O’Regan : Non. Nous avons fait quelques pas qui, je l’espère, pointent dans la bonne direction.

L’an passé, j’ai rendu visite à mon frère. Il est capitaine de corvette au sein des forces navales, à Esquimalt. Il venait d’entrer en fonction au poste de commandant intérimaire de l’École navale. Inutile de dire que son travail avait beaucoup plus à voir avec les problèmes de ressources humaines qu’avec la navigation, qui est sa véritable passion.

Parce que je suis député, il m’a dit que le gouvernement devrait en faire davantage pour offrir une formation aux soldats, aux aviateurs et aux marins qui servent dans nos forces et qui deviennent des vétérans.

Deux jours avant mon assermentation, quand le premier ministre m’a appelé à son bureau pour m’annoncer que je serais le prochain ministre des Anciens Combattants, il m’a dit que ma première mission serait d’entreprendre le travail de colmatage des brèches et de concertation.

Ce sont les ordres que j’ai reçus. Ils sont inscrits dans ma lettre de mandat, mais je trouve important de souligner que c’est ce qu’il avait en tête.

Il m’a expliqué en détail comment il entrevoyait ce travail, et que les vétérans doivent être au centre de toutes nos actions. Cela signifie qu’ils ne doivent pas sentir ou s’apercevoir qu’ils passent d’une structure bureaucratique à l’autre. Qu’il s’agisse des renseignements recueillis sur eux, des médecins rencontrés ou des traitements médicaux reçus, nous devons faire en sorte que la transition soit aussi harmonieuse que possible pour tous les vétérans.

J’ai oublié de mentionner que le premier ministre, très au fait des difficultés et de l’angoisse que j’avais moi-même vécues durant ma transition entre mon ancienne vie et la nouvelle, a insisté sur le fait que j’étais probablement bien placé pour aider les vétérans, ou du moins être empathique à leur situation. Et croyez-moi, je le suis. Je vous dis tout cela pour vous mettre un peu en contexte.

J’ai ensuite été assermenté, et M. Natynczyk m’a littéralement engouffré à l’arrière d’une voiture et m’a inondé d’information pour me préparer à colmater les brèches.

Jusqu’à Noël, nous avons mis notre dévolu sur le programme Pension pour la vie, pour remplir l’engagement que nous avions pris dans le budget comme quoi il serait prêt pour cette date.

La pension à vie est une mesure essentielle, et nous devons aussi nous occuper de l’arriéré. Le troisième volet concerne la concertation, tout aussi essentiel à mes yeux.

J’ai collaboré assidûment avec le ministre de la Défense nationale. Actuellement, nous nous rencontrons une fois par semaine environ. Nos collaborateurs et le personnel de nos cabinets se rencontrent régulièrement pour insuffler un élan aux travaux et faire bouger les dossiers.

Nous sommes aussi en lien avec mes collègues, Carla Qualtrough et Scott Brison. Il est très intéressant de comprendre les facteurs qui rendent la vie des vétérans plus difficile. M. Natynczyk et moi sommes beaucoup promenés et nous avons fait la tournée des assemblées publiques. Comme vous l’avez mentionné, les vétérans qui ont une blessure sont découragés d’avoir à remplir des formulaires qu’ils ont déjà remplis et à raconter de nouveau leur histoire à des médecins.

Certaines procédures découlent d’une intention très louable, comme la protection des renseignements personnels. Il faut faire attention de ne pas transférer des dossiers médicaux sans prendre de précaution. Nous sommes tous d’accord, mais dans ce cas-ci, les précautions sont devenues des obstructions. Le pire est qu’elles ajoutent à l’angoisse des vétérans. C’est pourquoi nous devons nous entendre avec le Conseil du Trésor et Services publics et Approvisionnement Canada. Nous sommes sur la bonne voie. Ils font montre de beaucoup d’ouverture.

Nous faisons une analogie avec Facebook ou Google, même si je sais que ces modèles ont perdu un peu de plumes ces derniers temps. Le rêve serait d’en arriver à demander un simple clic dans la case « Oui » pour que le tour soit joué!

De toute évidence, notre analogie en a pris pour son rhume après les récents événements, mais il serait possible de démarrer le processus plus rapidement. En fait, le modèle que j’aimerais instaurer et que nous examinons actuellement consisterait à mettre le processus en branle sitôt après l’entrée dans les Forces armées canadiennes. À la libération, l’information serait facilement accessible à Anciens Combattants Canada.

Plus le processus débutera tôt, plus la transition sera transparente pour les vétérans.

La sénatrice Wallin : Pouvez-vous nous donner un échéancier maintenant?

M. O’Regan : Non, aucun échéancier n’a été fixé, mais nous tenons à ce que ce soit le plus vite possible. Il faudra recourir au processus législatif pour certains aspects, ce qui prendra du temps, bien évidemment. Tout ce que je peux dire, c’est que je suis impatient.

Général (à la retraite) W. J. Natynczyk, sous-ministre, Anciens Combattants Canada : C’est une excellente question, qui soulève un point très important. Parmi les vétérans qui s’adressent à Anciens Combattants, le quart environ est encore en service. Certains ne veulent pas que cela se sache. Ils préfèrent attendre après leur libération avant de s’adresser à Anciens Combattants.

M. O’Regan : Si vous me le permettez, je dois dire que je les comprends très bien.

La sénatrice Wallin : On n’annonce pas à son employeur qu’on a l’intention de partir.

M. O’Regan : Je ne ferai pas de détour. Pam me connaissait déjà dans mon ancienne vie. Je n’aurais pas annoncé à Bev, Jeff et Marci, de l’émission Canada AM que je pensais partir. C’est extrêmement difficile et c’est un sentiment très partagé. Après 25 années de service militaire, on ne parle pas à ses frères et sœurs d’armes même de la plus vague envie de partir. C’est ressenti presque comme une trahison. C’est ce qu’on nous a dit, et je tenais à le rapporter.

Gén Natynczyk : C’est tout à fait juste. Une partie du problème, nous le savons par nos recherches, vient de l’inexistence d’un plan réalisable, qui contribue beaucoup au succès de la transition. Je le répète, dans la culture militaire, chacun espère pouvoir participer au prochain cours, à la prochaine affectation ou au prochain déploiement. Il est donc très difficile pour un militaire de dire aux autres qu’il cherche un emploi à l’extérieur, et c’est pourquoi il attendra d’être très avancé dans le processus avant de penser à établir un plan.

Pour en revenir à votre question et à ce que le ministre a dit, nous travaillons en étroite collaboration avec le ministère de la Défense nationale, les Forces armées canadiennes, le chef d’état-major de la Défense et le médecin général sur la facilitation du transfert des dossiers médicaux et d’autres aspects.

L’une des difficultés tient au fait que beaucoup de marins, de soldats et d’aviateurs ne consultent pas le médecin ou le personnel médical quand ils ont des problèmes, moi le premier. Ils se pointent à l’entraînement physique matinal, prennent quelque chose et continuent comme si de rien n’était.

Il s’ensuit que dans certains cas, il n’existe pas de documents médicaux concluants relativement à une blessure ou à un diagnostic. Ce n’est pas toujours le cas, mais cela arrive. Il est impératif que le diagnostic soit posé avant la libération d’un membre des Forces armées canadiennes.

Je tiens une fois de plus à souligner les efforts des Forces armées canadiennes et du chef d’état-major de la Défense pour que la transition se fasse de la manière la plus professionnelle possible, et que tout le travail administratif soit terminé avant la libération. Ils ont fait un travail remarquable, vraiment.

Ainsi, le taux de réussite est meilleur à l’issue de la transition vers la responsabilité du ministre. Les recherches que nous menons tous les deux ou trois ans ont montré que, de manière générale, la transition des vétérans est réussie dans les deux tiers des cas. Ils trouvent un nouveau but et obtiennent le soutien voulu, pour eux et leur famille.

Quelles sont les conditions du succès? Le tiers environ des vétérans ont moins de chance, et leur échec fait aussi l’objet d’énormément de recherches. C’est ce que nous appelons l’Étude sur la vie après le service militaire, à laquelle vous avez certainement accès.

Une bonne partie du travail évoqué par le ministre en matière de bien-être se concentre sur ce groupe vulnérable, composé de militaires de grade inférieur ou dont les compétences sont moins facilement transférables, par exemple ceux des unités de combat. Comment pouvons-nous les aider à établir un plan, à obtenir la formation et l’éducation dont ils ont besoin, ainsi que l’assistance à la transition de carrière qui assurera leur réinsertion dans la société?

M. O’Regan : J’aimerais ajouter deux points essentiels. M. Natynczyk a parlé du fait que pour deux tiers des militaires, la transition se passe bien. Il faut le souligner non seulement parce qu’il est important de rappeler ce qui va bien, mais surtout parce qu’il faut convaincre ceux qui envisagent une transition que l’expérience ne sera pas forcément désastreuse.

Pour les deux tiers des personnes, tout se passe bien. Malgré toute l’aide offerte, un tiers des vétérans ont des problèmes. C’est quand même beaucoup. Mais je ne veux pas être défaitiste. Je trouve très important de passer le message que les deux tiers s’en sortent bien.

J’aimerais souligner un deuxième point crucial pour vous convaincre que nous faisons vraiment tout pour que les choses progressent. Le chef de l’état-major de la Défense a dépêché l’amiral John Newton à chacune de nos assemblées publiques et à toutes nos activités à travers le pays afin qu’il entende les vétérans en première main. Qu’il s’agisse de la pension à vie ou d’autres sujets, nos assemblées sont très ouvertes. Beaucoup de participants ont parlé de la transition et des difficultés qui y sont associées. La présence de l’amiral aux premières loges a été fort utile. Il a pu répondre aux questions et il a pris des notes pour faire un compte rendu détaillé au chef d’état-major.

[Français]

Le président : Monsieur le général, quand on est militaire ou qu’on fait partie d’un corps policier... Ma collègue, la sénatrice Boniface, peut en témoigner, vous avez travaillé pendant 25, 30, 35 ans en uniforme. Vous avez des frères d’armes. C’est une confrérie. Ce n’est pas comme si vous quittiez une compagnie. C’est un retour à la vie civile et la transition est assez difficile. Vous quittez un uniforme et une organisation où tout est très organisé et où vous receviez des directives claires, nettes et précises. Puis, vous vous retrouvez à la vie civile. Vous avez besoin d’un coup de pouce de la part de votre employeur, que ce soit l’armée ou même un corps policier, pour effectuer la transition. Vous vous attendez à une certaine forme de reconnaissance de la part de ceux avec qui vous avez travaillé pendant une vingtaine ou une trentaine d’années. C’est la raison pour laquelle il est très important d’assurer une transition en douceur. Cela s’est fait aux deux tiers, mais la transition a été problématique pour le tiers des gens. Il faudrait peut-être examiner la situation de ces gens-là.

Sur ce, je donne la parole au sénateur McIntyre.

[Traduction]

Le sénateur McIntyre : Bienvenue parmi nous. Ma première question concerne les prestations financières versées aux vétérans. Si j’ai bien compris, certains sont déçus que la nouvelle allocation pour études et formation soit seulement offerte aux vétérans qui comptent plus de six années de service. Comme nous le savons, l’allocation couvre les frais de cours et de subsistance pour faciliter une réorientation de carrière.

Pourquoi les vétérans qui comptent moins de six ans de service n’ont-ils pas accès à cette allocation, et quel serait le coût d’un élargissement du programme à tous les vétérans, peu importe la durée de leur service?

Gén Natynczyk : Quand nous avons mis au point l’allocation pour études et formation, nous avons travaillé main dans la main avec les Forces armées canadiennes et nos collègues de l’armée américaine pour dégager des leçons de son expérience et de celle de ses vétérans.

Leurs éclairages nous ont été très précieux. Il s’agit d’une mesure primordiale puisque, depuis la Seconde Guerre mondiale, c’est la première fois que nous offrons une aide aux hommes et aux femmes qui partent en santé et qui prennent leur retraite après avoir rempli leur contrat d’enrôlement de base, c’est-à-dire cinq années de service.

Nous voulions offrir une mesure complémentaire à l’enrôlement initial dans les forces armées, et non une mesure qui encourage l’attrition. Nous consacrons énormément de temps et d’énergie à la formation des membres. Nous ne voulons pas les inciter à quitter prématurément nos rangs.

Cette prestation qui, je le répète, est versée en cas de libération volontaire, de retraite ou de libération pour raison médicale, s’ajoute aux mesures de réadaptation professionnelle en place. Le taux actuel est environ 78 000 $.

Pour tous les vétérans qui quittent les forces aujourd’hui ou qui les ont déjà quittées et qui sont visés par la Nouvelle Charte des anciens combattants, de même que pour ceux qui sont libérés pour raisons médicales, Anciens Combattants Canada peut utiliser jusqu’à 78 000 $ pour leur fournir la formation, l’éducation et les programmes de réinsertion dans la société dont ils ont besoin.

Un vétéran libéré pour raisons médicales peut bénéficier de la prestation de réadaptation professionnelle de 78 000 $ en sus d’un autre montant.

Pour terminer, j’ajouterai que l’objectif est de proposer des mesures qui inciteront les membres à aller au bout de leur contrat d’enrôlement de base et, pourquoi pas, à rester plus longtemps dans l’armée pour tirer profit de toutes les perspectives d’avenir offertes.

M. O’Regan : Si vous me le permettez, j’ajouterai que ces efforts s’inscrivent dans notre volonté de partenariat et de collaboration étroite entre nos ministères. Tout en nous assurant d’offrir les prestations et les services les plus généreux possible, il est très important de ne pas nuire au ministère de la Défense et aux Forces armées canadiennes. Nous avons tendu l’oreille à tout ce qu’ils avaient à nous dire. C’est d’une importance capitale.

Le sénateur McIntyre : Et combien coûterait l’élargissement du programme à l’ensemble des vétérans, sans égard aux années de service? Je ne sais pas si vous pouvez répondre à cette question. Avez-vous cette réponse?

M. O’Regan : Je l’ai déjà dit, nous devons faire attention de ne pas nuire au ministère de la Défense nationale ou aux Forces armées canadiennes. La limite a été fixée de manière réfléchie et après les avoir consultés.

Le sénateur McIntyre : La question suivante portera sur le soutien offert aux conjoints et aux familles.

Les vétérans libérés pour des raisons médicales et leurs familles ont-ils désormais accès à l’ensemble des 32 centres de ressources pour les familles des militaires au pays, comme il était annoncé dans le budget de 2017?

M. O’Regan : Ce sera le cas dès le 1er avril, monsieur le sénateur. Nous avons mené un projet pilote dans sept centres. Nous venons de rendre visite à celui d’Edmonton et nous avons constaté des résultats remarquables. Ces centres facilitent vraiment la transition.

Pour beaucoup de familles, les centres offrent un cadre familier et leur procurent un soutien extraordinaire. La transition est vraiment facilitée si une famille ne cesse pas d’avoir accès aux services d’un centre du jour au lendemain.

Le sénateur McIntyre : Sur la même lancée, l’une des grandes priorités contenues dans votre lettre de mandat est d’éliminer la limite d’un an imposée aux conjoints survivants pour faire une demande aux programmes de réadaptation et d’assistance professionnelle.

L’élimination de cette limite de temps prendra-t-elle, bel et bien, effet le 1er avril prochain?

M. O’Regan : Oui.

Le sénateur McIntyre : Elle sera éliminée.

Le changement sera-t-il rétroactif?

M. O’Regan : Non, il ne sera pas rétroactif.

Le sénateur McIntyre : Il ne s’appliquera pas aux conjoints survivants des vétérans décédés depuis plusieurs années, par exemple?

Gén Natynczyk : Je devrai faire des vérifications avant de répondre.

Le sénateur McIntyre : Vous sera-t-il possible de nous transmettre la réponse par écrit?

M. O’Regan : Bien entendu.

Le sénateur McIntyre : Prévoyez-vous une hausse marquée des demandes?

M. O’Regan : À quoi faites-vous référence?

Le sénateur McIntyre : Aux demandes.

M. O’Regan : Vous parlez des prestations de survivant?

Le sénateur McIntyre : Les prestations de survivant, exactement.

Gén Natynczyk : Je ne sais pas vraiment. Chaque cas est unique. À ce moment-ci, il serait difficile de prévoir combien de personnes déposeront de nouveau une demande.

La sénatrice Boniface : Merci infiniment de témoigner devant nous. L’élimination de la disposition s’appliquant au mariage après 60 ans m’intéresse particulièrement, car j’ai reçu quelques courriels à ce sujet. Il s’agit d’un concept assez dépassé, et je crois qu’il y est fait allusion dans vos deux lettres de mandat, la vôtre et celle de votre prédécesseur.

Pouvez-vous me dire quelles sont les intentions du gouvernement à ce sujet ou à quel stade en est l’examen?

Gén Natynczyk : Nous collaborons très étroitement avec les Forces armées canadiennes. Cette question concerne la pension de retraite des Forces canadiennes, et non la pension d’invalidité des vétérans.

Nous travaillons de très près avec le chef d’état-major de la Défense et le chef du personnel militaire, qui examinent actuellement toutes les avenues possibles, ainsi que le reste du gouvernement pour mettre au point une proposition. Je vous assure que du travail très sérieux se fait dans ce dossier.

M. O’Regan : Vous n’êtes pas la seule à recevoir des courriels.

La sénatrice Boniface : J’en suis convaincue. J’aimerais revenir sur la transition, en faisant écho aux observations du président. Nous savons d’expérience que les soldats et les membres d’autres organismes comme les services de police s’identifient à l’uniforme, et comment se passe la transition.

Concernant l’idée de démarrer le processus plus tôt, je vais donner un exemple tiré du milieu dans lequel je travaillais auparavant. Tout le monde participait à un séminaire sur la retraite dans les cinq années précédant le départ. Les préoccupations générales rejoignaient en tout point ce dont vous avez parlé, c’est-à-dire la perception des autres si une personne participe au séminaire, les répercussions sur ses chances d’avancement et toutes les questions inévitables dans un environnement compétitif.

Une fois la présentation de ces séminaires devenue obligatoire, cela a semblé évacuer l’idée qu’en allant les suivre, vous envoyiez un message quelconque. Ces séminaires sont proposés au cours des cinq dernières années environ, et peu importe les années en cause, et personne n’est tenu d’y assister au cours de ces cinq années.

Est-ce que le fait d’avoir travaillé avec le ministère de la Défense a changé votre manière de voir les choses pour ce qui est de trouver d’autres moyens d’inciter les gens à réfléchir beaucoup plus tôt à ce processus naturel et à la transition?

M. O’Regan : Sincèrement, je pense que nous sommes naturellement enclins à nous montrer encore plus ambitieux au chapitre de l’échéancier. Il devrait démarrer d’entrée de jeu. Ainsi, toute question du genre « Il me semble avoir vu Joe se rendre au bureau des pensions. Je pensais qu’il en avait encore pour une bonne dizaine d’années » n’aurait plus de raison d’être.

Nous souhaitons encourager tout le monde à s’inscrire à Mon dossier ACC, sur notre portail en ligne, qui s’est révélé remarquablement efficace. Nous avons décidé d’investir encore davantage d’efforts dans ce portail parce qu’il s’agit d’un moyen beaucoup plus rapide et simple d’obtenir les prestations auxquelles les clients ont droit. C’est aussi un moyen plus facile de se renseigner sur l’éventail de services offerts.

Aussi, si nous réussissons à les convaincre de s’inscrire à Mon dossier ACC, nous pouvons par le fait même commencer à accumuler le genre de renseignements qui sont recueillis pendant toute la durée de leur service par l’entremise du portail. Nous ne pourrons pas récolter les fruits de ces efforts avant encore un bon bout de temps, mais si nous pouvions amorcer ce processus plus tôt, je dirais que cela contribuerait à éliminer cette sorte de stigmatisation.

Pour revenir à une époque antérieure de ma vie, où j’agissais à titre de porte-parole de Bell Cause pour la cause, je peux vous dire que plus on en parle, et plus on a de chances de vaincre cette stigmatisation. Même les discussions que nous tenons ici même, et les gens qui nous regardent en train d’en parler contribuent à vaincre cette stigmatisation.

J’avancerais que l’une des meilleures choses que l’on puisse faire serait de commencer le plus rapidement possible. Si Dieu le veut, tous les militaires, hommes et femmes, qui entrent dans les forces armées deviendront d’anciens combattants. Nous savons que c’est inévitable. Faisons en sorte que la transition s’effectue le plus rapidement possible.

La sénatrice Boniface : En ce qui concerne vos stratégies en matière de santé mentale, et plus particulièrement, vos commentaires sur la stratégie conjointe de prévention du suicide, êtes-vous déjà en mesure d’évaluer l’incidence de cette stratégie?

M. O’Regan : Je ne pense pas que nous en soyons arrivés là encore.

Gén Natynczyk : Nous sommes en fait en train d’effectuer l’étude de base. Il faut se rappeler qu’au Canada il y a plus de 650 000 anciens combattants, et que seulement 135 000 sont clients d’Anciens Combattants Canada. Nous effectuons une étude de base dans tout le pays afin d’établir l’état de la situation.

Nous avons appris de nos collègues américains, qui font face aux mêmes enjeux, qu’ils ignorent ce qu’il en est pour une bonne partie des anciens combattants, c’est-à-dire ceux qui ne sont pas clients du département des Anciens combattants des États-Unis. Nous arrivons à la même conclusion, c’est pourquoi nous avons entrepris cette étude de base. C’est ce que nous sommes en train de faire maintenant, et après coup, nous serons en mesure d’évaluer l’incidence de cette stratégie conjointe de prévention du suicide, et de planifier pour l’avenir.

La sénatrice Boniface : Je vous remercie.

[Français]

Le président : Pour faire suite à la question de la sénatrice Boniface, je ne sais pas si c’était la même chose à la Police provinciale de l’Ontario, mais le conjoint ou la conjointe assistait également aux séances de formation à la préretraite afin que le couple reçoive la même information.

Sénateur Richards, avez-vous une question?

[Traduction]

Le sénateur Richards : Ma question était la suivante : Est-ce que la stigmatisation rattachée au stress post-traumatique a été atténuée de quelque manière? Est-ce qu’il se présente un plus grand nombre de personnes affichant des symptômes de stress post-traumatique que, disons, il y a 20 ou 30 ans? Est-ce que la stigmatisation rattachée à cette condition a diminué?

Vous pouvez répondre tous les deux, ou l’un ou l’autre d’entre vous.

M. O’Regan : Je vais commencer, et M. Natynczyk poursuivra, c’est ainsi que nous procédons habituellement.

Le nombre a augmenté. C’est une bonne chose, parce que cela signifie que nous pouvons leur venir en aide. De fait, je tiens à vous dire, sénateur, que le TSPT, le trouble de stress post-traumatique, compte tenu de sa nature, compte parmi les principes fondateurs du programme Pension pour la vie.

Je suis fermement convaincu de la puissance d’un travail utile et qui a du sens. Plus tôt nous pourrons remettre les anciens combattants au travail, dans un emploi utile, et plus tôt ils se sentiront mieux, à bien des égards.

Nous devions trouver le moyen d’aider les anciens combattants libérés pour raisons médicales à retourner sur le marché du travail, s’ils étaient en mesure de le faire. Dans le cas contraire, nous souhaitions leur permettre d’améliorer leur état dans la mesure du possible.

Nous avions aussi besoin d’un système assez souple dans l’éventualité où le TSPT ne se déclarait pas avant 5 ou 10 ans. Nous sommes encore à l’étape de l’apprentissage sur cette question, mais s’il est une chose que nous avons apprise, c’est que ce trouble peut se déclarer soudainement, au bout de plusieurs années. Nous souhaitions aussi que le programme soit aussi fluide que possible, afin que les clients puissent quitter ce parcours, pour s’engager sur une autre voie devant les mener à se sentir mieux, et ce, sans avoir à se préoccuper de leur situation financière.

Si nous pouvons leur obtenir 90 p. 100 de leur solde avant la libération, c’est déjà un bon coup de main. Nous sommes ainsi en mesure de leur offrir une situation qui ne contribue pas à accroître leur niveau d’anxiété parce qu’ils s’inquiètent au sujet de leur hypothèque, de leur loyer ou de leur famille. Ils peuvent alors se concentrer sur l’idée d’aller mieux. Une fois qu’ils vont mieux, nous pouvons les ramener sur le marché du travail. Si jamais ils doivent revenir en arrière, le système le permet aussi.

C’était là l’un des principes fondateurs qui a présidé à la conception de notre proposition de programme Pension pour la vie.

Gén Natynczyk : Je me fais l’écho de ce que le ministre vient de déclarer. Lorsque nous nous trouvions à Edmonton, la semaine dernière, et que nous tenions des séances de discussion ouverte au mess de la base, je me suis rappelé de l’époque où je me trouvais en uniforme, dans ce même mess, il y a quelques années. Environ 30 militaires faisaient partie du centre intégré de soutien du personnel, dans l’Unité interarmées de soutien du personnel. J’ai demandé à chacun de ceux qui étaient atteints d’une maladie mentale : « Combien parmi vous se sont présentés au centre de leur plein gré? » La réponse : aucun. C’étaient leurs proches et leurs compagnons d’armes qui les avaient encouragés à venir consulter.

Il est difficile d’aborder cette question en termes absolus, parce que chaque personne est unique. Les lignes de tendance indiquent que les gens se présentent de plus en plus. C’est pourquoi il est si important de tenir une campagne de sensibilisation dans la société. Plus tôt les personnes touchées viendront se présenter pour obtenir de l’aide, et plus tôt elles recevront un traitement. Plus tôt elles apprendront comment utiliser les mécanismes pour s’adapter à leur nouvelle normalité, et plus tôt nous les verrons retourner dans leur unité ou entreprendre la transition.

La difficulté tient au fait que, pour une raison quelconque, il y a encore de jeunes soldats, comme celui qui a déclaré : « Monsieur, il n’était pas question de me confier à l’un ou l’autre de mes compagnons d’armes, je voulais pouvoir quitter le service la tête haute. » Il est question de cette personne qui fait une crise en plein champ de tir.

Encore une fois, nous avons rencontré la direction dans l’Ouest, et ce sont d’anciens combattants qui ont participé à des missions de combat. Les directeurs sont d’anciens combattants. Ils sont allés sur le champ de tir. Ils comprennent. Je suis sûr que nous allons mettre en place les conditions requises pour que ces personnes se présentent.

Le sénateur Richards : Dans ma province, lors de mes interactions avec les personnes qui vivent avec une maladie mentale, celles-ci me confient que ce qu’elles trouvent le plus difficile, c’est l’isolement ressenti. C’est pourquoi j’ai posé la question. Bon nombre d’entre elles ont peur de se faire connaître, et essaient plutôt de donner le change. Elles se mentent à elles-mêmes.

Avec les anciens combattants, ce doit être horrible, surtout s’ils ont été exposés à des situations à l’étranger qui sont la source de souvenirs impossibles à effacer.

Le sénateur McIntyre : En complément de l’intéressante question du sénateur Richards sur le trouble de stress post-traumatique et la douleur chronique.

Une question qui m’amène à l’usage du cannabis par les anciens combattants à des fins médicales. Je comprends qu’Anciens Combattants Canada a indiqué que des recherches additionnelles devaient être réalisées dans ce domaine.

Quels sont les plus récents développements dans le domaine de la recherche sur l’utilisation du cannabis à des fins médicales par les anciens combattants, plus particulièrement dans le traitement du trouble de stress post-traumatique et de la douleur chronique?

Gén Natynczyk : Nous collaborons très étroitement avec les Forces armées canadiennes et Santé Canada pour faire progresser ces travaux de recherche.

Nous travaillons aussi avec des partenaires, dans ce cas, avec les Instituts de recherche en santé du Canada et l’Institut canadien de recherche sur la santé des militaires et des vétérans, ce qui réunit les facultés de médecine de toutes les universités du pays pour réaliser cette recherche.

Nous travaillons de concert avec eux et reconnaissons que Santé Canada a une longueur d’avance en ce qui a trait à l’utilisation du cannabis à des fins médicales, de manière générale.

Il faut se rappeler comment cette utilisation a commencé il y a quelques années. Ce furent en effet les tribunaux qui nous ordonnèrent d’être en mesure de fournir du cannabis pour raisons médicales aux anciens combattants. Je pense que vous êtes au courant de l’évolution qui s’en est suivie. Nous nous efforçons de nous rattraper à cet égard, encore une fois, en travaillant avec des chercheurs des quatre coins du pays, et nous sommes très impatients de prendre connaissance de leurs conclusions.

[Français]

Le président : Avant de passer à la seconde ronde de questions, j’aimerais vous poser deux questions, monsieur le ministre; j’espère que vous pourrez me donner des réponses. Le gouvernement du Canada a créé le Livre du Souvenir de la guerre de 1812. Celui-ci contient les noms de plus de 1 600 Canadiens, soldats et alliés des Premières Nations qui ont perdu la vie au cours de la guerre de 1812. Il semble que le livre soit maintenant complet. J’ai d’ailleurs posé la question au représentant du gouvernement au Sénat, le sénateur Harder, et on m’a répondu que le livre n’a pas encore été placé sur l’autel qui serait prêt à le recevoir, à la Chapelle du Souvenir dans la tour de la Paix. J’ai posé la question au Sénat à plusieurs reprises afin de savoir à quel moment ce Livre du Souvenir, qui honore la mémoire des disparus de la guerre de 1812, serait placé à la Chapelle du Souvenir dans la tour de la Paix. Je ne peux pas vous dire que j’ai obtenu une réponse satisfaisante, alors je crois que vous êtes peut-être la personne tout indiquée pour régler cette question.

À quel moment la présentation de ce livre pourra-t-elle se faire à la Chapelle du Souvenir dans la tour de la Paix, puisqu’on me dit que le livre est maintenant prêt?

[Traduction]

M. O’Regan : Monsieur le président, je ne suis pas en mesure de vous répondre sur-le-champ. En revanche, je peux vous promettre que nous vous ferons parvenir une réponse très rapidement.

Je suis en train d’improviser, et je ne suis pas censé le faire.

[Français]

Le président : Vous avez le droit de vous exprimer de façon franche. Sentez-vous bien à l’aise, car nous sommes ici entre amis.

[Traduction]

M. O’Regan : L’édifice du Centre fera l’objet de travaux de rénovation majeurs, de sorte que, pour ce qui est de la présentation au grand public, cela devra attendre; mais votre remarque au sujet du livre est essentielle, à moins que vous ne sachiez quelque chose à ce sujet?

[Français]

Gén Natynczyk : Je n’ai pas d’information à ce sujet.

[Traduction]

M. O’Regan : Nous allons vous revenir là-dessus, monsieur, et dans les plus brefs délais.

[Français]

Le président : Merci beaucoup.

Ma deuxième question, je l’ai également posée au représentant du gouvernement au Sénat. Votre gouvernement avait déclaré qu’il entendait procéder à la construction d’un monument en l’honneur des militaires canadiens qui ont servi en Afghanistan. Ce projet ne semble pas avoir évolué depuis son annonce. D’ailleurs, le gouvernement précédent avait annoncé la construction d’un monument en l’honneur des militaires canadiens qui ont reçu la Croix de Victoria, soit la plus haute distinction décernée pour un acte de bravoure. Toutefois, rien n’a été prévu jusqu’à présent. Quelles sont les raisons de ces retards dans le cadre de ces deux projets? Comment peut-on expliquer ces retards et pourquoi votre ministère n’a-t-il pas voulu aller de l’avant avec ces projets qui ont été annoncés en 2015?

[Traduction]

M. O’Regan : Je sais que nous avons travaillé étroitement avec la Commission de la capitale nationale sur cette question. Je peux vous obtenir l’état de la situation, monsieur le président, et je le répète, dans les plus brefs délais, à moins que vous n’ayez quelque chose à ajouter.

Gén Natynczyk : Exactement. Comme le ministre vient de le dire, nous avons constitué un Groupe consultatif sur la commémoration des anciens combattants. Le groupe nous a formulé des recommandations lors du dernier grand sommet.

Nous nous sommes adressés à tous les anciens combattants, et nous leur avons demandé : « Quelles sont vos suggestions quant à l’endroit qui devrait être choisi pour le monument? » Et ils nous ont fourni diverses réponses. Maintenant, nous travaillons avec la Commission de la capitale nationale et avec Patrimoine canadien, parce que nous ne sommes pas les seuls responsables de la décision quant à l’emplacement, afin que tout le monde soit satisfait, tant les anciens combattants que la CCN.

[Français]

Le président : Merci beaucoup, messieurs.

Nous allons maintenant passer à la deuxième ronde de questions.

[Traduction]

La sénatrice Wallin : J’ignore la réponse, aussi je vais vous poser la question. Si on tient compte de tous les nouveaux plans et de la date du 1er avril, est-ce que vous envisagez de demander l’avis de l’ombudsman des FAC et du ministère de la Défense nationale, et de l’ombudsman des vétérans, à savoir s’il ne devrait y avoir qu’un seul ombudsman? Il faudrait fusionner la fonction de l’ombudsman de chacun de ces bureaux étant donné que ce sont eux qui se retrouvent avec la question de la transition? Est-ce que l’on a déjà envisagé cette possibilité?

M. O’Regan : Ce n’est pas une chose que j’ai envisagée, personnellement, non.

Gén Natynczyk : Je n’en ai pas la moindre idée.

Le sénateur McIntyre : A-t-on fait des progrès depuis l’année dernière pour ce qui est du transfert des dossiers médicaux entre les Forces armées canadiennes et Anciens Combattants Canada?

M. O’Regan : Oui, nous avons fait quelques progrès.

Gén Natynczyk : En effet, nous avons fait des progrès sur le plan de l’accélération du transfert. La difficulté tient, comme toujours, à la protection de la vie privée, et au retrait des dossiers de tous les renseignements relatifs à un tiers.

Sous l’autorité du ministre, nous travaillons avec les Forces armées canadiennes. Nous avons d’ailleurs détaché quelques personnes auprès des Forces armées canadiennes afin de leur prêter main-forte au chapitre des prélèvements, qui présentent des difficultés certaines, ainsi que relativement à la manière dont nous prenons nos décisions afin de nous assurer que notre approche va au-delà des dossiers médicaux.

Je vais prendre la santé mentale pour exemple. Si une personne reçoit un diagnostic, et si nous savons qu’elle a déjà reçu certains services, nous pouvons accélérer la prise de décision.

Je dirais que le principal obstacle à l’heure actuelle est encore la protection des renseignements personnels. Nous pouvons numériser le reste. Mais, il faut d’abord prélever tous les renseignements de tiers avant d’entamer le processus de décision.

M. O’Regan : Une partie de ce travail pourrait exiger un processus plus officiel, sénateur. Peut-être que plus tard nous aurons besoin de votre aide à ce sujet.

Permettez-moi d’ajouter que le sentiment d’urgence ne nous a pas échappé. L’un des facteurs les plus aggravants pour les anciens combattants, lorsqu’ils se confient à nous s’entend, est d’avoir à remplir tous ces papiers, à consulter de nouveaux médecins et à prouver leurs blessures encore une fois. Nous les entendons clairement.

Le sénateur McIntyre : C’est totalement ahurissant.

M. O’Regan : Absolument, et nous sommes impatients.

Gén Natynczyk : Nous travaillons étroitement avec le médecin général afin d’établir à quel moment le diagnostic est établi.

L’un des problèmes dans les Forces armées canadiennes tient au fait que lorsqu’un médecin ou un professionnel de la santé traite un militaire de la marine ou de la force aérienne, son principal objectif est de ramener cette personne en service. Même si le diagnostic est très important, la question est plutôt dans combien de temps allons-nous pouvoir ramener cette personne dans son bataillon, sur son navire ou dans son escadron pour qu’elle reprenne du service?

Dans certains cas, il n’y a même pas de diagnostic. Par exemple, le genou est enflé, plutôt que nous constatons une déchirure du ménisque ou quelque chose d’autre. Ce qui se passe souvent, c’est que bon nombre de ces blessures finissent par s’additionner jusqu’au moment de la libération du militaire. Et c’est alors que l’on constate, en consultant les documents, qu’aucun diagnostic n’a été posé.

Les anciens combattants croient qu’il y a eu un diagnostic, parce qu’ils pensent qu’il s’est passé quelque chose, mais en réalité, le dossier n’indique pas ce qui s’est réellement passé.

En réponse à votre question, nous avons demandé au médecin général et à toute son équipe de participer à l’exercice. En passant, l’agente médicale nationale du ministre se trouve juste à côté du médecin général, au campus Carling. Nous essayons d’être aussi intégrés que possible, afin qu’ils comprennent notre point de vue et le fait que nous devons connaître ces renseignements le plus rapidement possible pour accélérer le processus de décision.

Le sénateur McIntyre : Ma prochaine question porte sur la santé mentale, et plus particulièrement sur le Centre d’excellence sur la santé mentale. Je trouve que la création d’un tel centre est une excellente idée.

Quels progrès ont été réalisés au chapitre de la création du centre?

M. O’Regan : C’est une affaire à suivre. Nous devrions pouvoir faire une annonce dans les prochains mois. L’idée est que le centre comporterait un élément virtuel qui permettrait de servir les médecins et le personnel de première ligne de partout au pays.

Nous avons énormément appris. Nous échangeons des renseignements lorsque nous le pouvons avec Anciens Combattants Canada chez nos voisins du Sud ainsi qu’avec nos autres alliés, heureusement et malheureusement. Je dis « malheureusement », parce que, de toute évidence, le besoin existe. Nous avons développé un certain niveau d’expertise. Et plus nous pourrons diffuser cette expertise, échanger et faire progresser les travaux de recherche, et mieux ce sera.

Le sénateur McIntyre : Quelles seront les priorités de ces centres une fois qu’ils seront opérationnels? Quelles seront d’après vous les priorités des travaux de recherche?

M. O’Regan : Pour ce qui est des priorités de recherche, je laisse le soin aux chercheurs d’en décider. La seule indication que je puisse donner est celle-ci : nous voulons que les malades guérissent. Nous aimerions qu’ils réintègrent la société dans la mesure du possible, et avec un peu de chance, en tant que membres de la population active.

Gén Natynczyk : Ce que nous essayons de faire, à l’avenir, c’est de tirer des enseignements de nos alliés américains. Ils ont mis sur pied de nombreux centres d’excellence, et ils en ont d’ailleurs un sur la santé mentale.

Comme le ministre vient de le dire, nous affichons l’un des bilans les plus complets en matière de traitement. Avec le ministère, nous comptons 10 cliniques pour traumatismes liés au stress opérationnel ou cliniques TSO, une clinique en résidence et neuf cliniques externes. Nos anciens combattants peuvent se rendre dans les centres de soutien pour trauma et stress opérationnels ou CSTSO des Forces armées canadiennes.

De plus, pour revenir à la question du sénateur Richards, nous avons accès à 4 000 spécialistes de la santé mentale, d’un bout à l’autre du pays. Certains anciens combattants vivent dans l’arrière-pays et se sentent isolés.

Le ministre a parlé de l’aspect virtuel de ces centres. L’une des difficultés ou l’une des clés de la réussite est la suivante : comment élever le niveau de participation pour toutes les parties intéressées? Comment faire en sorte de travailler en fonction de normes d’excellence ou à l’aide des techniques les plus récentes pour tout le monde, aux quatre coins du pays?

Voici l’occasion de nous assurer d’utiliser des recherches de calibre mondial et de tirer des enseignements qui profitent à l’ensemble du réseau.

Étant donné que nous n’offrons pas de soins de santé primaire ou de soins de santé mentale et que nous travaillons en partenariat avec les provinces et les organismes, le deuxième effet est que la qualité de la participation de toutes les parties intéressées s’améliore.

La sénatrice Boniface : Ce ne sera probablement pas une question à laquelle il sera facile de répondre, mais j’aimerais connaître l’évolution de la situation des anciens combattants au cours des 30 dernières années. Qu’avez-vous constaté sur le plan des besoins, et sur la manière dont ceux-ci ont évolué?

M. O’Regan : Je pense que M. Natynczyk est mieux placé que moi pour répondre à cette question. D’après ma propre expérience, l’une des choses importantes que nous avons constatées, c’est la croissance des besoins en matière de services en santé mentale, parce qu’aujourd’hui les gens sont davantage susceptibles de repérer ces besoins, ce qui est une bonne chose.

La sénatrice Boniface : Absolument.

M. O’Regan : Les anciens combattants qui reviennent de la guerre en Afghanistan sont différents de ceux que nous avons vus auparavant. Ils deviennent d’anciens combattants à une époque où il est possible de parler de santé mentale, ou en tout cas, où il est de plus en plus possible de le faire.

La culture militaire est toujours une culture très différente. Je vous recommande fortement de ne pas passer trop de temps sur Facebook sur l’une ou l’autre de ces questions; mais si vous le faites, vous y glanerez pas mal de connaissances sur le sujet. Malheureusement, ce ne sont pas toujours des renseignements exacts, mais la demande est là, et c’est émouvant. Nous essayons de nous tenir à jour et bien renseignés.

J’aimerais ajouter que lorsque les anciens combattants, ou en fait n’importe qui, en arrivent au point où ils sont prêts à admettre qu’ils ont un problème et qu’ils doivent trouver un remède à leur souffrance ou à leur maladie, il faut que nous soyons prêts à les aider immédiatement. Il est important de leur donner accès aux soins au moment où ils admettent en avoir besoin.

Gén Natynczyk : J’aimerais renchérir sur ce que le ministre vient de dire. À mon sens, la grande leçon à tirer de tout cela est que la stigmatisation a empêché les anciens combattants de la Seconde Guerre mondiale, de la guerre de Corée, de la crise du canal de Suez, de la guerre du Congo, de la mission à Chypre et de la guerre du Golfe de se présenter en temps opportun pour faire l’objet d’un triage, recevoir un diagnostic et être traités pour pouvoir s’adapter.

Beaucoup de familles ont vécu d’énormes difficultés pendant des décennies. Il reste encore d’anciens combattants de la Seconde Guerre mondiale et de la guerre de Corée, des octogénaires, des septuagénaires, des sexagénaires et des cinquantenaires, qui viennent se présenter, pour la toute première fois, et ce, même si les expériences qu’ils ont vécues remontent à des décennies auparavant.

Pour revenir à la question du sénateur Richards, les anciens combattants qui ont forgé une excuse ont répondu d’une certaine manière afin d’éviter d’avoir à subir le triage et de recevoir un diagnostic. C’est le premier point.

Le deuxième est le suivant, et il est toujours intéressant de le mentionner, lorsque le pays est entré en guerre, pour la Première Guerre mondiale et la Seconde Guerre mondiale, les anciens combattants d’alors étaient dans la vingtaine ou à la fin de l’adolescence. Ils sont partis au combat, et revenus dans leurs foyers en représentant toute une tranche de la population.

De ce fait, le ministère leur a fourni de l’aide à mesure qu’ils prenaient de l’âge, et les a accompagnés jusqu’aux soins palliatifs. Contrairement à ces groupes qui ont servi entre les deux guerres, et depuis la guerre de Corée, beaucoup ont été des militaires de carrière, dans la marine, l’armée de terre et la force aérienne. Au moment de la libération, ils sont âgés en moyenne de 37 ans. La durée moyenne d’une carrière est de 20 ans, comparativement à ceux qui se sont engagés, sont partis au combat, ont vécu des expériences très intenses, puis sont rentrés à la maison.

Nous avons envoyé 41 000 militaires de la marine, de l’armée de terre et de la force aérienne en Afghanistan. Nous devons leur fournir l’aide nécessaire à leur bien-être afin qu’ils puissent se rétablir. Nous nous préoccupons d’un grand nombre de sous-officiers et officiers supérieurs qui ont participé à cette mission. Certains sont allés en Bosnie. D’autres ont servi au Rwanda. Et d’autres encore, en Somalie. Nous avons besoin des compétences et de la souplesse inhérentes à tous ces programmes pour répondre aux besoins de ces populations différentes. C’est ce qui nous amène au commentaire au sujet de la complexité de nos programmes.

Chaque homme et chaque femme qui ont joint les rangs des Forces armées canadiennes sont des êtres uniques. Les services qu’ils ont rendus aussi sont uniques. Mais ces services les ont changés. Ils quittent les Forces en tant qu’individus uniques, et nous devons nous doter de la souplesse requise pour adapter l’aide à leur bien-être afin d’obtenir les résultats escomptés.

M. O’Regan : Je ne veux aucunement enlever quoi que ce soit aux commentaires que vous avez pu lire sur Facebook, et ainsi de suite. Auparavant, d’anciens combattants qui, compte tenu de la stigmatisation ou parce que, en tant que société, nous n’avions pas abordé publiquement ces enjeux, s’étaient résignés à leur sort.

L’intensité des émotions et le sentiment d’urgence que l’on peut lire, aussi pénibles soient-ils, sont bien réels parce que ces personnes savent qu’elles peuvent aller mieux. En effet, dans 80 p. 100 des cas, le traitement peut les aider. Vous pouvez comprendre à quel point, à certains moments, ces gens désespèrent d’aller mieux et de demander de l’aide. D’une certaine manière, c’est déchirant, mais aussi très réel. Cela n’enlève rien à ce qu’ils confient.

En ce qui concerne le dernier point indiqué par M. Natynczyk, quelque chose m’a frappé lorsque nous sommes allés à Gagetown, il y a trois semaines. Je suis ici, en train de vous parler du programme Pension pour la vie. Et je suis fermement convaincu qu’il s’agit de la meilleure approche possible.

Mais je n’arrivais pas à comprendre pourquoi d’anciens combattants plus jeunes préféraient les prestations offertes au titre de la Loi sur les pensions de 1919. C’est parce qu’elle est simple. Qu’elle est facile à comprendre. Je leur ai dit qu’en tant que politicien, il serait beaucoup plus facile pour moi de venir leur parler de la Loi sur les pensions de 1919. Les services étaient disponibles. On pouvait opter pour A, B ou C, et le tour était joué.

Nous comprenons maintenant à quel point les enjeux sont complexes. Nous avons la possibilité d’arriver avec des solutions complexes et efficaces, mais pour cela, il faut passer par un récit complexe. Cela me rend les choses difficiles, par exemple, lorsque nous tenons des séances de discussion ouverte de 20 minutes avec une présentation PowerPoint afin de nous assurer que chacun des anciens combattants présents comprend dans quelle mesure il sera touché, et que les choses vont s’arranger.

Nous avons constaté que le meilleur moyen d’y parvenir est de tenir des séances de discussion ouverte. Nous livrons toute l’information, nous passons en revue le programme, et nous les aidons à comprendre le principe des solutions complexes à des problèmes complexes. Par conséquent, c’est une histoire complexe à raconter.

J’ai oublié de mentionner dans ma déclaration préliminaire ce que M. Natynczyk m’a confié juste avant le début de l’audience. Nous serions heureux de présenter à tous les membres du comité une séance d’information complète sur le programme Pension pour la vie ou sur toute autre question afin que vous puissiez, vous aussi, en tant que sénateurs et membres de ce comité, propager la bonne nouvelle. Il est vrai que cela nécessite une certaine révision structurée. Ce n’est pas facile, mais Dieu merci, c’est efficace.

[Français]

Le président : Avant de passer la parole au sénateur McIntyre, je me réserve le droit de poser deux petites questions.

Monsieur le ministre, il y a eu tout de même un arriéré important au sein de votre ministère en ce qui concerne les prestations d’invalidité. Corrigez-moi si je me trompe, mais cela s’est aggravé depuis 2017. Dans le budget de 2018, quelle proportion du financement sera consacrée au traitement de l’arriéré des demandes de prestation d’invalidité? Et, selon vous, est-ce que l’élimination de cet arriéré prendra beaucoup de temps? C’est une question qui demande de la précision. Avez-vous évalué le temps qu’il faudra pour corriger la situation?

[Traduction]

M. O’Regan : Monsieur le président, comme vous le savez, un montant de 42,8 millions de dollars a été réservé dans le budget en vue du traitement de l’arriéré de demandes afin d’améliorer les services.

Je pense que ce qui suit est important, pour le compte rendu. Le président national de la Légion royale canadienne, Dave Flannigan, a déclaré que les investissements indiqués constituaient un pas dans la bonne direction. Quant au président du syndicat des employés des Anciens Combattants, Carl Gannon Jr., il a fait savoir qu’il était plus que satisfait du montant de 42,8 millions de dollars sur deux ans accordé pour rebâtir la capacité en matière de prestation de services.

Nous devons faire mieux. J’ajouterais à titre d’explication que l’arriéré s’est accru considérablement. Ce n’est pas quelque chose de nouveau. C’est une situation connue. Nous sommes en train d’essayer d’opérer un changement de culture à Anciens Combattants Canada.

On veut passer d’une culture d’« attraction » à une culture d’« incitation ». Autrement dit, plutôt que de laisser aux anciens combattants le soin de déterminer à quels programmes et services ils sont admissibles, nous assumons la responsabilité de leur fournir tous les renseignements possibles au sujet de ce à quoi ils ont droit.

Cette approche peut nécessiter un peu plus de temps, mais l’un des bons côtés des médias sociaux, c’est que l’on entend dire que les choses bougent plus rapidement et que l’on accorde le bénéfice du doute.

Deux jours après mon assermentation, M. Natynczyk et moi avons pris l’avion en direction de Charlottetown où nous avons rassemblé tous les employés d’ACC qui étaient sur place un vendredi. Il y en avait beaucoup dans l’atrium. Je me suis adressé à eux et à tous les autres disséminés aux quatre coins du pays grâce à Internet. Le message que je voulais leur livrer est celui-ci : accordez le bénéfice du doute à la personne qui appelle.

Cela peut sembler banal. Mais je ne veux pas que cela semble banal. Cependant, si le client vous dit qu’il a besoin d’une barre d’appui pour la baignoire, et que vous êtes censé remplir un formulaire pour commander cette barre, ou vous adresser à un palier supérieur pour l’obtenir, et bien donnez-leur cette barre d’appui pour la baignoire. Je vais me lever à la Chambre des communes, et je me ferai le défenseur de l’octroi de cette barre d’appui pour la baignoire.

Commençons à changer cette culture. D’ailleurs, elle a commencé à changer, c’est pourquoi depuis quelques années, la demande a augmenté de façon exponentielle.

Nous espérons que cette somme de 42 millions de dollars nous aidera à freiner la tendance. Nous avions commencé à prendre de l’avance. Mais parce que nous avions commencé à prendre de l’avance, nous nous retrouvons aujourd’hui avec un peu d’arriérés, et nous souhaitons aujourd’hui rattraper ce retard.

[Français]

Gén Natynczyk : Nous faisons face à un défi.

[Traduction]

Ce n’est qu’il y a deux ans seulement que nous avons obtenu les ressources additionnelles pour nous attaquer au processus de décision. Le problème consiste à essayer de prévoir quelle sera la tendance à l'avenir.

Après avoir reçu de l’aide dans le cadre du budget de 2016, nous avons vu le nombre de demandes s’additionner encore plus en raison de la popularité d’un grand nombre de nos programmes. Et c’est ainsi que d’autres demandes sont venues s’ajouter.

Comme le ministre vient de le mentionner, ce n’est pas qu’une simple question de capacité. L’un des aspects du problème tient à la culture organisationnelle. En effet, il faut changer la culture afin de faire preuve d’une plus grande compassion à l’égard des nouvelles demandes, des processus de rationalisation. Il faut déléguer davantage de pouvoirs afin de favoriser la prise de décision, et il faut aussi regrouper les prestations de sorte que si un client obtient une indemnité d’invalidité pour certains aspects, nous sachions que les choses vont automatiquement se mettre en place.

L’autre aspect concerne une approche d’« attraction » plutôt qu’une approche d’« incitation ». Nous offrons gentiment un plus large éventail de prestations afin que les anciens combattants comprennent bien à quelles indemnités ils sont admissibles, mais tout le processus nous confère une plus grande capacité.

Toute la difficulté consiste à prévoir le nombre de demandes auxquelles nous devrons répondre à l'avenir, et dans un contexte de rattrapage.

M. O’Regan : Le sentiment d’urgence ne nous échappe pas. Chaque fois que nous participons à l’une de ces séances de discussion ouverte, quelqu’un exprime ses besoins d’un service ou d’une indemnité. Ces personnes attendent depuis des mois, et depuis beaucoup plus longtemps qu’elles ne le devraient. Elles prennent le microphone, et nous mettent la pression.

[Français]

Le président : Ma question concerne les anciens combattants. Le Parti libéral a promis d’examiner les outils de conversion des compétences militaires, ce qui permettrait de jumeler l’expérience militaire et des compétences spécialisées à des emplois civils. Le 12 février, CBC rapportait que le gouvernement avait abandonné sa proposition. Votre gouvernement avait promis d’examiner l’utilisation de ces outils de conversion de la compétence militaire à la compétence civile. Avez-vous réellement abandonné cette promesse ou envisagez-vous toujours d’y donner suite?

[Traduction]

M. O’Regan : Comme vous l’avez dit, un emploi rémunérateur, et je suis fermement convaincu que la satisfaction liée au milieu de travail et le sentiment d’être utile peuvent contribuer à faciliter la vie d’un ancien combattant et de sa famille pendant la transition entre la vie militaire et la vie civile. Nous avons engagé la somme de 74,1 millions de dollars pour améliorer le programme de Services de réorientation professionnelle afin que les anciens combattants et leurs conjoints qui ont été récemment libérés des FAC puissent trouver le travail qui leur convient après le service militaire.

Un processus ouvert et transparent a été tenu pour trouver l’organisation susceptible de fournir des conseillers d’orientation professionnelle qui connaissent bien la culture militaire, le soutien à la formation en recherche d’emploi et l’aide à la recherche d’emploi. Nous sommes déterminés à appuyer ce processus.

Gén Natynczyk : J’aimerais ajouter que depuis quelques années, nous travaillons avec un organisme sans but lucratif appelé La Compagnie Canada. L’organisme en question a mis sur pied les services de réorientation professionnelle pour les militaires. Des employés du ministère ont travaillé en étroite collaboration avec les Forces armées canadiennes en vue de réaliser la conversion des compétences.

À la suite du processus concurrentiel visant à retenir les services de conseillers d’orientation professionnelle que le ministre vient de mentionner, une entreprise appelée Agelic s’est vu accorder cette responsabilité. Par conséquent, tout le travail qui était accompli par les Services de réorientation professionnelle pour les militaires est transféré de manière très coopérative. Tout le travail que nos équipes réunies accomplissent ensemble sera concentré sur l’outil de conversion des compétences afin que nous puissions en bénéficier. Agelic prend la relève à la fin d’avril.

M. O’Regan : Plutôt que de nous contenter d’aider les militaires dans la rédaction de curriculum vitae et dans d’autres tâches similaires, nous nous retrouvons aujourd’hui en position de travailler avec des sociétés, des entreprises de partout au pays qui montrent leur intérêt à les aider à trouver du travail, à convertir leur expérience et leurs compétences dans la vie civile, d’une manière significative, et encore plus important, à leur trouver des emplois auprès d’employeurs qui valorisent leur travail.

Le sénateur McIntyre : J’aurais une dernière question concernant les gestionnaires de cas. Si j’ai bien compris, les données de 2017 montrent que la moyenne nationale est de 31 anciens combattants par gestionnaire de cas, mais que dans certaines régions, le nombre de cas peut atteindre 36 ou même 44 anciens combattants par gestionnaire. Évidemment, le but est de recruter davantage de gestionnaires de cas pour atteindre un ratio maximum de 25 anciens combattants par gestionnaire de cas.

À quel moment espérez-vous atteindre l’objectif d’un nombre maximum de 25 clients par gestionnaire de cas?

M. O’Regan : Il serait juste de dire que je serais ravi de vous donner une réponse claire et définitive. Mais c’est impossible. Nous avons parlé un peu plus tôt d’un élément qui est difficilement pris en compte. Lorsque l’on améliore les services, on se retrouve aux prises avec une hausse de la demande. De toute évidence, c’est un faux problème. Je ne veux pas dire que nous sommes pénalisés. Au contraire, cela signifie que nous aidons davantage de gens, ce qui est une bonne chose.

Mais il s’avère difficile de suivre le rythme, et ce n’est pas une science exacte. Notre objectif déclaré est de 25 anciens combattants pour 1 gestionnaire de cas, et c’est l’idéal à atteindre.

Mais nous ne faisons pas que recruter d’autres gestionnaires de cas. En effet, nous travaillons aussi à inciter les clients à faire un plus grand usage de Mon dossier ACC, et à s’inscrire en ligne pour effectuer un plus grand nombre de tâches rudimentaires. Je n’essaie pas de dire que ces tâches devraient être automatisées. Bon nombre de ces services doivent être dispensés avec beaucoup de doigté et de compétence. Mais pour certains aspects plus rudimentaires, nous pouvons avoir recours à Mon dossier ACC.

Aussi, le grand avantage à en retirer, comme l’ont constaté bon nombre d’anciens combattants, c’est le dépôt direct. Lorsqu’ils sont admissibles à recevoir des indemnités, les clients ont constaté que le versement de ces indemnités s’effectue beaucoup plus rapidement.

Gén Natynczyk : Si seulement nous avions avec nous tous ces employés de première ligne d’hier.

Comme vient de le dire le ministre, lorsque nous avons effectué nos prévisions, il y a quelques années, sur les ratios, nous nous attendions à avoir, d’ici 2020, un peu moins de 10 000 cas d’anciens combattants à gérer. Et nous voici, en 2018, avec près de 13 000 cas d’anciens combattants, ce qui est une indication du nombre additionnel de demandes qui sont entrées et du nombre d’anciens combattants qui quittent les Forces armées canadiennes en ayant des besoins complexes à satisfaire. Je le répète, nous sommes en mode rattrapage.

Je dirais aussi que nous engageons des gestionnaires de cas additionnels. Encore une fois, tout en tenant compte du marché du travail et de la disponibilité de travailleurs sociaux et de gestionnaires de cas un peu partout au pays, nous sommes toujours à la recherche des bonnes personnes, c’est-à-dire de celles qui possèdent l’expérience requise pour fournir ces services.

Il ne s’agit pas seulement de gestionnaires de cas. Nous avons d’excellents employés qui agissent à titre d’agents du service des anciens combattants et qui règlent bon nombre de problèmes eux aussi. Nous sommes à la recherche de personnes de ce genre. Nous recherchons des ergothérapeutes et des infirmières. Pour chacun de ces anciens combattants présentant des besoins complexes, nous faisons appel au travail d’équipe pour leur venir en aide.

À Edmonton, la semaine dernière, nous avons vu quelques gestionnaires de cas qui ont un nombre plus élevé de dossiers à traiter. Il y en a aussi qui ont moins de 20 dossiers. Nous tentons d’établir un équilibre à mesure que de nouveaux employés arrivent et prennent des dossiers. Nous nous rendons dans les collèges afin de voir s’il n’y aurait pas moyen de recruter des employés directement sur place, pourvu qu’ils possèdent une expérience pertinente.

Je veux seulement dire que nous mettons tout en œuvre, non seulement pour le recrutement de gestionnaires de cas, mais aussi d’agents du service, d’infirmières et d’ergothérapeutes.

M. O’Regan : Selon l’expérience et les compétences de ces recrues, M. Natynczyk en envoie quelques-unes au camp d’entraînement.

Gén Natynczyk : C’est une autre chose. C’est vraiment grâce aux travaux réalisés par ce comité et par bon nombre de vos collègues que nous nous attachons à leur fournir la formation pertinente. Nous avons créé une école, non seulement à Charlottetown, mais aussi une école mobile qui se déplace d’un bout à l’autre du pays. Ainsi, après leur embauche, les employés suivent un programme de formation.

Ce programme s’est révélé tellement positif que nous sommes en train de réaliser que les générations que nous avons recrutées dans le passé possèdent moins de connaissances que celles que nous venons tout juste d’engager. Nous avons également décidé de mettre sur pied un programme de recyclage pour ceux qui travaillent chez nous depuis quelques années afin qu’ils développent les mêmes compétences dans les différents groupes et niveaux, et de normaliser les connaissances d’un bout à l’autre du pays.

Le sénateur McIntyre : Si j’ai bien compris, il reste encore des défis à relever, aussi vous aurez besoin de prendre des mesures à court et à moyen terme pour atteindre ce ratio de 25?

M. O’Regan : C’est exact.

La sénatrice Wallin : Pour la majorité des hommes et des femmes qui ont servi leur pays, et qui quittent le service, et je ne veux pas parler des blessés et des malades, j’aimerais aborder d’autres questions. Il ne s’agit pas d’effectuer la transition vers un retour à la vie civile. Il s’agit bien d’une transition vers la vie civile. De fait, ils n’ont jamais fait partie de la population civile. Ils ont joint les rangs des forces armées lorsqu’ils n’étaient âgés que de 17 ou 18 ans.

Lorsque vous avez transféré ce programme à Agelic, quel mandat leur avez-vous confié exactement? Je vois la partie traduction, parce que le secteur privé ne comprend pas le jargon, les termes et les acronymes qu’utilisent les militaires, et inversement.

Est-ce que cela fait partie de leur mandat? Est-ce qu’Agelic agit comme une agence de recrutement? C’est l’un de mes dadas. Pourriez-vous m’expliquer comment l’entreprise va fonctionner?

Gén Natynczyk : Je dirais qu’elle va s’occuper d’éléments fondamentaux comme l’orientation professionnelle, et ce genre de choses. Mais elle devra aussi s’occuper de l’encadrement et du placement. Le mandat comprend toute la gamme des services, des tâches rudimentaires comme la réalisation d’un curriculum vitae, jusqu’à l’accompagnement professionnel pour les diverses entrevues, et ainsi de suite. Et aussi, elle va s’occuper, comme le mentionnait le ministre, de faire le pont entre des sociétés et les anciens combattants qui ont besoin d’une aide additionnelle.

La sénatrice Wallin : C’est à cela que je voulais en venir. J’ai suivi quelques-uns de ces programmes aux États-Unis. Et il faut aussi offrir de la formation aux entreprises.

M. O’Regan : C’est exact. Lors du Sommet des carrières, pendant les Jeux Invictus, nous avons rencontré un certain nombre de sociétés. J’essayais d’en dresser la liste complète. L’événement était commandité par Barrick Gold Corp. Je ne voulais pas en choisir un trop grand nombre, mais plusieurs entreprises du calibre de celles de Bay Street se sont présentées. Ces dernières recrutent d’anciens combattants afin de contribuer à la conversion de ces services, de sorte qu’en bout de ligne, il y avait des participants à l’événement.

C’est extraordinairement inspirant. On constate beaucoup de bonne volonté, et cela va en s’accentuant.

Gén Natynczyk : Le ministre a appuyé la création de l’Unité d’embauche des vétérans dans la fonction publique.

À l’administration centrale, à Charlottetown, un capitaine de vaisseau de la Réserve navale collabore avec un sergent-major à la retraite ou ancien sergent-major, et de concert avec la Commission de la fonction publique, ils agissent à titre de ressources et font le pont entre les anciens combattants qui souhaiteraient jouer un rôle dans la fonction publique à l'avenir et Anciens Combattants Canada. Mais, leur rôle ne se limite pas à AAC, il englobe aussi tous les autres ministères un peu partout au pays. Bon nombre souhaitent s’établir à l’extérieur de la région d’Ottawa et travailler pour Service correctionnel Canada, Parcs Canada, et peut-être pour l’Agence du revenu du Canada, et ainsi de suite. Donc, ces personnes font le pont.

La sénatrice Wallin : Qui voudrait travailler à l’Agence du revenu du Canada?

Gén Natynczyk : Nous avons plusieurs exemples de transition très réussie à l’Agence du revenu. Mais c’est bien connu, quand tout va bien, personne n’en parle.

M. O’Regan : C’est un bel exemple de l’égoïsme nécessaire du gouvernement. Nous avons investi dans ces gens. Ils ont beaucoup à offrir. Pourquoi ne pas mettre le paquet pour les retenir?

Le sénateur Richards : Je vais raconter quelque chose qui illustre ce qui attend certaines personnes qui ont eu une longue carrière militaire, et qui parfois ont grimpé assez haut dans la hiérarchie, après leur retour à la vie civile.

Il y a quelques années, je suis allé acheter des cartouches 303 chez Canadian Tire. Je me suis adressé à un vendeur pour avoir de l’aide. Il m’a demandé quel calibre je voulais. J’ai répondu 180 grains. Je l’ai regardé et je lui ai dit : « Vous venez de l’armée. » J’avais raison. Il a commencé à me raconter son histoire, et je lui ai dit qu’il devait être capitaine. « Non, m’a-t-il répondu, j’étais major. »

Il n’y a rien de mal à vendre des cartouches de fusil chez Canadian Tire, mais j’imagine qu’il a dû vivre une certaine déception en se voyant passer de major dans l’armée canadienne à vendeur de cartouches 180 grains chez Canadian Tire.

Est-il resté dans les Forces canadiennes une journée de trop? Quand sa carrière a pris fin, était-il possible pour lui de trouver un meilleur emploi, plus intéressant ou à un échelon plus élevé?

S’agit-il d’un cas d’espèce? Peut-être sa situation est-elle unique, mais j’en doute. Je crois que c’est le sort de beaucoup de vétérans.

M. O’Regan : Je connais un ancien ministre des Finances extrêmement compétent, qui a fait partie du gouvernement de Terre-Neuve-et-Labrador, et qui pendant des années a été préposé à l’accueil chez Home Depot. Il y est peut-être encore. Il adorait son travail, qui lui permettait de vivre près de ses petits-enfants. C’est quelqu’un qui aime les gens et il trouvait son travail très agréable.

Tout dépend de ce qu’une personne a vécu. Vous seriez surpris de voir ce que les gens peuvent trouver valorisant dans un travail.

Le sénateur Richards : Comme je l’ai dit, loin de moi l’idée de discréditer le travail de cet homme. Je me demandais simplement si, quand les militaires quittent les rangs, ils ont vraiment le choix. C’est tout ce que je veux savoir.

M. O’Regan : Je comprends.

Gén Natynczyk : J’irai dans le même sens que le ministre. Chacun s’est engagé avec un bagage différent, avec des personnes différentes. Chacun a servi de manière unique. Peu importe le corps de métier ou le grade, chacun a livré sa propre guerre.

C’est ma philosophie : chacun livre sa propre guerre, et chacun a des besoins qui lui sont propres quand il quitte l’armée.

Si j’ai bien compris ce que vous voulez faire ressortir, il est vrai que les recherches montrent que le sous-emploi et le chômage ont des effets analogues pour les vétérans.

Les recherches indiquent aussi que dans bien des cas, les vétérans acceptent un premier emploi qui ne leur convient pas, mais qui leur permet en quelque sorte d’atterrir et d’avoir un sentiment de sécurité. Il s’opère ensuite une transition culturelle, au cours de laquelle l’organisation devient plus à l’aise avec une personne, qui à son tour apprivoise peu à peu son nouvel environnement civil. Certaines personnes, comme l’illustrait l’exemple du ministre, sont simplement contentes de s’occuper.

J’ai fait le tour de mon propre ministère et j’y ai rencontré plusieurs camarades de combat avec qui j’ai été déployé en Allemagne, à Petawawa et à Gagetown, qui occupent différents postes. Je leur ai demandé s’ils étaient contents. Certains d’entre eux ont un travail nettement en deçà des compétences de leadership que je les ai moi-même vus exercer avec brio dans le passé. Pourtant, ils m’ont répondu : « Monsieur, je suis enchanté. »

C’est simple : nous sommes tous différents.

M. O’Regan : Le principe sous-jacent, ou fondamental, est que tout cela est très complexe et très subjectif. Il est difficile de comprendre ce qui rend une personne heureuse. Si elle arrive à mettre le doigt dessus, nous pouvons l’aider à trouver ce bonheur.

[Français]

Le président : Nous arrivons à la fin de notre réunion. Monsieur le ministre O’Regan, général Natynczyk, je vous remercie de votre générosité, de votre temps et de vos réponses. Monsieur le ministre, je garde en tête votre proposition concernant le cours de préparation à la retraite. Cela peut être une avenue très intéressante qui nous permettrait de comprendre la complexité de la retraite. S’il n’y a pas d’autres questions, ceci met fin à notre séance.

(La séance est levée.)

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